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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 39 – Janvier/Février 2008

Le désert du Négev

Sommaire :

 

-   Éditorial 

-   Histoire : vingt ans après la première Intifada

-   Connaissance du pays : promenade dans la vallée de Hinnom

        -  Vie quotidienne : des yeshivot au Beit Yaakov

        -  Un père spirituel    

-   Une femme dans les coulisses de l’Etat

-   Flashes d’espoir : l’écologie, facteur de paix

-   Aménagement du territoire et droits de l’homme

-   Au fil des mois 

       -   Chant du mois et humour en finale

 

 

Éditorial : le ciel est-il si sombre ?

 

Au deuxième jour de la visite du président Bush en Israël, la deuxième chaîne de télévision israélienne a publié une enquête menée par Emmanuel Rozen. Le journaliste est allé chercher dans les archives de la presse du pays les articles sur la menace iranienne. Le résultat est des plus surprenants : déjà dans les années 80, on pouvait lire des titres tels que « Dans six mois, l’Iran sera doté de l’arme atomique » ou encore « L’Iran va enrichir du plutonium d’ici quelques semaines ». Rozen est allé interviewer des anciens agents du Mossad ou des anciens gradés des services de renseignements militaires (Aman). Ils sont tous d’accord : ce tapage autour de l’Iran n’est pas justifié. Ce pays ne constitue pas un danger existentiel pour Israël même si la plus grande prudence est requise. Le journaliste de conclure qu’il y a une volonté politique « d’effrayer » l’opinion publique.

 

Au nom d’un réalisme qui confine à l’obsession, une certaine presse se délecte dans un genre littéraire apocalyptique. On va multiplier les articles pour se persuader que les ennemis sont de plus en plus nombreux, que de nouvelles menaces sont à la porte, que la haine est plus forte que tout. De là, le seul sujet digne d’intérêt est le sécuritaire.

Nous ne nous berçons pas d’illusion : Israël aura toujours des ennemis et l’antisémitisme ne disparaîtra sans doute jamais. Nous en avons chaque jour de nouveaux exemples.

 

L’un des buts d’Un écho d’Israël est de montrer que le ciel n’est pas toujours aussi sombre et que les hommes de bonne volonté sont peut-être plus nombreux qu’on ne le pense. Dans ce numéro, nous vous proposons des articles qui sont des raisons d’espérer dans les hommes de cette région. Si les questions sécuritaires font partie de la vie quotidienne, elles sont loin d’en être le centre. La force des Israéliens est justement de mener une « vie normale » dans une situation qui ne l’est pas.

 

                                                                                    JMA

 

Histoire: vingt ans après la première Intifada

 

Le mot « Intifada » vient du mot arabe signifiant : réveiller, secouer. D’une part, depuis la guerre des Six jours, les territoires de Judée Samarie et de la Bande de Gaza, même s’ils ont profité d’améliorations économiques, ont été dépendants du gouvernement militaire et de ses tracasseries et n’ont pas pu se définir politiquement.

D’autre part la guerre Iran-Irak, entre1980-1988, a fait revenir de nombreux Palestiniens dans les Territoires, provoquant le chômage et des manifestations, à partir de 1984. Quatre militants du Jihad islamique à Gaza, le 6 octobre 1987, avaient été tués par le Shabak (Shin-beth) alors qu’ils étaient prêts à attaquer une base militaire. Le vendredi suivant le cheikh Abdelaziz Oudeh prononçait un prêche très violent et lançait un appel à la vengeance.

 Au sommet arabe d’Amman, du 8 au 11 novembre 1987, les chefs d’Etat de la Ligue arabe concentrent leur intérêt sur cette guerre Iran-Irak et non sur le problème palestinien, décevant la population qui se sent abandonnée par les « frères arabes ». De plus, quelques jours après ce sommet, le 25 novembre, un membre du Hezbollah pro-iranien, tue de son deltaplane plusieurs soldats israéliens dans leur base, près de la frontière. Cette victoire encourage les jeunes Palestiniens à braver les soldats israéliens qui ont perdu du prestige.

Le 8 décembre 1987, un véhicule conduit par un Israélien près du passage Erez à Gaza, heurte une voiture palestinienne faisant 4 morts et 7 blessés. La nuit même à Gaza, se répand le bruit que cet accident a été causé volontairement. Dès le lendemain au camp de Djebalia, des milliers de Palestiniens provoquent les soldats de Tsahal et les manifestations de foule se multiplient et se propagent en Judée, en Samarie et dans toute la Bande de Gaza, les jeunes lançant des pierres sur les véhicules israéliens. Cette révolte se caractérise par sa spontanéité, la jeunesse des manifestants (plus de 50% des Palestiniens ont moins de 15 ans), et l’absence de cadre de l’OLP, Y.Arafat étant à l’époque exilé à Tunis.

Les Israéliens mettront du temps à réaliser l’importance de ce mouvement, car déjà bien avant, des affrontements et des manifestations avaient eu lieu. Les renforts envoyés à Gaza sont insuffisants, ni équipés ni entraînés au maintien de l’ordre. Dépassés par les événements, les soldats ouvrent le feu et les officiers supérieurs laissent faire, pensant que les jeunes allaient se calmer. De plus ils croyaient que les commerçants, ne voulant pas perdre leurs ventes, ne les soutiendraient pas. Mais le contraire se produisit. Y.Rabin, alors ministre de la Défense, part pour les USA le 10 octobre et Y.Shamir assure l’intérim de ce ministère. Ce dernier fait confiance à l’armée, et lorsque Rabin revient, l’agitation s’est propagée à la Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Le Shabak, comme l’administration militaire israélienne, se sont trompés dans leur évaluation. De leur côté, les responsables du Fatah pensent aussi que l’Intifada va s’essouffler, mais le Front populaire et le Front démocratique pensent différemment. Salah Zoubeykah appelle à la poursuite des affrontements, des drapeaux palestiniens et des portraits d’Arafat apparaissent. Les patrons de l’OLP réunis à Amman décident que le comité de coordination deviendra le Commandement unifié de l’Intifada et il diffusera des tracts pour maintenir la pression.

Les Israéliens durcissent la répression et le 22 décembre le Conseil de Sécurité des Nations Unies lance un premier avertissement à Israël avec la résolution 605.

Les morts palestiniens sont nombreux, alors Tsahal revoit ses méthodes : des matraques sont distribuées aux soldats et Rabin lance aux militaires : « Ne tirez qu’en état de légitime défense. Pour disperser une émeute, tapez, cassez les os ! » Cela fait scandale. A la place des balles en métal, des balles en caoutchouc sont utilisées, mais tirées de près, elles tuent aussi.

Puis l’Intifada est récupérée par deux mouvements islamistes, le Hamas et le Jihad islamique. L’Intifada se manifeste par les lancers de pierres, mais aussi par de nombreuses grèves, des barrages avec pneus enflammés, etc.

Le 31 juillet, Hussein de Jordanie annonce officiellement son désengagement du problème palestinien, après que ses agents tentant de reprendre pieds dans la gestion des affaires civiles en Cisjordanie aient été chassés et certains même tués par des Palestiniens. Quatre jours plus tard, tous les Palestiniens employés par Amman sont licenciés, des dizaines de milliers d’enseignants et de fonctionnaires perdent leurs salaires. Un grand vide géopolitique et juridique apparaît : qui sera désormais l’interlocuteur d’Israël ? Quel statut international pour ce territoire ni israélien ni jordanien ? Quelle souveraineté, pour un Etat palestinien n’ayant jamais existé auparavant ? De plus, la société palestinienne a été bouleversée par l’Intifada : le père n’a plus d’autorité, puisqu’il ne peut rien contre les Israéliens, les fils deviennent frondeurs, surtout s’ils ont été blessés ou arrêtés. Pareil pour le maître d’école. Tsahal pâtit de sa propre vocation militaire, et non policière. L’Intifada ne parvient pas à inverser les rapports de force, mais Tsahal échoue à maintenir l’ordre.

I.Rabin reconnaîtra son erreur d’appréciation, et petit à petit le mouvement s’éteint vers 1989.

Diplomatiquement, Israël voit son image dégradée et se retrouve dans une solitude internationale relative.

La première Intifada contraint Israéliens et Arabes à changer leur perception des Palestiniens et de leur détermination à parvenir à l’indépendance.

En février 1988, le Secrétaire d’Etat Georges Shultz vient en Israël, et les Palestiniens refusent de le rencontrer. Le 16 septembre, il fait une déclaration, évoquant les « droits politiques légitimes des Palestiniens ». 

En 1991 la Conférence de Madrid, soutenue par les Etats Unis et l’Union Soviétique, est la première tentative de la communauté internationale pour initier un processus de paix au Proche Orient. Israël et les pays arabes comme la Syrie, le Liban, la Jordanie et les Palestiniens y participent. Son succès fut de favoriser des discussions de paix amenant aux Accords d’Oslo qui établirent l’Autorité palestinienne.

 

En 1993, les accords intérimaires d’Oslo, seront l’une des conséquences indirectes de cette première Intifada.

 

                                                                        Cécile Pilverdier

Connaissance du pays : promenade dans la vallée de Hinnom, de la porte de Jaffa à la cité de David

 

Pour les touristes ainsi que pour les Israéliens qui ont visité toute la Vieille Ville et qui désirent marcher encore un peu, voici une promenade accessible à tous, individuellement ou en famille.

C’est de la porte de Jaffa que je propose le départ de cette petite excursion qui nous permettra de nous familiariser avec l’extérieur des murailles et avec les vallées de Jérusalem qui assuraient à cette ville royale une bonne protection et la rendaient « presque » imprenable. Nos pas nous conduiront, par la vallée de Hinnom (Géhenne), de la porte de Jaffa aux ruines de la ville du roi David, à l’emplacement de l’ancienne cité jébuséenne.

Sur la gauche de la porte, en longeant la muraille, au pied de la citadelle, nous pouvons contempler les fondations des fortifications des rois Asmonéens découvertes après 1967, quand le gouvernement israélien entreprit des fouilles systématiques autour des remparts ottomans. La muraille de la ville, à l’époque du second Temple, passait ici à l’ouest sur le flanc de la colline et tournait au sud vers la piscine de Siloé. Sur la muraille, les touffes d’herbe et les buissons qui poussent nous révèlent la hauteur qu’atteignaient les gravas rejetés au fil des siècles. Gravas et monceaux de terre enlevés minutieusement par les archéologues au cours des excavations. Que de travail ! « Tes serviteurs en aiment les pierres, ils en chérissent la poussière. » (Ps 102. 15).

Á l’angle sud-ouest de la muraille, les fondations d’une tour de l’époque médiévale furent mises au jour. Ici, des marches conduisent vers la porte du mont Sion et pour ceux qui le désirent une excursion vers le mont Sion peut être fort intéressante. Inclus dans la ville à l’époque du second Temple et centre de la communauté essénienne (Flavius Josèphe), ce mont fut exclu des limites de la ville sous les Ottomans. Il comporte aujourd’hui des habitations et des centres d’études juives, quelques cimetières chrétiens, le séminaire grec orthodoxe, la custodie franciscaine et surtout la « présumée » tombe du roi David dans une sorte de crypte sous la Chambre haute, le Cénacle.  Jésus, accompagné de ses disciples, institua en ce lieu la Cène. Le Cénacle devint le point de rencontre des premiers chrétiens à Jérusalem après la Pentecôte. Au XIVe siècle, les Franciscains reconstruisirent un édifice de style gothique à l’emplacement de l’ancienne église byzantine « Hagia Sion », qui avait donné son nom à la colline. Toute proche, l’église de la Dormition fut érigée au début du XXe siècle par la communauté catholique allemande de Cologne. Une tradition chrétienne situe dans la Chambre haute la dormition de Marie mère de Jésus.

