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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 45 – Février/Mars 2009

Ain Avdat au Négev

Table des matières

   Editorial: Tsipi l'emporte, Bibi gagne

  Les relations germano-israéliennes 

  Le retour à Berlin 

  Le tourisme musulman en Israël

  La communauté druze en Israël (1 ère partie)

  Commment se fait-il que Tsahal bombarde des ambulances. des hôpitaux et des écoles

  Matan : Institut de Tora pour les femmes

  La cathédrale St. Georges

  Conseil de coordination interreligieuse en Israël (JCCl)

  A propos d'une décision romaine

  La chapelle Sixtine 

  Chant du mois et humour en final

  Infos pratiques

Editorial: Tsipi l’emporte, Bibi gagne

En Israël on aime les surprises et les rebondissements. Aucun sondage depuis deux mois n'avait prévu que la première dame de Kadima serait en tête, même de peu, de ce scrutin. On prédisait la fin du parti centriste, sa décomposition prochaine et certaine, il n'en est rien. Kadima reste l'une des grandes formations politiques de ce pays. Pour Tsipi Livni c'est une victoire personnelle même si elle ne devenait pas chef du gouvernement dans les prochains jours; pour Binyamin Netanyahu c'est un échec personnel même s'il devient le Premier ministre du prochain gouvernement. Ne nous y trompons pas: la victoire est bien celle de Livni qui crée la surprise, mais la clef de la prochaine coalition est dans la main du leader du Likoud et dans une grande mesure dans celle d' Avigdor Liberman. La campagne électorale menée par Kadima fut de loin la meilleure. Livni a vu juste en se tournant vers les femmes et les jeunes. La soirée électorale organisée dans la célèbre discothèque Oman 17 de Tel Aviva été un tournant. Elle a soulevé l'enthousiasme des jeunes.

Dès l'annonce des estimations des différentes chaînes de télévision, le Likoud a immédiatement crié victoire. Que Livni l'emporte sur Bibi d'un ou deux mandats est finalement secondaire. La prochaine Knesset est majoritairement à droite (avec 65 députés sur 120) et le candidat naturel au poste de Premier ministre est bien entendu Binyamin Netanyahu. Au Likoud, on est persuadé qu'Avigdor Liberman conclura une alliance politique avec leur leader. Rappelons ici que le Premier ministre est nommé par le président de l'Etat après consultation de tous les partis politiques élus à la Knesset. Si la majorité des formations politiques propose Netanyahu, Pérès se verrait obligé de demander au leader du Likoud de former la prochaine coalition. Nous serions dans un cas de figure inédit puisque, jamais encore en Israël, un 'perdant' n'a été nommé chef du gouvernement. Mais Israël est le pays des paradoxes. Dans le domaine politique, tout est possible.

Livni entend sc battre. Sur le papier, ses chances d'être Premier ministre sont moindres. Elle a proposé hier soir à Netanyahu de se joindre à sa coalition et de former ensemble un gouvernement d'union nationale. La solution d'une rotation adoptée en 1984 par Itzhak Shamir et Shimon Pérès est-elle envisageable? A l'époque, le Likoud et le parti travailliste obtinrent à peu près le même nombre de sièges. Il fut décidé alors d'une rotation entre Pérès et Shamir au poste de Premier ministre. Chacun fut chef du gouvernement pendant une période de deux ans. Ce gouvernement national sortit Israël d'une inflation galopante, entreprit le retrait de Tsahal du Liban et ébaucha W1e solution politique (l'accord de Londres) qui échoua de justesse. Un gouvernement d'union nationale n'est pas obligatoirement synonyme de paralysie.

Netanyahu ne veut pas former un gouvernement de droite avec une courte majorité. Il serait prisonnier des petits partis aux idéologies peu compatibles à la poursuite d'un processus de paix et très vite la confrontation avec la nouvelle administration américaine serait inévitable. JI a besoin de Kadima et des travaillistes. Mais il veut être Premier ministre.

Ces élections sonnent-elles le glas de la gauche? Le parti travailliste a entamé une chute vertigineuse. Passé de 34 mandats en 1996, il n'en obtient que 26 en 1999 (et malgré tout gagne les élections) puis en 2003 et 2006, 19 sièges ct, pour la première fois dans l'histoire d'Israël, le parti fondateur de l'Etat devient la quatrième formation politique après Israël Beiténou. Ehud Barak n'a pas l'intention de quitter la tête du parti. Après tout, Netanyahu aux dernières élections n'avait obtenu que 12 mandats. Il est aujourd'hui le meilleur candidat au poste de Premier ministre. Le parti travailliste ne pourra sc remettre de cet échec qu'en restant dans l'opposition. Si les Israéliens ont pardonné à Netanyahu ses erreurs de gestion, ils ne pardonnent pas à Barak les siennes. Méretz, qui était crédité par les sondages de 6 à 7 sièges, n'en obtient que 3. La gauche est aujourd'hui un épiphénomène de l'échiquier politique israélien. Nous assistons à une recomposition politique avec deux blocs: celui de droite, aujourd'hui majoritaire, ct celui du centre-gauche.

J,MA

Histoire

Les relations germano-israéliennes

Cécile Pilverdier

Les relations germano-israéliennes, du fait de la Shoa, sont obligatoirement particulières. Avec le temps et le changement de statut de l'Allemagne qui se normalise, ces relations évoluent également.

Après la guerre, Leo Baeck, survivant et ancien responsable de la communauté juive allemande observe : un gouffre insurmontable sépare désormais l'Allemagne et le judaïsme.

La fin de la Deuxième guerre mondiale est un temps pour surmonter ces années dramatiques. C'est aussi IUl temps pour établir un nouvel ordre international, la. volonté d'établir une ONU forte, mais aussi un temps de méfiance avec les débuts de la Guerre froide.

L' «impossible» rétablissement du dialogue avec l'Allemagne et la communauté juive et l' «improbable» établissement d'un contact entre la RF A et l'Etat d'Israël vont dépendre de trois facteurs: la réflexion relative au passé tragique, la préparation d'un avenir plus serein et les nécessités du moment. Notons que les arguments favorables à l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays sont le fait d'initiatives d'hommes d'Etat aux personnalités fortes dans le contexte de la Guerre froide.

Les compensations financières Avec la découverte progressive des horreurs commises, les organisations JUIves des USA demandent des réparations. Même si durant la Seconde guerre mondiale l'Etat d'Israël n'existait pas encore, il va se joindre aux requêtes des organisations juives américaines.

Un accord sera signé le 10 septembre 1952 entre l'Allemagne de l'Ouest et le gouvernement d'Israël, dans lequel l'Allemagne reconnaît que les Nazis ont commis un génocide contre le peuple juif, et elle promet de donner des compensations pour les biens pris aux Juifs, pour le rétablissement de ceux qui ont été sauvés.

En reconnaissant l'Etat d'Israël comme l'un des héritiers des communautés juives détruites durant la Shoa, cet accord est une première pour la justice internationale. La signature pour les réparations est SI née par le gouvernement d'Allemagne Fédérale comme un acte de réhabilitation dans la communauté internationale. Dans l'histoire économique de l'Etat d'Israël cet accord est l'un des actes important qui permit le développement économique du pays dans les années qui suivirent.

Au début des années 50, le souvenir de la Shoa est encore fiais dans la mémoire collective: l'Allemagne et ses citoyens inspirent des sentiments de vengeance et de haine, la majorité des citoyens israéliens n'achètent pas de produits venant d'Allemagne, à la radio on n'écoute pas les chants allemands et même la langue allemande est insoutenable pour beaucoup. Sur les passeports israéliens il y avait le tampon: «Pour tous pays, sauf l'Allemagne ».

Pour arriver à cet accord sur les compensations financières avec l'Allemagne, il faudra le pragmatisme de David Ben Gourion et l'ouverture de Konrad Adenauer convaincu de la nécessité de «réparer ». Dès 1950, ce dernier fournit discrètement une aide militaire à Israël qui a accueilli de nombreux survivants de la Shoa et Ben Gourion décide d'entreprendre une « normalisation »  des rapports germano-israéliens. Cette décision aidera surtout l'économie très difficile à l'époque, entre autres parce que l'Etat d'Israël devait accueillir des centaines de milliers d'immigrants en peu de temps.

En janvier 1951 Ben Gourion écrit dans son journal: «Kaplan (alors ministre des Finances) m'a expliqué que la situation alimentaire est au pire. Dans deux mois il n'y aura plus de pain... Son importation exige 5 à 6 semailles. En Europe, impossible d'obtenir un crédit, et si on ne prévoit pas, ce sera un désastre ».

Le 6 janvier 1951, le gouvernement d'Israël présente aux 4 grandes puissances (USA, URSS, Angleterre et France) une lettre au sujet des réparations et retour des biens que l'Allemagne doit aux Juifs, et demande une rétribution d'un milliard et demi de dollars. Puis Israël fait pression par un intermédiaire international sur le gouvernement d'Allemagne pour obtenir ces réparations. En mai 1951 le chancelier allemand Adenauer rencontre le président du bureau des Finances, David Horowitz, et, avec l'ambassadeur d'Israël à Paris. des discussions secrètes ont lieu entre les deux parties. Dans ces discussions il est décidé de faire une déclaration publique disant que l'Allemagne reconnaît sa responsabilité dans les crimes nazis.

En septembre 195 L Adenauer, dans un discours au parlement allemand déclare: «Des crimes qui ne peuvent être décrits ont été commis au nom du peuple allemand, qui exigent des compensations morales et concrètes. .. le gouvernement fédéral est prêt, avec les représentants du peuple juif et de l'Etat d'Israël.. à apporter une solution au problème des réparations matérielles et à faciliter ainsi la reconstruction morale ». En décembre de cette même année, Adenauer annonça publiquement que son gouvernement est prêt à arriver à un accord de paiements avec l'Etat d'Israël sur la base des accords mutuels.

En janvier 1952, malgré l'opposition publique violente menée en particulier par Menahem Begin, Israël accepte la proposition allemande et David Ben Gourion annonce devant la Knesset. l'acceptation de son gouvernement pour ouvrir les discussions avec l'Allemagne. La proposition doit être votée. Après une discussion longue et orageuse, elle est acceptée à une majorité de 61 voix contre 50 et 6 abstentions. La Knesset décide de nommer un comité parmi les membres des Affaire étrangères et de la Défense pour rédiger le texte final de l'accord proposé

Les discussions entre les parties se passent surtout dans le château Wassenaar à côté de la Haye aux Pays Bas et l'accord est signé le 10 septembre 1952 au Luxembourg par Adenauer, le ministre israélien des

Affaires étrangères Moshé Sharett et le président du Congrès juif mondial Nahum Goldmann, au titre de représentant des organisations juives. En mars 1953 la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset se prononce pour le texte de l'accord.

Durant les mois de discussions, un débat public houleux et parfois violent a lieu au sujet de l'accord et de son caractère. Ceux qUI refusent les réparations disent que la signature est une faute morale et que l'Etat d'Israël « vend la mémoire des victimes de la Shoa pour de l'argent ». Parmi eux il y a des rescapés et des membres des partis de l'opposition: le Héraut, les sionistes généraux, le Mapam et le Maki (parti communiste), qui manifestent dans les rues avec des pancartes disant: « Dehors le gouvernement du déshonneur» et « Ne vendez pas le sang de millions ».Ceux qui sont pour l'accord disent qu'on ne peut pas charger de la responsabilité des crimes nazis de façon collective tous les Allemands jusqu'à la fin des temps, et qu'une « nouvelle» Allemagne demande la réconciliation avec le peuple juif. Le 6 janvier 1952 la Knesset propose l'ouverture de discussions officielles avec l'Allemagne, celles-ci durent 3 jours. C'est le summum des disputes publiques sur le sujet.

Deux jours avant le vote à la Knesset. le parti Héraut prend l'initiative d'une vaste manifestation de protestation contre l'accord, à Jérusalem non loin du bâtiment de la Knesset. Sur l'estrade, Menahem Begin le chef de ce parti, appelle la foule à refuser cet accord et enflamme les esprits des manifestants qui se ruent vers le parlement et jettent des pierres sur les policiers Il y a 200 blessés et 400 personnes sont arrêtées. Le lendemain de cette manifestation, Ben Gourion tait un discours spécial à la radio: «Hier une main malveillante s'est levée contre la souveraineté de la Knesset ». Il s'élève alors contre ceux qui veulent agir par la violence sur les décisions du parlement.

