Textes bibliques du jour

Pour lire les textes de la Parole du jour  selon le rite latin et avoir un petit commentaire cliquez ici

 

Annonces actuelles

Liens externes

Beaucoup de sites bibliques, sur Israël...sont très intéressants. Ici vous trouverez une liste qui s'allongera au fur et à mesure. Voir la liste.

Glânures...

Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

Si voulez lire plus cliquez ICI

N° 26 – Novembre/Décembre 2005

Jérusalem

Edito

Jean-Marie Allafort

En ces jours en Israël on commémore le dixième anniversaire de l’assassinat d’Itzhak Rabin. Dix ans après ce drame, la société israélienne est toujours aussi divisée. La violence, que le Premier ministre défunt avait condamnée quelques heures avant de mourir, gagne du terrain et les incitations à la haine n’ont pas diminué. Rabin divisait quand il était en vie, il ne rassemble toujours pas après sa mort. Le grand rassemblement à Tel Aviv l’a bien montré : la mémoire de Rabin et de son héritage sont aux mains de la gauche militante et ne concernent pas vraiment la droite. Le fossé qui existait entre les deux camps s’est encore creusé et les commémorations de l’assassinat d’un Premier ministre en Israël tué par un israélien, juif religieux, agacent de plus en plus des gens. Que commémore-t-on : l’homme ou sa vision politique ? La question rebondit cette année avec plus d’acuité suite à l’élection du nouveau secrétaire général du parti travailliste, Amir Péretz, qui a déclaré que le processus d’Oslo vit et respire. Le processus de paix lancé par Rabin et Pérès est-il une illusion et un fiasco ou au contraire est-il appelé à se poursuivre ? La réponse est différente selon les interlocuteurs.

Le nouveau leader des travaillistes a décidé que sa formation devait quitter la coalition gouvernementale. Selon lui, dans une démocratie digne de ce nom, l’opposition doit être forte et se présenter comme une véritable alternative. L’élection de Péretz était invraisemblable il y a une semaine comme celle de Sharon au poste de Premier ministre en été 2000 ou celle de Netanyahou en 1996. Sur le plan politique tout est possible en Israël.

Nous entrons dans une nouvelle période de turbulence avec cette campagne électorale. Après le désengagement, on aurait pu penser que le pays ‘prenne un peu de repos’ mais il n’en n’est rien. Ici, quelques mois sans qu’il ne se passe des événements est tout simplement impossible...

Dans ce numéro d’Un écho, nous essayons de poursuivre le but que nous nous sommes fixés : vous donner un autre regard sur ce pays que nous aimons. Regard bienveillant et lucide. Simple regard qui ne veut être récupéré par personne ni par aucun courant politique ou religieux. Regard désintéressé qui ne fait acception de personne.

Vous trouverez des articles sur quelques aspects de la vie quotidienne ainsi que des articles de fond : la suite de l’histoire du sionisme et de celle de Césarée, le chant du mois ainsi qu’un article sur la loi du talion.

 ANTISÉMITISME, JUDAÏSME ET LUMIÈRES, LE SIONISME ET SES CONTRADICTIONS

par Emmanuel Szurek

Sommaire :

1.L’antisémitisme, vecteur du mouvement sioniste Sionisme, antisémitisme et peuple juif La relation paradoxale qui lie l’antisémitisme et le judaïsme comme conscience d’appartenance Le sionisme, réaction radicale à un antisémitisme nouveau

2.Le difficile positionnement du sionisme, entre abandon de l’élitisme religieux et défiance à l’égard des Lumières La mise à distance de la religion Se méfier des Lumières Ahad Ha’am : la remise en cause de la Mission divine mais la renaissance d’un judaïsme libre

L’ANTISÉMITISME, VECTEUR DU MOUVEMENT SIONISTE

Tout le problème réside dans le fait que le sentiment d’appartenance est ici porté par quelque chose de PLUS qu’une simple solidarité religieuse. Il existe une spécificité propre à la religion juive, tenant à la fois à des éléments culturels (langues -yiddish, ladino,...-, écrivains, philosophie,...) et à une cohésion portée par l’idée d’une identité primordiale, séculaire, entretenue à travers dix-huit siècles de diaspora . C’est fort de cette profondeur historique qu’il faut comprendre que le projet sioniste est avant tout hostile à l’assimilation. Lorsqu’il procède d’une défiance première à l’égard des faux prophètes du règne des fins, dans lequel toute forme d’antisémitisme a définitivement disparu, ce sont les juifs assimilationnistes d’Europe occidentale, qui entendent limiter leur appartenance à la seule sphère du religieux, que le sionisme accuse d’oublier la continuité historique de la haine suscitée par les Juifs .

1. Sionisme, antisémitisme et peuple juif.

Le plus remarquable est sans doute, dans le discours des auteurs, l’insistance avec laquelle ils brandissent la pérennité de la menace antisémite. Celle-ci acquiert presque, comme nous allons le voir, une valeur normative, comme si elle était élevée au statut de nécessité historique consubstantielle à l’identité juive. Moshé Lev LILIENBLUM ( 1 ) , écrit ainsi dans De la résurrection d’Israël sur le sol de la terre de nos pères,1884 :

"Mais tous les Juifs qui ont été brûlés, égorgés ou qui ont été torturés à mort pour rester fidèles à leur foi sont-ils vraiment heureux de voir que le judaïsme n’a pas encore été saigné à blanc, qu’il lui reste encore quelques gouttes de sang dans les veines et qu’il est appelé à connaître encore de nombreuses années de souffrances et de massacres ?" (Charbit, p.18) Et plus loin : "[Les Juifs assimilés c.-à-d. ceux qui bénéficient déjà de l’égalité des droits] ne connaissent la sécurité que parce qu’ils sont acceptés en tant qu’êtres humains, mais rejetés en tant que Juifs." Il y a là la dénonciation de ce que l’on pourrait appeler une double anomie : d’une part, la sécurité et la sérénité actuelle des Juifs assimilés d’Europe occidentale revêt un caractère exceptionnel et éphémère en rupture avec le cours séculaire des persécutions ; d’autre part, cette tranquillité se paye d’une négation de soi comme membre à part entière d’un véritable peuple, comme si - en dehors d’un cadre national juif - la réalisation de la judéïté ne pouvait pleinement se réaliser que dans la confrontation à la haine. C’est donc une attitude de déficience que stigmatise le sionisme dans l’attitude assimilationniste et que Max NORDAU ( 2 ) désigne sous le nom ô combien évocateur de marranisme, pour la rapprocher des juifs tenus de se convertir au catholicisme pour échapper aux affres de l’Inquisition.

On peut alors comprendre que le sionisme condamne d’un même tenant l’assimilationnisme et la passivité des "masses" juives devant la menace de destruction, car c’est d’un même étouffement de l’identité juive, aussi bien culturel que physique, que procèdent ces deux attitudes, aux yeux des sionistes. Il faut essayer de saisir la subtile articulation entre judéïté et antisémitisme pour les auteurs sionistes.

2. La relation paradoxale qui lie l’antisémitisme et le judaïsme comme conscience d’appartenance.

Le sionisme, dans son développement à la fin du XIX ème siècle, n’est pas seulement une "réponse" à l’avènement contemporain d’un sentiment antijuif nouveau, l’antisémitisme moderne. La conceptualisation d’un antijudaïsme systématisé, rassemblant et unifiant tous les préjugés hostiles aux Juifs avec une vocation à appréhender l’essence commune à leurs supposées exactions, donne dans le discours de la haine une unité des Juifs de tous les pays et de tous les âges.

Le discours de Max NORDAU présente à cet égard des aspects intéressants. Il y a là en effet la conscience qu’il existe entre toutes les persécutions dont souffrent les Juifs une continuité propre qui distingue cette forme précise de rejet et de haine de toutes les autres. À tel point que la souffrance des Juifs en vient à être étroitement corrélée à leur singularité, comme si elle s’intégrait aux divers éléments qui fondent l’identité juive. "Ce n’est pas la misère habituelle qui est sans doute le lot inévitable du genre humain sur cette terre. C’est une misère spéciale que celle dont les Juifs souffrent, non comme êtres humains, mais comme Juifs et de laquelle ils seraient exempts s’ils n’étaient pas juifs." (Extrait de son discours au premier congrès sioniste, 1897 ; in Charbit p.21)

Et l’auteur de s’employer à l’énumération procédurière, laborieuse de la souffrance juive -entendue comme phénomène unifié- de part le monde : Roumanie, Galicie, Pologne, Autriche, Bulgarie, Hongrie, Maroc, Perse, tels sont les théâtres d’une seule et même persécution. Ainsi présentées, collectivement, les exactions antijuives ne sont plus l’expression de haines ponctuelles et soumises à des conditions historiques précises et repérables, sans lien les unes par rapport aux autres. Au contraire, ici s’affirme une surprenante continuité, une étonnante symbiose entre la souffrance des juifs galiciens et celle de leurs coreligionnaires perses.