Toujours à l’angle sud-ouest des remparts en regardant vers l’ouest, c’est une vue magnifique qu’embrasse notre regard : en contre-bas, la vallée de Hinnom avec la piscine du Sultan ; en face, sur l’autre versant de la vallée, le moulin de Moïse Montefiore et les quartiers de Mishkenot Shéananim et de Yemin Moshé, l’hôtel du roi David (King David) et les nouveaux quartiers de Jérusalem-ouest. Á droite, la porte de Jaffa et le quartier de Mamilla en reconstruction.

 En empruntant un sentier on descend vers la vallée de Hinnom. Un petit arrêt au quartier des Artistes « Houtzot Hayotzer » nous permet d’admirer des artistes-artisans confectionnant, dans leurs ateliers, tapisseries, tableaux, poteries… De là, sur l’autre versant de la vallée, nos pas nous conduiront au magnifique quartier de Yemin Moshé rénové après la guerre des Six jours. Effectivement, ce quartier, ainsi que celui de Mamilla, faisant face à la Vieille Ville occupée de 1948 à 1967 par la Jordanie, subirent les tirs sporadiques de la Légion jordanienne. La majorité de la population juive abandonna peu à peu cette région. Après la réunification de Jérusalem en 67, le gouvernement entreprit une rénovation systématique de Yemin Moshé et la destruction de Mamilla afin d’y créer un nouveau quartier commerçant. Yemin Moshé est devenu un quartier d’artistes, gardant son cachet de village, aux maisons basses en pierre de taille (pierre de Jérusalem), aux toits recouverts de tuiles rouges. Cependant, malgré sa beauté, c’est un quartier mort, comme un village fantôme, sans vie, excepté pour les quelques visiteurs qui foulent les ruelles pavées et bordées de bougainvillées, d’aloès, de lauriers roses… Dans ce quartier d’artistes, pas de restaurants, pas de cafés ni de magasins, seulement quelques galeries d’art très souvent fermées, les propriétaires habitant une grande partie de l’année à l’étranger. L’ancien quartier Mishkenot Shéananim fut lui aussi rénové grâce à la Fondation de Jérusalem. Ces premières habitations extra-muros sont devenues une Maison d’hôtes pour artistes, écrivains, penseurs et académiciens du monde entier. Parmi ses hôtes la maison a reçu le Dalaï Lama, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Amos Oz, Yehudi Menuhin, Marc Chagall, Arthur Rubinstein… Attenant à cette Maison d’hôtes, le Centre de conférences Konrad Adenauer accueille dans ses salles des séminaires et dans son auditorium des festivals internationaux de poésie, des conférences internationales, des concerts, des expositions d’art… En revanche, le seul grand restaurant luxueux du quartier, Mishkenot Shéananim, a fermé ses portes pendant la deuxième Intifada. En remontant la colline nous pourrons nous arrêter au moulin de Moïse Montefiore qui sert actuellement de musée sur cette famille philanthrope qui participa au développement de la Nouvelle Ville de Jérusalem (voir Un écho, n° 38). On peut admirer une reconstruction de son carrosse.

Un peu plus loin, sur le flanc de la même colline, on aperçoit le nouveau musée Ménachem Bégin et l’église écossaise Saint Andrew. En empruntant le pont au-dessus de la route de Bethléem on redescend dans la vallée de Hinnom. La section de cette vallée, la plus proche de la porte de Jaffa, s’appelle la piscine du Sultan (Birket es-Sultan) construite au XIIe siècle en face de l’angle sud-ouest de la muraille actuelle. Elle est devenue depuis les années 1980, l’amphithéâtre M. Hassenfeld, qui accueille à ciel ouvert, spectacles, théâtres, concerts, feux d’artifice et la Foire internationale des arts et de l’artisanat de Jérusalem.

En nous engageant davantage dans la vallée de Hinnom nous laissons, sur notre droite, la cinémathèque de Jérusalem qui abrite tous les ans le festival du film. Un peu plus loin, c’est l’hôtel du mont Sion avec une vue splendide vers l’est, le désert de Judée et les monts de Moab en Jordanie.

Maintenant, la vallée de Hinnom se fait de plus en plus profonde et descend vers l’est. Sur la gauche nous avons le mont Sion et en relevant la tête nous pouvons apercevoir au-dessus de nous un câble tendu entre l’hôtel du mont Sion et le mont Sion lui-même. Ce câble, utilisé la nuit, permettait de ravitailler les Israéliens restés au mont Sion de 1948 à 1967. Les Jordaniens ne se sont jamais aperçus de l’existence de ce câble !

Sur notre droite en descendant nous rencontrerons le Sentier de Jérusalem marqué du lion, symbole de la cité. Ce sentier, assez récent et peu connu, long de 4,5 km, relie la cinémathèque au mont Scopus. Ici, sur notre gauche, quelques habitations datent du début du XXe siècle quand 25 familles juives voulurent établir une communauté du nom de « Portes de Sion » (Sha’arei Zion). Suite aux émeutes arabes, le quartier juif fut évacué jusqu’à la guerre d’Indépendance quand de nouvelles familles, généralement pauvres, y furent relogées. Après la guerre des Six jours le quartier fut de nouveau évacué et une des maisons, aménagée par la Fondation de Jérusalem, devint le Centre musical Alpert pour les enfants juifs et arabes.

Plus loin, toujours sur la gauche, sur le flanc du mont Sion, une expédition archéologique a entrepris quelques fouilles. C’est là que se trouvait la muraille sud de la ville. On comprend que dans cette vallée, au sud et à l’ouest, la ville était bien protégée topographiquement parlant. Il en est de même à l’est, où la vallée du Cédron assurait aussi une bonne protection.  

Á droite, le versant sud de la vallée est une véritable falaise dans laquelle des tombes furent creusées il y a plus de 2000 ans. Après avoir atteint la route qui descend d’Abou Tor on peut suivre un chemin marqué en bleu. Au sommet de quelques marches c’est une vue magnifique sur le village arabe de Siloé qui nous attend ! Plus loin, ce sera la vue sur le mont du Temple avec la mosquée d’El Aqsa et le dôme du Rocher et le mont des Oliviers et ses églises. En redescendant dans la vallée (suivre le Sentier de Jérusalem) nous arrivons maintenant au Champ du potier.         

 Sur le versant sud (à droite) de la vallée de Hinnom l’église grecque orthodoxe acheta des terres au lieu-dit HaKeldama (le Champ du sang) pour y construire le monastère Saint Onuphre. La tradition chrétienne, suivant les Évangiles, situe ici le champ acheté avec les 30 pièces d’argent que reçut Judas afin de livrer Jésus : « Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il était condamné, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux principaux sacrificateurs et aux anciens […]. Et, après en avoir délibéré, ils achetèrent avec cet argent le champ du potier, pour la sépulture des étrangers. C’est pourquoi ce champ a été appelé champ du sang, jusqu’à ce jour. […] » (Mt 27. 3-10 ; Za 11. 13 ; Ex 21. 32). Le monastère, bien protégé derrière de hauts murs, abrite la petite grotte dans laquelle cet ermite égyptien du IVe siècle vécut quelque temps (dans le Champ du potier) avant de vivre définitivement dans le désert. La visite du monastère comprend un immense complexe de tombes taillées dans la roche contenant encore des squelettes de moines massacrés au VIIe siècle par les Perses et d’autres par les croisés.

Nous arrivons maintenant vers le fond de la vallée et apercevons la ville de David, le mont Sion. La ville de David sur la colline de l’Ophel était entourée de ravins profonds : la vallée du Cédron à l’est et à l’ouest la Vallée (appelée Tyropéon) se rejoignaient à l’emplacement de la piscine de Siloé. Plus tard quand la ville s’étendit plus à l’ouest, déjà au temps des rois d’Israël et surtout à l’époque du second Temple, la vallée Ben-Hinnom assurait une véritable protection, jusqu’à la porte de Jaffa d’aujourd’hui, car son encaissement ne permettait pas aux armées d’y installer leurs machines de guerre ou leurs campements. En revanche, Jérusalem fut toujours prise par le nord (ex. Titus), où aucun  escarpement naturel n’assurait la protection de la ville, contrairement à l’ouest, au sud et à l’est.

Cette vallée, ancienne propriété de la famille Hinnom, est connue dans la Bible sous le nom de Gaï Ben-Hinnom (vallée des fils de Hinnom). Mentionnée pour la première fois dans la limite septentrionale de la tribu de Juda, elle était la frontière entre Juda et Benjamin (Jos 15. 8 ; 18. 16). Profonde et étroite (surtout sa partie sud), aux pentes raides et rocheuses, elle sépare la ville de Jérusalem du plateau de Rephaïm.

Au sud de la cité de David se trouvait la porte du Fumier (Ne 2. 13 ; 3. 14) par laquelle on rejetait les ordures dans la vallée de Hinnom. C’est probablement  l’endroit du Topheth, lieu où, sous l’influence païenne, des rois de Jérusalem faisaient passer par le feu leurs enfants en l’honneur du dieu cananéen Baal et du dieu ammonite Moloch ce qui provoqua les invectives de Jérémie : « Ils ont bâti des hauts lieux à Topheth dans la vallée de Ben-Hinnom, pour brûler au feu leurs fils et leurs filles : ce que je n’avais point ordonné, ce qui ne m’était point venu à la pensée […]. » (2 R 23. 10 ; Jr 7. 31). Le prophète prononce une malédiction sur ce lieu : « C’est pourquoi voici, les jours viennent, dit l’Éternel, où ce lieu ne sera plus appelé Topheth et vallée de Ben-Hinnom, mais où l’on dira la vallée du carnage et l’on enterrera les morts à Topheth par défaut de place […]. » (Jr 7. 32 ; 19. 6).

C’est Josias, le roi réformateur, qui rendit cet endroit impur pour tout culte païen en y répandant peut-être des ordures, des ossements ou des cendres afin que personne n’y célèbre plus les divinités païennes : « Le roi Josias fit souiller le Topheth afin que personne ne fit passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Moloch. » (2 R 23.10). Le Topheth se transforma certainement avec le temps en décharge municipale où un feu était entretenu en permanence. De ce lieu maudit se répandait une odeur de fumée nauséabonde qui, avec le feu, devinrent le symbole de l’enfer. Le nom hébreu Gaï Hinnom (en grec géhenne) est associé à l’enfer : « Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; mieux vaut pour toi entrer dans la vie borgne, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne de feu. » (Mt 18. 9).

Pour terminer la visite on peut rebrousser chemin vers la porte de Jaffa ou vers la ville de David prendre à gauche vers la vallée du Tyropéon pour rejoindre la muraille à la porte du Fumier. 

                                                                             Loïc Le Méhauté

 

Vie quotidienne : des yeshivot au Beit Yaakov (la Maison de Jacob)

 

Dans le numéro 38 de Un Echo d’Israël où nous avions abordé l’éducation chez les Juifs orthodoxes, il était question des écoles talmudiques (yeshivot) pour les garçons. Qu’en est-il de l’éducation des filles et jeunes filles orthodoxes, de la `Maison de Jacob? C’est ainsi que, traditionnellement on appelle la partie féminine du peuple juif. « Jacob étant tout à la fois celui qui suit en attrapant l’autre par le talon et Israël, celui qui va de l’avant et ne craint pas la lutte face à face. Les femmes orthodoxes d’Israël, de même, semblent aspirer à la totalité et au perfectionnement. Tout en étant attachées au strict respect de la loi, elles savent conjuguer vie de mères de familles nombreuses et vie professionnelle » écrit Lior Lévy dans le magazine Hamodia.

