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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 30 – Juillet/Août 2006

La citadelle dite "de Ville"

Sommaire :

-   Editorial 

-   Histoire : L’Agence Juive

-   Connaissance d’Israël : Megiddo (3ème partie)

-   Vie en Israël : les Juifs d’Ethiopie

-   Exposition sur le pain dans les trois grandes religions

-   Les Montées de Jérusalem

-   Racines juives : de l’ancien au nouveau par la tradition juive

-   Flashes d’espoir

-   Au fil des mois 

-   Chant du mois et humour en finale

 

Editorial

Voici maintenant quatre ans qu’est paru le premier numéro d’Un écho d’Israël. Ce qui était à l’origine un simple bulletin photocopié est devenu — aussi — un site Internet largement visité et même « pompé » : il nous est arrivé de retrouver tel ou tel de nos articles sur un site « avec l’aimable autorisation » d’un autre site, qui n’était pas le nôtre ! Hommage ambigu, mais plutôt encourageant.

Notre entreprise ne s’est pas seulement développée, elle a aussi évolué. À l’origine, en pleine seconde Intifada, il s’agissait essentiellement de lutter contre la désinformation — et notre revue ne serait sans doute jamais née sans la nécessité de remplir ce qui nous apparaissait alors comme un devoir moral. Cherchant à faire sentir la vie de ce pays dans tous ses aspects, culturels, sociologiques, spirituels, historiques, archéologiques, l’image que nous en donnons aujourd’hui est inévitablement complexe. Il y a quelques années, lors d’un passage en France, je disais à quelqu’un que Binyamin Netanyahu avait été battu aux élections précédentes sur des questions de politique intérieure. À en juger par la stupéfaction que j’ai lue dans son regard, mon interlocuteur n’avait jamais réalisé qu’il pouvait y avoir en Israël une politique intérieure. Or, les Israéliens, comme les Français, se lèvent tous les matins, déjeunent, envoient les enfants à l’école et vont au travail, se reposent en fin de semaine, payent des impôts, des notes de téléphone et d’électricité et, à l’occasion, des contraventions pour excès de vitesse ou stationnement interdit… Sans doute, le problème palestinien est toujours présent à l’arrière-fond de la vie quotidienne, ne serait-ce que parce qu’aucune famille n’est à l’abri d’un attentat, d’une mauvaise nouvelle concernant un jeune militaire ou, pour les frontaliers du nord et du sud-ouest, d’une roquette ou d’une fusée ; et aussi parce que les moyens d’information israéliens ne sont pas aveugles ni muets sur ce qui se passe de l’autre côté de la clôture. Mais la vie ne se réduit pas au conflit.

Notre solidarité avec le pays où nous avons choisi de vivre  reste entière. Parce que nous y sommes immergés, nous percevons aussi les éléments contrastés de ce qui fait sa vie. Certains d’entre vous nous reprochent de ne pas avoir une idéologie définie, de ne pas avoir une ligne nette, voire nous accusent de schizophrénie. Notre ligne, c’est la recherche de la vérité. C’est d’ailleurs ce que nous disons aux groupes de pèlerins que nous rencontrons le soir dans les hôtels : si vous repartez d’ici avec plus de questions et moins de réponses que lorsque vous êtes arrivés, nous n’aurons pas perdu notre temps.

                                                                                                         Michel Remaud

 

Histoire :

L’Agence Juive

En 1922, la Palestine mandataire est créée par la Société des Nations afin : «d’instituer  dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l’établissement du foyer national pour le peuple juif (…) et à assurer également le développement d’institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu’ils appartiennent. »

« Un organisme juif convenable sera officiellement reconnu et aura le droit de donner des avis à l’administration de la Palestine et de coopérer avec elle dans toutes questions économiques, sociales et autres, susceptibles d’affecter l’établissement du foyer national juif et les intérêts de la population juive en Palestine, et toujours sous réserve du contrôle de l’administration, d’aider et de participer au développement du pays. »(Articles 2 et 4 du mandat.)

En réponse à ce mandat, c’est l’OSM, organisation sioniste mondiale, qui assumera ce rôle entre 1922 et 1929, pour la santé, l’éducation, la colonisation, les travaux publics, l’immigration et la politique générale.

En 1929, au cours du 16ème congrès de l’OSM, celle-ci fonde l’Agence Juive qui reprend les mêmes principes que ceux de 1922. Dépendant encore de l’OSM, elle n’est plus uniquement sioniste mais s’ouvre aux Juifs religieux antisionistes et aux Juifs de la diaspora non sionistes comme par exemple Léon Blum. Ceci en vue d’aider les Juifs qui quittent l’Europe centrale et orientale fuyant l’antisémitisme croissant. L’Agence Juive les fait venir en Palestine. C’est alors une aide concrète qui leur est donnée, sans vouloir pourtant créer un Etat juif. Elle répartit les visas d’immigration accordés par le Royaume Uni, installe des villages, développe l’activité sociale, sanitaire, culturelle et économique.

Dirigée jusque là par des sionistes, l’Agence Juive le sera de plus en plus par des Juifs palestiniens, alors que l’OSM comprendra surtout les Juifs de la diaspora. Haïm Arlosorov en est le directeur et en 1933 il négocie le transfert des fonds juifs allemands qui émigrent vers la Palestine, avec le troisième Reich. Le 16 juin 1933 il est assassiné, et l’on soupçonne la droite révisionniste d’avoir effectué ce crime. Cela a pour effet de renforcer la gauche qui obtient 44% des voix lors des élections de l’OSM cette même année. Accusé, le parti révisionniste quitte l’OSM, renforçant la gauche au sein de l’Agence Juive. David Ben Gourion succède à Haïm Arlozorov en 1935, après avoir été depuis 1921 le secrétaire général de la Histadrout (cf. Un Echo n°29). Il conservera la présidence de l'Agence Juive jusqu’à l’avènement de l’Etat d’Israël en 1948.

Basées en Palestine, les instances dirigeantes sionistes sont élues, à travers l’OSM, par les Juifs du monde entier. Elles deviennent de plus en plus un vrai gouvernement avec un département politique et une police juive en Palestine. Le « Conseil des élus » en est comme le Parlement, et la Haganah, force de défense, est tolérée par les Britanniques.

De 1919 à 1947, la population juive passera de 83 000 à 650 000 habitants.

De 1935 à 1939, les Arabes palestiniens se soulèvent contre l’arrivée en masse des Juifs et les Britanniques essaient de trouver une solution en publiant le « Livre blanc » qui freine l’immigration juive.

L’Agence Juive favorise l'immigration clandestine, au moment où les Juifs d’Europe en ont le plus besoin, mais de 1942 à 1945 la guerre la ralentira.

Pendant ce temps, l’Agence Juive agit dans le domaine politique auprès des gouvernements pour demander la création d’un Etat juif sur toute la Palestine. Ben Gourion se démène, alors que l’OSM n’aura pas de président entre 1946 et 1956 suite à la démission de Haïm Weizmann, trop pro-britannique. En 1947, l’idée de la création d’un Etat d’Israël sera soutenue à l’ONU par les Français, les Américains, et les Soviétiques.

Après la seconde guerre mondiale, l’immigration reprend, des centaines de milliers de survivants de la Shoa arrivent; 250 000 sont installés provisoirement dans des campements, spécialement à Chypre. Des bateaux essaient de les faire débarquer clandestinement. Il faut en même temps organiser l’arrivée de ces nouveaux immigrants tout en luttant contre les Britanniques de 1945 à 1948, alors que les hommes de la Haganah avaient lutté à leur côté contre les Nazis de 1939 à 1945.

Devant l’impossibilité pour les Britanniques de trouver une solution au conflit, l’ONU décide de partager la Palestine en deux Etats, l’un arabe, l’autre juif. A la joie de la population juive répond le refus arabe.

La période qui précède la déclaration d’indépendance voit se constituer les futures institutions de l’Etat d’Israël pendant que l’Agence Juive, elle, se consacre à l’obtention d’armes, tant par la fabrication sur place que par l’achat des surplus de la seconde guerre mondiale. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion prononce la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël. Les 37 membres du « Conseil des élus » se transforment en gouvernement provisoire. Ben Gourion en prend la direction, Moshé Sharett devient ministre des Affaires étrangères et Eliezer Kaplan ministre des finances. Depuis 1948, l’Agence Juive  dépend non plus de l’OSM mais du gouvernement israélien.

Après la guerre d’indépendance, commencée le lendemain de la naissance de l’Etat, l’Agence Juive va se consacrer à l’intégration des nouveaux immigrants : 1 300 000 jusqu’à la guerre des six jours en 1967, deux fois sa population à la naissance de l’Etat. 100 000 en 1948, 239 000 en 1949, 170 000 en 1950,   175 000 en 1951.

Du Yémen, l’opération « Tapis volant » amène 50 000 Juifs puis, en 1951, 110 000 arrivent d’Irak, 120 000 du Maroc, 22 000 de Tunisie, Libye, Egypte, Syrie, Liban, Turquie et Iran.

L’Agence Juive, dans des conditions économiques difficiles, est chargée de l’installation de toute cette population. Plus tard, il y aura trois autres périodes d’immigration, avec les Ethiopiens: 9 000 en 1984, 14300 en 1991, par une opération qui ne durera qu’une journée et demie et, à la chute de l’URSS, un million de Juifs russes. Ces dernières années, les Juifs immigrent non pas  parce qu'ils se trouvent en situation d'urgence, mais parce qu'ils désirent faire d'Israël leur demeure.

Aujourd’hui,  l’Agence Juive travaille dans les domaines de l’éducation, de la formation, tant en Israël que dans la diaspora.

Par exemple, en 2003, 1700 jeunes israéliens ont animé des camps de vacances aux USA, en Europe et en Russie.

24000 Juifs argentins ont bénéficié d’activités éducatives,

1400 éducateurs du monde entier ont reçu une formation en Israël,

18000 immigrants ont été dans des centres d’intégration,

25000 jeunes ont participé à des programmes en Israël,

46 nouveaux centres culturels, sociaux, sportifs et éducatifs ont été construits pour des populations en détresse.

En 2002 a été créé un fonds d’assistance aux immigrants victimes d’attentats terroristes. 

                 Cécile Pilverdier

Connaissance d’Israël :

Megiddo (3ème partie)

Megiddo servit comme arrière-plan pour le best-seller de James A. Michener, The Source. Ce livre nous permet de suivre les équipes archéologiques sur le terrain, les difficultés rencontrées auprès des autorités locales et le travail sur le site : la fouille elle-même, l’identification de la poterie et des artefacts, les croquis et photos, l’interprétation des données… Au fil des découvertes archéologiques l’auteur nous transporte dans le passé des civilisations disparues du pays d’Israël.

Vu l’importance du lieu, L’UNESCO a inscrit Megiddo parmi les sites classés « patrimoine mondial ».