Bien plus, non content d’unifier dans l’espace, le discours sioniste unifie dans le temps : " Cela fait plus de dix siècles que nous essayons en vain de prouver à tous les peuples d’Europe que nous ne mangeons pas de chair humaine et ne buvons pas de sang chrétien. " (Lilienblum, ibid, p.19) ;

De la même manière, lorsque NORDAU dénonce les "nouveaux marranes", il associe symboliquement l’Espagne d’Isabelle la Catholique à la France de la Troisième République, l’Allemagne du Deuxième Reich... Un peu plus loin l’auteur revient au XIV ème siècle : "A l’époque de la Peste noire, on accusait les Juifs d’empoisonner les puits ; aujourd’hui, les agriculteurs les accusent de faire baisser le prix du blé [....]" (ibid, p.26)

En remontant plus loin encore dans le temps, Sholem ALEIKHEM (3) écrit (p.127) : "Cela fait plus de dix-huit siècles que nous avons été dévastés et que nous errons de part le monde d’un logement à l’autre.", Extrait de l’article Pourquoi les Juifs ont-ils besoin d’une terre ?,1898 Et Israël ZANGWILL (4) également (p.131) : "Pour une race ainsi tourmentée pendant dix-huit siècles, la seule pensée d’un chez soi devrait apparaître comme apparaissent les lumières d’un port au voyageur secoué par l’orage." tiré de The East Africa Offer, 1905 .

3. Le sionisme, réaction radicale à un antisémitisme nouveau.

Quel est donc ce nouvel antisémitisme ? C’est celui qui fait la synthèse de toutes les formes de sentiments d’hostilité aux Juifs, tel qu’on le retrouve dans les écrits d’un Drumont, conciliateur du traditionnel antijudaïsme chrétien contre le peuple "déicide", d’un racisme "scientifique" lancé par la pensée d’un Gobineau (lequel n’est pas lui-même, à proprement parler, antisémite) et de l’antisémitisme économique, que l’on trouve chez Proudhon, Fourier, Toussenel, nettement socialisant. Il résume en un seul regard la somme des appréhensions du "fait juif", et il produit en ce sens le paradigme d’une unité en vertu de laquelle toute haine contre les Juifs, partout, et à toutes les époques procèdent d’une seule et même réalité attenante à la condition juive. Ainsi, au cœur même du discours antisémite nouveau de la fin du XIX ème siècle se trouve ébauchée une nécessité historique relative à ce qui peut dès lors être pensé comme un "peuple juif". La grande originalité de l’antisémitisme moderne réside en ce qu’il crée pour la première fois une pensée de l’irréductibilité de l’essence juive.

Or cela, les sionistes le savent : les conditions de survie des époques antérieures ne sont plus réunies, puisque les tenants de la haine n’admettent plus d’échappatoire possible à cet état. Citons Charbit, p.38 : "Par son apparition même, le sionisme souligne l’appréhension que le phénomène d’hostilité aux Juifs pourrait bien avoir cette fois un caractère spécifique qui dépasse en degré, voire en nature, toutes ses manifestations antérieures et justifie une riposte juive collective : l’antisémitisme moderne ne propose plus d’issue, comme avait pu l’être au temps de l’Inquisition, par exemple, la conversion au christianisme." Il y a ainsi dans certains textes sionistes une réflexion sur le sionisme comme unique solution devant une forme nouvelle de haine : Israël ZANGWILL écrit, deux ans après le pogrom de Kichinev, dans le contexte de la préparation du VIIème Congrès (1905) autour du projet ougandais proposé en 1903 par les Britanniques : "Il se peut que le sionisme ait peu à offrir aux riches Juifs occidentaux, si ce n’est la dignité morale, de même qu’il aurait eu peu à offrir à ces Juifs qui étaient grands d’Espagne avant que n’arrive l’Expulsion et l’Inquisition ; mais pour la grande majorité des Juifs dans le monde -et la moitié d’entre eux vit en Russie-, c’est un évangile non seulement de respect de soi mais aussi de salut." (p.132,ibid).

Et voici HERZL, pour qui "L’antisémitisme d’aujourd’hui ne doit pas être confondu avec la haine religieuse qu’on vouait aux Juifs d’autrefois. [...Il] est la conséquence de l’émancipation des Juifs." (p.50, in L’Etat des Juifs, 1896) Citons enfin Yossef Haïm BRENNER (5) , dont le discours (p.111) s’avèrera terriblement prophétique, lorsque, stigmatisant le désintérêt des Juifs occidentaux vis-à-vis de la communauté de Russie, la plus nombreuse et la plus exposée, il écrira : "Ô honte et turpitude ! ce souci pour les Juifs d’Amérique à l’heure où la vie de six millions de nos frères ne tient qu’à un fil ! A l’heure où une communauté deux fois plus nombreuse que celle de la sortie d’Egypte est à la merci des bêtes sanguinaires et menacée d’anéantissement ! Comment peut-on, face à de telles menaces, parler encore des "conditions favorables au développement du judaïsme" ?" ( Longue Missive, 1904). Comment s’étonner dès lors de l’enchaînement, dans le raisonnement herzlien, entre la mise en évidence de l’antisémitisme comme "préjugé héréditaire" et l’affirmation de la recherche d’une solution politique dont le présupposé demeure l’existence d’un peuple juif ? " Je ne considère la question juive ni comme une question sociale ni comme une question religieuse, quel que soit d’ailleurs l’aspect particulier sous lequel elle se présente suivant les temps et les lieux. C’est une question nationale." Et plus loin : "Nous sommes un peuple un." (p .46, ibid).

On est alors en droit de se demander dans quelle mesure le sionisme politique proposé par HERZL n’est pas l’aboutissement dans sa prétention à donner une réponse "moderne" à la "question juive" d’un raisonnement qui tire de l’unification des sentiments antijuifs, de leur radicalisation et de leur extension sous le nom d’antisémitisme une conscience d’appartenance politique unifiée et non plus seulement religieuse et culturelle. Avec ce souci et cette "présence" de la "modernité", nous touchons à l’un des paradoxes les plus intéressants du mouvement sioniste : la complexité de ses rapports au fait religieux, d’une part, l’ambivalence de sa relation avec l’héritage des Lumières, d’autre part.

A suivre...

-------------------

Vie quotidienne : les éclats de Goush Katif ÉCLATS DE GUSH KATIF

Gush Katif a éclaté dans tout Israël...Non pas les maisons détruites et dont les gravats ont été dispersés sur place, mais les plantes, les serres, les familles, ces 8000 Israéliens évacués dont on ne parle plus guère.

Au marché de Mahané Yehuda à Jérusalem, l’étalage portant l’enseigne « Gush katif » et vendant fruits et légumes, après quelques semaines « maigres » dues au désengagement, est de nouveau très bien achalandé. Et son vendeur a le sourire. « Mais d’où viennent vos légumes » ? « De Beit ha Gdi près de Nétivot à l’est de la Bande de Gaza » c’est là en effet que beaucoup de serres ont été transplantées et que certains cultivateurs de Gush Katif continuent à produire fruits et légumes selon la même méthode de travail qu’ils utilisaient auparavant.

Et les familles ? Pendant le mois d’août, avant le retrait, on voyait souvent à la télévision des « caravillot », maisons en préfabriqué qui se construisaient à la hâte sur des dunes entre Ashkelon et Ashdod. Je me rappelle avoir vu Ariel Sharon se promenant entre ces mobilhomes en construction et demandant aux entrepreneurs de se hâter ! Alors il nous a semblé intéressant d’aller les rencontrer, pour savoir comment ils vivent leur situation.

Nitzan

Depuis la route reliant Ashdod à Ashkelon on voit soudain apparaître une nouvelle localité, un ensemble imposant de maisonnettes toutes pareilles, ocre à toits rouges, entourées d’une pelouse verte. L’autobus n° 15 nous dépose sur la route à un kilomètre de la localité, Nitsan. La petite route qui nous y mène est déjà bordée de jeunes arbres, des micocouliers et des oliviers fraîchement plantés.

Dans les cours, des voitures, des vélos, des étendages de linge, et accolée à chaque maison, une soucca. La veille il avait plu. Rachel en plein nettoyage explique : « Ici le sable est plein de terre. Cela salit quand il pleut. Au Gush le sable était propre » ! Environ 500 « caravillot », des petites maisons de 90 mètres carrés avec trois ou quatre chambres et une salle de séjour, cuisine...Un climatiseur pour l’été et l’hiver. Et plus loin des dizaines de ces mobilhomes en construction. Ce village très homogène est déjà quadrillé de rues portant chacune un nom, et devant chaque maison, une enseigne avec le nom de la famille. Au centre, un dispensaire et un bureau central communautaire. Une grande tente où avait lieu, ce jour là, une animation pour les enfants, organisée par un volontaire venu d’ailleurs.

Si cette localité comprend déjà des jardins d’enfants et des synagogues installés dans l’une ou l’autre de ces maisons, il n’y a, par contre, ni magasin ni poste, ni banque, ni école. Il faut aller dans les villes voisines. C’est un peu comme une cité « dortoir » pour le moment. Certains ont entouré leur maison d’une barrière, ou alors d’ibiscus et de fleurs de toutes sortes ; nous avons même vu un poulailler attenant à la pelouse.

Voilà deux mois qu’ils sont là, provisoirement. Dans deux ans ils espèrent s’installer définitivement, construire leur maison avec l’aide prévue par le gouvernement, soit un peu plus haut et proche de la mer, soit ailleurs.

