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à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 50 – Janvier/Février 2010

Jérusalem – Devant le Mont des Oliviers

Sommaire:

Editorial : Notre premier jubilé

Les Nabatéens, une civilisation ancienne disparue (3è et dernière partie)

Le musée de la Tour de David

Un scribe écrit un rouleau de la Tora au sommet de Massada

Etude : La Terre d'Israël

Des Palestiniens d'origine juive

On célèbrera un jour de la langue hébraïque à la date anniversaire de la naissance de Ben Yehuda

Une ville au centre du Néguev, tout entourée de désert, à perte de vue

Cinéma: Bodedim, les Esseulés

Une perte de points de repère

Chants du mois : Od Mé' at

Humour en finale: Le mendiant

Editorial notre premier jubilé

J.M.A.

Nous sommes particulièrement heureux de la sortie de ce cinquantième numéro d'Un écho d'Israël. Depuis l'été 2002 où nous avons commencé l'aventure quelque peu audacieuse de lancer un feuillet d'informations sur Israël, alors que nous étions en pleine Intifada et qu'Israël était bien souvent mis au banc des accusés, nous avons parcouru avec vous un chemin passionnant. Très vite notre journal mis sur Internet a connu un succès inattendu. Nous avons essayé durant toutes ces années de vous présenter des faces cachées de ce pays contrasté qu'est Israël. Refusant de réduire une réalité complexe au seul conflit israélo-palestinien, nous vous avons proposé des regards différents, originaux et parfois même décalés.

Pour ce 50ème numéro, voici à nouveau des articles très variés depuis la dernière partie de l'histoire des Nabatéens ou encore la visite du Musée de la Citadelle de David en passant par une étude sur la Terre d'Israël et une autre sur la question délicate de l'origine de certaines familles palestiniennes. Nous vous ferons découvrir Mitzpé Ramon, une ville au cœur du désert. Enfin, comme d’habitude, vous retrouverez quelques nouvelles de ces dernières semaines et bien le chant du mois et l’humour.

Histoire:

Les Nabatéens, une civilisation ancienne disparue (3ème partie)

Sur les « routes des épices»

Loïc Le Méhauté

En Arabie, des voies de commerce (pistes) reliant les oasis entre-elles devinrent le monopole des tribus nomades qui s'en emparèrent peu à peu.

Les caravanes, qui pouvaient compter de 100 à 1000 chameaux (dromadaires), transportaient des pierres précieuses et fines (gemmes), des étoffes, des épices, des aromates (cannelle ... ), des plantes aromatiques, des parfums, de l'encens et de la myrrhe, du qât (plante aux propriétés stupéfiantes). . . en provenance du sud-est de la péninsule d'Arabie dont le Yémen (Arabie Heureuse). L'encens utilisé dans les rituels religieux est une résine aromatique issue du boswalia sacré (de la famille des térébinthacées). Les caravanes transportaient également des bois précieux, de la gomme aromatique et d'autres denrées précieuses comme les perles et les soieries qui étaient acheminées par voies maritimes de l'Inde et de Chine jusqu'en Arabie. En retour ils échangeaient du blé d'Égypte, du verre et des produits manufacturés d'Alexandrie. De la mer Morte ils transportaient l'asphalte (bitume) vers l'Égypte pour l'embaumement des corps et le calfatage des bateaux. Peut-être convoyaient-ils aussi le cuivre des mines de l'Arava ? Leur économie comprenait le commerce des chevaux arabes et leur propre poterie et céramique, uniques dans leurs styles et de très haute qualité. Plusieurs voies utilisées par les Nabatéens traversaient le Sinaï car dans cette région plus de 4000 inscriptions nabatéennes furent découvertes.

Un chameau transportait plus de 200 kg de denrées précieuses pouvant atteindre jusqu'à 10 000 € et plus suivant le chargement. Une caravane représentait une fortune colossale dont il fallait assurer la protection par des gardes armés. Certaines routes étaient secrètement gardées. Au besoin l'itinéraire était changé, soit pour ne pas payer de taxes (aux Romains) soit pour éviter les razzias.

La caravane était sous le commandement d'un chef (émir) appuyé par des aides et des gardes. Un guide - connaissant toutes les voies, les difficultés du terrain et les ennemis potentiels - conduisait la caravane. Un ou plusieurs docteurs étaient nécessaires pour le bien-être des hommes et des bêtes. Des coureurs, à l'avant et à l'arrière de la caravane, prévenaient des dangers potentiels. Un juge (kadi) accompagnait la troupe pour régler tout différend et tout vol. Un nombre considérable de chameaux était utilisé pour convoyer les tentes et le matériel nécessaire aux chameliers. Avant le départ, le chef de la caravane devait emprunter de l'argent à intérêt. En cas de réussite de l'expédition un pourcentage des bénéfices était assuré aux créanciers. Les transactions financières étaient complexes ... mais le commerce des épices et des aromates très lucratif. .. Il est intéressant de noter que la Bible décrivant le voyage de la reine de Saba à Jérusalem précise qu'« elle avait une suite très importante et des chameaux portant des aromates, de l'or en grande quantité et des pierres précieuses ... » (2Ch9.1; 1 R 10). Du Yémen au port de Gaza, la distance est évaluée à plus de 2600 km; d'Eilat à Gaza: 230 km (1260 stades). Dans les terrains difficiles et montagneux, les chameaux qui marchaient à la queue leu leu suivaient les chemins sinueux bien aménagés afin de préserver l'équilibre de la charge. Sur terrains plats ou peu accidentés ils avançaient en caravanes parallèles sur une largeur atteignant jusqu'à 100 m (d'après des photos aériennes prises dans le Néguev). La distance d'une journée de marche, d'un caravansérail à un autre, était de 25 à 35 km. Seuls les chefs de caravanes et les marchands pouvaient profiter du peu de confort qu'assuraient les auberges (bains ... ). Les chameliers et les gardes quant à eux assuraient pendant la nuit la protection des bêtes de somme.

Dès l'époque romaine, les routes des caravanes étaient balisées par des pierres milliaires et quelques-unes furent même pavées. On devait les emprunter afin d'être taxé. Bien que sans roi après la conquête de Trajan en 106, les Nabatéens contrôlent la majeure partie des routes des épices. Leurs propres soldats assurent la sécurité des caravanes, grâce à l'organisation complice des clans entre  eux.

Après le passage d'une caravane de 1000 chameaux - qui broutaient tout sur leur chemin - des routes différentes étaient utilisées afin de rechercher de la nourriture.

Les voies de communication des anciennes civilisations d'Arabie tombèrent peu à peu aux mains des Nabatéens. De pilleurs de caravanes ils en devinrent les protecteurs et les propriétaires. Les Romains devinrent à leur tour les maîtres de la navigation autour de la péninsule arabique et finirent par contrôler les différentes voies des caravanes qu'ils améliorèrent et dont ils assurèrent la protection.

Dans le Néguev de nombreux caravansérails furent découverts sur les routes des épices. Ces relais­-fortins, lieux de ravitaillement d'eau et de nourriture - souvent construits près des sources d'eau - assuraient la protection pendant la nuit, tant pour les chameliers que pour leurs montures et les denrées précieuses si onéreuses qu'ils transportaient vers les ports de la Méditerranée. Entre Pétra et Avdat, plusieurs forteresses­ caravansérails furent l'objet de fouilles archéologiques : Moa (dans l' Arava, proche de la frontière jordanienne) ; la forteresse de Kazra ; Nekarot ; le caravansérail de Ein Saharonim (dans le Makhtech Ramon) ; la forteresse de Makhmal et de Graffon. Des pierres milliaires de l'époque romaine jonchent les anciennes routes des épices. Ces relais-fortins comprennent des murets de détournement des eaux, des barrages, des canalisations et des citernes.

Certains de ces caravansérails, situés à des points géographiques stratégiques se développèrent jusqu'à devenir, quelques siècles plus tard, des villes fortifiées comprenant des camps militaires, des temples, des marchés, de grandes réserves d'eau ... Les Nabatéens devinrent maîtres dans la canalisation des eaux de pluie qu'ils acheminaient vers des citernes creusées dans la roche, soigneusement cachées et gardées. L'agriculture intensive se développa autour de ces villes nabatéennes : céréales, plusieurs variétés de fruits, ainsi que des vignobles et des oliveraies.

Les villes nabatéennes (Jordanie, Arabie saoudite, Syrie)

C'est l'explorateur suisse J. L. Burckhardt qui fit la redécouverte en 1812 de Pétra (Jordanie). Cette ville antique est située au fond d'un cirque creusé par les eaux, le Wadi Mousa (vallée de Moïse,) sur le flanc nord­-est de la montagne de Hor. Construite dans des grès nubiens - passant du rouge au brun, du pourpre au jaune et ocre - cette ville troglodytique, la « cité rose », devint la capitale du royaume des Nabatéens. Si la Bible l'appelle Séla (Pierre), elle est la Reqem (Bigarrée) des Nabatéens et la Pétra (Roche) des Grecs et des Romains. Elle fut un centre commercial important pour les caravanes chargées d'épices et d'aromates et au Ier s. avant notre ère, elle connaît un développement rapide. Cette cité fascine toujours les chercheurs, les archéologues et les nombreux touristes venant du monde entier pour admirer les ruines grandioses et spectaculaires ...

La ville possédait une remarquable architecture rupestre hellénistique­ romaine : temples, théâtre... Elle est une véritable nécropole de tombeaux taillés dans les falaises de grès nubiens. A l'époque byzantine, la population de Pétra connut une lente conversion au christianisme. Deux fois elle fut ravagée par des tremblements de terre (363 et 551). Elle connut son déclin définitif en 630. La citadelle érigée par Baudouin 1er faisait partie de la Province « Oultre Jourdain ». Elle fut abandonnée en 1189 à la venue de Saladin ... Ses quelques 600 monuments taillés dans le roc s'étendent sur un domaine de 6 km sur 3 km.

Du Yémen, les caravanes passaient par Hégra (Al-Hijr ou Médaïn Saleh) du Hedjaz, région d'Arabie le long de la mer Rouge. Les nombreuses inscriptions qui y furent découvertes permettent une connaissance plus approfondie des Nabatéens. Puis par l'oasis El-VIa, capitale du royaume antique de Dedan (nord du Hedjaz). C'est enfin par le Wadi Rum que les caravanes arrivaient à Pétra.

Bosra (à 140 km de Damas, dans le Hauran en Syrie) située sur un axe principal de communications (la Via Nova Trajana) devint une ville importante du nord du royaume nabatéen. En 106 elle sera la capitale de la province romaine d'Arabie créée par Trajan après l'annexion de la Nabatène. Les Nabatéens ouvrirent des comptoirs dans la ville de Damas.

Palmyre (Syrie) ville des palmiers, oasis dans le désert syrien et carrefour des caravanes, devint après la prise de Pétra par les Romains un grand centre commercial de l'Orient : Péninsule Arabique, Mésopotamie, Asie Centrale et l'Inde. Elle fut la capitale d'un royaume qui contrôlait une partie de l'Asie Mineure.

