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à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 42 – Juillet/Août 2008

Jérusalem – Cathédrale arménienne St-Jacques

Sommaire:

Editorial

Histoire: il y a 60 ans, le drame de l' Altalena                                                                ,

Connaissance du pays: Jérusalem, ville trois fois sainte (2eme partie) Vie quotidienne: Jérusalem, un grand chantier

« Ma maison c'est ici », les survivants de la Shoa en Israël

Rencontre avec Jacques Fontaine, l'initiateur de la Bible sur le terrain

Flashes d'espoir: les rabbins pour les droits de l'homme Face au lieu

La lumière d'Or Yehouda pour les nations Au fil des mois ...

Chant du mois et humour en finale

Editorial

Le drapeau français a flotté avec énergie au vent de Jérusalem et la langue française a résonné avec chaleur à la Knesset. Nicolas Sarkozy a-t-il redonné la santé aux relations franco-israéliennes? On peut l'espérer.

Jérusalem, la ville d'or qui le devient à chaque lever ou coucher de soleil, a éclaté de verdure cette année. Les squares dans la ville sont particulièrement verdoyants et la rue Mamilla qui descend doucement au pied de la citadelle de David et qui fut longtemps un no-man's land, est devenue une allée de platanes et de bosquets verts. Sur les terrasses de pierre de cette même rue Mamilla, les oliviers qui y furent transportés et plantés par une grue, sont eux aussi verdoyants et côtoient des massifs de fleurs blanches ou bleues. Du haut de l'allée couverte de cette rue Mamilla, depuis les terrasses des cafés, on peut voir de la verdure à perte de vue, montant les pentes des remparts, descendant dans la vallée du Sultan, ou grimpant à Yamin Moshe. Pour une année de sécheresse, on peut s'étonner de ces platanes ou de ces chênes d'Europe qui ont fait leur alyia et qui ont pris racine dans les rues de Jérusalem. Un paradoxe de plus.

Ce numéro parle beaucoup de cette ville en chantier et, tandis que l'équipe de Un Echo était réunie à Nachlaot, dans le chantier de la rue Jaffa un attentat d'un type particulier se produisait: une énorme pelleteuse écrasait tout sur son passage. De nouveau la consternation à Jérusalem ouest et aussi à Jérusalem est d'où venait le chauffeur. Trois heures après on ne voyait plus rien, la vie reprenait, avec toujours plus de poids et de sérieux. On pensait à ceux qui étaient intervenus pour que le désastre ne s'étende pas jusqu'au marché, à la maman qui, avant d'être écrasée dans sa voiture, avait eu la présence d'esprit de détacher son bébé. Ejecté de la voiture, il a eu la vie sauve.

Saül Friedlander, qui, jeune, fit son alyia sur l'Altalena, ce bateau dont on rappelle l'histoire tragique, écrit dans son livre Quand vient le souvenir: « Peut-être faut-il agir face aux défis de tous les jours comme s'ils étaient seuls porteurs de sens, mais en même temps, vivre l'autre dimension des choses, comme si le quotidien perdait toute importance ». Comme souvent à Jérusalem, «le quotidien» et «l'autre dimension », ce « fond d'éternité» se télescopent.

Notre vie quotidienne se fait attente du retour des otages et de ces temps où « les arcs de guerre seront retranchés» de Jérusalem.

Bonnes vacances à tous nos lecteurs.

S.M

Histoire: il y a 60 ans, le drame de l'Altalena

« Je viens vous raconter ce soir l'un des épisodes les plus terribles de l'histoire de notre peuple et peut-être même de l'histoire des autres peuples de par le monde qui vient de se dérouler ». C'est ainsi que Menahem Begin, ancien commandant du Etzel (Irgoun), commença l'un des discours les plus célèbres de l'histoire d'Israël prononcé quelques heures après que le bateau « Altalena » s'enfonçait au large des côtes de Tel Aviv. Connu sous le nom « le discours des pleurs », Menahem Begin allait décrire à ses auditeurs de la radio « Voix de Jérusalem combattante », avec des sanglots dans la gorge, l'épisode héroïque de l'Altalena.

Que s'est-il passé ce 22 juin 1948 au large de Tel A viv ? Comment l'affaire de l' Altalena est-elle devenue un

mythe et continue, 60 ans après, à diviser les esprits?

Depuis des mois, en lisant des ouvrages et des articles sur cet épisode historique, je découvre qu'aucune réponse simple n'est permise. En parcourant le même trajet que Menahem Begin, de la plage Frishman à la rue Tchernichowsky, la station de radio du Etzel d'où il allait prononcer son fameux discours, me vient cette question: pourquoi Begin pensait-il que Ben Gourion ne donnerait pas l'ordre de tirer sur l' Altalena ? Comment a-t-il pu commettre une telle erreur d'appréciation?

Pour comprendre l'épisode de l'Altalena, revenons une année en arrière. « Le Comité Hébraïque de Libération de la Nation », branche du Etzel aux Etats-Unis, acquiert un bateau pesant 4 500 tonnes. La négociation fut menée par un certain Avraham Stabski qui fut soupçonné de l'assassinat de Hayim Arlozorov mais relâché faute de preuves. Parti pour les Etats-Unis, il joua un rôle non négligeable dans les rangs du Etzel outre-atlantique. C'est lui qui baptisa le bateau « Altalena », nom de plume de Zeev Vladimir Jabotinsky, leader du mouvement sioniste révisionniste décédé sept ans auparavant.

Au début de l'année 1948, Bégin, conscient du danger qu'encourt le futur Etat d'Israël après le départ des

Britanniques qu'il avait tant souhaité, désire enrôler des Juifs de France dans les rangs du Etzel. A Paris, on lui fait comprendre qu'une telle tâche n'est pas simple et qu'il est préférable de trouver des fonds pour acheter des armes. Sans doute, par aversion pour les Britanniques et pour des raisons diplomatiques qui n'ont pas fini de soulever des polémiques parmi les historiens, le gouvernement français, en grand secret, décide de livrer des armes au Etzel sans la moindre monnaie d'échange: 5000 fusils, 250 mitraillettes et 5 millions de balles. La seule condition émise par les Français: les munitions ne devront arriver en Israël qu'après le départ du dernier soldat britannique. Jean Jaurès, le ministre français des Affaires Etrangères d'alors, était-il un admirateur du Etzel?

C'est possible.

Entre temps en Israël, le comte Bernadotte, envoyé spécial de l'ONU qui avait sauvé des Juifs en Suède lors de la Seconde guerre mondiale, multiplie les efforts pour un cessez-le-feu. Le 10 juin, les parties arrivent à un accord. Le cessez-le-feu comprend, entre autres, l'interdiction d'introduire des armes et des combattants. Quand Begin sut que Ben Gourion avait donné son accord pour le cessez-le-feu, il ordonna la nuit même que le bateau reste à quai en France. Mais un problème de transmission radio fit que le message n'arriva jamais. L'Altalena leva l'ancre le lendemain au petit matin depuis le port de Marseille avec à son bord 800 nouveaux immigrants et les armes données gracieusement par la France. Le capitaine du bateau comprit en route qu'on essayait de lui envoyer un message mais il préféra suivre son chemin, craignant d'éveiller des soupçons.

Le 12 juin, à 23h, alors qu'il était encore attablé avec ses proches en ce jour de fête de Shavouot, Menahem Begin demande le silence. Comme à son habitude, depuis qu'il est commandant en chef du Etzel, il écoute les informations de la BBC. Il apprend alors, à sa plus grande stupéfaction, que l'Altalena s'approche des côtes d'Israël. Il ordonne au bateau de revenir sur ses pas mais, là encore, une erreur de code sera à l'origine d'un nouveau malentendu. Le bateau continue sa route vers Israël.

Le lendemain, Begin rencontre Israël Galili et Lévi Eshkol qui serviront d'intermédiaire entre lui et Ben Gourion durant toute la crise. Le chef du gouvernement provisoire considérait Begin comme un rebelle dont le but était de déstabiliser son pouvoir.

Israël avait besoin d'armes. Et Eshkol, homme pragmatique, demanda à Begin combien il voulait en échange.

« Pas un centime» lui répondit fièrement l'ancien commandant du Etzel.

Finalement David Ben Gourion demanda que le bateau jette l'ancre au large de Kfar Vitkin loin des yeux des observateurs de l'ONU. Le village était aux mains des gens du Mapaï, fidèles à Ben Gourion. Begin reçut l'assurance qu'il recevrait de l'aide nécessaire pour débarquer les munitions.

La situation s'envenima assez vite entre Begin et Galili sur la question du partage des armes. L'ancien commandant du Etzel demanda que 20% des munitions parviennent aux combattants de Jérusalem, c'est-à-dire aux anciens de son propre camp. De plus, il demanda que lors de la distribution des armes aux soldats, on leur en explique la provenance. Pour Ben Gourion c'en est trop! Le gouvernement provisoire d'Israël avait créé le 26 mai Tsahal, soit un peu plus de trois semaines auparavant, en ordonnant la fusion de la Hagana, du Palmah, du Lehi et du Etzel. Ben Gourion vit dans la demande de Begin un essai de torpiller la création d'une seule armée en Israël.

Le 20 juin, des dizaines de jeunes, anciens du Etzel, désertent leurs bases militaires pour Kfar Vitkin. Ils veulent participer à la fête du débarquement. Le lendemain, Ben Gourion envoie un télégramme à Galili : « Ou ils obéissent ou on tire ». Les 800 immigrants quittent le bateau.

Le matin du 21 juin, Yaakov Méridor qui avait succédé à David Raziel à la tête du Etzel et que Begin avait à son tour remplacé, conseille de lever l'ancre et de partir pour une autre plage. Il est persuadé que l'ultimatum de Ben Gourion est à prendre au sérieux. Alors que Begin passe en revue « ses troupes », des tirs de canons visent l'Altalena. A bord du navire, il donne alors l'ordre de s'éloigner et de partir pour Tel Aviv. La rumeur se répand que Bégin a été tué.

Vers minuit, le 22 juin, l'Altalena arrive près des côtes de Tel Aviv. Begin choisit la plage Frishman, persuadé que Tsahal n'osera pas tirer près du QG de l'ONU et ne prêta pas attention au fait que les QG de l'armée de l'air et de la marine étaient tout proche, rue Yarkon. Begin, en venant à Tel Aviv, était sûr que la population, enthousiaste de recevoir des armes, viendrait l'accueillir en héros et empêcherait une intervention militaire contre le bateau.

En voyant que des centaines d'anciens du Etzel s'approchaient de la plage, Menahem Begin donna l'ordre de commencer à décharger les munitions. Tsahal envoya des renforts sur place. L'unité «Harel» du Palmah, commandée par Itzhak Rabin, était sur les lieux. Dans les rues de Tel Aviv, le tumulte allait croissant. On entendait des slogans comme « Des Juifs ne tirent pas sur des Juifs. »

Vers 16h, alors que se poursuivait le déchargement des armes, des tirs de canons retentirent. Tsahal bombardait l' Altalena. Le capitaine du navire fit lever le drapeau blanc mais cinq autres tirs suivirent. Le bateau était touché. Certains combattants du Etzel ouvrirent le feu mais la plupart se jetèrent à l'eau pour rejoindre la côte à la nage. Begin, lui, ne savait pas nager. Pétrifié, il mit du temps à reprendre ses esprits. Sur l'ordre du capitaine, il s'embarqua dans un canot de sauvetage. Dans le tumulte, ses lunettes tombèrent à l'eau.

Sous les yeux des habitants de Tel Aviv, l'Altalena coula lentement. Les combats firent 18 morts: 16 membres de l'Irgoun et 2 soldats de Tsahal, plus de nombreux blessés. La police militaire procéda à de nombreuses arrestations. Begin rejoignit la base du commandement militaire du Etzel et décida qu'il prononcerait le soir même un discours historique. Il ordonna à ses soldats de déposer leurs armes leur demandant de reconnaître qu'il n'existait qu'une force armée, évitant ainsi une guerre civile. Begin fut persuadé toute sa vie que le but premier de Ben Gourion fut de l'éliminer du devant de la scène politique.