Dans les souccot des décorations habituelles, et des photos, des posters de Gush Katif, de leur village là-bas, et de leur synagogue.

Notre but n’était pas d’abord d’écrire un article dans « un écho d’Israël », mais de visiter ces « évacués » et de leur dire que même si les médias ne parlent plus beaucoup d’eux, on ne les oublie pas. Certains sont très amers et négatifs, surtout ceux qui sont sans travail. Elie, 50 ans, tourne en rond dans sa maison. Une de ses filles a préféré habiter chez sa grand-mère à Béershéva où elle étudie et ne revient que le week-end. « Après la prière du matin à la synagogue on ne sait plus comment remplir sa journée. Et à quoi cela a servi de nous faire partir ? Les ouvriers arabes sont plus malheureux qu’avant, ils ne touchent pas le salaire, même très bas, que nous leur donnions...Et nous, lorsque nous avons besoin d’ouvriers, cela nous coûte le double ! ». Puis il ajoute en souriant : « Peut être que ces deux années vont nous obliger à nous unir davantage ». Les plus favorisés sont ceux qui peuvent continuer le travail qu’ils avaient dans l’une ou l’autre des localités voisines.

A Nitsan, toutes les familles ne viennent pas du même village de Gush Katif ; la plupart sont partis d’eux même quelques semaines ou quelques jours avant le 17 août. La « brisure » qu’ils ressentent est surtout intérieure, fondamentale, même si elle s’exprime souvent en termes de mètres carrés. « Là-bas nous avions une maison de 200 mètres carrés... » Et c’est plus difficile pour les plus de 50 ans que pour les jeunes ayant encore la force d’imaginer de « recommencer ailleurs ».

Une jeune femme, Keren, nous impressionne par sa foi paisible et confiante. En fait sa famille avait été « placée » provisoirement dans un internat près de Nitsan. Mais c’était pour un mois. Maintenant ils devaient repartir sans savoir où aller. Elle était venue avec son mari et ses 4 enfants passer les fêtes chez sa mère à Nitsan. Elle nous fait asseoir sur sa terrasse, visiter sa soucca, boire du café et manger des gâteaux. Nous parlons. « La vie ici n’est elle pas moins dangereuse ? » - « Vous savez, au Gush, les kassams faisaient tellement partie de notre vie ! ». Sans comprendre, sans connaître l’avenir de sa famille, elle semble avoir une confiance radicale, simple et ferme en Celui qui avait appelé Abraham notre père à tout quitter sans savoir où il allait « Et puis, nous dit-elle, vous aussi vous avez tout quitté en venant en Israël...mais c’était votre choix ».

En repartant nous imaginons Nitsan, le soir, toutes les souccot illuminées, les familles y mangeant et se réjouissant. Car la joie c’est le premier commandement de cette fête. Une joie qui vient d’ailleurs, de plus loin, une joie inconditionnelle car elle annonce la « Rédemption » vécue déjà et pas encore dans la soucca . Puis assises à l’arrêt du bus, nous regardons Nitsan. Il y a beaucoup de nuages cette après- midi- là. La moitié de ces toits rouges sont dans l’ombre, l’autre moitié au soleil...amertume et souffrance...joie, confiance et espérance.

De retour à Jérusalem je m’interroge. « Que sont devenues ces 200 familles de Nevé Dekalim arrivées dans cinq hôtels ici, la nuit du 17-18 août ? ». Je retourne à l’hôtel Shalom. La plupart des familles sont encore là. Une immense soucca au 2ème étage, avec des tables dressées pour le repas du soir, et au fond, des lits pliants et des matelas pour ceux qui, nombreux, dorment dans la soucca. Contre les toiles de la tente, des dessins de petites maisons à toits rouges, de fleurs, de fruits, d’arbres : Gush Katif.

A chaque étage, beaucoup d’enfants jouent dans les couloirs. Les portes des chambres sont souvent ouvertes, permettant aux enfants de passer de l’une à l’autre et d’une famille à l’autre. Trois chambres pour une famille de 5 enfants. Hanna m’explique : « Nous ne voulons pas nous séparer et déménager dans les appartements loués pour nous par le gouvernement. Nous voulons rester ensemble. Nous sommes brisés. Il nous faut un lieu pour souffler, tous ensemble, pour être guéris et repenser ensemble la suite. Le gouvernement nous dit d’attendre. Peut- être irons nous à Nitsan. Mais nous voulons partir au moins 50 ou 100 familles ensemble. Certaines familles ont perdu patience et sont parties s’installer en solitaires là où on leur offrait un appartement. Jusqu’au dernier moment nous pensions rester à Nevé Dekalim. Nos enfants sont très traumatisés ».

A l’hôtel un jardin d’enfants a été organisé par les familles. Pour les enfants plus âgés, des classes spéciales ont été ouvertes pour eux en ville. Les enfants restent entre eux, des classes de filles et des classes de garçons. « Les enfants avaient besoin de rester entre eux, ne se sentant pas à l’aise avec des enfants n’ayant pas ’’ vécu cela’’ ».

Et puis il y a tous les autres, ceux qui se sont installés provisoirement à Ariel, en Galilée, à l’ouest du Néguev et sur la côte pour ce temps de guérison et de recommencement. Il me semble parfois que ce qui doit être difficile à vivre c’est cette dépendance dans laquelle se trouve cette population déplacée, dépendance des décisions et des offres du gouvernement, dépendance plus ou moins obligatoire provisoirement et difficile à surmonter. Les gens passent beaucoup de temps dans les bureaux à attendre des décisions parfois irréalisables ou contraires à leurs désirs. Certains restent pourtant patients et confiants : commencer cette nouvelle année liturgique avec le récit de la création lu à la synagogue : tout un programme !

Antoinette Brémond et Suzanne Millet

 

Connaissance d’Israël : Césarée maritime (2ème partie)

Chef-d’œuvre d’Hérode le Grand

C’est par la porte sud de la muraille que nous pénétrons dans la ville croisée pour continuer notre visite de Césarée maritime. Tout d’abord tournons à droite et montons sur les ruines de la muraille pour le panorama : vers le Sud, au loin, nous apercevons les trois tours de la centrale de Hadera, qui se dressent dans le paysage comme des colonnes romaines... Ensuite c’est le théâtre romain vers lequel s’avance le cardo. Une grande partie des fouilles de Césarée s’étale devant nos yeux. A nos pieds, c’est la douve et sa contrescarpe qui nous impressionnent par leur grandeur : 10 mètres de profondeur sur 15 mètres de large. Les fondations de la muraille étaient protégées par un glacis (talus en pente), qui fut retrouvé en bon état sur 10 à 15 m de sa hauteur. Deux poternes percées au pied de la muraille furent également découvertes. La muraille de 4 mètres d’épaisseur courait sur une longueur de près de 550 m sur 300 m et protégeait, sur trois côtés, la ville croisée qui occupait une superficie de 16 hectares environ. Les contreforts qui s’avancent de la muraille supportaient des tours dont on peut encore voir quelques traces. Il ne reste que deux des meurtrières construites dans la muraille. Ces fortifications furent certainement réalisées pendant la 7ème Croisade dirigée par le roi de France, Louis IX (1249-54). Le tracé de la muraille des croisés repose sur les ruines de la muraille arabe du IXe siècle. Le port croisé était défendu par une citadelle, séparée de la ville par un canal protégé par des tourelles massives.

La 1ère Croisade fut prêchée par le pape Urbain II, en 1095, au concile de Clermont. Le but d’une telle expédition lointaine était de délivrer les Lieux Saints chrétiens, dont le Saint-Sépulcre, tombés aux mains des Sarrasins. Les Croisés arrivèrent en Terre Sainte en 1099, et, après avoir établi la royauté à Jérusalem, ils entreprirent la conquête des ports de la Méditerranée, comme Akko (Saint-Jean d’Acre), Césarée, Jaffa et Ashkelon. C’est en mai 1101 que l’armée franque, sous la conduite du roi Baudouin Ier, s’empara de la ville de Césarée avec l’aide de la flotte génoise. Le chroniqueur de la 1ère Croisade, Albert d’Aix, décrit les horreurs perpétrées par les soldats francs. Le massacre le plus cruel eut lieu dans la grande mosquée. Le roi Baudouin ordonna aussi la destruction des arbres fruitiers de toute la campagne. Le lent déclin de la cité s’accentuait.

Au cours du butin qui suivit la prise de la ville, un vase précieux, de couleur verte, fut remis aux Génois pour les remercier de l’appui de leur flotte. Ce vase considéré être le Saint-Graal aurait servi à Jésus pour la Cène et, Joseph d’Arimathée y aurait recueillit le sang coulant du flanc percé du Seigneur. C’est Chrétien de Troyes (1135-1183), l’initiateur de la littérature courtoise, qui composa le premier roman de chevalerie, Perceval ou le Conte du Graal. Nous connaissons tous la « quête » du Graal par les chevaliers du roi Arthur ! Le Graal fut déposé dans la cathédrale San Lorenzo à Gênes.