Education. Histoire de la Maison de Jacob

Le mouvement de la Maison de Jacob a démarré grâce à la détermination et la conviction d’une simple couturière Sara Schnierer. C’était dans les années 1917-1920. Sara voyait le danger d’assimilation pour les jeunes filles juives polonaises qui fréquentaient les écoles et lycées polonais et qui quittaient la communauté juive traditionnelle pour une vie plus moderne. Elle décida d’organiser des cours de Thora pour les femmes, à partir des commentaires du rabbin Shimshon Raphaël Hirsh et de Marcus Lehmann. Le nombre des élèves augmentant, il fallut créer une école installée dans un appartement. Elle pouvait dire en tant que couturière de métier: « Un enfant juif dépourvu d’une authentique éducation juive est comme un enfant privé de vêtements ». Elle voulait transmettre les vérités de la Thora de générations en générations et donner à ces jeunes filles une éducation spirituelle qui leur fasse goûter la joie de servir Dieu et d’être filles d’Israël.

Le mouvement Beit Yaakov naquit dans les années 1920. Les élèves devinrent à leur tour enseignantes. Le séminaire de Cracovie ouvrit ses portes en 1931 et fut suivi par l’inauguration de nouveaux établissements en Pologne. Sara avait obtenu la permission du rabbin Israël Meir Kagan et par la suite le mouvement fut soutenu par l’Agoudat Israël (mouvement religieux orthodoxe fondé en 1912). Après la deuxième guerre mondiale, les Juifs émigrant en Amérique du nord et en Israël fondèrent des écoles Beit Yaakov pour les filles orthodoxes. En plus des écoles primaires et secondaires, des séminaires de plus haut niveau, permettent aussi aux mères de famille de poursuivre leurs études, cela pendant trois ans. Des crèches y accueillent leurs enfants.

Les écoles primaires préparent les élèves à être de bonnes juives, mères et épouses. Les matières profanes viennent en second plan. Elles apprennent la Thora, les Prophètes et d’autres textes de la Bible, l’hébreu, l’histoire juive et les lois juives pratiques. Elles n’étudient pas le Talmud, contrairement à ce qui se fait dans les écoles juives orthodoxes modernes. Actuellement en Israël, ce réseau compte 11 000 élèves répartis dans 400 classes.

Au sein de l’institut Beit Yaakov du rabbin Binyamin Shiranski à Jérusalem, les dirigeants ont décidé de relever les défis de la vie moderne. 2700 élèves, du collège aux années après le lycée, y étudient les matières religieuses et profanes en accord avec les normes du Ministère de l’éducation israélien. Créé en 1939, l’institut a évolué au fil des ans et offre plusieurs options professionnelles aux jeunes filles en les formant notamment à la comptabilité, au secrétariat, à la communication, au graphisme et à l’informatique. Le but est de leur offrir un niveau de compétence professionnelle qui leur permette de travailler sans avoir à passer par le monde de l’université.

Le travail

Une enquête réalisée par l’institut Van Leer de Jérusalem montrait que 50% des femmes juives orthodoxes travaillent. En 2002, elles n’étaient que 20%. Les femmes orthodoxes vont travailler à l’extérieur afin de permettre à leur mari de se consacrer à l’étude de la Thora. Au début des années 50, face à la destruction du monde des yeshivot, les dirigeants rabbiniques décidèrent de tout faire pour assurer la continuité du judaïsme orthodoxe. Le Hazon Ich (Avraham Ishayahu Karelitz) enjoignit alors à tous les hommes de se consacrer à l’étude de la Thora à plein temps dans les yeshivot et, une fois mariés, dans le cadre de la communauté (kollel). C’est ainsi que le premier directeur du séminaire de Beit Yaakov à Bnè Braq pour jeunes filles orthodoxes, permit la réalisation de l’idéal prôné par le Hazon, que le couple se doit de contribuer à la réalisation du but ultime, l’étude de la Thora. Tandis que l’homme met toutes ses forces à l’étude, du matin au soir, la femme, qui n’a pas l’obligation religieuse d’étudier, pourvoit aux besoins matériels de la famille et participe en cela avec son mari au mérite du commandement d’étudier. Cela n’est pas nouveau : on cite l’histoire de la femme du fils de Rabbi Akiba, qui avait renoncé volontairement à son droit d’être nourrie par son mari selon la ketouba (contrat de mariage), et s’était engagée à s’occuper des questions matérielles pour que son mari puisse se consacrer à l’étude.

La plupart des femmes orthodoxes qui travaillent sont enseignantes mais, n’ayant pas l’équivalent des diplômes d’Etat, elles gagnent très peu et n’ont aucun avancement. Les rabbins se sont opposés à ce que les femmes, comme les hommes d’ailleurs, acquièrent des diplômes académiques qui ouvrent à des champs de travail non traditionnels. En 2006, ils ont même voté contre l’équivalence du baccalauréat dans les écoles de Beit Yaakov pour que l’éducation soit davantage concentrée sur la préparation des femmes à être épouses et mères. Ces décisions ont affecté des milliers de femmes orthodoxes et leurs familles. La communauté orthodoxe estimée entre 8 à 11% de la population juive israélienne (5,4 millions) est la plus pauvre du pays. Cette pauvreté est due à l’obligation des hommes d’étudier et au grand nombre d’enfants.

Cependant, des portes sont ouvertes pour un enseignement non traditionnel : le collège Lustig et l’Institut supérieur de formation pour jeunes filles orthodoxes.

Le collège Lustig

Ce collège fait partie du collège technique à Ramat Gan. Il permet aux jeunes filles et femmes orthodoxes d’acquérir des diplômes académiques dans un environnement religieux, séparé des hommes. Formées aux sciences de l’informatique, de la gestion d’administration, elles pourront choisir un travail où elles seront rémunérées trois fois plus qu’en étant enseignantes. Ce collège a ouvert ses portes en 1999 avec environ 30 jeunes femmes ; aujourd’hui elles sont plus de 450. La grande majorité d’entre elles sont mariées à des étudiants de yeshiva. Le rabbin Leib Steinmann de Bnè Braq soutient ce collège qui reste cependant marginal au monde orthodoxe tant la peur des diplômes académiques et de l’ouverture au monde est grande. Ce collège réussit grâce aux accords passés avec des sociétés ou des bureaux de High tech pour que ces femmes orthodoxes soient employées dans un environnement exclusivement féminin.

 

L’Institut supérieur de formation à Jérusalem

Cet Institut permet à des jeunes filles orthodoxes d’acquérir des diplômes de premier et second cycle, reconnus et en accord avec les universités, en sciences de l’éducation, en communication, en sciences sociales, en biologie médicale et bientôt en psychologie et en pharmacie. Cet Institut qui procure aussi une éducation orthodoxe à ses étudiants, a ouvert ses portes en 2001 avec 23 femmes. Aujourd’hui, elles sont plus de 450 et 80 hommes, les deux groupes n’étudiant pas au même étage. La fille aînée du rabbin Ovadia Joseph, Adina Bar Shalom, en est la co-fondatrice et la directrice. Pour elle, il est important qu’une femme qui a dix enfants, quelque fois plus, puisse vivre dignement en combinant Thora et profession. Elle-même a toujours travaillé pour que son mari puisse étudier. Elle reconnaît que c’était très dur de ne pas être à la maison pour s’occuper de ses deux premiers enfants. « Quand j’ai pu travailler à mi-temps, je me suis vraiment occupée de l’éducation de mes enfants. L’idéal serait de travailler six heures par jour maximum et d’être de retour quand les enfants rentrent de l’école. C’est dans cet esprit que j’ai mis en place cet institut de formation professionnelle pour femmes orthodoxes ; je voulais qu’elles puissent acquérir une formation qui leur permette d’aider leur mari en occupant des emplois avec de bons salaires, afin de travailler moins d’heures et d’être disponibles pour leur famille…Il est important aussi qu’il y ait des assistantes sociales orthodoxes connaissant les mentalités et les problèmes de leur communauté aux multiples nuances religieuses…Nous mettons l’accent sur l’importance de la famille. Il y a une crèche fonctionnant de 8h à 19h. On ne vient pas étudier pour faire carrière. »

 

Témoignages

Dvora, mère de famille de huit enfants, travaille à plein temps. A la question « Pensez-vous que travailler soit compatible avec le fait d’être mère d’une grande famille ? » elle répond : « Compatible ? La question ne se pose même pas. J’ai besoin de travailler pour plusieurs raisons : sur le plan financier pour permettre à mon mari d’étudier, mais aussi, je le dis avec franchise, pour m’épanouir. Le fait de sortir me dynamise. Quand je ne travaillais pas, je mettais trois heures pour ranger la maison. Actuellement, une heure me suffit. Mais l’essentiel c’est la santé physique et spirituelle des enfants. »

« Prêt-à-porter, immobilier, éducation, informatique, graphisme, les domaines d’activités des entreprises tenues par des femmes orthodoxes sont de plus en plus larges. Depuis l’année 2000, les demandes de conseils juridiques et financiers d’aides à la création d’entreprises provenant de femmes orthodoxes ont été multipliées par dix. L’une d’elles, mère de sept enfants de trois à quatorze ans, qui travaille dans une société américaine d’édition, avoue que son mari l’a poussée à sortir de la maison. Elle reconnaît qu’être mère d’une famille nombreuse et travailler, peut devenir une véritable épreuve si la femme n’est pas soutenue.  « Pour ma part, dit-elle, mon mari m’aide énormément. Il emmène les enfants à l’école le matin, les accueille l’après-midi. Il s’occupe aussi des courses et gère la maison car je rentre tard de mon travail. » (Hamodia n°4, 21 novembre 2007)

Une amie physiothérapeute allait travailler à Méa Shéarim dans des familles orthodoxes. Dans l’une d’elles, où il y avait quatorze enfants, la maman était enseignante.  « Dés que la maman revenait du travail, on voyait toutes ces petites têtes se grouper autour d’elle. Elle prenait du temps avec eux, les écoutait, racontait des histoires. »

Ecoutons Ruth, 20 ans, en troisième année au collège Lustig de Ramat Gan. Elle a opté, contrairement à ses amies sortant des séminaires de Beit Yaakov qui sont enseignantes, pour un diplôme d’ingénieur en informatique. « Je veux pouvoir vivre de telle façon que mon futur mari puisse se consacrer à l’étude de la Thora. Ainsi nous pourrons vivre dignement sans peser sur nos parents. Etre enseignante est difficile et le salaire très bas. » Ruth fait partie de cette minorité parmi les femmes orthodoxes qui obtiennent des diplômes académiques dans des domaines non traditionnels et qui, travaillant dans la société de High tech, gagneront de bons salaires.

Pour finir, une anecdote : Il y a une semaine, je flânai à Méa Shéarim, et passant devant une école de filles, j’interrogeai une jeune fille qui se trouvait là : « Est-ce une école de Beit Yaakov ? »-« Non, me répondit-elle. C’est une école ultra-orthodoxe. On enseigne en yiddish. Dans les écoles de Beit Yaakov, on enseigne en hébreu et on apprend l’anglais ».-« Mais vous, vous parlez hébreu ! » ajoutai-je, croyant qu’elle était de cette école. –« Mais je ne suis pas de cette école », me rétorqua-t-elle. Ce petit fait montre qu’il y a d’autres écoles de filles ultra-orthodoxes qui ne relèvent pas du mouvement Beit Yaakov et, apprendre l’anglais est signe d’ouverture au monde.

 

Quant aux femmes orthodoxes qui travaillent en dehors de leur milieu traditionnel, on réalise le défi qu’elles doivent relever : construire un foyer de Thora, comme le définit Adina Bar-Shalom, et travailler d’une façon cachère et efficace tout en conservant la vie traditionnelle juive.