A la suite de cette manifestation on interdit au député Begin de participer aux réunions et débats à la Knesset jusqu'à la fin de la session en cours. Le 9 janvier 1952 a lieu le vote et il se termine par le discours d'une heure et demie du ministre des Affaires étrangères Moshé Sharett. C'est un des sommets des débats sur la question. Quelques minutes avant le vote, le député Abraham Bermann, membre du parti Mapom et ancien combattant du ghetto de Varsovie, monta sur l'estrade et déclara: « Au nom de mes compagnons, je vous supplie: il est impossible de signer cet accord », Mais le texte sera ratifié à 61 voix.

Ben Gourion résume dans son journal ces trois jours de discussion à la Knesset: « Lundi, mardi et mercredi furent les jours des «Réparations ». L'expérience manquée, tragique et insultante de Begin. Mardi j'ai transmis au peuple, mercredi le gouvernement a été approuvé par la majorité, par la victoire morale. La conclusion des discussions par Moshé (Sharett) fut exemplaire ».

Le vote à la Knesset ne met pas tin aux discussions, et des actions violentes ont lieu les mois suivants: en mars, une enveloppe dynamitée est envoyée au chancelier Adenauer. Le policier allemand qui l'ouvre est tué et un autre officier gravement blessé. A la suite de cette affaire, plusieurs membres des mouvements révisionnistes sont arrêtés à Paris. Plus tard, ils sont relâchés, faute de preuves de leur implication. Une autre enveloppe dynamitée est envoyée au chef de la délégation allemande pour l'accord, mais elle est neutralisée.

En octobre 1952, un certain Dov Shilansky, qUI deviendra un JOur président de la Knesset, est arrêté à l'entrée du ministère des Affaires étrangères avec un explosif de 28 kg de dynamite. En septembre 1953, lorsqu' arrivent les bateaux d'Allemagne à Haïfa avec les « compensations », un membre du Héraut est également arrêté à l'entrée du port avec 3 kg d'explosifs.

Dans l'accord, l'Allemagne de l'Ouest s'engage à fournir à Israël des compensations pour la somme de 3 milliards de marks (750 millions de dollars de l'époque), répartis sur une période de 12 ans. Ces compensations ne seront pas seulement en espèce elles comprendront aussi des marchandises et des produits venant d'Allemagne (et de l'essence d' Angleterre). Dans le cas de détérioration de l' éconorni e allemande, il est convenu que l'Allemagne pourra modifier la répartition de ces paiements.

Le gouvernement d'Israël promet que ces compensations ne serviront pas aux besoins immédiats mais à des investissements à long terme. Sur les 4 milliards et demi de marks, un tiers devait venir du compte de la RDA Celle-ci n'étant pas d'accord, ne signera pas et discutera avec le gouvernement d'Israël jusqu'en 1955 sans résultats. Israël acquiert ainsi des bateaux, du matériel de construction, de l'équipement agricole et industriel. Après la signature, une représentation officielle israélienne est nommée en Allemagne pour s'occuper de ces compensations. Dans le cadre de cet accord, l'Etat d'Israël prend sur lui la responsabilité du traitement des droits des citoyens israéliens handicapés à la suite de la persécution nazie. Ainsi 21 000 rescapés auront droit à une pension du gouvernement israélien qui sera d'ailleurs inférieure à celle payée directement par le gouvernement allemand. L'accord prévoit de donner à l'Etat les biens qui ont appartenu aux citoyens allemands en Israël (comme les maisons des Templiers construites dans les années 1870-80 dans des villes comme Jérusalem ou Tel Aviv). L'accord comprend aussi 450 millions de marks supplémentaires pour les organisations juives dans la Diaspora. Pour ces discussions, les organisations Juives créent la «Conference on Jewish Material Claims against Germany » qui fonctionne directement entre les individus et l'Allemagne.

Vers une normalisation des relations

En janvier 1956, Ben Gourion propose de nouer des relations diplomatiques avec l'Allemagne. Celle-ci n'est pas enthousiaste, craignant que de tels accords avec Israël n'entraînent la reconnaissance de la RDA par les Etats arabes, renforçant ainsi la division de l'Allemagne.

En 1959 des incidents antisémites à Cologne amènent Adenauer et Ben Gourion à se rencontrer pour la première fois à New York, le 14 mars 1960. Adenauer promet une aide importante au-delà des 12 années prévues et le rapprochement avec la RFA assure Israël du soutien d'un partenaire de poids sur la scène internationale.

En 1961 le procès d'Eichmann permet un prise de conscience plus vive de l'ampleur des crimes nazis, tant en RFA où ils ont été en partie occultés, qu'en Israël, où la « mémoire de la Shoa entrera désormais dans la conscience nationale.

En Égypte, des scientifiques allemands aident Nasser à fabriquer des armes non conventionnelles visant l'Etat hébreu. Bonn est alors prêt à développer des relations culturelles et scientifiques, à favoriser les échanges de jeunes, à jumeler des villes et à aider Israël auprès de la CEE, les marchés de ses voisins lui étant fermés.

Les livraisons d'armes allemandes à Israël poussent les Egyptiens à s'allier à la RD A. En réponse, en août 1965, Israël et la RF A échangent leurs premiers ambassadeurs. A la suite de l'établissement de ces relations diplomatiques, les promesses orales d'Adenauer sont officialisées et Bonn devient un médiateur très important pour Israël auprès de la CEE. Un accord préférentiel est signé par Abba Eben, alors ministre israélien des Affaires étrangères en 1970 et confirmé en 1975. Cette même année, l'Allemagne s'oppose très fermement à la résolution de l'ONU assimilant le sionisme à une forme de racisme et en 1973 Willy Brandt est le premier chancelier fédéral à visiter officiellement Israel, qualifiant les relations germano-israéliennes de « relations normales au caractère particulier ».

En juin 1975 c'est Itzhak Rabin qui est le premier chef du gouvernement à se rendre en RFA. Mais tous le monde en Israël n'est pas d'accord avec cette normalisation. Deux personnalités israéliennes considèrent que les relations avec l'Allemagne ne pourront jamais être normales: Golda Meïr, et Menahem Begin qui déclare en 1981 lors de la destruction du réacteur irakien: «Il n'y aura pas d'autre Auschwitz ».

L'évolution des années 80

Les années 80 amènent une certaine normalité dans ces relations.

L'Allemagne fédérale est un partenaire incontournable d'Israël, tant sur le plan commercial que militaire. En 1982 Helmut Kohl arrive au pouvoir, et, n'ayant pas connu la guerre comme adulte, ses propos et ses gestes irritent parfois la sensibilité juive. Le président de la RF A Richard Von Weizsaker, lui, incarne une Allemagne qui se veut au clair avec son passé et cela permet à l'Etat hébreu d'accepter positivement la chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne, (celle de l'Est n'ayant jamais accepté son passé nazi). Durant cette période, si les deux parties ont conscience de leurs rapports «particuliers », pour les relations générales, cette spécificité est relativisée, l'Allemagne étant de plus en plus insérée dans la politique européenne.

En 1996, une commémoration annuelle consacrée aux victimes du IIIème Reich fut inaugurée par le Bundestag. Des Juif de l'ex-RDA sont alors attirés par la RF A ainsi que des Israéliens d'origine allemande.

En 1998, c'est l'élection de Gerhard Schroder et de Y oscka Fisher comme ministre des Affaires étrangères. Tous deux, d'une nouvelle génération, voient désormais la RF A entièrement souveraine, ne devant plus agir sous l'ombre du passé n' affectant plus les relations israélo-allemandes. L'Allemagne réunifiée entend bien perpétuer le souvenir du passé et elle construit à Berlin le mémorial des Juifs d'Europe assassinés.

En juillet 2000 un accord est signé à Berlin pour verser des compensations à ceux qui ont été en camps de travail obligatoire (en majorité des non juifs) durant l'époque nazie. Cet accord est signé entre le gouvernement allemand, le gouvernement d'Israël, celui des USA et avec huit pays d'Europe de l'est. Cette même année le président Johannes Rau, lors d'une visite en Israël, prend la parole devant la Knesset. L'élection d'Angela Merkel en 2005 n'apporte aucun changement:

Israël reste sûr de pouvoir compter sur l'appui allemand. L'Allemagne et les services secrets israéliens travaillent ensemble, Israël reçoit des sous-marins, etc.

En mars 2008, Angela Merkel vient à Jérusalem pour les 60 ans d'Israël et s'exprime en allemand et en hébreu à la Knesset le 18 mars. Avant son départ pour Israël, elle déclare: « Notre histoire, aujourd'hui empreinte de relations stables et amicales. fait partie des miracles de l'histoire ». Angela Merkel est une Allemande de la ex-RDA, Etat qui refusait de reconnaître la responsabilité de la Shoa. Avec huit de ses ministres, elle a signé une série de projets communs et le principe d'une consultation annuelle entre les deux gouvernements, alternativement en Israël et en Allemagne. L'Allemagne est devenue aujourd'hui le premier partenaire européen d'Israël.

Aujourd'hui, ayant atteint un certain équilibre avec les pays du Moyen Orient, l'Allemagne peut être appelée à jouer un rôle dans la région: règlement de prise d'otages, échange de prisonniers. Après l'attaque israélienne contre le Hezbollah, la Hotte allemande a été chargée de surveiller les côtes du Liban.

(Voir aussi : Dominique Trimbur Israël et la République fédérale d 'Allemagne. Une Realpolitik sous le signe de la Shoa.)

 

Histoire

Le retour à Berlin

Jean-Marie Allafort

La capitale allemande fut l'un des grands centres culturels du judaïsme européen au 19é1lle siècle et durant la première moitié du 20éme siècle. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Berlin était une terre maudite pour les Juifs. En Israël, l'établissement de relations diplomatiques avec l'Allemagne Fédérale souleva de nombreuses vagues de protestations et d'indignations. Aller ou même transiter par l'Allemagne était inconcevable pour de nombreux Israéliens. Je me souviens, il y a quelques années, de la réaction d'un vieux couple d'Israéliens lorsque notre vol direct vers Tel Aviv s'est transformé en vol indirect vers l'Allemagne avec une étape à Munich, leurs yeux étaient rivés au sol et les quelques paroles prononcées suffirent à nous faire comprendre qu'ils vivaient un cauchemar.

En juin dernier, avec un groupe d'amis israéliens, je me suis rendu à Berlin quelques jours. Nous avions décidé au dernier moment de partir pour l'Allemagne à cause d'une promotion d'El Al. La destination Berlin ne semblait perturber personne. Le passé allait-il ressurgir? Personne n'évoqua le sujet avant ou durant le vol. Mais à peine étions-nous arrivés que la décision tilt prise: le premier endroit que nous visiterions serait le nouveau musée juif Uûdisches Museum), inauguré en 2001, qui retrace l'histoire des Juifs d'Allemagne depuis l'Antiquité. Au fur et à mesure que nous progressions dans la visite, les visages se renfermaient. Pas un mot, pas une parole.

Durant ce long week-end, en bons touristes, nous parcoururent quelques sites historiques de la capitale allemande mais aussi les cafés, les restaurants et les pubs. A quelques pas du Parlement allemand, nous rencontrâmes par hasard un Israélien

qui identifia immédiatement notre provenance. Il nous expliqua qu'il était DJ et qu'il faisait ici à Berlin une carrière qu'il n'aurait jamais pu réaliser en Israël. Il nous invita à la soirée qu'il organisait dans une boîte à la périphérie de la ville. "A Berlin, il y a des centaines d'Israéliens" nous lança-t-il.

De fait, nous avons rencontré durant ce bref séjour quelques Israéliens venus s'installer en Allemagne pour diverses raisons, comme ce jeune ingénieur Tamil', de Kfar Saba. "Le niveau de vie est bien meilleur ici qu'en Israël. Les Allemands sont très accueillants pour les Israéliens. Je n'ai eu aucun problème pour trouver un emploi" expliqua-t-il. Tamil' a terminé ses études supérieures à Berlin. "Les universités allemandes sont gratuites pour les Israéliens, la qualité de l'enseignement est excellente, pourquoi s'en priver?"

Selon les données de l'ambassade d'Allemagne à Tel Aviv, on enregistre depuis 2003, une très nette augmentation des Israéliens qui demandent de recevoir la nationalité allemande. Près de 30 000 descendants de Juifs allemands ont fait la demande de passeport et l'ont reçu dans les semaines suivantes sans aucune difficulté. Par contre, le nombre d'Israéliens demandant la naturalisation allemande est en baisse constante depuis 5 ans. S'ils étaient 3 312 à avoir fait la demande en 2003, ils ne sont plus que 1 681 en 2007. En tout, ce sont 1 1 168 Israéliens qui, ces cinq dernières années, ont demandé la naturalisation allemande. Notons que seulement 1 % des demandes est refusé par les autorités allemandes.