Ben Gourion de son côté justifiera son geste par ces mots devenus célèbres: « S'il y a plus d'une armée, il n'y aura pas d'État. Aucun pays ne peut supporter que des gens particuliers ou une organisation privée introduisent des armes, même en petite quantité, sans l'autorisation du gouvernement. »

Jean-Marie Allafort

Connaissance du pays: Jérusalem, ville trois fois sainte! (2ème partie)

Un peu d'histoire

Deux fois détruite par les légions romaines, dirigées par Titus (en l'an 70) et par l'empereur Hadrien (132­135), Jérusalem fut relevée de ses cendres par les nouveaux envahisseurs qui la nommèrent Colonia .!Elia Capitolina: ville dédiée à l'empereur Hadrien et à Jupiter Capitolin de Rome! Est-ce là l'accomplissement d'une prophétie de Jésus: « Ils tomberont sous le tranchant de l'épée, ils seront emmenés captifs parmi les nations et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis» (Le 21. 24). Les envahisseurs romains interdirent aux Juifs de séjourner à Jérusalem et, pour effacer toute trace de ce peuple sur sa terre ancestrale, il baptisèrent le pays d'Israël Palaestina, dérivé du nom du territoire qu'occupaient des peuplades indo-européennes sur le littoral méditerranéen entre Gaza et le mont Carmel.

Les empereurs chrétiens de Byzance rétablirent le nom de la ville et l'appelèrent Hagia Polis Yerusalem (Jérusalem ville sainte) tout en gardant le nom Palestine pour désigner le pays. Visitant la ville au IVe siècle, Hélène (255-328) mère de l'empereur Constantin, prétend avoir identifié les sites du Saint-Sépulcre et du Golgotha. La tradition chrétienne lui attribue également la découverte de la Sainte Croix.

La ville fut prise par les Perses de Chosroès II (roi sassanide d'Iran) en 614. Reprise par les Byzantins en 629 elle est conquise par les armées arabes sous la conduite du deuxième calife, Omar ibn al-Khattab (Al-Faruq), en 638 après un siège de deux ans. Le gouverneur de Damas, Abd Al-Malik (687-691), érige le Dôme du Rocher et son fils Al-Walid construit la mosquée Al-Aqsa (vers 705-715). Le calife abbasside de Bagdad Harun al-Rashid (786-809), garantit à Charlemagne la protection des lieux saints, ce qui permet le développement des pèlerinages.

En 1009, le calife fatimide du Caire Al-Hakim fait détruire l'Anastasis, l'église du Saint-Sépulcre construite sous Constantin. Plusieurs chefs musulmans tour à tour attaquent et conquièrent Jérusalem. Les Turcs Seldjoukides contrôlent la ville à partir de 1071 et les Fatimides la prennent en 1098, juste un an avant qu'elle ne tombe aux mains des Croisés.

À partir du Xl" siècle, les chrétiens lancent une série de croisades pour libérer la ville et avoir accès à leurs lieux saints. La première croisade, prêchée par Urbain II à Clermont-Ferrand en 1095, aboutit à la prise de Jérusalem le 15 juillet 1099, entraînant le massacre de sa population musulmane et juive. Elle devient la capitale du Royaume latin (ou Royaume franc) de Jérusalem (1099-1187 et 1229-1244).

Prise par le Kurde Saladin (Salah al-Din) en 1187, après la défaite croisée aux Cornes de Hattin en Galilée, elle devient le sujet de négociations entre le nouveau maître et Richard Cœur de Lion qui obtiendra en 1192 une paix garantissant aux pèlerins chrétiens l'accès à Jérusalem. Elle restera cependant sous l'autorité musulmane. En 1229, l'empereur Frédéric II, également roi de Jérusalem, obtient le retour de la ville au Royaume franc après des négociations avec l'émir ayyoubide al-Kâmil, Au cours de la VII" croisade, organisée par Louis IX, les Mamelouks s'emparent de l'Égypte et de la Syrie. Cette dynastie, issue d'une milice formée d'esclaves affranchis, essentiellement Mongols, de la garde du sultan ayyoubide, prend le pouvoir en 1249. Le Mamelouk Baybars organise la contre-attaque et démantèle les forteresses croisées. Le Royaume latin (franc) cessera d'exister en 1291, à la prise de Saint-Jean-d'Acre.

Jérusalem et la Palestine resteront sous le contrôle des Mamelouks jusqu'à la venue des Turcs ottomans. Le 30 décembre 1516, le sultan Sélim I" fait son entrée à Jérusalem et la ville passe sous domination ottomane. C'est son fils, Soliman II, dit le Magnifique, qui va doter la ville d'aqueducs et de fontaines. Les portes et les murailles qu'il fit ériger et reconstruire existent encore aujourd'hui. Il donna à la vieille cité l'aspect qu'elle a gardé pendant quatre siècles. Après sa mort, le déclin de la ville commence. Les pèlerinages latins se raréfient mais la communauté grecque orthodoxe, dont les sujets sont ottomans, fortifie sa présence dans les Lieux saints. Il faudra attendre l'arrivée des pionniers juifs et de l'armée britannique pour que la ville retrouve sa splendeur passée.

(cf. l'article « La porte de Jaffa, ouverture vers l'Ouest, vers l'Europe », Un Echo N° 38).

L'ambivalence du monde chrétien

Si pour le peuple d'Israël, Jérusalem était sa capitale et le lieu de la présence de Dieu dans le Temple, pour le monde chrétien elle ne sera que le lieu où se déroulèrent des instants dramatiques de la vie de Jésus: sa Passion, sa Résurrection, son Ascension ... Pendant des siècles la chrétienté à été confrontée à la dualité de la Jérusalem céleste et de la Jérusalem terrestre.

Mais la chrétienté a été aussi confrontée au dilemme de la Jérusalem terrestre comme l'énonce le professeur Zwi Werblowsky : « Le Nouveau Testament lui-même manifeste une tendance prononcée à ce que l'on pourrait nommer la « déterritorialisation » du concept de sainteté et une dissolution de ses composantes géographiques. Au centre du concept de sainteté il y a le Christ, et non le Temple et le Saint des Saints. Ce n'est ni la Terre Sainte, ni la Ville Sainte qui constituent la « région de la sainteté », mais la nouvelle communauté, le corps du Christ. Cependant, pour les générations suivantes, le pays en général et Jérusalem en particulier furent considérés comme la scène sur laquelle les évènements les plus importants de l'histoire de l'humanité s'étaient déroulés. C'est là que le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption avait eu lieu. L'acte divin du salut. .. avait trouvé sa manifestation matérielle en une localisation précise ... La Nativité ... la Passion ... la Résurrection ... l'Ascension ... la naissance de l'Église ... , tous ces faits se sont produits dans cette ville et sur cette terre ... » (cf. Werblowsky, Z. : Jérusalem dans la conscience juive, chrétienne et musulmane).

La terre d'Israël deviendra donc pour les chrétiens, la Terre Sainte, et Jérusalem, la Ville Sainte. Les empereurs et les impératrices byzantins favorisèrent le développement des pèlerinages en Terre Sainte afin de renforcer leurs pouvoirs religieux, politique et économique. Les pèlerinages à Jérusalem furent d'abord suscités à l'époque de Constantin (306-337), quand Hélène, sa mère, annonça la découverte de la tombe et de la croix de Jésus. Elle fit ériger la basilique du Saint-Sépulcre à l'emplacement présumé de la tombe de Jésus, trouvée après avoir détruit le temple païen d'Hadrien. Conséquemment, les chrétiens identifièrent d'autres sites mentionnés dans le Nouveau Testament en relation avec la vie de Jésus et de ses disciples. Ces sites, sanctifiés, virent l'édification d'églises et de lieux de cultes somptueux, qui attirèrent une multitude de pèlerins, comme l'église de la Nativité, de Gethsémani, du mont Sion ... Les pèlerins désiraient venir prier sur les lieux attachés au mystère du Salut. Une fascination pour ces lieux saints - ornés de chandeliers d'or et d'argent, recouverts de mosaïques, de fresques et de tentures - s'empara d'une grande partie de la chrétienté. Mais, devant cet engouement pour le pèlerinage, qui devint un phénomène de masse, du IVe au vrr siècles, des voix se sont élevées émettant des doutes sur la valeur de ce qui leur paraissait une conception tronquée de ce mystère. Certains pères de l'Église s'insurgèrent contre la vénération des « lieux saints» car ils y voyaient une interprétation charnelle des réalités spirituelles. Saint Grégoire de Nysse écrit dans une de ses lettres: « Dites donc aux frères de s'élever du corps à Dieu, plutôt que de la Cappadoce à la Palestine» et saint Jérôme de préciser que « Le sanctuaire céleste est ouvert du côté Bretagne pas moins que du côté Jérusalem, car le Royaume de Dieu est en vous. » (Werblowsky, Z.; op. cit. p. 9)

Mais les périodes d'insécurité politique et la peur des épidémies interrompirent ces élans religieux, qui connurent un regain sans précédent à l'époque des Croisades. Le désir de libérer les lieux saints tombés aux mains des Sarrasins, la crainte de la mort, l'aspiration au salut étemel, le besoin d'exotisme, d'aventures et de territoires ... incitèrent les chrétiens de l'Occident à répondre à l'appel lancé par le pape Urbain II pour la Croisade en Terre Sainte. Certains recherchaient dans le pèlerinage un moyen de faire pénitence, d'autres la rémission des péchés, l'accomplissement d'un vœu, la guérison ... , même l'obtention d'une relique ...

Malgré cet élan de pèlerinage à l'époque médiévale, pour beaucoup la vraie demeure du chrétien reste la Jérusalem céleste. La Jérusalem terrestre est tout lieu où est vécue une vie chrétienne parfaite comme le fait entendre saint Bernard, abbé de Clairvaux, dans une de ses lettres à l'évêque de Lincoln, parlant d'un certain Philip, clerc anglais, qui a rejoint l'abbaye de Clairvaux: «Il est entré dans la Ville Sainte et a choisi son héritage ... Il n'est plus un spectateur en quête, mais un habitant pieux et un citoyen de Jérusalem, et cette Jérusalem c'est Clairvaux. Elle est la Jérusalem unie à la Jérusalem céleste par la piété, par la vie conforme et par une certaine affinité spirituelle. » (Bruno Scott James, Les lettres de saint Bernard de Clervaux, 1953 ; pp. 90-92 ; en anglais)

Contrairement aux églises traditionnelles d'Orient et d'Occident, l'église protestante n'a pas adopté la tendance presque bimillénaire du pèlerinage. Cependant, beaucoup de membres de cette église furent parmi les premiers archéologues bibliques et, aujourd'hui, nombreux sont les chrétiens des différentes branches évangéliques issues du protestantisme qui font un voyage d'étude en Israël, la «Bible à la main» et non en pèlerinage. Notons aussi la formule originale inaugurée par le père Fontaine: «La Bible sur le terrain ». Ancien dilemme de la Jérusalem terrestre ou retour aux sources de la foi tout en s'élevant vers la Jérusalem céleste?

La Jérusalem céleste dans le Nouveau Testament

Dans la tradition chrétienne, la primauté de la Jérusalem céleste l'emporte par rapport à la tradition juive de la Jérusalem terrestre. Jérusalem, bien que ville sainte, connue pour ses «lieux saints », n'est qu'un reflet de la Jérusalem d'en haut qui prédomine dans la pensée chrétienne.

Pour les chrétiens, la Jérusalem vers laquelle on dirige sa marche, c'est la Jérusalem céleste: « Car nous n'avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir» (Hé 13. 14). Elle est l'archétype de l'Église, son reflet terrestre qui, dans les écrits pauliniens, est identifiée à la mère: « Mais la Jérusalem d'en haut est libre, c'est notre mère ... »(Ga 4. 26); « Mais notre cité à nous est dans les cieux, d'où nous attendons aussi comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Ph 3. 20). L'auteur de l'Épître aux Hébreux illustre cette Jérusalem céleste: « Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le chœur des anges, de l'assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux. dujuge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l'aspersion qui parle mieux que celui d'Abel » (Hé 12. 22-24).