Sur les rives de la mer Rouge, à Leuké Kômé, et de la Méditerranée, les Nabatéens créèrent des comptoirs (emporia) à Gaza, EI-Arish, Alexandrie ...

Sites nabatéens en Israël

Dans le désert du Néguev, les quatre anciennes villes nabatéennes d'Avdat, de Halutza, de Mamshit et de Shivta, amsi qu'une sene de forteresses et de paysages agricoles, jalonnaient les routes par lesquelles transitaient l'encens et les épices.

Selon l'UNESCO, ces sites constituent un témoignage du commerce extrêmement rentable de l'encens et de la myrrhe, entre le sud de la Péninsule Arabique et la Méditerranée, qui prospéra du IIIe siècle avant J.-C. au IIe siècle après J.-C. Leurs vestiges de systèmes d'irrigation extrêmement perfectionnés, de constructions urbaines, de fortins et de caravansérails témoignent de la façon dont ce désert inhospitalier fut colonisé pour le commerce et l'agriculture.

Leur inscription au patrimoine mondial est justifiée par le fait que les villes nabatéennes et leurs routes marchandes « apportent un témoignage éloquent de l'importance économique, sociale et culturelle de l'encens dans le monde hellénistique et romain ». Le comité de l'UNESCO considère que « les routes étaient également un moyen de passage non seulement pour l'encens et d'autres marchandises mais aussi pour les hommes et les idées ».

La ville d'Avdat, perchée sur un promontoire afin de surveiller le réseau de voies caravanières de Pétra et d'Eilat vers Gaza, est l'ancienne cité nabatéenne d'Eboda dont les origines remontent au IVe siècle avant notre ère. Elle tire son nom du roi nabatéen déifié, Obodas III, qui y fut enterré. A plus de 600 m de haut elle domine la vallée qui s'étale à ses pieds. Cette vallée, traversée par la Voie des épices, se transforma peu à peu en une région agricole où poussaient oliviers, vignes, céréales ... Les eaux rares des oueds (précipitations annuelles ne dépassent pas les 100 mm) étaient minutieusement utilisées et stockées dans des citernes creusées au pied des collines rocheuses composées de sédiments marins. C'est ainsi que, peu à peu, les vallées autour d'Avdat devinrent verdoyantes et se couvrirent de vignes, d'oliveraies et au printemps de champs de céréales.

De par sa position géographique et stratégique, Avdat devint la principale ville nabatéenne du Néguev. Aujourd'hui elle est située sur la route na 40 (Tel Aviv - Eilat) entre le kibboutz Sdé Boqer et la ville de Mitzpé Ramon. L'ancienne Voie des épices venant de Pétra traversait la vallée de l'Arava, coupait le cratère de Ramon, passait à Avdat et continuait vers Halutza pour atteindre le port de Gaza. A Halutza ou à Nizzana une bifurcation conduisait à El-Arich.

Des fouilles furent effectuées par l'archéologue Abraham Néguev et les travaux d'aménagement et de restauration par les autorités des parcs nationaux israéliens. Au pied des ruines d'Avdat le gouvernement fit construire une ferme agricole expérimentale basée sur les principes d'irrigations nabatéens.

Sur la route na 25, reliant la vallée de l'Arava à Beersheba, dans le nord-est du Néguev, les ruines de l'ancienne cité nabatéenne de Mamshit demandent un détour afin d'admirer les ruines des trois différentes périodes d'occupation du site, allant du 1er au VIle siècle de notre ère. Pour les visiteurs peu pressés un arrêt aux sites de Shivta, de Nizzana (route na 211) et de Halutza (route na 222) dans le nord-ouest du Néguev apportera quelques connaissances supplémentaires sur l'ingéniosité des Nabatéens.

Religion (panthéon nabatéen)

Contrairement à d'autres civilisations, pas de représentation physique de la divinité, pas de statues ! Leurs divinités étaient traditionnellement représentées par des pierres levées, considérées sacrées, de forme carrée ou rectangulaire, les bétyles (dérivé de l'hébreu: Beit El, maison de Dieu). Le dieu n'était pas représenté mais la pierre signalait sa présence. Dans la pierre il y a la force, l'âme et l'esprit de la divinité. Un bloc de pierre ou un pilier abstrait comprenant parfois des yeux et un nez schématiques suffisait pour symboliser leurs divinités, tradition remontant aux peuples sémitiques. Des milliers de pierres non taillées représentant leurs dieux furent découvertes dans le Néguev. Plus tard leurs divinités furent associées aux déesses grecques et romaines et prirent des formes humaines.

Ils auraient adopté le dieu édomite Dushâra, dieu des Montagnes, qui devient une de leurs principales divinités et qui sera, sous l'influence grecque et romaine, assimilée à Zeus/ Jupiter; et à Osiris et Sérapis (influence égyptienne). Il était représenté par un bloc de pierre rectangulaire. Une autre divinité était Shay'al­Qaum (Al-Qaum), le dieu Guerrier, qui garde les caravanes, « le Pasteur des peuples ». Ce dieu qui ne boit pas de vin, protecteur des troupeaux, fut assimilé à Arès/Mars. La déesse de la Jeunesse et de la Fertilité Allât, assimilée à Aphrodite/ Vénus puis à Athéna. Manawat (Manat), la déesse du Destin, assimilée à Némésis la déesse de la Vengeance des Grecs. Al-Uzza, la Puissante, déesse de la guerre et de la prospérité, (associée à Diane).

Allât, Manat et Al-Uzza, trois déesses associées à Allah, étaient adorées à la Mecque, mais Al-Uzza était la plus célébrée des trois. Elle est représentée sur le trésor de Pétra et sur la gauche de Al-Kutbâ « le Scribe » dieu du Commerce, de l'Écriture et de la Divination, assimilé à Hermès/ Mercure. Il formera un couple avec Al-Uzza qui était considérée comme la déesse suprême et était représentée sous différents aspects avec de nombreux attributs et symboles : maîtresse de la terre, du ciel et de l'enfer (schéol)

Une sorte de triade se serait formée : Dushâra (dieu des Montagnes et du Jour, le soleil) ; Al-Qaum (dieu de la nuit, la lune) et Al-Uzza (dieu des étoiles). Cette triade peut être identifiée à la triade égyptienne : Osiris, Horus, Isis. La dernière étant la plus importante des trois. Des sacrifices sanglants et des fumigations étaient offerts sur les autels. Des banquets sacrés, (repas funéraires) étaient pris autour d'un triclinium aménagé dans les sanctuaires.

Langue et culture

Grâce aux nombreuses inscriptions découvertes dans les temples on a pu reconstituer leur alphabet dérivé de l'araméen mêlé d'arabe. Les Naba­téens parlaient une langue nord-sémi­tique et leur écriture annonce celle de l'arabe. La langue nabatéenne glisse de l’araméen à l'arabe. Outre les ins­criptions et les graffitis ils n'ont pas laissé de correspondance ni d’archi­ves. L'écriture nabatéenne déchiffrée en 1840 par E. Beer est un dialecte araméen mêlé d'arabe. Sous l'in­fluence gréco-romaine au Ille de no­tre ère les Nabatéens utilisent le grec à la place du nabatéen. Une inscription nabatéenne (IVe s. de notre ère), découverte à Nemara dans le désert de Syrie, est un des textes les plus tardifs en écriture nabatéenne et l'un des plus anciens en langue arabe. Serait-ce une preuve que l'écriture nabatéenne a donné naissance à l'écriture arabe?

Le musée de la tour de David

Agnès Staes

Une chronologie de l'histoire de Jé­rusalem

Jérusalem est une ville étonnante, tel­lement riche en diversités architectu­rales, ethniques, religieuses, époques qui se sont succédées et ont laissé gra­vées sur les murs et dans la terre des traces de leur passage.

Quand j'accueille des amis qui vien­nent pour la première fois, j'aime leur conseiller de passer d'abord par la porte de Jaffa et de prendre un peu de temps pour visiter le musée de la tour de David qui se situe là. Ce lieu lui-même est chargé d'his­toire puisqu'on y trouve des traces de nombreuses époques: des vestiges de l'époque des Asmonéens à ceux de l'Empire ottoman. Cette citadelle tellement bien située a servi à défendre la ville des ennemis venant du nord et de l'ouest.

Du sommet de cette tour, on admire un panorama sur Jérusalem de toute beauté et de plus, en déambulant de pièces en pièces, on resitue toute 1 'histoire de la ville sainte depuis les Cananéens et la prise de Jébus par Da­vidjusqu'à aujourd'hui sans se perdre dans une foule de détails. L'exposition est simple, attractive et pédagogique. En entrant, on monte dans la tour où un petit film d'une douzaine de minu­tes retrace de façon simple l'histoire de Jérusalem. C'est ce que nous dé­taillera chaque salle par la suite.

En montant encore plus haut, on ar­rive au sommet de cette même tour où s'offre devant nous un paysage extra­ordinaire. A l'ouest, la ville moderne de Jérusalem et à l'est toute la Vieille Ville, le Mont du Temple (l'esplanade des Mosquées) avec le Dôme du ro­cher et la mosquée d'El Aqsa, le Mur occidental, le Saint sépulcre, le Mont des Oliviers, le mont Scopus... et quand l'air est clair, le désert de Juda, les monts de Moab en Jordanie. Plusieurs circuits sont proposés. Pour une première approche de l'histoire de la ville de Jérusalem, celui que je conseille est celui qui nous entraîne de salle en salle à travers la succession des époques, avec le relais de maquet­tes topographiques.

La période cananéenne (3000-1200 av. J.-C.)

Nous pouvons admirer des statuettes du XIX e siècle av. l-C. Sur l'une d'elles, la mention de « Hurusha­lim » apparaît et nous prouve ainsi l'existence de la ville. Elles étaient fabriquées à l'image de l'ennemi, on y inscrivait des «textes d'exécra­tion», on maudissait l'ennemi, puis on brisait cette figurine. C'est aussi l'époque de la rencontre entre Abra­ham et Melchisédech, «roi de Salem »(Gn 14,18-20). Salem a été identifié comme Jérusalem. Une carte nous montre l'installation des tribus d'Israël lors de la conquête (livres de Josué et Juges).

La monarchie et le Premier Temple (1000-586 av. l-C.)

Le roi David conquiert cette ville qui n'a jamais appartenu à aucune des 12 tribus. Il y fait monter l'arche d'al­liance et en fait sa capitale. Salomon, son fils, fait ériger le Premier Temple sur le mont Moriah où la tradition si­tue le sacrifice d'Isaac. A sa mort, le royaume est divisé. Jéru­salem reste la capitale du royaume du Sud appelé aussi le royaume de Juda. La ville continue de s'étendre. Pendant le règne d'Ezéchias (727-698) la ville est fortifiée de façon considérable. Il crée un remarquable système d'eau protégé en cas de siège : les eaux du Gihon sont amenées à la piscine de Si­loé par un tunnel qui existe toujours. Un schéma animé nous aide à bien compren­dre ce système d'eau. Sennachérib, roi d'Assy­rie, assiège la ville dès 701. Mais c'est seulement en 586 que Nabuchodonosor, roi de Babylone, investit la ville et emmène la popula­tion en déportation à Baby­lone pendant les 70 ans an­noncés par Jérémie. La ville sera alors désertée.