Après la défaite « cuisante » des Croisés sur la colline les Cornes de Hattin, en 1187, l’on sonna le glas en Europe et la 3ème Croisade fut prêchée. Pendant ce temps, le vainqueur, le sultan ayyoubide Saladin (Salah al-Din), s’empara de Jérusalem et d’une grande partie des forteresses et des villes croisées dont Césarée Maritime. Remise à Gauthier d’Avesne elle redevint quelques temps plus tard propriété des Sarrasins. Jean de Brienne la rétablit en 1218 mais elle retomba immédiatement aux mains d’El-Malil el-Muaddam. Les Germains de la 7ème Croisade reprirent la ville. Louis IX quant à lui releva les fortifications (1251-52), qui comportaient la muraille, la douve, les portes et le donjon. Il édifia également la cathédrale qui semble-t-il resta inachevée.

Quatorze années après leur reconstruction ces fortifications furent démantelées et rasées jusqu’à leurs fondements par les sultans mamelouks Baybars (1265) et El-Ashraf. Ces destructions avaient pour but de décourager toute tentative européenne de nouvelle Croisade. Ce temps était révolu... En Europe les priorités étaient toutes autres...

Si à l’époque byzantine l’on utilisa les pierres des temples et des édifices romains pour la construction des églises et les statues des empereurs pour orner les rues, les Croisés leur emboîtèrent le pas en utilisant les piliers et chapiteaux byzantins pour construire les fondations des tours et des jetées. Les matériaux de la ville furent utilisés au XVIIIe siècle, par le gouverneur de Saint-Jean d’Acre, Ahmed, surnommé El Jazzar Pacha (le Boucher), pour la construction des murailles de la ville et pour l’édification de la grande mosquée. Jaffa et d’autres villes arabes profitèrent de cette ressource en matériaux. Des piliers sciés et tranchés servirent de meules tandis que d’autres furent broyés et brûlés pour en obtenir de la chaux.

Des fouilles archéologiques furent entreprises dans cette partie de la ville dès le printemps 1960, par M. G. Foester et A. Negev, sous la responsabilité du Committee for Landscaping and Preservation of Antiquities. Pendant six mois ils dégagèrent les fortifications croisées et à l’aide d’engins énormes ils déplacèrent près de 30 000 m3 de terre et de pierres accumulées dans la douve.

En empruntant, le long de la muraille, une rue croisée dont les voûtes des magasins furent partiellement rénovées nous continuons vers un promontoire (esplanade) face à la mer sur lequel subsistent encore les ruines de l’église croisée et du magnifique temple qu’Hérode le Grand construisit en l’honneur de son patron : « On bâtit aussi sur une colline qui est vis-à-vis de l’entrée de ce port un temple à Auguste, d’une grandeur et d’une beauté merveilleuse. On y voyait une statue de cet illustre empereur aussi grande que celle de Jupiter Olympien, sur le modèle de laquelle elle avait été faite, et une autre de Rome toute semblable à celle de Junon d’Argos » (Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, I, XVI ; Antiquités, XV, XIII). A l’époque byzantine une église octogonale remplaçait le temple d’Auguste.

Du promontoire l’on aperçoit les ruines du port et des jetées d’Hérode enfouies dans les eaux. Par mer calme, au large, une bande sombre signale la présence des vestiges de ce qui avait été le plus grand des ports méditerranéens. Ce port (nommé Sebastos) composé de jetées, en forme de croissant, longues de plus de 400 m, permettaient aux nombreux bateaux d’y trouver refuge. C’est par un chenal, flanqué de tours et situé dans la partie nord que l’on accédait au port. En voici la description faite par Flavius : « Après que ce grand prince eut fait prendre les mesures de l’étendue que devait avoir ce port, comme la mer avait en cet endroit vingt brasses de profondeur, il y fit jeter des pierres d’une grandeur si prodigieuse que la plupart avaient cinq pieds de long, dix de large et neuf de haut. Il y en avait même de plus grandes ; et il combla ainsi cet espace jusqu’à fleur d’eau. La moitié de ce môle, qui avait deux cents pieds de large, servait à rompre la violence des flots, et on bâtit sur l’autre moitié un mur fortifié de tours, à la plus grande et plus belle desquelles Hérode donna le nom de Drusus, fils de l’impératrice Livie, femme d’Auguste. Il y avait au-dedans du port de grands magasins voûtés pour retirer toutes sortes de marchandises, et diverses autres voûtes en forme d’arcades pour loger les matelots. Une descente très agréable et qui pouvait servir d’une très belle promenade environnait tout le port, dont l’entrée était opposée au vent de bise qui est en ce lieu-là le plus favorable de tous les vents ; aux deux côtés de cette entrée étaient trois colosses appuyés sur des pilastres, dont ceux qui étaient à la main gauche étaient soutenus par une tour extrêmement forte, et ceux de la main droite par deux colonnes de pierre si grandes qu’elles surpassaient la hauteur de cette tour. » (Flavius, La Guerre des Juifs, I, XVI).

Les installations du port comprenaient deux jetées extérieures servant de brise-lames et supportant des tours et des arcades, et deux autres jetées intérieures avec quais et entrepôts. Le port était donc constitué de trois bassins contigus. Tout un système ingénieux de canalisations et d’égouts provoquant la circulation de l’eau était prévu pour empêcher le port de s’ensabler. Cependant celui-ci sombra dans la mer à cause d’une faille provoquée peut-être par un tremblement de terre (en 130 de notre ère) ou des mouvements tectoniques. Du promontoire l’on aperçoit en contrebas les vestiges des quais, des entrepôts et d’un escalier monumental qui conduisait au temple d’Auguste. A l’emplacement du port intérieur d’Hérode, subsistent les maisons et la mosquée d’un village abandonné par les bosniens en 1948.

En s’approchant de la mer l’on peut acheter quelques souvenirs dans l’espace artisanal composé des magasins que sont devenues les maisons du village bosnien. Quelques restaurateurs vous attendent avec une friture ou une boisson bien fraîche... Une plage de sable fin vous invite au farniente et, pour les plus sportifs, quoi de mieux qu’une plongée au coeur de l’histoire afin de découvrir les soubassements du port de Césarée.

A propos de la plongée sous-marine, les premières recherches dans le port furent effectuées en 1960 par une expédition américaine dirigée par E. A. Link. Puis à partir de 1963, les fouilles sous-marines patronnées par l’American Israel Society et le Theological Seminary de Princeton, sous la direction de A. Edwin ont révélé le haut niveau d’ingénierie mis en œuvre pour la réalisation d’un tel complexe portuaire. Dès 1980, le Caesarea Ancient harbours Excavation Projet (CAHEP), entreprend, dans le port d’Hérode le Grand, le projet de fouilles sous-marines le plus vaste du monde. Pour assurer une bonne assise aux jetées, des caissons, remplis de mortier hydraulique composé de poudre volcanique (pouzzolane), furent déposés au fond de la mer. Grâce au travail des dragues à élévateurs d’air et des tuyaux gicleurs des fragments de ces caissons en bois furent exhumés ainsi que d’énormes pierres taillées dont certaines pèsent de 20 à 30 tonnes. De nombreuses amphores et autres poteries témoignent de l’activité économique du port.

Césarée s’est doté d’une nouvelle attraction qui fait la fierté de ce site touristique. Depuis peu s’est ouvert, dans les locaux du port et de la citadelle croisée, « la Tour du temps » qui offre une présentation interactive moderne de Césarée sur écran géant. Une animation informatisée vous permet de vous rendre compte des chantiers de constructions d’Hérode. Dans une autre salle « la Double présentation cinématographique » se compose d’un film qui retrace l’histoire de la ville à travers les époques, puis l’on est invité à une rencontre face à face avec les personnages qui ont marqué l’histoire de Césarée. Une présentation audio-visuelle interactive nous permet de leur poser des questions auxquelles ils s’empressent de répondre. Expérience captivante surtout pour les plus jeunes !

En quittant le port et en se dirigeant vers le nord le long de la mer, après avoir franchi la muraille croisée, nous atteignons l’emplacement des ruines de la Tour-de-Straton, site d’un port pré-hérodien, proche du quartier juif. Les archéologues ont exhumé des ruines hellénistiques de la Tour-de-Straton. Les fouilles du CAHEP permirent la mise à jour de tours, de quais et des poteries typiques du IIe siècle avant J.-C. C’est Straton, un des rois de Sidon, qui construisit une rade à mi-route entre Joppé et Dora au IVe siècle avant J.-C. Ce port est mentionné par Zénon, qui y acheta du blé pour son maître Appolonius, trésorier d’Egypte (IIIe s. av. J.-C.). De là l’on peut se rendre aux ruines de la synagogue et du quartier juif.

Les pluies abondantes de l’hiver 1938 firent apparaître les ruines d’une synagogue au nord du port d’Hérode. Le Département des antiquités d’Israël fit en 1946 quelques fouilles qui exposèrent trois couches superposées de pavement de mosaïque avec des inscriptions dédicatoires en grec ainsi que deux chapiteaux corinthiens sur lesquels étaient gravé des chandeliers à sept branches. En 1956 de nouvelles fouilles furent effectuées par le professeur Avi Yonah, de l’Université hébraïque de Jérusalem, assisté d’Abraham Negev. Toutes ces fouilles révélèrent que la synagogue construite au IVe siècle, fut rebâtie plusieurs fois jusqu’à sa destruction finale au VIIe siècle. Les fragments d’une inscription découverte proche de la synagogue mentionnent les vingt-quatre familles sacerdotales qui officiaient dans le Temple.