Dans l'Apocalypse de Jean, point final du Nouveau Testament, est décrite la Nouvelle Jérusalem vers laquelle chaque chrétien tend les bras en soupirant Maranatha (expression araméenne signifiant «Notre Seigneur vient» ; 1 Co 16. 22 ; Ap 22. 20): « Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ... Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu. la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux ... Et il me montra la ville sainte, Jérusalem ... ayant la gloire de Dieu ... Son éclat était semblable à celui d'une pierre très

précieuse .... Je ne vis point de temple dans la ville,' car le seigneur Dieu tout-puissant est son temple, ainsi que

l'agneau ... » (Ap 21. 1-22).

Le monde chrétien, quelle que soit son influence religieuse et spirituelle, s'est senti attiré, comme par un aimant, vers la Jérusalem terrestre, tout en ayant les yeux levés vers les cieux d'où viendra la Jérusalem céleste. Un pèlerinage à Jérusalem préfigurerait-il pour certains la recherche du bonheur céleste et l'attente d'un monde nouveau?

Suggestion de lecture:

- Werblowsky, Zwi R. J. : Jérusalem dans la conscience juive, chrétienne et musulmane; Centre d'Information d'Israël; 3ème éd. 1995; Ahva Press; Jérusalem. .

- Dossiers d'Archéologie: Jérusalem 5000 ans d'histoire ; N°S 165-166 ; 10/11/1991.

- Prawer, J. : « Le Christianisme entre la Jérusalem Céleste et la Jérusalem Terrestre» (en hébreu)

dans Jérusalem à travers les âges; pp. 179-192 ; Jérusalem, 1968.

Dans un troisième article on parlera de la place de Jérusalem dans l'islam (Al-Kuds al-Sharifa).

Loïc Le Méhauté

Vie quotidienne: Jérusalem, un grand chantier

Quarante-trois ans que je vis à Jérusalem et que j'observe sa transformation. Quand j'arrive en 1965 avant la guerre de Six Jours, la population de Jérusalem est alors de 40 000 habitants. Située à l'extrémité du « couloir », la frontière nous rattrape dès que l'on circule, que ce soit au nord, au sud ou à l'est.

Les deux quartiers les plus « rupins» sont alors Talbieh et Rehavia. Nés dans les années 1920-1930, ces deux quartiers sont situés sur des terrains loués à l'Eglise grecque orthodoxe.

A Talbieh, ce sont des Arabes catholiques et protestants de Bethléem, Ramallah et Beit Jalla, médecins, avocats ou personnel proche des Britanniques, qui louent les terrains pour y faire construire de belles villas, et les consulats de Hollande, Hongrie, Iran, Grèce, Turquie et Espagne s'y installent. A Rehavia, le terrain est aussi loué par des Juifs influents, des universitaires, tant de «l'ancien Yishouv » que de Juifs venus d'Europe. En 1933, de nombreux Juifs d'Allemagne s'y installent à la suite de la venue d'Hitler au pouvoir.

Depuis l'Indépendance d'Israël en 1948, la ville s'étend vers l'ouest, avec les quartiers des Katamonim, Rasco, Kiriat Hayovel, Kiriat Menahem, Givat Mordekhaï, tous construits en urgence pour loger les nombreux immigrants des années 50, qui parfois restent des mois sous la tente, ou des années dans des baraquements. A cette époque, il n'est pas question de construire en belles pierres, ni des maisons particulières, et les matériaux ne sont guère de bonne qualité.

Avec la guerre de Six Jours et la prise de la Vieille Ville, la population jérosolémitaine passe en quelques jours de 40 à 160 mille habitants. Jérusalem voit de nombreux bâtiments officiels s'installer au cours des années. Le dernier en date est le ministère des Affaires Etrangères. Jusqu'alors logé dans toute une série de baraquements, il vient de s'installer dans son nouveau bâtiment, laissant le terrain libre aux entreprises pour la construction d'un quartier d'immeubles luxueux à l'entrée de la ville.

Aujourd'hui, la ville compte 730 000 habitants et espère atteindre le million. Des quartiers neufs surgissent dès les années 70, faisant éclater le « corridor» : Ramat Eshkol et Ramot au nord-ouest, Gilo et Har Homa au sud, Neve Yaacov et Pizgat Zéev, Ramot ShI omo au nord. Chacun de ces quartiers compte plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Les quartiers construits rapidement et en urgence dans les années 50 sont réaménagés: parcs, trottoirs, les petites maisons simples deviennent des villas, comme dans les Katamonim. Aux grandes « barres» s'ajoutent des pièces sécurisées conformes à la loi depuis 1991 ainsi que des terrasses, le tout recouvert de la belle pierre dorée du pays pour cacher les anciens murs de mauvais béton.

Ces quinze dernières années, le centre de la ville connaît un regain de transformation, c'est un vrai chantier.

De chez moi je peux voir les grues qui dominent les toits de la ville. Jérusalem a la fièvre! Aucun quartier n'y échappe: Nahlaot avec ses petites maisons à un ou deux étages, voit ses maisons achetées par des Américains, friands des plafonds en voûte de l'époque ottomane. C'est la restauration, la modernisation, et on y ajoute un ou deux étages permis par la mairie. Talbieh, à chaque époque, voit se construire des bâtiments culturels ou nationaux: l'Institut Van Leer, le musée de l'Islam, la maison du Président de l'Etat, l'hôtel Inbal, l'Institut Hartman, le Bureau des avocats, le Théâtre Sherover.

Le stade Teddy Kollek et d'autres terrains sportifs sont construits à Malha, tandis que l 'YMCA vend ses terrains de sport. Ces transactions permettent la construction de beaux magasins et de logements. Non loin de là, la célèbre rue Mamilla proche de la porte de Jaffa est enfin en chantier après 40 ans d'attente. De ce qui reste des vieux bâtiments, chaque pierre est numérotée, conservée et replacée au milieu du neuf. Deux nouveaux hôtels feront face au Hilton mis en service il y a quelques années, et la rue Mamilla elle-même devient une allée continue de beaux magasins nouvellement inaugurée. La mairie y expose les tableaux de ses artistes, et, pendant les Fêtes, des animations attirent les enfants et les clients. Il y fait bon s'asseoir aux terrasses des cafés pour contempler les remparts, ou, les lundis soirs, venir y danser des danses folkloriques et modernes. A ce même carrefour Mamilla, l'ancien hôtel Palace, employé depuis l'Indépendance d'Israël comme ministère du Commerce et de l'Industrie vient d'être abattu. Seules les belles façades restent debout, soutenues par d'immenses échafaudages de béton et de fer, pendant que tracteurs, camions et marteaux piqueurs creusent le rocher pour y faire les parkings et services divers du futur hôtel. De l'autre côté du Jardin de l'Indépendance, les tours prennent d'assaut le ciel, certaines comme bureaux, d'autres encore en construction comme immeubles d'habitation. A Bakaa avec ses jolies maisons à un ou deux étages, les propriétaires vendent leur toit aux entrepreneurs pour les surélever encore. Le quartier est aéré, agréable. Le kibboutz Ramat Rahel, autrefois à la frontière sud de Jérusalem, n'est plus isolé au milieu de ses vergers. Tout un quartier est déjà en grande partie construit avec beaucoup d'unité. Les quartiers arabes au nord-est de la ville, Issaouié, la partie nord de Siloé, grimpent en hauteur, passant des petites maisons au ras du sol à des immeubles de six étages et parfois davantage. La place manque. Dans les quartiers des Juifs orthodoxes, les familles aux très nombreux enfants ne se contentent plus de rajouter à chaque naissance une terrasse, ou de partager une pièce en deux. Les quartiers de Romema et Makor Baruch abattent leurs immeubles pour les remplacer par de beaucoup plus imposants tant par la hauteur que la largeur. Les petits ateliers vieillots qui disparaissent progressivement, font place aux beaux et grands immeubles.

Les routes suivent évidemment le mouvement. Celles construites pour relier les quartiers neufs sont larges et commodes, celles plus au centre de la ville, sont encombrées de travaux pour l'amélioration de la circulation, particulièrement par la construction du tramway qui sera peut être fini en 2050 ... C'est aussi l'occasion de refaire à neuf les égouts, les canalisations d'eau, les lignes de téléphone, d'électricité, etc. Tout ceci n'est pas sans faire souffrir la population pendant des mois, voire des années.

Ces dix dernières années, la route Bégin a vu le jour, traversant la ville du nord au sud évitant le centre, avec ses ponts et ses tunnels.

Pour chaque nouvelle étape du développement, on fait appel à des spécialistes de l'étranger qui transmettent leur savoir aux ingénieurs du pays: c'est ainsi que des ingénieurs des Ponts et Chaussées viennent du Canada dans les années 60, d'Italie pour la construction des tunnels, un architecte Catalan pour le «Pont à cordes» de Jérusalem inauguré ce mercredi 25 juin, et un ingénieur français pour la mise en place du premier tramway du pays

La gare routière est refaite à neuf depuis plusieurs années. Celle du train inaugurée il y a trois ans, alors que l'ancienne gare du temps des Anglais attend sagement des fonds et peut être des idées pour être restaurée.

En prévision d'une nouvelle ligne de chemin de fer, rapide celle-ci, des excavations de 80 mètres de profondeur, face à la gare routière, sont en cours.

Je ne parlerai pas cette fois des travaux archéologiques qui animent aussi la ville, mais ils ne sont guère de moindre importance !

Cécile Pilverdier

« Ma Maison, c'est ici », les survivants de la Shoa en Israël

Tel est le titre de l'exposition à Yad Vashem qui rappelle une histoire souvent méconnue: celle des survivants venant en Israël reconstruire leur vie et du coup construire le pays. Pour certains, c'était trop tard. C'est ici que beaucoup ont découvert leurs ressources intérieures pour créer une nouvelle vie. C'est vraiment la victoire et le triomphe de l'esprit humain. Ils ont forgé un nouvel Etat et son caractère, imprégnant toutes les sphères de la société depuis les arts, le monde universitaire, jusqu'au commerce, l'industrie et la défense, sans oublier le bâtiment.

Pour le 60ème anniversaire de l'Etat d'Israël, les survivants de la Shoa ont été mis à l'honneur. Ce sont eux qui ont allumé les 12 flambeaux le jour de l'Indépendance. Et Yad Vashem, le mémorial des victimes de la Shoa et des horreurs perpétrées par les nazis envers les Juifs d'Europe, a ouvert une exposition qui est un vibrant hommage aux rescapés de la Shoa. Ils sont 250000 aujourd'hui dans l'Etat d'Israël, soit la moitié de ceux qui sont arrivés à la fondation de l'Etat (un demi million). Parmi eux 50000 étaient partis pour la Palestine sous le Mandat britannique, c'était l'immigration illégale. Ils étaient enfermés à Chypre dans des camps.

Ils arrivèrent «à la maison» mais ce n'était ni prêt, ni confortable. Cette impression d'inconfort est très bien rendue dans la salle d'exposition où l'on ne voit que des échafaudages installés sans ordre. Des valises placées en haut d'un échafaudage attirent notre regard, des vieilles valises brunes des années 50 qui ont eu tellement d'importance dans la vie des Juifs d'Europe. Les échafaudages parlent de constructions, de précarités, de non installation. Des étagères en bois rappellent aussi ces baraques où ils étaient abrités, ce ne sont plus les beaux meubles d'Europe.

Dans l'espace vide de l'entrée, un portrait de Herzl sur le mur de droite, portrait imprimé sur un ancien billet de banque d'Israël agrandi et affiché. Le visionnaire d'Israël avait dit: «Si vous le voulez ce ne sera plus un conte! » Et sur le mur à gauche en retrait, une citation d'un autre visionnaire, le poète Isaac Katznelson, 24 août 1943 : «J'ai vu une procession d'enfants, des milliers et des milliers d'enfants sur la terre d'Israël. Dans un avenir très proche, une génération qui va s'accroître naîtra, une grande nation va naître ». Les survivants qui avaient tout perdu, qui n'avaient plus de « chez eux» désiraient devenir Israéliens, être plus israéliens que ceux nés ici, parler hébreu. On lit, en arrivant, des citations comme celle-ci de Aaron Appelfield : «Avant de rêver d'être écrivain, j'avais un autre rêve: être Israélien, paraître Israélien et me conduire en Israélien bien entendu». David Bergmann, acteur de théâtre et sculpteur, dit dans une interview: «Au bout de 3 mois, je parlais uniquement hébreu, je voulais avoir mes racines là, à Jérusalem, être «sabra», j'avais besoin d'être là». Ils voulaient renforcer leur identité israélienne, rejoignant ceux qui créaient la culture israélienne. Mais il y avait une condition, il fallait oublier son pays d'origine, sa langue maternelle. «On nous interdisait de parler yiddish» dit une survivante. A. Appelfield dans son livre Histoire d'une vie décrit la mort qu'il vivait intérieurement, mort à sa famille, à sa langue, à sa culture, malgré les slogans des mouvements de jeunesse « construire et se construire ».