Le retour d'Exil et le début de l'épo­que du Second Temple (536-333 av. J.C.)

Quand on pénètre dans cette salle, un splendide bas-relief s'offre à nous présentant le retour des exilés à Sion. En effet, Cyrus, roi des Perses leur a ouvert la porte du retour. C'est l'épo­que d'Esdras et de Néhémie. La ville et le Temple sont alors reconstruits. Le peuple s'engage à nouveau à vivre selon l'Alliance.

L'époque hellénistique et asmo­néenne (333-63 av. lC)

Alexandre le grand envahit tout l’em­pire perse. A sa mort, ses généraux divisent son royaume. Les Ptolémées en Egypte et les Séleucides en Syrie se disputent la Judée pendant un siè­cle. La culture grecque devient prédo­minante. Une partie de la population l'adopte mais d'autres résistent fa­rouchement et sont persécutés. C'est la crise maccabéenne qui aboutit à la libération de Jérusalem et à la purifi­cation du Temple que commémore la fête de Hanouka. La dynastie des As­monéens s'installe pour un siècle. La Judée est pratiquement indépendante. L'époque romaine et la fin du Second Temple (63 avant J.C.-135 après J.C.) En 63 Jérusalem tombe aux mains de Pompée, gouverneur des provinces asiatiques de Rome.

La situation est confuse. Depuis la Galilée, les Zélotes commencent à s'opposer à l'envahisseur. Les Parthes s'emparent de Jérusalem. En 40 avant JC, Hérode se fait nommer roi des Juifs par les Romains. Il reconquiert Jérusalem et restaure entièrement le Temple (maquette). A sa mort, la Ju­dée est divisée et Jérusalem finit par demander l'administration romaine directe (Pilate ... ). C'est l'époque d'un important mouvement autour de Jésus, ce qui fait peur aux autorités. Malgré le rétablissement d'une royau­té juive vers 40, l'agitation zélote aboutit à une répression romaine: Jé­rusalem est détruite en 70. En 132, Bar Kochba crée un Etat juif pour résister à la romanisation de Jérusalem. Battu en 135, il est répudié par la tradition rabbinique. Jérusalem devient Aelia Capitolina, interdite aux circoncis.

L'époque byzantine (324- 638)

En 324 Constantin déclare le christia­nisme licite. Jérusalem renaît avec des pèlerinages et la construction de mo­nastères. Hélène, mère de Constantin fait bâtir des églises : le St Sépulcre et la Nativité à Bethléem sont encore visibles. Au Ve siècle, l'impératrice Eudoxie fait agrandir la ville et construit de nouvelles églises parmi lesquelles la basilique St Etienne. Jérusalem est promue au rang de Patriarcat, comme Rome, Constantinople, Antioche et Alexandrie. En 614, les Perses envahissent le pays. La seule basilique qu'ils ne détruiront pas sera celle de Bethléem car ils se sont reconnus dans les mosaïques re­présentant les mages venant adorer Jésus à sa naissance.

La première époque islamique (638­1099)

En 638, Jérusalem cède aux pressions de l'islam. Les Arabes envahissent la ville, le patriarche Sophrone remet les clés de la ville à Omar. En contrepar­tie, les chrétiens ont l'assurance de pouvoir venir prier librement dans les lieux saints. Jérusalem acquiert le rang de troisième lieu saint de l'Is­lam après la Mecque et Médine d'où le nom de Al Aqsa: l'éloignée. Après une période de splendeur marquée par de grandes constructions (Dôme du Rocher, Mosquée d'El Aqsa, pa­lais ... ), vient un déclin, Jérusalem se dépeuple.

L'époque des Croisés (1099-1250) En arrivant, les Croisés massacrent les Juifs et les Musulmans et établissent un royaume latin. Ils restaurent le St Sépulcre, la citadelle. Les mosquées du Mont du Temple sont transformées en églises. Ils construisent des châ­teaux forts et des églises (Abu Ghosh, St Anne).

En 1187, Saladin, maître de l'Egypte et de la Syrie, chasse les Croisés, réta­blit les mosquées et consolide les for­tifications. Les Juifs reviennent: ceux qui avaient été expulsés et d'autres qui doivent fuir l'Europe.

L'époque mamelouke (1250-1517) Les Mamelouks d'Egypte s'emparent de Jérusalem, ils construisent: hôpi­taux, écoles, auberges ... mais la capi­tale est déplacée à Ramlé.

L'époque Ottomane (1517-1917)

En 1517, Soliman le Magnifique conquiert Jérusalem et l'intègre dans son empire dit ottoman. Il restaure la ville, ses murailles et ses portes. A sa mort, c'est le déclin de Jérusalem et des Juifs expulsés d'Espagne arri­vent.

Au XIXe siècle, le goût de l'Orient et l'archéologie font venir de nom­breux Européens. En plus l'éveil des nationalités chasse beaucoup de Juifs d'Europe; d'autres viennent volontai­rement. D'où les quartiers Mishkenot Shaananim, Mea Shearim, N achlaot. Le sionisme issu de l'affaire Dreyfus, du socialisme et des progroms inquiè­te les Juifs de Jérusalem. Vers 1900, c'est à Jérusalem que Ben Yehuda pu­blia son dictionnaire hébreu. Le train arrive à Jérusalem en 1892.

Le mandat britannique (1917­1948)

Pendant la Première Guerre mondiale, l'empire ottoman était allié à l'Alle­magne. Les Anglais partis d'Egypte, conquièrent Jérusalem en décembre 1917. Après l'occupation militaire, un mandat britannique d'occupation ci­vile fut installé en 1920. L'université hébraïque fut inaugurée en 1925, il s'agissait d'instaurer l'hébreu comme langue scientifique moderne. A. Eins­tein qui y croyait beaucoup vint faire une conférence pour la pose de la pre­mière pierre en 1923 ... en allemand ! L'urbanisation se développe. L'eau est maintenant amenée depuis la plaine. Cependant les tensions entre Juifs, Arabes et Britanniques restent fortes d'où de nombreuses émeutes. Les af­frontements atteignent leur paroxysme après la déclaration de l'ONU (1927) qui partage la Palestine en deux. Après la guerre d'Indépendance, c'est à Jérusalem que David Ben Gou­rion proclama la naissance de l'Etat d'Israël.

Nouvelle:

Un scribe écrit un rouleau de la Tora au sommet de Massada

Jean-Marie Allafort

Rien à voir avec un nouveau program­me de télé réalité ni d'une initiative du ministère israélien du Tourisme. Au sommet de l'un des sites les plus visités d'Israël, la forteresse de Mas­sada qui domine la Mer Morte, un scribe s'est installé le 17 décembre 2009 dans une pièce avec une grande baie vitrée et a commencé à écrire les premiers versets du livre de la Genèse sur un parchemin. Shay Abramovitch, rabbin et scribe originaire de Safed, projette de terminer l'écriture du rou­leau de la Tora (les 5 premiers livres de la Bible) pour la prochaine fête de Hanouka en décembre 2010. Shay Abramovitch écrit dans une pièce de l'antique synagogue de Massada où ont été retrouvés des manuscrits de l'époque du Second Temple, entre autres des extraits du livre d'Ezéchiel dont le célèbre chapitre 37, dit des «ossements desséchés», prophétisant le retour d'Israël sur sa terre qui sera comme une résurrection des morts. Chaque jour, le scribe commencera son travail à l'ouverture du site jus­qu'au soir et les nombreux visiteurs pourront de leurs yeux le voir écrire le texte sacré. Début janvier, des centai­nes de milliers de personnes pourront suivre en direct l’œuvre du scribe par internet grâce à des caméras.

Pour le rabbin du mouvement Habad de la région de la Mer Morte, Shimon Elharar, «l'écriture d'un rouleau de la Tora est une façon de boucler la bou­cle dans ce lieu où Yigal Yadin a trouvé des manuscrits cachés par les Juifs de Massada pour ne pas qu'ils soient brûlés par les Romains». Yigal Yadin, qui fut aussi le second chef d' état­-major de Tsahal puis ministre, fouilla Massada dans les années 63-65. «Il n'a pas été facile de trouver un scribe qui accepte d'écrire un rouleau de la Tora dans de telles conditions» explique le rabbin Elharar. Shay Abramotich fut tout de suite enthou­siasmé par le projet. Il est venu avec sa femme s'installer à Arad, ville la plus proche de Massada.

Un donateur américain de Floride, qui veut garder l'anonymat, a versé la somme de 40.000 dollars pour la réa­lisation de ce projet hors du commun. L'écriture d'un rouleau de la Tora exi­ge une formation particulière et une très grande connaissance du texte sa­cré. A la synagogue, la lecture publi­que de la Tora ne peut se faire qu'avec un rouleau de la Tora sans défaut et où ne manque aucune lettre.

Etude:

La Terre d'Israël

I.C.

L'écrasement de la nation en 70 entraîna un processus où les Juifs perdirent le contrôle de l'espace. Ils surent quitter les choses au moment où les choses les quit­taient et apprirent bien vite à se passer des avantages matériels et moraux offerts par un territoire. Tirant des circonstances ce qu'elles pouvaient offrir, ils se rési­gnèrent à ne partager qu'un calendrier commun, puis­qu'ils n'avaient plus de terre commune. L'identité juive se mit à s'exprimer par des expériences vécues dans un espace temporel qui allait devenir son refuge et survé­cut avec une persistance qui infirma tous les calculs.

L'abri du temps

L'acclimatement à cette nouvelle situation était d'autant plus aisé que la piété juive avait déjà pris ses distances par rapport à la culture ambiante du monde hellénis­tique. Persuadés du caractère sacré de la beauté, les Grecs étaient comblés par sa contemplation, tandis que les Juifs, croyant à la beauté de la sainteté, étaient in­duits à en percevoir les exigences. L'Ecriture soulignait cette différence de perspective en assumant nettement la tendance à écouter plutôt qu'à voir. Tandis que les Grecs produisaient leur art dans un espace discernable, le peuple de la Bible vivait essentiellement dans un temps prégnant de signification. Peu soucieux de sym­boliser leurs valeurs et de renforcer leurs aspirations par le truchement d'un médium spatial tel que l'archi­tecture ou la sculpture, les Juifs sensibles à une voix intérieure valorisaient la durée de l'existence en créant des instants d'éternité.