                                                                       Suzanne Millet

 

Un père spirituel

Une fois par semaine, la route de Tsfat (Safed) devient plus fréquentée car des couples affrontant des problèmes de fécondité, spécialement des ingénieurs hi-tech, des psychologues, des pilotes et des gens des professions libérales se dirigent vers la métropole spirituelle de Haute-Galilée où se développa autrefois le courant mystique connu sous le nom de Kabbale. C'est là que, dans une clinique très simple, les attend Eyal Politi, expert en médecine chinoise et hassid de la communauté de Bratslav. Il a examiné jusqu'à présent trois mille hommes et femmes qui restent persuadés que l'acupuncture, les herbes médicinales et surtout la personnalité effacée du praticien se sont souvent montrées bénéfiques, là où la thérapeutique habituelle s'était avérée impuissante.

"C'est un professionnel hors pair et pourtant dépourvu d'ego", reconnaît un informaticien incroyant qui, après avoir longtemps désespéré d'avoir jamais un enfant, est venu un jour avec sa femme consulter Politi. "On ne rencontre plus de gens comme lui à l'heure actuelle. II est pondéré et ne s'impose pas. Nonobstant le potentiel énorme de la médecine conventionnelle, on s'aperçoit que les méthodes simples peuvent aussi se montrer efficaces. Sans lui, nous ne serions pas dans I'attente de la venue prochaine d'un enfant." "Nous l'avons consulté malgré de sérieuses réserves et l'avons quitté vraiment séduits", rapporte R., une assistante sociale qui, à la suite d'une visite à sa clinique, a pu mettre un enfant au monde après plusieurs déceptions. Pour eux, il ne fait aucun doute que son aide fut déterminante.

"Sa compétence médicale, sa sérénité, son assurance et ses encouragements permettent d'obtenir des résultats inespérés. Le début de notre premier entretien me plongea dans un état de stupéfaction car tout en sachant qu'il était juif religieux, je ne me rendais pas compte à quel point il l'était. Frappés par sa simplicité, nous nous trouvions en présence d'un homme fascinant, sans prétention et trop modeste pour contester les mérites des médications traditionnelles. La paix de son regard exsudait une transparence qui ne manquait pas d'être communicative, comme quoi le plus proche prochain n'est pas toujours la porte à côté."

Au cours des échanges, Politi demanda à la femme si elle désirait vraiment un enfant. "Ce n'est pas un psychologue", dit-elle, "mais sans l'être, il m'a induit à sonder mes sentiments plus profondément. Après avoir longuement réfléchi, je lui ai répondu que mon intention était bien arrêtée, même si par certains côtés, j'avais encore quelques réticences." Par la suite, R. suivit chaque semaine le traitement d'acupuncture et de plantes médicinales prescrites par Politi. "A chaque visite, j'éprouvais une impression de dépassement et de confiance en moi car j'étais convaincue d'avoir enfin trouvé la solution de mon problème. Sans me toucher, il avait le don de se rendre proche et de réconforter." Finalement, R. mit au monde un troisième enfant dont la naissance fut annoncée en premier lieu au hassid de Tsfat.

M. est psychologue et son mari N. informaticien. Après avoir eu trois enfants, ils désiraient vainement en avoir un quatrième. "Toutes les indications que nous recevions de nos amis pointaient vers Tsfat et pourtant, nous n'arrivions pas à nous décider. Etant un homme rationnel et vraiment laïc, tout ce qui ressort du spiritisme m'est contraire, aussi n'arrivais-je pas à me faire à l'idée de monter vers le nord pour le consulter." La décision de s'y rendre fut finalement prise lorsqu'ils se rendirentcompte qu'il ne s'agissait pas d'un charlatan mais d'un expert en médecine chinoise, spécialisé dans les problèmes de fécondité. "On nous avait également prévenus", ajoute-t-il, "que l’on trouvait chez lui une convergence étonnante de valeurs spirituelles, de traitement parallèle et de professionnalisme."

"Arrivés à destination, nous avons pénétré dans une maison grouillante d'enfants. La bibliothèque de cette clinique attira aussitôt notre attention. On y trouvait des livres sur la Kabbale voisinant avec des ouvrages de médecine chinoise en anglais. Je m'attendais à voir entrer un rabbin quand soudain parut un homme efflanqué, à la quarantaine bien assumée. De façon surprenante, il émanait de sa personne une impression de limpidité dépourvue d'affectation. Sans parler d'aura, on sentait chez lui une énergie spirituelle à laquelle un incroyant comme moi ne pouvait rester indifférent." Politi commença par s'informer de certains détails susceptibles d'éclairer la situation et prit le pouls de M. en maintenant le regard fixe sur son mari.

"Il ne m'a pas échappé qu'entre deux questions, il s'arrêtait pour lever les yeux avec l'air de se concentrer comme pour entrer en communication avec quelqu'un", fait remarquer N. "Je constatais que son attention était assez pure pour ne pas causer d'ombre mais trouvais pourtant étrange qu'il n'observât point ma femme, préférant manifestement s'adresser à moi. A un moment donné, après avoir fait le tour des problèmes médicaux avec une maîtrise qui montrait à quel point il dominait la situation, il aborda, sans la regarder, un sujet crucial que personne n'avait touché auparavant et lui demanda : 'Avez-vous vraiment le désir d'être enceinte ?' "

Cette clarification toute simple tomba fort à propos car elle donna lieu à un échange inattendu. Il apparut soudain aux deux membres du couple qu'ils n'avaient jamais échangé là-dessus. Alors que N. voulait à tout prix tenir un autre bébé dans ses bras, M. ne l'avait en fait jamais vraiment souhaité. La conversation se prolongea et, de fil en aiguille, glissa vers des considérations sur le sens et la qualité de la vie. Alors que d'autres personnes attendaient à l'extérieur, Politi ne souffla mot. II réservait toute son attention au couple qu'il avait en face de lui. "C'est la seule fois", reconnaît N., "que j'ai eu l'impression de parler avec un être qui dépassait de cent coudées le laïc que j'étais, d'autant que je pressentais confusément le rapport que cet homme sans façon entretenait avec d'autres forces. Confronté à l'exemple irrésistible d'une moralité supérieure, je ne tardai pas à le tenir en haute estime, tant il est vrai que certaines affinités peuvent unir en secret ceux que tout sépare en apparence."

Comme la consultation touchait à sa fin, le diagnostic se résuma en trois mots : "pas de problèmes". "Vous n'avez besoin de rien de particulier", dit le hassid, "ça ira bien, tout vient du Saint, béni soit-Il." Au moment d'en prendre congé après une heure d'entretien, le mari le remercia tout en étant surpris de la simplicité du verdict. Mais, "juste avant d'ouvrir la porte", précise-t-il, "ma femme se tourna vers Politi pour lui demander de prescrire tout de même 'un adjuvant qui puisse faciliter les choses.' Le clinicien se tourna alors vers moi pour me dire : 'Oh ! c'est ce que j'attendais. On peut constater maintenant la présence de la disposition voulue.' "

Agé de quarante trois ans, Eyal n'a pas toujours été un craignant Dieu, versé en gynécologie. Né dans une famille non pratiquante, il s'est intéressé au Zen bouddhique durant son service militaire. En 1983, bien avant la mode de la médecine parallèle en Israël, il se rendit à Londres pour s'initier à la médecine chinoise. Pendant quatre ans, il se livra à l'étude de l'acupuncture et des plantes médicinales et dès son retour fut embauché dans une clinique de Tel-Aviv où il commença à se spécialiser dans le domaine de la fécondité.

Alors qu'il était déjà bouddhiste convaincu, marié et père de deux enfants, il découvrit le recueil des récits de Rabbi Nahman de Bratslav. "Pendant des années", dit-il, "j'avais pratiqué la méditation et approfondi le Zen et lorsque je suis tombé sur ce livre, je me suis dit: 'Voici un juif qui parle comme un bouddhiste.' " Poursuivant sa lecture il décida, au bout de trois mois, d'embrasser le Judaïsme. Mais, à la différence des convertis qui préfèrent généralement se joindre à une Yeshiva, Politi décida de continuer dans sa branche et, au bout d'un certain temps, ouvrit même une clinique de médecine parallèle à l'hôpital Bikour Holim de Jérusalem où il commença à se faire connaître. Le couple eut par la suite sept autres enfants qui reçoivent une éducation juive de stricte observance et suivent, selon un usage assez répandu dans ces milieux, leurs cours de religion en Yiddish. Dans leur maison de Tsfat, dépourvue de télévision et de radio, on ne lit pas de journaux car, en restant du côté du temps qui passe, les medias restent rivés à l'urgence, tandis qu'en préférant le temps qui dure, le contemplatif se contente de penser à l'essentiel.

Le père de famille mène une vie vraiment ascétique. Il se lève chaque jour à l'heure du Tikkoun Hatsot, autrement dit, de la "liturgie de minuit" ou les juifs observants récitent des prières et des lamentations qui furent composées par les kabbalistes du 16eme siècle, à Tsfat précisément. Il se rend alors avec un groupe de trois à six hommes dans une cabane située dans un endroit perdu de la forêt voisine. Là, ils s'adonnent à l'étude en commun, "à la prière qui vient du coeur et non des livres car le coeur est tout naturellement porté à s'ouvrir au sein de la nature" et passent aussi de longs moments de recueillement où chacun reste isolé dans son coin. Chaque heure du jour et de la nuit est ainsi consacrée à la méditation et à la prière jusqu'au moment du retour à la maison aux environs de six heures.

Rentré chez lui, le hassid retrouve pendant deux heures l'ambiance familiale avec sa femme et ses enfants avant de se retirer vers huit heures pour prendre du repos. Levé à minuit, il recommence à suivre le même emploi du temps auquel il est reste fidèle depuis dix ans, tout en passant les fins de semaine à la maison. " Ce n'est pas simple de vivre ainsi", reconnaît-il. "Même parmi les hassids de Bratslav, bien peu optent pour ce genre de vie, mais c'est celui que personnellement j'ai choisi." Ce programme religieux n'est interrompu que par les heures d'ouverture de la clinique. Une fois par semaine, il reçoit une dizaine de couples désireux de surmonter les troubles dont le traitement est devenu sa spécialité. "Je vois venir des femmes qui, après avoir tout essayé, se trouvent désemparées. Il est difficile à une juive de se réconcilier avec l'idée de ne pas être mère, aussi, une femme qui ne peut satisfaire son désir d'avoir des enfants souffre-t-elle beaucoup."

Pour une consultation d'une demi-heure environ, Politi demande et reçoit quelques centaines de sheqels et cette première rencontre est aussi bien souvent la dernière. En cas de besoin, le suivi médical se fait par téléphone. Au cours d'une visite, Politi se met au fait des malaises organiques et psychiques qui se présentent, avant de prendre le pouls de la patiente. Comme cela requiert un contact physique, il préfère tâter le pouls de la personne en fermant les yeux. "Pendant 1'examen", fait-il remarquer, "je regarde le mari ou les rayons de la bibliothèque au point de pouvoir ignorer l'apparence même de la femme venue me consulter." A le voir, on penserait que dans certaines vies, les chemins sont pavés de détails.

A la question de savoir s'il a reçu une autorisation du rabbinat pour soigner des femmes, il répond tout de go : "Absolument pas. Contribuer à la guérison d'un être est un devoir sublime, à fortiori quand il s'agit de favoriser la naissance d'un enfant, aussi n'ai-je jamais ressenti le besoin de solliciter la permission de qui que ce soit." Il estime que parmi ses patients, quatre-vingt pour cent ne sont pas pratiquants. Plus de la moitié d'entre eux ont un job hi-tech, une proportion que Politi n'arrive pas à s'expliquer, si ce n'est que son nom circule dans certains milieux. Constatant que les arabes ne recourent pas à ses services, il reconnaît: "Seuls les juifs viennent à moi sans que je sache pourquoi." Ses voisines l’évitent tout autant, aussi, ajoute-t-il avec un sourire : "Les patients d'Amérique sont plus nombreux que ceux de Tsfat, tant il est vrai que nul n'est prophète en son pays."

