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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 49 – Novembre/Décembre 2009

Jérusalem, Vieille Ville – Rue romaine (Cardo)

Sommaire:

Editorial: le réel en première ligne

Histoire: les visites du baron de Rothschild en terre d'Israël

Record du nombre de touristes en octobre 2009

Dossier : les Hébreux Noirs

Pèlerinage et propagande

Les Nabatéens, une civilisation ancienne disparue (2ème partie)

Une première: un Bédouin membre d'un Kibboutz

L'Hôpital St Louis: au-delà des clivages

Asteraï, le premier roman israélien éthiopien traduit en français

Etude : L'exil d'Israël

Qui est qui? : Ofer Einei

Chant du mois et humour

Editorial: le réel en première ligne

Fidèle à notre ligne éditoriale qui est de vous permettre de mieux découvrir les réalités complexes de ce pays où nous vivons et que nous aimons, nous vous proposons ce mois-ci des sujets quelque peu inclassables loin des titres à sensation de la presse internationale. Nous évoquons 1 'histoire et le vécu des habitants d'Israël. Nous parlons à nouveau de ce réel que de nombreux médias fuient, peut-être pour ne pas se laisser interpeller. Le vécu d'Israël se résume-t-il aux salles de presse des bureaux du Premier ministre ou de quelques ministères plus ou moins importants?

Dans ce numéro, nous commencerons notre périple par le récit des voyages en terre d'Israël du baron de Rothschild pour passer ensuite par Dimona où nous rencontrerons les Hébreux Noirs, sans oublier (puisque nous sommes au désert) d'évoquer ànouveau les Nabatéens et nous finirons en nous rendant sur la pointe des pieds dans un havre de paix qu'est l'hôpital St Louis àJérusalem. D'autres textes d'actualités et de réflexions viennent enrichir cette édition que nous voulons vous offrir comme un humble présent pour ces fêtes de fin d'année. A tous, nous souhaitons bonnes fêtes de Hanouka et de Noël.

J.M.A

Histoire:

Les visites du baron de Rothschild en terre d'Israël

Cécile Pilverdier

Le baron de Rothschild a visité cinq fois la terre d'Israël. Chaque visite était un évènement important pour la vie des villages. Durant ces visites sa grandeur d'âme et son amour pour son peuple, son pays et sa Tora étaient manifestes. Les trois premières visites ne furent pas toujours agréables, car il dut faire face à la révolte des colons russes exigeant toujours davantage, les colons roumains étant plus «sages»,

La première fois que ses pieds ont tou­ché la terre d'Israël, c'était le 1er mai 1887. Au début, il avait pensé entrer incognito, laisser sa femme et le yacht à Alexandrie en Egypte, et rejoindre Jaffa comme un voyageur ordinaire dans un des bateaux faisant la navette. Mais la nouvelle de sa venue arriva aux oreilles de tout le monde et «la terre trembla en son honneur». Il alla d'abord à Jérusalem, la Ville Sainte, et posa les mains sur les pierres du Mur occidental. Il resta à Jérusalem et pria à la synagogue «Hurva Juda Hanassi» de la communauté ashkénaze et à la synagogue «Rabbi Yohanan Ben Zakaï» des Séfarades.

Les chefs des communautés, et même le gouverneur turc de la ville vinrent le saluer dans son hôtel. Suite à cela, une grande rumeur se propagea, disant que le baron demandait à acquérir le Mur occidental et ses environs ... Il visita les institutions d'éducation et de charité fondées et entretenues par la famille Rothschild et fit distribuer des dons importants aux pauvres de la ville.

Après le shabbat il visita la tombe de Rachel et alla jusqu'à l'est du Jourdain. Puis il se rendit dans les villages, d'abord à Rishon Le Tsion où il parla avec force aux fermiers: «Vous devez être attachés par vos entrailles à la terre, comme les pierres des champs, avoir la ferme volonté de montrer à tous que nous, les Juifs, sommes doués et capables de travailler la terre, et d'être de bons cultivateurs. Travaillez vos terres, car on ne vous abandon­nera pas jusqu'à ce que vous puissiez être indépendants». Ces paroles furent prononcées à l'époque où il y avait de fortes oppositions entre les fonctionnaires du baron, et les cultivateurs qui avaient provoqué une révolte.

Eliezer Ben Yehuda décrit dans une de ses lettres de l'époque son impression sur le baron avec ces mots: «C'est un homme magnifique ! A Zikron Yaacov il a annoncé qu'on verrait la réunion des rapatriés et que tout Israël reviendrait à jamais sur sa terre». Plus tard dans une autre lettre il écrivit : «La volonté du baron est qu'on étu­die l'hébreu dans les villages et que, si on réussissait à le parler, il s'en ré­jouirait beaucoup .... Sa seule pensée, actuellement, est d'accueillir ses frères et de s'accrocher à la terre. Aussi il demande à ceux qui sont prêts à faire sa volonté d'acheter des terres quand ils le pourront». De Zikron Yaacov il continua vers Rosh Pina. C'est là que, montant sur le toit du bâtiment des employés, il contempla la vue magnifique, et, se tournant vers la vallée du Roulé et du Golan, il ordonna d'ache­ter toutes les terres du Roulé jusqu'au lac de Tibériade.

La seconde visite dans le pays eut lieu le 29 avril 1893 ; il arriva par surpri­se à Zikron Yaacov. Dès son arrivée le village s'activa pour le recevoir et tous se rassemblèrent pour la prière festive de Minha (service de l' après-midi) dans la synagogue. Lorsqu'il entendit les gens parler yiddish entre eux il les réprimanda ainsi: «Vous ne devez parler que la langue qu'ont parlée vos pères, l'hébreu». Il exigea de veiller à cela et dit : «Autrefois lors­que les fils d'Israël ne suivaient pas la voix des prophètes, Dieu les chassait de sa terre. Et vous, veillez y, et n'abandonnez pas notre Loi. Montrez-vous au monde comme Juifs croyants, observant la Loi, mais aussi comme des travailleurs assidus et utiles au pays et à toute l'humanité. Soyez sobres et frugaux, habillez vous comme vos voisins arabes, soyez des sujets loyaux du Sultan, qui vous permet de vivre ici dans la paix». Il exigea des agriculteurs d'employer des ouvriers juifs parce que les Juifs sont opprimés et accablés dans presque tous les pays. «Ceux qui viennent ici c'est parce qu'ils sont affamés, ayez pitié d'eux. Permettez leur de gagner leur pain et donnez-leur l'argent nécessaire». Quand il visita l'école, il y eut une représentation en hébreu en son hon­neur, et cela le réjouit beaucoup. Il exhorta les mères à envoyer leurs enfants chaque jour à l'école «pour apprendre 1 'hébreu et la Tora qui comprend les lois et les bonnes actions, la morale et le mode de vie». Il continua à ex­pliquer son point de vue : «Ce n'est pas à cause de votre pauvreté que je vous ai soutenus et vous ai pris sous ma protection, mais à cause de votre grand désir de vivre et de travailler sur la Terre Sainte et de vivre de l'esprit de notre Tora».

Lorsqu'une délégation d'ouvriers s'adressa à lui pour qu'il les aide à s'installer, il se réjouit beaucoup, et donna l'ordre d'acheter pour eux une helle parcelle de terre. C'est ainsi que Metula naquit.

Le 25 janvier 1899 il vint pour sa 3ème visite. Son bateau accosta à Jaf­fa et de là il partit pour les villages. Ce qu'il vit le combla. A Rishon LeT­sion, le bon vin des caves «réjouit son cœur». Il annonça aux agriculteurs qu'à partir de maintenant ils devraient se suffire à eux-mêmes sans atten­dre son soutien. A ceux qui s'étaient réunis dans la synagogue il dit: «Je suis heureux de voir ce qui a été fait ici durant ces 16 années. Ce lieu qui, il n'y a pas si longtemps, était un désert où les serpents rampaient, est devenu aujourd'hui, par vos mains, un paradis. On dit qu'autrefois il se passait des miracles, et je dis moi, qu'aujourd'hui, il y a aussi des mira­cles : car de cette terre désolée depuis 2000 ans, vous avez fait par votre tra­vail un lieu vivant et florissant, c'est un des miracles». Puis il ajouta: «Une seule chose m'attriste. Je vois que certains parmi vous commencent à oublier la raison de leur venue ici. J'ai vu de très belles maisons, qui ne sont pas nécessaires à des agriculteurs. Il y a 16 ans j'ai entendu que si des frères pauvres venaient, on viendrait à leur aide. Pourquoi avez-vous abandonné cette idée?

A Petah Tikva il fut reçu avec fantai­sie par les jeunes du village montés sur des chevaux, avec à leur tête, en héros, le gardien Abraham Shapira, qui devint le garde du corps du ba­ron durant tout son voyage. Lorsque le baron voyait des ouvriers étrangers se moquer des gens du village, il di­sait: «Je vois des ouvriers étrangers (les sionistes des villages voisins) et leurs mauvaises actions. Tous les fils d'Israël sont mes frères et je veux que vous aussi pensiez de même, et que vous viviez en paix, fraternellement. Le petit ne jalousera pas le grand et le pauvre le riche, le grand n'abaissera pas le petit et le riche n'abaissera pas le pauvre». Cette fois là il consacra encore deux jours à visiter la Ville Sainte Jérusalem. Ce furent des jours de fête pour la ville: visites officielles avec le gouverneur turc et le consul français, réception des délégations de personnalités et visites chez les rab­bins et les chefs des institutions.

A l'issue de ce troisième voyage, ayant peur de mourir, le baron décida de confier l'administration des colo­nies à l'ICA (Jewish Colonisation As­sociation) de son vieux rival, le baron de Hirsh. Mais immédiatement, au sein de cette ICA, se mit en place une cellule de trois hommes: le baron, son fils et son secrétaire !

A son retour à Jaffa, il se sépara avec émotion de son garde fidèle, Abraham Shapira, monta sur son yacht et ordonna de faire route vers Tantura pour visiter Zikron Yaacov. Shapira était resté dormir à Jaffa et lorsque le matin il s'apprêta à rentrer chez lui, il fut appelé d'urgence par le secrétaire principal du baron qui lui demanda de venir vite à Zikron, pour apporter au baron les lettres qui venaient d'arriver par la poste. Shapira cravacha son cheval et galopa à Zikron. Lorsqu'il arriva le soir, il trouva le village presque vide. Tous étaient descendus à Tantura pour accompagner le baron qui repartait. Shapira se précipita à Tantura et vit que le baron était déjà parti avec son bateau; il n'hésita pas et il trouva un pécheur arabe qui l'amena au bateau du baron. Lorsque celui-ci le vit il fut très surpris : «Comment es-tu arrivé là ? Shapira lui raconta l'histoire de la poste et sortit de son sac un paquet de lettres. « Démon corrompu s'écria le baron éberlué en l'étreignant affectueusement» tu es bien sûr affamé, assieds-toi pour manger Le baron sonna la cloche et commanda un plat à la cuisine. «Que le baron me pardonne !» bégaya Shapira, «mais je dois vous dire que tous les jours de ma vie j'ai mangé casher, même lorsqu'on tuait le mouton dans les tentes bédouines et que je ne suis jamais parti pour une longue route sans châle de prière et tefillins ... ». «Oh, oh, qu'il en soit ainsi l» Le baron tapa sur l'épaule de Shapira, il le conduisit à la cuisine et lui montra toute l'organisation cachère. Il lui présenta l'égorgeur et dit : «On peut être sûr de sa cacherout. Il y a aussi une synagogue et un mini an (groupe de 10 hommes pour la prière) dans mon bateau. Maintenant assieds-toi et jouis de toute ma cuisine cachère». Sa 4ème visite eut lieu le 10 mai 1926, 15 ans plus tard. Durant ces années, les villages s'étaient agrandis et conso­lidés. Le mouvement sioniste avait développé des activités et collaboré à la construction du pays. Le «Keren Kayernet» avait acheté des terres où de nouveaux villages s'installèrent. Le mouvement des pionniers ouvriers naquit et donna un nouveau souffle à la construction. «Hashomer» fut créé. Tel Aviv et d'autres centres urbains se développèrent.