Peu à peu cependant la culture d'origine marquera la culture israélienne et on peut lire cette citation « Être plus Israélien que les Israéliens et être fier de ses origines yougoslaves ».

Il fallait aussi oublier la Shoa, l'oublier intérieurement pour construire sa famille et ne pas en parler puisque personne n'écoutait. Après le procès d'Eichmann (1961) où l'on vit des survivants témoigner, la Shoa deviendra une composante de l'identité israélienne. Les grandes peintures d'Abraham Ofek, (Bulgarie 1935 - Israël 1990), montrent ces deux aspects: les sources juives de Bulgarie et les sources israéliennes.

Par exemple la peinture «Le retour », un char à bœufs d'Europe centrale suivi des villageois et précédé d'agriculteurs israéliens.

Les Juifs d'Europe qui n'étaient pas des agriculteurs, ont construit des villages communautaires, des kibboutz et après 60 ans, ces lieux sont des exemples de réussite. Ils furent aussi parmi les fondateurs de villes comme Ramlé, Lod, Jaffa, Akko (St Jean d'Acre), Askelon, Béersheva. Dans l'armée, ils étaient jeunes et passionnés, ils s'intègrent aux groupes militaires: la Hagana, le Palmah, Etzel et le Lehi. En 1948, ils forment une partie de Tsahal et pendant la guerre de l'Indépendance, environ la moitié des combattants était des survivants, un tiers d'entre eux tombera. Prendre part à la construction et à la renaissance de la nation était leur vraie revanche.

Dans la salle, sur les échafaudages en métal, des étagères en bois couvertes de livres: témoignages des luttes pour survivre en Europe pendant la Shoa, de la vie en Europe avant la Shoa, d'études religieuses, livres d'art, livres d'enfants, tous bien sûr écrits en hébreu par ces Juifs d'Europe.

Alona Frankel, (Cracovie 1937), enfermée au ghetto de Lodz en 1939 puis cachée chez une amie chrétienne de sa mère, monte en Israël en 1949 avec ses parents. A l'école, la maîtresse lui parle polonais et après deux jours d'apprentissage de l'hébreu, elle appelle la mère d'Alona et lui dit: « Votre fille n'arrivera jamais à parler l'hébreu et encore moins à l'écrire ». Elle composera 30 livres d'enfant en hébreu!

Les livres sont silencieux ... mais on entend des voix, des gens qui parlent d'un peu tous les coins de la salle, ce sont des films qui passent sur petit écran, des survivants parlent.

Une danseuse et chorégraphe, Judith Arnon de Cracovie (1929). Internée avec sa mère à Auschwitz, elle demande au Dr Mendele de rester avec sa mère malade, il refuse: « Tu peux travailler» lui dit-il. Cela la sauvera mais elle comprend que c'est le verdict de mort pour sa mère. Pour Noël, à Birkenau, on lui demande de danser devant des gardiennes allemandes, elle refuse. « On pouvait me tuer, je n'avais plus rien à perdre ». Elle ne sera pas fusillée mais elle devra rester dehors dans la neige. « J'ai préféré cela à la danse ». Elle fera la marche de la mort et survivra. En 1948, elle immigre en Israël depuis l 'Italie. Installée au kibboutz Gaaton, elle fondera un groupe de danse au kibboutz, elle a 20 ans. En 1962, ce groupe deviendra professionnel. Sa contribution à la danse est énorme tant en Israël que dans le monde entier, en Allemagne en particulier, où elle ira plusieurs fois. En 1998, elle recevra le prix d'Israël. Elle refuse de vivre dans le passé. La danse pour elle, c'est la vie, le mouvement. Dans son école de danse, elle enseigne des milliers d'enfants et de jeunes non professionnels.

Une autre voix, David Bergmann, acteur de théâtre et sculpteur. Enfant en France, il vit sa mère arrêtée par les Allemands (elle fut déportée et ne revint pas), il n'a pas pleuré. Il a souri et a continué à sourire « comme un idiot» dit-il. « C'est adulte que j'ai pu pleurer. En voyant ma femme, je voyais ma mère et je pleurais ». Il a fait du théâtre à Varsovie puis en Israël au théâtre Khan. « Le théâtre m'a évité l 'hôpital psychiatrique. Mais j'ai voulu abandonner l'apparence, le «paraître» sur les planches pour me lancer dans la vie. Ne pas cacher le fait que j'étais rescapé non, mais aller de l'avant, il m'a fallu des années pour m'en sortir. Qui suis-je? Je n'avais rien à prouver ni à moi ni aux autres. J'ai fait de la sculpture ». Devant la tombe de sa femme à Jérusalem, il conclut « J'ai vraiment mes racines ici à Jérusalem ».

Un autre survivant André Aïdou, musicien compositeur (Budapest, Hongrie 1932), fut caché avec sa mère dans une des maisons de Raoul Wallenberg, puis au ghetto de Budapest. Il restera en Hongrie jusqu'en 1956 où il est déjà connu, et ira, sans l'avoir choisi, en France qui accueillait les réfugiés hongrois. Pendant ces 8 années en France et 2 à Tunis, il n'a pas écrit beaucoup. Pour qui? Pour quoi? Monté en Israël en 1966, le compositeur renaît. C'est un pays jeune qui a besoin de lui et qui lui donne suffisamment, une musique non conventionnelle, juive hassidique, avec des accents polonais, hongrois ... « Il faut récupérer les étincelles de tous les peuples ».

Dans l'exposition, 6 mannequins en robe du soir magnifique dominent la salle. On reconnaît des broderies bédouines bien du pays ! Des pierres incrustées, comme sur le pectoral du Grand Prêtre. Sur le petit écran on peut entendre la grande couturière Léa Gottlieb et voir ses collections de mode « Gottex ». Née en Hongrie en 1918, pendant l'occupation allemande, elle se cache, elle et sa famille, mari et enfants. Elle se rappelle qu'un jour, pour passer un barrage et ne pas être reconnue comme juive, elle s'est cachée le visage avec des fleurs. Elle et son mari avaient une fabrique de manteaux de pluie pour enfants en Hongrie. En 1949, ils montent en Israël, s'installent à Tel Aviv et de nouveau confectionnent des imperméables. Mais au bout de quelques mois, ils se rendent compte qu'il n'y a pas de pluie, mais la mer et le soleil. Ils décident alors de confectionner des maillots de bain. Les 2 ou 3 premières années furent très dures. Dans le petit atelier près de la rue King Georges on ne comptait pas les heures de travail et le samedi soir, dès la fin du shabbat, on reprenait le travail. Cette petite entreprise familiale a donné naissance à la grande collection « Gottex » qui exporte dans 80 pays ses maillots de bain, ses tuniques.

Le film montre l'évolution de la mode des années 50-60 à aujourd'hui. Des mannequins en pudique une pièce de couleurs foncées, avec une toque de fourrure claire sur la tête, style Europe centrale, jusqu'aux mannequins en deux pièces très sexy aux couleurs vives, sous un palmier, à côté d'un chameau, décor moyen-oriental. Des tissus créés par Léa Gottlieb aux couleurs chatoyantes, claires, beaucoup d'impression de fleurs en souvenir de celles qui lui ont sauvé la vie. Madame Léa Gottlieb à 90 ans est toujours élégante et tous, top-modèles, hommes d'affaires, s'accordent pour dire combien c'est agréable de travailler avec elle.

Rina Birenhak (1927, Pologne). Isaac Birenhak (1917, Pologne).

Rina a 12 ans lorsqu'elle est envoyée au camp de Plaszow pour travailler dans l'usine d'un civil autrichien où l'on confectionne des habits pour l'armée allemande. Rina s'enthousiasme pour un jeune homme de 10 ans son aîné, Isaac Birenhak. La famille de Rina est sur la liste de Schindler, et elle réussira à faire inscrire sur cette liste Isaac et sa famille, tous seront sauvés. Rina et Isaac se marient et montent au pays avec une machine à faire des gaufrettes; cette vieille machine est exposée. Ils créeront un atelier à Haïfa qui deviendra l'usine de gaufrettes « Manamim », Le vrai nom était « Manaïm » : comme c'est bon! Mais un journaliste ne possédant pas encore l'hébreu a écrit « Manamim ». En 1966, cette usine sera transférée dans la baie de Haïfa et cette marque de gaufrettes est encore sur le marché.

Tsvi Topaz, (1926-1995).

En 1942, il doit travailler dans une usine d'armements pour les Allemands. En février 1946, il monte au pays.

En 1948, il fera partie de ceux qui ont percé « la route de Birmanie» pour atteindre Jérusalem. En 1950 à Haïfa, il fabrique dans son atelier des talons en fer, puis des volets en fer, enfin il monte une usine pour fabriquer des bouchons de bonbonnes de gaz. « J'ai gagné ma vie petitement, puis j'ai réussi ». Tellement bien réussi qu'actuellement l'usine « Ham Let» transférée dans la baie de Haïfa, fait travailler 1 000 ouvriers. Cette usine fabrique 12000 sortes d'appareils microélectroniques, biotechnologiques, etc.

Dan Reisinger, (1934, Yougoslavie).

Pendant la guerre il est caché dans une famille de Serbie. En 1949 il monte en Israël. Après avoir étudié à Jérusalem, puis vécu en Belgique et à Londres, il reviendra en Israël pour révolutionner le graphisme israélien. A cette exposition, on peut admirer toute une série de ses logos qui sont incrustés dans la conscience israélienne comme celui de El-Al. « Je voulais apporter quelque chose de frais, quelque chose de nouveau, quelque chose de gai, pour compenser les années noires que j'ai traversées» dit-il. Il a aussi dessiné les blasons de l'armée israélienne et un calendrier perpétuel au musée d'Art Moderne à New York. Il partage sa vie en trois couleurs: « le jaune c'est l'étoile de David que j'ai dû porter quand j'étais enfant à l'époque de la Shoa; le rouge, c'est la couleur de l'armée soviétique qui nous a libérés; le bleu, c'est la couleur du ciel d'Israël ».

A 73 ans Dan Reisinger avoue: « J'aurais préféré être honoré pour une autre raison, mais le fait de survivre est une chose que l'on peut apprécier chaque jour. » Cette pensée fait écho à une citation de Ruth Bondi: « Je ne me suis pas sentie culpabilisée d'être restée en vie. C'est un émerveillement, une joie pour chaque jour. J'ai plutôt le désir de ne pas gaspiller le temps présent. Il y a une souffrance pour la perte de tous les miens. J'ai une dette envers ceux qui ne sont pas arrivés là, mais non une culpabilité. »

A côté des logos de Dan Reisinger un petit écran passe des séquences de dessins animés très amusants et éducatifs. Ce sont les dessins de Joseph Bau (Pologne 1920 - Israël 2002). Il étudia le dessin à Cracovie. Au ghetto, il doit dessiner pour l'administration allemande. En 1942, il est interné au camp de Plaszok et sera sur la liste de Schindler. En 1950, il monte en Israël. Il créa le dessin animé israélien.

La rencontre entre les nouveaux venus de « là-bas» et les sabras « d'ici» n'a pas toujours été facile. Dans le yishouv on dédaignait tout ce qui était du Juif de la diaspora « et la mémoire des survivants en premier» dit A vner Shalev directeur du Yad Vashem.

Cette tension entre nouveaux venus d'Europe et Sabras sionistes du yishouv était très bien exprimée dans le théâtre et le cinéma de l'époque.