A partir du moment où un Israélien est naturalisé allemand ses enfants et ses descendants seront citoyens allemands. C'est la raison pour laquelle, il y a plus de demandes de passeports (de citoyens allemands qui ont droit de le recevoir) que de demandes de naturalisation. Le passeport allemand est vu comme une police d'assurance par certains Israéliens. C'est une porte d'entrée dans l'Union Européenne. Les avantages sont très nombreux. Notons que, selon l'ambassade d'Allemagne en Israël, le nombre de demandes de ce papier d'identité est toujours en augmentation lors des crises comme la seconde guerre du Liban.

"Habiter en Allemagne est une option que choisissent de plus en plus d'Israéliens" explique Tamir. Il y aurait aujourd'hui plus de 7000 Israéliens installés sur le territoire germanique. La communauté juive est, elle aussi, en plein essor ces demi ères années puisqu'elle est estimée environ à 200 000 personnes dont près de 170 000 Juifs des pays de l'ex-Union Soviétique. Plus de 60 ans après la Shoa, la présence juive en Allemagne se renforce et les nouvelles générations veulent toumer la page, sans pour autant oublier.

Berlin est devenu une destination très prisée. En 2007, selon le ministère allemand du Tourisme, quelques 370 000 Israéliens se sont rendus en Allemagne. Chaque semaine la compagnie israélienne El AI propose 18 vols réguliers vers Berlin, Frankfort et Munich et la compagnie allemande Luftansa 14 vols. Il faut compter également des nombreux charters affrétés par des compagnies israéliennes ou allemandes surtout en période de vacances. L'Allemagne n'est plus synonyme de Shoa ou de Nazisme dans le lexique israélien. C'est un tourisme de qualité, très apprécié, où l'on peut associer la culture avec l'histoire et les divertissements.

Le soir, à l'invitation de notre DJ rencontré par hasard, nous nous rendons à la discothèque où il se produit. En prenant le métro nous croisons le regard d'un vieux couple d'Allemands. « Que faisaient-ils durant la Seconde Guerre mondiale ? »murmura l'un de nous brisant un silence soudain devenu lourd.

En arrivant à la boîte, une sorte de hangar crasseux dans une zone industrielle maussade, notre surprise est totale. On entend parler hébreu partout. Nous y croisons de nombreux Israéliens, rencontrons des connaissances et échangeons nos expériences. Un groupe de jeunes Allemands s'approche vers nous et nous lance de sonores "Shalom". Un de mes amis s'exclame "C'est Tel Aviv à Berlin."

 

Nouvelle

Le tourisme musulman en Israël

Antoinette Brémond

De plus en plus de musulmans viennent visiter Israël. Début décembre, ce sont les musulmans londoniens qui ont sillonné le pays. D'autres viennent même de pays qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël, telles la Malaisie, l'Indonésie .... Du 14 au 19 décembre, une délégation de 15 musulmans français, tous intégrés dans la société civile, sont venus en Israël. Leur but: confronter l'opinion musulmane française avec la réalité israélienne.

C'est Valérie Hoffenberg, directrice du bureau parisien de l'American Jewish Comite (AJC) qui a préparé ce voyage.

Depuis plusieurs années elle travaille à créer des ponts entre les députés et sénateurs parisiens et les responsables et représentants de la communauté musulmane de France. Ces rencontres, réunions. dîners, lui ont permis de faire la connaissance de musulmans français ayant un impact sur la société civile française. 15 d'entre eux ont accepté de faire partie de ce voyage. Parmi eux, une femme d’affaire, une sous-préfet, une inspectrice générale de l'Education nationale, une journaliste, un commandant de police.

Dans le contexte français, monter une telle délégation semblait une gageure. En effet, depuis la deuxième inti fada (2000), la France est devenue le théâtre d’affrontements judée-arabes, les jeunes Arabes français s'identifiant avec les Palestiniens. Et. jusqu'à aujourd'hui, l'incompréhension reste forte entre les deux communautés. Alors, ce voyage?

Au programme, la visite de Yad Vashem (beaucoup ont pleuré), d'une école de Kfar Kara, où des enfants juifs et musulmans étudient ensemble, Bethléem, la Vieille Ville de Jérusalem. Mais aussi des rencontres, avec Shimon Peres et Abou Mazen en particulier. En dépit de leurs occupations, ces deux chefs d'Etat ont accordé un temps plus long que prévu à ce petit groupe de musulmans français. « Votre présence ici nous met du baume sur le cœur », lance Peres après leur avoir parlé du douloureux quotidien des Palestiniens et des Israéliens. A Ramallah, ils sont reçus par Mahmoud Abbas. Là, ils parlent de l'influence du conflit israélo-palestinien sur la réalité judéo-arabe en France. « Quel serait votre message pour la communauté musulmane française? » lui demandent-ils. «Dites leur que nous voulons vivre en paix avec les Israéliens, et que nous ne cautionnons aucun acte de violence au nom de la Palestine », répond Abbas.

Au terme de ces 5 jours de voyage, les membres de cette délégation découvrent sur le terrain qu'ils n'avaient jusque là rien compris au conflit. Même ceux qui avaient de la peine à prononcer le mot Israël, l'entité sioniste pour eux, appellent à un suivi, à la nécessité de mettre en place des actions communes.

« Personne n'est sorti indemne de ce voyage» conclut Valérie Hoffenberg, en entendant de la bouche des uns et des autres: « Nous ne serons plus jamais les mêmes ».

Source: Jérusalem Post en françaisdu 30 décembre au 5 janvier

Dossier

La communauté druze en Israël (1ère partie)

Loïc Le Méhauté

En voyageant sur la route touristique n? 672 qui serpente sur le mont Carmel on traverse deux villages druzes, Daliyat el-Carmel et Isfiya, villages pittoresques et touristiques très fréquentés par les Israéliens les shabbats et jours de fête. Vous pouvez vous y arrêter pour flâner et acheter quelques objets d'artisanat local: tissus brodés, tapis, vannerie etc. Dans la rue principale de Daliyat les restaurateurs druzes vous attendent avec leurs spécialités culinaires.

Souvent avec des groupes de touristes j'ai déjeuné dans des familles druzes. Les femmes, dans la cour, préparaient les plats et surtout la grande galette druze cuite sur une tôle en fer. Leur salon peut contenir 30 à 40 personnes. Après un repas copieux et typique composé de salades diverses: houmous, téhina, taboulé .., de viandes en brochettes, arrosé de thé à la menthe. et suivi de baklava et du traditionnel café arabe, nous pouvions poser nos questions sur la communauté druze. Certaines de nos questions ne reçurent pas de réponse, surtout celles concernant la religion, car les Druzes forment une communauté ésotérique dont uniquement les initiés et chefs religieux en détiennent les secrets.

Origines

La religion druze, issue d'un mouvement de ré tonne de l'islam au XIe siècle, est une branche de la secte ismaélienne (la deuxième branche de l'islam chiite) mouvement religieux-­philosophique qui a créé le Califat fatimide en Égypte au Xe siècle. Les Ismaéliens admettent Ismaïl bin Jafar comme dernier imam (il était le septième). Les Fatimides, qui appartiennent à la branche chiite de l'islam établirent une dynastie indépendante à Kairouan en 910 puis après la conquête de l'Égypte en 969 ils créèrent la ville du Caire qui devint leur capitale. Ce royaume s'est développé rapidement et, à son apogée, il comprenait l'Afrique du Nord, la Sicile, La Syrie-Palestine, la côte africaine de la mer Rouge, le Yémen et le Hedjaz. Leur royaume tomba aux mains du kurde Saladin en 1171 qui vainquit les Croisés à la bataille de Hattin (l187). Leur commerce était florissant en Méditerranée ainsi que dans l'océan Indien. Les Chiites considèrent que la direction de la communauté des croyants revient aux descendants du calife Ali (cousin et gendre de Mahomet).

C'est le sixième calife fatimide al-Hakim bi-Amr Allah (985-1021), gouvernant dès l'âge de 11 ans et craint à cause de son excentricité (considéré par certains comme le « calife fou »), qui est à l'origine de la communauté druze. Pendant son règne il persécuta les chrétiens et donna l'ordre de saccager l'église du Saint­-Sépulcre et de détruire la tombe de Jésus à Jérusalem. Un courtier d'al­Hakim, Hasan ibn Haidara al-Ahram, de la secte des ismaéliens, croyait qu'il était l'incarnation d'Allah. D'ailleurs, al-Hakim, aurait consenti à la proclamation de sa propre divinité (1017). Un jour en 1021, alors que sa mule baignant dans le sang, rentre chez lui, un groupe religieux dissident se forme. Les circonstances de la disparition d'al-Hakim restent encore mystérieuses. Suivant la recherche historique il fut certainement assassiné sur les ordres de sa sœur aînée. Mais, pour les Druzes, al-Hakim est considéré comme la réincarnation d'Allah et le Mahdi attendu, l' « occulté », qui reviendra un jour (à la fin des temps) pour apporter la justice au monde et rétablir la loi corrompue. Après la disparition d'al­Hakim, les membres de la nouvelle secte, persécutés, furent contraints à utiliser la pratique du taqivya (principe chiite) qui consiste à dissimuler leur vraie croyance en affichant extérieurement la religion de ceux qui les entourent, une sorte de double langage. Hamza ibn Ali ibn Ahmad, un immigrant persan et vizir d'al-Hakim, dans une lettre écrite en 1071, demande à tous les officiers et courtiers de reconnaître la divinité d'al-Hakim. L'origine du mot Druze remonte à Muhammad ad­Darazi (un Turc, vizir d'al-Hakim), un des premiers prédicateurs de la religion.

Après la chute de l'Empire fatimide les trois branches de l'Ismaélisme (Nizari, Druzes, Mustaali) évoluèrent séparément et n'acceptèrent plus de nouveaux convertis. Les Druzes s'établirent principalement en Syrie et au Liban et développèrent une communauté basée sur le principe de la réincarnation, la transmigration des âmes, au travers de leurs propres descendants, considérant que les portes de leur religion étaient ouvertes à tout nouveau croyant pendant la première génération de sa révélation et chacun était invité à la joindre. Comme leur croyance considère que tous ceux qui vivent aujourd'hui sont la réincarnation d'une personne qui a vécu pendant cette génération, ils ne trouvent aucune raison pour intégrer de nouveaux convertis, rejettent tout prosélytisme et n'acceptent aucun membre d'une autre religion. Pour les Druzes la réincarnation peut se faire jusqu'à sept fois avec un progrès constant jusqu'à la purification totale de l'âme.

Lors de la conquête de la Syrie par les Ottomans (1516) les Druzes vivaient déjà dans les montagnes près d'Alep. Le sultan turc Selim l el a reconnu Fakhr al-Din, de la dynastie des Ma'an. comme émir des Druzes. Du XVIe au Xv ll" siècles les Druzes établirent leur autorité sur le Liban, la Syrie, la Palestine et même une partie de la Turquie. A cause de querelles (guerres fratricides) le centre de la communauté est passé du mont Liban au mont Hauran en Syrie connu sous le nom de Jebel-el-Druze (Montagne des Druzes). Il y a eu deux branches de Druzes vivant dans la région du Jebel Amel: les Druzes Yemeni dirigés par les familles Hamdan et al­Atrash et les Druzes Kaysi dirigés par les familles Jumblat et Arsalan. La famille Hamdan fut bannie du Mont Liban après la bataille des deux clans à Ain Dara en 1711. La branche des Yerneni émigra ensuite en Syrie dans le Jebel-el-Druze et dans la capitale Suayda.

Jusqu'à la fin de l'Empire ottoman (1917), les Druzes étaient gouvernés par des émirs en tant que communauté semi-autonome. La France, pendant son Mandat sur la Syrie-Liban, tenta de créer un État druze autonome entre 1921 et 1936.

Pendant le Mandat britannique sur la Palestine (1917-1948), les Druzes de la Galilée et du mont Carmel gardèrent des contacts avec les communautés du Liban et de Syrie. Ils ne participèrent pas ami: émeutes arabes de 1929 et de 1936-39. Au cours de la guerre d'Indépendance d'Israël (1948-49) ils furent d'actifs défenseurs du nouvel État juif. Les Druzes n'ont pas de revendications territoriales contrairement au monde musulman. Ils refusent l'arabisme et le panarabisme. La terre sur laquelle ils vivent leur suffit si on ne touche pas à leurs intérêts et s'ils peuvent VIvre suivant leurs lois et leur religion.

Au Liban. les Druzes jouèrent un rôle important pendant la guerre civile (1975-90). Leur milice, sous le commandement de Walid Joumblatt, s'opposa à celle des Phalanges chrétiennes (Maronites) de Bachir Gemayel Le traité de paix signé entre les chefs des deux milices leur permet encore de vivre côte à côte.