L'histoire encouragea cette tendance au moment où les circonstances contraignirent Israël à transcender l’es­pace en informant une vie spirituelle liée au temps. Pen­dant vingt siècles, les Juifs ont survécu sans le secours d'un territoire exclusif ni le soutien de sanctuaires pro­prement dit. Ils n'occupaient jamais un terrain qu'en vertu des bonnes grâces de l'hôte, et comme celles-ci étaient toujours sujettes à changement, ils ne tardaient pas à réaliser que poser des fondations religieuses dans la dimension spatiale eût été bâtir sur des bases bien précaires.

Le souvenir de Joseph et de sa famille en Egypte en­courageait leurs descendants à s'intégrer dans un mi­lieu donné, tout en préservant leur identité particulière. En Europe comme en Orient, ils étaient les témoins passifs de l'activité du Christianisme et de l'Islam, à savoir, l'acquisition et le contrôle d'un espace. Mais, si les autres luttaient pour la formation de cartes, que ce soit celle du Dar-el-salam ou de la Chrétienté, ils pré­féraient pour leur part s'appliquer à la sanctification du temps. La vocation d'Israël s'affirmait en actualisant un calendrier sacré fait de commémorations religieuses et d'actes de foi réglés sur le cours des saisons et des heures.

Loin d'être un pur handicap, cette privation d'espace s'avéra providentielle comme moyen de survie. Le peu­ple juif se maintint, dans une large mesure, non pas en dépit de l'absence d'espace mais à cause d'elle car la dispersion protégea ses communautés de la destruction physique. L'abandon de la catégorie lieu préserva Israël de l'anéantissement. Aussi, lorsque les Croisés ravagèrent les synagogues de la vallée du Rhin, pen­sant arracher par là les racines du Judaïsme européen, l'effet fut-il minimal car les critères suivis pour identi­fier les centres vitaux du Judaïsme ne s'y appliquaient pas, étant donné qu'il n'était plus lié à aucun territoire. Pouvant subsister dans la plus humble demeure comme dans les terres les plus lointaines, il transcenda l'espace et, ce faisant, devint universel.

La frustration de l'antisémite venait du fait qu'aucune destruction matérielle ne pouvait entraîner celle d’Is­raël. Le seul moyen de l'anéantir devait passer par le médium du temps, en cherchant à interdire l'observan­ce du Shabbat, des Fêtes et des cérémonies rituelles, en bref, à supprimer tous les moments exaltants du vouloir vivre juif. Mais cette machination était vouée à l'échec, à moins de s'en prendre directement à la durée même du Juif, autrement dit, à sa propre vie. Tant qu'il restait à l'abri du temps, son Judaïsme demeurait inviolé car, dans ce qui était devenu pour lui une seconde patrie, il pouvait vivre à son gré et s'exprimer jusqu'aux limites de son potentiel. Ce refuge était inexpugnable car toute hostilité y rencontrait l'obstacle de la foi, celui que l'on ne franchit pas.

La valeur du temps

Fort heureusement, la conception biblique de l'univers ne pouvait que favoriser une telle transition vers le temps. Cette vue s'opposait au mythe grec de l'Eternel retour qui voyait une analogie entre la progression du temps et celle des astres au mouvement répétitif et clos. Il en résultait un monde statique car, dans une perspec­tive globale, le devenir d'une réalité qui revenait per­pétuellement au même état était implicitement annulé. La même somme d'existence était préservée dans un cosmos où le passé devenait une préfiguration du futur puisque rien n'était jamais perdu ni créé. Aucun événe­ment n'étant unique, donné une fois pour toutes, aucu­ne transformation n'était susceptible d'être finale. En un certain sens, rien de nouveau n'apparaissait dans un tel monde où l'histoire était périodiquement abolie. Le temps ne pouvait être un facteur décisif de l'existence car il était lui-même constamment renouvelé dans une durée cosmique qui se réduisait à un Eternel retour. Pour la foi d'Israël, au contraire, les événements histo­riques revêtaient déjà en eux-vmêrnes une signification particulière. Mais leur succession recelait aussi une cohérence mystérieuse car elle était l'expression d'un vouloir divin. En décelant une intention cachée dans la durée historique, les prophètes d'Israël découvrirent le sens du temps et transcendèrent la conception cyclique des Grecs car leur vision du monde postulait un temps linéaire à orientation définie. Ils perçurent peu à peu, dans la trame de l'histoire, la récurrence des signes d'une intervention divine où la créature interpellée par le Créateur pouvait pressentir son Vouloir et son Etre.

En intériorisant le sens de ce dynamisme sacré, la foi donnait à la conscience de s'y ouvrir pour y participer. Israël fut ainsi le premier peuple à saisir la valeur du temps en y voyant une épiphanie permanente de Dieu et, ce faisant, contribua à l'émergence de l’histoire.

Il arriva par surcroît que, sous l'effet de l'adversité, une interprétation renouvelée de l’histoire s'ébaucha en Israël par le truchement du messianisme. Les Hé­breux avaient toujours été portés à voir un lien entre Dieu et la suite des événements. Mais, revenant sur le mot d'Isaïe: "Oh, Si Tu crevais les cieux et si Tu des­cendais !", l'inspiration prophétique perçut aussi, dans le futur, un moment particulier où Dieu manifesterait non seulement son Action mais sa Présence. Le mes­sianisme empêcha une nation éprouvée de se résigner en lui offrant une nouvelle perspective dont la réalité s'imposa de plus en plus à l'esprit.

Cette conviction s'est peu à peu cristallisée autour de la personne du Messie. Mue par une espérance indéfec­tible, l'âme juive guette le jour où un homme viendra qui portera en lui les attentes plus ou moins avouées d'Israël. Entre temps, elle tend à voir dans cette figure la personnification d'un besoin commun qui peine à se définir, précisément parce qu'il a besoin de cet individu pour se dire. Assumant lui-même l'inconscient collectif de sa nation, cet être aura à cœur d'endosser les as­pirations les plus secrètes des siens. Transformés par cette espérance, beaucoup d'entre eux s'identifient déjà à lui, au point de faire de sa personne une composante de leur propre ego.

Le Messie sera avant tout un enfant d'Israël destiné à recevoir l'obédience de ses proches. Se souvenant du premier songe de Joseph, où les gerbes des aînés s'in­clinèrent devant la sienne, les frères du Messie recon­naîtront, eux aussi, la prééminence du dernier arrivé. A l'instar de la primauté de Joseph, celle de l'être attendu sera confirmée par des signes d'en haut, comme dans la vision où l'enfant préféré vit "le soleil, la lune et onze étoiles" se prosterner devant lui. Etranger aux honneurs et aux privilèges, son ascendant émanera d'une force de caractère et d'une grandeur d'âme relevant d'un su­blime, venu d'ailleurs.

Loin de se limiter aux enfants d'Abraham, l'influence du Messie aura une portée universelle car le monde en­tier sera sauvé le jour de sa venue, aussi Israël attribue-­t-il une valeur eschatologique au futur. Ce Jour-là sera en effet le dernier, mais il rayonne sur tous les jours qui y mènent et les valorise. Dans l'attente de cette rencon­tre, l'histoire n'est plus un cycle fermé mais une voie ouverte sur une théophanie où - depuis la fin des temps - Dieu fait signe à son peuple et à toutes les nations du monde.

Malheureusement, après avoir créé l'histoire, le mo­ment vint où les Juifs cessèrent d'écrire l'histoire et commencèrent à en souffrir. Ayant perdu le contrôle d'un territoire après la mainmise des Romains sur le pays, ils ne pouvaient se sentir chez eux nulle part et furent bien vite acculés à un statut mineur. Mais com­me ils ne pouvaient s'y résigner, le moment vint où le médium de l'espace leur parut nécessaire, pour se sen­tir à l'aise dans le concert des nations et retrouver les moyens d'exprimer ce qu'ils avaient à dire au monde.

Le désir de l'espace

L'absence d'espace n'était pas, à vrai dire, une carac­téristique foncière du Judaïsme. A l'époque biblique, la Terre Sainte constituait un territoire sacré dont la sainteté se reflétait dans des institutions appropriées. En son centre, le Temple - où tout convergeait vers le Saint des Saints - était empreint d'une sainteté encore plus éminente. Le sentiment de révérence inspiré par ce lieu était tel qu'après avoir transcendé l'idée d'une localisation de la Présence divine, les Sages retinrent l'expression HaMaqom [le Lieu] pour évoquer Celui qu'on ne peut nommer.

On déformerait la théologie de l'exil si l'on n'y in­cluait pas également sa dimension spatiale maintenue - en espérance - par la nostalgie de la Terre d'Israël. Le souvenir de l'injonction faite à Jacob: "Quitte ce pays et retourne au pays de ta famille 1" informait la prière récitée trois fois par jour, en se tournant vers Jérusa­lem, de façon à confirmer cette orientation topocentri­que. La piété encourageait l'espoir du retour bien qu'il ouvrît les perspectives les plus sombres sur le sort du pays. La tradition rabbinique veillait en effet à rappe­ler que, tout en étant universelle, la plénitude attendue serait précédée d'une épreuve nationale sans pareil:

"Lorsque le Messie viendra, disait-elle, Il pleurera sur les villes d'Israël puis, le troisième jour, il annoncera la Paix au monde."

Bien décidés à conjurer les tourments de l'exil, les Juifs ne désespérèrent jamais de se retrouver sur la Ter­re promise à Abraham, pour y travailler et faire revivre sa poussière, sans être soumis à des volontés étrangères qui faisaient tout pour les méconnaître. Ils pourraient enfin se libérer des moyens d'expression adoptés par de nombreuses générations dans les pays les plus di­vers, en se mettant à parler "la même langue et les mê­mes mots" mentionnés au Livre de la Genèse. Les faits confirmèrent leur attente car en pénétrant dans tous les domaines de l'existence, la magie des mots bibliques est devenue, pour tout un peuple, la sève nourricière de sa vie profonde. Faisant figure d'un Eden revisité, le retour à l'hébreu - avec ses renvois implicites à tout un code de sous-entendus - s'est révélé porteur de possibi­lités insoupçonnées. Redevenue vivante pour certains, la langue de la Révélation s'est vue ainsi restituée au patrimoine universel de l'humanité dans un boulever­sement qui allait contribuer, par effet induit, à amender les rapports du peuple élu avec les nations.

Les nombreuses références de la liturgie synagogale à la Terre Sainte manifestent que les Juifs ne renoncèrent jamais complètement à la catégorie espace, au moins en idéal. Bien entendu, le motif de cette sainteté n'émanait pas du lieu en soi, mais des événements qui s'y étaient déroulés et qui - par grâce divine - s'y reproduiraient au temps marqué. Tout en vivant loin de leur terre, les Juifs en faisaient une catégorie conceptuelle informée par le souvenir d'un passé et l'espoir d'un futur entre­tenus dans la foi. En ravivant la mémoire de l'espéran­ce, la prière évinçait l'exil. A cet égard, le Ba'al Shem Tov, fondateur du Hassidisme, rappelait à ses disciples: « L'exil c'est l'oubli, mais la racine de la rédemption, c'est la souvenance ! »

L'archéologie a confirmé, si besoin était, cette préoc­cupation. On a en effet découvert dans la vallée de Beit She' an, près du kibboutz de Maoz Haïm, les restes d'une synagogue du 6ème siècle, où les mosaïques présentent une nomenclature des frontières d'Israël conforme aux prescriptions du Talmud en la matière. Vivant sous la férule du pouvoir byzantin, comme des étrangers dans leur propre pays, ces Juifs ne pouvaient renoncer à la perspective, si lointaine fût-elle, de vivre un jour, libre­ment sur la Terre qui avait été la leur.