Le baron vint dans le pays avec la ba­ronne et partout il reçut des manifesta­tions de reconnaissance pour ce qu'il avait fait. Il y eut autant d'Arabes que de Juifs pour l'acclamer. Cette fois on ne lui demanda pas d'aide, mais on lui montra seulement de la reconnais­sance : «La bonne graine que vous avez semée dans le pays a grandi et par la générosité de votre cœur, elle s'est multipliée ... Ce que vous, notre grand frère, avez préparé, le peuple l'a construit pour ses familles et les pierres d'angle que vous avez élevées avec votre force, s'élèvent de terre pour devenir un édifice perpétuel... » Lors d'une visite, une chorale d'école chanta en français pour l'accueillir. Il s'exclama : «Des chants en français j'en ai entendu beaucoup en France. Ici je serais heureux d'entendre des chants en hébreu». Et lorsqu'il demanda à une élève de dire le «Shéma» (Ecoute Israël) elle en fut incapable, il ordonna alors de renvoyer la maîtresse.

Quand il sut que certains membres des villages étaient repartis à l'étranger, il demanda avec tristesse : «Pourquoi des jeunes quittent-ils les villages et le pays? Tout ce que je fais dans le pays, je ne le fais pas pour des per­sonnes spécifiques, mais pour tous. Et si des jeunes, les forces vives, nous quittent, comment espérer de bons ré­sultats 'l» Lors de sa visite à Jérusalem il demanda aux rabbins venus le voir : «Pourquoi n'y a-t-il pas de jeunes de vos écoles pour travailler la terre 'l» A la fin de la visite le baron dit : «Les sionistes n'auraient pas pu faire ce qu'ils ont fait sans mon aide ... mais je constate que l'idéal sioniste qui a animé le pays est plus fort que mon argent».

Quelques mois plus tard la Première Guerre mondiale éclata. Le baron consacra toutes ses forces à aider les sionistes à acquérir des terres.

Il s'impliqua très fortement pour arri­ver à la «Déclaration Balfour». Pendant la guerre, les villages juifs souffrirent beaucoup. A cette époque il y eut une forte immigration et de nombreuses constructions s' élevè­rent dans le pays. Le baron fit tout pour que ce développement auquel il avait pris part, garde un caractère vraiment juif. A la délégation d'agri­culteurs qu'il avait invitée il dit: «Je regrette que le sentiment religieux soit absent chez vous. Chez les Juifs il est très important, il est la base de la nation. Seul le sentiment religieux peut unifier toutes les parties du peu­ple». Aux rabbins orthodoxes ashké­nazes accourus en grand nombre et le remerciant de tout le bien qu'il avait fait en Palestine, le baron dit : «Je suis heureux et vous sais gré de ce que vous voulez bien reconnaître et apprécier mon œuvre de colonisa­tion. Si la religion est indispensable à l'homme, le travail ennoblit sa vie. « Et comme les rabbins demandaient la création de colonies orthodoxes pour les élèves des yéshivot (écoles talmu­diques), le baron répondit: «Pourquoi différencier et séparer ? La religion est nécessaire, vous dis-je ; mes co­lonies sont religieuses, envoyez-y vos jeunes rabbins, ils y trouveront le tra­vail régénérateur». Aux délégués de la société musulmane de Jaffa, à ceux de Tel Aviv qu'il reçut, comme au mufti de Jérusalem qu'il visita, le baron ne cessa de prôner la fraternité entre les Juifs et les musulmans.

A l'approche de ses 80 ans, le baron décida de visiter pour la Sème fois le pays, sans tenir compte de l'opposi­tion de ses médecins. Il voulait voir de ses propres yeux la réalisation de ses vœux et se tenir proche des difficul­tés et des problèmes auxquels il pou­vait trouver des solutions à la fin de sa vie. Son bateau accosta à Tantura le 10 mai 1926, pour visiter Zikron Yaacov et les nouveaux villages créés dans les alentours. Les Juifs très en­thousiasmés vinrent le recevoir avec l 'honneur qui lui revenait. Ils avaient le pré-sentiment que ce serait sa dernière visite dans le pays. Le gouver­neur britannique, monsieur Herbert Samuel, vint le voir dans le village Meïr Shafieh (du nom du grand père du baron) et le félicita vivement en lui disant : «Tout le monde ici vous es­time comme personne d'autre dans le passé». Il visita Nahalal et Kfar Has­sidim, deux nouveaux villages dans la vallée d'Izreel, qui étaient nés à une époque de grande immigration. Dans la «mère des villages» Petah Tikva, il monta avec difficulté sur la tour du ré­servoir d'eau d'où il observa la région tout entière recouverte de vergers, de vignes et de villages. Avec émotion il appela Brondit pour qu'elle monte elle aussi et voie ce spectacle : «Regardes et comprends que je n'ai pas été seule­ment un romantique et un fou, comme m'ont appelé toute ma vie mes frères et mes amis ... La justice était avec nous et non avec eux. Aussi on verra encore de nos yeux le retour du peuple d'Israël dans sa terre ... » dit-il avec admiration.

Il visita la «jeune Tel Aviv» qui se développait à grands pas comme pre­mière ville juive. Toute la ville sortit dans les rues pour acclamer le bien­faiteur.

Dans la grande synagogue toutes les autorités de la ville et des villages se rassemblèrent: Méïr Dizengoff le maire, les grands rabbins Aaronson et Ouziel, les poètes Haïm Nahman Bia­lik et Shaul Tshernihowski, le sioniste Nahum Sokolow et les représentants de la population, Pinhas Rotenberg et Arthur Ruppin.

Devant toutes ces personnalités le ba­ron fit un discours qu'il s'était donné la peine de préparer lui-même, et qui était à ses yeux son testament pour eux, en s'excusant de ne pouvoir par­ler hébreu (détail intéressant, si l'on songe qu'il fut l'un des principaux soutiens d'Eliézer Ben Yehouda, «père de l'hébreu», et de Joseph Ha­lévy, «grand-père de l'hébreu»). La traduction en hébreu fut lue par l'un de ses accompagnateurs.

«Si je me reporte, par la pensée, à l'époque lointaine de près d'un demi­siècle où je commençais mon œuvre, et que je revois, dans mes souvenirs, la Palestine d'alors, avec son sol couvert de pierres, de chardons et de mauvaises herbes, les malheureux fellahs qui s'efforçaient de tirer de ce sol aride de maigres moissons, il me semble que je vis dans un rêve. Alors, en présence des abominables souffrances des po­pulations juives de l'est de l'Europe, accablées sous l'étreinte de l'oppression, terrorisées par des pogromes sanglants, malgré l'état déplorable où se trouvait la Palestine, je ne voyais de salut que dans le retour à la Terre Sainte. J'estimais que c'était là que les Juifs pourraient montrer au monde leur valeur morale et intellectuelle, aussi bien que leur capacité de travail, et j'avais l'espoir qu'Israël arriverait à revivre en Eretz-Israël [ ... ] On me disait, à cette époque lointaine: 'Vous bâtissez sur le sable, mais ce sable s'est changé en pierre, et, comme le dit le Psalmiste, cette pierre est deve­nue la « Rosh Pina», la clé de voûte du grand édifice d'Israël.[ ... ] Que les chefs d'Etat des grandes Nations aient proclamé le Foyer National Juif, que la Société des Nations l'ait reconnu, ne doit-on pas voir en cela la réalisa­tion de cette prédiction qui, pendant tant de longs siècles d'angoisses et de douleurs, avait soutenu le courage de nos pères et qui, après deux millénaires, se trouve accomplie? [ ... ] Mais ce qui doit constituer le vrai carac­tère juif du Foyer National, c'est le travail moral et intellectuel ; c'est de ce côté surtout que peut se dévelop­per le génie juif. Aussi, l'ouverture de l'Université au Mont Scopus doit­-elle être considérée comme un grand événement dans l'histoire moderne du judaïsme. Quand nous avons, à travers les différents pays du monde, dans toutes les branches de la science, tant d 'hommes de valeur, comment ne pas prévoir que l'Université juive brillera d'un grand éclat, tant dans le domaine de la science pure, que dans le domaine de la haute pensée spécu­lative, philosophique et religieuse, et nous donnera un jour des Einstein et des Bergson ? C'est en hébreu, dans la langue de nos pères, que l'on ensei­gnera à l'Université. Dès ma première visite aux colonies, j'ai insisté pour qu'on donne l'instruction dans les écoles en hébreu, et j'ai pu constater bientôt, avec plaisir, que l'hébreu était redevenu une langue vivante. Les Juifs de pays différents peuvent ainsi s'entretenir dans un langage commun, ce qui établit pour eux un lien entre le présent et le passé, les rattachant à la pensée de nos ancêtres [ ... ] Dans tout ce que vous entreprendrez, dans le travail le plus humble comme dans les plus hautes spéculations de l'es­prit, vous devez rechercher le carac­tère propre des aspirations juives, la poursuite de la perfection morale, ce qui forme l'essence de notre religion [ ... ] : la croyance en un Dieu unique immatériel, alors que tous les peuples croyaient se concilier la faveur d'ido­les par un culte sanguinaire et féroce ; la constitution de la famille fondée sur le respect des enfants pour leurs parents, base de toute société, dont la négation engendre le chaos; les rela­tions des hommes entre eux établies sur cette maxime : «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse». Plus tard, nos prophètes, par leur parole enflammée, proclamaient les grands principes de morale, de piété, de pureté, dans la pensée reli­gieuse s'élevant vers l'Eternel. [00'] Elevez vos enfants dans les croyan­ces que nos pères nous ont données et qui ont maintenu l'existence de no­tre race ; restez fidèles à votre passé et travaillez au relèvement moral du monde.»

Rappelons-nous que l'esprit qui ani­ma Edmond de Rotschild en finançant les colonies juives n'avait pas pour but comme les sionistes, de créer une nation nouvelle, laïque, évinçant les Arabes. Son but était de retrouver et de pratiquer la foi de ses ancêtres, dans un esprit de tradition religieuse, d'offrir une maison à tous les persé­cutés, dans le respect du voisin arabe, mais dans un esprit «colonisateur» (esprit de la 3ème république).

Record du nombre de touristes en octobre 2009

Jean-Marie Allafort

Bonne nouvelle pour le secteur touris­tique: 330000 visiteurs se sont rendus en Israël le mois dernier. On enregis­tre donc une hausse de 9% par rapport à l'an dernier. Jamais un nombre aussi important de touristes n'étaient venus en un mois depuis la création de l'Etat d'Israël.