Par un chemin de terre, parallèle à la rampe d’accès datée de l’époque de Salomon, l’on pénètre sur le site. Cette rampe facilitait le passage des chars tandis que les piétons pouvaient emprunter un escalier visible encore en bordure de la rampe. Notre chemin débouche sur la porte Nord du site, datée du XVe s. av. J.-C. Cette porte de l’époque cananéenne fut réaménagée partiellement il y a quelques années seulement, mais ces travaux de reconstitution nous permettent de saisir l’importance des portes dans les cités fortifiées. La porte, dite en tenaille, était flanquée de deux tours de garde desquelles partait la muraille en casemate. Dans le passage de la porte, assez large afin de permettre l’accès des chars et des chevaux, deux salles de garde se faisaient face. Très souvent à l’extérieur de la porte fortifiée se trouvait une sorte de place qui servait, aux anciens et au peuple, de lieu de rencontre et d’affaires (voir Boaz à Bethlehem). Après la traversée de cette porte, sur la droite, on aperçoit les ruines d’une porte antérieure (XVIIIe). Notre visite nous conduit vers la gauche et nous passons devant la porte salomonienne également en tenaille. A Megiddo, à Guézer et à Hatsor les portes sont de la même dimension et à triple tenailles. Les portes, points vitaux de la cité, furent reconstruites aux différentes époques au même emplacement. Si Y. Yadin fait remonter cette porte à l’époque de Salomon, D. Ussishkin quant à lui la date de l’époque d’Omri et d’Achab. Cette entrée de la ville était composée d’une porte extérieure à deux chambres et flanquée de deux tours. Dans la cour intérieure on bifurquait vers la gauche pour atteindre une autre porte à triple tenailles qui s’ouvrait sur la ville.

Pendant le règne de Salomon et des rois d’Israël, Megiddo était entourée d'une robuste muraille à casemates (deux murs parallèles avec des séparations entre eux délimitant des salles). Les casemates servaient à loger les soldats et à entreposer l'équipement et les munitions. Sur notre chemin nous apercevons quelques ruines de cette muraille et les restes d’une construction de Salomon.

En continuant vers l’est (à gauche) le chemin nous conduit vers la cité des XIXe et XXe s. (strate XV) et vers le fossé excavé (15 m de profondeur) qui laisse apparaître de nombreuses strates ainsi que l’emplacement des temples cananéens. A la fin du IIIe millénaire, fut édifiée une bama (autel, haut lieu) circulaire en pierre locale, de 8,5 mètres de diamètre et de 1,5 mètre de hauteur. Sept marches menaient au sommet sur lequel étaient offerts les sacrifices. C'est un excellent exemple des bamot cultuelles fréquemment mentionnées dans la Bible (voir I Samuel 9 :12-15). Au début du IIe millénaire avant l'ère chrétienne, un ensemble de trois temples identiques fut ajouté à l'arrière de la bama, constituant une impressionnante enceinte sacrée cananéenne. Vers la fin du IIe millénaire, un nouveau temple cananéen fut construit sur les ruines des précédents, ses murs particulièrement épais, et les deux tours protégeant sa façade, enserraient une petite pièce de culte. Une statuette de divinité masculine assise, en bronze et recouverte de feuille d’or, fut exhumée dans l’enceinte des temples ainsi que deux modèles de foies d’animaux en argile servant pour la divination.

Là, sur la terrasse panoramique qui surplombe la vallée de Yizréel (vers l’est), nous contemplons une des plus belles et des plus fertiles régions d’Israël. Comme nous l’avons mentionné dans l’étude précédente de Megiddo, la grande vallée de Yizréel fut le témoin, au fil des siècles, de violents combats entre Cananéens, Egyptiens, Assyriens, Babyloniens, Israélites et dans les périodes plus rapprochées entre Turcs, Français, Anglais, Israéliens et Arabes.

Il n’est pas étonnant qu’un des livres de la Bible chrétienne reprenne cet emplacement, connu comme champ de bataille dans l’antiquité, comme lieu de la  bataille  de la fin des temps du « jour grand et redoutable » : « Et j’entendis une voix forte qui venait du temple, et qui disait aux sept anges : Allez, et versez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu. […] Le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve, l’Euphrate. Et son eau tarit, afin que le chemin des rois venant de l’Orient fût préparé. Et je vis sortir de la bouche du dragon, et de la bouche de la Bête, et de la bouche du faux prophète, trois esprits impurs, semblables à des grenouilles. Car ce sont des esprits de démons, qui font des prodiges, et qui vont vers les rois de toute la terre, afin de les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu Tout-puissant. Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte ! Ils les rassemblèrent dans le lieu appelé en hébreu Harmaguédon. » (Apocalypse 16 : 1-16). D’après ce texte ce sera la grande conflagration d’Harmaguédon (forme grecque de l’hébreu Har Megiddo, la colline de Megiddo).

Megiddo, chargé de souvenirs historiques, est peut-être, à cause de ses tumultueux conflits, synonyme d’affliction et de dévastation : « En ce jour-là, le deuil sera grand à Jérusalem, comme le deuil d’Hadadrimmon dans la vallée de Meguiddon » (Za. 12, 11). L’étymologie de Megiddo serait « emplacement de troupes ». Est-ce pour cela que la Bible mentionne que les armées (troupes) du monde s’y réuniront pour faire la guerre au peuple de Dieu ?

Ce nom reflète également l’espoir de délivrance future du peuple de Dieu de l’emprise de Satan et de ses armées. Après la mêlée finale des peuples dans la vallée de Yizreël et à Jérusalem le Seigneur viendra dans toute sa gloire, mettant fin à la peur, à la souffrance, apportant la liberté et le salut !

Revenons au présent et poursuivons notre visite du tell. En faisant demi-tour nous laissons à gauche les ruines des temples cananéens qui firent encore, ces dernières années, l’intérêt des archéologues. Remarquons les emplacements quadrillés des fouilles récentes. En suivant le chemin vers le sud, sur notre gauche ce sont les ruines de la résidence du commandant des chars de Salomon. Face à nous, c’est maintenant le silo à céréales que nous pouvons admirer. Creusé plusieurs mètres (7-8 m) dans le sol, et de 11 mètres de diamètre, il est tapissé de pierre et comporte deux escaliers très étroits. Sa capacité est estimée à 12 800 boisseaux (12,5 litres le boisseau). Des traces de grains et de paille furent identifiées dans le silo. Il était certainement protégé par un toit imperméable, sorte de dôme en briques. Il peut être daté, soit du règne de Jéroboam, roi d’Israël (792-752 av. J.-C.), soit de la présence assyrienne.

Derrière le silo, se dessinent les restes d’un palais de l’époque salomonienne. Ce palais est adossé à la muraille d’enceinte. Dans la ville, de spacieux palais furent construits et, à côté, des bâtiments administratifs de plan identique : une série de salles s'ordonnant autour d'une cour centrale ouverte. Ils étaient fort bien construits, en grande partie en grosses pierres de taille, les murs épais soutenant un second étage. Les montants des portes étaient surmontés de chapiteaux de pierre, dit proto-ioniques, aux volutes stylisées. Des éléments architecturaux caractéristiques des centres royaux de l'époque monarchique ont été découverts dans les trois villes de Megiddo, Hatsor et Guézer. Ici de tels éléments se retrouvent dans les palais, édifices, fortifications, bâtiments administratifs, entrepôts, écuries.

Plus loin, les bâtiments que nous rencontrons furent d’abord identifiés, en se basant sur le récit biblique, aux écuries du roi Salomon. Mais de nouveaux indices permettent de les dater du début du IXe siècle, règne du roi Achab (874-853). L'ensemble des écuries, situé au sud, est divisé en plusieurs compartiments, séparés chacun en trois longues pièces parallèles : les pièces extérieures pour les stalles, les couloirs entre elles pour le personnel des écuries. Le plafond était soutenu par de gros piliers de pierre à section carrée. On trouvait également dans les écuries d'immenses abreuvoirs en pierre ainsi que des pierres perforées pour attacher les chevaux. Au milieu d'une cour spacieuse entourée d'un mur, un bassin d'irrigation. On estime que les écuries de Megiddo pouvaient accueillir 450 chevaux ; les bâtiments mitoyens abritaient certainement plusieurs dizaines de chars de combat - un nombre impressionnant pour l'époque. Mais ces bâtiments sont-ils effectivement des écuries ou tout simplement des entrepôts ? Aujourd’hui les archéologues optent pour cette seconde hypothèse bien que certains y voient des marchés ou des baraques pour les soldats.

Pour finir notre visite, il nous reste la partie la plus impressionnante et la plus difficile c'est-à-dire le système d’eau de l’époque des rois d’Israël. Pour assurer l'approvisionnement en eau de la ville en période de siège, un système souterrain d'adduction d'eau avait été creusé dans le roc, dans la partie ouest de la ville, permettant d'atteindre la source située au pied de la colline, à l'extérieur des murailles, sans être aperçu par l'ennemi. Cette réalisation, constituée d'un puits vertical à section carrée de 30 mètres de profondeur et d'un tunnel horizontal de 80 mètres de long, requit une ingéniosité considérable et une main-d'oeuvre extrêmement nombreuse. Le tunnel fut creusé des deux bouts simultanément, comme le laissent penser les marques des outils sur les parois. Pour cacher la source d'eau aux yeux de l'ennemi et protéger les usagers du système d'eau, un mur particulièrement épais, camouflé par un revêtement de terre, fut construit à l'entrée de la grotte d'où jaillissait la source, bloquant l'accès de l'extérieur. L’eau de la source s’écoulait dans le tunnel en pente douce vers le fond du puits et un escalier, taillé dans le roc, permettait de remonter l’eau dans la ville.

C’est par un escalier de 180 marches que nous descendons au fond du puits, et empruntons le tunnel pour atteindre la source. L’hiver, il se peut que cette partie du site soit fermée à cause de l’inondation du tunnel. L’été, nous apercevons une petite mare d’eau à l’emplacement de la source qui alimente actuellement le kibboutz Megiddo (créé en 1949). De la source, quelques marches nous conduisent à l’extérieur du système d’eau et de Megiddo.

Livres à consulter

Y. Aharoni, Y. Yadin, Y. Shilo ; article “Megiddo” ; dans NEAEHL, vol. 3, pp. 1003-1024. - I. Finkelstein, D. Ussishkin et B. Halpern (éds) ; Megiddo III, the 1992-1996 seasons ; 2 vol., Jérusalem, 2000. - I. Finkelstein ; MdA 116 ; 1999, p. 81. - J. Briend ; La Terre sainte, cinquante ans d’archéologie ; 2 vol., éd. Bayard, Paris, 2003.

                                          Loïc Le Méhauté

La vie en Israël :

Les Juifs d'Ethiopie – Beta Israel ou Falashas

Dans la presse israélienne du 9 juin 06, des photos bouleversantes de Juifs éthiopiens arrivant en Israël grâce à l'Agence Juive, à l'aéroport Ben Gourion, après avoir attendu et espéré ce jour pendant  huit ans dans les camps de réfugiés de la ville de Gondar, dans le nord.

Encore une fois, de la famille était là pour les accueillir en pleurant d'émotion. Encore une fois, ils sont descendus de l'avion, ont embrassé la terre et sont entrés silencieux dans un autre monde.

Des Ethiopiens israéliens ou, comme le dit la presse israélienne, des Juifs sortis d'Ethiopie, on en croise partout dans ce pays, aux postes de contrôle et de sécurité en particulier, mais aussi parmi les soldats, dans les gares ou lors des fêtes, dans les écoles, les hôpitaux, etc. Ils sont actuellement 105 000 en Israël, dont 30 000 sont nés dans le pays. On les reconnaît, bien sûr. Mais connaît-on leur histoire, leur communauté, leurs coutumes, leurs souffrances, leurs joies et leurs échecs ?