Le quartier juif fut le foyer de la révolte des Juifs contre Rome : « Quelque grands que fussent les maux que la tyrannie de Florus faisait à notre nation, elle les souffrait sans se révolter ; mais ce qui arriva à Césarée fut comme une étincelle qui alluma le feu de la guerre. Les Juifs de cette ville ayant prié diverses fois un Grec qui avait un terrain proche de leur synagogue de le leur vendre, avec offre de le payer beaucoup plus qu’il ne valait, il ne se contenta pas de le refuser, il résolut pour les fâcher encore davantage d’y faire bâtir des boutiques et de ne laisser ainsi qu’un passage très étroit pour aller à leur synagogue... Le lendemain qui était un jour de sabbat, les juifs étant dans leur synagogue, un séditieux de ces Grecs de Césarée mit à dessein à l’entrée, avant qu’ils en sortissent, un vase de terre, et immolait des oiseaux en sacrifice. Il n’est pas croyable jusqu’à quel point cette action irrita les Juifs, parce qu’ils la considéraient comme un outrage fait à leurs lois et à leur synagogue, parce qu’ils croyaient en avoir été souillées... Mais les plus jeunes et les plus bouillants, ne pouvant retenir leur colère, voulaient en venir aux mains... Ainsi le combat s’alluma bientôt... » Quelque temps plus tard le massacre de nombreux Juifs à Jérusalem suivi de ceux de Césarée fut le signal de la révolte : « Il arriva, comme par un effet de la providence, qu’en ce même jour et à la même heure ceux de Césarée coupèrent la gorge aux Juifs, sans que de vingt mille qui demeuraient dans cette ville il n’en échappât un seul, parce que Florus fit arrêter ceux qui s’enfuyaient et les envoya aux galères. Un si grand carnage mit en telle fureur toute la nation des Juifs qu’ils ravagèrent tous les villages et toutes les villes frontières des Syriens... » (La Guerre des Juifs, II, XXV ; II, XXXIII). La guerre avait éclaté !... Elle se termina par la prise de Jérusalem et la destruction de son Temple en l’an 70, malgré quelques nids de résistance qui tinrent tête aux légions romaines comme la forteresse de Massada. Après avoir écrasé la révolte juive en Galilée en 66, Vespasien fit de Césarée ses quartiers généraux et c’est là qu’il fut nommé empereur par ses soldats. Au début du printemps de l’an 70, Titus, fils de Vespasien, à la tête des légions se mit en marche de Césarée vers Jérusalem...

Est-ce dans ce quartier de la ville que se trouvait la synagogue mentionnée par Flavius ? Retrouverons-nous un jour le quartier juif de la ville romaine des premiers siècles de notre ère ? Malgré le massacre de la population juive de Césarée en l’an 66, nombreux sont ceux qui vinrent s’y installer grâce à son commerce florissant. Cette prospérité et tranquillité de la communauté juive ne dura que peu de temps car un autre massacre de Juifs eut lieu ici sous l’empereur Hadrien quand il mit fin à la deuxième révolte juive (132-135).

Loïc Le Méhauté

 

De Kigali à Jérusalem : des rescapés du génocide Tutsi se rencontrent à Jérusalem

Du 31 octobre au 7 novembre 2005 Yad va Shem a accueilli pour la première fois des rescapés d’un autre génocide pour écouter, partager, poursuivre ensemble le devoir de mémoire.

Ce séminaire avait été organisé conjointement avec l’école internationale pour la shoah à Yad va Shem à Jérusalem, Nijamirambo- point d’appui de Bruxelles, organisation des rescapés du Rwanda vivant à Bruxelles, et le Mémorial de la shoah de Paris.

Le coordinateur de ce séminaire était le docteur Alain Michel, rabbin et historien. Parmi les délégués rwandais, certains étaient venus de France et de Belgique, d’autres du Rwanda même. Ils voulaient écouter, essayer de comprendre l’origine de la shoah, la tradition et la culture juive, ce qui en fait « un peuple à part ». Mais ils voulaient aussi connaître « l’après shoah », comment écrire, comment se faire entendre, comment lutter pour que cela ne recommence pas, comment vivre, survivre en tant que rescapés.

La visite du mémorial de Yad va Shem conduite par Shlomo Balsam fut particulièrement émouvante, le guide ayant perdu une partie de sa famille dans les camps et les Rwandais y retrouvant des images de ce qu’ils avaient vécu en 1994, et étant bouleversés d’entrer dans la souffrance et l’horreur vécu par le peuple juif.

Bien sûr pendant ce séminaire, les Rwandais ont parlé. Bien sûr nous les avons écoutés, bouleversés. Un génocide qui a duré 3 mois d’avril à juillet 1994 et où ont été massacrés 1 097 000 Tutsis sur une population de 1380 000, ne laissant que 283 000 survivants. Bien sûr les causes de ce génocide sont différentes de celles de la Shoah et personne n’a voulu comparer. On était ensemble, dans un même « pourquoi » final, inexplicable.

Edouard Bizumurumeyi, historien tutsi et Auréa Kayiganwa représentante de l’association des veuves, parlèrent de l’histoire du génocide tutsi d’une part et du rôle souvent cruel de femmes hutus. Si en Europe on a souvent simplifié en ne parlant que d’une guerre tribale, Edouard nous présente tout autre chose. Deux peuples, les Tutsis et les Hutus qui, tout en étant très différents de caractère, d’origine, de culture et même de couleur avaient une même langue, un même pays, un royaume, où chacun avait sa place. D’après lui, ce sont surtout les Belges puis les Français qui, lors de la colonisation, ont créé cette haine entre les deux peuples, déstabilisant la société, et considérant les Tutsis comme une « race » supérieure. Les Rwandais présents, tous catholiques, ont beaucoup parlé de la responsabilité de l’administration coloniale et des missionnaires avant et pendant le génocide.

Le christianisme est-il à l’origine des génocides ? La question même été posée ainsi en parlant de la shoah en particulier.

Des débats et échanges ont eu lieu sur divers sujets durant ce séminaire :

 Comment rendre la justice- le procès.

 La difficulté de la mémoire.

 Le sort des survivants après le génocide.

 La résistance juive et la résistance tutsie.

 les religions.

 le rôle de l’éducation dans la construction de la mémoire.

 Du vécu de la catastrophe à la conscience de la catastrophe.

 Survivre. Traumatisme et guérison. Mais c’est l’après-midi consacré à la rencontre entre les rescapés de la shoah et les rescapés Tutsis qui permit de mesurer les liens profonds et uniques entre les survivants, chacun témoignant, certains disant comment après avoir été morts-vivants, ils voulaient crier la vie, partout.

Yolande Mukagasana, l’une des organisatrices de ce séminaire, et auteur du livre « La mort ne veut pas de moi », (livre qui vient d’être traduit en hébreu) remercia les Israéliens d’avoir accueilli les Tutsis sur la terre d’Israël, d’avoir accepté d’écouter un autre génocide et d’autres souffrances. « Nous avons à recevoir de vous des conseils pour conduire notre survie, pour ne pas rester des victimes ». Oui, « plus jamais ça » dit on en Europe depuis 1945. Alors pourquoi ?

Suzanne Millet, Antoinette Brémond

Connaissance du judaïsme

La loi du talion

Un des malentendus chrétiens les plus tenaces au sujet du judaïsme est celui qui porte sur le sens de la loi du talion : « Œil pour œil, dent pour dent ». Peut-être parce que l’interprétation courante permet au chrétien d’entretenir un sentiment de supériorité par rapport au juif, qui pratiquerait la vengeance alors que le chrétien aurait le monopole du pardon. Il n’y a pas si longtemps, des journalistes parlaient systématiquement de « loi du talion » après chaque opération militaire israélienne consécutive à un attentat. Aujourd’hui encore, il est courant d’entendre parler de « représailles » en pareil contexte.

Revenons au verset biblique, qu’il est indispensable de situer dans son contexte pour le comprendre :

Lorsque deux hommes se battent, et qu’ils heurtent une femme enceinte, s’ils la font accoucher, sans autre accident, le coupable sera passible d’une amende que lui imposera le mari de la femme, et qu’il paiera selon la décision des juges. Mais s’il y a un accident, tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. Si un homme donne un coup dans l’oeil de son serviteur ou de sa servante, et qu’il lui fasse perdre l’œil, il le mettra en liberté en compensation de son œil. Et s’il fait tomber une dent a son serviteur ou à sa servante, il le mettra en liberté en compensation de sa dent. Si un bœuf frappe de sa corne un homme ou une femme, et que la mort s’en suive, le bœuf sera lapidé, on n’en mangera pas la chair, mais le maître du bœuf sera quitte. Mais si le boeuf frappait de la corne depuis longtemps, et que son maître, en ayant été averti, ne l’ait pas surveiIlé, le bœuf sera lapidé, s’il tue un homme ou une femme, et son maître aussi sera mis à mort. Si on impose au maître un prix pour le rachat de sa vie, il paiera tout ce qui lui aura été imposé (Exode 21,22-30).

Tout le passage concerne donc des questions de délits et de peines, pour indiquer comment chaque délit doit être sanctionné. Selon les commentateurs modernes, cette législation biblique est en elle-même beaucoup moins sévère que les usages en vigueur à la même époque chez d’autres peuples.