Alors que l'année 2009 avait particu­lièrement mal commencé sur le plan touristique après l'opération de la Bande de Gaza et la crise financière mondiale, elle devrait se terminer plu­tôt bien. Selon les données publiées par le ministère du Tourisme, depuis janvier dernier près de 2, 3 millions de visiteurs ont visité Israël, soit une baisse de seulement 12% par rapport à l'année dernière à la même époque. De plus, le ministre du Tourisme, Stas Meseznikov, qui accompagne le prési­dent Shimon Pérès dans sa tournée en Amérique du Sud, a signé un accord de coopération touristique avec son homologue brésilien. Il a également rencontré des évêques et des person­nalités religieuses chrétiennes en vue d'encourager le pèlerinage en Terre Sainte.

Dossier:

Les Hébreux Noirs

Antoinette Brémond

En se promenant à Mitzpe Ramon il est fréquent de rencontrer des « noirs », Automatiquement on pense: Les Juifs éthiopiens sont donc également installés ici. Mais non, ce sont des Hébreux Noirs, présents également à Arad et à Dimona et, quelques-uns, à Tibériade. Mais qui sont-ils et d'où viennent-ils?

En fait, il existe en Amérique plus d'une dizaine de communautés diffé­rentes d'Hébreux Noirs, groupes afro­américains qui se disent descendants des 10 tribus d'Israël. Le fait que, dans leur histoire, ils ont vécu l'esclavage,

la délivrance et l'exode les conforte dans cette identification avec les an­ciens Hébreux. En se définissant com­me étant le peuple élu cela leur permet de surmonter les difficultés rencon­trées du fait de leur couleur. Certains de ces groupes pensent que les « Juifs blancs» ne sont pas de véritables des­cendants des enfants d'Israël, mais de simples usurpateurs. Plusieurs restent en Amérique, d'autres émigrent en Afrique, et l'un de ces groupes est venu en Israël.

Le groupe African hebrew israelite nation of Jerusalem, fondé en 1960 à Chicago par Ben Carter, un ancien ouvrier métallurgique, va émigrer en 1967 au Libéria puis, en décembre 1969, en Israël. Ben Carter raconte que, allongé sur son lit à Chicago, l'ange Gabriel lui aurait révélé qu'ils étaient les descendants de la tribu de Juda, chassés de la Terre Sainte par les Romains en 70 après J.-C., ayant émi­gré en Afrique de l'Ouest avant d'être emmenés comme esclaves aux Etats­Unis. « Une voix m'a indiqué qu'il était temps pour nous, les descendants des Israélites bibliques, de retourner sur la terre de nos ancêtres. » Il part alors pour Israël avec ses 13 enfants, ses 4 femmes et une vingtaine de dis­ciples, munis de visas de touristes. Pour le grand Rabbinat, ces Noirs américains ne sont pas juifs et ne peuvent donc pas bénéficier de la loi du Retour. Ils s'installent pourtant à Dimona où ils créent en 1971 un kibboutz de ville, Kfar Hashalom, installé dans un centre d'intégration construit en 1950 pour y accueillir de nouveaux immigrants de Russie. C'est là que Ben Carter prend le nom de Ben Ammi Ben Israël. Jusqu'en 1972 l'Etat accorde à la communauté le statut de résident temporaire avec permis de travail. Permis qui leur sera retiré devant l'accroissement de l'émigration. Leur situation devient alors de plus en plus délicate : ils n'ont plus de statut juridique puisqu'ils ont renoncé à leur citoyenneté américaine et qu'ils ne sont pas pour autant israéliens.

Dans les années 1970 à 1980, il y eut des affrontements: certains Noirs, étant persuadés que les Juifs blancs israéliens n'étaient que des usurpateurs, s'engagent dans des actions anti-israéliennes et même antisémites, proclamant qu'ils sont les seuls héritiers du pays et que c'est à eux seuls de l'occuper. Les autorités israéliennes, par ailleurs, tentent à plu­sieurs reprises d'expulser cette communauté grandissante. Mais, ceux qui partent reviennent plus tard. Et puis l'Etat ne veut pas paraître raciste aux yeux du monde.

Une intégration progressive

A partir de 1980 les relations s'amé­liorent progressivement. Les Hébreux Noirs reconnaissent que l'Israël bi­blique était une société multiraciale dont les habitants se sont enfuis vers l'Europe, l'Asie et l'Afrique après la destruction du Temple en l'an 70. Ils reconnaissent donc officiellement les Juifs blancs comme des Israélites lé­gitimes.

En 1989, le ministre de l'Intérieur Arieh Deri rencontre Ben Ammi et en 1990 les permis de travail sont enfin accordés. En 1991 les membres de cette communauté vont bénéficier d'un statut de résidents temporaires pour une durée de 5 ans. En 1995 ce statut est renouvelé pour 3 ans. Jus­qu'à quand?

Ces Hébreux africains vont tout faire pour être acceptés par la population. La musique va jouer un rôle important dans la reconnaissance du groupe. Les musiciens de la communauté commen­cent à percer, à être appréciés, et vont animer certaines fêtes à diverses oc­casions. On se souvient d'Eddie But­ler Ammiram Ben Yshay représentant Israël au concours de l'Eurovision en 1994 au sein du groupe Eden.

Le sentiment d'un destin commun va grandir. En janvier 2002, un membre de la communauté noire, le musicien Aharon Ben Ellis, 32 ans, est tué dans un attentat à Hadera au cours d'une Bat Mitzva qu'il animait. « Nous de­vons sacrifier nos fils pour prouver no­tre mérite et être reconnus en Israël», explique l'un des membres.

C'est alors qu'en août 2003 le minis­tre de l'Intérieur Abraham Poraz leur accorde le statut de résidents perma­nents. Il ne reste plus qu'à obtenir la nationalité israélienne. Ils pourront la demander en principe quatre ans plus tard.

Le 24 juillet 2004, Uriahu Butler est le premier Hébreu Noir à être accepté à l'armée. En 2009 ils sont plus de 200, filles et garçons, à porter l'uniforme. L'entrée des jeunes noirs hébreux à Tsahal a posé certains problèmes pra­tiques, sachant que cette communauté a un régime végétalien très stricte et qu'ils ne doivent porter que des habits et chaussures en coton ... Il y eut des compromis des deux côtés.

Le 9 février 2009 Elyakim Ben-Israël reçut un courrier du ministère de l'In­térieur lui annonçant qu'il allait pou­voir recevoir la nationalité israélienne. Lui, le premier à avoir renoncé à sa citoyenneté américaine, va devenir le premier Hébreu Noir israélien. Dans toutes les entrées de leurs immeubles à Mitzpe Ramon cette lettre du ministère de l'Intérieur était af­fichée. . . fièrement. Oui, 40 ans après leur arrivée. « Alléluia, al­léluia » chanta la com­munauté de Dimona. En octobre 2009, ils étaient déjà quatre à avoir obtenu la natio­nalité israélienne. Et, dans l'avenir, ceux qui en feront personnelle­ment la demande, la recevront très probablement.

Pratiques alimentaires et hygiène de vie

Toute la vie de cette communauté est marquée par une discipline alimen­taire très stricte. Un régime végétalien de fruits, légumes, légumineuses, cé­réales complètes, sucre brun et miel. Pas de viande, d'œufs, ni de produits laitiers ... selon les paroles de la Ge­nèse. La casherout n'est donc plus né­cessaire. A cela ils ajoutent de la levu­re de bière pour compenser le manque en vitamine B12. En fait la prévention joue un rôle primordial dans leur ali­mentation. D'où l'utilisation impor­tante d'ail, d'huile d'olive mais aussi de « médicaments » fabriqués artisa­nalement par les « médecins» de cette communauté. Une hygiène qui com­prend des jours de jeûne fréquents, en particulier le shabbat. Ces jours-là, on ne boit que de l'eau et des jus de fruits naturels. Il y a aussi des semaines sans cuisson, et d'autres sans sucre ou miel. Le dimanche, mardi et jeudi, il est interdit de consommer du sel et de la margarine. Toute infraction à ces règles alimentaires est sévèrement pu­nie.

A cette hygiène s'ajoute la pratique de sports et des cours de gymnastique :

A Kfar Hashalom la salle de muscu­lation permet à chacun de venir trois fois par semaine s'entraîner à cette «divine gymnastique », Et les résul­tats semblent concluants. A ce propos signalons que leurs sportifs ont repré­senté Israël en Europe et participent régulièrement aux Maccabiades (jeux olympiques juifs) dans ce pays.

Sont-ils juifs?

Pour eux, ils le sont et c'est pour cela qu'ils refusent toute proposition de conversion. « Dans ma famille, depuis des générations, nous savons que nous sommes hébreux et que notre place est en Israël, notre pays d'origine» ex­plique Yaffa Bat-Gavriel la secrétaire du village Kfar Hashalom. Pourtant, même s'ils pratiquent les règles de pureté familiale selon la Tora, si les garçons sont circoncis le 8ème jour, s'ils ont pris des noms hébreux pour remplacer leurs noms « d'esclaves », ils se distinguent du judaïsme rabbini­que. Tout d'abord, ils n'étudient pas le Talmud, ne se référant qu'à la Bible. Pour eux, être juif, ce n'est pas une re­ligion mais un mode de vie: suivre les lois de Dieu, vivre déjà le Royaume de Dieu et le communiquer. Le ven­dredi soir, tout habillés de blanc, ils se réunissent pour chanter, louer et écou­ter la Parole. Soirée très festive, am­biance africaine. Comme me le disait l'un d'entre eux, « tout ce que nous faisons, disons, pensons a comme ori­gine et comme but la volonté de Dieu, de «Ya » », comme ils l'appellent. Ils n'ont ni synagogue, ni rabbin, mais des prêtres. Ben Ammi est pour eux le représentant de Dieu, le dirigeant spirituel de la communauté, le « chef messianique du Royaume de Dieu », Il est comparé à Abraham, Moïse, Jérémie mais aussi à Jésus, comme messager envoyé par Dieu. « C'est lui », me disait Shounamit, l'épouse de l'un des prêtres de Mitzpe Ramon, « qui a la vision, la manifeste et nous communique les paroles de Ya », Absalon, l'autre prêtre, me dit rayonnant: «C'est le Messie ».

Les hommes portent une calotte et les femmes un foulard. Ils célèbrent les fêtes juives, à l'exception de Pou­rim et de Hanouka, mais en ajoutent d'autres: le jour anniversaire de la vision de Ben Ammi, le jour de leur immigration au Libéria (mi-mai), le Yom Lemokim, où l'on s'offre des ca­deaux (en février). Notons aussi qu'ils fêtent Rosh Hashana, le nouvel an, au printemps selon le livre de l'Exode, chapitre 12, et non en automne.

Les mariages ne se pratiquent qu'au sein du groupe et ils sont en général arrangés par les responsables de la communauté. La polygamie est pra­tiquée, comme dans les temps bibli­ques, même s'il semble qu'il n'y aura bientôt plus de mariage polygame officiel... cela pour aider l' intégra­tion dans la société israélienne. Avi­haï, me précisa, lors de notre visite à Kfar Hashalom :« Moi,je n'ai qu'une femme. »

Combien sont-ils? On ne le sait pas exactement, les chiffres varient, la Bi­ble interdisant le dénombrement. En 2006 on parlait de 2500. Cependant celui que j'interrogeai à Mitzpe Ra­mon me disait: « Actuellement, nous sommes 4000, peut-être 5000 ». Il est vrai que, la limitation des naissances n'étant pas autorisée, la population s'accroît très rapidement.