Un grand spectacle en yiddish fut reçu avec euphorie: « Ils ne comprennent pas le yiddish mais ils remplissent la salle» disent les organisateurs. « Le yiddish d'après les partisans de cette langue fera le lien entre l'Europe de l'Est et le Moyen-Orient ». « Le yiddish meurt dans le monde mais vit au théâtre! » La pièce de théâtre « Topal » fera le tour du monde. Malgré ses succès à l'étranger, le théâtre yiddish, langue du Juif de la diaspora, sera remplacé par le théâtre en hébreu. Le duo Shimon Dzigan, (Pologne, 1905 - Israël 1980) et Schnemader, (Pologne 1905 - Israël 1961), finira sa carrière d'acteurs yiddish en Israël. Le théâtre est une bonne catharsis. On rit de son drame, de son désarroi. Un Juif religieux d'Europe, en Israël, accroché à un tronc d'arbre et tournant autour pour se cacher ou se trouver, s'interpelle lui-même « Qui suis-je? Suis-je là? Ne suis-je pas ? ».

Au cinéma, Ephraïm Kishon, (Hongrie 1924 - Suisse 2005), humoriste et satiriste, met en scène avec beaucoup d'humour ce choc du Juif d'Europe et de ceux nés ici dans un film à grand succès « Salah Shabati ».

Nathan Gross (Pologne 1919 - Israël 2005) monte en Israël en 1950. En 1964 son film « La cave» recevra le prix de Berlin. En 1991, il recevra le prix du film israélien. Il fera beaucoup de documentaires sur Israël, sur les villes de développement en particulier.

Le grand caricaturiste « Zeev », Jacob Kaubrens (Hongrie 1923 - Israël 2000), bien connu pour ses caricatures dans les journaux Maariv, Haaretz, New York Times et Le Monde, est aussi présent dans cette exposition avec des caricatures des grands de ce monde.

Enfin Samuel Popol (Pologne 1924 - Israël 1993) fut placé dans l'orphelinat de Janusz Korczak. Pour un anniversaire, il reçoit un harmonica. En 1941. il est déporté à Auschwitz, il jouera dans l'orchestre. Il s'était promis que, s'il survivait, il enseignerait l'harmonica aux enfants. C'est ce qu'il a fait en Israël. En 1963, il fonde à Ramat Gan une troupe d'enfants jouant de l'harmonica. Cette année pour commémorer le jour de la Shoa à Yad Vashem, cette troupe d'enfants de 6 à 12 ans de Ramat Gan, s'est produite.

Difficile de tout décrire, de nommer tous les noms. Se promener dans cette exposition, c'est aussi voir des affiches des années 48-50 faisant de la réclame pour du tourisme à dos de chameau, des vols par El-Al et les agrumes de Jaffa.

C'est aussi voir d'anciennes photos des premiers arrivants s'installant dans des lieux déserts, quelques baraques, quelques maisons en dur: les femmes font la lessive dans des baquets par terre, des hommes construisent, cultivent. On a peine à imaginer ces débuts des kibboutz, tellement fleuris et florissants une dizaine d'années après.

Enfin, avant de quitter cet Israël d'il y a 60 ans, on peut admirer des photos actuelles des survivants rayonnants, entourés de leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Ils ont fondé une famille de Sabras. Et l'on rejoint Kariel Gardosh (Hongrie 1921 - Israël 2000), qui a exposé les caricatures signées Dosh, pour Maariv pendant 50 ans et celle de Srulik en particulier. Srulik, le petit bonhomme en short et chemise bleus, le bob bleu sur la tête, bien planté sur ses jambes, les mains dans les poches, symbole du Sabra plein de culot et d'astuce, sans ces complexes traînés d'Europe. Ce Srulik a été choisi par Yad Vashem pour l'affiche de cette exposition.

Suzanne Millet

Rencontre avec Jacques Fontaine, l'initiateur de la Bible sur le terrain (BST)

Chaque semaine, j'ai la chance de lire avec une ou deux autres personnes la Bible en hébreu avec le père Jacques Fontaine, dominicain. J'ai appris incidemment que ce J 8 juillet 2008, le père Jacques Fontaine fêtera ses 60 ans d'ordination sacerdotale.

Né à Roubaix il y a 86 ans, c'est une figure bien connue à Jérusalem. Il a plusieurs cordes à son arc.

«J'ai rejoint les 4 premiers à Jaffa» me dit-il «c'était Yohanan Elihay, Jean Roger (mort en 1979), Joseph Stiassny (mort en 2007) et Bruno Hussar (mort en 1996). Nous sommes montés ensemble à Jérusalem. Nous nous sommes installés chez les Lazaristes, rue Agron. »C'était en 1960.

Ainsi, il a participé à la fondation de la maison St Isaïe et fut le premier compagnon du père Bruno Hussar qui fonda par la suite Nevé Shalom. Deux ans plus tard, le père Marcel Dubois les rejoignit; c'est lui qui aida le père Jacques, qui avait été très malade en France, à trouver sa place. Le trio souhaitait assurer une présence chrétienne dans le milieu israélien, aider les catholiques de langue hébraïque et commencer des études juives.

Le père Jacques étudia l'hébreu à l'oulpan, fréquenta l'université hébraïque. Après la guerre des six jours, il fit l'École des guides, puis commença à explorer le pays, la Bible en main. Par la suite, son emploi du temps se sépara en deux temps: l'été il était sur la route, d'abord avec une jeep à huit places, puis deux et trois jeeps, et avec l'évolution du pays, de la demande ... ce sera en bus. Ce sera l'initiative de «la Bible sur le terrain» qui prendra naissance. L'hiver, avec un petit groupe qui pouvait monter (compter) jusqu'à 10 personnes, c'était la lecture de la Bible en hébreu, 5 heures par jour, avec une liturgie associée. «A force de répétition dit-il régulièrement, le vocabulaire entre et on se met à penser comme la Bible », Le sigle BST résumait les deux: « Bible sur le terrain» en été et « Bible sous terre» en hiver. Il fit avec Abouna Schmueloff, né à Méa Shéarim et devenu curé melkite de Jish (Gush Halav), un enregistrement de toute la Bible en hébreu, ce qui permet aux gens de l'entendre(l'écouter) et de se la mettre dans l'oreille. Ces cassettes ont fait le tour du monde!

*Père Jacques, quelle a été votre intuition pour fonder la Bible sur le terrain?

« Je n'étais pas capable comme Marcel de faire de la philosophie, alors je me suis lancé dans la Bible. Marcel est parti enseigner la philosophie à l'université, Bruno a fondé Neve Shalom et moi j'ai fait l'école des guides. J'ai même reçu le 1er prix de Teddy Kollek à l'école des guides! Assez rapidement j'en ai eu marre des programmes des agences. Avec la maison St Isaïe, nous avions une certaine autonomie. »

*« La terre sainte est plus intéressante que les lieux saints », c'est un peu votre adage?

« Oui, dans les lieux saints, les gens qui arrivent pour la première fois sont un peu paralysés par d'autres choses que l'essentiel : les vêtements (couleurs, formes des chapeaux), les bougies, les heures où certains hurlent pour faire connaître qu'ils sont bien là. Alors j'ai repris l'idée des pères de l'Eglise: revenir à la Bible. C'est la Terre Sainte qui est intéressante. »

*Comment avez-vous pensé à la Bible sur le terrain?

« C'est un parcours qui s'est fait à force de répétition. Après la guerre des Six jours, nous étions comme dans l'euphorie. Avec la jeep nous pouvions circuler depuis Sharm el Cheikh jusqu'à l'Hermon en passant par la Judée-Samarie par des pistes non macadamisées. J'ai commencé avec Jacques Bernard, un bon mécanicien, dans la jeep, et nous lisions les textes proposés par les lieux. Petit à petit s'est mise en place une visite de la Terre sainte qui retrace la pédagogie divine. Dieu prend les hommes où ils en sont et les fait cheminer jusqu'à la plénitude des temps. On se joint au cortège que nous raconte l'épître aux Hébreux. C'est la procession des croyants depuis Abraham ... qui se mettent en route par la foi vers la cité dont Dieu est l'architecte et le fondateur.

Au début, je faisais 4 circuits par an, en jeep d'abord. Puis les frontières se rétrécissant, les circuits ont été conçus avec de plus en plus de marche. Je voulais aussi que ceux qui n'avaient pas beaucoup d'argent puissent aussi y participer, nous logions à la belle étoile, entre Pâques et Soukkot la pluie est inexistante ici. »

*Comment avez-vous trouvé votre pédagogie?

« Pour moi, il y avait une triple progression.

La première était la découverte du pays, de la géographie. C'est un si petit pays avec tellement de contraste. Si vous allez de 1 'Hermon où en mai, juin vous pouvez encore trouver de la neige, à la Méditerranée, en passant par la mer Morte, le lieu le plus bas du monde, en traversant le désert puis la Galilée, que de diversité!

La seconde progression est l'histoire sainte expérimentée. Mon but était de faire expérimenter aux gens que l'histoire sainte (ce qu'on appelle l'Economie du salut) est notre propre histoire. Au nom du Père était dans le désert, au nom du Fils en Galilée et au nom du Saint Esprit à Jérusalem. Tout se concentre à Jérusalem pour rejaillir sur l'universel.

La troisième progression est celle d'un groupe qui se laisse recréer par la Parole de Dieu. Au cours des jours qui passent, les partages devenaient de plus en plus riches, chacun étant appelé à s'exprimer. Bien souvent, même après, les groupes continuaient de cheminer ensemble, de vivre leur expérience au rythme de la liturgie. »

*Qu'est ce qui était essentiel pour vous?

« La découverte du pays nous amenait de la mer Rouge au mont Hermon dans la Bible. Deux montagnes où se passe une théophanie, sont essentielles: la théophanie au Sinaï, et celle de la Transfiguration. Sur ces deux montagnes, la Parole retentit et ça rebondit à Jérusalem, lieu que Dieu a choisi pour faire habiter son Nom.

On lisait l'histoire sainte dans son ensemble. Grâce au père Congar qui m'a fait connaître le théologien O.Cullman, j'ai découvert une chose qui me parait essentielle. L'histoire sainte est comparable au cœur humain qui fonctionne par systole et diastole. Toute 1 'humanité se désagrège et après cela se contracte. Je vous explique: au retour de Babylone, ça se rétrécit, on ne parle plus que de la tribu de Juda, et cela se concentre à Jérusalem. Deux titres prophétiques vont apparaître, le serviteur d'Isaïe en particulier le serviteur souffrant d'Is 52.13-53.12 et le Fils de l'homme dans Dn 6-7. On ne sait pas trop si c'est une collectivité ou une personnalité. Jésus s'est approprié ces deux noms. Tout se contracte en la personne de Jésus qui concentre en sa personne la nature divine et la nature humaine. A partir de Jésus se déclenche la diastole, c'est très important pour notre foi chrétienne, le voile se déchire quand le Christ meurt sur la croix. L'épître aux Hébreux s'étend là-dessus. Jésus obtient le pardon des péchés, non comme le Grand Prêtre qui devait revenir chaque année, mais une fois pour toute. Jésus est le point de départ d'une nouvelle création. Cela se déclenche à la Pentecôte: tout est à vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu. C'est l'étape de la diastole: le monde se récapitule, tout se récapitule dans le Christ qui accomplit les Ecritures au centre de 1 'histoire. Se déclenche alors la prédication des Ecritures: celui que vous avez transpercé, Dieu l'a ressuscité, nous en sommes témoins. Ceux qui croient sont incorporés au Christ par le baptême dans le corps mystique du Christ qui s'étend jusqu'à la plénitude des temps ».

*C'est presque un cours de théologie que vous nous faites?

« En fait, le pèlerinage progressait dans la prise de conscience de cela. En 15 jours, la proximité avec la Parole, l'histoire sainte, et notre appartenance à cette histoire, recentraient la vie de chacun. Chaque jour se construit sur le précédent et prépare le suivant jusqu'à ce qu'on arrive à ce gros point d'interrogation, c'est-à-dire à la cuvette de Jérusalem où des montagnes l'entourent. Là on attend quelque chose qui ne peut que descendre du ciel. On se réunit alors dans la contemplation d'un mystère et d'une attente. Tout cela est inscrit dans le paysage. On s'intéresse au mystère de Jérusalem, on communie dans ce mystère de l'attente. La Promenade (Hass Sherover), d'où l'on a une vue panoramique de la ville de David, du Temple et du Mont des Oliviers, mériterait de devenir un lieu saint pour tout le monde.