Pour mieux connaître les origines de cette communauté des études d'ADN furent effectuées: « Des analyses ADN de résidents des villages druzes en Israël laissent penser que cerre ancienne communauté offre un instantané génétique du Moyen-Ürient tel qu'il était il y a plusieurs milliers d'années. Selon une nouvelle étude menée par une équipe internationale et dirigée par des chercheurs de l'École de médecine Rappaport du Technion, les Druzes possèdent une remarquable diversité de types ou lignées d'ADN mitochondrial qui se seraient séparés il y a plusieurs milliers d'années. Cependant, au lieu de se disperser dans le monde après leur séparation, la gamme entière de lignées peut toujours être retrouvée dans la petite et hermétique population druze. Le chercheur du Technion, Karl Skorecki, note que cette découverte conforte la tradition orale druze qui stipule que les membres de cette communauté viendraient de diverses lignées d'ancêtres "ramenées il y a des dizaines de milliers d'années". Les Druzes représentent un "sanctuaire génétique" ou une "relique vivante" qui fournissent un aperçu de la diversité génétique du Moyen-Orient de l'antiquité, écrivent les chercheurs dans le journal "PLoSONE" du 7 mai dernier.» (L 'héritage génétique des Druzes, http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55486.htm)

Croyance

Cette religion est unique par sa place dans le monothéisme islamique, dans la gnose, le néo-platonisme, la philosophie grecque et les influences indoues. Les Druzes s'appellent Ahl al-Tawhid (Peuple du monothéisme). La religion druze n'a pas cherché à changer le courant classique de l'islam mais a créé un nouveau corps religieux. Ils croient à l'autorité de la Bible et du Coran. celui-ci étant considéré supérieur à celle-là, et ils en recherchent de préférence l'aspect ésotérique, non révélé La direction de la communauté est assurée par leurs érudits, seules personnes autorisées à lire les textes sacrés et à posséder la connaissance religieuse. Les Druzes optèrent pour l'abolition de l'esclavage, la suppression de la polygamie et la séparation des affaires religieuses et profanes.

«Les Druzes considèrent leur foi comme une nouvelle interprétation des trois religions monothéistes: judaïsme, christianisme et islam. Pour eux, l'histoire traditionnelle de la création est une parabole, qui décrit Adam non comme le premier humain, mais la première personne à croire en une seule divinité. Dès l'hors, l'idée du monothéisme a été disséminée par des émissaires ou prophètes, guidés par des mentors qui ont incarné l'esprit du monothéisme. Ces mentors et prophètes viennent des trois religions et comprennent Jéthro, Moïse, Jean le Baptiste, Jésus de Nazareth, Salman le Perse et Muhammad - tous des réincarnations de la même idée monothéiste. De plus, les Druzes portent une grande estime à d'autres personnes influentes -quelle que soit leur religion-, comme vecteurs de la justice et la croyance en un dieu ulllque. Parmi eux l'Égyptien Akhenaton. les philosophes grecs comme Socrate, Platon, Aristote, et Alexandre le Grand. »

Ils considèrent que les rituels et cérémonies des trois religions monothéistes les ont détournés de la «vrai toi ». Jeûner et prier afin d'obtenir le pardon de Dieu puis retomber ensuite dans le péché est rejeté par les Druzes. Ils n'ont besoin ni de rituel, ni de cérémonies, ni de jours sacrés ou d'obligation de pèlerinage, mais de contact continuel avec Dieu. Bien que n'ayant ni rituel ni cérémonies, tout Druze est tenu par sept principes cardinaux: dire la vérité (honnêteté), aider son prochain (protection et assistance), se purifier de toute hérésie (renoncer à toute autre religion), reconnaître l'incarnation divine en al-Hakim, accepter l'unité de Dieu et se soumettre à sa volonté, s'éloigner de ceux qui se trouvent dans l'erreur Les « initiés » sont tenus par d'autres préceptes et leur vie doit être exemplaire. De plus leur aspect extérieur les différencie du reste de la communauté. Les hommes, dont le crâne est rasé, sont coiffés d'un turban blanc, portent la moustache et la barbe, des vêtements noirs et le sarouel (sirwâl) pantalon à jambes bouffantes et entrejambe bas. Les femmes sont coiffees d'un grand châle blanc (naqab) et revêtent de longues robes noires ou bleu-marine. Les Druzes doivent s'abstenir de manger du porc, de fumer, et de boire de l'alcool; cependant la nouvelle génération des non-initiés à pris du recul par rapport à ces interdits. Les Druzes, de part leur croyance en la réincarnation, considèrent leur corps comme une simple enveloppe matérielle de leur âme, et, de fait, ils ne craignent pas la mort, étant donné qu'elle ne fait qu'atteindre cette enveloppe physique.

La communauté est divisée entre la classe des « uqqal, initiés» possédant la connaissance religieuse et les «juhhal, non-initiés (ignorants)» qui composent la majorité de la communauté. Les écrits druzes comprennent une trentaine de manuscrits datés entre l 0 17 et 1043, le plus important étant les «Rasa 'il al­Hikmah, Épîtres de la Sagesse» accessible seulement aux initiés. Ce recueil, compilé par al-Muqtana (figure mystérieuse), contient six volumes composés de différents chapitres traitant chacun de sujets spécifiques.

Les Druzes ne connaissent rien à leur religion, seulement les 10% des sages (initiés) possèdent cette connaissance et il leur est interdit de divulguer aux étrangers leurs secrets. La classe des initiés se divise également en deux groupes dont les al­Ajawid (les parfaits), qui sont les chefs spirituels. Non seulement la connaissance caractérise les initiés mais c'est surtout pour leur piété et leurs valeurs morales qu'ils sont admis aux secrets de la religion. Les femmes sont admises à la communauté des initiés et sont même privilégiées car elles sont considérées comme étant mieux préparées spirituellement. Il y aurait plus de femmes que d'hommes parmi les initiés. Elles prennent part aux assemblées religieuses dans les maisons de prières (hilwah) mais sont séparées des hommes. Généralement les hommes et femmes initiés se marient entre eux bien qu 'une une) non-initié(e) puisse épouser un(une) initiée e). On ne peut se remarier avec un conjoint divorcé.

C'est une société dualiste dont les affaires religieuses sont aux mains des initiés et les affaires profanes dans celles des non-initiés. Les droits de la femme druze diffèrent des droits de la femme musulmane. Elles peuvent divorcer sans le consentement de leur mari et ont un droit de regard sur leurs richesses personnelles.

Le chiffre 5 a pour les Druzes une torce symbolique. Ils croient en cinq principes cosmiques représentés par cinq couleurs sur leur drapeau ainsi que sur leur étoile à cinq branches: le vert (aql, intelligence. pensée universelle), le rouge (nafs', âme universelle), le jaune (kalitna, vérité, parole), le bleu (sabq, cause, précédent), et le blanc (la li, effet, immanence). Ces vertus prennent la forme de cinq esprits différents qui se sont réincarnés dans des prophètes et des philosophes comme Adam, Pythagore, Akhenaton et bien d'autres.

Ils s'interdisent toute forme de conversion et bannissent le mariage mixte. Dans ce cas, les enfants sont considérés comme druzes mais ne peuvent se marier. A Majdal Shams, au Golan, deux femmes juives ayant épousé des Druzes risquent d'être expulsées de la communauté. C'est une décision pnse par l'élite religieuse.

Les Druzes qui n'ont aucune obligation de pèlerinage ont quand même créé au fil des siècles des lieux de rassemblements, généralement proches de leurs villages, afin de discuter des affaires de la communauté. Avec le temps ces rencontres prirent la forme de fêtes religieuses. Ces lieux de rassemblements se trouvent dans la haute Galilée et dans la Galilée occidentale, au Golan et au mont Carmel. Le lieu de rassemblement le plus important est sans équivoque la tombe du prophète Jéthro tNebi Shu 'eib) le beau-père de Moïse. situé au pied de la colline de Hattin (Cornes de Hattin) célèbre pour la victoire de Saladin sur les Croisés en 1187. La tradition druze fait référence au songe de Saladin dans lequel un ange lui aurait indiqué la tombe de Jéthro Les plus vieux bâtiments de ce lieu de rassemblement datent de 1880. De nouveaux travaux d'aménagement du site furent effectués avec l'aide du gouvemement israélien.

Tous les ans, le 24 avril, la tombe de Jéthro bouillonne d'activités au cours du grand rassemblement druze. Les autres lieux de pèlerinages les plus importants sont à Kati Yassif (proche d'Acre), le 25 janvier rassemblement à la tombe de nabi al­Khadr (le prophète Élie); Hurfeish (proche de Nahariya), pèlerinage le 10 septembre à la tombe de Sabalan, prophète druze ou simplement le Zabulon biblique; Daliyat el-Carmel, la tombe d'Abou Ibrahim, en accomplissement d'un vœu; Isfiya, tombe d'Abou Abdallah, proche de Majdal Shams, la tombe d'Al­Yaafuri, lieu important pour les Druzes.

Courrier Comment se fait-il que Tsahal bombarde des ambulances, des hôpitaux et des écoles ?

Rédaction

Question posée par une de nos lectrices, que nous remercions ici :

J'ai une question qui me taraude suite à vos différents articles sur ce conflit dramatique à Gaza et sur ce que j'entends/lis dans les médias Français: Tsahal est une armée bien équipée, bien entrainée, compétente, -à ce que je crois- comment se fait-il qu'elle bombarde/atteint des ambulances, des hôpitaux, des écoles gérées par l'Onu? L'Onu ne peut pas être soupçonnée de cacher des armes ... Et l'armée doit avoir la technique pour bien ajuster ses tirs .... Et les médias, même si on peut penser que ces faits sont montés en épingle, ils n'en sont pas moins inadmissibles-, les médias ne les inventent pas. Je vous remercie de votre réponse.

Voici une réponse rédigée par une des membres de notre équipe :

Nous vous comprenons, et combien! Vivre ces semaines comme Israélien, cela me taraude encore plus que les citoyens d'Europe. Que dire? Il faudrait des pages et des pages, et souvent on se sent complètement perplexe: qu'y a-t-il de vrai, que s'est-­il passé exactement  ?

Je vais essayer de donner quelques bribes d'explication.

- Tsahal n'a aucune envie de tuer des civils, on entend les soldats discuter, chercher à comprendre, essayer d'expliquer, par souci moral et si l'on suppose que ce souci n'est pas dominant, on peut ajouter froidement: En tout cas aucune envie de tuer, surtout des enfants, ne serait-ce que pour ne pas être démonisé dans les médias du monde entier. Pas agréable de se voir sur les écrans étrangers. - mais dans le feu de la guerre, on ne voit pas tout, et je me contenterai d'une phrase: dans cette période dramatique trois fois des soldats israéliens ont été tués par le feu de leur armée, erreur d'appréciation ou de tir. (Si bien que votre phrase: « Et l'armée doit avoir la technique pour bien ajuster ses tirs ... » idéalise la réalité, qui n'est pas si simple sur place). - on ne bombarde pas des ambulances, mais on vise sur des lance-roquettes ou des hommes armés, et une ambulance passe à ce moment-là. Bien des fois les soldats racontent: Soudain j'ai vu des civils, et j'ai renoncé à tirer. Je ne dirai pas que les soldats sont tous des anges, et sûrement il arrive qu'un soldat qui voit la situation se dit: C'est la guerre, c'est fatal, je dois atteindre ce but, tant pis pour l'ambulance. (ou même: Tant pis pour eux, ils l'ont voulu ... )

Il y a des témoignages innombrables de diverses sources que le Hamas met ses tireurs près d'hôpitaux ou d'écoles. ou attrape des gosses au vol en courant et les entasse près des mortiers (je l'ai vu).- oui, il y a eu une école de l 'UNR W A (organisation humanitaire de l'ONU) que Tsahal a visée et le résultat fut 80 gosses tués ou blessés. Erreur de Tsahal qui croyait que des tirs du Hamas partaient du bâtiment. A la suite de quoi Tsahal a avoué son erreur et exprimé son regret.

A ce propos, combien d'armées d'autres pays prennent les mêmes précautions ou avouent leurs erreurs ? On pourrait rappeler la masse de victimes faites par l'OTAN en Serbie ou par les Américains ou les Européens en Afghanistan. Des soldats qui en reviennent l'avouent sans hésiter.

Oui, ce que les médias rapportent pour ici est, hélas, le reflet d'une situation réelle, mais comment faire cesser ces tirs sur le sud d'Israël depuis 8 ans (des milliers de roquettes) sans prendre les grands moyens - tout en essayant de ne pas faire n'importe quoi. Et les médias sont souvent partisans, prêts à utiliser parfois d'anciens montages montrant des victimes de 2005 dans un contexte tout différent.