Au cours des siècles, l'expérience spatiale des Juifs consista essentiellement dans le passage constant de l'espace concret, représenté par le pays de résidence, à l'espace de référence évoqué par la nostalgie de la terre des origines. Cette situation entretenait tout naturelle­ment un sentiment de différence et de discontinuité, par rapport au milieu ambiant, qui n'est pas sans jeter une lumière sur l'état d'esprit résultant d'une diaspora dont l'ampleur et la constance sont restées inégalées. Le cas de Haïm Weitzman, leader incontesté du mouvement de retour à Sion, est éclairant à cet égard. Né dans un shtetl, autrement dit, une bourgade juive de la Russie blanche, il parlait de la coupure entre eux et nous, dans ces hameaux où "les Juifs vivaient en formant des îlots disséminés dans un océan de Gentils." Mais, ajoutait­il, "Nous étions enracinés dans notre propre culture", en se référant au yiddish et plus encore à 1 'hébreu. Résidant à Berlin où il poursuivait ses études, il se mêla à la société des étudiants juifs venus, comme lui, de Russie. "C'était un monde curieux, dira-t-il plus tard, qui vivait en dehors de la notion de temps et d'espace." En effet, ces jeunes expatriés recouraient au yiddish en famille, parlaient d'idéologie en russe, d'utopie en hébreu, et de culture en allemand tout en rêvant d'un endroit mythique appelé Sion. Cette situation limite faisait dire, plus tard, à un historien israélien: "Pour supporter cet éclatement extrême, les Juifs avaient souvent dû neutraliser l'espace dans ce qu'il avait de physiquement attachant pour n'assumer pleinement que les espaces métaphysiques: le passé, la langue, les Ecritures, le destin du peuple élu, la Terre promise - sans oublier le socialisme, la physique nucléaire, le violon ou les échecs." On sent que cet univers mental supposait un divorce entre les textes fondateurs et la grisaille du quotidien, autrement dit, entre la Bible et le Talmud qui parlaient de la Terre absente, et la réalité souvent décevante des endroits où les circonstances les avaient menés.

Comme une telle situation ne pouvait durer indéfini­ment, une minorité bien inspirée se laissa emporter par l' attrai t de l'éventuel, en optant pour une ligne de conduite où tout semblait irrévocable avant même que d'avoir commencé.

Le problème de l'espace

Au terme d'une longue attente, la réapparition de l'es­pace au 20éme siècle, comme catégorie de l'expérience juive, a constitué le tournant le plus décisif de 1 'his­toire d'Israël depuis la destruction du Temple. Les problèmes de lieu ont finalement supplanté ceux du temps dans la hiérarchie des préoccupations nationa­les au cours d'une transmutation que n'inspirait pas seulement l'adage talmudique selon lequel "changer de place c'est changer de sort", mais une volonté de renouvellement radical. Ce renversement de priorités devait induire tout un peuple à transférer, au moment opportun, ses potentialités spirituelles du domaine du temps à celui de l'espace. Une telle transition n'était certes pas sans risques car on pouvait être tenté d'assi­miler le lieu à la puissance et de confondre le contrôle d'une terre avec celui d'un destin.

Mû par un besoin inextinguible de renaître sans cesse, le peuple juif contrôle à nouveau un territoire, mais se rend compte que la réémergence dans l'espace s'avère plus laborieuse que prévue. L'euphorie engendrée par le mouvement du retour dans ce qui fut la terre de Ca­naan, ne peut dissimuler le dilemme causé par son suc­cès, car maintenant, la question essentielle ne concerne plus seulement la façon de se référer à un moment du temps mais à un point de l'espace. La simple considéra­tion de Jérusalem montre que ces perspectives ne se re­couvrent pas nécessairement. Comme entité d'histoire sacrée, prise entre le souvenir des origines et l'attente des derniers jours, Jérusalem envahissait la pensée et la piété d'Israël. C'était un symbole de la sainteté divine et de la rédemption finale tandis qu'aujourd'hui, la vil­le de Jérusalem ne semble pas être tout à fait cela.

A la suite de l'effondrement des structures occasionné par l'occupation romaine en 70, l'Assemblée de Yavné sanctionna la doctrine de Rabbi Yohanan ben Zakkai, devenu sur ces entrefaites, l'inspirateur d'un peuple aux abois. Il préconisait un retour à la condition sinaïti­que, en ce sens que l'on devait désormais se préparer à un renouvellement intégral. Etant donné la détresse où il avait sombré, le peuple juif ne pouvait plus espérer qu'une réalité ultime. Affinée au creuset de l'épreuve, sa foi faisait naître en lui des aspirations si profondes que seul pourrait combler un événement confinant au transcendant.

L'impression qu'on n'y est pas encore peut incliner à la perplexité. Beaucoup ressentent l'ambiguïté de la si­tuation créée par le retour à Sion car ce que l'on voit n'est pas exactement ce que l'on attendait. Pour éviter l'équivoque, certains dénient toute connotation reli­gieuse à la nouvelle entité politique du fait que le retour devait résulter d'une grâce divine et non pas d'un effort humain, comme semble l'impliquer la mise en garde du Talmud: "Tu ne franchiras pas le mur (de Jérusalem)!" D'autres, à l'instar de certains groupes hassidiques, tels que Satmar, vont jusqu'à nier la légitimité du nouvel Etat en excipant du principe que, s'attribuer ce qui doit rester un don de Dieu, relève du sacrilège.

En tout état de cause, la transition de la catégorie temps à celle de l'espace se montre aussi ardue que radicale. L'écueil provient de la tendance non illusoire à aborder la nouvelle situation dans une perspective limitée au temps en négligeant les problèmes posés par l'espace. Cet achoppement divise les esprits car si les questions concernant le temps créent un certain consensus, il n'en est pas de même quand on en vient au lieu. La désillu­sion en ce domaine peut, à l'occasion, provoquer chez certains le sentiment d'être exilés, non de leur terre, mais des valeurs auxquelles ils avaient rêvé. Conscient d'une telle éventualité, Gordon avait pris les devants en déclarant au moment où l'idée du retour commençait à se préciser: « Si l'émigration vers la Palestine ne révolutionne pas radicalement les structures sociales juives elle n'est rien d'autre que le transfert de l'exil à la Terre d'Is­raël. »

Il n'en reste pas moins que beaucoup ont suffisamment de sens historique pour tenter de s'en inspirer. Vivant avec leur peine et leur espoir sur la terre recouvrée, ils éprouvent la nécessité de marquer, non seulement le temps mais le lieu, d'une signification ultime. Si le temps est la mesure du changement et la vie, le proces­sus du devenir, la question se pose de savoir comment la valorisation du temps peut-elle affecter l'existence dans un endroit donné? Le discernement requis par une telle exigence est à la mesure de son enjeu, comme le rappelle l'un des Sages du Talmud: "Le désir de com­prendre la réalité équivaut, pour un être humain, à as­sister à la reconstruction du Temple de Sainteté!"

*   *

Le défi auquel Israël veut répondre aujourd'hui est ca­ractérisé par le besoin de gérer convenablement son espace. Cette exigence nécessite bien des ajustements car si les élaborations conceptuelles pouvaient suffire à une vie référée essentiellement au temps, l'accès à l'espace requiert une pensée en situation, soucieuse de prendre en compte le concret souvent imprévu de la vie. Un Judaïsme évoluant en interaction avec le temps et l'espace est ainsi appelé à allier la tolérance inspirée par le sens de sa relativité à l'intransigeance issue de la conviction de son destin.

Après s'être reconstitué sur la terre ancestrale, Israël est un peu à la recherche d'une âme. Pour le meilleur comme pour le pire, le peuple juif a retrouvé la dimen­sion espace. Pendant des siècles, il a subsisté en son ab­sence. Il apprend maintenant à survivre à sa présence.

Des Palestiniens d'origine juive

Myriam Ambroselli

Des études scientifiques récentes s'appuyant sur des éléments histori­ques se penchent avec attention sur le cas des Palestiniens d'origine jui­ve. Il apparaît que si l'on scrute bien les différentes étapes de l’histoire de la Terre d'Israël, de la période du Second Temple jusqu'à aujourd'hui, nombreux sont les Palestiniens qui ont des antécédents juifs. Mieux encore, il apparaît que dans certains villages arabes d'Israël, des tradi­tions juives sont observées comme la mezouza, les tefillins, la circoncision le 8ème jour et la fabrication du vin (interdit par l'Islam). Autant d'élé­ments sur l'identité palestinienne qui invitent à reconsidérer le problème israélo-palestinien à sa source. C'est la thèse de Tsvi Misinai, scientifique renommé en Israël, physicien et infor­maticien, développée notamment dans son livre « Un frère ne doit pas lever l'épée contre un frère ».

Au-delà du « conflit israélo-palesti­nien » : retour aux sources

L'origine juive de la majorité des Palestiniens d'Israël n'est pas une idée nouvelle, ni une idéologie révolution­naire. David Ben Gourion et Yitzhak Ben-Zvi (second Président de l'Etat d'Israël) en parlaient bien avant 1948, dans les années 20. Ils publièrent un article commun intitulé « La Terre d'Israël au passé et au présent », arti­cle qui exprimait l'idée d'intégrer les Palestiniens parmi le peuple d'Israël. En 1917, Ben Gourion avait même publié une « Enquête sur les origines des Fellahin », analysant leurs ancê­tres et rappelant que « coule encore dans leurs veines du sang juif, le sang de ces agriculteurs juifs, de ces mas­ses, qui pendant des périodes troubles de l’histoire, ont choisi de renier leur foi pour ne pas être déracinés de leur terre ». Ben-Zvi quant à lui, mena une longue enquête en Terre d'Israël pour collecter des témoignages dans un livre intitulé « Populations de notre Terre » mais l'envenimement de la situation entre les Arabes et les Juifs contraint Ben-Zvi à abandonner son travail.

Les premiers Sionistes avaient bien vu la nécessité de revisiter les origines de la population non-juive d'Eretz Is­raël. En effet, suivant la thèse la plus répandue, après la destruction du Se­cond Temple et la révolte de Bar Ko­hva, les Juifs auraient été dispersés de la Terre d'Israël. Cela signifierait que par la suite, cette terre fut peuplée ma­joritairement par des étrangers, et ce, jusqu'à la création de l'Etat d'Israël. C'est brosser l’histoire à gros traits : la « disparition » des Juifs en Terre d'Israël est toujours restée mystérieu­se. A l'époque byzantine, les commu­nautés juives se sont en fait beaucoup développées en dehors de Jérusalem, en Galilée notamment.