C'est ainsi que l'on découvre le dessein de Dieu qui est notre histoire, notre histoire personnelle et l'histoire de l'Eglise.

Après cela, on partait de Jérusalem sans jamais la quitter. Les gens avaient découvert que cette histoire était la leur, ils avaient trouvé des compagnons de route, David, Jérémie, Zacharie ... et avec eux ils s'acheminaient vers la cité dont Dieu est le fondateur et l'architecte. »

Cette expérience de la Bible sur le terrain continue encore aujourd'hui après plus de 40 ans avec le Père Jacques Fontaine. Elle a été reprise par le diocèse de Paris.

Agnès Staes

Flashes d'espoir : Les rabbins pour les droits de l'homme

Heureux ceux qui observent le droit, qui pratiquent la justice en tous temps. (Ps.l 06. 3)

L'association des rabbins pour les droits de l'homme, (Rabbis for Human Rights, R.H.R), se veut être la voix rabbinique de la conscience en Israël. Une voix qui fait entendre aussi bien l'idéal sioniste que la tradition religieuse juive basée sur la Tora. RHR n'appartient à aucun parti politique.

Fondée en 1988, elle comprend actuellement une centaine de rabbins et d'étudiants des écoles rabbiniques.

Tous sont citoyens israéliens et appartiennent aux divers courants religieux, réformés, orthodoxes, conservateurs. Certains d'entre eux ont des responsabilités nationales, d'autres sont responsables de communautés locales, d'autres sont enseignants. RHR collabore avec les nombreuses associations israéliennes œuvrant pour la justice et pour la paix.

Son but est clair, son programme vaste et précis: être défenseur des pauvres, soutenir les droits des minorités, des laissés pour compte, en particulier dans la société palestinienne, s'insurger contre les mauvais traitements subis par les ouvriers étrangers, veiller à ce que tout malade puisse se procurer les médicaments nécessaires et être soigné décemment, aider les Juifs éthiopiens, combattre le trafic des femmes, etc. Des milliers de volontaires sont mobilisés pour mettre la main à la pâte et améliorer les conditions de vie dans ces divers secteurs.

RHR se réfère à la déclaration d'Indépendance de l'Etat d'Israël affirmant: « L'Etat d'Israël sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d'Israël. Il assurera une complète égalité des droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d'éducation et de culture. »

Elle estime que l'engagement sioniste du retour au pays est basé sur la notion de justice et d'égalité affirmée dans la Bible et la tradition juive. Etre juif, pour ces rabbins, c'est prendre la responsabilité de mettre en lumière les injustices de tous genres et de faire pression sur les autorités compétentes pour que cela change.

RHR base tout son combat humaniste sur les valeurs de la tradition juive et parle au nom des « sages» de la Tora, du Talmud et autres écrits. Il est important de former la société israélienne pour qu'elle connaisse ses sources. Comme le disait le rabbin Abraham Yoshoua Heschel : «Dans une société libre, peu sont coupables, mais tous sont responsables. »

Principes de foi Justice

« La justice, la justice, tu la poursuivras afin que tu vives» (Dt 16.20). Comme rabbins, nous nous engageons à lutter pour la justice entre toutes les créatures de Dieu.

Dieu et 1 'humanité

Nous affirmons dans nos prières que Dieu est maître de tout l'univers et que toute l’humanité a été créée à Son image (Gn.1.22) et est appelée à participer au perfectionnement du monde. (Shabbat 1 Oa.119b)

Abraham, source de bénédiction pour tous les peuples.

«Toutes les familles de la terre seront bénies à travers toi» (Gn12.2). «Je l'ai choisi afin qu'il ordonne à ses fils et à ses filles après lui de garder la voie de l'Eternel en pratiquant la justice et le droit» (Gn 18.19). Etant descendants d'Abraham, nous avons à suivre son exemple: «compassion, générosité et sensibilité» (Yebamot 79b)

La sainteté de toute vie humaine

La Michna enseigne: «Adam a été créé seul pour vous enseigner que la destruction d'une seule personne est équivalente à la destruction du monde entier et que le maintien d'une seule vie est équivalent au maintien du monde entier» (Sanhédrin 4,5). Comme de dit Rabbi Akiva : «Bien aimés sont les êtres humains, car ils ont été créés à l'image de Dieu» (Pirké Avot 3,8). Nous attachons une grande importance à la dignité de l'homme et au devoir de protéger la vie des Juifs comme celle des non juifs.

Kiddoush HaShem : La sanctification du Nom de Dieu

La conduite exemplaire d'Israël sanctifie le nom de Dieu alors qu'une conduite honteuse profane son nom. «Hiloul HaShem» la profanation du Nom de Dieu, est un terme employé spécialement dans le cas où l'on vole un non juif.

La Tora

C'est à Hillel que nous devons ce raccourci de la Tora: « Ce qui est haïssable pour vous, ne le faites pas à votre semblable» (Shabbat 31 a ). qui résume la conscience éthique juive. La Tora est précise à ce sujet: « Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'exploiterez pas. Vous traiterez l'étranger résident parmi vous comme un autochtone du milieu de vous. Tu l'aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte. Je suis l'Eternel votre Dieu» (Lv 19.33-34). Notre expérience historique de l'exil et de la délivrance doit nous sensibiliser aux souffrances des autres, de ceux qui vivent au milieu de nous.

Sainteté et éthique

Là encore la Tora nous donne une éthique des relations humaines: « Vous serez saints, car je suis saint, moi l'Eternel votre Dieu ... Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en sont tombés. Tu abandonneras cela aux malheureux et à l'étranger. .. Vous ne commettrez pas de vol et vous n'userez ni tromperies ni faussetés chacun envers son compatriote ... Tu n'opprimeras pas ton prochain et tu ne déroberas pas. Tu ne retiendras pas chez toi la paye d'un salarié jusqu'au lendemain ... Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas rancune envers le fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi -même. Je suis l'Eternel» (Lv 19. 2,10,11,13,18).

La paix

La déclaration de l'Indépendance se termine par un appel au bon voisinage: «Aux prises avec une brutale agression, nous invitons cependant les habitants arabes du pays à préserver les voies de la paix et à jouer leur rôle dans le développement de l'Etat sur la base d'une citoyenneté égale et complète ... Nous tendons la main de l'amitié, de la paix et du bon voisinage à tous les Etats qui nous entourent et à leurs peuples ... L'Etat d'Israël est prêt à contribuer au progrès de l'ensemble du Moyen Orient ».

«Qui est le plus grand héros? Celui qui, de ses ennemis, fait des amis» (Avot de Rabbi Natan 23,1).

Soutenus par notre foi, nous prions et oeuvrons pour la paix, celle annoncée par les prophètes d'Israël quand: «Une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre, et l'on n'apprendra plus la guerre» (ls 2.4), et quand «Le droit coulera comme de l'eau et la justice comme un torrent intarissable» (Am 5 .24).

Sur le terrain

1. Problèmes économiques

Amos et tant d'autres prophètes se sont élevés contre les injustices sociales, le tort fait aux pauvres et aux « sans voix ». La tradition juive, héritière de ce message, pratique la « tsedaka » pour lutter contre la faim, la pauvreté, l'injustice, le chômage. RHR agit également auprès des hautes instances de l'Etat pour améliorer la situation et protéger les droits des chômeurs, droits qui ont été contestés en 2002 par le plan Wisconsin réduisant les allocations pour encourager les sans travail à travailler! RHR a créé un centre d'information pour la réinsertion dans le monde du travail et pour défendre les droits des exploités, des familles monoparentales, des personnes âgées et des handicapés dont l'allocation venait d'être réduite.

Arabes israéliens et Bédouins du Néguev

Veiller à ce que tous les citoyens israéliens aient les mêmes droits et avantages sociaux, qu'ils soient juifs ou arabes. Avec d'autres organisations, RHR œuvre à tous les niveaux pour que les Bédouins puissent continuer à habiter sur la terre de leurs ancêtres, qu'ils puissent donner à leurs enfants la même éducation et bénéficier des mêmes services de santé et d'infrastructure, eau et électricité, que les autres citoyens. Exemple: Empêcher l'expulsion des Bédouins de Jahalin obligés de déménager au sommet d'une colline nue.

Ouvriers étrangers

Garantir la santé et l'éducation dans les familles d'ouvriers étrangers et veiller à limiter les abus des employeurs ou des sociétés intérimaires les exploitant parfois ou les engageant sans les déclarer.

Les droits des femmes

Améliorer la condition de travail des femmes dont le salaire est souvent plus bas que celui des hommes. Lutter contre la croissance du trafic de femmes venues clandestinement de l'étranger et exploitées comme prostituées. Trouver une solution pour le problème des « agounot », femmes à qui le mari refuse l'acte de divorce.

2. Défense des droits des Palestiniens

« La bienveillance et la vérité se rencontrent et la justice se penche du haut des cieux» (Ps. 85.11,12 ).

Il est clair qu'Israël a le droit et l'obligation de lutter pour la protection et la sécurité de ses habitants. Et, d'autres parts, les Palestiniens ont aussi le droit d'être protégés.

Démolition des maisons.

Comme nous l'avons vu, la tradition juive enseigne qu'il faut accorder à l'étranger vivant avec la communauté juive la même législation et le droit d'avoir une maison et un moyen de vivre. Nous oeuvrons pour que les Palestiniens puissent plus facilement bénéficier du permis de construire si souvent refusé par l'administration, et pour que les maisons construites sans ce permis ne soient pas systématiquement démolies. Dans ces cas là, RHR aide souvent les propriétaires à reconstruire leur maison détruite.

Les oliviers

L'olivier, dont la branche est traditionnellement un symbole de paix, est devenu en Terre Sainte une source de conflit. RHR replante des oliviers là où ils ont été arrachés et dans les zones qui risquent d'être expropriées. En coordination avec la Sécurité israélienne et la population palestinienne locale, elle permet que les récoltes se fassent sans conflits, grâce à la présence sur place de ses volontaires. Une pétition, déposée à la Haute Cour de Justice pour qu'Israël garantisse aux Palestiniens l'accès à leurs terres, fut acceptée en juin 2006. RHR aide également à commercialiser l'huile d'olive provenant des territoires.

La barrière de séparation

Israël est responsable de la sécurité de ses citoyens. C'est le but de cette barrière, de ce mur. Pourtant s'opposer à la construction d'une telle barrière lorsque son tracé exproprie inutilement des terrains, coupe la population de ses champs, divise les villages et complique la vie quotidienne, est pour RHR œuvrer pour la sécurité d'Israël. En effet, diminuer les sujets de conflits entre le droit d'Israël à se défendre et le droit des Palestiniens à vivre dignement sur leur terre, c'est travailler à la sécurité.

3. Education

Chaque rabbin est habité par le désir de transmettre. Enseigner, éduquer, c'est travailler pour construire un monde meilleur. RHR a donc tout un programme éducatif pour enfants et adultes, soutenu par le ministère de l'Education. Former les Israéliens de tout âge au respect des Droits de l'homme.

Dans les écoles

RHR organise des séminaires pour les enseignants, les élèves, les parents d'élèves, dans les écoles laïques et religieuses juives et dans les écoles arabes. Des forums sont également prévus pour les soldats, les étudiants et un public aussi vaste que possible, laïque et religieux.

La déclaration d'Indépendance

Un programme spécial sur le commentaire talmudique de la Déclaration de l'Indépendance est également proposé. Qu'est-ce qu'un Etat juif indépendant sinon un Etat qui doit se caractériser par des valeurs telles que: l'égalité, la démocratie, l'écologie, les relations religion-Etat, le comportement vis-à-vis des minorités etc.

La yeshiva des Droits de l'homme

Une maison d'étude pour permettre à des étudiants d'université d'étudier les Droits de l'homme à la lumière de textes traditionnels et modernes. En plus des heures d'étude, chaque étudiant doit consacrer trois heures par semaine à une opération sur le terrain, pour mettre en pratique l'acquis. Ces étudiants viennent de tout le pays, de toutes les classes sociales et partis politiques. Certains sont des nouveaux immigrants, d'autres sont né ici. Toutes les facultés universitaires y sont représentées.