En outre les médias ne montrent quasiment jamais les choses positives: trois heures de répit pour laisser la population aller s'approvisionner, ou permettre aux convois de 80-100 camions de ravitaillement ou médicaments d'entrer. surtout les derniers jours.

Et les blessés (surtout enfants) palestiniens transportés en Israël pour être soignés dans nos hôpitaux. On en est assez fier ici, même si c'est en fait un nombre minime par rapport à la masse de victimes, il faut bien l'avouer. On se console à bon compte.

Enfin, il faut entendre tous ces Israéliens qui expriment leurs regrets devant ces photos d'enfants ensanglantés, pour comprendre que c'est un dilemme impossible.

En tout cas, beaucoup se demandent: fallait-il frapper si fort? et on ajoute : Mais avait-on le choix, vu le genre d'adversaire extrémiste, utilisant tous les moyens, qu'on avait en face " Je n'ai jamais autant senti qu'on a été cette fois dans une situation déchirante, tout en sachant que pour ceux d'en face c'était bien pire. Espérons qu'on pourra aider à réparer, partiellement le dégât immense.

 

Focus Matan

Institut de Tora pour les femmes

Suzanne Millet

Matan est une maison d'étude pour femmes juives, fondée il y a vingt ans. Cet institut se trouve dans le quartier Katamon à Jérusalem. C'est un bel établissement moderne et clair au milieu des petites maisons avec jardinets. Au printemps les amandiers en fleurs et les oliviers parfument les alentours. Cet institut, bien caché dans ce quartier populaire, a une int1uence importante: 1000 femmes et jeunes filles y étudient.

Le mouvement Beit Yaakov (voir Un écho na 39) avait déjà ouvert l'enseignement aux filles et jeunes femmes juives orthodoxes dès 1920. On y enseigne la Tora, mais non le talmud réservé aux hommes, et les études supérieures permettent aux femmes de travailler à l'extérieur avec un bon salaire afin que le mari puisse s’adonner entièrement aux études dans la yéshiva (école talmudique). Ici à Matan, ce sont les femmes elles-mêmes qui étudient et qui enseignent C'est un «talmud-Tora» pour les femmes. Le corps enseignant se compose de 6 rabbins et de 12 femmes.

Le programme de 30 cours par semaine offre un éventail diversifié d'études approfondies de la Bible et des commentaires talmudiques.

La fondatrice Malke Bina, mère de 5 enfants et grand-mère de 15 petits enfants, interviewée par Ruthie Blum Leibovitz pour Jerusalem-Post (15 oct 2008), nous dévoile comment Matan est né. Malke a grandi à Baltimore au Maryland. Adolescente elle lit Yentl du romancier Isaac Bashevis Singer. C'est l'histoire d'une fillette juive d'Europe de l'est, au début des années 1900, qui se déguise en garçon afin de suivre sa passion pour l'étude de la Tora. Cette lecture a un grand impact sur Malke qui est prête à faire quelque chose de semblable dans sa maison et sa communauté bien que l'étude de la Tora ne lui fût pas interdite. Au contraire, elle se rappelle avec émotion que son père, un rabbin, avait l'habitude « d'étudier avec elle..

Mais, malgré tout, il y avait des limites à cette sorte d'étude pour les femmes. Ces limites n'ont aucun sens pour Malke qui affirme : « Dieu nous a donné la Tora et il désire que nous l'étudions tous. Et c'est ce qui se fait dans cette maison» dit-elle, en escortant la journaliste dans l'auditorium rempli de femmes qui écoutent une conférence donnée par une femme depuis le podium. «Petite fille, je ne pouvais qu'en rêver» s'exclame Malke. Mais elle n'a pas fait que rêver, elle a agi et cela a donné un résultat: une organisation internationale basée en Israël avec une maison d'étude bilingue, un site Internet, une lettre de nouvelles, des programmes d'étude pour des populations désavantagées.

1) Un programme spécial prépare à la Bat Mitzva (majorité religieuse pour les filles, à 12 ans). Mère et tille étudient ensemble « La femme juive au cours des générations ». Ce programme est très apprécié en Israël et à l'étranger (Etats-Unis, Canada, Australie, Afrique du Sud). Il y a deux sections, une pour le milieu orthodoxe et une pour le milieu laïc de plus en plus intéressé. Les rencontres s'accompagnent d'activités artistiques: art, danse, musique, théâtre, peinture ...

2) Un séminaire a été mis en place pour des infirmières d'origine éthiopienne, travaillant dans les hôpitaux et en milieu gériatrique: cours d'éthique médicale, de relation avec les personnes âgées, de soins palliatifs, etc.

3) Chaque semaine une étude de la paracha (section hebdomadaire de la Tora lue à la synagogue) est proposée à des femmes du quartier.

Malke Bina poursuit: « Matan est né de mon propre désir de fouiller dans les textes et commentaires talmudiques. Nous avons pu créer une nouvelle réalité, une tendance générale. Ce mouvement a commencé en 1988 avec la création de Matan et depuis, des dizaines d'institutions ont surgi dans le pays. Au début on comptait 50 % d'anglophones et 50 % d’hébréophones, actuellement la majorité est hébréophone. »

« Vous considérez-vous orthodoxe « féministe» ? »demande la journaliste.

« .J'ai toujours été très hésitante sur l'expression « féministe. » Il y a une connotation négative dans le sens que pour s'affirmer, la femme devrait faire exactement comme les hommes et perdrait sa spécificité féminine. Mais si, être «féministe », c'est la possibilité qu'a la femme d'utiliser tous ses talents, de se concentrer et d'accomplir de grandes choses dans le monde, alors oui, je suis féministe. C'est un phénomène positif auquel j'essaye de participer. Je voyais que le niveau d'étude de la Tora chez les femmes juives n'était pas ce qu'il pourrait être; non seulement elles devraient aller à une maison d'étude, mais encore il faudrait qu'elles en créent une, et c'est ce que j'ai fait. »

« Ce niveau d'étude insuffisant dont vous parlez, l'avez-vous constaté après votre venue en Israël ou déjà aux Etats-Unis ? »

« Cela s'applique à la vie juive en général et pas seulement en Israël. A 17 ans et demi, quand je suis venue en Israël, j'étais dans un milieu que vous pourriez appeler ultra-orthodoxe. Je fréquentais l'école Beit Yaacov. Nous avions un enseignement très poussé de la Tora, de l'hébreu en plus de Shakespeare et des mathématiques C'est en commençant le séminaire post-scolaire, après mon alya (émigration) en Israël, que je me SUlS posé sérieusement la question « Si une femme est capable de réaliser x, en terme de Tora, pourquoi ne peut-elle pas réaliser y 7 Mais tout le monde me disait «C'est suffisant pour les femmes! ». Je n'ai jamais compris pourquoi. »

«Durant mes études secondaires, quand mon père «étudiait avec moi », et pendant mes études au séminaire, j'approfondissais la Tora et je constatais que si Rambam (Maïmonide) écrivait que pour atteindre sa perfection (plénitude spirituelle) une personne doit étudier et comprendre la Tora d'une manière complète, cela était vrai aussi pour les femmes. Si dans les anciennes générations les femmes n'avaient pas l' autorisation d'apprendre, et si la connaissance était un choix facultatif, actuellement les femmes allant travailler à l'extérieur ont besoin d'apprendre, c'est un impératif. La question était « Que peuvent-elles apprendre') ». Quand, au jardin d'enfants, j’ai reçu mon premier « houmach » (les 5 livres de Moïse), ma grand-mère a éclaté en pleurs. « Grand-mère, pourquoi pleures-tu ?» lui ai-je demandé « N'es-tu pas contente ? » Elle m'a répondu: «Je suis heureuse pour toi mais je pleure car je n'ai pas eu cette chance. Petite fille, je suppliais mon père de me laisser apprendre avec le tuteur de mes frères, mais il n'a jamais voulu. Il disait: « Tu es une fille et les filles n'apprennent pas ! ». C'est ainsi que les femmes de la génération de ma grand-mère n'ont jamais étudié et du coup ont perdu le contact avec les traditions juives. »

«Qu'avez-vous fait pour ouvrir l'étude de la Tora aux femmes, malgré l'opposition de la part des hommes ') » « Ma réponse est : j'aime l'enseignement. La Tora est le monde de Dieu et des prophètes sur lequel sont basées nos traditions et la vie et nous devons tout simplement la connaître. »

« N'y a-t-il pas un glissement qui peut se faire ? » Puisque vous êtes autorisées à apprendre la Tora, alors pourquoi ne pourriez-vous pas lire la Tora à la synagogue comme le font les femmes dans un autre milieu? Où est la limite? »

« Pour nous orthodoxes, il y a les prescriptions (Halakha) qui dictent la conduite à suivre. Déjà des rabbins ont permis cette maison d'étude pour femmes et encouragé la création d'autres centres semblables. »

« Avez-vous senti de la résistance, de la désapprobation de la part de votre communauté? » «Non, pas de ma communauté ».

Certains de mes amis ne sont pas pleinement d'accord avec ce que je fais, mais je ne suis pas du type à m'opposer. On peut penser ce que l'on veut sans être agressif. Evidemment, je ne recrute pas des étudiantes dans les quartiers ultra-orthodoxes de Géoula ou de Mea Shéarim. Matan n'est pas pour ce genre de population. Ces milieux ont d'ailleurs leurs propres institutions touchant les femmes et le niveau y est beaucoup plus élevé qu'il ya 20 ou 30 ans. A Matan, nous avons la population orthodoxe la plus ouverte et de plus en plus de femmes laïques. »

«Pensez-vous que les femmes ont plus d'aptitudes pour ce genre d'étude car elles réfléchissent d'une façon plus personnelle, plus existentielle ? »

«Oui, car elles analysent de manière psychologique. En même temps elles ont une possibilité d'aborder ces textes de façon analytique, logique. Les hommes ont cette approche analytique, mais actuellement ils introduisent cette analyse psychologique. En d'autres termes, il y a un apport réciproque ». «20 ans après. Qu'est-ce qui est semblable ou différent de votre vision première? » «Je n'ai jamais vraiment eu de vision. J'aimais la Tora, je désirais inspirer d'autres femmes. J'étais déçue que dans les séminaires pour femmes, sur les 30 enseignants, 29 étaient des hommes. Je ne trouvais pas logique que les femmes ne puissent pas enseigner, elles ont les mêmes gênes que les hommes. Comment les hommes sont-ils arrivés au niveau d'étude où ils en sont ') Ils s'asseyaient ensemble et étudiaient. Ils développaient ainsi leur aptitude à analyser et comparer. Je savais que si des femmes faisaient la même chose, elles atteindraient elles aussi de hauts niveaux de rétlexion ».

Et de fait, dans la bibliothèque de Matan on peut voir de petits groupes de femmes ou de jeunes filles qui discutent, des livres ouverts devant elles, une vraie yéshiva (école talmudique), et la bibliothèque qui d'ordinaire est un lieu de silence, est ici une vraie ruche où l'on discute, argumente, compare, (médite, préciserait le rabbin D. Epstein).

A la question de la journaliste sr la possibilité que des femmes soient juges (comme Debora) à la Cour rabbinique, Malke Bina répond « Les femmes sont de plus en plus capable de tenir ce rôle, mais il n'y a pas encore de consensus. D'ailleurs même du temps des Juges, Débora, fut une exception à la règle. Malgré ces restrictions, le rôle de la femme est de plus en plus crucial aujourd'hui. Bien que mon père était rabbin, ce que jevois de plus important en lui, ce fut son rôle de « Rebbe ». Le «Rebbe est un guide spirituel, un conseiller (si la femme ne peut avoir ce titre, de fait elle peut l'être réellement ».

Pour le rabbin Daniel Epstein qi donne des cours magistraux dans l'auditorium, «Matan est un lieu de parole où les conditions sont données pour une parole non soumise d'autres institutions, en particulier l'université. C'est un lieu créé pour les femmes, avec un langage intelligible pour notre époque. Une parole qui donne un sens pertinent pour notre génération. Pour ma part (c'est ce que je fais), c'est un lieu de confluences, de convergences. Ce qui dans notre cerveau est souvent séparé par notre sensibilité: juif- non juif, milieu sociologique… est rassemblé Recevoir en direct la pensée de l'un oude l'autre.  C'est ainsi que pendant les cours du rabbin Daniel Epstein, uncommentaire de Rachi sur la Bible est mis en parallèle avec Rabbi Nahmani de Breslav, Winikott, Levinas ouSemprun.