Le kibboutz Kfar Hashalom (village de la paix) à Dimona

La plus grande partie des Hébreux Noirs, plus de 2 000, habitent dans ce kibboutz, leur centre spirituel. Il est soutenu par le Mouvement Kibboutzi­que Unifié et a reçu pour la construc­tion de son école une aide du gouver­nement américain. A l'entrée de ce kibboutz, une enseigne: Village de la paix. Un ancien centre d'intégration transformé en kibboutz de ville. Des petites maisons en dur auxquelles ont été ajoutées des chambres en bois re­couvertes de tissu noir. Devant, une petite cour ou jardinet. Les ruelles d'un peu plus d'un mètre de large sé­parent les rangées de maisons. Beau­coup de jeunes et d'enfants habillés en bleu, s'ils sont en primaire, en vert, pour les lycéens et en rouge s'ils vont faire du sport. Tous les garçons por­tent une calotte blanche et les filles un foulard. Ils fréquentent l'école Ahva (fraternité), grand bâtiment construit en face du village rassemblant tous les écoliers hébreux noirs de Dimona, Arad et Mitzpe Ramon. Les ensei­gnants sont en majorité des Israéliens mais également des Hébreux Noirs. Dans ce kibboutz la vie communau­taire est privilégiée. Elle est organisée de façon très systématique selon les tranches d'âge: les enfants, les ado­lescents (jusqu'à 20 ans), les jeunes (jusqu'à 35 ans), les seniors hommes et les seniors femmes. Chaque groupe a ses activités et ses services commu­nautaires. Quatre fois par an, a lieu à Dimona un rassemblement national de l'une de ces classes d'âge. Le 2 no­vembre, c'était les seniors hommes. Le but de ces rassemblements : faire fonctionner «le Royaume» à l'échelle nationale. La direction de la commu­nauté est assurée par Ben Ammi. Il est à la tête d'un conseil de 12 princes, responsables de la vie spirituelle du kibboutz. 12 ministres ont, quant à eux, la responsabilité des affaires cou­rantes : économie, éducation, sport, loisirs.

Notre guide, Avihaï, nous conduit à la Guest House du village, une maison comme les autres avec d'un côté un salon pour accueillir les visiteurs, et de l'autre la salle de musculation. Il nous raconte l'épopée des Hébreux noirs et leur arrivée en Israël. Puis il nous conduit au restaurant. Là encore, une petite maison avec une salle de restaurant, huit tables et de la nourri­ture végétalienne.

La Maison de la Vie, la maternité, est dans le village. Elle est composée d'une salle équipée pour l'accouche­ment naturel et de deux jolies pièces aux couleurs fraîches. Les femmes qui y accouchent sont assistées unique­ment par des femmes et restent deux semaines à la maternité. Les femmes du village se relaient pour leur pré­parer le repas. Et Avihaï, notre guide, de préciser : « 1 000 enfants sont nés ici. Moi aussi. » Nous visitons égale­ment un magasin où se confectionnent et se vendent des vêtements en coton aux couleurs vives, des produits vé­gétaliens à base de soja (tofu, lait et fromage), des fruits, des légumes, des amandes ...

L'Ecole des prophètes. En février 2005 fut fondée l'Ecole des prophè­tes intitulée Institut Docteur Martin Luther King Ben Ami. Son but : promouvoir une nouvelle humanité. Cet Institut supérieur dispense un en­seignement spirituel basé en particulier sur la pensée de Martin Luther King: faire régner la paix, enseigner la non-violence et la réconciliation aux familles, aux religions, et aux nations.

Cet Institut n'est pas qu'un bâtiment, mais un lieu de réflexion et de partage. A l'entrée de cette petite maison une photo de Ben Ami Ben Israël en compagnie du leader noir pacifiste. Dans la salle, des photos, des livres, une table, des fauteuils. C'est là qu'ont lieu régulièrement des réunions groupant des responsables internationaux, religieux ou politiques, désirant élaborer des chemins de non-violence et de récon­ciliation. Des cours y sont également donnés pour les responsables de Kfar Hashalom. C'est l'Ecole des prophètes .La clinique du village à 2 Km est es­sentiellement préventive. Il y règne une atmosphère douce de lumière, de musique et de couleurs. Le médecin, tout en blanc, explique les méthodes médicales de ce lieu holistique, per­mettant une approche globale de la personne. L'accent est mis sur la pro­preté de l'intestin purifié par de l'eau pure. Les grands malades sont envoyés à l'hôpital. Le médecin est formé dans l'Ecole des Prophètes.

Toutes ces activités du kibboutz vont grandement améliorer la situation économique qui dépendait encore beaucoup de l'aide financière de l'Etat (allocations familiales en particulier.) De plus en plus de membres du kib­boutz travaillent à l'extérieur : Di­mona, Beershéva, Tel Aviv, Arad. La vente des produits biologiques fabri­qués par l'usine ou par les médecins s'organise aussi à l'extérieur. Depuis peu cette communauté a également reçu l'autorisation de développer son agriculture biologique dans des ter­rains avoisinants. Un secteur qui va certainement s'accroître dans ce pays friand de nourriture bio.

En février 2007 Kfar Hashalom sur­peuplé, logeant 150 familles dans un espace prévu pour 50, reçut du maire de Dimona, Meir Cohen, une parcelle de terre pour y construire un nouveau quartier. Mais ce terrain ne convenant pas à la communauté, rien n'a pu être aménagé pour le moment.

Il faudrait encore parler de la troupe de ballets qui se produit à Dimona et dans les festivals in­ternationaux ainsi que de la maison de production de DVD, les « Chants de Délivrance », composés et joués par leurs groupes musicaux. Enfin un musée où ils présentent leur vision de l'histoire des Hébreux et des Africains.

Les Hébreux noirs, une communauté qui respire la santé morale et physique et qui s'intègre de plus en plus dans la société israélienne moderne.

Les African hebrew israelite nation of Jerusalem existent également dans d'autres pays: En Amérique, en Afri­que (Libéria, Ghana, Kenia, Afrique du sud), en Europe (Allemagne, An­gleterre).

Pèlerinages et propagande

Michel Remaud

C'est fou ce qu'on peut s'instruire en écoutant les pèlerins qui arrivent en fin de parcours après avoir passé une semaine ici! On apprend par exemple que tous les hommes sont pécheurs, mais que les Juifs le sont plus que les autres ; que les Perses et les Arabes n'ont jamais rien cassé chez les chré­tiens dans ce pays et que les grandes destructions du VIIème siècle sont le résultat de tremblements de terre; que la « vraie» Bible n'est pas la Bible hébraïque, qui n'est pas conforme aux textes originaux, mais la Bible grec­que, traduction fidèle d'un texte pri­mitif aujourd'hui perdu. Certains pro­pos, tels qu'ils nous sont rapportés par des témoins dignes de foi, donneraient à penser que l'on peut se permettre de tout dire, même les affirmations les plus délirantes: les anciens colons ex­pulsés de Gush Katif auraient tous été relogés à Jérusalem-est, les habitants de Bethléem aujourd'hui seraient ber­gers, etc. Et si les murs avaient des oreilles, la clôture de sécurité que l'on doit franchir pour aller à Bethléem aurait plus de choses à raconter que l'on ne peut en imaginer. Ces bêtises et bien d'autres encore ne sont géné­ralement pas le fait des guides, qui ne peuvent souvent que constater les dégâts, mais des organisateurs ou accompagnateurs des pèlerinages, géné­ralement des prêtres, qui se permettent même de « rectifier » les indications des guides – lesquels ne peuvent pas toujours leur tenir tête sans risquer de provoquer des incidents – , ou de personnalités rencontrées sur place pour mettre les pèlerins au contact de la « réalité du pays ». Bien entendu, ce phénomène n'est pas général, et l'on peut aussi, heureusement, ren­contrer des groupes qui ont reçu une information équilibrée et nuancée ; mais il a assez d'ampleur pour devoir être signalé. Il faut souligner que les agents les plus actifs de cette désin­formation ne sont pas, le plus sou­vent, des autochtones, mais plutôt des Européens, soit vivant sur place, soit, comme on l'a dit, accompagnant les groupes. On m'a rapporté le cas d'un prêtre accompagnateur d'un groupe essayant de faire dire par le chauffeur, un musulman, des choses que ce der­nier se refusait à dire parce qu'elles n'étaient pas conformes à la vérité. Devant une telle situation, on ne peut que faire un constat et se poser une question.

Le constat: l'enseignement du dernier concile et des derniers papes n'a pas pénétré les mentalités de nombreux catholiques, et certains des propos en­tendus ne sont pas seulement teintés d'antijudaïsme : dans certains cas, il s'agit purement et simplement d'un antisémitisme qui ne prend même pas la peine de se déguiser. On peut sans grand risque avancer l’hypothèse que l'image peu flatteuse que les moyens d'information donnent généralement d'Israël ne demande qu'à s'amalga­mer avec un vieil antisémitisme latent et toujours prêt à se réveiller. Beau­coup arrivent ici avec leurs idées toute faites et ne prennent en photo que ce qui semble confirmer leurs préju­gés, plaquant leurs phantasmes sur la réalité au lieu de chercher à la connaî­tre et à la comprendre. En même temps, certains pèlerins, non sans une certaine naïveté, ne cachent pas leur étonnement de pouvoir circuler libre­ment dans un pays qu'ils s'attendaient à trouver en guerre ...

La question : que faire ? L'argument d'autorité qui consisterait à brandir les décisions et recommandations de la hiérarchie ne sert généralement à rien, et ceux qui s'efforcent de don­ner une information plus rigoureuse ont souvent l'impression de remplir le tonneau des Danaïdes.

Petite lueur d'espoir: il n'est pas rare que la propagande se retourne contre elle-même du fait même de ses excès et qu'il se trouve, dans chaque grou­pe, des gens de bon sens pour penser, et même dire, que trop, c'est trop.

Les Nabatéens. Une civilisation ancienne disparue (2ème partie)

Les Nabatéens et la présence romaine

Loïc Le Méhauté

Le nouveau roi nabatéen, Arétas III Philhellène (84-62 av. JC), profite de la mort d'Antiochos XII (en 83-82 av. JC) pour s'emparer du pouvoir à Damas, ville stratégique sur la route commerciale de la Méditerranée à l'Inde. Il entre en guerre contre la Ju­dée et, après sa victoire sur Alexandre Jannée, il obtient la paix en 82. Le royaume des Nabatéens s'étend de la région de Damas (Damascène) au nord, à la mer Rouge au sud et sur une partie de l'Arabie Saou­dite.

Le consul Pompée débarque en Orient en 66 et, en quelques an­nées, le Pont, la Syrie et la Judée sont soumis à Rome. À Jérusalem, deux frères asmonéens, Hyrcan II et Aristobule II (fils d'A. Jannée) se disputent le trône de Judée. Hyrcan et Antipater 1 'Iduméen (officier et ami d'Hyrcan) se réfugient à Pétra, font alliance avec Arétas III et complotent d'attaquer Jérusalem. Leurs frictions et querelles, occasionnant des désor­dres dans la région, provoquent l'intervention romaine. Pompée et son adjoint le consul Marcus A. Scaurus prennent position pour Aristobule et forcent Arétas à retirer son armée de Jérusalem mettant fin à cette campa­gne militaire. La Judée passe en 63 sous le contrôle de Rome suite à la prise de Jérusalem par Pompée (Josèphe, Anf XlV. 1-9). De nombreux récits historiques concernant les Na­batéens nous sont parvenus grâce aux écrits de l'historien juif Flavius Josè­phe.