Leurs origines

Les Juifs d'Ethiopie qui se nomment eux-mêmes Beta Israel [la maison d'Israël] sont plus connus sous le nom de Falashas, nom signifiant immigrants ou étrangers. Mais d'où viennent-ils ? Quelle est leur origine ? Difficile à savoir exactement, leur histoire ayant été transmise oralement de génération en génération.

On parle de quatre origines possibles :

  1. 1.              Ils sont les descendants de la tribu perdue de Dan
  2. 2.              Ils sont les descendants de Menelik I, le fils du roi Salomon et de la reine de Saba
  3. 3.              Ils sont les descendants d'Ethiopiens païens et chrétiens, convertis au judaïsme depuis des siècles
  4. 4.              Ils sont les descendants de Juifs qui ont fui Israël pour l'Egypte après la destruction du premier Temple en 586 avant JC et se seraient installés en Ethiopie.

Quoi qu'il en soit, le judaïsme était largement propagé en Arabie du sud depuis la période royale et les relations entre l'Arabie et l'Ethiopie peuvent expliquer cette présence juive. En effet, le judaïsme s'était étendu dans le pays bien avant la conversion au christianisme de la dynastie Axum au 4e siècle. A cette époque, ceux des Juifs qui résistèrent au prosélytisme chrétien en Ethiopie furent contraints à se retirer des régions côtières et à se réfugier dans la zone montagneuse, au nord du lac Tana. Ils s'y constituèrent en royaume indépendant, en Etat juif autonome. A cette époque, ils parlaient l'agaw, une langue non écrite.

C'est à partir de 1270 qu'avec l'établissement de la dynastie solomonide on commence à entendre parler des Beta Israel. Ils sont décrits comme l'un des nombreux groupes du pays, désirant garder leur autonomie. Leur royaume est dirigé par un roi ou une reine, les plus célèbres étant le roi Gédéon et la reine Judith. Malgré de fréquents conflits, protégés par les montagnes, ils se maintiennent forts.

De 1529 à 1542, les Falashas prennent parti pour les Musulmans de Somalie et, avec eux, luttent pour détruire l'Ethiopie. Celle-ci sera sauvée grâce à l'intervention des Portugais. Mais, de 1605 à 1632, l'empereur Susenyos, converti au catholicisme, décide de faire disparaître le royaume des Falashas et encourage les missionnaires à les convertir. Ils doivent alors se réfugier dans la région de Gondar. Beaucoup se convertissent au christianisme.

L'empereur recrute des Falashas à son service. Ceux-ci s'assimilent de plus en plus, adoptant l'amharique, une langue sémitique parlée par les Ethiopiens.

En 1624, le royaume des Beta Israel est vaincu dans une bataille tragique les opposant aux Ethiopiens et aux Portugais. "Des hommes et des femmes falashas se battent jusqu'à la mort. Du haut de leur forteresse, ils se jettent dans le précipice et s'entretuent pour ne pas devenir prisonniers. C'est le Massada des Falashas. C'est à cette époque que furent brûlés tous les documents relatant l'histoire des Falashas, leurs livres religieux, pour détruire à jamais la mémoire du judaïsme en Ethiopie." (Righteous Jews Honored by Falasha Supporters, AAEJ Press Release, 1981). Le roi Gédéon, refusant de se convertir, fut tué.

Les Juifs capturés vivants devinrent les esclaves des Ethiopiens et furent baptisés de force. On leur refusa le droit à un pays. L'indépendance des Beta Israel fut abolie. Sur le demi million qu'ils étaient, il n'en resta plus que 100 000, vivant en groupes clandestins dans les hautes montagnes.

Cette période de conflits entre juifs et chrétiens permit des contacts entre ces deux religions. Leurs textes liturgiques étaient dès lors écrits dans la même langue, le guez, et le monachisme entra dans la pratique religieuse des Beta Israel.

En 1830, des missionnaires anglicans prospectant les régions montagneuses de Gondar, les découvrent dans un état de dénuement matériel et spirituel total. Mais ce n'est qu'en 1867 que l'Alliance Israélite Universelle prend contact avec eux, grâce à Joseph Halevy, juif français et, en 1904, à Jacques Faitlovitch  qui dédiera sa vie à la reconnaissance des Falashas comme juifs. Orientaliste juif français d'origine polonaise, il forma un comité international pro-Falashas pour la création d'écoles dans leurs villages et, grâce à des subsides, réussit à améliorer leurs conditions de vie. Il publia son livre, Notes de voyage chez les Falashas et s'établit en Israël après la seconde guerre mondiale. L'Agence Juive, en collaboration avec le Congrès Juif Mondial et le Joint poursuivront son œuvre. Pourront-ils un jour réaliser le rêve millénaire de rejoindre la terre de leurs ancêtres ?

Même si le sort des Beta Israel suscita un grand intérêt en Israël, il ne fut pas question d'envisager tout de suite leur immigration et leur intégration, des doutes subsistant quant à leur judaïté. Et pourtant, déjà en 1921, le Rav Kook n'hésitait pas, quant à lui, à reconnaître les Falashas comme partie intégrante du peuple juif.

En 1973, le grand rabbin sépharade Ovadia Yosef, d'origine yéménite, ayant servi dans l'armée britannique pendant la seconde guerre mondiale en Ethiopie et épousé une Beta Israel, reconnaît officiellement la judaïté des Falashas, en citant une décision rabbinique égyptienne du 17e siècle. Il les déclare descendants de la tribu de Dan ayant le droit d'émigrer en Israël : "Nous sommes obligés d'accélérer leur émigration en Israël et de les former dans l'esprit de la Tora, les aidant à devenir des partenaires de la construction de la Terre Sainte." En 1975, le grand rabbin ashkénaze Shlomo Goren fit la même déclaration : "Vous êtes nos frères, vous êtes notre sang et notre chair. Vous êtes de vrais Juifs." Peu après, le premier gouvernement d'Itzhak Rabin les accepta comme juifs et leur accorda le droit de retour. La porte était ouverte.

Mais pourquoi ces difficultés à les reconnaître comme juifs ?

Coutumes et traditions

En fait, les Beta Israel sont des juifs observant les traditions pré-talmudiques basées sur la Tora (le Pentateuque). Les autres livres de la Bible ne sont pas considérés comme inspirés. Pourtant les livres de Néhémie, d’Esdras, d’Hénoch, des Jubilés et de Baruch font partie avec d’autres écrits de leur héritage religieux. Par contre, ils ne connaissent pas le Talmud. Les Falashas ne pratiquent que les fêtes juives dont il est fait mention dans la Tora. Il ont également une autre fête nommée « Seged » (se prosterner) qui se célèbre le 29 du mois de Heshvan (après les fêtes d’automne). C’est la fête du don de la Tora et du retour de l’Exil de Babylone à Jérusalem au temps d’Esdras et de Néhémie. Occasion de fortifier la vision du « retour au pays ».  

Le texte biblique est rédigé en guez, aucun texte en hébreu n'étant connu jusqu'au 20e siècle. Leur lieu de culte est appelé "masgid" et, contrairement aux synagogues, on ne peut qu'y prier. Aucune autre réunion n'y est autorisée. C'est un lieu saint divisé en deux parties : le saint des saints où on lit la Bible dans un livre écrit à la main (il n'y a pas de rouleau) et l'autre partie où l'on procède au sacrifice de l'agneau pascal, sur une pierre. Le chef religieux, appelé Kes, est respecté comme un grand rabbin, ayant autorité et responsabilité sur sa communauté. Le Kes [prêtre en amharique] est considéré comme un descendant d'Aaron.

Les Beta Israel observent les lois bibliques de la pureté, de la casherout et de l'abattage rituel. Ils disent les bénédictions avant et après les repas. Ils pratiquent la circoncision le huitième jour. L'éducation religieuse des jeunes est primordiale, en particulier l'enseignement des psaumes en guez. Le défunt est considéré comme impur et le deuil dure sept jours, avec une cérémonie spéciale le septième jour et une année après l'enterrement.

Chaque jour, il y a sept temps de prière, dans le masgid, mais les fidèles n'en suivent qu'un ou deux. La sainteté du shabbat est scrupuleusement respectée et la journée est consacrée aux prières et aux chants en amharique. Les Beta Israel ne connaissent ni l'étoile de David, ni le shofar.

Le Kes le plus vénéré du 15e siècle fut Abba Zabia. Il était si populaire et charismatique qu'il convertissait les chrétiens au judaïsme. Le Négus essaya de le tuer, mais la légende dit qu'il disparut comme Hénoch.

Tous ces détails vont nous aider à comprendre, dans la deuxième partie de cette étude, l'enjeu de l'intégration en Israël, les rabbins essayant de réformer la religion juive des Falashas pour les faire entrer dans un judaïsme orthodoxe.

Les Aliyas

Dès 1965 et  jusqu'en 1975, des Beta Israel  commencèrent à venir en Israël, tout d'abord en touristes. Certains purent rester grâce à l'aide d'Israéliens. D'autres se convertirent au judaïsme orthodoxe et firent venir leur famille. Il y eut également ceux qui, après quelques mois en Israël, ayant appris l'hébreu, retournèrent à Gondar pour y créer des oulpans. Le rêve millénaire de venir "au pays" commençait à se préciser.

Le renversement du régime de l'empereur Sélassié en 1975 par le colonel Mengistu Haile Mariam, dictateur marxiste pro-soviétique, fut un arrêt de mort pour la communauté Beta Israel. 2500 Juifs furent tués et 7000 chassés de leurs maisons. Mariam envahit la région du nord et y installa des paysans éthiopiens souvent antisémites. L'émigration vers Israël fut alors interdite, de 1975 à 1991. Malgré cela et grâce à l'Agence Juive, qui avait déjà commencé dès 1955 à construire des écoles et à améliorer la situation des Falashas, 300 Beta Israel émigrent en Israël en 1977. Auparavant, il y avait eu un accord secret du gouvernement éthiopien avec Israël.

De 1982 à 1984, chassés par la famine et la guerre civile, des milliers d'Ethiopiens du nord, parmi lesquels des Beta Israel, se réfugient au sud du Soudan. 6000 gagnent Israël par des voies détournées, le gouvernement du Soudan refusant leur départ.

Récemment, à la radio, un Juif d'Ethiopie, travailleur social à Jérusalem, arrivé en Israël dans ces années-là, témoignait : "J'habitais dans un petit village du nord, fondé par mon grand-père. Nous étions onze enfants et attendions le jour où nous partirions vers le nord pour arriver "au pays". Même avant que mes grands parents sachent que l'Etat d'Israël existait, qu'ils n'étaient pas les seuls Juifs au monde, le rêve sioniste transmis de génération en génération nourrissait notre espérance. A 12 ans, j'ai demandé à tous mes camarades de prier pour que je puisse partir, traverser le Soudan et arriver à Jérusalem. Pour m'y préparer, je suis allé étudier à Gondar, la ville principale de notre région, à 40 km de chez moi. Chaque fin de semaine, je rentrais à la maison pour vivre le shabbat en famille. A 13 ans, je suis parti avec un groupe d'adultes. Un de mes frères était déjà parti mais avait disparu. Malgré le danger des révolutionnaires éthiopiens, nous avons réussi à franchir la frontière. Arrivés au Soudan, nous nous sommes installés dans un camp de réfugiés. J'y suis resté deux ans et demi, faisant des petits travaux pour survivre. Il ne fallait pas se faire reconnaître comme juif, les autres réfugiés éthiopiens et soudanais nous auraient tués. De là, un groupe de soixante a pu partir (grâce à une aide israélienne) en jeep pour la mer, puis en bateau pour la Grèce et, de là, un avion israélien est venu nous chercher."