« On fait le lien en soi. La gloire de Dieu est dans tous les lieux ... »

«Ce n'est pas un hasard s j'enseigne à Matan, à des femmes. Les femmes ont une plus grand, sensibilité, émotivité, une vibration intérieure qui est souvent atténué, chez les hommes. C'est une maisoi d'étude dans le sens de débat. dl discussion, même si mon enseignement est magistral, il n'est pas dogmatique mais personnel.

Dans la yéshiva il y a deux aspects: la recherche et la méditation à haute voix. Pour ce deuxième aspect il y faut la confiance. Il y a un élément religieux dans le sens d'une émotion d'une intervention divine dans la parole, d'une « divine surprise ». Pour l’aspect de recherche, cela se poursuit sur des années, une parole et une écoute qui se forment, qui évoluent, on ne prouve rien ... et surtout pas Dieu. Il se 'laisse entendre.'.» Il n'est pas étonnant que d'armée en année, on s'inscrive à ce cours pour écouter ce qui se 'laisse entendre', pour entrer dans cette méditation à haute voix.

A ma question: «Il n'y a pas beaucoup de jeunes étudiantes à vos cours? », Le Rabbin Daniel Epstein répond: « Le poids des ans est important pour entendre. Ce n'est pas le brillant des idées qui compte, mais plutôt leur retentissement. La majorité de l'assistance est composée de femmes, enseignantes, psychologues, soignantes, artistes, qui travaillent et qui prennent une matinée, parfois deux sur leur temps de travail. Ce qui est fondamental, c'est de ne pas perdre la dimension d'humanité ».

Matan reste un lieu de tradition dans le sens de fidélité et renouvellement.

Connaissance du pays

La cathédrale St. Georges

Agnès Staes

Lorsque vous quittez la porte de Damas en empruntant la rue de Naplouse, vous arrivez bientôt à l'église St Georges, la cathédrale anglicane du diocèse de Jérusalem

Par un porche d'entrée, vous pénétrez dans une jolie cour qui vous place face à l'église, avec au centre une croix sur une colonne, à gauche l'hôtellerie et à droite les bâtiments pour ceux qui travaillent dans cette église et le collège. Un peu plus loin le clocher qui a été mis à distance raisonnable pour ne pas endommager l'église en cas de tremblement de terre. Il a été terminé en 1912. Ce clocher contient 3 cloches. Tout est construit avec les pierres de couleur crème de Jérusalem.

L'église St Georges a été construite en deux phases dans le style néo­gothique britannique. La nef fut construite sous le 4ème évêque, Georges Francis Popham Blyth et consacrée le jour de fête de la saint Luc, le 18 octobre 1898 par le Révérend John Wadsworth de Salisbury. Le transept, le chœur, la chapelle et le sanctuaire, construits plus tard, ont été consacrés en 1910 par le révérend Arthur Foley Winnington­Ingram, évêque de Londres.

Deux communautés se réunissent dans ce lieu: une de langue arabe comprenant environ une centaine de personnes et une de langue anglaise d'une cinquantaine de personnes. Les deux communautés accueillent tout au long de l'année beaucoup de pèlerins et de visiteurs.

« Saint Georges est traditionnellement représenté à cheval, souvent blanc, ayant un dragon à ses pieds. En armure, une lance à la main, portant un écu et une bannière d'argent à la croix de gueules. Cette bannière blanche à croix rouge. qui fut celle des croisés, devient le drapeau national de l'Angleterre. Il est l'allégorie de la victoire de la Foi sur le Démon ­désigné dans l'Apocalypse sous le nom de Dragon.» On en trouve une représentation à l'intérieur de l'église dans la chapelle dédiée à St Jean le Baptiste. Ce tableau a été offert par un membre de l'ordre de St Jean qui servait comme militaire pendant le Mandat britannique.

Quand vous entrez dans l'église, vous êtes d'abord frappés par sa sobriété. Sur votre gauche vous pouvez voir un baptistère offert par la reine Victoria en 1898. Un autre baptistère permettant le baptême par immersion tût ajouté pour ne pas heurter la coutume des églises orientales.

Le chœur contient le trône de l'évêque lequel est une reproduction d'un des plus anciens sièges épiscopaux, qu'utilisait au 9ème siècle le pape Pascal Ier : il provenait des catacombes de St Calliste à Rome. Dans l'abside, les sièges réservés à d'autres évêques anglicans portent le nom de montagnes bibliques comme le Thabor, l'Hermon ... Au dessus de l'autel principal le vitrail situé à l'est représente le Christ assis sur son trône en majesté avec les apôtres. Ce sont les restes des vitraux originaux de Clay ton et Bell qui ont survécu aux deux cont1its armés de 1948 et 1967 ainsi qu'au tremblement de terre. Toujours dans le chœur, jetons un coup d'œil sur le lutrin qui contient une jolie sculpture de Moïse priant, les bras soutenus par Hur et Aaron. C'est un don de l'archevêque de Canterburry en 1898.

A l'arrière, un magnifique orgue est installé en 1984 par la compagnie autrichienne Rieger, spécialisée pour installer ce genre d'instrument lorsqu'il y a de gros écart de température et d'humidité tout au long de l'année. Au dessus, la rosace orientée vers l'ouest est un vitrail persan du 18ème siècle installé en 1965. C'est un don de l'église anglicane d'Iran.

Attaché à cette église, le collège St Georges de Jérusalem qui accueille des étudiants pour des séminaires d'une à trois semaines sur différents sujets comme Abraham hier et aujourd'hui, un cours spécifique pour les jeunes, St Paul et les Eglises primitives, prier avec la musique ...

L'évêque actuel est depuis 2007 le Reverend Suheil Dawani, palestinien, né en 1951 à Naplouse. Son ministère est centré sur la réconciliation et le dialogue: Jésus nous a donné le ministère de réconciliation, dit-il, ce qui nous appelle à relever de nouveaux défis.

Qui est St Georges?

Le Saint patron de cette église est Georges de Lydda (Lod), Saint Georges pour les chrétiens, très connu et vénéré dans la région. C'est un martyr chrétien, mort en 303. Son nom vient de "Gè-orgos" (qui travaille la terre, en grec). «Parmi les hommes, mon nom est Georges. mais mon nom avant toutes autres choses est chrétien» ainsi écrit un Syrien au 3ème siècle au sujet de cet homme qui est devenu ensuite le saint patron de l'Angleterre. L'histoire de ses souffrances durant son martyr devient légendaire et est racontée dans toutes les langues de la région :

syriaque, copte, grec, araméen, amharique, arménien, et arabe.

Beaucoup de détails de sa vie sont obscurs. Georges est connu comme un soldat qui a servi dans l'année romaine. Une légende raconte à son sujet: Un jour, Georges traverse une ville (Beyrouth selon une tradition, un petit village libanais selon une autre) terrorisée par un redoutable dragon qui dévore tous les animaux de la contrée et  exige désormais des sacrifices humains effectués par un tirage au sort. Un jour où le sort tombe sur la fille du roi, Georges arrive au moment où celle-ci va être victime du monstre. Georges engage avec le dragon un combat acharné; avec l'aide du Christ, il finit par triompher Mais suite à la publication des édits de Dioclétien contre les chrétiens, alors qu'on lui demande de sacrifier aux idoles païennes, Georges reste fidèle à sa foi: emprisonné, il subit alors le martyre. Livré à de nombreux supplices, il survit miraculeusement et finit par être décapité et enterré à Lod

Flashes d'espoir

Conseil de coordination interreligieuse en Israël (ICCI)

Agnès Staes

Il y a quelques semaines. j'ai pu participer à une conférence sur le thème «enseigner l'islam aux Juifs et le judaïsme aux musulmans» au centre Adenauer à Jérusalem. Cette rencontre était organisée par L'ICCI auquel j'ai voulu m'intéresser et connaître davantage.

L'ICCI (The Interreligious Coordinating Council inIsraël: Conseil de Coordination Interreligieux en Israël) est une organisation interreligieuse en Israël fondée en 1991 qui a pour but de favoriser la réconciliation interreligieuse, l'éducation et l'action. Pour l’ICCI le judaïsme, le christianisme et l'islam sont trois religions qui prêchent la paix et pourtant trop souvent, elles ont corrompu leur message et ont été remplies de haine et de violence. Pour cela l'ICCI travaille à la réconciliation parmi les Juifs, les musulmans et les chrétiens.

La violence motivée par la religion a été une force de dissuasion significative dans le progrès de la marche vers un processus de paix au Moyen-Orient. On a encore prêté peu d'attention aux trois religions en Israël et en Palestine et peu de tentatives ont été faites pour les utiliser C01TLlne outil pour la paix et la réconciliation.

La mission du Conseil de Coordination Interreligieux en Israël (ICCl) désire exploiter les enseignements et les valeurs des trois héritages abrahamiques pour en faire des sources de réconciliation, de coexistence et de compréhension.

Pour cette mission, ICCI travaille avec des jeunes, des femmes et des leaders religieux pour promouvoir la coexistence juive-arabe et pour accomplir des projets construisant la paix. Il organise aussi des sessions pour animateurs étrangers confrontés à des tensions intercommunautaires.

Elle est une organisation parmi les plus reconnues en Israël. Parmi les membres qui la soutiennent et travaillent avec elle, il y a beaucoup d'institutions israéliennes et palestiniennes. chrétiennes, musulmanes et juives, des organisations pour promouvoir la coexistence juive-arabe, des musées, des universités et d'autres organisations interreligieuses. L 'ICCI est membre de la branche israélienne du Conseil Mondial des Religions pour la Paix (WCRP) et du Conseil International des chrétiens et des Juifs (ICCJ).

L 'ICCI désire se concentrer sur les communautés plutôt que sur des individus les participants sont soigneusement recrutés. selon leur potentiel à avoir un impact dans leurs communautés religieuses respectives. Les programmes sont surtout à long terme afin d'encourager l'édification de rapports durables. La religion fait partie de la solution des conflits: en utilisant l'étude textuelle interreligieuse connue un outil éducatif, l'lCCI promeut la religion comme moyen de rapprocher les gens.

L'ICCI propose des progrannnes variés pour leaders religieux, pour femmes et pour Jeunes.

1) Les programmes pour les leaders religieux (Kedem) (3 ans).

Les participants sont Juifs, arabes chrétiens et musulmans, tous habitant en Israël. La méthode proposée est la suivante : se rencontrer les uns les autres, développer des relations personnelles et engager llll dialogue interreligieux basé sur le partage des histoires personnelles, des textes sacrés, et des solutions pour sortir du cont1it. Par la suite, ils cherchent à développer enseurble des projets d'action mobilisant aussi leurs communautés respectives. Le but est qu'elles deviennent alors elles-mêmes des forces positives pour un véritable changement social.

Voici quelques exemples:

- En septembre 2008, une trentaine de leaders religieux des communautés juive, chrétienne, musulmane et druze de Galilée se sont rencontrés à Acre.

C'était la seconde rencontre d'une série de trois dont le thème était « apprendre linterreligieux et la coopération en Galilée». Le thème de cette session portait sur Rosh Hasahna et le Ramadan. Le rabbin Benayha Broner de Safed et le Dr Hamza de Koukab Abu Hija ont donné des enseignements. suivis d'une discussion animée sur le rapport minorité-majorité dans la société israélienne en général.

Pour ces rencontres innovantes, l'ICCI est co-sponsorisé par le département des Affaires religieuses du ministère de l'Intérieur de l'Etat d'Israël.

- Depuis 2006, un cours sur le judaïsme est donné aux imams en Galilée. La deuxième année s'est conclue par une sortie éducative à Séphoris, site qui a beaucoup d'échos historiques tant anciens que modernes. Ils ont d'abord visité l'ancien site et en particulier le quartier juif. C'est à partir de là que se sont fixées les traditions orales juives, publiées vers 200 (Mishna). Ensuite, ils ont rencontré Nijam Salim, un résident du village arabe de Safureh, (forme moderne de Séphoris), Une discussion animée avec lui s'en est suivie sur les relations Arabes-Juifs dans cette région avant et pendant 1948. La journée s'est achevée par un repas festif pendant lequel les participants ont partagé leurs impressions sur le cours et leur désir unanime de poursuivre un tel enseignement.

- Parfois Kedem se joint à d'autres organismes pour des actions ponctuelles, comme par exemple pour répondre immédiatement à la déclaration de certains médias en temps de crise, ou encore pour aider un institut qui prépare du matériel éducatif et didactique pour enseigner les autres religions dans le but de la réconciliation.

2) Les programmes pour les femmes A travers des programmes qui visent à encourager le leadearship féminin. l'lCCI soutient des groupes de femmes israéliennes (juives) et palestiniennes (musulmanes et chrétiennes) pour agir comme des catalyseurs de paix. Depuis 1991, ces groupes de femmes d'ICCI se réunissent à Jérusalem et en Galilée. L'ICCI croit fortement que SI à Jérusalem, ville sacrée en conflit, les Israéliens et Palestiniens, juifs, musulmans et chrétiens, peuvent parler ensemble et construire une confiance mutuelle faite de respect et de compréhension, elles pourront servir d'exemples et Jouer des rôles de modèles pour les deux peuples, et propager un espoir de réconciliation.