En scrutant l'histoire et en analysant les témoignages, on découvre que le peuple de la Terre d'Israël serait com­posé de deux groupes principaux : Le premier, exilé de la Terre d'Israël après la destruction du Temple, a réussi à préserver son identité et sa religion à travers le temps jusqu'au retour et à la création de l'Etat. Le second groupe est constitué de ceux qui sont restés à travers les siècles en Terre d'Israël, même lorsqu'ils ont été forcés d' aban­donner leur religion et que, pour cer­tains, ils ont même fini par perdre leur identité originelle. Après que la Judée ait pris le nom de « Palestine» par la volonté de l'Empereur Romain Hadrien en 135, les descendants de ces convertis de force, mélangés aux autres nationalités présentes, en vin­rent à s'appeler « Palestiniens».

La première révélation concernant l'identité des Palestiniens a été pu­bliée par des chercheurs allemands en 1860 qui découvrirent que des Juifs cachés, comme les Marranes (Juifs cachés au temps de l'Espagne musul­mane et chrétienne, convertis de force mais pratiquant le Judaïsme en secret), existaient au temps des Templiers. Le colonel Condor de l'Institut de Re­cherche en Israël découvrit des traces d'araméen et d'hébreu dans la langue des Fellahin de la Terre d'Israël.

Ceux qui sont restés à travers les siècles ...

Les révoltes juives contre les Ro­mains (en 70 puis en 135) ont été la cause d'un grave amoindrissement de la présence juive en Terre d'Israël. Mais certains sont restés, même lors­que la Judée reçut pour nom « Pales­tine », et que les Judéens devinrent « Palestiniens ». La conquête de la Terre d'Israël par les Arabes en 640, conduisit à l'expansion de l'Islam par la force. Au 8ème siècle, certains se convertissent en raison d'une sérieuse discrimination économique à l'en­contre des non-musulmans. Mais ces conversions ne concernaient encore que la minorité des Juifs et des Chré­tiens qui restèrent fidèles à leur iden­tité. Au 11ème siècle cependant, en 1012, les califes Fatimides dirigés par les Musulmans Shiites du Caire, dé­crètent que tous les résidents de Terre Sainte qui ne sont pas musulmans ont l'obligation de se convertir à l'Islam ou doivent quitter le pays. La majorité des Chrétiens partent, mais nombre de Juifs, attachés à leur terre, préfèrent rester, quel qu'en soit le prix.

Ces conversions forcées conduisent à l'islamisation de 90% de la popu­lation. Mais pour la majorité de ces « convertis », à l'ouest du Jourdain, l'Islam n'est qu'une couverture. Chez eux, dans leurs maisons, ils conti­nuent d'observer leurs traditions jui­ves. On les nomme les Musta'ar­bim, ce qui signifie « cachés comme arabes ». Lorsqu'en 1044, un autre calife lève le décret des conversions forcées, un quart seulement des Mus­ta'arbim retournent ouvertement au Judaïsme, les autres préfèrent rester apparemment musulmans pour ne pas souffrir des discriminations écono­miques. Certains Juifs se font même délibérément Musta 'arbim pour cette raison. Et les différentes persécutions durant les Epoques Croisée et Mame­luk conduiront également à une forte augmentation des Juifs cachés.

A partir de 1840, les descendants des Musta 'arbim se mélangèrent à divers migrants dans le pays. Ainsi, lors­que arrivèrent les premiers colons sionistes, confrontés à des habitants parlant l'arabe, ils ne réalisèrent pas que nombre d'entre eux étaient les descendants de ces Musta'arbim, que certains connaissaient même leur identité originelle cachée, et même qu'une partie de ces « Palestiniens» avait réussi à préserver à travers les siècles quelques traditions juives. Des recherches démographico-historiques basées sur l'analyse des dynasties pa­lestiniennes à travers les siècles, ré­vèlent qu'à l'ouest du Jourdain, entre 82% et 89.5% de ces dynasties ont des origines juives anciennes, connues ou non.

Témoignages : des traditions au­ delà des lignes de séparation

Dans le village de Yutta en Cisjordanie, jusqu'en 1989, la femme la plus âgée du village allumait les bougies du shabbat devant tous les habitants au pied d'un arbre qui avait grandi sur une roche. Cette pratique cessa suite aux pressions des jeunes générations après la première Intifada. Dans ce village qui correspond à la ville biblique de Yatta, vit le clan des « Makhamara » à traduire littéralement par « fabricants de vins ou vignerons ». La consommation d'alcool et par conséquent la fabrication du vin étaient interdites par l'islam.

Les « Makhamara » étaient ces Juifs apparemment musulmans qui, en vérité, n'observaient pas la loi islamique. Des « vignerons ». S'ils n'avaient pas le droit de faire du vin, ils en buvaient, entre eux, dans des lieux cachés.

Dans le village de Samoa (Eshta­moah biblique) trois familles issues des « Makhamara» ont entamé le pro­cessus de conversion au judaïsme, et ceci en dépit des menaces terroristes qui ont été dirigées contre eux. Une des femmes les plus âgées allume méticu­leusement les lumières de shabbat et jeûne pour la commémoration de la destruction du Temple. Elle raconte aussi la succession des mères juives préservée dans sa famille, expliquant par là même que ses propres fils sont légitimement juifs. A Samoa, il y a toujours la synagogue encore en bon état et des perforations sur certaines portes rappellent l'usage de la mezu­za. On retrouve les mêmes signes sur les maisons au nord d'Hébron dans la localité de Sa'ir, par exemple. A Sa­moa, plus de 40% de la population observait les traditions juives et re­connaissait leurs origines juives il y a moins de cent ans. Ils ne se mariaient qu'entre membres d'une même tribu et donnaient à leurs enfants des noms juifs. Aujourd'hui beaucoup d'entre eux refusent de révéler leurs origines et se déclarent désormais musulmans. Au sud d'Hébron, dans le village de Dura (1'Adora'yim biblique), les pra­tiques funèbres mais aussi agricoles observées correspondent à la loi juive et non pas à celle de l'islam. Il sem­blerait, selon l'hypothèse de Ben-Zvi et d'Israël Belkind, que l'islam s'est difficilement enraciné en Terre d'Is­raël, contrairement aux autres pays arabes, à cause de la solidité des tradi­tions ancestrales qui l'a précédé dans l'histoire.

Les exemples sont nombreux et il ne s'agit pas seulement d'exceptions. A Khirbat Anim Al Fawka (situé juste au nord de la Ligne Verte), à Soussia, à Kiryat Arba, à Tekoa (au nord de Bethléem), à Shfar'ham et à Damun (près de Nazareth), à Ma'aleh Amos (à l'est d'Hébron), à Awarta (au sud de Naplouse), à Bid'yah (à l'ouest d'Ariel), à Katana (près d'Abu Gosh), et dans beaucoup d'autres villes ara­bes de la Terre d'Israël on retrouve les pratiques juives matrimoniales, funé­raires, religieuses mais aussi la cache­rout, le shabbat, les règles de pureté, de circoncision au huitième jour, ainsi que le calendrier juif. .. Les témoigna­ges sont souvent recueillis à mi-voix : dans une ville arabe-israélienne si­tuée à l'est de Sharon, un Sheikh re­connaît être un descendant des Juifs du Maghreb. Il prie avec les livres de prières juives, et, en secret, raconte la conversion forcée de ses ancêtres. A Bid'yah, on sait qu'il y a encore quel­ques années, au moins un patriarche d'une famille continuait l'étude des Ecritures saintes du Judaïsme et que les hommes se réunissaient secrète­ment pour prier dans une cave.

Des ancêtres communs?

Dans son article « les Arabes qui sont en Terre d'Israël », Belkind souligne que « partout en Israël, on trouve des tombes de saints ou de pro­phètes devant lesquelles les Arabes vont se prosterner et faire des vœux. Nombre d'entre elles sont aussi des lieux saints pour le peuple d'Israël ». Par exemple, à côté de la localité de Nes Tsiona, la tombe de Nabi Rubin le prophète est celle de Ruben, le fils de Jacob. A côté de Kfar Sava, la tombe de Nabi Benjamin est vénérée, com­me celle non loin, de Nabi Sham'un (Simon).

Depuis les années 90, de sérieuses études génétiques sont menées et ré­vèlent des troublantes ressemblances entre les Palestiniens et les Juifs. Autre élément exprimant cette continuité ancestrale : l’actuelle prononciation de l'hébreu par les Palestiniens, de même que l'usage d'expressions et de maximes dérivées de l'hébreu ancien par les « Arabes» des villages de Ga­lilée, comme par exemple à Sakhnin et Arrabeh. En outre, les noms de lieu en général sont restés bibliques, seu­lement légèrement modifiés : Safad pour Safed, Akka pour Akko, Beitla­hem pour Bethléem, et beaucoup d'autres. On entend aussi parmi les habitants et on peut lire sur les tombes, des noms bibliques hébreux ou araméens qui n'apparaissent pas dans le Coran ni dans la langue arabe parlée ou littéraire.

Des études géographiques et démo­graphiques s'attachent également à montrer que dans les régions monta­gneuses de la Terre d'Israël, en Gali­lée, en Samarie et en Judée, la majori­té de la population n'a pas abandonné ses lieux de résidence depuis des mil­liers d'années. Toutes les nations qui ont voulu conquérir la Terre d'Israël à travers l 'histoire, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Turcs, les Britanniques, en sont restés aux basses régions. Ainsi, au XIXème siècle, en­tre 70 et 75% des habitants des monta­gnes d'Israël étaient des descendants des Juifs, mais seulement entre 10 à 25% dans les basses régions.

Parmi les Bédouins, au sein des tribus du Néguev et du Sinaï, nombreux sont ceux qui suivent les pratiques juives. Il y en a aussi qui reconnaissent ouver­tement leurs origines juives. En octobre 2009, dans le cadre d'une rencon­tre destinée au rapprochement entre Juifs et Bédouins à Rahat, le sheikh Salam s'est exprimé en ces termes « Je suis un descendant des Juifs ». Il n'a pas dit s'il envisageait une recon­version au judaïsme. Cependant, c'est un élément de plus apporté à la thèse du docteur Tsvi Misinai selon laquelle « la guerre entre Israël et les Arabes est une véritable guerre fratricide ». Il faut revenir à nos racines ...