4. Projet interreligieux

« Ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples» (Is.56.7).

RHR veut également favoriser le dialogue interreligieux et organise des rencontres entre les leaders juifs, chrétiens, musulmans et druzes. Comment promulguer tous ensemble les Droits de l'homme dans ce pays? Ils ont mis au point une déclaration commune dans laquelle on peut lire: « La souffrance des Israéliens et des Palestiniens doit s'arrêter. Attaquer un être humain, c'est attaquer Dieu lui-même. »

Antoinette Brémond

Source: Une brochure de présentation de RHR Consulter: Website: www.rhr.israel.net

Face au lieu

Dans son dernier roman: Lifné hamaqom [Face au lieu], Haïm Be'er, né à Jérusalem en 1945, évoque les fantômes qui hantent les rives du lac Wansee où l'on peut encore visiter la villa de la triste Conférence du 20 janvier 1942. Des cadres supérieurs de l'administration allemande avaient en effet choisi cet endroit idyllique pour planifier la Solution Finale, bien conscients qu'après la résistance de Moscou en décembre 1941, la victoire avait déjà changé de camp.

Dans une rétrospective saisissante, l'auteur s'étend longuement sur la mort du livre symbolisée par le feu qui, le 10 mars 1933, consuma sur la place de l'Opéra à Berlin quantité d'ouvrages que leur niveau culturel désignait d'emblée à la vindicte nazie. Cet acte de vandalisme était le signe avant-coureur du programme d'extermination qui, le moment venu, serait mis en exécution.

La couverture du livre présente La Bibliothèque, le mémorial qui perpétue le souvenir de ce ravage dans la capitale allemande. Impressionné par cette œuvre d'art, l'auteur fait part de ses impressions: « Sous le niveau de la place se trouve un espace blanc faisant penser à un bocal vide, dénudé comme une chambre à gaz. Des rayons de bibliothèque sont accrochés aux murs mais ces étagères restent mystérieusement vides. »

L'un des personnages du roman évoque avec effroi le moment de cette profanation. «Au cours de cette nuit là, la terre ne s'est pas tue car elle s'est entrouverte. Les ouvrages ont pu être brûlés et les bibliothèques englouties sous terre mais chacune des lettres de ces textes s'est envolée lentement dans le ciel. » Méditant sur la pérennité de l'écriture, Haïm Be 'er évoque aujourd'hui « la permanence du livre» qui demeure malgré sa destruction en la comparant à « la survivance de l'âme» après la mort de l'être humain.

Passant à une époque plus récente, l'auteur évoque le vernissage qui eut lieu à Lübeck, le 10 mai 1973 au Kolophon, un musée consacrée à l'histoire du livre et de l'imprimerie. Le catalogue de cette exposition intitulée:

Comme des oiseaux de feu, signalait qu'elle devait son nom à l'une des toutes dernières œuvres de Haïm Nahman Bialik: Comment pourrait-on craindre le feu? Celui qui faisait figure de 'poète national' l'avait composé à l'occasion de l'Adloyada, la parade du carnaval qui se déroula durant la fête de Pourim à Tel-Aviv en 1934. A cette occasion, on brûla en effet l'image d'un dragon symbolisant le nazisme, en guise de réponse au brasier de livres allumés quelques mois auparavant sur la place de l'Opéra à Berlin.

En mentionnant cette scène, la catalogue de l'exposition rappelait au visiteur: «Dans un style de prose poétique, le poète hébreu comparait les lettres qui s'élevaient des pages brûlés à des oiseaux de feu qui survolaient les frontières des pays pour apporter aux autres nations le feu sacré dont parlaient les ancêtres de son peuple. Ce feu qui était descendu sur Sodome et Gomorrhe, avant de consumer le voile du Temple profané par Titus, avait rejailli plus tard sous le ciel de Berlin quand vint à nouveau l 'heure des ténèbres. Il ranimait maintenant à Lübeck la flamme de la honte et du repentir. »

Be'er s'étend volontiers sur les raisons de son attachement aux livres. « Une bibliothèque» dit-il, «ressemble à un être humain. Elle jouit d'une sorte de vie selon son arrangement particulier tant que son propriétaire est vivant. Mais quand ce dernier vient à disparaître, elle est privée par le fait même de son principe d'unité. A ce moment là, chacune de ses composantes est dispersée aux quatre vents pour commencer éventuellement une existence nouvelle. »

L'intérêt que Haïm Be 'er porte au mot écrit est bien illustré dans l'une des pages de Face au lieu. Dans ce passage, l'auteur évoque la figure de Rappaport, un bibliophile qui se souvient de la disparition des livres de son père dans le brasier allumé par les nazis à Berlin en mars 1933.

« Comme cet ouvrage, tient à préciser Rappaport, avait été imprimé à Jérusalem au moment du siège de la ville en 1948 et, qui plus est, dans une édition limitée, il ne fut vendu qu'à la communauté des hassids du Rebbe. Comme il ne pouvait l'obtenir même dans les librairies spécialisées, il résolut finalement de s'adresser à un hassid de renom. Pensant que cet homme pourrait le tirer d'embarras, il se rendit au magasin géré par ce dernier près du quartier de son enfance à Jérusalem.

'Je cherche, lui dit-il, un endroit où trouver: Faits et gestes d'Aaron'. 'Chez moi l', répondit aussitôt le barbu à la lévite rayée, tout en retirant le livre en question d'un tiroir. 'Prends-le et tu le rendras, une fois ta lecture terminée !' 'Mais c'est un livre de valeur' répondit l'écrivain soucieux de ne pas abuser de la générosité du hassid. 'Je le sais fort bien et pourtant, je te le répète sans hésiter: 'Garde-le tout le temps que tu jugeras nécessaire!' 'Mais si le livre ne t'est pas rendu, que feras-tu ?' 'S'il ne me revient pas, je n'en aurai plus le désir'. Et devant l'étonnement du visiteur, le hassid se mit à lui tenir ces propos surprenants:

'Pourrais-tu me dire pourquoi, à ton avis, le rabbin Elia Hacohen Steinberg qui était familier de la maison de l' Admor" Aaron Ratta - que ses mérites nous protègent! - s'était évertué à mettre par écrit l 'histoire et la conduite de notre saint rabbin, sinon pour inspirer aux cœurs la crainte du ciel et l 'horreur du péché? Dans ces conditions, si mon livre n'est pas rendu après lecture, on pourra y voir la preuve qu'il n'aura pas rempli le rôle prévu par l'auteur - paix à son âme! - et si cela devait arriver, le pauvre homme que je suis n'y trouverait plus intérêt et ne n'y serait plus attaché. Autant le dire, dans ce cas, l'ouvrage pourrait rester à la disposition de celui qui l'a emprunté jusqu'à la venue du Sauveur attendu.' »

* Admor : Ce titre, attribué à des rabbins célèbres, est l'acronyme des mots hébreux: Adonénou, Morénou, Rabbénou =0 notre Seigneur, notre maître, notre Rabbin. (n.d.t.)

Haïm Be'er

Extrait de Lifné haMaqom [Face au lieu], Am Oved Pub. 2007

Le 20 mai. des exemplaires du Nouveau Testament qui avaient été distribués de façon inconsidérée à la population par des groupes de juifs messianiques. ont été brûlés publiquement en présence de groupes d'écoliers dans la ville d'Or Yehouda.

Surpris par cette récidive imprévue de l'histoire, Haïm Be 'er publia dès le lendemain dans le quotidien Maariv l'article reproduit ci-dessous.

La lumière d'Or Yehouda pour les nations

La mise au feu des évangiles organisée par un édile du lieu rappelle les autodafés de l'Inquisition et du 3éme Reich.

Chaque fois que nous voyons des piles de livres brûlés dans un lieu public, nous repensons à un événement fondateur du 3éme Reich qui s'est produit le 10 mai 1933. Le ministre de la propagande nazie, Joseph Goebbels organisa une alliance déshonorante de professeurs, de bouquinistes et d 'hommes de lettres avec des sections de Chemises brunes qui se chargèrent de collecter dans les librairies et les bibliothèques, des exemplaires d'une 'littérature proscrite' pour les jeter dans les brasiers allumés dans les villes universitaires de l'Allemagne.

Organisée à Berlin sur la place de l'Opéra, à la lumière des torches et au son des tambours, cette manifestation païenne eut pour décor les bâtiments qui symbolisent on ne peut mieux les réalisations de la culture allemande, à savoir, le complexe de l'Université, l'Opéra, l'Eglise imposante, la Banque nationale et même la grande Bibliothèque avec tout ce qu'elle pouvait évoquer de continuité historique. On jeta dans ce brasier les œuvres d'auteur et de penseurs juifs tels que Sigmund Freud, Albert Einstein, Franz Kafka, Stefan Zweig, ainsi que celles d'autres opposants au régime comme Thomas Mann.

En se faisant l'instigateur de cette célébration dont j'ai fait la description dans Face au lieu, Goebbels cherchait à mettre en œuvre un programme qui lui tenait particulièrement à cœur. Il voulait ni plus ni moins supprimer les témoignages séculaires d'une culture germanique authentique pour laisser le champ libre au mal, au racisme et au génocide. Ce jour-là, a-t-on pu dire, l'Allemagne franchit, sans espoir de retour, les limites d'une frontière interdite.

Bien plus tard, lorsque la nouvelle ville de Berlin voulut célébrer le souvenir de cette nuit, elle s'adressa au plasticien israélien Mikha Oulman qui conçut l'un des mémoriaux les plus impressionnants du 20éme siècle. Oulman creusa sur la place en question une fosse aux dimensions d'une chambre à gaz et disposa sur ses parois une série de 14 étagères* complètement vides. Durant la nuit, une lumière jaillit de cette fosse, comme pour rappeler que même si des livres ont été brûlés, leur lumière n'en continue pas moins à surgir du vide. A proximité de cette excavation, une plaque rappelle les mots prophétiques de Heinrich Heine: «Un pays où l'on brûle des livres, verra tôt ou tard brûler des êtres humains. »

Comme ce fut le cas pour beaucoup d'autres, le souvenir de cet autodafé perpétré à Berlin m'est revenu à la mémoire quand me parvint la triste nouvelle dûment confirmée par les photos publiées hier dans le journal Maariv. On y voyait l'adjoint au maire d'Or Yehouda, entouré d'écoliers, jeter au brasier des exemplaires du Nouveau Testament. Mais, loin de se limiter aux malheurs de 1933, les réminiscences occasionnées par ce spectacle affligeant ravivaient tout autant le souvenir d'événements plus anciens, du temps où les représentants de l'Inquisition collectaient à travers l'Europe des livres et des écrits juifs à seule fin de les jeter au feu.

Qui pourra jamais évaluer combien de trésors de la tradition juive ont été perdus à tout jamais du fait de ces pratiques barbares. Les affidés de l'Inquisition prétendaient qu'ils devaient brûler ces œuvres du fait qu'elles contenaient des critiques de la religion chrétienne. Ce raisonnement était de la même farine que celui des instigateurs de l'autodafé organisé à Or Yehouda. Mais un tel argument est d'autant plus révoltant qu'il répugne à la raison.

Au lieu de se référer au contenu de ces œuvres, on se trouve finalement réduit à les jeter au feu. Le Nouveau Testament est un livre tellement sacré aux yeux des chrétiens que certains d'entre eux sont prêts à l'attester jusqu'au martyre. De toute façon, l'esprit s'insurge à la pensée de voir les livres sacrés des autres, brûlés de façon aussi provocante. Imaginez ce qui aurait pu arriver à cet édile s'il avait osé brûler des exemplaires du Coran.

Le feu est l'ennemi mythique du parchemin et du papier car les flammes peuvent embraser facilement ces matériaux précaires dont bien vite il ne reste rien. Mais, nous ne pouvons oublier que la tradition juive garde le souvenir des phylactères dont les lettres s'envolent au firmament quand ils sont jetés au feu. Même si les flammes détruisent la matière palpable, le message spirituel des mots n'en demeure pas moins inaltérable. C'est ainsi que la tradition hébraïque a survécu à tous ceux qui prétendaient la détruire par le feu, à l'époque des Centres d'études talmudiques ou de l'Inquisition et tout récemment quand on a failli assister en Europe à la disparition d'un monde.