Aussi haut que l’on remonte dans l’histoire de l’interprétation des mots « œil pour œil, dent pour dent » dans la tradition juive, on constate que cette formule n’a jamais été prise au sens littéral. Le plus ancien des commentaires rabbiniques sur ce texte, dans le midrash tannaïte sur l’Exode, explique et démontre que l’on doit comprendre : pour un œil, une amende proportionnée au préjudice causé par la perte d’un œil ; pour une dent, une amende proportionnée au préjudice causé par la perte d’une dent. Le commentaire le dit explicitement : « Œil pour œil : cela signifie une compensation en argent pour un œil. » La suite argumente à partir de la fin du passage cité ci-dessus : si un délit qui serait passible de la peine de mort peut être sanctionné par une amende, à plus forte raison s’il ne s’agit que d’une blessure. D’autres commentaires font remarquer que l’application littérale de ce verset pourrait se révéler impossible, ou conduire à des absurdités, voire à de graves injustices : que faire si celui qui a crevé l’œil d’autrui est lui-même aveugle ou borgne ? Dans le premier cas, l’application du verset biblique serait impossible ; dans le second, elle commenderait d’infliger au coupable un préjudice largement disproportionné par rapport à la faute !

Du reste, tout le passage biblique le montre sans ambiguïté : loin d’inciter à la vengeance, l’Écriture veut au contraire encadrer strictement dans des règles de droit la sanction des délits, « selon la décision des juges », précisément pour prévenir les excès des vengeances spontanées.

Michel Remaud

Flashes d’espoir :

On apprend l’hébreu à Jérusalem Est

1-Apprendre rapidement l’hébreu, c’est bien là la priorité pour les nouveaux immigrants juifs venus de partout s’installer en Israël, faire leur aliya (monter en Israël). L’Etat a donc très vite créé des cours intensifs d’hébreu, des oulpans. Dans des classes de 20 à 30 élèves, des hommes et des femmes de tout âge, venus de partout, ne sachant parfois pas lire l’alphabet hébraïque ( sauf les religieux qui lisent à la synagogue), commencent à zéro ! D’origine russe, nord ou sud américaine, française, ils ne peuvent souvent se parler qu’en hébreu, langue qu’ils apprennent petit à petit grâce à des enseignants étonnants de dynamisme. Se joignent à ces nouveaux immigrants et aux étrangers, des Arabes de Jérusalem Est ou des environs. Depuis deux ans, un enseignant d’origine russe a créé dans un quartier de Jérusalem un oulpan de style différent et qui se révèle très efficace. Les élèves sont groupés par langue : une classe de Français, une de Russes et une d’Américains. Le professeur enseigne pourtant en hébreu mais il est secondé par une personne parlant la langue de la classe.

2-A Jérusalem Est

Rien d’étonnant à ce que des Juifs israéliens enseignent l’hébreu à ceux qui arrivent. Mais des Arabes qui enseignent l’hébreu aux Arabes... ! En effet, en lisant Jérusalem Post du 14 octobre j’ai appris qu’il existe de nombreux oulpans d’hébreu pour les Arabes à Jérusalem. Depuis deux ans et demi, des instituteurs privés ou des institutions arabes ouvrent des oulpans. L’un d’eux : « Medabrim ivrit » (on parle hébreu), situé près de l’hôtel de l’American Colony a été fondé par son directeur actuel Masarwa. D’autres, « Inta Ma’ana », « Mercaz-al-Quds » ou « Mercaz al Quds al- taalimi » sont tous privés. Contrairement aux oulpans de Jérusalem Ouest, ces oulpans ne recrutent que des élèves arabes nés à Jérusalem ou dans les environs. Le prix en est très bas.

Qui sont les élèves ? Samir, un vendeur de légumes dans la vieille ville explique : « J’ai vraiment besoin de savoir l’hébreu pour mon travail, pour parler aux acheteurs israéliens mais aussi pour mes contacts avec la municipalité ». Il vient deux fois par semaine à l’oulpan, le soir après son travail pour un cours de deux heures. « L’hébreu est très important. C’est la langue officielle en Israël ; Si vous ne parlez pas l’hébreu, vous êtes comme des sourds-muets » dit-il. Nabil, lui, est un employé municipal qui vit au Mont des Oliviers ayant des diplômes scolaires. « Dommage que nous n’ayons pas appris l’hébreu à l’école » dit-il.

Les étudiants de « Medabrim ivrit » vont tout faire pour que leurs enfants apprennent l’hébreu à l’école. En fait il n’y a que la moitié des élèves de Jérusalem Est qui étudient dans des écoles publiques, où l’on enseigne l’hébreu. En effet, comme il n’y a pas assez d’écoles publiques, les parents mettent leurs enfants dans des écoles privées où l’hébreu n’est pas obligatoire. Même dans les écoles publiques, les enfants ne commencent l’hébreu qu’en troisième année, avec trois heures par semaine, sans examen en fin d’étude, alors que l’Anglais est enseigné dès la première année d’école et est sanctionné par un diplôme.

« Le langage est crucial, dit Masarwa, non seulement pour communiquer mais aussi pour créer des liens d’amitié et de confiance entre les deux peuples. Si nous parlions la même langue, beaucoup de nos problèmes seraient résolus. En étudiant la langue de l’autre, on apprend aussi son histoire et sa culture ; notre attitude vis-à-vis de l’autre change ».

Suad Abdullah enseigne l’anglais dans l’une des écoles de la vieille ville. Elle est musulmane pratiquante, priant cinq fois par jour et ayant la tête couverte. Voilà deux ans qu’elle apprend l’hébreu. « Les Israéliens en me voyant trouvent étrange que j’apprenne l’hébreu. Je suis musulmane mais ne fais pas de politique. Je veux apprendre l’hébreu pour communiquer avec l’autre communauté. Mais pourquoi les Israéliens n’apprennent-ils pas l’arabe ? Parce qu’ils sont majoritaires et nous minoritaires ? Et pourtant l’arabe est censé être l’une des langues officielles en Israël. Pour nous c’est comme une insulte : si peu d’Israéliens essayent de parler avec nous dans notre langue ».

Certains Palestiniens s’opposent à ce quelle apprenne l’hébreu. Mais pour elle, c’est fondamental ». Même lorsque nous aurons notre propre Etat nous resterons voisins et il nous faudra continuer à communiquer les uns avec les autres ».

Fadel Tahboub, un notable de Jérusalem parle parfaitement l’hébreu. Il avait 23 ans en 1967 et il a appris l’hébreu dans la rue réalisant son importance pour vivre avec les autres : « J’aimerais que les Israéliens sachent aussi bien l’arabe que nous l’hébreu. Il faut que les Israéliens commencent à apprendre l’arabe. Il faut faire face à la réalité : nous sommes ici au Moyen Orient ! ». Mais quelque soit la réalité israélienne, très décevante, les Palestiniens de la vieille ville et même ceux de Ramallah et d’ailleurs, quant à eux, veulent étudier l’hébreu. « Rien ne nous arrêtera, conclut Masarwa, c’est trop important pour nous ».

Antoinette Brémond

Autre flash d’espoir

Peut-on mettre dans cette rubrique l’attitude de certains Israéliens comprenant leurs torts dans le conflit ? Voici en tout cas ce qu’écrivait récemment David Grossman, un auteur israélien bien connu :

« Qu’arriverait-il si le Premier ministre d’Israël commençait son discours aujourd’hui au sommet israélo-palestinien de Sharm al-Sheikh en reconnaissant la souffrance du peuple palestinien ? S’il déclarait qu’Israël accepte une responsabilité partielle pour ces souffrances ? Quel effet ces mots simples et directs auraient-ils sur l’opinion palestinienne ? La position d’Israël dans les négociations à venir en souffrirait-elle ? Israël y gagnerait-il ? Quel sentiment auraient les Israéliens si le président de l’Autorité palestinienne commençait son discours en exprimant ses regrets pour les souffrances que le peuple israélien a endurées ? S’il reconnaissait, simplement et directement, que les Palestiniens sont partiellement responsables de ces souffrances ? Peut-on imaginer un pareil moment, dans la marée de soupçon et d’hostilité qui nous piège, eux et nous ?

Il est clair pour tout le monde qu’un accord de paix définitif entre Israël et la Palestine devra traiter des souffrances que les deux peuples se sont mutuellement infligées, et de la responsabilité de ces souffrances.

Personne ne doute que chaque côté négociera bec et ongles avant de consentir à reconnaître officiellement la souffrance de l’ennemi. Au cours des pourparlers de Camp David de l’été 2000, les Palestiniens ont cherché à donner un prix pour chacun des chapitres de leur tragédie nationale. Les représentants israéliens à Camp David découvrirent que les Palestiniens avaient calculé des indemnités pour chacune des maisons et des quartiers de Jérusalem d’où avaient fui des Palestiniens en 1948. De même pour tout village d’où des Palestiniens avaient été expulsés, et pour toute personne tuée par Israël au cours du conflit. Mais, quand le moment d’un traité sera venu, Israël pourra, lui aussi, soumettre une addition pour tout ce que les Palestiniens ont fait aux Israéliens, depuis le début du conflit jusqu’au jour dit. Israël donnera un prix pour toute attaque violente, y compris le bombardement des villes du sud, il y a trois semaines, depuis la bande de Gaza. Sans oublier la longue liste de biens qu’ont abandonnés les Juifs dans les pays arabes d’où ils ont fui.