"Etant donné," dit-il, "que je ne suis pas psychologue, je m'abstiens de recourir à une terminologie relevant de ce domaine, mais la méthode suivie pour le traitement, tant dans 1'optique de la philosophie chinoise que du judaïsme est toujours holistique. En tout ce qui a trait à la fécondité, la disposition intérieure et la qualité des rapports entre conjoints sont des données importantes qui peuvent finalement influer sur la nature de l’issue. Aujourd'hui, après avoir approfondi la tradition juive non moins que la médecine chinoise, l'assurance acquise à la suite d'une longue expérience me donne d'évaluer rapidement la personnalité de chacun des conjoints selon les critères chinois : feu, esprit, eau, air. Une analyse basée sur ces facteurs me permet de voir de l’intérieur les gens concernés et de résoudre les problèmes susceptibles de mener à une impasse."

Si on lui demande pourquoi réussit-il, là où d'autres échouent, il répond en toute simplicité : "Je n'en sais rien et ce n'est du reste pas important. Il me semble qu'en sus du traitement, les gens me quittent avec une lueur d'espérance. J'accueille ici beaucoup de patients au coeur brisé, qui, dépourvus de confiance en eux-mêmes en arrivent à nourrir des rancunes contre un corps défaillant. Comme une ombre soucieuse de garder ses distances, je contribue peut-être à encourager la personne, à fortifier l’âme et à aider le corps à réagir pour se guérir lui-même, car tout ce qui concerne 1'humain doit être placé sous le signe du consentement."

En ce qui concerne la poursuite des rapports avec les patients, il préfère s'en abstenir. "Souvent les gens m’appellent pour me faire part d'une naissance et j'en profite pour me réjouir avec eux mais sans établir de statistiques. Pourquoi le ferais-je ? Je poursuis mon travail dans un esprit de foi et ne perds jamais de vue qu'il s'agit là d'une mission. Nos sages nous rappellent que le médecin spécialiste bénéficie de l’aide de forces spirituelles qui, dans le langage de notre communauté hassidique, correspondent aux anges. Vu que les liens unissant la foi et la science peuvent être autrement forts que ce qui semble les opposer, vous pouvez éventuellement devenir un envoyé capable de transmettre certains bienfaits. Pour ma part, je m'en tiens à ce rôle d'intermédiaire, porteur de bonnes nouvelles. J'exerce tout simplement mon métier sans oublier qu'une force supérieure à moi décide de l’issue de chaque situation."

Extraits d’un article de  Tali Harouti Sover, Yediot Aharonot. 26.05.06. Trad. I.C.

Une femme dans les coulisses de l’Etat

 

Nous avons parlé des interviews de Yaakov Agmon, à la radio de l’armée, le samedi matin à 9.00. Chaque fois c’est une personne intéressante, et une tranche de vie, une masse de souvenirs, une page d’histoire. Notre équipe ne peut pas tout garder, tout transcrire. Mais voici de nouveau un témoignage émouvant, d’une personne qui impressionne ceux qui la rencontrent. Ancienne secrétaire de cinq premiers ministres d’Israël, Marit Danone a « retrouvé sa liberté » et est maintenant directrice du “bureau pour la promotion du statut de la femme” dans le cadre du secrétariat du Premier Ministre.

Elle répond d’une voix douce, modeste, et ce qu’elle raconte confirme que telle est bien sa personnalité. Voici le condensé de l’interview.

Y.A.  Marit Danone, tu es directrice du bureau pour la promotion de la femme, ancienne secrétaire des cinq anciens Premiers Ministres,… et tu es restée en vie?

M.D.  Euh, tout juste [ils rient], oui, à peine.

Y.A.   Commençons par définir ton rôle actuel.

M.D. C’est une institution qui opère dans le cadre du secrétariat du Premier Ministre. Jusqu’en 1998, il avait une conseillère sur ce sujet, mais comprenant que c’était un travail à branches diverses, cette année-là on a élargi l’institution qui a son statut légal. Son rôle est de faire le lien entre le Premier Ministre, les municipalités et les différents organismes qui s’occupent du statut de la femme dans ce pays.

Y.A.  Et quelqu’un t’écoute?

M.D.  Absolument! Par exemple cette année on a alloué de grands crédits à nos projets, et en 2008 cela entrera officiellement dans le cadre du budget national, pour l’aide aux femmes victimes de violence sexuelle, et aussi – j’appelle cela une décision historique – pour sortir les femmes du cercle de la prostitution. Pour la première fois, le gouvernement a compris le besoin de s’occuper de cette population que j’appelle la “population transparente (invisible), muette”. Jusqu’à maintenant l’aide était donnée à titre de recyclage, ou lutte contre la drogue. Maintenant c’est tout un programme, à long terme. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Y.A. Il y a une formule qui appelle cela “le métier le plus ancien au monde”. Alors à quoi pensez-vous, avec la meilleure volonté?

M.D. La prostitution n’est pas un métier. Celles qui le pratiquent ont souvent été victimes dans l’enfance d’abus sexuels, ont vécu dans des familles démolies. Je m’oppose à ce terme “métier”. On ne choisit pas de vivre dans la prostitution comme une profession. Et je ne peux pas dire “une prostituée”, je dis “une femme du cercle de la prostitution”.

Y.A. Est-ce que tu ne te fais pas illusion, après tant d’années où l’on traite ce problème… c’est impossible de le supprimer.

M.D. Je ne vis pas dans le rêve, c’est un long processus. Par l’éducation, par des mesures, on peut limiter ce phénomène. Quand des jeunes organisent des soirées avec une jeune danseuse qui s’exhibe, que se passe-t-il en elle, que lui en reste-t-il? Si on traite ce problème, si on conscientise, il y aura peut-être moins de clients.

Y.A. Tu peux donner des chiffres dans ce domaine de la prostitution? Combien en Israël…

M.D.  Il n’y a pas de statistiques, sauf ce que détient la police. Il y a des tas de rencontres de ce genre dans des appartements privés. On peut dire un million de visiteurs par mois. J’ai eu une expérience très pénible il y a un mois. Dans le cadre de mon travail je me suis invitée pour accompagner l’équipe d’un dispensaire mobile, dont les membres font des incursions dans les centres de prostitution à Tel Aviv. J’ai passé une soirée de 4 heures avec eux. Et s’il y a des moments dans la vie où tu étais telle personne avant, et tu en sors autre, c’est le cas. Tu découvres ce qui se passe chez une femme qui en perd son humanité, sa féminité. L’équipe installait une table, avec des sandwiches et de l’eau, distribuait des contraceptifs, faisait des examens médicaux. J’étais assise près du docteur, il y avait des cas de Sida, de jaunisse. Je suis fille de parents rescapés de la Shoa. Ce soir-là à Tel Aviv je me suis rappelée le jugement d’Eichmann, j’avais dix ans. Un des témoins principaux (Katzetnik) qui a dit : “Auschwitz, c’était une autre planète, avec des gens autres, des règles de conduite autres.” C’est ce que j’ai ressenti ce soir-là. Nous vivons à Tel Aviv et nous ignorons que à deux minutes de chez nous vivent des gens d’une autre planète. Je ne voudrais pas que nous perdions la compassion. Même si la partie nous semble perdue d’avance. Si nous sauvons ne serait-ce qu’une femme, une jeune fille, qui se rétablit et retrouve un travail et peut se faire une vie normale, nous aurons fait beaucoup.

Y.A. Y a-t-il plus de prostitution ici que dans d’autres pays? Avec l’importation de prostituées qui fleurit…

M.D. Non, je ne pense pas, on n’a pas de chiffres pour comparer, et je n’aime pas ce terme “importation de prostituées”. Il y a trafic de femmes, [entre autre des pays de l’Est, et elles pensent souvent qu’on va leur trouver du travail, sans savoir lequel. N.d.l.r.] mais on combat la chose, et c’est en baisse. Mais la demande reste la même, et c’est sur place qu’on trouve la réponse. Si certaines veulent en sortir et que nous leur tendons la main, c’est heureux. Mais sans illusion.

Y.A.  C’est comme si on parlait de supprimer les accidents de la route. Alors votre espoir?

M.D. Le projet en est à ses débuts. On met les choses en place, et dans un an on tirera les conclusions.

Y.A.  Dans quelles couches de la population y a-t-il prostitution?

M.D.  Dans toutes les couches de la société; de même pour les femmes battues, contrairement à ce qu’on croyait. Bien sûr celles qui ont souffert dans leur enfance sont des proies faciles pour ce cercle de la prostitution. Mais on ne peut attribuer cela à une couche déterminée. Dans ce cadre je signale que demain 25 novembre, on organise dans le monde la journée de la “lutte contre la violence envers la femme”.  Chaque année on choisit un aspect du sujet, car il est très varié. Cette année c’est l’abus sexuel, et nous avons fait un sondage d’opinion pour voir combien les gens sont conscients du problème. Beaucoup pensent que la violence sexuelle se passe surtout la nuit. Nos mères nous disaient : “Ne sors pas la nuit!”  En fait c’est à toute heure du jour, et dans notre quartier, et dans le cadre familial. Le public voit dans l’agresseur un détraqué, un déséquilibré, et ce n’est pas le cas. Ce qui m’a effrayé, c’est de voir qu’un cinquième de la population pense que c’est la femme elle-même qui s’attire les ennuis, par sa conduite, sa façon de s’habiller. “Si elle s’habille comme ça, je peux me permettre…”

Y.A. D’où vient cette violence, alors qu’aujourd’hui c’est plus libre, on peut avoir ce qu’on veut sans violence?

M.D. Ce n’est pas d’abord un besoin sexuel, c’est le besoin de montrer qu’on est fort, qu’on est le maître. Cela perpétue l’inégalité, les femmes apparaissent comme faibles, incapables de réagir. Rapports entre le père et la fille, ou le grand frère. On n’ose pas résister. 

Y.A. Est-ce différent dans le monde juif religieux, ou la société arabe?

M.D. Je pense que non. C’est partout pareil.

Y.A.  Y a-t-il collaboration avec la police, avec les autorités, contre cela?

M.D.  Oui… c’est connu. Mais pour la société c’est un délit dont on ne parle pas, c’est comme un complot du silence. Souvent le fait de porter plainte marque la fille comme “celle qui…”, elle ne peut plus se marier comme elle voudrait. Et ce n’est pas tout le monde qui a le courage de faire la démarche : on ne te croit pas. Et puis il en découle une mise à l’écart… “Comment as-tu pu aller dénoncer ton père?”

Y.A.  Tu as parlé de tes parents rescapés… quelle est votre histoire?

M.D.  Je suis née quatre ans après la Shoa. J’ai tellement intériorisé ce fait que j’ai souvent l’impression que je suis née quelque part dans un ghetto pendant la guerre. Mes parents sont nés dans la ville de Częstochówa, ville sainte pour les Chrétiens. Ils étaient dans le ghetto jusqu’en 1942, année où on a envoyé les Juifs à Treblinka. Ils ont réussi à avoir de faux papiers. Changement de noms. Mon père a dû faire une opération pour camoufler sa circoncision. Ils ont fuit en Allemagne, travaillé dans une usine et une ferme. Jusqu’en 1945, sous la menace. Chez nous, contrairement à d’autres, on parlait de tout ouvertement. Mon père me racontait ce qu’était leur peur quotidienne. Ma mère allait à l’église le dimanche, et pleurait. Mon père et moi avions le type arien, ma mère avait un type bien juif. Cela me poursuit : me promenant dans les rues de Varsovie, je me demande “Ai-je l’air assez polonaise au point qu’en 1942 on ne m’aurait pas arrêtée?” En 1945 ils sont revenus à leur ville d’origine, faisant le bilan de ce qui reste, de ceux qui restent. Puis ils sont venus en Israël en 1951. Mais les événements de la Shoa les ont poursuivis jusqu’à leur dernier jour.