Hai'm Be'er

*Le nombre 14 revêt une signification des plus symboliques car en représentant la valeur numérique du nom de David, il rappelle le messianisme d'Israël. «Jusque dans les pires heures », avouait récemment George Steiner, «je suis incapable de renoncer à la conviction que l'amour et l'invention du temps futur sont les deux prodiges qui confèrent sa valeur à l'existence mortelle. Leur conjonction, si elle doit jamais arriver, est messianique. » (n.d.t)

Extrait de Maariv 21. 05. 08 Traduit de l'hébreu, I.e.

Au fil des mois ...

Yohanan Elihaï, docteur honoris causa de l'Université de Haïfa (21 mai 08)

Toute l'équipe d'Un écho d'Israël est heureuse de féliciter Yohanan Elihaï qui recevra le 4 juin prochain à l'Université de Haïfa le doctorat honoris causa en philosophie « en reconnaissance de sa personnalité débordante d'amour pour l'homme, pour le peuple juif et la terre d'Israël» et «pour l'œuvre de sa vie comme linguiste exceptionnel ainsi qu'à sa contribution à la coexistence des peuples en Israël. »

 

Yohanaï Elihaï est né en France, sous le nom de Jean Leroy. Lors de la libération de Paris en 1945, il commence à s'intéresser au peuple juif et à l'hébreu. A l'occasion de son service militaire qu'il effectue dans le cadre de la coopération à Beyrouth, il al' occasion de venir en pèlerinage à Jérusalem en 1947. Au Liban, il apprend l'arabe. Il revient en Israël en 1956 et reçoit la nationalité israélienne en 1960; c'est alors qu'il prend le nom de Yohanan Elihaï. Comme religieux de la congrégation des petits frères de Jésus, il mène en milieu israélien une vie discrète comme artisan en céramique puis comme imprimeur. Durant toutes ces années, il se consacre à une œuvre monumentale: la composition d'un dictionnaire en arabe palestinien. Il rédigea aussi des livres d'étude de l'arabe palestinien ainsi qu'une méthode d'étude de l'hébreu moderne en français, en russe et en anglais. Il est enfin l'auteur d'un livre sur l'histoire des relations entre Juifs et chrétiens.

Par cette distinction, c'est un type de présence chrétienne en Israël, discrète, fraternelle et désintéressée, qui se trouve reconnu et honoré.

La rédaction

Sarkozy en Israël: une amitié exigeante (24 juin 08)

Le président français n'a pas manqué à chaque occasion de manifester sa profonde amitié aux Israéliens. Il aime ce pays, ce peuple et son histoire. Son discours à la Knesset peut se diviser en deux parties. La première fut une leçon magistrale sur le peuple juif, sa contribution à l'histoire de l'humanité, la Shoa et sur la signification de la création de l'Etat d'Israël. Il a prononcé un discours sioniste au sens fort du terme. Nicolas Sarkozy est séduit par Israël, ses réussites, sa culture. Il a su l'exprimer dans des termes forts et clairs. Il est un excellent orateur conscient que le ton est parfois plus important que le contenu. Des déclarations comme « Aucun peuple ne peut vivre sous la menace du terrorisme. Le terrorisme ne s'explique pas. Le terrorisme ne se justifie pas. Le terrorisme se combat! »ne pouvaient que soulever l'enthousiasme.

Mais Nicolas Sarkozy est aussi président de la République française, héritier d'une tradition politique et diplomatique au Moyen-Orient. Il reste dans la droite ligne de ses prédécesseurs et, tout en assurant qu'il n'a pas l'intention de donner des leçons, il répète la position traditionnelle de la France sur le dossier israélo-palestinien : arrêt de la colonisation dans les territoires, création d'un Etat palestinien et Jérusalem, capitale de deux pays. Dans les rangs des députés de droite, les applaudissements furent moins intenses lorsque Sarkozy évoqua ces sujets.

Le discours du président fut particulièrement long, et les députés israéliens, poussés par la faim (il était presque 14h) se sont rués comme un seul homme à la cafétéria. Les réactions au discours de Sarkozy furent parfois surprenantes, comme celles de ces deux députés faisant l'éloge du président parce qu'il avait cité la Bible.

Un autre remarqua qu'il ne reniait pas ses origines juives, et un député de droite déclara: « Ce fut un discours sioniste et français à la fois. » Mais très vite les élus israéliens revinrent à leurs affaires internes. Que se passera-t­il mercredi lors du vote en première lecture de la dissolution de la Knesset?

Le président et son épouse se sont ensuite rendus au monastère bénédictin d'Abou Gosh pour un déjeuner oriental strictement privé. Les moines et les moniales ont également chanté en latin, français et hébreu pour honorer leurs hôtes. Nicolas Sarkozy a particulièrement apprécié l'église croisée. Il a tenu à se rendre à Abou Gosh, non seulement parce que le site est territoire français, mais surtout parce que la communauté monastique est réputée pour son ouverture aussi bien aux Israéliens qu'aux Palestiniens.

Lors de la réception pour la communauté française du pays, Nicolas Sarkozy a condamné fermement la récente agression antisémite d'un jeune homme à Paris et déclaré: « l'antisémitisme ça ne s'explique pas, ça se combat. » Il a tenu aussi à s'adresser à la communauté chrétienne présente et à rappeler le rôle de la France en Terre Sainte, ajoutant: « Jérusalem a besoin que des chrétiens y vivent. » L'autre point fort de son discours fut sans aucun doute son engagement à œuvrer pour qu'Israël entre enfin dans la francophonie. Puis il est revenu sur quelques points importants de son discours à la Knesset en déclarant à nouveau « qu'Israël n'est pas seul» et que la France est à ses côtés particulièrement sur les questions de sécurité, s'il venait à être menacé dans son existence.

Pour Nicolas Sarkozy, sa visite en Israël est aussi une étape importante dans la préparation du sommet de l'union méditerranéenne en juillet prochain à Paris. Ehud Olmert, en acceptant d'y participer, légitime sa décision d'inviter le président syrien Assad. Sarkozy, par le biais de cette nouvelle initiative, espère jouer un rôle plus important au Moyen-Orient. Cette visite d'Etat en est le signe.

Jean-Marie Allafort

Jérusalem a sa tour Eiffel (26 juin 08)

Hier soir 25 juin, les illuminations, discours et feux d'artifice marquaient l'inauguration du « Pont des cordes », qui surplombe désormais l'entrée de Jérusalem par la route de Tel-Aviv et qui est destiné au passage du futur tramway.

Création de l'architecte espagnol Calatrava, ce pont est indiscutablement une prouesse technique; moins par sa taille (trois cent cinquante mètres de long) que par sa conception. En forme d'arc de cercle, il est suspendu à une flèche de cent dix-huit mètres de haut, très inclinée dans la direction opposée à celle de la courbe, et dont le poids équilibre celui du tablier, de sorte que ses soixante-six câbles d'acier retiennent autant la flèche qu'ils ne soutiennent le pont. En tout, quatre mille trois cent tonnes de matériaux (plus de la moitié du poids de la tour Eiffel), suspendues pour l'essentiel à un support dont la section triangulaire n'excède guère deux mètres carrés. De quelque côté qu'on le regarde, l'ensemble est dissymétrique, puisque la flèche est non seulement inclinée, mais excentrée et que son profil est celui d'une ligne brisée.

Le nom de « Pont des cordes» fait allusion à la disposition des câbles, qui veulent évoquer la harpe du roi David. Ce pont est donc destiné à devenir un des monuments emblématiques de Jérusalem. Comme toute création artistique, il peut faire l'objet d'appréciations diverses. S'imposant à l'attention à plusieurs kilomètres à la ronde, il s'intègre mal, diront certains, dans le paysage. Sans doute en disait-on autant de la tour Eiffel il y a un siècle ... Les pessimistes prédisaient un effondrement général lorsque seraient retirés les supports provisoires, ce qui, heureusement, ne s'est pas produit! On peut supposer que les ingénieurs avaient vérifié leurs calculs. Les automobilistes qui ne sont pas convaincus de la fiabilité de la réalisation et qui se sentent nerveux lorsque la circulation est ralentie à l'approche du pont, ce qui est désormais quotidien, pourront toujours sortir de Jérusalem et y rentrer par le tunnel de la voie Begin, qui rejoint la route de Tel-Aviv quelques kilomètres plus loin.

Peu à peu, le visage de Jérusalem se modifie: plantation d'arbres, création de perspectives, aménagement de places et de rues piétonnes. Avec la mise en service du tramway, que l'on peut prévoir pour un avenir de moins en moins eschatologique, Jérusalem va devenir une ville où il fera bon flâner.

Michel Remaud

Chant du mois : quand Gainsbourg chante Israël

En cette année du 60ème anniversaire d'Israël, voici une chanson inédite et surprenante de Serge Gainsbourg.

En 1967, le chanteur se trouve en Israël. Tout à son émotion, il entre dans un studio de Kol Israel et compose, presque sur le champ, cette chanson. Il n'en refera plus de semblable.

Cet enregistrement a été déniché dans les archives de Kol Israel il y a 10 ans, à l'occasion des 50 ans d'Israël. Il avait été diffusé en exclusivité en France par RCJ.

Chanson pour Israël - Serge Gainsbourg

Oui je défendrai le sable d'Israël, la terre d'Israël, les enfants d'Israël Quitte à mourir pour le sable d'Israël, la terre d'Israël, les enfants d'Israël

Je défendrai contre tout ennemi

Le sable, et la terre qui m'était promise

Oui je défendrai le sable d'Israël, les villes d'Israël, le pays d'Israël Quitte à mourir pour le sable d'Israël, les villes d'Israël, le pays d'Israël

Tous les Goliaths venus des pyramides Reculeront devant l'étoile de David

Oui je défendrai le sable d'Israël, la terre d'Israël, les enfants d'Israël Quitte àmourir pour le sable d'Israël, la terre d'Israël, les enfants d'Israël

et l'humour en finale ...

Pour une fois deux histoires vécues, histoires de Cardinaux romains, et de la relation avec Israël, et. .. qui se terminent bien !

Dans les années 1950, les Pères de Sion de Jérusalem, et d'autres, avaient déjà eu l'initiative de réciter quelques prières en hébreu. Mais certains catholiques de cette Ville Sainte trouvaient cela inadmissible:

– Comment?! prier dans la langue de ceux qui ont crucifié Notre Seigneur?

Notre ami Jean-Roger, un des prêtres qui osaient prier ainsi, en parla à Rome au Cardinal Tisserant, un érudit ami d'Israël. Le Cardinal, qui ne manquait pas d'humour, prit alors un air grave et inquiet et déclara:

– Ah oui, c'est très grave! on ne peut plus prier en latin ... ce sont les Romains qui ont crucifié Jésus.

De nouveau à Jérusalem en 1956-57: deux jeunes Jésuites séjournent un an à l'Institut Biblique et étudient l'hébreu. L'un des deux, qui devint fameux dans le monde de l'exégèse, Paul Beauchamp, rentrant à Rome, rencontre un vieux Jésuite qui lui demande:

– Ah, vous venez d'Israël? On dit qu'il y a là-bas 80 % d'athées. Est-ce vrai? Et Beauchamp de corriger:

–Non, c'est faux de dire athées. Disons plutôt qu'il y a environ 20 % de juifs pratiquants, c'est-à-dire un peu plus qu'ici dans les églises de Rome.

Il faut ajouter que ce vieux père jésuite n'était autre que celui qui deviendra le Cardinal Béa, celui qui œuvra de toutes ses forces pour faire passer au Concile le texte historique de Nostra Aetate, appelé ici le Document juif. Vers la fin de sa vie, quelqu'un lui parlait d'une opinion très ouverte en matière biblique, il répondit :

- Bien sûr, je pense ainsi moi aussi.

Et l'autre: - Mais il y a quelques années vous avez écrit contre ce genre de thèses ... - Mais mon ami, on peut changer d'avis à tout âge.

Il avait près de 80 ans.

yohanan Elihaï