Les richesses des Nabatéens sont convoitées par les Romains, comme elles le furent à l'époque des conquérants macédoniens. Scaurus est envoyé pour conquérir Pétra en 62. Pour plu­sieurs raisons - manque de nourriture, difficultés du terrain, pot-de-vin - le siège est levé. Arétas, tout en gardant son territoire, devient vassal de Rome. À Pétra, il développe l'art et les cultu­res hellénistiques et romaines surtout dans l'architecture. Les Nabatéens adoptent l'écriture grecque et le roi frappe des pièces d'argent dans un style hellénistique avec son nom en grec et non en araméen. Il se donne même comme épithète « Philhellène » (l'Ami des Grecs). Sous Jules César une expédition contre les Nabatéens aurait échoué dans les déserts d'Arabie.

Le nom du prochain souverain nabatéen Obodas II (62-60) nous est connu grâce à des pièces de monnaie et à une inscription découverte à l'est du canal de Suez. Son royaume su­bit plusieurs invasions romaines. Ce roi fut enterré comme Obodas Ier à Avdat.

Hérode et son frère Phazaël (fils d'Antipater) sont nommés (en 42 av. JC) tétrarques des Juifs par Marc Antoine et sont chargés de l'administration de la Judée. À l'invasion de la Syrie et de la Judée par le roi des Parthes, Paco­rus Ier (en 40), Hérode s'enfuit de Jé­rusalem. Il cherche refuge chez le roi nabatéen Malichos 1er (60-30). Ce­lui-ci, soutenant les Parthes, lui refuse l'hospitalité (Ant XlV. 25). Hérode continue sa route vers Rome où il est nommé « roi des Juifs » par le Sénat romain. Durant son règne, Hérode le Grand (40-4), aura plusieurs conflits avec les Nabatéens. Poussé par An­toine et la reine d'Égypte Cléopâtre VII - qui convoitent le commerce et les richesses des Nabatéens, Hérode leur fait la guerre en 32. Les troupes hérodiennes essuient tout d'abord une défaite de la part des Nabatéens. Après le tremblement de terre en 31, les Nabatéens, croyant la Judée rui­née, attaquent les forces juives. Héro­de traverse le Jourdain à Philadelphie (Amman) et met en déroute l'armée nabatéenne du général Elthemus (J 0­sèphe, Guerre I. 14). Le royaume na­batéen, après le saccage et le pillage par la cavalerie d'Hérode, devient vassal de la Judée.

Sous Obodas III (30-9), fils de Mali­chos II, les Nabatéens tentent en vain de se libérer de la tutelle des Juifs et se heurtent aux forces d'Hérode qui envahissent la Nabatène. Dans le Hauran (entre Damas et la rivière Yarmouk) Hérode aura des démêlées avec les Nabatéens.

À la mort d'Antoine et de Cléopâtre (en 31) l'Égypte passe enfin à l' auto­rité romaine. Auguste, désireux de contrôler les routes d'Arabie, confie à A. Gallus (en 25) une expédition de reconnaissance dans le sud de l'Ara­bie et en mer Rouge. S'appuyant sur les Nabatéens, connaisseurs des iti­néraires des caravanes, les Romains sont conduits par le ministre Syllaios de Pétra qui les égare dans les déserts d'Arabie. Ils mettent donc en place une autre route commerciale qui relie Alexandrie aux ports égyptiens de la mer Rouge et, de ces ports par voie maritime, à l'Arabie Heureuse (Yé­men), puis vers l'Inde. Les Nabatéens perdent peu à peu leur monopole du grand commerce des voies caravaniè­res Est-Ouest. Si leur économie subit un revers, elle reste encore florissante pendant plus d'un siècle. Sous ce roi, la Nabatène connaîtra cependant un essor culturel et de nombreux tom­beaux et temples seront construits à Pétra.

Son successeur, Arétas IV Philopa­tris « Ami de son peuple» (9 av. - 40 apr. JC.), est le beau-père d'Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et du Pé­rée (4 av. - 39 apr. Jc.). Quand Anti­pas tombe amoureux d'Hérodiade, sa belle-sœur, femme de son demi-frère Philippe Ier, il répudie la fille d'Aré­tas. Le roi nabatéen, pour venger l'honneur de sa fille, attaque Antipas en l'an 36 et lui inflige une défaite. Les Romains prenant le parti d'An­tipas envoient Vitellius contre Arétas mais l'expédition prend fin à la mort de Tibère.

La ville de Damas est encore aux mains des Nabatéens quand Paul s'en échappe en l'an 33 ou 35 : « À Da­mas, le gouverneur du roi Arétas fai­sait garder la ville des Damascéniens, pour se saisir de moi ... » (2 Co Il.32, 33). Dans l'épître aux Galates, Paul annonce qu'il s'est réfugié en Arabie (Ga 1. 17). Est-ce dans Pétra, capitale de la Nabatène qu'il a trouvé asile? À cette période, sous Arétas IV, la ville est à son apogée! La Nabatène connaît une grande période de constructions. Les Nabatéens ne s'opposent pas à l'Empire romain mais coopèrent. Ils deviennent leurs vassaux, payant des taxes tout en continuant leur com­merce.

Malichos II (40-70), fils d'Arétas IV, perd le contrôle de la Damascène et mène une politique pro-romaine. Allié de Titus - lors de la Première révolte des Juifs contre les Romains - il lui envoie une armée de cavaliers et d'ar­chers pendant le siège de Jérusalem (66-70).

Sous le règne de Rabbel II (70-106) les Romains contrôlent le commerce nabatéen. De nombreuses pièces de monnaies nabatéennes sont encore frappées, signe que le commerce, tou­jours entre leurs mains, est très pros­père. Quand ce roi meurt, son fils ne lui succède pas. En 106 de notre ère, l'empereur Trajan (98-117) conquiert sans grande résistance la Nabatène qu'il annexe à l'Empire romain (Dion Cassius, Histoire romaine 14. 68). Elle sera rattachée à la Décapole pour devenir la province romaine d'Arabie Pétrée, avec pour capitale Bosra, ville fondée par Arétas III.

Pour le géographe grec Strabon (v. 58 aV.-25 apr. JC.), le nom Nabatéen veut dire « spécialiste de l'eau» (Géo­graphie, XVI). Il mentionne leurs maisons en pierre et prétend qu'ils boivent du vin. Deux siècles aupara­vant, ils vivaient sous des tentes et ne buvaient pas de vin, ni eux, ni leurs dieux (d'après des inscriptions naba­téennes de Palmyre et de Pétra). En un ou deux siècles ils devinrent une société très riche et bien développée. Leurs artistes sont célèbres pour leurs poteries particulièrement belles et ils sont devenus maître dans l'art des en­duits pour imperméabiliser leurs citer­nes.

Pline l'Ancien (ler s. apr. JC., Histoire naturelle) les décrit comme possédant de nombreuses richesses et gardant secrètement les origines de la myrrhe, de l'encens et des épices (casse, can­nelle ... ). Les Grecs et les Romains les utilisant en grande quantité pour leurs services religieux, convoitaient ce commerce de l'encens, des aromates et des épi­ces.

Les Anciens et les aromates

La Bible mentionne les aromates, les épices et les parfums utilisés pour le service du Tabernacle puis du Tem­ple. Ils étaient employés pour l'autel des parfums, pour les divers sacrifices et ils entraient dans la composition de 1 'huile pour le candélabre à sept branches et de l'huile de l'onction: « Prends des meilleurs aromates ... de myrrhe ... de cinnamome aromatique… de roseau aromatique… de casse  et un hin d'huile d'olive. Prends des aromates, du stacté, de l'onyx, du galbanum, des aromates et de l'encens raffiné ... Tu feras avec cela un parfum à brûler composé selon l'art du par­fumeur,' il sera salé, pur et saint ... » (Ex 30.7-9; 22-38).

Le Cantique des Cantiques, inspiré de l'oasis luxuriante d'Ein Gedi, fait référence aux aromates, à l'encens ... à tous ces produits recherchés par les Princes et les Grands: « Tes ruisseaux arrosent un verger de grenadiers aux fruits exquis, avec des troènes (henné des Arabes) et du nard,' du nard et du safran, du roseau aromatique et du cinnamome, avec tous les arbres qui donnent de l'encens " de la myrrhe et de l'aloès, avec tous les meilleurs aromates ... » (Ct 4. 13,14).

Les Nabatéens n'étaient pas les seuls à garder précieusement leurs secrets sur les aromates et les épices. Les Juifs faisaient de même ! C'est ce qui res­sort de l'inscription du pavement de la mosaïque de la synagogue découverte dans la réserve naturelle d'Ein Gedi : « Gare à ceux qui commettent des péchés et provoquent des dissensions

dans la communauté, transmettent aux gentils des informations pernicieuses ou révèlent les secrets de la ville ... » Bien que cette inscription date du Ve-­VIe s. de notre ère, Ein Gedi produi­sait depuis longtemps des plantes tro­picales et médicinales, des onguents ainsi que du baume extrait du balsa­mier. Les terrasses aménagées étaient irriguées et précieusement gardées à l'aide de tours et d'une forteresse. Sous les rois asmonéens et sous Héro­de le Grand, Ein Gedi, domaine royal, était convoité par Cléopâtre (qui en devint 'heureuse propriétaire) et par les empereurs romains.

La riche oasis de Jéricho était recou­verte de champs de balsamiers (com­miphora myrrha) et de palmiers-dat­tiers: « ... qui est le seul lieu où croît le baume, qui passe pour le plus ex­cellent de tous les parfums, et où l'on voit en abondance les plus beaux pal­miers du monde. » (Ant XY. 5). Ce fut un présent d'Antoine à la reine Cléo­pâtre et elle en retirait des bénéfices substantiels.

Les anciennes civilisations tant égyp­tiennes, assyriennes, que grecques et romaines, sans oublier les Juifs avec leur Temple à Jérusalem, étaient de grands consommateurs de ces denrées rares, si recherchées et si onéreuses. Les maisons royales étaient avides d'aromates et d'épices. Et quel beau présent pour un nouveau roi : « ... ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l'or, de l'en­cens et de la myrrhe. » (Mat 2. Il). Les voies des caravanes transportant de telles richesses d'Arabie vers le Proche-Orient étaient jalousement protégées mais férocement convoi­tées.

Une première : un Bédouin, membre d'un Kibboutz

Jean-Marie Allafort

Roni Ouvad, un Bédouin âgé de 33 ans, rêvait depuis quelques années d'entrer dans un Kibboutz. Son rêve est devenu réalité, il y a quelques se­maines, lorsque les membres du Kib­boutz Ein HaShofet près de Meggido ont accepté sa candidature ainsi que celle de sa femme Katia à près de 90% des voix. 100 ans après la création du premier Kibboutz, Roni devient ainsi le premier Arabe de l'histoire à deve­nir membre à part entière de ce qui est devenu l'un des symboles du sionisme par excellence.

Né dans un village bédouin de la val­lée d'Izréel, Roni a reçu une éduca­tion traditionnelle. Malgré l'opposi­tion ferme de ses parents, il décide de faire son service militaire dans Tsahal (non obligatoire pour les Arabes israé­liens) et entre alors en contact avec le Kibboutz Ein HaShofet.