Toutefois, la concession la plus difficile à faire, concession implicite qu’il y a lorsqu’on reconnaît la souffrance de son ennemi et qu’on en accepte une responsabilité, ne se situe peut-être pas sur le plan économique. Ce qui est réellement difficile, de chaque côté, c’est de renoncer à la perception qu’on a de soi-même comme unique victime du conflit. De chaque côté, se considérer comme victime donne de la force, de la motivation, un sentiment que sa cause est juste, de la cohésion. Cela relie les Israéliens comme les Palestiniens à leur identité historique. Les deux côtés, à leur manière, ont conçu leur histoire autour du sentiment que le destin les vouait à être victimes.

[...]

Mais une acceptation mutuelle des souffrances peut donner au processus de paix la dynamique émotionnelle dont il manque si cruellement. »

En écho, comme je parlais avec une assistante sociale de l’antisémitisme chrétien passé, de la venue du Pape et de sa demande de pardon, elle me répondit : « Oui... comme il faudra bien un jour que nous demandions pardon aux Palestiniens. »

Et une flashette :

Ces trois vendredis passés à la Mosquée d’Omar de Jérusalem sont venus 175.000 musulmans, de tout âge, arrivés de diverses parties du pays, à cause du Ramadhan, y compris des territoires occupés, sans problèmes, sans limitation, sans violence. Vous ne trouverez pas ces faits, pourtant encourageants comparés au passé, dans les journaux d’Europe, qui ne savent parler de ce pays et de ces deux peuples que quand cela va mal. Mais c’est un peu la maladie de tous les médias dans le monde.

Yohanan Elihaï

Au fil des mois...

L'ONU proclame le 27 janvier journée internationale de commémoration de la Shoah (1er novembre 05)

Alors que le président iranien appelle à un nouveau génocide du peuple juif en souhaitant qu'Israël soit rayé de la carte, ce mardi 1er novembre l'assemblée générale de l'ONU a adopté unanimement la proposition faite par Israël de fixer une journée internationale de commémoration de la Shoah. La date choisie pour cette commémoration sera le 27 janvier 1945, jour de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz.

Ce vote historique est aussi une victoire pour la diplomatie israélienne puisque c'est l'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Danny Guilerman, qui a présenté la proposition depuis la tribune officielle de l'assemblée générale. Il est le premier diplomate israélien à soumettre à l'assemblée plénière des Nations-Unies une résolution qui, de plus, est acceptée à l'unanimité même si des délégations de pays arabes et musulmans ont exprimé des réserves regrettant que le texte ne mentionne pas également d'autres génocidesetmassacres.

Ainsi, l'ambassadeur d'Egypte auprès de l'ONU a déclaré à la presse que « personne n'avait le monopole de la souffrance » et a demandé à ce que la résolution couvre tous les cas de meurtre d' « un peuple à l'encontre d'un autre peuple. » Le représentant de la Malaisie a également souligné que « la Shoah n'est pas la seule tragédie humaine. » Au terme du vote, l'ambassadeur d'Israël à l'ONU, dont une partie de sa famille a disparu dans la Shoah, a tenu à remercier les pays qui ont activement soutenu cette proposition. Enfin, il a prononcé en hébreu la bénédiction que l'on récite pour les fêtes et les événements importants de l'existence : « Béni sois-tu Seigneur toi qui nous a fait vivre, subsister et arriver à ce moment. »

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom a salué cette décision déclarant : « C'est la première fois depuis la création de l'Etat que l'assemblée de l'ONU adopte une décision émanant d'une proposition déposée par Israël. Il s'agit d'un pas significatif, à la fois pour le combat contre l'antisémitisme et en faveur de la commémoration de la Shoah, mais aussi par l'amélioration du statut international d'Israël. »

De même, le vice-ministre aux affaires sociales et de la Diaspora, le député Mikhaël Melkior, a déclaré que « cette importante décision de l'ONU vient avec un très grand retard, mais il vaut mieux tard que jamais. Le test de cette décision sera sa mise en œuvre, en particulier dans les systèmes éducatifs du monde entier et dans les pays où l'antisémitisme prolifère. »

La rédaction

 

----------------------------------------------------------

Malgré la mort de leur enfant, les parents font un pas pour la paix (5 novembre 05)

L'enfant palestinien de 12 ans, Ahmed Ismaël Hativ, qui avait été très grièvement blessé jeudi à la tête et au ventre par des tirs de soldats israéliens près de Jénine a succombé à ses blessures ce samedi 5 novembre. Le jeune garçon a été victime d'une tragique méprise. Des soldats israéliens ont ouvert le feu en sa direction alors qu'il s'amusait en brandissant un fusil en plastique. Le porte-parole de Tsahal a présenté de profonds regrets à la famille. Au même moment, le président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas avait appelé à un retour au calme.L'enfant blessé avait été transporté à l'hôpital Rambam de Haïfa où pendant trois jours les médecins ont tout fait pour le sauver mais sans succès.

En geste de paix envers les Israéliens, les parents ont décidé de faire don des organes de leur enfant mort. Ils ont précisé que leur décision était un geste pour « le rapprochement de la paix entre les deux peuples. »

L'oncle du garçon, Moustafa Mahmid, habitant de Oum El Fahem en Galilée a déclaré : « Ahmed était un enfant charmant, vif qui ne savait que jouer. Nous voulons faire dons de ses organes à n'importe quel enfant israélien que nous considérons comme nos enfants. Nous espérons que cesse les effusions de sang. »

La rédaction

Archéologie :

découverte d'une des plus vieilles églises du monde à Meggido (6 novembre 05)

La deuxième chaîne de télévision israélienne a annoncé hier soirsamedi 5 novembre la découverte de l'une des églises les plus anciennes de la région et peut-être même du monde de la fin du 3-ème ou tout début du 4ème siècle. Il y a quelques jours, à l'intérieur de la célèbre prison de sûreté de Meggido, en Galilée, des archéologues aidés par des prisonniers ont mis au jour une des églises les mieux conservées du pays. L'annonce de cette découverte archéologique provoque une grande émotion chez les chercheurs. Meggido est connue pour ses fameuses fouilles archéologiques où différentes époques se chevauchent.

Il y a quelques mois, la direction de la prison a voulu construire de nouveaux bâtiments pour satisfaire aux besoins des 1200 prisonniers sécuritaires qui y sont détenus. Le département israélien des Antiquités a demandé au préalable de pouvoir faire des fouilles sur les lieux. La direction de la prison a proposé de mettre à la disposition des archéologues des prisonniers. Ainsi depuis février dernier près de 60 détenus ont participé aux fouilles en découvrant essentiellement des pièces de monnaies et des poteries. La semaine dernière, ils ont découvert une église dont les mosaïques sont parfaitement bien conservées. Sur ce lieu devait être construit une nouvelle aile de bâtiment.

Sur le sol, ils ont mis au jour trois inscriptions écrites en grec, des dessins géométriques et un médaillon où est dessiné un poisson. Aucune croix n'a été découverte. Pour les archéologues, c'est une des preuves de l'antiquité du bâtiment puisque les chrétiens avant Constantin ne représentaient pas la croix et qu'ils utilisaient comme symbole le poisson : en grec, « poisson » se dit Ichtus. Ce mot peut être interprété comme les initiales des mots grecs Ièsous Christos Théou Uios Sôter, Jésus Christ fils de Dieu Sauveur. De plus, l'église est dédicacée au « Dieu Jésus Christ comme mémorial » Comme souvent à cette époque, il y a une inscription qui mentionne le bienfaiteur qui a payé la construction de l'église. Une dernière inscription mentionne les noms de quatre femmes. La semaine dernière, les archéologues ont photographié les inscriptions et envoyé les photos par mail au professeur Léa Dissgani de l'Université Hébraïque de Jérusalem, spécialiste des inscriptions anciennes. Elle a déclaré au journal Haaretz sa très grande surprise : « Il s'agit de l'inscription la plus ancienne que j'ai vu de l'époque byzantine. Elle peut être du 3-ème siècle ou du début du 4ème siècle. » L'analyse des céramiques découvertes sur les lieux fortifient cette datation ancienne.

Selon les archéologues, on peut facilement identifier la place de l'autel où était célébré le culte : il était situé au centre de l'édifice. Il est vraisemblable que les fidèles étaient assemblés autour de l'autel comme lors du dernier repas de Jésus. Enfin, il faut noter que l'église n'est pas orientée vers l'orient comme le seront les églises byzantines du 4ème siècle. Pour le directeur des fouilles du département israélien des Antiquités, Yotam Tefer, cette découverte est importante « pour comprendre les débuts du christianisme comme religion reconnue et officielle. »

A l'ouest de la prison, un complexe d'habitation du 4ème - 6ème siècles a été également découvert construit sur des restes de l'époque romaine. En plus, un bain rituel, également de l'époque romaine, a été mis au jour.

Pour l'heure, il est encore trop tôt pour savoir si la prison actuelle sera déplacée ou si c'est l'ensemble des découvertes qui seront reproduites plus loin. La direction de la prison de Meggido a fait savoir qu'elle attendait la décision du département des Antiquités.