Nouvelle:

On célèbrera un jour de la langue hébraïque à la date anniversaire de la naissance de Ben Yehuda

Jean-Marie Allafort

Le gouvernement israélien veut ren­forcer la position de la langue hébraï­que à l’heure où l'anglais et le russe sont de plus en plus prégnants. Un jour de la langue hébraïque sera désormais célébré chaque année à la date anni­versaire de la naissance de Eliézer Ben Yehuda, l'initiateur principal de la renaissance de l’hébreu comme lan­gue parlée au début du 20ème siècle. Selon le calendrier hébraïque, Ben Yehuda est né le 21 du mois de Tevet 5818 soit le 7 janvier 1858. De nom­breuses manifestations marqueront ce jour particulièrement dans les écoles et les institutions publiques. L'Aca­démie de la Langue Hébraïque s'est félicitée de la décision prise. Pendant près de deux heures, les mi­nistres ont échangé leurs points de vue sur la situation de la langue hébraïque au sein de la société israélienne.

Le ministre de l'Education, Guidon Saar, a annoncé que la prochaine année 1 scolaire serait consacrée à l’hébreu. Il a été également évoqué la création d'un musée de la langue hébraïque. Enfin, un prix de 70.000 shéquels, qui portera le nom de Eliézer Ben Yehuda, sera décerné chaque année à ceux qui contribueront au développement et au renforcement de l'hébreu.

Connaissance du pays: Mitzpé Ramon

Une ville au centre du Néguev, tout entourée de désert, à perte de vue.

Antoinette Brémond et Suzanne Millet

La première fois que l'on prend le bus de Béersheva pour Mitzpé Ra­mon par la route 40, pendant ces 85 kilomètres dans les cailloux, le sable, les rochers et quelques touffes d'her­bes du désert, on ne peut s'empêcher de penser : des tentes de Bédouins, des bases militaires ou quelques kib­boutzim pionniers, oui, mais une ville ! Et puis, après une heure et demie de route, arrivant sur les hauteurs des monts du Néguev, à 830 m d'al­titude, Mitzpé Ramon ! (en français: point d'observation du Ramon).

Le bus traverse d'abord un quartier moderne de petites villas avec ga­rage, terrasse et jardinet, villas qui gagnent chaque année sur le désert. On passe alors devant le grand hô­tel, Auberge du Ramon, entouré de bâtiments à trois étages et l'on des­cend au centre-ville. Puis de nouveau de petites maisons couleur de sable, bordant le désert, avant d'arriver à un quartier de blocs de trois étages, aux murs blancs, près du Makhtesh Ramon (le cratère de Ramon). Des­cendre du bus, c'est être accueilli par des ibex. Si tu veux aller plus loin, vers le sud, trouver une autre ville, il te faudra franchir encore 120 km dans ce Néguev rocheux et tumul­tueux, et ce sera Eilat.

Le Makhtesh Ramon

Un immense « cratère », ou plus exactement selon le mot hébreu, un « mortier ». C'est un cirque d'éro­sion karstique, formation géologique unique dans le monde, de 40 km de long, et de 10 km de large. Ramon, vient du nom arabe « Romans» don­né à une voie au fond du cirque que les Romains auraient tracée. Mitzpé Ramon est donc construite sur l'arête nordique de ce Makhtesh. Lorsque l'on est sur le « balcon des oiseaux », plateforme en bois qui surplom­be le vide d'une falaise de 500 m, à contempler cet immense cirque et ces chaînes de montagnes qui se succèdent jusqu'à l'horizon, on peut tout à fait ignorer qu'il y a une ville derrière nous ; on peut tout au plus se rappeler que l'on a passé la nuit dans l'auberge de jeunesse à 50 m de là. Et pourtant la ville de Mitzpé, qui n'est encore qu'un Conseil local, est bien là, avec ses 5 500 habitants.

Histoire d'une ville au cœur du dé­sert

Dans les années 1950, il n'y avait là que des camps transitoires pour les ouvriers construisant la route 40 al­lant de Béersheva à Eilat, et un poste militaire. En 1956, quatre familles, des pionniers, débarquent dans ce désert pour y demeurer, trois familles d'Afrique du nord et une de Paris: « On habitait dans des baraques en plaques d'amiante », raconte Ra­chel, l'une de ces pionnières, mère de cinq enfants. Actuellement deux filles avec leur famille sont dans des kibboutzim du pays, deux (une fille et un garçon) à Mitzpé et l'aînée aux Etats-Unis. Quant à Rachel, elle n'a jamais quitté Mitzpé. « On faisait venir l'eau en camion citerne que l'on emmagasinait dans des contai­ners. Nous avions deux petites filles en bas âge, c'était dur, mais l'am­biance était sympathique, on man­geait ensemble le shabbat». Elle nous montre une photo de l'époque: une dizaine d'enfants posent dans ce désert, debout sur le sol aride , des plaques de pierre.

Aujourd'hui, Mitzpé Ramon est une ville agréable, aux larges avenues avec des palmiers, des eucalyptus, des bosquets de pins, des fleurs, des rosiers, des peintures claires et naïves un peu partout ; beaucoup de bancs et de nombreuses aires de jeux pour enfants, une piscine, une bibliothè­que, un centre communautaire, des écoles, des dispensaires, une grande surface, des cafés-restaurants, un marché hebdomadaire, une banque, une poste, des synagogues, des ma­gasins, des coiffeurs et des clubs pour tous les âges et toutes les tradi­tions orientales ou russes. A la sortie de la ville, des pierres sculptées en mémoire de la Shoa et un monument en souvenir des 15 soldats de Mitzpé tombés pour le pays.

En 1960, de nouveaux immigrants juifs du Maroc et de Roumanie furent envoyés sans cérémonie dans ce lieu désertique : « à une heure et demie de Tel-Aviv » leur avait-on dit pour les rassurer. Plusieurs, en voyant ce désert, ont pensé: « demain nous re­partons », Mais ils sont restés et ont construit cette ville. Une des raisons originelles pour fonder une ville dans cet endroit isolé au milieu du désert, était de tirer profit du trafic sur la route 40 qui relie les grandes villes de la bande côtière et du Nord Néguev à Eilat, le port du sud sur la Mer Rouge. L'autre raison était la volonté de l'Etat de renforcer la po­pulation dans un espace quasiment vide, le Néguev, afin d'affirmer plei­nement l'appartenance de la région à Israël ; Sdé Boker, le kibboutz de David Ben Gourion, n'est pas loin. Malheureusement la croissance de la ville fut sévèrement stoppée pen­dant plusieurs années quand, vers la fin des années 1960, la route 90, plus grande et plus directe, a été ouverte dans la Arava, le long de la frontière jordanienne. En effet pratiquement tout le trafic vers Eilat a dévié par cette route et Mitzpé Ramon s'est re­trouvée isolée. Il faudra attendre le milieu des années 90, avec l'arrivée de nouveaux immigrants, l'aména­gement de la route 40 qui s'avérait difficilement praticable et la crois­sance de l'éco-tourisme, pour que la ville connaisse une renaissance.

En 1980, après qu'Israël eût rendu le Sinaï à l'Egypte, beaucoup de familles de militaires de carrière viennent habiter à Mitzpé Ramon. Des camps militaires se multiplient dans le Néguev. De plus, l'armée de l'Air s'installe dans la région, avec son école d'officiers à proximité de Mitzpé. En 1990, Mitzpé Ramon se joint à l'effort national pour l'intégration de nouveaux immigrants de l'ancienne Union Soviétique (3000 environ) qui prendront une place importante dans l'évolution de la ville. Parmi eux, beaucoup de retraités touchant leur retraite d'Israël.

Fin 1990 début 2000, de nouveaux arrivants, attirés par l'environne­ment désertique, le calme et l'air pur, fuyant les villes, avec des options de vie écologique ou spirituelle, vien­dront s'ajouter à la population et renforcer son caractère fluctuant. En effet, les familles des militaires ne restent que quelques années, suivant la mutation du père. Et beaucoup de jeunes, faute de travail, quittent Mitzpé; quelques uns seulement re­viennent. Par contre, de plus en plus de fa­milles religieuses viennent s' instal­ler là, désirant vivre au désert.

Il faudrait encore parler des 50 Hé­breux Noirs installés à Mitzpé et des Bédouins du voisinage qui viennent en ville faire leurs achats et recevoir des soins.

Le quartier industriel

Le quartier industriel, appelé main­tenant le «quartier de la route des épices», est un bon exemple de ce développement de la ville dû à ces pionniers d'un nouveau genre.

Il y a 10 ans, ce quartier à l'entrée de la ville n'était qu'un ensemble de hangars abandonnés, plus ou moins en démolition. En effet si au début les habitants avaient essayé de lan­cer des industries comme la fabri­cation de bouchons de bouteille, de plastique, très vite ces entreprises durent fermer : les matières pre­mières venaient de trop loin, de Béersheva à plus de 80 km, et ce n'était pas rentable. Or, depuis les années 2000, ce quartier reprend vie.

Des pionniers nouveau style sont ve­nus l’habiter et, poussés par quelque idéal sioniste ou spirituel, y ont créé des structures originales. Les murs des hangars sont ornés de peintures gaies et claires. Si, dans certaines de ces baraques colorées on trouve des chantiers plus traditionnels comme une usine de vêtements militaires où travaillent une cinquantaine de fem­mes, une menuiserie, une fabrique de cadres en aluminium, un magasin de matériaux de construction, on peut découvrir plus loin les nouveautés : « Adama », un centre spécialisé pour enseigner la danse, mais aussi pour proposer aux Israéliens des vil­les une vie écologique en harmonie avec la nature. On peut y loger, ve­nir seul ou en groupe, pour des jour­nées d'étude ou pour participer à des soirées de danse, de musique. Plus loin, «Guide Horizon», avec son «Chalet » de 7 chambres, sa piscine SPA et surtout ses randonnées dans le Makhtesh en buggy et jeeps. Ste­phan Azoulay, le créateur de Guide Horizon, est arrivé de Paris il y a 10 ans. Ce quartier désolé l'inspire. « Je vais le faire revivre ». Beaucoup de familles israéliennes ou étrangè­res sont attirées par le caractère fa­milial et original de cet accueil et de ces randonnées. Il y a également une fabrique de savons faits entiè­rement avec des essences naturelles (une dizaine d'ouvriers), deux maga­sins de bijoux et d'artisanat local et deux restaurants. La mairie a encore d'autres projets: planter une vigne et créer une cave de vin. D'autre part il existe déjà les infras­tructures d'un futur quartier écolo­gique avec utilisation maximale de l'énergie solaire.

Education

1.500 enfants de trois mois à 18 ans sont pris en charge par des structures d'éducation traditionnelles ou non, de la garderie au lycée. De 3 à 6 ans, 500 élèves sont répartis dans 11 jar­dins d'enfants laïques ou religieux. L'école primaire gouvernementale « Ramon », avec 500 élèves, a été créée sur des bases d'éducation très nouvelle, donnant beaucoup de place au développement de l'enfant par l'art et la culture. L'école primaire religieuse, basée sur la Tora, la sen­sibilisation à l'environnement et le civisme, groupe 170 élèves. Le ly­cée «Hashalom », créé en souvenir d'Itzhak Rabin, se spécialise dans l'éducation scientifique et artistique. Avec 6 classes et 350 élèves, il pré­pare les jeunes à l'armée et à l'uni­versité.