«Déjà très jeune, j'étais actif dans le Mouvement de Jeunesse Ouvrière et Etudiante et j'ai connu des jeunes de mon âge des Kibboutz de la vallée d'Yizraël. Je me suis senti très proche d'eux. L'ouverture des membres des Kibboutz m'a tout de suite attiré et j'ai commencé à désirer vivre avec eux. Je ne suis pas un musulman pra­tiquant mais je célèbre les fêtes jui­ves. Le soir de Pessah, je suis à table avec mes amis et nous fêtons la sortie d'Egypte. »

Selon la procédure du Kibboutz, après un an de travail au Kibboutz, Roni est accepté pour une période de probation. «Avec les années, j'ai senti que c'était ma maison. Je me sens très israélien» explique-t-il.

C'est au Kibboutz qu'il va rencontrer sa femme Katia, une immigrante des pays de l'ex-URSS venue là pour étu­dier l'hébreu. Ensemble, ils vont peu à peu s'insérer dans la vie du Kibboutz. Ils ont aujourd'hui deux garçons âgés de deux et quatre ans.

Roni garde de très bonnes relations avec sa famille bien qu'il ait abandon­né le mode de vie de son village. Cela n'a pas été très facile pour ses parents d'accepter qu'il ne se marie pas avec une fille bédouine. «Tant que je vais bien, ma famille est heureuse pour moi» conclut le nouveau membre du Kibboutz.

L’hôpital Saint-Louis au-delà des clivages

Myriam Ambroselli

Fondé il y a plus de 150 ans par le consulat français, l'hôpital Saint­ Louis, grand édifice aux pierres blan­ches et aux volets bleus aux portes de la Vieille Ville de Jérusalem, accueille indifféremment Israéliens et Palesti­niens et constitue un véritable îlot où les communautés peuvent se rencon­trer. Spécialisé depuis 1951 dans l'on­cologie et depuis les années soixante­-dix dans les soins palliatifs, l'hôpital accueille les malades atteints de can­cers ou de maladies cérébrales et les personnes en fin de vie. Juifs, musul­mans et chrétiens cohabitent dans une même attente : celle du soulagement de la souffrance par de bons soins, celle de la délivrance, et parfois celle de la mort. S'ils ont vécu dos à dos, ils s'éteignent côte à côte, face aux remparts de Jérusalem. Une maison vivante par l'atmosphère si singu­lière de la cohabitation multiconfessionnelle et grâce au dévouement du personnel et de nombreux volontaires venant d'Europe et d'Outre-mer.

Un lieu historique

L'hôpital Saint-Louis a été fondé il y a plus de 150 ans par le consulat français. Les soins des patients furent confiés à la congrégation française des « Sœurs de Saint Joseph de l’Ap­parition » qui fut la première com­munauté féminine étrangère à arriver en Terre Sainte, en 1848. L'hôpital occupait alors une maison privée de la Vieille Ville de Jérusalem, il démé­nagea ensuite au sein des bâtiments du Patriarcat Latin. Dès le début, la place et le confort manquaient. Pour cette raison, un riche pèlerin français, le comte de Piellat, architecte de mé­tier, construisit un nouvel hôpital en dehors des murs de la Vieille Ville. Le nouvel hôpital, dont l'architecture évoque les couvents édifiés en France à la fin du XIX siècle, entra en fonc­tion en 1881, avec 120 lits. Dédié à la médecine générale, il prodiguait des soins à tous ceux qui se présen­taient, indistinctement, quelle que fut leur religion ou leur état de fortune. Les occupants ottomans consentirent même à faciliter l'accès des chrétiens à l'hôpital en ouvrant une nouvelle porte dans les murailles de Jérusalem, la Porte Neuve.

En 1948, lors de la guerre d'Indé­pendance, la Vieille Ville est occupée par les Jordaniens, et l'hôpital Saint Louis, situé à une dizaine de mètres des murailles, se retrouve en territoire israélien. Entre les deux, une zone franche, que seuls une autorisation des Nations Unies et le port d'un drapeau blanc donnaient le droit de franchir. Situation singulière qui donna lieu à un épisode mémorable, en 1954, un jour où une patiente de l'hôpital per­dit son dentier en toussant fortement et que celui-ci tomba par la fenêtre. Il fallut un cessez-le-feu temporaire et l'intervention de trois officiers, un Is­raélien, un Jordanien et un officier des Nations-Unies, pour aller le récupérer sous une bannière blanche et sous la surveillance des soldats israéliens et jordaniens en poste de chaque côté du mur de séparation qui sépara Jérusa­lem d'ouest en est jusqu'en 1967.

Ainsi entre 1948 et 1967 les sœurs de l'hôpital essayèrent de faire face à la situation sérieuse des malades qui ha­bitaient la Vieille Ville et qui ne pou­vaient plus atteindre l 'hôpital. Elles construisirent en 1956 un autre hôpi­tal, à l'est de la ville, encore appelé «Hôpital Saint Joseph» pour répondre aux besoins de la population majori­tairement arabe de ce secteur. Quant à l'hôpital Saint-Louis, privé de sa clientèle traditionnelle, il entra à par­tir de 1951 dans un nouveau domaine de compétence au sein même du ser­vice de santé israélien: l'oncologie, puis plus tard les soins palliatifs. En 1967, à la suite de la réunification de la ville, l'orientation thérapeutique de l'hôpital ne fut pas modifiée, et jus­qu'à ce jour les autres hôpitaux de la ville dirigent leur malades grabataires sur Saint-Louis.

Une cohabitation remarquable

Dans les couloirs de l'hôpital Saint­ Louis on croise aussi bien un Juif re­ligieux de Méa Sharim, qu'un Arabe égrenant son chapelet, ou un commer­çant chrétien orthodoxe de la Vieille Ville. Un rabbin est attaché à l'hôpital de manière à ce que toutes les mesu­res soient prises afin qu'un patient juif puisse y être accueilli: l'hôpital dé­tient le certificat de cashrout, et cha­que jour il est vérifié que les règles sont bien suivies. Les lois alimen­taires musulmanes sont également respectées.

Tous, Juifs, Chrétiens, Musulmans cohabitent dans une même attente de soulagement et de délivrance. Can­cers en phase terminale, accidents cérébraux, démence sénile... Les pa­thologies des patients sont sans appel mais l'hôpital n'est pas pour autant un mouroir. Grâce à l'esprit insufflé par les religieuses de Saint-Joseph, par le personnel compétent et par les volon­taires, grâce à la paisible cohabitation entre les uns et les autres, cette mai­son est vivante. Le personnel de l'hô­pital est mixte: médecins, infirmiers, aides-soignants sont juifs, musulmans ou chrétiens. Les uns habitent du côté israélien, d'autres viennent des quar­tiers arabes, d'autres encore des terri­toires occupés. Pour éviter les conflits à l'intérieur de l'hôpital, les sujets re­ligieux et politiques y sont bannis. L'hôpital tend à être un lieu de ré­conciliation. Tous les vendredis ma­tin par exemple, deux femmes juives orthodoxes viennent servir du thé et des gâteaux maison à tous les patients sans distinction. C'est aussi et surtout autour des patients que se nouent des relations inattendues. Les familles se rencontrent dans des situations com­munes, auprès de leurs proches souf­frant ou mourant. Le reste n'a plus d'importance. Une jeune femme juive orthodoxe qui vient de perdre sa mère se jette dans les bras de la religieuse bénédictine qui partageait la chambre de sa mère. Un rabbin est venu aider une famille musulmane à faire les pa­piers officiels pour un enterrement. Un soldat israélien qui vient chaque jour visiter sa mère demande à l'in­firmier palestinien qui passe le check-point chaque matin : « comment va ma maman ? ». Et l'infirmier de répondre « Aujourd'hui, très bien. Je lui ai déjà donné sa douche, elle est là, elle prend son petit déjeuner ».

Les relations sont centrées sur les patients et, au cœur du quotidien, des amitiés se tis­sent au-delà des clivages. Les exemples sont innombrables. « C'est le cadeau que nous font nos malades, explique sœur Monika, d'origine allemande, « Ils sont tellement malades que tous se rendent compte que les différences que nous faisons entre les gens n'ont pas d'importance. Auprès d'une mère mourante, toutes les différences poli­tiques et religieuses tombent. » L'équipe médicale de l'hôpital, diri­gée depuis cinq ans par sœur Monika, constitue l'âme de l'hôpital. En 1988, l'hôpital reçut d'ailleurs à la Knes­set le « Prix de la Qualité de la Vie » pour son « dévouement excellent », le « pont de solidarité humaine, de to­lérance mutuelle et de respect» qu'il établit et « l'esprit de bénévolat» au sein des volontaires. En effet, aux 60 employés s'ajoutent 25 volontaires internationaux, venant en majorité d'Europe et d'Outre-mer. Ils permettent à l'hôpital d'offrir une bonne qua­lité de soins à moindre coût avec un personnel jeune et dynamique.

En 2007, l'hôpital reçut le « Mount Zion Award » pour la Paix, prix qui salua l'œuvre de réconciliation qui y est menée. Le 5 octobre 2009, sœur Monika fut décorée en Allemagne de la Légion d'Hon­neur de la main du Président Horst Koehler. Arri­vée à Saint-Louis comme volontaire pour trois mois en 1987, elle avoue avoir attrapé ici le « virus de la vie religieuse ». Infirmière diplô­mée en théolo­gie, elle se définit elle-même comme «une femme qui a fait de son hobby sa profession : les soins, et de sa pro­fession son hob­by: la théologie. » Elle est la garante du dévouement du personnel, de la tolérance mutuelle et du respect au sein de l'hôpital dans un climat de paix « basé sur l'amour des malades graves ou sans espoir de gué­rison, de toutes les religions, de tous les peuples et de tous les rites» selon les mots de Shlomo Hillel, président de la Knesset, en 1988.

L'hôpital Saint-Louis est depuis plus d'un siècle, un lieu unique de récon­ciliation et de rencontre.

«Asteraï», le premier roman israélien éthiopien traduit en français

Yonathan Alexander

Depuis Bialik jusqu'à Amos Oz, de nombreuses œuvres littéraires israé­liennes sont traduites dans la langue de Molière. Mais c'est la première fois qu'un roman écrit par un Ethio­pien devenu Israélien est traduit en français.

L'auteur, Omeri Tegamlak Avera, conte l’histoire d'un garçon des mon­tagnes du Gondar et de son oiseau magique, Asteraï et à travers lui le pé­riple des Juifs éthiopiens vers la Terre Promise. Petgu, comme Moïse et Da­vid, est un berger qui fait paître ses chèvres. Il est très attaché à sa grand­-mère, une femme remplie de sagesse dont les connaissances sont inépuisa­bles. Elle initie le jeune garçon aux secrets de la nature et aux traditions juives éthiopiennes. Elle l'introduit au mystère des Beta Israël et lui ré­vèle que l'oiseau Asteraï protège les descendants de la Reine de Saba dans leur Exil.

Et puis un jour, les Anciens prennent une décision grave: Nous «montons» à Jérusalem. L'Exil a un terme. Une nouvelle page de l'histoire de l'une des plus vieilles communautés juives du monde va s'écrire. C'est alors la traversée du désert, le passage dou­loureux dans un camp de réfugiés au Soudan et la confrontation parfois brutale avec l'homme blanc.

Ce roman, écrit par un jeune éthiopien arrivé en Israël en 1984 lors de l'Opé­ration Moïse, est un récit initiatique dévoilant des aspects inconnus d'une culture juive éthiopienne très riche et colorée. Asteraï est son premier ro­man et c'est une réussite.