En 1984, la situation des milliers de Juifs éthiopiens ayant fui au Soudan devient tragique. La famine règne. Cette marche de milliers d'entre eux vers le nord, d'un camp à l'autre, reste encore un traumatisme inguérissable dans la vie de beaucoup d'Israéliens éthiopiens ayant perdu souvent une partie de leur famille dans le désert du Soudan. On estime à 4000 ceux qui sont morts en cours de route.

Pour eux, depuis quelques années, la communauté juive éthiopienne a institué un Jour du Souvenir. Le premier eut lieu à Jérusalem, au kibboutz Ramat Rachel, en présence d'Ariel Sharon. Les "rescapés", même vivants, se disent inguérissables de ce qui fut pour eux une "shoa". Dans le dernier numéro des Yedi'ot Aharonot consacré à la communauté éthiopienne, écrit moitié en hébreu et moitié en amharique  et paraissant tous les deux mois, des hommes, des femmes témoignent. Après des années où personne n'a parlé, le journal appelle à parler, à se souvenir. Des parents qui ont perdu leurs enfants dans la marche se sentent coupables de ne pas les avoir sauvés et amenés au pays, et n'osent pas en parler, même en famille. Traumatisme aussi d'avoir dû enterrer les leurs en cachette, la nuit, pour ne pas dévoiler leur judaïté. Ils se souviennent des guides payés qui les abandonnaient en plein désert, en particulier lorsqu'ils respectaient le shabbat.

Alerté, Israël (l'armée et le Mossad), en collaboration avec l'ambassade des USA à Khartoum et des forces de sécurité soudanaises, lance l'opération Moïse: du 20 novembre 1984 au 4 janvier 1985, transportant 8000 Juifs éthiopiens du Soudan en Israël. Un accord secret entre le Soudan et Israël avait rendu la chose possible. Les fonctionnaires de l'Agence Juive, dans le plus grand secret, ont transporté ces "morts vivants" des camps jusqu'à Khartoum, à 450 km de là. Puis, on les a dirigés vers le Boeing 707 de la compagnie belge de charters Trans-European-Airways, compagnie en bonnes relations avec le Soudan. Pendant deux mois, un véritable pont aérien va être établi entre Khartoum et Tel Aviv, via Bruxelles, Rome ou Bâle: 160 avions, environ 8000 rescapés. Couverts de chiffons, un maigre baluchon sur le dos, ils se mettaient à genoux sur la piste pour baiser la terre d'Israël en murmurant des prières.

Cette opération fut rendue possible par le financement d'Israël, des USA et de l'Agence Juive. La visite d'Ariel Sharon à Khartoum en 1981 dans le plus grand secret n'est pas étrangère à cette mise en place d'une filière soudanaise pour faciliter la sortie des Juifs éthiopiens des hauts plateaux d'Ethiopie.

Des "fuites" dans les médias arrêtèrent brusquement cette opération, les pays arabes ordonnant au Soudan d'interdire le départ des avions. "Nous estimons que 4000 juifs sont encore dans quelques camps de transit au Soudan et qu'entre 8000 et 10 000 sont toujours en Ethiopie", indiquait le porte parole de l'Agence Juive, Zvi Eyal. Et ceux qui restent sont en danger de mort. "Ni les difficultés économiques, ni les distances géographiques, ni les obstacles politiques n'empêcheront la poursuite de l'émigration des Falashas. Le gouvernement israélien poursuivra l'opération Moïse jusqu'à ce que le dernier des Juifs ait rejoint sa patrie", affirmait Shimon Peres le 8 janvier 1985 à la Knesset.

L'opération Josué en 1985 permit à 800 autres Beta Israel d'être ramenés du Soudan en Israël. Mais la dictature de Mariam empêcha ensuite toute autre émigration jusqu'en 1991. Inutile de dire combien de familles ont été séparées, les uns partant, les autres restant. Souvent les femmes, les jeunes enfants, les malades, les vieillards restaient en Ethiopie, le voyage au Soudan étant trop risqué.

De 1990 à 1991, l'Ethiopie, perdant son soutien militaire soviétique, décide de laisser partir 6000 Beta Israel vers Israël par petits groupes, en espérant gagner le soutien des USA. Ils quittent leurs villages et s'installent dans des camps à Addis Abeba, espérant échapper à la guerre civile qui ravage le nord du pays, et partir pour Israël. La priorité était donnée à la politique de regroupement des familles.

En 1991, la dictature Mengistu fut renversée par les rebelles Erythréens et Tigréens. Mariam s'enfuit, les rebelles prennent le contrôle de la capitale. Israël lance l'opération Salomon pour délivrer tous les Beta Israel. Le gouvernement d'Itzhak Shamir donne à la compagnie El Al l'autorisation de voler le shabbat. Le vendredi 25 mai commence un vol de 36 heures dans trente quatre avions dont on avait relevé les sièges pour augmenter leur capacité. Ils transportent 14 324 Juifs éthiopiens. Des hôtels avaient été réservés à Jérusalem pour l'accueil. Le samedi soir, les Israéliens voyaient sur leur petit écran l'arrivée, l'exode moderne de leurs frères et sœurs noirs. L'émotion fut vive, tant le secret avait été gardé. Les gens ont commencé à apporter des habits, des jouets et même des fleurs. Des femmes de Jérusalem étaient à l'hôtel pour allumer les bougies de ce premier shabbat en Israël et des Juifs éthiopiens israéliens s'étaient portés volontaires.

De 1991 à 1994, les derniers Beta Israel émigrent en Israël. Mais, dès cette date, d'autres Ethiopiens des montagnes, se déclarant également juifs, viennent à Addis Abeba demander à Israël de les "faire monter". Ce sont les Falash Muras.

Les Falash Muras, n'appartenant pas directement aux communautés Beta Israel constituées, n'ont tout d'abord pas été reconnus comme Juifs par Israël. La plupart sont chrétiens et ne peuvent pas toujours prouver leurs origines juives. Mais tous désirent émigrer. Un débat assez vif eut lieu en Israël même, au sein des Beta Israel, entre partisans et opposants à leur émigration. Le gouvernement autorise finalement la plupart des réfugiés à Addis Abeba à émigrer en Israël au titre du regroupement des familles. "Un parent non juif d'un Juif israélien a le droit d'émigrer." Mais plus Israël ouvrait ses portes, plus la vague des réfugiés grandissait. En 2003, il y avait encore 20000 Falash Muras à Addis Abeba qui attendaient depuis des années de venir en Israël, et autant qui vivaient dans le nord, espérant émigrer. Des conversions officielles au judaïsme sont alors organisées, avec l'accord du gouvernement israélien, pour leur permettre d'émigrer en tant que Juifs. Mais l'émigration reste lente, environ 300 par mois. En 2005, le gouvernement d'Ariel Sharon déclare vouloir ramener tous les Falash Muras d'origine juive en Israël, à la cadence de 600 par mois, à partir de juin 2005. Le chiffre sera remis en question par le gouvernement Olmert en juin 2006 et l'on revient au chiffre précédent : 300 par mois. Une enquête récente établit que des dizaines de milliers de Falash Muras sont également groupés dans le nord de l'Ethiopie, attendant leur émigration. Oui, comme ce groupe qui, après huit ans d'attente, vient de débarquer à l'aéroport Ben Gourion.

L'intégration des Juifs éthiopiens en Israël fera l'objet d'un article dans notre prochain numéro.

                                               Antoinette Brémond

 

Exposition sur le pain dans les trois grandes religions au Musée d’Israël

Le musée d'Israël présente actuellement une exposition sur le pain dans les trois grandes religions présentes en Israël : judaïsme, christianisme et Islam. Il s'agit du pain quotidien, tiré de la terre depuis l'aube des temps, mais aussi du pain conçu comme nourriture donnée par Dieu.

Deux salles, claires et bien aménagées, sont consacrées à l'exposition. Dans la première est mis en relief, sous la forme de petits films très bien commentés, le rôle central du pain aux trois grands moments de la vie : naissance, mariage et mort. On assiste ainsi au rachat du premier né par le don d'une "halla" (pain tressé) dans une communauté juive, à la confection de ce même pain pour un mariage hassidique ou à la cérémonie consistant, chez certains chrétiens orientaux, à donner aux jeunes mariés de la pâte à pain pour qu'ils la collent au-dessus de l'entrée de leur maison en gage de bonheur et de prospérité. Ces rites de passage n'existent pas chez les musulmans qui, en revanche, fabriquent des pains ronds joliment décorés pour les distribuer aux pauvres ou les apporter au cimetière, en hommage à leurs défunts. Dans la seconde salle, l'utilisation du pain dans les cérémonies religieuses, tout particulièrement à l'occasion des grandes fêtes, est illustrée par une série de vidéos et l'exposition de quantités de pains de toutes les tailles et de toutes les formes, ainsi que des instruments servant à leur confection. Pour le judaïsme, on rappelle, par exemple, l'origine du rite des deux "hallot" du shabbat (cf. Lv 23,17). On montre aussi, bien sûr, comment sont faites les "matsot" de la Pâque (Pésah) et comment elles doivent être consommées. Pour le christianisme, les messes de rite latin ou melkite qui alternent à l'écran sont accompagnées d'un commentaire détaillé qui explique notamment la différence entre le pain bénit et le pain consacré. Et des hosties frappées de toutes sortes de croix voisinent, dans les vitrines, avec des pains des plus divers, comme le pain rond serti d'un oeuf peint en rouge pour symboliser la Résurrection dans la Pâque orthodoxe.

Il est bien précisé que la signification religieuse donnée au pain dans le christianisme comme dans le judaïsme est absente chez les musulmans.

Les visiteurs qui s'intéressent à la technique et à l'évolution d'Israël peuvent également voir comment sont nées les trois grandes boulangeries connues de tous les Israéliens (Angel, Berman ou Abulafia): d'artisanales qu'elles étaient, elles sont devenues aujourd'hui toutes les trois de très grandes entreprises !

Une exposition à recommander, pour qu'il y ait, selon le proverbe arabe cité à l'entrée, "un lien de pain et de sel entre nous".

                                                    Cécile Le Paire

Les Montées de Jérusalem

En 1982, lors du rassemblement européen des chrétiens charismatiques de toutes confessions à Strasbourg, le pasteur Thomas Roberts nous transmettait sa vision : une montée des chrétiens à Jérusalem dans l'unité, à la Pentecôte, pour demander une nouvelle effusion du Saint Esprit sur le monde. Avec quelques autres, il vint à Jérusalem rencontrer diverses autorités ecclésiales et préparer la Montée.

La première Montée aura lieu à Pentecôte 1984 sans lui, car il était parti quelques mois avant pour la Jérusalem céleste.

Cette première Montée fut un événement prophétique. 700 pèlerins de toutes confessions étaient là. Certains logeaient chez l'habitant – juif ou arabe. Les paroisses et communautés diverses du pays s'étaient  mobilisées pour permettre aux pèlerins  de découvrir non les "pierres" du pays, mais les "pierres vivantes", les croyants en Jésus, de toutes origines et confessions. Montée prophétique, car conduite par l'Esprit. L'Eglise une, rassemblée à Jérusalem, a pu vivre par avance des instants du Royaume, le peuple juif y ayant sa place de premier né.