Plusieurs écoles talmudiques (yeshi­vot) existent également à Mitzpé, pour les jeunes et pour les mariés qui viennent en famille. Pour les élèves de 14 à 18 ans, la yeshiva comprend un internat, des études de culture générale en plus de la Tora et du Talmud, et une étude de l'environ­nement. Ils font des stages dans le désert mais aussi dans tout le pays et sont formés à l'esprit démocratique. Signalons encore les mouvements de jeunesse comme « Le jeune qui tra­vaille et qui étudie », les Bné Akiva, et les Scouts. Dans le Centre com­munautaire, des cours du soir sont organisés pour jeunes et adultes. La bibliothèque avec ses 22.000 li­vres pour enfants, jeunes et adultes, dont 1.700 en langues étrangères, compte 2.550 abonnés. Un service d'ordinateurs est à la disposition du public.

Tourisme en plein essor

Les autocars de touristes israéliens et étrangers s'arrêtent au Centre des visiteurs situé sur le bord du Makh­tesh avec une vue panoramique et un musée offrant une documentation sur la formation du cratère, sa faune et sa flore, ses rochers et les prome­nades possibles. Et puis ils repartent sur Eilat. Certains visiteurs auront le temps de longer le Makhtesh sur la «Promenade Albert » reliant le Centre des visiteurs au «Chameau », esplanade sur un rocher ayant la forme d'un chameau. D'autres visi­teront le Bio Ramon, un complexe présentant une riche collection de plantes et d'animaux du désert. Actuellement il y a deux hôtels, une auberge de jeunesse, une Ecole de la nature, mais aussi des structures plus modestes, des chambres d 'hôtes, ou plus originales comme les Tentes du désert (pour les amoureux du silence), Adama, Le Chalet. En tout 1500 lits. Mais déjà se profile sur la falaise l'énorme complexe du futur hôtel « Berechit », construit par la compagnie Isrotel, qui ouvrira en été 2010 offrant 300 lits supplé­mentaires. Cet hôtel se veut le plus luxueux du Moyen Orient avec tout le confort moderne et activités ludi­ques. Ce projet offrira, semble-t-il, 150 nouveaux emplois pour les ha­bitants (diminuant ainsi un peu le taux élevé de chômage). Déjà 40% de la population travaille dans le tourisme. Il faudrait encore parler de toutes les initiatives créatrices de ces dix dernières années venant stimuler le tourisme : une ferme élevant des lamas et des alpagas avec vente de la laine et possibilité de promenades à cheval ou à chameau. Le tireur d'arc dans le désert. Une possibilité de descendre la falaise en double corde est aussi offerte aux groupes ou aux familles.

Sons et lumières sur le Makhtesh Ramon

C'est la sortie du shabbat ce 10 jan­vier 2010, il est 4hl/2. Le soleil va se coucher dans toute sa splendeur, le Makhtesh, les montagnes, sont tout illuminés : rose, orange, violet. Sur la scène, la Promenade Albert, de jeunes couples religieux viennent nombreux avec leurs petits enfants pour contempler le spectacle et les ibex nubiens sont au rendez-vous pour la joie de tous, et surtout des enfants. Des jeunes de yeshiva, sor­tant de leur synagogue, se dirigent droit sur la Promenade. Un couple de marginaux, main dans la main, fait son jogging en direction du soleil. De jeunes adolescents, Hébreux Noirs, courent au milieu des ibex, sans doute pour les disperser. Des Is­raéliens laïques attendent le premier bus pour Beershéva. On entend les voix des uns et des autres. Nous som­mes tous illuminés par ce soleil cou­chant. C'est la fin du shabbat dans ce désert où les Nabatéens passaient en caravanes... où, bien avant, Moïse avait cheminé avec le peuple hébreu. On est en Israël.

Cinéma:

Bodedim, Les Esseulés

Misha Uzan

Long métrage israélien de Ranan Shor.2009 – Avec Sasha Agronov et Anton Ostro­vski

Prix Ophir du meilleur acteur pour Sasha Agronov – Durée : 92 min

Glory Camp­bell et Sasha Blokhin sont deux soldats de l'unité Golani, une brigade d'infanterie si­tuée au nord d'Israël. L'un comme l'autre sont immigrés de Russie, seuls, sans famille proche en Israël. Ils sont des « soldats esseu­lés », un statut particulier à l'armée.

Glory est orphelin et Sasha est le fils d'un général russe. C'est pourquoi il est si fier d'être accepté en cours d'of­ficier. Mais c’était sans compter sur une mésaventure qui changera son parcours dans l'armée. Un soir de per­mission, Sasha perd son arme, faute grave. Malgré l’aide de Glory qui lui en trouve (vole) une autre à l'armure­rie de sa base, l'arme de Sasha finit à son insu entre les mains de terroristes du Hamas qui commettent un attentat avec. Suite à un procès mal organisé, une mauvaise défense et surtout le re­fus de livrer les détails de la perte de l'arme (qu'on apprend plus loin dans le film), ils sont condamnés pour trahi­son. Les deux jeunes israélo-russes at­terrissent dans une prison militaire où ils sont désignés d'emblée comme des traîtres. D'où leur accueil peu chaleureux. Mais ils vont tout faire pour ob­tenir un procès en appel qu'on refuse de leur donner. Ils iront pour l'obtenir, jusqu'à prendre la prison, ses prison­niers et ses gardes, en otage.

D'ores et déjà succès étranger dans plusieurs grandes villes américaines, le film est de qualité. Tiré d'une his­toire vraie, on pénètre au cœur de cer­tains fonctionnements de l'armée. Le réalisme critique de la bureaucratie militaire israélienne ou des difficultés rencontrées par les soldats esseulés peut être salué. Voilà aussi un film qui aborde l'armée de défense d'Israël, non pas comme instrument du confit israélo-arabe mais simplement com­me fait social intérieur en Israël. Une perspective israélienne passionnante pour qui veut comprendre le pays de l'intérieur.

Une perte de points de repère

I.C.

Le Département des Antiquités Egyptiennes vient d'identifier une rangée de tombes aux alentours de la grande Pyramide de Gizeh. Faisant son miel de toute nouveauté, le Directeur de ladite administra­tion s'est empressé d'inférer de cette découverte que les bâtisseurs des Pyramides étaient des Egyptiens et non pas des gens venus d'Israël. "Le fait, dit-il, que les ouvriers eussent reçu l'autorisation de creuser leurs propres tom­bes dans le voisinage de la Pyramide royale montre bien qu'il s'agissait d'une main d'œuvre locale engagée dans un projet national, et non pas d'esclaves, car il eût été in­terdit à de tels individus de se ménager une sépulture à proximité de celles des Pharaons. Nous avons, de plus, recueilli des preuves que ces travailleurs touchaient un salaire non imposable."

Une telle conclusion surprend de la part d'un expert, car certains rappels seraient de nature à récuser les blandices de cette lecture complaisante de l'histoire. Aussi, le désir d'être non pas juge abusif mais interlocuteur actif auto­risera-t-il à noter que le complexe des Pyramides de Gizeh, édifié pour honorer les cendres des Pharaons Khufu, Khafré et Menkauré, remonte au 26éme siècle (Avant l'Ere Commune), tandis que la venue en Egypte des clans d'Is­raël - dont la présence est confirmée dans la saga de Joseph - date probablement du 16éme siècle (AEC). Il ressort de ces points de repère qu'au moment où les enfants de Jacob s'établirent dans la terre de Goshen, les mânes des sou­verains de Memphis reposaient déjà depuis dix siècles ... "près des bords enchanteurs du Nil millénaire. "

Le hiatus, entre les propos anachroniques cités plus haut et les données implacables de l’histoire, encouragerait à penser qu'il est préférable de mettre les humeurs au ser­vice des idées, plutôt que les idées au service des humeurs. On peut certes se laisser enchanter par la vue de l'une des Sept Merveilles du monde mais, à force de vivre dans des lieux où le temps donne l'impression de s'être arrêté, notre érudit semble en avoir perdu la notion au point d'enfoncer des portes ouvertes. Il reste que pour répondre au besoin de retrouver la lucidité apaisante que tout conseille, il eût été bien inspiré de se référer à l'auteur de La Chartreuse de Parme qui notait, non sans à-propos: "Il est certains mo­ments que l'imagination ne peut se lasser de représenter et d'embellir. " Stendhal parlait manifestement en connais­sance de cause car il savait bien, comme tout un chacun, qu'il n'y a jamais eu de Chartreuse... à Parme.

Le chant du mois : “Od me’at”

Yohanan Elihaï

De nouveau Shlomo Gronich, (voir le site du lundi 13 avril 2009) le chanteur barbu et grisonnant, fantaisiste et plein de rythme, avec un cœur gros comme ça, qui s'est pris d'amitié pour les enfants éthiopiens. D’autant que certains dans la population israélienne ont du mal à accepter les nouveau-venus (ils sont noirs! et... sont-ils vraiment juifs?).

Voici un chant "Od me'at" (Encore un peu), chanté par Gronich avec un chœur d'enfants éthiopiens, surnommé le Chœur de Sheva - (voir II Rois 10/1, la reine de Saba ou Sheva, peut-être l'Ethiopie), très simple et évocateur pour des enfants qui se rappellent leur traversée du désert, où bien des leurs sont restés.

La lune surveille, là-haut,

Sur mon dos un sac

De maigre pitance

Devant moi le désert

Pas de limite en vue,

Et ma mère qui promet

À tous mes petits frères:

« Encore un peu, encore un bout,

Allons, levons les pieds,

Dernier effort avant Jérusalem! »

Mais en pleine nuit

Des brigands nous attaquent

Au couteau, à l'épée.

Dans le désert

Le sang de ma mère ...

La lune est mon témoin.

Et moi je calme mes frères :

« Encore un peu, encore un bout,

Et le rêve se réalisera,

Encore un peu et nous serons

En Terre d'Israël.

Encore un peu, encore un bout,

Dernier effort avant Jérusalem.

Ou-ou, ou-ou, ou-ou ...

La deuxième version du même chant est une mise en scène par les enfants d'une école qui montrent des élèves maltrai­tant quelques camarades éthiopiens: «Retournez chez vous, vous n'êtes même pas Juifs! »Mais une fillette prend leur défense et fait honte aux autres. Alors on voit le tableau de la marche dans le désert ... La mère qui tombe. Et un enfant chante: Si elle était ici maintenant, elle pourrait leur expliquer que je suis Juif.

Humour en finale:

Le mendiant

Yohanan Elihaï

Un mendiant interpelle David Glinkstein, qui vient de lui donner un franc: - Il y a deux ans, vous m'avez filé dix francs et l'an dernier, cinq. - Il y a deux ans, mon ami, j'étais célibataire, répond l'homme. L'an dernier, je me suis marié et cette année j'ai un enfant. - Quoi? Vous vous servez de mon fric pour faire vivre votre famille?!