Etude :

L'Exil d'Israël

I.C.

Selon le récit biblique, les Hébreux n'avaient pas de terri­toire propre à l'origine. Ils avaient trouvé dans le désert un Dieu qui leur proposa de devenir son peuple à condition de l'accepter pour Dieu. Le Deutéronome rapporte le souve­nir de cette rencontre: "Au pays de la steppe, III 'adopte ... Dieu est seul pour le conduire." Ainsi naquit une nation, au moment où Dieu choisit une bande qui allait lui prépa­rer un endroit ici-bas, alors qu'elle n'en avait pas un pour elle-même. En s'installant en Canaan, une tribu de noma­des devint un peuple de paysans attaché à tout jamais à sa terre. De même, en reposant sur la montagne de Sion, la Présence divine inaugura avec Jérusalem un lien dont les implications persistent.

Le sens de l'exil

Concurremment à l'établissement d'Israël en Canaan, se développa une théologie selon laquelle Dieu ne permettrait jamais le déracinement de son peuple pas plus que la des­truction du lieu de sa Présence à Jérusalem. Mais Jérémie, faisant écho à des vues prophétiques déjà perçues, délivra l'oracle de YHWH: "Je vais traiter ce Temple qui porte mon Nom ... comme j'ai traité Silo. Je vous rejetterai de devant Moi." Cette assertion fit scandale car elle s'oppo­sait aux conceptions du moment. Elle n'était pourtant pas étrangère au souvenir que Dieu et Israël avaient autrefois cheminé ensemble hors de la Terre Promise. Si Dieu avait conduit son peuple vers cette terre, Il pouvait tout aussi bien l'en chasser. Pareillement, si Dieu n'avait pas eu de demeure fixe au moment de l'Exode, Il pouvait ensuite dé­laisser le lieu où Il avait finalement choisi de résider.

Les faits confirmèrent l'intuition du prophète. La double épreuve de la déportation des élites et la destruction du Temple eût pu être fatale à ce peuple mais Jérémie, prenant une initiative des plus hardies, sauva la tradition cultuelle et ce faisant, la nation tout entière. Au risque d'étonner, il écrivit aux exilés de Babylone avec une confiance qui semblait venir de loin: "Recherchez le bien du pays où Je vous ai déportés. Priez Dieu en sa faveur car, de sa pros­périté dépend la vôtre." Ces mots justifièrent l'éventualité d'une fidélité à l'Alliance en dehors de la terre d'Israël et d'un culte privé de Temple. En donnant à Israël de sub­sister dans des circonstances imprévues, ils marquèrent un tournant de l'histoire biblique en ouvrant ce peuple sur l'universel.

Cette idée nouvelle favorisa l'émergence d'un Judaïsme à l'étranger. En effet, au terme de la captivité, tous les exilés ne profitèrent pas, loin s'en faut, de la possibilité de re­trouver leur pays d'origine. Longtemps après l'Edit de Cy­rus qui mettait fin à l'exil, Ezra, de concert avec Néhémie, chercha à reconstituer la communauté exsangue de Juda. Il fallut à ce moment l'intervention d'un prophète d'origine étrangère pour encourager ce mouvement de retour. Venu probablement d'Edom, Ovadia éleva la voix pour inciter au rapatriement des exilés dans un contexte de restauration nationale. Ceux qui, faisant la sourde oreille, préférèrent rester en Mésopotamie, formèrent le noyau d'une commu­nauté plus ou moins autonome d'où sortirait, plus tard, le Talmud de Babylone. Le même processus de dispersion volontaire alla en s'accentuant à l'époque hellénistique, mais cette situation ne manquait tout de même pas de res­sembler à un exil.

Les prophètes avaient présenté l'exil de Babylone comme un châtiment, ce qui n'était pas le cas de la migration plus tardive, survenue après les conquêtes d'Alexandre, vers les villes du monde méditerranéen. Malgré la présence d'un pouvoir quasi indépendant assuré par la dynastie hasmo­néenne, après la révolte des Maccabées, ce mouvement de dispersion ne tarda pas à s'amplifier. Le mot Gala devint alors pratiquement synonyme du grec Diaspora pour dési­gner les régions où, pour une raison ou pour une autre, des Juifs avaient fini par aboutir. Ces déracinés continuaient bien sûr à considérer la terre d'Israël comme leur patrie spirituelle et la montagne de Sion comme un Lieu Saint où devait paraître un jour le Messie, mais la plupart d'en­tre eux n'avaient, semble-t-il, aucun désir d'y rester à de­meure.

L'hébreu biblique ne forgea pas un mot correspondant à diaspora, montrant par là que toute vie en dehors d'Israël était bel et bien un exil [Héb. : Galout]. Dans la Bible, ce mot et son équivalent Gala n'étaient pourtant pas des termes abstraits évoquant une aliénation, une détresse ou un état d'esprit, autant de concepts qui apparurent après la destruction du Temple en 70 avant de se préciser à l'épo­que talmudique. La servitude d'Egypte devint alors pour les rabbins le paradigme de la Galout avec tout ce qu'elle pouvait avoir d'avilissant, sans nier pour autant les possibi­lités toujours offertes d'un rebondissement. Ils rappelaient, non sans à-rpropos, que selon la guématrie, l'expression vers l'Egypte [Héb. : Mitsraïma] et le mot désert [Héb. : Shemama] avaient la même valeur numérique de 385, tout comme le mot Shekhina qui, après la disparition du sanc­tuaire, en vint à désigner la Présence Divine.

Les rabbins interprétèrent la perte du second Temple en reprenant les termes mêmes des lamentations bibliques sur la ruine du précédent. C'était, pour eux, une situation dégradante dont le renversement ne pourrait s'opérer que par l'effet d'une intervention divine. Jérémie avait bien dit que le Dieu d'Israël pouvait être adoré partout et donc en exil, mais la profanation du sanctuaire par les Romains, le 9ème jour du mois d'AV, n'était pas sans affliger les esprits, d'autant que cette date était précisément celle de la destruction du premier Temple par les Assyriens en - 587. S'inspirant du prophète d'Anatot, la tradition rabbinique admettait que les fautes d'Israël avaient provoqué non seu­lement l'exil du peuple mais aussi celui de la Shekhina. Ce changement était traumatisant car il privait le peuple de sa raison d'être. Si la maxime socratique: "Connais-toi toi-même! " éclairait le comportement du Grec, l'attitude juive était commandée par l'injonction du Talmud: "Sache devant Qui tu te tiens! " Le sentiment d'être privé de la Présence ne pouvait que souligner à quel point les condi­tions de la vie en exil pouvaient être déstabilisantes. C'est pourquoi, la tradition rabbinique ne l'a jamais légitimé et l'a toujours considéré comme un échec national, une bles­sure cachée à la racine de tout mal.

Paradoxalement, le sens de l'exil perdure même lorsque celui-ci est physiquement aboli. Il peut en effet demeurer - au plan psychologique - un facteur non négligeable dans le comportement individuel et collectif. Aussi, a-t-on pu dire qu'il était plus facile de retirer un Juif de l'exil que de retirer l'exil d'un Juif. Faisant partie des composantes d'une identité, ce sens de l'exil peut donner accès à un espace intérieur. Ainsi, le trauma causé par l'écrasement de l'an 70 se devine dans le fait que le nom de son auteur, Titus, n'est jamais cité dans le Talmud sans le qualificatif de 'mécréant'. L'effondrement était tel qu'en le voyant, on pouvait douter que, de longtemps, la nation se ranimât. Si ce qui fait une âme c'est sa douleur, il ne manquait rien à Israël pour trouver la sienne. Longuement familiarisés avec cette constante, les rabbins la rappelaient à l'attention de leurs disciples, si tant est qu'ils l'eussent oubliée: "Dieu brise les instruments dont Il se sert! "

Loin de démoraliser, la prise de conscience du pourquoi de l'exil donnait des raisons d'espérer. Aux esprits ouverts qui acceptaient de rompre avec les habitudes, il offrait l'occasion d'un rebond de créativité. Dans un peuple - de­venu une fragilité plus qu'une force - ils allaient stimuler le génie du renouveau. Toujours à la recherche de signi­fications cachées, les scribes observèrent plus tard qu'en ajoutant au mot Gala la lettre aleph -la première du mot Elohim - on obtenait le terme Géoula qui désigne le sa­lut. On se consolait à la pensée des hauts faits du passé survenus en terre étrangère. Les plus grands moments de la Révélation étaient en effet survenus en dehors d'Israël: l'appel d'Abraham à Haran, après son départ de Chaldée, le don de la Tora au Sinaï, et les compilations des tradi­tions bibliques effectuées à Babylone.

La créativité de l'Exil

Le dépositaire de la promesse qui lia le peuple à la terre, le fondateur de la nation, était né hors d'Israël. Il en fut le premier immigrant mais aussi le premier émigrant car, après avoir beaucoup sacrifié en laissant les siens, Abra­ham quitta la Terre Promise qu'il avait finalement atteinte et choisit de vivre pour un temps en Egypte. Quant à Ja­cob, il s'attarda sur les traces de son aïeul en Mésopota­mie, puis en Egypte où il mourut. Si le lien - apparemment normatif - des patriarches avec la Terre Promise était déjà ambivalent, on ne pouvait oublier que, ni la naissance du peuple ni la prise de conscience de sa maturité, n'avaient eu lieu dans le pays qui lui était destiné. Ayant connu un état de gestation en Egypte et à Babylone, la nation avait en quelque sorte été créée en exil, aussi, l'association élé­mentaire entre nation et terre ne lui était peut-être pas aussi naturelle qu'il n'eût paru.

Au terme d'un long séjour en Egypte, la Tora, autrement dit, le système de valeurs définissant l'identité du peuple et ses finalités, fut donnée hors d'Israël dans une région qui n'appartenait à personne. L'Alliance fut conclue au mont Sinaï, au cours d'une simple étape dans le désert qui me­nait à la Terre où coulaient le lait et le miel. Cette consta­tation suggère que la Révélation pouvait finalement se pro­duire partout et explique peut-être le fait, qu'au cours de son histoire, le peuple juif n'a jamais dédaigné un tel no man s land, spécialement aux moments difficiles.

Pour assumer la responsabilité d'un tel message, le peuple ne pouvait toutefois errer indéfiniment dans les solitudes. Pour s'en acquitter, il devait se fixer quelque part et fut conduit au carrefour de trois continents. Cette simultanéité de l'organisation d'un peuple, de la fondation d'une reli­gion et de l'occupation d'une terre demeure un cas unique dans 1 'histoire de l'humanité. L'entrée en Canaan revêtait une signification spirituelle car la force seule ne pouvait en assurer la possession qui, elle, dépendait de conditions strictes. Le statut du peuple ne coïncidait pourtant pas avec celui de la terre car la jouissance de celle-ci était condi­tionnelle, tandis que la survie de celui-là ne l'était pas. Après la partition du royaume de Salomon en deux groupes rivaux, la zone nord fut conquise par les Assyriens en -721 et ses dix tribus exilées. La conduite de cette population avait toujours été différente de celle de la tribu plus tradi­tionnelle de Juda et, comme on pouvait s'y attendre, elle perdit de vue sa spécificité au milieu de cultures étrangè­res. Bloquée dans une histoire qui refusait d'avancer, elle oublia son propre caractère, se fondit dans les autres na­tions et disparut. Mais lorsque le peuple de Juda fut écrasé et partiellement exilé après la prise de Jérusalem en -587, il conserva son identité, se distingua des autres cultures et survécut. Lui seul possédait le secret permettant de sub­sister en tant que nation privée de sa terre. Il sut maintenir l'originalité de la Maison d'Israël dans la différenciation. La tradition rabbinique a sanctionné cette attitude en affir­mant: "Tu nous a choissiï" Aussi, le désir d'être comme les autres a-t-il toujours revêtu une connotation négative dans la psyché d'un peuple pourtant bien conscient du caractère inquiétant de la singularité.