Depuis lors, chaque année, à l'époque de la Pentecôte, plusieurs dizaines de chrétiens  montent à Jérusalem. Des liens se créent avec certains responsables d'Eglise ou de groupes de prière locaux, qui s'impliquent chaque année davantage  dans le programme de ces Montées. Quinze jours de rencontre avec les différentes communautés chrétiennes du pays, aussi bien en Galilée qu'en Judée et en Samarie. Afin que "tous soient UN".

Les chrétiens du pays sont en majorité arabes. Leur vie est difficile, et par rapport à l'Islam et par rapport à la réalité politique actuelle. Aussi les pèlerins sont-ils appelés à rester discrets et ouverts, sans prendre parti. S'ils ont pris un billet d'avion pour Israël, compte tenu de la sensibilité des Palestiniens qui les accueillent, ils chemineront dans ce qui est pour tous la "Terre Sainte". Certaines Eglises se considèrent toujours comme le "nouvel Israël". Toutefois il y a aussi des chrétiens de diverses dénominations qui, malgré la situation politique, reconnaissent le peuple juif comme étant le peuple élu. Certains témoignent en petits groupes des relations fraternelles qu'ils ont avec leurs voisins juifs. "Nous sommes en marche, ensemble."

Cette année, la montée eut lieu du 15 au 29 juin, bien après la Pentecôte. Trente quatre participants de France, Suisse et Belgique étaient là, plusieurs ayant fait déjà plusieurs Montées. Après six jours à Nazareth, visitant diverses villes et villages de Galilée, stimulant des rencontres entres chrétiens d'Eglises différentes, retrouvant des "amis" (car, en vingt ans, on se fait des amis), mais aussi beaucoup d'autres nouveaux, ils sont arrivés à Jérusalem, à la maison d'Abraham. Beaucoup de rencontres, entre autres avec des chrétiens de la vieille ville et à l'Ecole Biblique de Jérusalem, et avec d’autres chrétiens et des Juifs messianiques. Les quatre derniers jours, ils les vivent à Bethléem, logeant chez les sœurs de St Vincent et rencontrant, dans le témoignage et la prière, des responsables et des membres des Eglises locales au monastère melkite de l'Emmanuel. 

Ayant pu parler avec le responsable du Comité international des Montées, le pasteur Marc Labarthe, nous lui avons posé la question : où en sont les Montées, aujourd'hui, après vingt deux années de fidélité ? "Nous avons l'impression", nous dit-il, "d'entrer dans quelques chose que Dieu avait déjà préparé. Cette année, nous avons eu de nouvelles  rencontres, souvent imprévues. Nous ne sommes que les témoins des œuvres du Seigneur. Si, jusqu'alors, nous avions surtout des contacts avec les Eglises traditionnelles, catholiques, protestantes, orthodoxes de différents rites, cette année, le champ s'est élargi. Nous avons pu visiter des paroisses évangéliques et de nouvelles assemblées messianiques. Notre passage ouvre souvent des chemins d'unité. Par exemple, en Galilée, deux prêtres orthodoxes ont participé pour la première fois à une célébration chez les Anglicans et nous ont ensuite invités dans leur église en nous faisant découvrir les icônes. Un pasteur évangélique particulièrement ouvert au peuple juif a découvert les sœurs du Carmel qui prient dans le même esprit."

A Nazareth, la nouvelle communauté "New Life", formée de jeunes hommes et femmes appartenant à diverses confessions, catholiques latins et melkites, orthodoxes et maronites, est de plus en plus impliquée dans la vision des Montées. Cette année, elle les a accompagnées pendant les quinze jours, ayant déjà participé à la préparation.

Marc reprend : "Nous voulons avant tout bénir, encourager, accueillir, écouter, nous taire, ne pas juger, même si souvent nous nous sentons tiraillés. Il faut risquer de nouveaux pas, sortir de nos enclos. Nous sommes des envoyés."

Un autre membre des Montées nous confie le vécu du groupe lui-même. "Tout un travail intérieur se fait parmi nous. Nous vivons des temps forts de réconciliation, de pardon, de guérison, par rapport à nos appartenances ecclésiales en particulier. Nous sommes une petite cellule du Corps du Christ."

Ces Montées annuelles sont préparées tout au long de l'année par le "Communion de prière pour l'unité". En Belgique, une nuit de prière pour l'unité est organisée chaque mois. En France, les rencontres se font par région. D'autre part, en mars, une équipe vient passer quinze jours en Israël pour y contacter les responsables de diverses Eglises locales et établir avec eux le programme des prochaines Montées.

Marc nous dit encore l'importance pour un groupe comme celui-là de ne pas s'enfermer, s'installer dans des traditions, quelles qu'elles soient, pour laisser le champ libre à l'Esprit… même pour la date !

"Revenez" … c'est, chaque année, le souhait de ceux qui, sur place, se sont sentis encouragés et renouvelés par le passage de ces frères et sœurs d'Europe.

                                          Antoinette Brémond

Racines juives :

De l’ancien au nouveau par la tradition juive

Une des principales caractéristiques du judaïsme dans l’antiquité, avant et après la destruction du second temple en 70, est la place qu’y tenait la lecture et l’étude de la Tora. Chaque sabbat, le Pentateuque et des extraits des prophètes étaient lus à la synagogue. Cette lecture était accompagnée d’une traduction en araméen, destinée à mettre le texte à la portée d’un auditoire dont une bonne partie ne comprenait pas l’hébreu. Cette traduction se faisait verset par verset et elle était donnée par un autre ministre que le lecteur.

Le but de la traduction étant de faire en sorte que le l’auditeur comprenne, on en est venu naturellement à penser qu’il comprendrait encore mieux si on lui expliquait ! La « traduction » avait donc souvent l’allure d’une paraphrase plus que d’une version au sens strict, et il s’y mêlait des gloses, des exemples, des comparaisons ou des amplifications. Selon la formule d’un spécialiste, le but de cette paraphrase était de rendre le texte intelligible et théologiquement acceptable. La tradition nous a transmis des ouvrages appelés targums, traductions paraphrasées de la Bible en araméen, qui reflètent vraisemblablement le style et le contenu de la lecture synagogale de la Bible dans l’antiquité. Ils se situent à mi-chemin entre la traduction proprement dite et la prédication. Sans entrer ici dans des questions techniques dont certaines sont particulièrement complexes, on peut dire qu’ils sont les témoins de l’interprétation de l’Écriture communément reçue dans le peuple juif dans l’antiquité.

Outre leur intérêt propre, les targums nous renseignent sur la manière dont les textes bibliques étaient compris par les auteurs du Nouveau Testament. Selon une formule d’un spécialiste du targum, Roger le Déaut — formule que l’on ne répétera jamais assez —, les chrétiens ont reçu d’Israël « une Bible interprétée ». Quand les évangélistes se référaient à l’Écriture, il le faisaient souvent à travers le prisme de l’interprétation qui en était couramment donnée de leur temps. La connaissance de cette interprétation est souvent indispensable, en tous cas très utile, pour saisir le sens et la portée de leur recours aux Écritures. L’évangile de Jean va nous en fournir deux exemples.

En Jn 8,56, Jésus déclare : « Abraham, votre père, a exulté à la pensée de voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui. » Rien, dans le texte biblique tel que nous l’avons en mains, ne permet de voir à quel épisode de la vie d’Abraham il serait fait allusion ici. En revanche, le targum nous permet de comprendre cette référence à la joie d’Abraham. Il faut pour cela se reporter au chapitre 17 de la Genèse, qui  raconte la scène dans laquelle Dieu annonce à Abraham, âgé de quatre-vingt dix-neuf ans, que sa femme Sara va lui enfanter un fils. Selon le texte biblique, la réaction d’Abraham est d’incrédulité : « Abraham tomba sur sa face et il rit ; il se dit en lui-même : ‘Un enfant naîtra-t-il à un homme de cent ans ? Ou Sara, avec ses quatre-vingt dix ans, pourrait-elle enfanter ?’ » C’est d’ailleurs ce verbe rire  (vayitzhaq), répété plusieurs fois dans les chapitres 17 à 21 de la Genèse, qui va donner le nom d’Isaac (Yitzhaq).

À la fin de la période du second temple, à l’approche immédiate de l’ère chrétienne, la tradition juive a mis en valeur la foi d’Abraham — thème que Paul reprendra d’ailleurs abondamment, notamment dans son épître aux Romains. Abraham n’est pas seulement le premier des croyants, il est celui qui a ouvert la route de la foi, celui dont la foi rend possible celle de ses descendants. Il est difficile, dès lors, d’admettre que le père des croyants aurait pu être effleuré par le doute. Le targum nous donne une précieuse indication sur la manière dont ce problème a été résolu. La traduction a donné un léger « coup de pouce » au texte pour formuler ainsi le verset : « Abraham tomba sur sa face et il se réjouit. » Loin d’être une réaction de scepticisme, le rire d’Abraham devient ainsi l’expression de sa foi. Des témoignages anciens, en particulier un écrit antérieur à l’ère chrétienne, le livre des Jubilés, permettent de penser que cette interprétation du verset de la Genèse était communément reçue à l’époque du Nouveau Testament. En reprenant cette formule pour se l’appliquer à lui-même, Jésus s’identifie à Isaac et se présente comme l’accomplissement de la promesse faite à Abraham. 

L’évangile de Jean contient d’autres témoignages de cette identification de Jésus à Isaac. L’un des plus clairs se trouve évidemment dans le verset : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (3,16). Cette phrase applique au Père et à Jésus ce que le chapitre 22 de la Genèse dit d’Abraham et d’Isaac : « Tu n’as pas épargné ton fils unique. » (22,16). Ce rapprochement implicite est aussi perceptible dans les passages où Jésus affirme sa pleine liberté devant la mort : « Personne ne me prend ma vie : je m’en dessaisis de moi-même. » (10,18). Mais ici, l’allusion n’est identifiable qu’à travers l’interprétation traditionnelle de la scène de la ligature d’Isaac. Alors que, dans le récit biblique, le seul acteur est Abraham et qu’Isaac ne joue aucun rôle actif, des traditions juives particulièrement anciennes, et transmises entre autres par le targum, affirment au contraire abondamment qu’il avait offert librement sa vie et qu’il avait fait totalement sienne la disponibilité d’Abraham, au point que le sacrifice est conjointement celui du père et du fils.

Un des axes de la christologie du quatrième évangile est la relation du Père et du Fils. Encore faut-il, pour en apprécier la portée, prendre le temps d’écrire sans majuscules ces termes de père et de fils, et de faire le détour par la « Bible interprétée » que les chrétiens ont reçue d’Israël.

                                                 Michel Remaud

 

 

flashes d’espoir

Le Docteur Rein

Nous avons évoqué plusieurs fois le travail des Physicians for Human Rights (Médecins pour les Droits de l’Homme), et leur action pour les travailleurs étrangers, souvent privés de soins et… de droits sociaux, et surtout les visites régulières de ces médecins volontaires, souvent le samedi, dans les villages palestiniens pour apporter médicaments et soins sur place. Il faudra bien en faire un jour un tableau plus détaillé.

Cette fois-ci nous découvrons le Docteur Rein, le médecin aux “50 gouttes d’eau”.