Y.A.  Et toi?

M.D.  Je suis née en 1949 et suis arrivée ici à l’âge d’un an et demi. En fait c’est une histoire dont on ne guérit jamais, ni les parents, ni même les enfants.

Y.A.  Vous parliez librement de tout cela?

M.D.  Absolument. J’avais une obsession de lire à ce sujet, de retourner en Pologne, retrouver leur maison dans le ghetto.

Y.A.  Vous n’aviez rien emporté de vos biens?

M.D.  Rien, il y a une blessure que l’argent ne guérit pas. […] Et je ne peux aller en Allemagne. Une fois j’aurais dû y accompagner Ariel Sharon lors d’un voyage, et je lui ai dit : “Je ne peux pas”. Mais finalement le voyage a été annulé.

Y.A.  Quelle est ta conclusion, la morale de l’histoire, de toute cette période?

M.D.  S’il y avait eu ici un État, cela ne serait pas arrivé… non,… pas arrivé. Nous étions un peuple sans nul soutien. Tu sais, une fois j’ai accompagné le ministre Sharanski en Pologne où il y avait des inondations. Israël a proposé une aide humanitaire à la Pologne. Le ministre m’a dit : “Téléphone au bureau du Premier Ministre et lis lui la liste de ce qu’ils demandent (bottes, pompes…).” Je me suis dit : Marit, c’est sur toi que tombe cette “chance” d’aider la Pologne, alors que quand ma grand-mère est partie toute seule pour Treblinka, personne ne pensait alors à une aide humanitaire. Cela a été pour moi un moment très, très dur. Mais j’ai surmonté et j’ai fait ce qu’il fallait.

Y.A.  Tu as changé de nom?

M.D.  J’étais Maria-Lucina. Une sorte d’enveloppe de protection que mes parents m’ont donnée. Quand nous sommes arrivés en Israël, une amie leur a proposé de changer Maria en Miriam ou en Marit. Ils ont choisi Marit. Ce mot peut signifier “truelle”, ou un nom de fleur, ou “tu t’es révolté”. Bon, je pense que finalement on a opté pour la fleur. [ils rient].

Y.A.  Comment es-tu arrivée à ce poste de secrétaire du Premier Ministre?

M.D.  Cette période de 15 ans de ma vie, oui, c’est arrivé tout-à-fait par hasard. [après différentes fonctions] j’ai été appelée au bureau du Premier Ministre Shamir. En fait ce fut la période d’une “autre vie” totalement prise, sans un moment de vie personnelle. […] Etre constamment sur les gardes, car toute petite erreur a des conséquences énormes. Mais j’ai l’impression d’avoir eu cette chance de vivre comme dans un livre d’Histoire, de le feuilleter, en rencontrant des gens de toute sorte.

Y.A.  Arik (Sharon) a dit : “Ce qu’on voit de là-bas, on ne le voit pas d’ici”, que lui est-il arrivé que soudain il a commencé à déclamer des propos plutôt de la gauche? Qu’est-ce qui a changé chez lui?

M.D.  Je ne peux pas l’appeler Arik, j’ai toujours dit Mr le Premier Ministre, pleine de respect pour lui. Je ne l’avais pas connu avant, je ne peux parler de ce changement. Je ne l’aimais pas, j’avais même de la répulsion. Mais il y avait le poids de la responsabilité, le sort du pays, du peuple qui est sous ta protection, défense de se tromper, et tu es seul, très seul. Et je pense qu’un jour il a compris qu’on ne peut dominer sans fin une population nombreuse, et de voir tant de soldats tués – c’était une période très dure, d’attentats – c’est tout un long processus qu’il a vécu, quelque chose de très profond. On croit parfois qu’il est passé soudain de Mr Occupation à Mr Désengagement. Je me rappelle une phrase qu’il m’a dite un jour, et qui me semble refléter ce qu’il a vécu. C’était cinq jours avant la sortie de la bande de Gaza. Il m’a dit : “Marit, j’ai fait un rêve affreux. Je glissais le long d’une corde dans un puits, et la corde s’est cassée…” J’ai très bien compris ce que cela signifiait. Une peur terrible. Après tout bien pesé, tu dois décider, bien sûr tu es courageux, mais toute cette responsabilité! c’est affreux.

Y.A.  J’ai vu un film documentaire sur un séminaire à propos de tout ce qu’il a donné, tu avais les larmes aux yeux, puis le débat s’est déroulé, normalement. Qu’as-tu ressenti lors du film?

M.D.  J’ai senti l’envie de courir à l’hôpital et le serrer dans mes bras. On n’a pas eu le temps de prendre congé. On n’a pas pu lui dire combien on l’aimait. Les gens ont commencé à comprendre que ce n’était pas l’homme rude et brutal qu’on imaginait. […] Et son hospitalisation subite m’a fait revivre la mort de Rabin.

Y.A.  Il y a eu des attaques contre vous, des messages violents?

M.D.  Du temps de Rabin? Oui, nous étions encore dans une période de naïveté, je dirais, quelques mois avant l’assassinat, on recevait des coups de téléphones terribles, des insultes affreuses, des enveloppes pleines de saletés. […] Et les manifestations violentes un mois avant, les photos de Rabin en officier de Gestapo, […] nous ne comprenions pas… Dix ans plus tard, j’étais assise sur la même chaise [au bureau], c’était juste avant le désengagement [de Gaza] et je me disais : Tu vois le même film une deuxième fois. De nouveau des lettres de menaces etc… Non, on n’a pas fait l’examen de conscience, rien n’a changé, c’est la même société.

Y.A. Tu penses que cela peut arriver encore une fois.

M.D. Je ne pense pas. Le Premier Ministre est escorté de gardes… mais de nouveau, avant Annapolis, les menaces, les affiches caricaturales dans les rues.  Il faudrait éduquer, il faudrait une poigne plus forte des tribunaux envers ceux qui incitent à la haine et à la violence.

Y.A.  Rabin, Sharon, ils avaient peur parfois, ils étaient préoccupés?

M.A.  Ces gens ont vécu de telles choses, ils ont vu la mort de près,… Ariel Sharon, dans les moments les plus tendus, avait une phrase qui m’amusait toujours : “Marit, je suis inquiet… de ce que je ne suis pas inquiet!”  Je ne me rappelle chez lui ni crainte, ni nervosité.

Y.A.  Rabin avait de l’humour?

M.A.  Non. Il était timide, réservé. Celui qui en avait, c’est Sharon, et comment! un humour spécial, épicé. Pendant mes années dans ce bureau je n’ai jamais autant ri. Et il avait un hébreu remarquable. Il pouvait sortir une phrase littéraire du genre : “Ton âme ne soupire-t-elle pas après un bon sandwich?”

Y.A.  Comment as-tu changé? Commencer à travailler avec quelqu’un que tu ne supportes pas, et finalement l’aimer!

M.D.  Quand Sharon a gagné les élections, je me suis dit : Je dois savoir qui c’est. J’ai lu une biographie plutôt critique, sur ses opérations militaires, et je dois avouer que mes idées politiques étaient à l’opposé des siennes. Barak était au dernier mois de ses fonctions; je suis entrée pour lui faire signer une lettre et j’ai dit : “C’est décidé, je refuse de travailler avec cet homme!” Mais Barak a tapé sur la table et élevé la voix – ce fut la seule fois –  en disant : “Tu ne bouges pas d’ici, écoute bien : ce n’est pas l’homme que tu crois, tu verras que c’est un autre homme!” Bon, je lui fais confiance, je donne une chance. J’ai découvert que Sharon était quelqu’un qui regarde chaque homme à son niveau. Des conversations très personnelles, de l’intérêt pour chacun. Il y avait au buffet-restaurant  une femme qui servait le thé. Un jour Sharon me dit : “Aujourd’hui, j’ai vu cette femme, elle a des yeux tristes, va la voir et tire au clair ce qu’elle a, elle a des problèmes.” Ou les familles endeuillées qui venaient le voir, elles arrivent écrasées de leur deuil et elles en ressortent transformées. C’est le travail d’un psychologue!  J’ai un jour compris que j’avais été injuste. Je suis allée lui dire : “Je dois t’avouer quelque chose…” “Bon, dis-moi,,,” “Je veux te demander pardon, car en fait j’avais des pensées affreuses à ton égard, et je vois que je me suis trompée.”

Y.A.  Tu lui as raconté les paroles de Barak?

M.D.  Bien sûr, du reste il est allé vérifier la chose chez Barak, et il lui a dit : “Je te remercie de l’avoir encouragée à rester.” […]

Y.A.  Et Pérès?

M.D.  Je n’ai passé que quelques mois avec lui, mais quel homme intelligent, cultivé, jusqu’à aujourd’hui nous échangeons les livres intéressants. J’ai beaucoup aimé travailler avec lui.

Y.A.  Tu ne regrettes pas la place que tu as quittée? Savoir tant de choses, savoir plus que tout le monde…

M.D.  Je ne regrette pas l’endroit, j’ai la nostalgie des hommes. Je suis maintenant dans un endroit qui m’a ouvert des horizons. J’aime apprendre, et ce domaine du statut de la femme est très vaste. Avec le côté pénible que cela comporte : on y rencontre une telle souffrance à laquelle je n’étais pas préparée, car entre les frais couloirs d’un bureau gouvernemental et le centre pour les femmes enfermées dans le cercle de la prostitution il y a une distance énorme.

                                                                                Yohanan Elihaï

Flashes d’espoir : l’écologie, facteur de paix

Un même sol

Les Lignes vertes, les barrières de sécurité, les frontières semblent diviser la terre. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que le sol, d’un côté comme de l’autre, est un même sol, un même terreau, avec une même végétation, une même faune, un même climat, un même air pur…..Peut-être ce sol se rit-il des divisions de ses habitants ! Mais qui l’écoute, qui le regarde et le protège ? Les écologistes ? Les amoureux de la nature ? Et la nature peut-elle être en soi facteur de paix ?

FoEME (Friends  of the Earth Middle East), les Amis de la terre du Moyen Orient.

Le 7 décembre 1994, des écologistes, spécialistes de l’environnement, Jordaniens, Palestiniens et Israéliens fondent l’association FoEME, sous le nom de « EcoPeace ». Réunis à Taba (Egypte), ils définissent ainsi les deux buts de l’association : améliorer les conditions écologiques et promouvoir la paix entre les diverses populations de cette région. C’était la première fois que des écologistes du Moyen Orient décidaient de collaborer dans un projet de développement et de protection de l’environnement, sans être limités par la réalité politique des frontières. La FoEME a ses bureaux à Amman, à Bethléem et à Tel-Aviv.

Les Israéliens, Palestiniens et Jordaniens membres de EcoPeace se rencontrent régulièrement pour étudier le terrain d’une région ou d’une autre, ses ressources d’eau en particulier. Témoins des réalités locales souvent dramatiques, ils continuent à œuvrer pour que EcoPeace, en collaboration avec d’autres organismes, soit un facteur de rencontre entre les deux peuples. En 1998, EcoPeace s’affilie à l’Organisation Ecologique Internationale.