A Babylone, la priorité n'étant plus à l'action mais aux idées, les exilés prirent goût à l'étude et aux écrits. Le sens de leur identité s'exprima dans une activité prophétique et une œuvre de compilation de textes qui allait marquer la teneur même de la Bible. La destruction de Jérusalem avait dépouillé le sanctuaire de ses trésors et de l'Arche d'Alliance mais, "aux bords des fleuves de Babylone", des prêtres préparaient déjà le rituel d'un lieu de prière qui n'existait pas encore. Ne pouvant "chanter sur une terre étrangère" des psalmistes y composaient les hymnes qui allaient animer - pour la première fois - la liturgie du Tem­ple attendu, tant il est vrai que l'édifice érigé par Salomon ne connut jamais qu'une vie cultuelle des plus succinctes. Au départ de Jérusalem, une calamité les avait démunis d'objets sacrés, mais au retour, ils arrivaient avec l'ébau­che de ce qui deviendrait les Saintes Ecritures. L'intervention prophétique avait rendu le Judaïsme trans­portable car la prière communautaire avait, durant l'exil, remplacé le service du Temple en donnant à penser que l'on pouvait s'adresser à Dieu sans le truchement d'un sa­cerdoce. Un rite déterminé avait cédé le pas à une expres­sion religieuse qui allait enrichir le patrimoine spirituel de l'humanité. Sous la pression des événements, la liturgie synagogale prit le pas sur le culte sacrificiel. Cette muta­tion allait s'avérer irréversible et poursuivit son évolution même après la reconstruction, laborieusement poursuivie, du Temple au retour de l'exil.

Confrontés aux problèmes posés par la reconstruction du Sanctuaire, les premiers Judéens rentrés de Babylonie se seraient vite découragés, n'eût-ce été l'intervention des prophètes Aggée et Zacharie qui réveillèrent les énergies et encouragèrent le gouverneur Zorobabel et le Grand Prê­tre Josué à poursuivre le relèvement des ruines du Lieu Saint.

Mais, face à la concurrence imprévue de la nouvelle insti­tution synagogale, le Temple n'était plus ce qu'il avait été. Le Talmud finit par reconnaître: "Le second Temple nous a été donné pour notre consolation." Pressentant qu'une simple image avait été substituée à la réalité, certains rab­bins nièrent plus tard le fait même de la Présence divine dans le second Temple.

Selon la normale, un peuple banni de sa terre devient culturellement stérile et régresse tôt ou tard vers la stagna­tion ou l'assimilation. Une fois de plus, Israël fut l'excep­tion. On peut même penser que, sinon l'exil, il n'y aurait pas de Judaïsme aujourd'hui, tout au moins tel que nous le connaissons. L'adversité favorisa la promotion de son patrimoine spirituel, au point que la sémantique tend à souligner cette valeur créatrice de cette adversité. Comme le mot 'exil' [Héb. : Galout ] dérivait de la même racine que 'révélation' [Héb. : Gillouï ], on était porté à sonder les virtualités secrètes de cette épreuve nationale. Relevant ce défi, Israël arriva à se dépasser, non seulement en pré­servant l'acquis mais en produisant de nouvelles formes religieuses et culturelles dont les implications persistent.

La mystique de l'exil

Si Dieu avait été avec Israël au cours de ses exils anté­rieurs, Il pouvait tout autant accompagner son peuple dans ses nouvelles tribulations. Le souvenir de l'Exode, où Dieu avait suivi Israël pendant les quarante années de son errance au désert, encourageait à penser qu'Il était finale­ment plus présent au peuple qu'au lieu. Selon les rabbins, la Shekhina, autrement dit, cette Présence, avait suivi Is­raël en exil et l'accompagnerait aussi longtemps qu'il sui­vrait la Tora. Aussi, le Talmud affirmait-il: "Lorsque deux

hommes sont assemblés pour échanger les mots de la Tora, la Shekhina repose au milieu d'eux." Partageant cet opti­misme, les mystiques évoquaient une Shekhina protégeant les siens dans leurs pérégrinations, tout en demeurant près du Mur occidental du Temple. Pour eux, la Shekhina se tenait là, dans l'attente du retour des exilés.

La Kabbale où s'exprime la tradition mystique d'Israël, a conçu une théologie élaborée de l'exil. Au l3ème siècle, le Zohar, l'ouvrage classique de ce courant de pensée, pré­senta la Shekhina comme l'aspect femelle de la divinité qui doit s'unir à son correspondant pour éviter que le mon­de ne perde son équilibre et ne retourne au chaos. Tant que le Temple était présent, la Shekhina et le Saint Roi étaient toujours ensemble, mais, depuis sa destruction, ils ne se retrouvent plus que durant le Shabbat. C'est pourquoi, la Kabbale présente le Shabbat comme la célébration du ma­riage de Dieu et de la Shekhina dans un langage mystique qui a profondément marqué la pensée hassidique.

Au 16ème siècle, Louria, un mystique de Safed en Galilée, amplifia la perspective du Zohar qui voyait en tout être un exilé, depuis le lendemain de la Création où s'était mani­festée la faiblesse de la nature humaine. Il rappelait qu'en endossant la responsabilité de tout rétablir à sa vraie place, le peuple juif montrait comment sa destinée pouvait s' ins­crire dans le drame même de l'univers. Des traces de divin sont en effet disséminées partout mais demeurent captives sous l'emprise du mal et doivent donc être rachetées. Cette œuvre de rédemption appelée Tikkoun [Litéralt. : Restau­ration] est la mission d'Israël qui, en sanctifiant le temps au milieu des nations, peut hâter l'avènement de ce monde restauré.

Les auteurs spirituels ont souligné l'analogie entre l'exil du peuple juifloin de sa terre et le départ d'Adam et d'Eve du Paradis Terrestre car il s'agit du même état violent de séparation. Mais, dans l'esprit des promesses irrévocables, Israël peut contribuer à la réunion permanente de Dieu et de la Shekhina qui provoquera, ici-bas, la fin de l'exil. “Ce jour-là, le Seigneur sera Un et son Nom Un !” L'exau­cement de ce vœu aura des répercussions cosmiques. Si l'exil donne de ressentir les effets regrettables de l'arbre de la connaissance du bien et du mal comme le montre le conflit entre la vie à la mort, le jour viendra où paraîtra le pouvoir universel de l'arbre de vie.

*    *

La reviviscence du peuple revenu à sa terre allait devenir pour tous un symbole d'espérance. Le Talmud soulignait déjà la valeur universelle de ce rétablissement: "Le jour du rassemblement des exilés sera aussi grand que les jours de la création du ciel et de la terre." Dans l'attente, un sentiment d'exil pénétrait au plus intime de la personne et faisait penser à celui que dût ressentir le premier homme en sortant du Jardin d'Eden. A la suite de son erreur, Adam alla en effet se cacher avec Eve "au milieu des arbres du jardin." Pris de pitié, Dieu lui demanda: "Où es-tu Adam?" Il aurait pu répondre: "En exil!" car, devenu étranger à lui-même, il ne pouvait plus rester là où il avait été heu­reux.

Qui est qui?

Eliane Ketterer

Ofer Eïni

Ofer Eïni (né en 1958), secrétaire gé­néral de la « Nouvelle Confédération générale des travailleurs» (Histadrout ha- 'Ovedim ha-Kelalit he-hadasha) depuis janvier 2006.

Ofer Eïni est né et a grandi à Béershéva. Après sa libération de Tsahal, il commença à travailler au commissariat aux impôts sur le revenu. L'année suivante il fut élu au comité des travailleurs de la section sud du commissariat aux impôts sur le revenu. Peu de temps après, il fut nommé secrétaire général du comité. Huit ans plus tard, il fut élu secrétaire général du comité national des travailleurs des impôts sur le revenu. En 1999, Ofer Eïni fut nommé par Amir Péretz, secrétaire général de la Histadrout des employés de l'Etat. Par la suite, il fut nommé secrétaire général du département du syndicat professionnel de la Histadrout. Dans le cadre de cette fonction, il mena des pourparlers en faveur des travailleurs de divers organismes, par exemple en faveur des ouvriers des ports, du dé­partement des travailleuses du domai­ne public, et d'autres sociétés.

Quand Amir Péretz fut élu à la tête du parti travailliste et démissionna de sa fonction de secrétaire général de la Histadrout, Ofer Eïni fut élu à sa place. Il occupe cette fonction depuis le 2 janvier 2006.

En 2007, Ofer Eïni servit d'intermé­diaire dans les pourparlers entre les représentants des enseignants et les ministères des Finances et de l'Educa­tion durant la longue grève des ensei­gnants des lycées. Selon les termes de la ministre de l'Education, Yuli Tamir, il réussit une percée qui rendit possi­ble la signature d'un accord entre les deux parties. Une autre ébauche qu'il rédigea conduisit le 18 janvier 2008 à la fin de la grève du corps académi­que universitaire, grève qui avait duré trois mois.

Ofer Eïni est marié et a quatre en­fants. Il possède un appartement à Béershéva et un autre dans le Nord de Tel-Aviv, mis à sa disposition par la Histadrout.

Chant du mois :  MaozTsour

Pour ce numéro de décembre, voici la traduction en français du chant le plus populaire de la fête de Hanouka : «Maoz Tsour», Ce poème liturgique aurait été écrit au milieu du treizième siècle, au temps des Croisades. Les premières lettres des cinq premières strophes forment l'acrostiche de «Mordechaï», sans doute le nom de l'auteur. Ce texte chante la confiance que l'homme d'Israël doit établir en Dieu à l'heure de l'épreuve. Il est un témoignage des souffrances d'Israël au milieu des nations et une hymne à l'espérance du salut qui approche.

Forteresse, rocher de mon salut, il est bon de te louer.

Restaure la Maison de ma prière et là,

Nous sacrifierons le sacrifice d'action de grâce.

A l'époque où Tu prépares l'écrasement du persécuteur en ses gémissements

Alors j'achèverai par un chant vigoureux de louange, l'inauguration de l'autel.

Humour pour finir ...

Jean Marie Allafort

Simon Bensoussan est en voiture en plein Sentier à Paris et cherche désespérément une place pour se garer. Il fait le tour, il attend, il va chercher même un peu plus loin, rien. Il a un rendez-vous d'affaires très important et il risque de se mettre en retard. Mais rien, aucune place! Désespéré, il regarde vers le ciel et implore: «Mon Dieu, si tu me trouves une place de parking dans les cinq minutes, je te promets de ne plus faire d'écart et de manger toujours kasher, de garder le shabbat, de respecter Yom-Kippour et toutes les fêtes juives ... » Et alors - Ô miracle! - une place se libère juste devant lui ! Alors Simon lève les yeux vers le ciel et dit: «Cherche pas, mon Dieu, j'ai trouvé!»