Le docteur Rein est né en France, et est arrivé en Israël en 1968. Il étudie la médecine, et en 1980 se spécialise en cardiologie pédiatrique aux Etats-Unis, puis en France. Il est maintenant chef de service à Hadassa, Jérusalem, et une de ses spécialités est de sauver le cœur des bébés de moins d’une semaine, de rabouter les artères mal formées. Beaucoup de ses patients sont de enfants israéliens, mais aussi palestiniens, que leurs parents apportent d’urgence de Jénine, Bethléem ou Gaza. Ils doivent leur vie à ce médecin juif et à l’association franco-israélienne dont le nom est significatif :  www.uncoeurpourlapaix.org. La moitié des frais sont couverts par l’association de France.

Juif religieux, militant pour la paix (“mais pas à n’importe quel prix”, ajoute-t-il), il ne travaille pas le shabbat, sauf bien sûr dans un cas d’urgence : “La vie passe avant tout”. Les parents palestiniens rentrent chez eux, heureux d’avoir vu une équipe de juifs, chrétiens et musulmans travaillant ensemble pour sauver leur bébé. Il y en a eu ainsi 50 en 2005, “cinquante gouttes d’eau dans l’océan tumultueux” – comme dit le Dr Rein. Il espère faire le double en 2006 !

Quand on demande au Dr Rein pourquoi ce genre d’opération n’est pas possible dans les hôpitaux palestiniens, il répond : «D’une façon générale, bien que disposant de médecins et de chirurgiens de très grande valeur — dont certains exercent régulièrement à l’hôpital Hadassa et participent ainsi à notre programme —, les hôpitaux palestiniens ne sont pas équipés pour entreprendre des interventions d’une telle ampleur. Il faut dire que pour un budget correspondant à 50 interventions en chirurgie cardiaque pédiatrique, nos collègues palestiniens parviennent à répondre aux nécessités d’un dispensaire entier pendant un an. »

Une amie française qui travaille à Bethléem a montré un article avec la photo du Dr Rein à une compagne de travail, qui s’est exclamée : « Ah mais,… je le reconnais ! c’est lui qui a soigné et sauvé mon enfant il y a quelques mois. » Il s’agissait d’un tout autre genre d’opération, car le Dr Rein opère dans divers domaines, et pas seulement sur les cœurs de bébés.

En France, il s’appelait Jean-Jacques, ici il est Azaria – ce qui veut dire “Dieu a aidé”.

                                                                      Yohanan Elihai

L’infirmier arabe de Sharon

Ariel Sharon a été hospitalisé pendant cinq mois à Hadassah Ein Karem à Jérusalem et fin mai dernier il a été transféré à l’hôpital Hikhilov de Tel Aviv. Durant tout son séjour à Hadassah c’est, entre autres, un infirmier palestinien de Jérusalem Est, Saher Kusseini, qui s’est occupé du célèbre malade. Il a déclaré au journal Maariv : « Je suis très triste de cette séparation après cette période où je me suis habitué à lui et à sa famille. Sharon était devenu une partie intégrante du service et déjà maintenant, il nous manque. » Sur la famille du l’ancien Premier ministre, Kusseini témoigne : «  Je n’ai jamais vu une famille comme celle-ci. Une famille chaleureuse, qui s’intéresse à chaque petit détail. Ils faisaient partie de notre équipe. »

 « Sharon était un cas particulier mais avant d’être Premier ministre, il était d’abord un homme qui avait besoin de notre aide » a ajouté l’infirmier. Comme beaucoup du personnel hospitalier de Hadassah, il espère un miracle : «Je ressens que nous avons fait notre part, mais la boucle n’est pas bouclée. Dès l’instant où nous le verrons debout sur ses deux jambes venir nous dire bonjour, alors la boucle sera bouclée. »

                                               Jean Marie Allafort

Au fil des mois…

Bon baiser de la France – feu d’artifice géant à Tel Aviv (15 mai 06)

Près de 300 000 Israéliens sont venus assister sur la promenade de Tel Aviv à l’un des plus grands feux d’artifices jamais réalisés dans le pays. A l’occasion de l’ouverture de la saison culturelle française 2006, la France a offert aux Israéliens un spectacle pyrotechnique grandiose qui a duré 17 minutes. Le feu d’artifice fut lancé au large du bord de mer depuis un radeau spécialement conçu pour l’événement. Des dizaines de bateaux s’étaient également alignés en face de la côte afin que leurs passagers puissent profiter du spectacle.

Personne n’avait pensé que les Israéliens viendraient aussi nombreux pour assister à ce feu d’artifice en cette soirée qui conclut Lag Baomer. Quelques heures avant le début du spectacle, des centaines des personnes avaient déjà pris place au bord de mer avec des fauteuils pliants. Le feu d’artifice a été conçu et réalisé par le « Groupe G », artificiers mondialement connus, qui avaient déjà réalisé des spectacles pyrotechniques en 2000 à la tour Eiffel et lors de l’ouverture et de la clôture des jeux olympiques d’Athènes. Pour cet événement, qui a coûté 250 000 euros, ils ont amené de France près 12 000 kilos de matériels, y compris des ordinateurs spéciaux coordonnant la musique avec le feu d’artifice. Ils ont également fait venir spécialement de Chine 15 000 fusées.

Ce spectacle restera aussi inoubliable pour les milliers d’Israéliens qui se sont retrouvés dans des embouteillages monstres. Toute la ville de Tel Aviv fut bloquée pendant de nombreuses heures. Même le ministre français des Affaires étrangères français, Philippe Douste-Blazy, venu spécialement pour l’ouverture de cette saison culturelle s’est retrouvé bloqué dans les embouteillages. La police ne réussit qu’avec beaucoup de difficultés à extraire l’hôte de marque.

Ce feu d’artifice est le symbole du réchauffement des relations entre la France et Israël. Après une longue période d’aléas et de tensions politiques entre les deux pays, l’heure est à la réconciliation et au dialogue. Les relations bilatérales sont des plus fructueuses et le résultat de cette réussite est à mettre au compte, entre autres, des efforts de l’ambassadeur de France en Israël, Gérard Araud, et de son équipe. La multiplication des projets culturels, académiques et sociaux entre les deux pays, mais aussi le travail de fond réalisé auprès de la presse israélienne a entraîné peu à peu une évolution dans les mentalités. La venue en masse des touristes français est aussi un facteur qu’il ne faut pas manquer de prendre en considération Les résultats sont là : la culture française a de plus en plus d’influence en Israël, que ce soit dans les arts plastiques, le cinéma, la musique, la littérature etc...

A l’ambassade de France à Tel Aviv, on a compris que les symboles parlaient plus et mieux que toutes les déclarations officielles sur les relations amicales entre la France et Israël. De ce point de vue, ce feu d’artifice est une véritable réussite.

Le choix de Lag Baomer est tout aussi symbolique : jour de fête où l’on allume des feux de joie, mais surtout jour qui marque la fin de la période de deuil et de tristesse commencée à Pessah. La tristesse fait place à la joie. Une nouvelle période s’ouvre.

En sortant du feu d’artifice, je me suis trouvé comme tout un chacun bloqué dans les embouteillages. J’en ai profité pour faire un tour à pied et demander aux personnes présentes si elles avaient aimé. Une femme, visiblement enthousiaste, m’a répondu : « les Français nous surprendront toujours ! »

                                               Jean Marie Allafort

 

Itzhak Ben Aaron, un des fondateurs du parti travailliste, est décédé. (20 mai 06)

Itzhak Ben Aaron, l’un des pères du parti travailliste et président de la Histadrout, est mort ce matin, vendredi 19 mai, dans son kibboutz de Givat Haïm à 99ans. Dans deux mois, le 17 juillet prochain, il aurait eu 100 ans. Ben Aaron, politicien et leader du mouvement des ouvriers avait reçu en 1995 le prix d’Israël pour sa contribution au pays et à la société.

Le cercueil de Itzhak Ben Aaron sera exposé pendant quatre heures dimanche prochain à partir de 15 heures dans la maison du comité de la Histadrout à Tel Aviv, pour que le public puisse venir lui rendre un dernier hommage. Ben Aaron ne sera pas enterré car il a donné son corps à la science. Dimanche à 10 heures, il y aura une session extraordinaire des responsables de la Histadrout pour honorer son souvenir.

Ben Aaron fut l’un des fondateurs du mouvement du « Ha Shomer ha Tsaïr » (jeunes gardiens) en Roumanie. Il immigra en Israël en 1928 comme membre du mouvement et fut l’un des fondateurs du kibboutz Givat Haïm. Il fut également actif dans le mouvement du « Kibboutz Me’ouhad » et du parti « Mapaï » (ancêtre du parti travailliste).

En 1940, il s’engagea dans l’armée britannique, fut fait prisonnier par les Allemands pendant quatre ans. A sa libération, il se joignit aux membres qui avaient quitté le « Mapaï » et fondé le mouvement « Ahdout ha avoda ». En parallèle, il fut actif dans la « Haganah », et fut, à cause de cela, renvoyé de l’armée anglaise.

Il fut parmi les prisonniers de l’armée anglaise qui en 1946, lors du « Shabbat noir », agit contre la « Haganah » en arrêtant 2700 de ses membres.

En plus de son action lors de la fondation de l’Etat, il fut connu pour son action socialiste, et pour sa lutte pour les droits des ouvriers. A la naissance de l’Etat, il devint député de la première Knesset comme membre du « Mapam ». Il fut également ministre des Transports de 1959 à 1962. Il démissionna du gouvernement Ben Gourion qu’il accusa de délaisser la cause des ouvriers.

Quand il fut président de la Histadrout, de 1969 à 1973, il se battit souvent avec les membres de son parti alors au gouvernement, disant que la politique de l’autorité était « anti ouvrière ».

En 1977, Ben Aaron quitta la vie politique. Lorsque M. Bégin fut élu, il prononça une parole célèbre : « Si ce n’est pas la volonté du peuple, alors il faut changer le peuple ».

En 2002, après qu’Efi Eitam, du Mafdal eût rejoint le gouvernement, Ben Aaron menaça de quitter le parti travailliste, si celui-ci ne démissionnait pas du gouvernement d’Union Nationale à la tête duquel était Ariel Sharon.

Plus tard, Ben Aaron annonça son soutien à la tête du parti travailliste au maire de Haïfa, Amram Mitzna, et accusa les chefs du parti du mauvais état dans lequel le parti se trouvait. « Les élus du parti sont responsables de sa destruction », dit-il, quand il annonça son soutien à Mitzna. A la suite de l’élection de Mitzna, il resta dans les rangs du parti.

Ben Aaron soutint, lors des dernières élections, la candidature d’Amir Péretz, le leader actuel du parti. Après que le chef du gouvernement, A. Sharon, fût hospitalisé il envoya un mot à son remplaçant, Ehud Olmert, et lui souhaita le succès. Sa déclaration fut publiée et interprétée comme s’il se joignait au parti Kadima, mais Ben Aaron précisa très vite qu’il restait au parti travailliste et soutenait de toutes ses forces la course d’A. Péretz à la présidence du gouvernement.

Ben Aaron dit alors : « Il n’y a rien de plus destructif et de presque criminel que de considérer comme discours politique des mots innocents de félicitation à un homme venant remplacer un responsable malade. A quel point en est-on arrivé, pour qu’une personne ne puisse pas même exprimer un souhait à un ennemi politique ? ».