Dans les Monts de Judée

A 20 minutes au sud-ouest de Jérusalem, un peu caché dans les collines, un petit village agricole d’une dizaine de familles est devenu, en 15 ans, une localité de 4 200 habitants : Tsour Hadassa. Sa population est en grande majorité urbaine, ayant quitté la ville pour s’installer au « grand air » tout en continuant à travailler à Jérusalem et à Tel Aviv. « Je suis guide, donc la nature m’est familière » explique Schwied, un Jérusalémite installé ici depuis huit ans. « Mais la majorité des résidents ne prête guère attention au sol, aux possibilités que lui offre la nature. » Il faut dire que la réalité n’est pas si paradisiaque. Emprunter la piste de randonnées, autrefois sentier de chèvre, serpentant sur le versant de la colline, avec une vue imprenable sur la vallée, c’est être très vite arrêté par la barrière de sécurité installée sur la Ligne verte, à 500 mètres de Tsour Hadassa. C’est découvrir alors un autre sentier de l’autre côté, partant du village arabe de Wadi Fukin, sentier qui serpente autour de onze sources naturelles utilisées par les agriculteurs du village pour l’irrigation de leurs terres au moyen d’un système de canalisation et de bassins mis en place depuis des centaines d’années. Ressources étonnantes pour un village de 1200 habitants. L’école du village, avec l’aide de FoEME, a également construit dans cette région un jardin écologique permettant de conserver l’eau.

Le village de Wadi Fukin est donc renommé pour sa tradition agricole millénaire et ses terrasses cultivées dans toute cette vallée. De quoi intéresser les écologistes internationaux !

Les problèmes

Du côté de Tsour Hadassa, le patrimoine naturel et écologique risque de bientôt disparaître si les projets de constructions de nouveaux quartiers, en « cassant » la terre et brisant l’équilibre écologique se réalisent.

Du côté de Wadi Fukin, le danger est ailleurs. Une implantation israélienne composée de Juifs orthodoxes, Beitar Illit, s’est établie en 1990 sur la colline orientale dominant le village. Actuellement, avec une population de 37000 habitants qui ne cesse de croître, elle envahit. Son expansion a déjà réduit la superficie agricole de Wadi Fukin de deux tiers, 400 hectares à la place de 1200.

« A cela s’ajoute le problème des égouts de Beitar Illit qui s’écoulent dans les champs, les rendant inutilisables à l’agriculture » explique Abu Mazen, l’un des paysans du village. Sans compter les tas de décombres, de décharges jetés dans le Wadi et la barrière autour de l’implantation empêchant, dans certains cas, l’accès aux sources.

EcoTourisme

EcoPeace vient de lancer un nouveau projet touristique pour conserver, envers et contre tout, de l’espace vital autour de ces deux localités et promouvoir un programme éducatif et économique commun entre Tsour Hadassa et Wadi Fukin. En décembre 2007, deux randonnées furent organisées sur les sentiers serpentant entre ces deux communautés. «  En effet, faire du tourisme pédestre ou à bicyclette, rien de plus écologique : cela permet aussi à la population de Tsour Hadassa, de plus en plus nombreuse, de réaliser que le tourisme nécessite de l’espace vert ! et qu’il faut en garder » explique Ehud Uziel, coordinateur de EcoPeace. « En créant un circuit touristique sur le terrain, des deux côtés de la Ligne verte, nous espérons établir un état de fait limitant les dégâts. Le tourisme, s’il veut s’étendre, a besoin d’espace. Créer ensemble, avec les deux communautés, des sentiers de voisinage permettra peut-être à Wadi Fukin de conserver ses sources. »  

Et le directeur jordanien de FoEME, Munqueth Meyhar d’affirmer : « Cette coopération entre Israël, la Jordanie et l’Autorité palestinienne pour arracher la nature aux envahisseurs de tous genres et créer des sentiers de voisinage….voilà le vrai Annapolis. »

Bien sûr, pour le moment, les Palestiniens, pour des raisons politiques, ne peuvent se promener sur les sentiers israéliens. « Il est plus facile pour des randonneurs étrangers de se promener sur nos sentiers ! Mais nous espérons qu’un jour nos deux sentiers parallèles se rejoindront » conclut Uziel. 

                                                                  Antoinette Brémond

 

Aménagement du territoire et droits de l’homme

En Israël, pendant que d’un côté s’accroissent le progrès, le développement et la prospérité, d’un autre côté se développent aussi la discrimination, la négligence, et la pauvreté.

Ces écarts se retrouvent dans l’aménagement du territoire. Ces problèmes existent partout, mais en Israël, ils sont aggravés car s’y mêlent les conflits entre Arabes et Juifs.

Des professionnels, architectes et concepteurs d’aménagement du territoire ont  décidé en 1999 de fonder une association sans but lucratif nommée BIMKOM (sigle signifiant « aménagement du territoire et droits de l’homme »). Son but est d’aider soit des communautés minoritaires (par exemple les Bédouins du Néguev), soit des quartiers défavorisés en grande ville. En effet, il existe des lois protégeant tous les citoyens et garantissant égalité et justice sociale, mais elles sont peu respectées. Bien souvent l’Etat, les régions ou les villes organisent leurs projets en fonction de leurs propres conceptions globales ou sous la pression de groupes d’intérêts. Bimkom intervient dès qu’il y a non respect des droits de l’homme dans les projets d’aménagement car le groupe social ainsi lésé est souvent pauvre, sans voix, sans puissance ou sans capacité professionnelle pouvant réagir avec efficacité.

Bimkom a débuté avec 7 bénévoles, juifs et arabes (architectes et juristes). Aujourd’hui, on compte en outre 12 salariés à plein temps. Le financement provient de fondations israéliennes ou étrangères et de donations privées. L’association est israélienne et opère en Israël en incluant Jérusalem-Est.

Bimkom intervient à trois niveaux :

1)    professionnel

En partenariat avec des communautés minoritaires ou des quartiers défavorisés  qui se voient menacés soit par des projets officiels soit par l’absence de soutien de la part de l’administration, Bimkom offre gratuitement son expertise en élaborant des projets ou des contre-projets et en déterminant le type d’interventions utiles auprès des instances publiques

2)    pédagogique

Souvent ces groupes sociaux ne sont pas conscients qu’un projet d’aménagement les menace (suppression d’espaces verts, nuisances…). Bimkom intervient pour les en informer et les avertir des moyens légaux pour se défendre.  

3)    politique et juridique

Si l’administration résiste à des contre-propositions plus conformes aux droits de l’homme et à la loi, Bimkom intervient par les médias en coopération avec des ONG et peut suggérer des actions en justice.

Exemples

A Jaffa, la municipalité de Tel Aviv souhaite changer le profil des quartiers. Les « riches » reprennent le centre de la vieille ville et les pauvres en sont exclus. Mais où vont-ils ? Le problème se complique car à Jaffa les pauvres sont le plus souvent les Arabes. Une action est en cours.

A Jérusalem-Ouest, le quartier juif de Katamon est très pauvre et n’avait pas la capacité de se défendre contre des constructions d’immeubles dans le seul espace vert subsistant. Bimkom a obtenu l’annulation du projet.

A Jérusalem-Est, le quartier arabe de ‘Issawyeh’ connaît une forte croissance démographique mais la municipalité restreint les permis de construire. D’où beaucoup de constructions illégales quoique justifiées. Bimkom obtient peu à peu la légalisation de ces immeubles avec, pour conséquence, la création d’équipements publics (écoles, dispensaires, poste de police…)

Dans le Néguev, les Bédouins (qui ne se veulent ni palestiniens ni égyptiens) sont contraints de se sédentariser, surtout pour des raisons économiques. Certains villages sont reconnus mais d’autres non, ce qui les prive d’infrastructures élémentaires (eau courante, égouts, électricité,…). (Voir Un écho d’Israël n° 37) Là encore Bimkom travaille à leur légalisation.

Ces projets sont superbes, mais  « pour travailler dans cette association, il faut vraiment y croire », dit Haïm Yacobi, son fondateur. 

Site : www.bimkom.org   

                                                                       Agnès Staes

 

Au fil des mois…

En Israël 50 % des avortements sont illégaux (4 décembre 07)

Les femmes qui désirent avorter doivent, selon la loi, se présenter devant une commission médicale qui donnera l’autorisation de le faire selon ces trois critères fixés par la loi : grossesse suite à un viol - risque de malformation de l’enfant - grossesse mettant en danger la vie de la mère. Les femmes qui se tournent vers cette commission doivent la plupart du temps mentir pour rester dans les normes légales. Celles qui refusent de se présenter devant cette commission doivent consulter des médecins privés qui pratiquent l’avortement non légal.

D’après les données officielles, il se fait 20 000 avortements légaux par an. Mais, d’après d’autres estimations, il y a toute une entreprise d’avortements illégaux. On parle de 10 à 20 mille avortements qu’effectuent chaque année des docteurs dans des cliniques privées.

La plupart du temps, les femmes interrompent la grossesse pour des raisons économiques ou des problèmes de famille. Une enquête particulière a été faite ces derniers jours par l’institut de « Géo-cartographie » pour « Nouvelle Famille », une organisation qui travaille pour l’avancement des droits de la cellule familiale en Israël. Cette enquête montre qu’il est possible que ces avortements non légaux soient beaucoup plus nombreux.

D’après une enquête faite auprès de 500 familles, 67 % des femmes qui ont avorté, l’ont fait en privé et illégalement. Toujours d’après cette enquête, c’est à Haïfa et dans le nord qu’il y a le plus d’avortement 32 %, suit Tel Aviv et le centre avec 28 %, la région du Sharon 21 %, puis Jérusalem et le sud 19 %.

Ces derniers jours, l’organisation « Nouvelle Famille » a entrepris une lutte pour supprimer la commission médicale seule apte à donner les autorisations légales pour avorter. Dans une lettre écrite par la représentante de cet organisme au ministre de la Santé Yakov Ben Izri (parti des retraités), il est précisé que d’imposer aux femmes de se présenter devant cette commission si elles veulent avorter légalement les empêche de se faire avorter dans de bonnes conditions. La plupart qui décident d’avorter le font pour des raisons économiques : difficulté d’élever convenablement l’enfant qui va naître. Puisque ces raisons économiques ne sont pas prises en compte par la commission médicale, ces femmes doivent mentir aux membres de la commission.

L’organisation Ephrat qui encourage les mères à garder leurs enfants en les aidant financièrement et en les accompagnant psychologiquement, n’est pourtant pas contre cette commission. Cette dernière année Ephrat a réussi à sauver 3 000 enfants. Comme le dit l’assistante sociale d’Ephrat : « dans une grande majorité des cas, les femmes avortent pour des raisons économiques, mais nous les convainquons qu’il n’y a pas de lieu légal pour le faire et nous les aidons ».

(Voir l’article « Sauver les enfants »)

Ces statistiques impressionnantes sont compensées par d’autres chiffres tout aussi impressionnants mais positifs. Sur cette même page de Yediot Aharonot, David Regev titre « Une famille sur deux a un bébé » « Les enfants c’est la joie, et cette joie visite une famille sur deux en Israël ces cinq dernières années ». ½ millions de bébés sont nés ces cinq dernières années en Israël.

135 000 enfants sont nés en 2006 et cette même année il y avait 2,3 millions d’enfant s de 0 à 18 ans dans 970 000 familles et parmi ces enfants, 300 000 vivent au dessous du seuil de la pauvreté.

Source : David Regev, Yediot Aharonot (26 nov 07)
                                                                         Suzanne Millet

53, 1% des habitants de la Galilée sont arabes (18 décembre 07)

Alors que le gouvernement vient d’accorder un crédit spécial pour le développement de la Galilée s’élevant à 1, 5 milliard de shéquels, le bureau israélien des statistiques a publié la semaine dernière un certain nombre de données sur la population de cette région du pays.