Ce programme est crée, planifié et coordonné par Mme Sarah Bernstein (une Juive israélienne) et Mme. Hanadi Soudah- Younan (une Palestinienne chrétienne), membres du comité exécutif de l'ICCI. Il était et reste unique dans le fait de créer un dialogue entre les femmes juives, musulmanes et chrétiennes de Jérusalem-est et ouest, qui mène avec succès des projets d'action sociale.

Exemples:

- Les Femmes du Livre: un « collage» de Jérusalem

En juin 2005, comme un aboutissement de trois ans de dialogue actif, le groupe a publié un livre : un « Collage» de Jérusalem, qui inclut des rét1exions honnêtes des participantes, de leurs expériences de dialogue et de certains des dilemmes levés en vivant dans une situation de cont1it en cours. Le travail est une mosaïque fascinante des vies entrelacées et des identités d'un groupe de femmes « ordinaires» de Jérusalem. Beaucoup de questions sont soulevées dans ce livre comme le rapport à la terre, les expériences de réfugiées, la crainte comme faisant partie de soi en voulant vivre et élever des enfants au milieu de ce conflit. Mais l'on peut sentir dans cet ouvrage le désir d'avenir, l'espérance dans la création d'un monde meilleur pour la génération suivante.

Les Femmes du Livre agissent comme un outil puissant pour aider d'autres personnes à aller au-delà de leur crainte et de la méfiance de l'autre. L'ICCI a constaté que les «collages» engagent les participants sur un niveau profond, humain.

Les femmes du premier groupe de dialogue utilisent maintenant cet outil pour construire des rapports entre les communautés divisées de Jérusalem. Elles organisent des temps de réconciliation pour les communautés et des ateliers construisant la paix. Basés sur le livre, ces ateliers se concentrent sur la promotion de la tolérance, la réconciliation et la guérison. De cette façon elles espèrent commencer le travail de destruction des barrières « presque insurmontables» d'amertume, de crainte et de soupçon qui divisent Jérusalem.

- Un nouveau programme s'est établi en partant de l'expérience de ce premier groupe. Profitant de l'élan de ce dernier, elles espèrent avoir un impact plus large. Le thème central de ce nouveau groupe de dialogue est l'avenir de Jérusalem, thème qui est au cœur même du cont1it israélo-palestinien. Elles discutent de l'avenir de Jérusalem sur un plan personnel et politique. Elles espèrent créer et publier une « vision» partagée qui pourrait servir à la pensée politique comme une plate-forme alternative.

3) Le programme pour les jeunes et les jeunes adultes

L'ICCI s'adresse aussi à des jeunes israéliens (juifs) et palestiniens (musulmans et chrétiens) des lycées et aux jeunes adultes pour transformer les conf1its et propose des programmes pour développer le leadership parmi ces Jeunes.

Exemples

- Chaque année, après une candidature et une interview. 12 Palestiniens (musulmans et chrétiens) et Israéliens (juifs) adolescents de Jérusalem sont choisis pour participer à un programme d'une année. Le groupe d'adolescents de Jérusalem commence par un voyage à Upstate New York pour participer à deux semaines intensives avec des jeunes de régions de cont1it à travers le monde comme l'Irlande, l'Afrique du Sud et différentes communautés des Etats-Unis.

De retour au Moyen-Orient, les participants s'engagent deux fois par mois à des séances de discussions. des activités. qui ont pour objectif « de connaître les autres à Jérusalem ». d'être au service de la communauté et de tonner des animateurs.

- Le Conseil Interreligieux des Jeunes Adultes de Jérusalem UIY AC), commencé en JUll1 2007. est un programme d'animation interreligieuse pour étudiants tant à l'est qu'à l'ouest de Jérusalem. Le .TI Y AC cherche à rassembler des étudiants d'université pour changer le discours public et améliorer les relations entre chrétiens, musulmans et Juifs à Jérusalem. L' ICCI est associé avec le WCRP pour ce programme.

- le programme «De la Mémoire à la Réconciliation ».

Il s'agit de rencontres organisées en 2007 et 2008 entre Juifs et Arabes avec des étudiants bouddhistes du Japon, centrées sur le rôle humain universel de la pacification de la mémoire dans chaque culture et dans les récits nationaux, que ce soit comme victime et/ou comme agresseur.

Actualité

A propos d'une décision romaine

Michel Remaud

L'émotion soulevée par la récente levée d'excommunication de quatre évêques schismatiques invite à proposer sur ce sujet quelques brèves réflexions, qui ne prétendent évidemment pas épuiser le sujet.

Première remarque: une fois de plus, l'opinion a réagi au quart de tour à des dépêches d'agences. Dans notre société où le virtuel tend à remplacer le réel, l'événement n'est pas ce qui se passe, mais ce qu'on en dit. Il suffit d'aller se promener sur les forums des différents journaux pour constater que beaucoup ont compris ainsi la décision romaine: le pape ouvre les bras aux négationnistes. Il faut donc rappeler que la décision de levée d'excommunication ne se réduit pas au cas Williamson, et que la décision romaine n'est pas une absolution donnée à l'un des quatre évêques schismatiques pour son antisémitisme. Il n'est pas non plus question de « réhabilitation », comme on a pu le lire ici ou là. Réhabiliter signifie: « Rendre (à un condamné) ses droits perdus et l'estime publique, en reconnaissant son innocence. » (Petit Robert). Pour que l'usage du mot de réhabilitation soit ici approprié, il faudrait admettre que l'excommunication aurait été en quelque sorte une erreur judiciaire et que le pape actuel désavouerait son prédécesseur, ce qui est d'autant moins le cas que le Cardinal Ratzinger avait été étroitement associé à la décision de Jean-Paul II. Par ailleurs, l'évêque en question n'était pas évêque avant d'être excommunié. Il n'est donc pas question de lui rendre des droits qu'il n'a jamais eus. Cette levée d'excommunication n'est qu'une première étape d'un processus dont l'issue n'est pas certaine. Sur chacun de ces points, les précisions données par le journal La Croix peuvent apporter d'utiles compléments aux dépêches de l'AFP, ainsi que sur la question de savoir pourquoi il était important, pour Rome, de ne pas dissocier les quatre évêques (Michel Kubler : "C'est un pas spectaculaire, mais le dialogue doit maintenant s'ouvrir" et Comment le pape ouvre la porte aux intégristes).

À mon avis, la question de fond soulevée par toute cette polémique est: la relation à Israël fait-elle partie des éléments non négociables de la vie de l'Église? Il est évident qu'on n'aurait pas levé l'excommunication si les intégristes avaient nié un dogme, comme par exemple celui de la nature divine du Christ. Si la relation à Israël est une question secondaire, cela signifie-t-il que, quarante ans après le dernier concile, on ferait peu de cas de Nostra Ætate? Mais si elle ne l'est pas, faut-il excommunier tous les bons catholiques qui n'ont pas lu cette déclaration conciliaire, et tous ceux qui n'aiment pas les Juifs ? Comme le faisait remarquer un lecteur ici même, la greffe Nostra Ætate n'a pas pris. Pour la plupart des catholiques, la question de la relation théologique au peuple juif est complètement recouverte par la question politique, généralement présentée comme humanitaire. Le « bon chrétien» est celui qui est solidaire, au moins en paroles, des pauvres et des opprimés. Il est piquant de constater que, même sur des sites ou des blogs de tendance catholique traditionnelle, le bon Juif ne peut être qu'un Israélien d'extrême gauche, sauvant l'honneur parce qu'anti-israélien. Bien entendu, on ne manque pas de préciser qu'on n'est pas antisémite lorsqu'on stigmatise les monstres israéliens qui exterminent les enfants de Gaza, mais combien de chrétiens seraient capables de donner un contenu concret au formules énoncées par le concile et répétées inlassablement par Jean-Paul II, selon lesquelles le chrétien est lié au peuple juif par un lien qu'il n'a avec aucune autre religion ? On ne voit pas pourquoi il faudrait aimer les Juifs pour être bon chrétien, sinon en les aimant de cette charité universelle qui embrasse généreusement toute l'humanité.

Que les disciples de Mgr Lefebvre soient antisémites n'a rien de surprenant, même si le cas de l'évêque Williamson est un extrême. Ils sont les héritiers d'un enseignement multiséculaire qui a contaminé peu ou prou l'ensemble du peuple chrétien, et les conséquences de cet enseignement sont encore sensibles bien au-delà du petit monde des intégristes. Le dernier concile, relayé infatigablement par Jean-Paul II, a voulu donner une impulsion officielle au mouvement inverse; et ici, il convient de rendre justice à Benoît XVI, qui est certainement l'un de ceux qui, dans l'Église, sont le plus conscients de l'importance de cette question. Mais il reste à faire un immense travail d'éducation qui ne fait que commencer - une décision romaine ne suffit pas à changer les mentalités - et qui, même sans faire la part des inévitables oppositions, prendra des décennies plutôt que des années.

Courrier

La chapelle Sixtine

IC

Récemment, un ami israélien m'écrivait une lettre dont voici des extraits.

En cette période, j'utilise ce merveilleux internet pour assouvir ma soif d'apprendre plus à propos du Vatican ... [Etant J athée, né juif, une chose m'a frappé en admirant sur l'écran toutes ces fresques de la Sixtine. Que de corps nus! Que de chairs étalées, Que de nudités triomphantes ! C'est une débauche d'Apollons musculeux et de Vénus lascives! Où est Dieu en tout cela, si l'on excepte ce vieillard barbu entouré d'angelots androgynes') Plus sérieusement: qu'en est-il du 2éme commandement? Pourriez-vous m'indiquer un ouvrage qui explique - ou qui justifie - ce qui à mes yeux est une énigme : la glorification du (pauvre) corps humain pour décorer le Saint des Saints du monde catholique. Aucun théologien ne s'est donc élevé contre la peinture de Dieu lui-même en costume de barbon?

*   *

Voici, en substance ma réponse.

Vos propos ne sont pas sans rappeler ceux de Manès Sperber qui se plaisait lui aussi à parler du Créateur. "Ce Dieu, disait-il, auquel je ne crois pas mais que je vénère de tout mon cœur". Mais si votre lettre ne me surprend pas, ma réponse, elle, pourrait vous étonner. En effet, il m'est aisé d'abonder dans votre sens car vos idées sur la décoration de la chapelle Sixtine sont identiques ou tout au moins analogues aux miennes.

Tout d'abord, cet allegro furioso pictural de Michel-Ange me parle peu en raison d'une osmose mentale qui n'arrive pas à se faire. Confronté à cette culture de l'apparence où l'existence s'exprime à fleur de chair, force m'est de constater qu'une absence d'accord spirituel est un handicap difficile à surmonter. Sachant qu'à l'occasion, il faut savoir n'écouter que des yeux, me vient spontanément à l'esprit le mot de Claudel: "Ce sont de tristes tableaux, ceux auxquels il est impossible de prêter l'oreille".

En tout état de cause, ce foisonnement de motifs me semble offrir un cadre inadéquat à un sanctuaire - qui tout en ayant été conçu selon les dimensions du Temple de Salomon ne saurait pourtant pas être considéré comme le 'Saint des Saints' du monde catholique. Le 2ème Concile de Nicée [787] déclarait que "L'on arrive à l'invisible par le visible, on va à l'esprit par la chair". Certes, mais si l'image est trop pesante, elle n'est plus une transition vers la réalité céleste.

Sans vouloir emboîter le pas à un observateur aussi intraitable que Guy de Maupassant, on peut tout de même noter les impressions qu'il confiait à son journal à l'issue d'une visite à la Sixtine car elles donnent à penser: "Le Jugement dernier a l'air d'une toile de foire, peinte pour une baraque de lutteur par lm charbonnier ignorant". Auteur d'une œuvre toute empreinte de pudeur. il se rendait bien compte que l'imagination trouve davantage de réalité à ce qui se cache qu'à ce qui se montre.

De son côté, Romain Rolland ne cachait pas l'émotion qui s'emparait de lui à la vue de ces fresques. "Ces corps héroïques, notait-il, occupent toute la surface comme un essaim bourdonnant. Leur force et leur unité font penser autant aux rêves fantastiques de l'imagination indoue qu'à la logique souveraine et à l'esprit volontaire de la Rome antique. Les figures décorant le plafond et les murs sont l'expression d'une beauté sauvage et pure. L'effet produit est tout à la fois bestial et divin. On y retrouve l'élégance hellénistique encore aux prises avec les survivances d'une humanité primitive".