Les secrétaires du mouvement kibboutzique, Zéev Shor et Gabri Bargil, ont publié ce vendredi matin un communiqué de deuil : « Ben Aaron fut l’un des chefs du mouvement kibboutzique lors des générations des géants de l’Etat d’Israël et il a accompli le rêve kibboutzique. Il fut l’un des meilleurs artisans de l’idéologie kibboutzique qui a su joindre au socialisme les valeurs sionistes ».

                                          Cécile Pilverdier

Données sur Jérusalem (24 mai 06)

A l’occasion du jour de Jérusalem qui commémore la réunification de la ville sainte lors de la guerre des six jours en 1967, l’Institut de Jérusalem pour l’Etude sur Israël publie les données suivantes :

Populations : Jérusalem est la première ville d’Israël avec 719 500 habitants, en 1948, elle en comptait 84 000. Un israélien sur dix habite dans la ville sainte, dont la superficie est 126, 3 Km2.

Le nombre de Juifs est stable depuis deux ans et constitue 66% de l’ensemble de la population de la ville. En 1967, lors de la réunification de Jérusalem, les Juifs constituaient 74% de l’ensemble des habitants. Le nombre de Palestiniens à Jérusalem-Est a passé de 28% en 1967 à 34% en 2005. Sur cette même période, la population de la ville sainte a augmenté de 170% alors qu’en Israël la population a grandit de 147%.

Natalité : Jérusalem est la ville la plus jeune d’Israël puisque 54% de ses habitants ont moins de 24 ans. 43, 3% ont moins de 19 ans. Les taux de natalité particulièrement fort chez les juifs religieux et les musulmans expliquent ce phénomène. En 2005, 19 324 bébés sont nés dans la ville sainte : deux tiers juifs et un tiers arabes.

Religion : 65% des habitants de la ville sont juifs, 32% sont musulmans et 2% sont chrétiens. En 2000, on comptait à Jérusalem 1204 synagogues, 73 mosquées et 158 églises. Depuis aucun nouveau recensement n’a été fait.

La banlieue de Jérusalem : dans les implantations qui entourent Jérusalem vivent près de 105 000 Juifs. Les grandes localités sont Maalé Adoumin, où on dénombre 30 000 habitants, Beitar Illit avec 27 000 personnes et Guivat Zeev, 10 700 habitants.

Il faut encore ajouter d’autres localités comme Mevasseret Tsion, Abou Gosh ou Motza qui ne sont pas dans les territoires et qui constituent aussi la banlieue de Jérusalem avec près de 120 000 habitants.

Le retour des touristes : En 2005, le nombre de touristes venu visiter Jérusalem a fortement augmenté. Le nombre de nuits dans les hôtels est passé de 1 981 000 en 2004 à 2 930 100 en 2005 soit une augmentation de 48%.

La tendance se confirme en 2006, la ville sainte affiche une hausse de 50% de visiteurs depuis le début du mois de mai 2006 par rapport à l’année dernière à la même époque.

Si les touristes et pèlerins considèrent de loin que la vieille ville de Jérusalem est l’emblème de la cité, les Israéliens, quant à eux, sont 37% à considérer le musée de Yad Vashem comme le lieu le plus symbolique de la ville, 20% d’entre eux considèrent que c’est le marché Mahané Yehouda, 12% ont choisi le musée d’Israël et 9% le mont Herzl.

Découverte d’espèces uniques au monde dans une grotte près de Ramlé  (2 juin 06)

Israël est connu pour ses fouilles archéologiques mais cette fois des chercheurs viennent de découvrir huit nouvelles espèces d’invertébrés jusque là inconnues dans le monde. L’annonce de la découverte a été faite par l’Université Hébraïque de Jérusalem ce mercredi 31 mai.

C’est dans une grotte souterraine près de Ramlé (au sud de Tel Aviv) isolée du reste du monde depuis des millions d’années que ces nouvelles espèces ont été découvertes. La grotte baptisée Ayalon, située à 100 mètres de profondeur sous une carrière, s’étend sur plus de deux kilomètres et contient un lac où vivent des crustacés. La grotte est isolée de l’extérieur par une épaisse couche de calcaire imperméable. La température de l’eau, 30 degrés, est particulièrement élevée pour un lac souterrain.

Pour le professeur Hanan Dimentman de l’Université Hébraïque de Jérusalem et ses confrères il s’agit d’un écosystème souterrain inconnu jusqu’alors dont les impacts scientifiques sont encore à mettre en évidence. « Ces huit espèces ne sont que le début des surprises que nous réserve cette cave » a-t-il déclaré.

Les chercheurs ont mis la main sur quatre espèces de crustacés marin et d’eau douce ainsi que sur quatre espèces terrestres, dont un scorpion aveugle, le seul qui a été retrouvé mort. Ces animaux auraient vécu isolés, dans cette grotte étanche, depuis des millions d’années. Pour le professeur Amos Frumkin du département Géographie de l’Université Hébraïque de Jérusalem cette grotte est « unique au monde ».

Ces espèces, apparentées à des espèces connues, seraient uniques, en leur genre. Elles ont été envoyées dans plusieurs universités, en Israël et ailleurs, pour être étudiées par d’autres biologistes. Le Professeur Dimentman et ses collègues estiment que la grotte recèle un écosystème très riche. L’entrée a été scellée pour éviter qu’il soit dégradé, en attendant de nouvelles explorations scientifiques et est bien sûr fermée aux visiteurs.

                                                 Rédaction

Le Cardinal Martini docteur honoris causa de l’Université Hébraïque  (12 juin 06)

Face au paysage somptueux du désert de Juda, de la Mer Morte et des monts de Moab, le grand amphithéâtre de plein air du mont Scopus accueillait une foule nombreuse venue assister, dans l’après-midi de ce 11 juin 2006, à la cérémonie académique de remise des prix et diplômes de doctorat délivrés par l’Université Hébraïque de Jérusalem.

Fondée en 1925, l’Université Hébraïque fêtait à cette occasion sa quatre-vingt-unième année d’existence. Discours et intermèdes musicaux alternaient avec la remise des distinctions. Près de trois cents étudiants de toutes disciplines recevaient leurs diplômes de docteurs. À cette occasion, plusieurs personnalités recevaient le titre de docteur honoris causa de l’Université Hébraïque, parmi lesquelles l’écrivain Amos Oz, le baron Éric de Rothschild, honoré de cette distinction pour son aide fidèle à l’Université Hébraïque, et le cardinal Carlo Maria Martini, archevêque émérite de Milan, ancien Recteur de l’Université Grégorienne et de l’Institut Biblique Pontifical de Rome.

Le cardinal Martini recevait ce titre pour son engagement actif dans le rapprochement entre juifs et chrétiens, sa fidèle amitié pour l’Université Hébraïque et son attachement à Jérusalem, qui est désormais son lieu de résidence.

                                                    Michel Remaud

Un peu de tolérance, demande le père Romanos (17 juin 06)

Il y a quelques jours, la petite église saint Nicolas de Migdal Ha-Emek en Galilée a été profanée par un groupe de jeunes. Quelques tombes du petit cimetière situé tout à côté de l’Eglise ont elles aussi été profanées. Cet acte de vandalisme est décrit comme « un pogrom » par les paroissiens. En arrivant le vendredi avant la fête de la Trinité, les paroissiens ont trouvé les fenêtres de l’église brisées, les icônes renversées. Une croix dressée sur la tombe d’un prêtre avait été arrachée et la pierre tombale cassée. Il a fallu beaucoup d’efforts aux vandales pour briser les épaisses « fenêtres cathédrales ». Ils ont pris la peine de les casser petits carreaux après petits carreaux. Malgré cela, la police de la ville, dont le poste est situé à quelques centaines de mètres de la paroisse, parle de « farces d’enfants âgés entre 8 et 9 ans ». Si de tels actes avaient été commis contre une synagogue, qu’aurait alors dit la police ?

Vladimir Gridin, professeur de physique et paroissien de l’église saint Nicolas déclare : « nous sommes revenus au premier jour de l’Eglise, les chrétiens sont à nouveau persécutés. »

La communauté orthodoxe du père Romanos, un prêtre arabe âgé de 46 ans, est composée essentiellement d’Israéliens venus, lors de la grande vague d’immigration des années 90, des pays de l’ex-Union Soviétique. Le père Romanos parle non seulement arabe, hébreu et anglais mais aussi russe, langue qu’il a apprise lors de ses études au séminaire orthodoxe russe de New York.

C’est pourquoi, le patriarche grec orthodoxe l’a nommé responsable pour la Galilée de la communauté chrétienne non arabe de son Eglise. Le père Romanos est un prêtre qui est très estimé de ses paroissiens.

Selon le père Romanos, avant l’arrivée des émigrants des pays de l’ex-Union Soviétique, la communauté orthodoxe en Israël comptait près de 40 000 âmes. La grande majorité était des arabes. Aujourd’hui, selon lui, la communauté a triplé. Des églises nouvelles ont été ouvertes et les plus anciennes églises se développent. Les nouveaux venus sont des croyants très convaincus qui entraînent les autres à leur suite. Ils se sentent profondément israéliens et revendiquent leur liberté de culte au nom même de la démocratie dont se réclame l’Etat d’Israël.

L’église saint Nicolas a été bâtie à la fin du 19ème siècle grâce à un don du Grand Duc Sergeï à une époque où les Tsars investissaient en Terre Sainte. Elle a été construite sur le site d’un petit village appelé « Mag’dal », une partie de la population de ce village étant russe orthodoxe. En 1948, le village fut détruit et l’église passa aux mains du patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem.

Le lieu fut délaissé durant de nombreuses années. Avec l’arrivée des immigrants russes, le besoin d’ouvrir de nouveaux lieux de culte se fit ressentir. Il y a deux ans, l’Eglise orthodoxe reçut la permission de rouvrir l’église saint Nicolas, et il y a un an, et demi, cette dernière fut inaugurée.

Il y a une certaine ironie dans l’ouverture de cette église : si Israël avait fait venir ces nouveaux immigrants à Migdal Ha-Emek, c’était pour renforcer la présence juive en Galilée face aux arabes israéliens.

Le père Romanos déclare : « Je me sens plus russe qu’arabe. ». « Mes fils spirituels sont surtout des russophones. J’ai déjà proposé à mes paroissiens de trouver parmi eux un autre leader spirituel, mais ils ne veulent que moi », ajoute-t-il.

« On m’accuse d’être missionnaire et j’ai même été à cause de cela interrogé par la police. Mais nous n’allons jamais où nous ne sommes pas appelés et nous ne diffusons aucun livre. Je vais seulement là où je suis invitée », explique le prêtre.

Les premiers Russes, selon les propos du père Romanos, il les a rencontrés dans l’Eglise de l’Annonciation à Nazareth. Ils venaient de Tibériade, de Nazareth Illit, de Akko et de Migdal Ha-Emek. Quand ils ont entendu qu’il parlait russe, ils l’ont suivi. Au départ, il leur célébrait l’Eucharistie une fois par mois. Ensuite, ce fut chaque dimanche ; maintenant, c’est plusieurs fois par semaine.

Passant un jour devant l’église saint Nicolas à Migdal Ha-Emek, il eut l’idée de demander la permission de la rouvrir pour sa communauté.