Pour l’année 2006 on compte 46, 9% de Juifs en Galilée contre 53, 1% d’Arabes (musulmans, druzes et chrétiens). En 1965, les Juifs étaient majoritaires avec 57, 7% de l’ensemble de la population de la région contre 42, 3%. Le tournant s’opéra en 1995, lorsque les Juifs ne furent plus que 49, 8% contre 50, 2% d’Arabes.

Selon le quotidien Yediot Aharonot, le fossé devrait se creuser encore les prochaines années quand on sait que 62% des enfants entre 3 et 6 ans sont des musulmans, des druzes et des chrétiens alors que 38% sont des enfants juifs.

De plus, les Arabes ont tendance à quitter les villages pour s’installer dans les villes majoritairement juives. Ainsi, près de 10% des habitants de Carmiel sont aujourd’hui arabes et 15% des habitants de Nazareth Illit (définie comme ville juive à côté de la ville de Nazareth historique) sont des Arabes, essentiellement des chrétiens. Le phénomène s’amplifie puisque des familles arabes se sont installées ces dernières années à Beit Shéan, Maalot ou encore Kyriat Shemona.

                                                                                    Rédaction

Des centaines d’étudiants décident d’abandonner leurs études (19 décembre 07)

Les étudiants des universités israéliennes sont à bout. La grève des professeurs dure maintenant depuis deux mois, et le ministère des Finances n’a plus aucun contact avec les représentants du corps enseignant depuis 9 jours.

Les professeurs demandent de revoir leur salaire à la hausse et exigent une amélioration de leurs conditions de travail, ainsi qu’une restructuration des retraites. Le ministre des Finances, Roni Bar-On, parle d’exigence exagérée et n’est pas prêt à céder. En attendant ce sont les étudiants qui payent le prix fort. Près de 300 étudiants, n’en pouvant plus, ont décidé de mettre un terme à leurs études universitaires et demandent aux universités de les rembourser. Le Technion de Haïfa est le plus touché, puisqu’une centaine d’étudiants ont ainsi décidé de quitter la célèbre université. Si une solution n’est pas trouvée prochainement, ce sont des milliers d’étudiants qui abandonneront leurs études.

Au campus de l’université de Tel Aviv certains étudiants viennent à la bibliothèque et veulent essayer d’avancer le plus possible dans leurs études. Ido, étudiant en faculté de lettres, est résigné : « Cette grève ne conduira à rien. Les professeurs retourneront à leur tableau avec une augmentation ridicule et nous, les étudiants, aurons payé le prix fort. Les étudiants ne sont pas riches. Une grève comme celle-ci les met dans des difficultés parfois insurmontables. »

Maya, étudiante en sciences sociales, est en colère : « Tout le monde « se fout »  de cette grève et des étudiants. Ehud Olmert, les ministres, les députés. La grève des lycées était à leurs yeux importante. Mais nous, on est quoi ? On se moque de l’avenir de la jeunesse du pays. » Un autre étudiant Dan, qui devait finir ce semestre son master en biologie, puis partir aux Etats-Unis pour continuer en doctorat voit ses projets s’effondrer. Il n’est pas sûr qu’il sera accepté pour le semestre de septembre 2008-2009 dans l’université californienne, où, pour mars prochain, il avait déjà loué une chambre. Il est plus en colère contre le gouvernement indifférent à la grève que contre les professeurs. A la question s’il compte poursuivre sa carrière académique en Israël ou aux Etats-Unis, sa réponse est catégorique : « Partout sauf ici ».

L’émigration des cerveaux israéliens vers l’étranger est devenu un sujet brûlant dans les milieux universitaires. Selon une étude récente, plus de 25 000 ingénieurs israéliens ont émigrés vers les Etats-Unis. Des milliers de doctorants et d’universitaires de toutes les disciplines préfèrent faire carrière à l’étranger, en Europe ou sur le continent américain. « Un professeur de sciences aux Etats-Unis ou en Allemagne a un salaire trois fois plus élevé qu’en Israël. Pourquoi rester ici ? » conclut Dan.

                                                                     Jean-Marie Allafort

Flashes d’espoir : quand Facebook brise les frontières (4 janvier 08)

Facebook est sans aucun doute l’un des sites internet les plus populaire en Israël. Après avoir ouvert un profil, chacun peut communiquer non seulement avec ses amis, ses connaissances, mais aussi avec des personnes à l’autre bout de la planète ou dans un pays voisin. A l’heure où nous écrivons ces lignes, 318 056 Israéliens ont ouvert un profil sur ce site.Une étude récente indique que plus de 100 000 Israéliens utilisent quotidiennement Facebook. Dans le monde, plus de 50 millions d’internautes sont inscrits sur ce site, dont 855 000 en France. Dans les pays arabes, Facebook devient de plus en plus populaire : c’est le cas au Liban, en Jordanie ou encore en Egypte.

Il y a quelques semaines, le ministre syrien de la Communication avait donné l’ordre de bloquer l’accès du site en prétextant que le Mossad l’utilisait en vue d’infiltrer la Syrie. Entre temps, le ministre a été limogé, mais le site demeure toujours « très surveillé » par les autorités syriennes, si bien que beaucoup de profils sont sans photo ! (Il y a tout de même 30 677 internautes syriens sur Facebook)Les dirigeants de la Syrie comme ceux d’autres pays arabes ont bien de quoi s’inquiéter puisque des jeunes ont pris les devants et ont décidé de briser les frontières par le biais de Facebook.

Ainsi ce sont des dizaines de milliers d’Israéliens qui sont en contact avec des Jordaniens, des Libanais, des Saoudiens et d’autres personnes des pays arabes de la région. Les initiatives se multiplient comme, par exemple, la création d’un « forum d’amitié entre Israël et le Liban » où participent 2985 membres. On communique en s’écrivant (en anglais surtout), en échangeant des musiques, des vidéos, ou encore des photos. Le site regorge d’inventions inédites, comme celle de l’envoi d’un cadeau virtuel pour les anniversaires etc...

Il y a deux jours, une vingtaine de jeunes israéliens (qui ont tous fini leur service militaire) se sont réunis dans un appartement à Tel Aviv pour étudier les possibilités de communication avec d’autres jeunes des pays arabes et ont décidé de monter un projet de « colloque » par vidéo-conférence grâce à Facebook. Il ne sera pas question de politique, mais de musique et de cinéma. L’un des initiateurs du projet, Eyal, est enthousiaste : « Par ce moyen, nous pouvons nous rencontrer et nous connaître mieux. On a des tas de trucs en commun, comme la musique, le ciné, les techniques de communication ou encore le sport. On n’a pas besoin de faire de la politique. Nos dirigeants se plantent trop souvent. On n’est pas du tout sur la même longueur d’onde. » Eyal explique que pour le Liban, la Jordanie et l’Egypte, il a un vis-à-vis qui organise les choses. Ces « conférences » se feront en petit comité et les dates seront publiées sur Facebook dans différents forums.

Les dirigeants syriens ont peut-être raison de s’inquiéter... Les jeunes ne vont pas les attendre pour commencer à nouer des liens avec « l’ennemi ». Même si elles sont virtuelles, ces relations existent bien...

                                                                                                                                                    Jean-Marie Allafort

De la Papouasie à Jérusalem (9 janvier 08)

« Iles, écoutez-moi ! Peuples lointains, soyez attentifs ! (Isaïe 49,1)

Parfois l’événement nous surprend. Ces Paroles si anciennes nous rattrapent dans notre quotidien du 21ème siècle !

En 1985, Fred, pasteur d’une Eglise protestante de la Papouasie (partie sud-est de la Nouvelle Guinée, en Indonésie), de passage à Athènes, en prière comme chaque matin, entend le Seigneur lui dire : « Ta prière est égoïste. Tu pries pour toi, pour ta famille, tes amis, ton pays, ton église, mais tu ne pries pas pour mon peuple, pour Israël. » Fred rentre chez lui avec ce message, le transmet à son Eglise et à tous les chrétiens de l’île. Peu à peu des groupes se forment. Un enseignement biblique est donné sur Israël, sur le peuple juif, son histoire, sa vocation.

En novembre 2006, un groupe de ces pasteurs papous venant de différentes congrégations arrivent à Jérusalem et prend contact avec l’une des assemblées des Juifs messianiques. Après une journée de partage avec les responsables, les Papous expriment le désir de «  faire alliance` » avec cette assemblée, de signer un contrat....Paul aurait parlé de « greffe »- Puis, tels les rois mages d’il y a 2000 ans, ils apportent leur offrande, une enveloppe....Ruben Berger, le pasteur de cette assemblée, promet de leur rendre visite en Papouasie. Mais une loi de ce pays interdisant à un Israélien de venir en Papouasie parler d’Israël, il n’a pas pu s’y rendre.

Ce sont donc eux, avec quelques femmes, qui sont revenus en novembre 2007. Là encore ils ont raconté : Martin, l’un des pasteurs, dans un rêve, a vu des enfants papous défiler avec une banderole portant une étoile de David. Actuellement des centaines d’enfants se mobilisent pour prier pour Israël, se groupant autour de cette banderole. Ce soir là, l’assemblée a prié pour eux, les a bénis. L’alliance a été confirmée par une offrande, et la Sainte Cène, présidée par un pasteur israélien et un pasteur papou, a été partagée.

Et nous, encore une fois, nous étions là, émus, participant à l’inattendu, réalisation des promesses antiques.

Ils n’ont pas traversé le désert en chameau, suivant une étoile, mais c’est le même Dieu d’Israël qui les a convoqués.

Toutes les  nations viendront.....

                                                                  Antoinette Brémond

Chant du mois : Gabriel 

Dans les traditions juive et chrétienne, l’ange Gabriel (en hébreu Dieu est fort) est chargé d’annoncer des bonnes nouvelles. Il est aussi l’ange de la protection. Une chanson très connue en Israël, composée par Shemouel Karol et Tsvika Pik, parle de cet ange avec affection. Ofra Haza, la chanteuse yéménite, l’interpréta avec beaucoup de talent.

 


Gabriel, tu t’interroges –

Toi qui connais les sentiers des cieux?

Viens à moi, on est mieux à deux*

Toutes les ailes dans l’univers

Se touchent quand tombe la nuit

Lorsque tu passes là-haut

Gabriel

Un ange se promène dans les cieux

Un ange qui cherche des étoiles

Il désire voir

Si les eaux se retirent** 

C’est ce garçon que j’ai demandé***

Dans ma prière, Gabriel

 

C’est cette nuit que j’attendais, Gabriel.

Gabriel, si Dieu ferme

Les portes du Jardin d’Eden

Descends vers moi, ange de l’Orient

Gabriel,

Encore l’ombre demeure

Ta toge déploie le soir

Et l’on entend l’affûtage d’un sabre

Gabriel

Gabriel, garçon qui prie

Il est venu le temps du chant des cieux

N’oublie pas ce chant de nous deux

Gabriel…

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                               * Qohelet (Eccles.) 4,9,     **   Genèse 8,8,     ***  I Samuel 1,27

et l’humour en finale

Savoir rire, ou sourire, de la vie, même si ce n’est pas toujours très drôle.

Quel espoir pour l’avenir ici? Voici une histoire:

Quelqu’un voyage, le train roule dans un tunnel qui n’en finit pas.

Mais soudain :

“Ah voilà de la lumière, c’est le bout du tunnel !” 

Un autre voyageur corrige, d’une voix terne :

“Non, c’est un train qui vient d’en face…”

 

                                                                    Y.E. et J.M.A.

 

 

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