Le Premier ministre Ariel Sharon a exprimé sa profonde émotion en apprenant la découverte archéologique : « C'est une histoire extraordinaire » a-t-il ajouté. Dès hier soir, le pape Benoît XVI a été informé de la nouvelle qui s'est répandue comme une traînée de poudre dans le monde chrétien. Le ministre israélien du Tourisme, Abraham Hirchson, a envoyé un message au pape pour l'inviter à venir inaugurer la prochaine ouverture du site. Selon lui, la prison de Meggido devra être déplacée.

Jean-Marie Allafort

 

 La croix et le poisson (6 novembre 05)

II y a quelques années, lors d'une émission du jeu télévisé « Questions pour un champion », une des premières questions posées était : « Quel est l'emblème du christianisme ? » Un candidat trop savant, et trop prompt, répondit immédiatement : « Le poisson. » Malheureusement, cette réponse n'était pas celle qui figurait sur la fiche de l'animateur de l'émission. Aucun des trois autres candidats ne put ensuite donner la réponse attendue : la croix.

La découverte archéologique qui vient d'être faite à Mégiddo fournit l'occasion de donner, à défaut d'un exposé scientifique complet sur cet immense sujet, quelques indications très sommaires sur deux symboles chrétiens anciens : la croix et le poisson.

La reconnaissance de la croix comme instrument du salut remonte à saint Paul : « Que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ. » (Gai. 6,14). On pourrait citer bien d'autres références.

Instrument de la victoire sur la mort, la croix est présentée d'abord comme glorieuse. La glorification de la croix est l'élément commun à tous les courants judéo-chrétiens anciens. Les premières représentations quelque peu élaborées de la croix, par exemple dans des mosaïques anciennes, ne représentent pas le crucifié, mais montrent un Christ glorieux tenant à la main sa croix comme un sceptre. Plus tard, apparaissent des représentations du Christ en majesté sur la croix ; qu'on pense par exemple au célèbre crucifix de Saint-Damien, dont la contemplation marqua François d'Assise de façon décisive ; ou encore, à la magnifique mosaïque de l'église Saint-Clément de Rome, où la croix apparaît comme un arbre de vie dans les branches duquel viennent s'inscrire toutes les activités de la vie humaine.

16

On peut considérer comme relativement tardifs les « crucifix », c'est-à-dire les représentations du Christ sous la forme d'un corps sans vie accroché à la croix. La liturgie latine du vendredi saint contient une « adoration de la croix » (et non du crucifié) lors de laquelle les fidèles viennent vénérer une croix nue.

Si la reconnaissance de la croix comme instrument du salut remonte aux origines même du christianisme, il faut attendre le quatrième siècle pour en trouver des représentations. Sans doute parce que les premières générations chrétiennes répugnaient à représenter un instrument de supplice encore en usage. Certains textes patristiques disent d'ailleurs que la croix n'a pas besoin d'être représentée, puisque le chrétien sait la découvrir partout dans la nature, comme par exemple dans l'oiseau qui vole. Une représentation déguisée de la croix, bien attestée dans les catacombes de Rome, est celle de l'ancre marine : le croyant peut discerner la croix dans la barre verticale et la barre horizontale supérieure. C'est en même temps une allusion au passage de l'épître aux Hébreux qui fait de l'ancre le symbole de l'espérance (He 6,19-20) : Jésus ressuscité est pour les chrétiens une ancre jetée « au-delà du voile » et qui nous arrime déjà à l'éternité glorieuse.

Avant les représentations de la croix - et la découverte de Mégiddo semble bien le confirmer - un des symboles iconographiques du christianisme était le poisson. Le symbole est double.

Le poisson vit dans l'eau. Il est le symbole du chrétien, qui est parvenu à la vie nouvelle par les eaux du baptême. Les peintures des catacombes confirment cette interprétation, attestée aussi chez les Pères de l'Église. « Nous, petits poissons, nous naissons dans l'eau, écrit Tertullien au III-ème siècle. « II t'a été réservé que les eaux te régénèrent par la grâce, comme elles ont engendré les autres êtres vivants à la vie terrestre. », écrit de son côté saint Ambroise, qui fut le maître de saint Augustin. Les eaux du baptême évoquent elles-mêmes un symbolisme très riche, qui est développé par exemple dans la formule liturgique de bénédiction de l'eau dans la nuit de Pâques, depuis les eaux du déluge jusqu'à celles qui jaillissent sous le seuil du temple, dans la vision du prophète Ézéchiel, et qui donnent naissance à un fleuve où foisonne le poisson, et sur les rives duquel croissent des arbres de vie - sans oublier, bien entendu, les eaux de la Mer Rouge, dont le passage marque la rupture entre la terre d'esclavage et l'accès à la liberté.

Symbole du chrétien, le poisson est aussi, et peut-être d'abord, celui du Christ. En grec, poisson se dit Ichtus. La tradition chrétienne voit dans ce terme les initiales des mots grecs : lèsous Christos Théou Uios Sôter, Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur. Cette orthographe a donné lieu à des spéculations reposant sur le fait que le mot Sôter, sauveur, comporte cinq lettres, comme le poisson (ictus) qui a été crée le cinquième jour. Indépendamment de ces subtilités, la tradition chrétienne ancienne n'est pas en peine pour relier ce symbole à des antécédents bibliques, par exemple le poisson dont il est question dans le livre de Tobie, et qui est source de guérison et de vie. On pourrait évoquer aussi la présence du poisson dans les récits des rencontre entre Jésus ressuscité et ses disciples, dans les Évangile de Luc (24,42-43) et Jean 21,1-14).

Benoît XVI a voulu que l'abrégé du Catéchisme de l'Église Catholique, publié récemment, comporte des illustrations. Alors que la culture religieuse de nos contemporains est dramatiquement indigente, il faut souhaiter que les chrétiens, par la connaissance des symboles traditionnels de leur religion, redécouvrent la richesse de leur patrimoine.

MichelRemaud

-------------------------------------------------------------

Le chant du mois : Eli, eli

Jean-Marie Allafort, Yohanan Elihaï

Les paroles et la mélodie du chant du mois « Eli, Eli » sont connues par tous les Israéliens. Il est fredonné lors des cérémonies commémoratives, chanté par les chorales et repris par de nombreux artistes. Il est devenu aussi la prière du « laïc » qui se tourne vers Dieu pour lui demander de maintenir l’existence du monde, malgré le deuil et la mort. Hymne d’espérance quand la nuit est trop noire. Ce chant a été également repris dans le film « La liste de Schindler »

Hannah Sénesh, l’auteur des vers ci-dessous, a connu un destin tragique qui la place parmi les héros de l’Etat d’Israël. Elle est née en Budapest en Hongrie, le 17 juillet 1921 dans une famille juive bourgeoise et assimilée. Elle perdra son père, Béla Sénesh, un journaliste et écrivain connu, à l’âge de six ans. Reçue dans une école protestante pour filles, elle va souffrir de l’antisémitisme ambiant et des brimades de ses camarades et de ses professeurs. En 1939, à l’âge de 18 ans, elle décide d’émigrer en Palestine et rejoint l’école d’agriculture pour filles de Nahalal. En 1941, avec un groupe de jeunes, elle fonde le kibboutz Sedot Yam, près de Césarée. Deux ans plus tard, informée de la situation tragique des juifs d’Europe, elle s’engage dans l’armée britannique pour une mission de sauvetage des juifs hongrois. Parachutée en Yougoslavie le 15 mars 1944, elle sera arrêtée à la frontière hongroise. Incarcérée dans la prison de Budapest, elle est accusée de trahison et d’espionnage. Elle est sauvagement torturée. Ses bourreaux lui laissent croire qu’elle sera jugée lors d’un procès équitable mais elle sera sommairement exécutée le 7 novembre 1944 alors que les Russes sont aux portes de la ville. Elle avait 23 ans.

Elle écrivit un journal intime qui sera publié après sa mort. Elle composa de nombreux poèmes aussi bien en hongrois qu’en hébreu où elle chante son amour pour la terre d’Israël. Le 26 mars 1950, sa dépouille est ramené en Israël et enterrée au mont Herzl, non loin de la tombe du visionnaire de l’Etat Juif. Le kibboutz Yad Hannah porte désormais son nom.

Mon Dieu, Mon Dieu

Que jamais ne s’épuisent

le sable et la mer

Le bruissement de l’eau

L’éclair des cieux

La prière de l’homme.

Jean-Marie Allafort

--------------------------------

Humour en final :

La Russie veut quelques renseignements sur Tel Aviv, et y envoie un agent :

 C’est simple, on a déjà quelqu’un sur place, Rue Allenby numéro 13, il s’appelle Isaac Cohen. Pour plus de sûreté, il y a un mot de passe “Aimez-vous les chevaux ?” Si la personne ne comprend pas, cherchez ailleurs. L’agent arrive au 13 rue Allenby, et voit plusieurs Isaac Cohen sur les boîtes aux lettres. Bon, essayons. Il sonne à une porte :

 Vous êtes bien Mr Isaac Cohen ? - Oui. - Aimez-vous les chevaux ?

 Ah, c’est pour l’espion ? Ce n’est pas ici, c’est au troisième.

Yohanan Elihai