Ce ne fut pas simple. Les chrétiens reçurent des menaces qui se transformèrent en acte. Lorsque l’église fut inaugurée, quelqu’un dût dormir à la porte du lieu de culte. Une religieuse qui s’était dévouée pour cette mission eut le malheur de quitter les lieux seulement quelques minutes. En revenant elle trouva son matelas et ses quelques affaires en cendres. Quelqu’un y avait mis le feu. Les actes de vandalisme n’ont pas cessé. Le père Romanos, qui est lui aussi israélien, s’insurge : « Je me souviens encore aujourd’hui de la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël que j’ai apprise à l’école. On y parle d’un Etat qui ne fait pas de différence entre les races et les religions. Il est important que l’Etat n’ait pas peur des non juifs qui vivent en son sein. Nous ne mettons pas en péril la sécurité d’Israël. Nous voulons seulement prier. »

Il est certes possible de prier dans l’église saint Nicolas, mais seulement dans l’obscurité. Depuis sa réouverture, ce lieu de culte n’est toujours pas relié au réseau électrique. Il n’y a ni eau courante, ni égout, ni toilettes. La clôture qui entoure le bâtiment n’a pas été refaite si bien que les fidèles craignent toujours que l’on vienne encore attaquer leur lieu de culte. La municipalité "traîne les pieds" et les différentes administrations repoussent à chaque fois la date des travaux d’infrastructure. Le père Romanos est tout à fait conscient qu’à la marie, on souhaite vivement que ces locataires indésirables quittent les lieux.

En Russie aussi, se souviennent les chrétiens, les Soviétiques utilisaient de telles méthodes pour décourager les fidèles....

                                               Traduction et résumé : Frank Olivier

David Wilkerson à Jérusalem (16 juin 06)

Depuis plusieurs mois on annonçait dans les assemblées chrétiennes en Israël la venue de David Wilkerson pour un congrès de trois jours. Pour ceux qui désiraient y participer il suffisait de s’inscrire et de recevoir gratuitement un badge.

Du 13 au 15 juin 06, au Palais des Congrès à Jérusalem, 1000 à 2000 personnes ont ainsi pu participé à cette conférence : deux réunions en matinée et une en soirée.

David Wilkerson était là avec des délégations importantes du monde entier. Tout était traduit en arabe, en français (il y avait un groupe important de Canadiens francophones), en espagnol, en italien et en russe. Du podium, le conférencier parlant anglais était traduit simultanément en hébreu.

C’était donc bien pour nous, les Israéliens d’origine ou d’adoption que Wilkerson s’était déplacé. Le thème de la rencontre « Montons à Jérusalem » l’indiquait bien. Etre là, dans la ville, et comme l’a souligné l’un des orateurs : « En ce jour-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement et diront : Nous irons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous. » (Zacharie 8, 23).

Apporter en citant les prophètes, Isaïe, Zacharie, mais aussi l’Apocalypse, le rafraîchissement, renouveler l’espérance et nous rappeler cette lumière qui brille dans les ténèbres.

Le pasteur David Wilkerson, très connu dans le monde chrétien pour son ministère parmi les drogués aux USA dans les années 60, auteur du livre « La croix et le poignard » semblait vouloir, à 75 ans, être simplement témoin de la miséricorde et des promesses du Dieu d’Israël. Il s’adressait en particulier aux souffrants, aux désespérés, à ceux qui traversent des temps de désert, leur rappelant la parole du Cantique des Cantiques : « Qui est celle qui monte du désert appuyée sur son bien-aimé ? » (8, 5).

Sa première conférence s’adressa surtout aux chrétiens étrangers. Il insista sur la place d’Israël, de l’Alliance, dans le salut du monde. Réalité incontournable pour l’Eglise.

Si la louange était forte, en anglais, arabe, hébreu et parfois en russe, il y eut aussi des temps de silence ou de prière à deux ou trois : prier pour la paix de Jérusalem. Prier pour nos ennemis.

Juifs et non juifs ensemble, Israël et les nations, enveloppés de la douceur et de la puissance de la Parole et chantant en se quittant : « Béni soit l’Eternel, de Sion, Lui qui habite Jérusalem, Alléluia. »

                                          Antoinette Brémond

L’opération « pluies d’été » était-elle évitable ?

Depuis mercredi dernier, Israël a entrepris une vaste opération militaire dans la Bande de Gaza, en Judée et en Samarie. Dix mois après le démantèlement des implantations du Goush Katif et du retrait de Tsahal, « pluies d’été » a le goût amer de l’échec.

Pour nombre d’Israéliens, la faute incombe aux Palestiniens et la nouvelle flambée de la violence s’explique en partie par la victoire du Hamas aux élections. L’Autorité Palestinienne n’a ni l’intention ni les moyens de stopper les tirs de Kassam sur Israël et les Egyptiens ferment les yeux sur le trafic d’armes bien organisé à sa frontière. La pluie de roquettes sur Sdérot et les actions terroristes auraient conduit tôt ou tard Tsahal a revenir dans la Bande de Gaza. C’était inévitable.

De plus, Israël a un compte à régler avec le Hamas qui, à ses yeux, n’est qu’un mouvement terroriste, dont le gouvernement n’a aucune légitimité. L’enlèvement du caporal Guilad Shalit n’est pourtant pas un prétexte pour lancer une opération comme celle-ci. Les Comités de Résistance Populaire comme le Hamas le savaient très bien. Les Palestiniens comme les Israéliens ne sont pas surpris. Ce sont des règles du jeu connues d’avance. Ce n’est pas de gaîté de cœur que les Israéliens reviennent à Gaza. Le prix à payer pour récupérer le jeune caporal Guilad Shalit risque d’être lourd. Personne ne sait pour l’instant combien de temps cette opération durera mais il est certain qu’il y aura des victimes. La guerre est toujours sale.

Une lectrice nous a envoyé le message suivant : « Très curieux d’appeler "enlèvement" un fait de guerre.... Les palestiniens ont fait pour moi un prisonnier de guerre, comment appelez vous les femmes et enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes ?? J’ai l’impression qu’il y a deux langages : Tsahal est TOUJOURS dans son bon droit, et les Palestiniens TOUJOURS des Terroristes..... Je pense beaucoup depuis les 4 mois (et ce n’est pas beaucoup) que je viens de passer à Jérusalem à ce que veut dire : Terrorisme d’ETAT.... »

Cette réaction met en relief une évidence qu’on a souvent tendance à oublier : on ne voit pas la même chose depuis Jérusalem et Tel Aviv que depuis Ramallah ou Gaza. Les Palestiniens comme les Israéliens ont respectivement leur propre exégèse des événements et campent sur leurs positions.

Pour la majorité des Palestiniens, l’enlèvement d’un soldat est un acte de guerre légitime tout comme l’opération commando contre une position de Tsahal. Israël est l’agresseur perpétuel et les Palestiniens ne font que se défendre. L’arrestation de 65 membres du Hamas, dont des ministres et des députés, n’est rien d’autre que du terrorisme d’Etat. Il n’en reste pas moins que du point de vue du droit international, l’enlèvement du caporal Shalit n’est pas une arrestation mais bien une prise d’otage puisque la Croix Rouge Internationale ne peut le visiter et que ses ravisseurs menacent de le tuer à tout moment sans le moindre procès. L’enlèvement dimanche soir d’Eliahou Asheri, puis son assassinat une heure plus tard, ne sont pas des actes de guerre. Les médecins légistes sont formels, le jeune garçon de 18 ans, qui venait de passer son bac, a été abattu à bout pourtant peu après son enlèvement.

Il y a quelques jours à peine, j’ai rencontré à Tel Aviv un jeune palestinien de 24 ans qui avait obtenu un permis pour entrer en Israël. Il souhaite que les deux peuples vivent en paix et que la guerre s’arrête. Au milieu de la conversation, il m’explique qu’il vient d’obtenir l’asile politique au Canada. Il se marie dans une semaine à Amman avec une Jordanienne à qui Israël refuse d’accorder un visa pour seulement traverser Israël et se rendre à Ramallah, où le jeune couple aurait dû habiter. Aucune des démarches qu’il a entreprises n’a abouti. Lassé, dégoûté, il s’exile au Canada. Pour lui, Israël n’est un État terroriste.

L’arrestation de ministres (un tiers du gouvernement) et de députés du Hamas est problématique au niveau du droit. Les Palestiniens ont été surpris comme d’ailleurs la communauté internationale, laquelle ne sait pas bien comment réagir à cette opération israélienne qui du strict point de vue militaire est un coup de filet des mieux réussis. Israël est formel : ces arrestations ne sont pas des cartes d’échange mais elles sont liées à la lutte contre le terrorisme. On peut en douter...

Elles ont surtout pour but de provoquer l’effondrement du Hamas et l’isolement du Premier ministre palestinien Haniyeh. La rue palestinienne, il fallait s’y attendre, soutient ses dirigeants et jamais le Hamas n’a été aussi populaire qu’aujourd’hui.

Malgré les mesures prises par Israël dans la Bande de Gaza comme les ruptures d’électricité et le blocus des convois d’approvisionnement, la majorité des Palestiniens espèrent que ses dirigeants ne cèderont pas au chantage et que le soldat Shalit ne sera pas libéré. Tous les scénarios sont désormais possibles.

                                          Jean Marie Allafort

le chant et l’humour en finale

Eh oui, d’une pierre deux coups. Des chants bibliques, et…humoristiques. C’est sûrement une spécialité de ce peuple qui mélange la Bible et la vie, pour le meilleur et pour le pire – soit qu’on rappelle “Tu ne tueras pas”, soit qu’on prenne modèle sur Josué, soit qu’on rappelle en pleine Knesset que David a eu des problèmes de famille, ou que l’on cite le Cantique des cantiques dans le journal.

Cela se retrouve naturellement dans la chanson israélienne, si riche et si variée, et si fantaisiste parfois.

Le chant “Ezéchiel” dit par exemple :

Nous, on est pour lui, c’est un prophète génial,

Ses mots sont du feu, son discours pas banal,

Lui et le Roi des rois        Sont à tu et à toi…

Mais notre choix est tombé cette fois-ci sur le “Noah” (Noé),  de Matti Caspi, ce génie d’harmonie et d’humour, avec son trio de chanteuses:

Noah


Noé,

Nous n’avons pas oublié qu’en plein orage,

Tu as entassé dans ton bateau-cage

Deux par deux, de toute catégorie

Lion et lionne, chamelle et chameau,

Mammouth, lapine et chevreau.

Et aussi l’hippopotame

Et sa femme.

Noé,

Combien de temps encore allons-nous naviguer?

Déjà deux mois tout est bouclé, fermé,

Sans un souffle d’air, tes animaux étouffent,

Ouf !

On se marche sur les pieds,

On ne peut plus se supporter !

Ni le lion, ni le chameau,

Ni le mammouth, ni le chevreau,

Ni l’hippopotame,

Et sa femme.

Ouvre enfin la fenêtre à l’air pur

Et lance la colombe dans l’azur.

Noé,

La colombe est revenue avec son rameau

Ouvre la fenêtre de ton bateau,

Qu’on voie s’il n’y aurait pas par hasard

Un petit arc-en-ciel quelque part…

Et laisse-nous sortir et recommencer,

Envoie dans l’azur ta colombe,

     le rameau dans son bec,

Et nous avec.


                                                 Yohanan Elihai

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Même si nous avons une ligne commune dictée par notre présence en Israël, il semble bon de rappeler
le principe qui guide bien des publications et qui donne une certaine liberté à chacun :

La revue laisse aux auteurs des articles et comptes rendus l’entière responsabilité
des opinions et jugements qu’ils expriment.