Après avoir peint sur la voûte neuf panneaux inspirés de la Genèse, Michel-Ange se consacra à la scène du Jugement dernier située au-dessus du maître-autel. Ces deux œuvres sont toutefois bien différentes, ne serait-ce qu'en raison du changement de circonstances et des tourments intimes de l'artiste qui, avec le temps, devenaient de plus en plus éprouvants. Visiblement, ces deux compositions ne se guidaient pas sur la même étoile. II entreprit la décoration de la voûte, à la demande de Jules II qui lui donna souvent de la tablature, après avoir franchi le cap de la trentaine, tandis qu'il avait passé la soixantaine quand il reçut de Paul III Farnese, plus conciliant, la commande du Jugement dernier.

La décoration de la voûte se poursuivit pendant quatre ans à travers bien des épreuves car Michel-Ange devait se plier à son corps défendant aux volontés parfois arbitraires du maitre des lieux. Témoin, l'échange où il s'opposa à Jules II qui lui demandait de rehausser d'or certains personnages afin de donner plus d'éclat à l'ensemble de son œuvre. Sensible à un au-delà qui ne brille pas, il se permit de répondre avec un bon sens roboratif: "Je n'ai jamais entendu que ces hommes aient porté de l'or". "Mais elle sera pauvre" répartit le pape qui ne témoigna jamais d'un excès de flair. Alors, ne voulant pas être entraîné hors de son sillon par des fantasmes extravagants, il répliqua: "Ceux qui sont peints là furent pauvres eux aussi !" II est vrai qu'il s'agissait d'un pontife guerrier qui demanda un jour au peintre de lui faire un portrait où il posa casqué en brandissant son épée.

Après cinq années d'efforts méritoires, le Jugement dernier fut inauguré à Noël 1544. Vieilli avant l'âge, Michel-Ange vivait dans la peur de la "seconde mort", autrement dit, de la réprobation finale "Je vis dans le péché, disait-il, en me détruisant moi-même. Ma vie, soumise au péché, ne m'appartient plus. Le bien qui est en moi est un don du ciel, tandis que le mal que je ressens dans ma propre volonté a sa source en moi". Comprenant que la solitude d'hiver est plus qu'une autre solitaire, il ne lui restait plus qu'à faire sienne l'aspiration de Job: "Une parole sera dite furtivement à mon oreille dans les angoisses de la nuit".

Conçue dans un tel déchirement intérieur, l'œuvre allait s'en ressentir. Influencé par la Divina Commedia de Dante Alighieri, il commença par représenter en haut de la fresque les élus guettant le moment d'une juste récompense, avant d'en arriver plus bas aux sombres rivages - dépeints comme il se doit en teintes fuligineuses - où languissent les damnés épouvantés par l'attente de ce qui les attend. On reste stupéfié de voir la tension entre la vie et la mort s'imposer à ces êtres plongés dans l'atmosphère suffocante d'un naturalisme débridé.

L'étalage de tous ces corps ne manquait certes pas d'ambiguïté, tout comme l'omniprésence des putti, de ces angelots qui ne faisaient guère penser à des messagers célestes. Constatant que beaucoup de fidèles étaient troublés par cet outrage à la pudeur, le conseiller du pape, Biaggio de Cessna, n'hésita pas à exprimer publiquement sa réprobation:

"Ces fresques peu édifiantes ne conviennent pas à un lieu aussi vénérable car elles blessent la décence. La chapelle papale n'est vraiment pas un cadre approprié à une décoration qui conviendrait plutôt à un établissement de bains ou à un lieu de perdition" .

On sent que dans cette composition plus tardive, Michel-Ange commençait à se libérer des cadres classiques pour anticiper la poussée dionysiaque qui devait faire florès à l'époque baroque où l'exubérance des motifs finirait par dissimuler l'inspiration religieuse au point de la rendre mécon­naissable. II se ressentait déjà confusément de l'influence florentine du temps des Médicis où l'attrait païen de la beauté des formes se trouvait aux prises avec le mysticisme chrétien dont Savonarole allait faire retentir – au péril de sa vie – la protestation.

Dans son indigence spirituelle, l'art baroque resta longtemps accroché à des rêves d'enchantement avant de sombrer finalement dans le maniérisme affecté du rococo. Obsédée par un besoin d'éblouir, il était difficile à une créativité artistique de s'avouer plus pathétiquement étrangère au terreau nourricier de l'évangile. Elle reflétait la fin d'une période qui avait peut-être de beaux restes mais n'arrivait plus à masquer un déclin inéluctable. L'intégrité n'étant plus ni un refuge m une exigence, on semblait avoir perdu le souvemr des églises romanes où l'atmosphère issue d'une architecture dépouillée paraissait éclairée du dedans pas une lumière intérieure d'où émanait la fraîcheur sédative d'une beauté sans apprêt. En son temps, la limpidité surnaturelle de ce style médiéval avait pourtant contribué à rappeler, à la suite d'Origène, que le lieu saint, c'est l'âme pure.

A Byzance, les peintres d'icônes avaient su extérioriser cette conviction spirituelle. Inspirés par une sorte de divination, ils ne cherchaient pas tant à réaliser le portrait d'un être charnel qu'à le représenter comme transfiguré par la splendeur du monde à venir. Sachant que, dans la personne, la face est à la fois ce qu'il y a de plus identifiable et de plus insondable, ils commençaient toujours par le visage dont la beauté devait irradier dans tout le corps. On peinerait à retrouver ces préoccupations dans la débauche de formes et de couleurs qui sévit dans la chapelle du Vatican où l'aspect grotesque de bien des corps semble au contraire refluer sur des visages peu rassurants.

En art sacré comme en spiritualité, une loi non écrite commande aux mots et à la couleur une discrétion et une réserve qui les porte à voiler un éclat trop provocant. N'a-t-on pas dit qu'avoir une âme, c'est avoir un secret? Si tout est à ce point découvert, où se trouve l'aiguillon d'une pensée à demi­-divinatoire qui est le propre de l'expérience religieuse? Ne percevant bien que dans l'absence, celle-ci n'est rassurée que dans le manque. Avec son goût du caché, elle se complaît dans un clair-obscur où se laisse entrevoir l'au­delà des apparences.

*     *

L'auteur des Mémoires d'outre-tombe se plaisait à rappeler: "Il est bon de se faire précéder dans la tombe du silence que l'on y trouvera rI. En y repensant, on peut se demander ce qui serait arrivé à Michel-Ange s'il avait pu entendre les propos de celui qui avait demandé à être enterré, face à la mer, sous une dalle de granit sans inscription. Il aurait peut-être réalisé qu'au moment où s'écroule tout ce qui n'est pas Dieu, la créature est portée à se dire dans l'oubli d'elle-même: "Il ne me reste rien ". C'est l'heure de Qohélet.

Quoi qu'il en soit de tous les efforts déployés dans la Sixtine, il est réconfortant de penser à une coutume millénaire issue de la latinité. En effet, lorsque les Romains fondaient une ville, ils ménageaient à l'intérieur du temple consacré à Héra, un espace vide qui ne devait comporter aucune inscription. Cette pratique visait à montrer aux habitants de la nouvelle cité qu'on ne pouvait prétendre à une emprise totale sur l'espace. Elle rappelait, si besoin était, la force d'affirmation impliquée dans l'absence.

Dans le même esprit, le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, où le Grand Prêtre officiait une fois par an - à l'occasion du Yom Kippour [Héb. : Jour du Pardon]- était complètement vide.

Lorsque Titus y pénétra en 70, après avoir forcé les remparts, il n'y trouva rien. L'Arche d'Alliance où étaient déposées les deux Tables du Décalogue avait en effet disparu après le sac du Temple par les babyloniens en -587. Entré au cœur du sanctuaire, le romain fut déçu de constater tout simplement une absence. Celle-ci était pourtant essentielle à un espace sacré destiné à capter l'influx divin et à mettre le peuple en état de l'accueillir.

En explicitant son Nom à Moïse: "Je serai que Je serai" [Exode 3 .14], Dieu a rappelé que le mode de présence du Divin consiste précisément en une absence où la promesse est sans cesse maintenue. Le choix d'un verbe pour désigner l'Eternel a entraîné l'historicisation d'une Présence où filtre une note messianique. En ouvrant discrètement une porte sur l'invisible, cette anticipation du futur laisse pressentir qu'un jour, Il viendra. Mais, voulant se faire connaître C0Il1l11e "un Dieu qui se cache" [Isaïe 45.15], Il a révélé un Nom secret et occulte ­YHWH - que l'on peut épeler mais non pas prononcer. Aussi est-on réduit à s'approcher de l'Unique dans le dénuement intérieur le plus complet à l'instar des prophètes qui persistaient à s'adresser à un Ciel où ils ne voyaient rien.

La Tora relate que durant la marche au désert, "YHWH conversait avec Moïse face à face comme on parle d'homme à homme" [Exode 33.11] dans la Tente de la Rencontre où tout était conçu pour inviter la Présence divine. La construction de ce sanctuaire qui devait être le prototype du Temple de Jérusalem fut confiée à Betsalel fils d'Ouri [Héb.: Ma Lumière], membre de la tribu de Juda où persistait l'espérance messianique d'Israël. Il était assisté par Oholiav [Héh : Ma Tente est Père], fils de Ahisamakh [Héb.: Mon Frère est appui]. Autant de significations dont les connotations humaines rappellent que. loin de détourner de la réalité, le sanctuaire construit par une communauté fraternelle en reflétait les aspirations. Le nom de Betsalel [Héb. : A l'ombre de Dieu] était tout aussi prédestiné, tant il est vrai qu'il n'y a pas d'ombre sans lumière.

Chant du mois et humour en final

Yohanan Elihaï

Le Shabbat et les fêtes     Paroles: Yankele Rotenblit Musique: Yehudith Ravitz

Nous n'avons encore jamais proposé ici une chanson de Yehudit Ravitz, qui est une figure de la musique israélienne depuis le milieu des années 1970. Voici l'une de ses plus célèbres chansons Shobbatot ve Hagim (le shabbat et les fêtes) dont elle a composé la musique sur des paroles de Yankele Rotenblit. Elle chante le chant d'une femme seule, abandonnée par son mari.


A présent tu es à la maison ... tu es "là-bas"

Les enfants sautent sur toi, les plus beaux enfants du monde

Tu fonds, tu tends les mains, tu es heureux, aux anges

Et tu vas leur lire une histoire, du livre tout neuf

Père de famille exemplaire,

Papa vraiment idéal,

Finalement tu reviens toujours, tu ne lâches jamais.

A chaque voyage tu rapportes des cadeaux à chacun.

 

A présent tu es à la maison, ... tu es "là-bas".

Et moi, partenaire clandestine,

Je suis dans l'ombre quand pointe la lumière.

Je suis la fille muette, et témoin

Qui est restée seule, à l'arrière.

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes,

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes.

Et toi, tu seras surprise: oh oui, je te connais.

Je sais exactement où se trouve chaque chose,

Et, peut-être sais-tu déjà, et connais-tu mon nom,

Ou bien tu dors tranquille, ignorant mon existence.

Mais moi, je suis toujours avec vous,

Je vous vois - sans être vue.

Et quand toi aussi, tu es là-bas

Que te reste-t-il de moi, désormais?

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes,

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes.

Sais-tu ce que j'ai ressentis

Quand je vous ai vus, dans la rue, récemment

J'ai été correcte, sans rien manifester,

Mais la nuit, combien j'ai pleuré,

Combien j'ai trempé l'oreiller!

Pourquoi tombé-je toujours amoureuse

De ce qui est impossible à saisir?

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes,

Solitaire sur le toit, le shabbat et les fêtes.

Et toi, en ce moment, tu es à la maison ... tu es "là-bas".

 

Humour :

Que se passe-t-il quand une mouche tombe dans une tasse de café?

L'Italien jette la tasse et s'en va furieux.

Le Français jette la mouche et boit le café.

Le Chinois mange la mouche et jette le café.

Le Russe boit le café avec la mouche car c'est compris dans le prix.

L'Israélien vend la mouche au Chinois, la tasse à l'Italien, le café au Français, se commande un nouveau café, puis se casse la tête pour trouver un procédé qui empêche les mouches de tomber dans le café et le fait breveter.

Le Palestinien accuse l'Israélien de faire tomber les mouches, dépose une plainte aux Nations Unies, demande un prêt à l'Union européenne, et utilise l'argent pour acheter des explosifs grâce auxquels il fait sauter le café où le Russe, le Chinois, l'Italien et le Français sont en train de persuader l'Israélien de donner sa tasse de café au Palestinien.