Textes bibliques du jour

Pour lire les textes de la Parole du jour  selon le rite latin et avoir un petit commentaire cliquez ici

 

Annonces actuelles

Liens externes

Beaucoup de sites bibliques, sur Israël...sont très intéressants. Ici vous trouverez une liste qui s'allongera au fur et à mesure. Voir la liste.

Glânures...

Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

Si voulez lire plus cliquez ICI

N° 36 – Juillet/Août 2007

Bethléem – la porte de l'humilité

Éditorial

Suzanne Millet

Bonnes vacances aux lecteurs de Un Echo d’Israël ! « En marche » comme disait André Chouraqui qui nous a quittés. Que son souvenir soit béni ! Oui, en marche, tant il est vrai que la Parole de Dieu met les hommes en marche depuis Abraham jusqu’à nous aujourd’hui.

Voici une pensée de Roland de Pury, pasteur de l’Église Réformée de France et Juste des Nations. « Rien de plus positif, rien de plus salutaire que de nous sentir tous concernés par le comportement d’Israël, bléssés par ses fautes, meurtris par ses injustices, soulagés par sa fidélité, réconfortés par sa justice. »

Cela est d’autant plus vrai pour nous, chrétiens vivant en Israël, en première ligne pour être concernés. Les réactions des Israéliens, en particulier par rapport aux réfugiés soudanais nous touchent profondément. En écoutant cette étudiante israélienne dire : « Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne fait rien, mais, ce que j’ai compris, c’est que pour moi je n’ai pas le choix : ce fardeau m’est tombé dessus », on pense à Lévinas qui décrit la responsabilité comme « un désintéressement de bonne volonté. » « Si je ne réponds pas de moi, qui répondra de moi ? Mais si je ne réponds que de moi, suis-je encore moi ? [...]. Comme si chacun, pour être humain avait bel et bien à répondre de celui qu’il a abandonné au mal, par faiblesse ou par libre décision, en prétendant que cela ne le regarde pas. »

Il y a un an, à la Deuxième guerre du Liban, des hommes et des femmes ont été « empoignés » ainsi pour accueillir les réfugiés du nord ou aider ceux qui étaient restés dans les abris. Ils ont eu également le souci du prochain, du sort « de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger et du pauvre ».

------------ 

Histoire : Il y a 30 ans, la droite arrivait au pouvoir

Jean-Marie Allafort

1977 restera dans la mémoire d’Israël l’année du changement radical. Le parti politique créé par Zeev Jabotinski prend sa revanche sur l’histoire.

Depuis 1933, la force politique au pouvoir au sein du Yichouv de la Palestine mandataire était le Mapaï dont David Ben Gourion allait devenir très vite la figure dominante. Avec la création d’Israël en 1948, le Mapaï est à la clef de toutes les Institutions du jeune État. Chaque nouvelle élection confirme la prédominance du parti de gauche sur les autres mouvements politiques. Le Mapaï et l’État ne semblent être qu’une seule réalité.

Le 17 mai 1977 tout bascule. Les Israéliens votent le changement et plébiscitent le parti de Menahem Begin. A la fermeture des bureaux de vote, les leaders du Likoud ne se doutent pas encore de leur victoire ou du moins ne veulent pas y penser. Le journaliste de Yediot Aharonot, Yohanan Lahav, raconte quelques jours plus tard comment la nouvelle de la victoire fut reçue au quartier général du Likoud rue King George à Tel Aviv. En entendant les estimations de la télévision israélienne (à l’époque il n’y avait qu’une seule chaîne), la stupeur gagna les militants du Likoud qui refusèrent d’y croire. Le chef de la campagne électorale, Ezer Weizmann, prend le micro : « Ce ne sont que des estimations. Nous n’avons pas à sauter de joie tant que nous ne connaissons pas les résultats définitifs. » Puis l’ancien commandant en chef de l’aviation israélienne qui, un mois plus tard, deviendra ministre de la Défense murmura à son entourage : « J’ai déjà vu revenir un avion à sa base après qu’on ait annoncé qu’il s’était écrasé. »

C’est seulement à 1h40 du matin, plus de 3 heures après la publication des estimations de la télévision que les premiers résultats parviennent au Q.G. du Likoud. Ezer Weizmann se permet de déclarer au micro : « Il me semble que nous gagnons ».

Le 43ème candidat sur la liste du Likoud, Menahem Savidor n’en croit pas ses oreilles. Interrogé par Yohanan Lahav, il déclare incrédule « Je ne suis pas encore à la Knesset. »

Cette victoire n’aurait pas dû surprendre les têtes de file du Likoud. Plusieurs sondages internes avaient prédit que le parti de Menahem Begin gagnerait ces élections. Quatre jours avant le scrutin, Ezer Weizmann reçoit les résultats d’un sondage : le Likoud est crédité de 44 mandats, le parti travailliste de 26 sièges seulement. Pourquoi ce sondage ne fut-il pas publié alors ? Parce qu’au Likoud personne n’y croyait vraiment.

En fin d’après-midi, Menahem Begin avait effectué une tournée à Jérusalem dans les quartiers de Katamon et de Kyriat Yovel, à Ramleh et à Richon LeTsion. Lorsqu’il apprend les estimations de la télévision il reste incrédule : « J’espère et je prie pour que ces gens ne soient pas déçus demain matin » confie-il à ses proches. Il refuse de faire une déclaration tant que les résultats officiels ne sont pas connus. La crainte d’un nouvel échec le force à la plus grande prudence. Au Q.G. de Tel Aviv à la citadelle de Zeev (en mémoire à Jabotinski) la fièvre monte et la fête commence. A deux heures du matin, Begin se laisse convaincre : il a gagné les élections. En apprenant les résultats du Kibboutz Ein Harod ses derniers doutes tombent : le parti travailliste connaît un échec sans précédent. Même dans certains bastions du parti travailliste, le Likoud l’emporte. Lorsqu’il quitte sa maison pour la citadelle de Zeev le commandant de la police de Tel Aviv ordonne une protection rapprochée. A cette époque, le chef de l’opposition n’avait pas de garde du corps. La police ne craignait pas tant un acte malveillant contre Begin que l’exaltation de la foule qui voulait saluer son héros. Le leader du Likoud eut du mal à se frayer un chemin. Il lui fallut une demi-heure de la porte du Q.G. au podium de la salle de l’Indépendance. La foule hurlait : « le peuple d’Israël est vivant ».

Les députés l’attendaient sur l’estrade. Il ne commença pas son discours tant que ses proches ne furent pas à ses côtés dont Ezer Weizmann, l’homme clef de cette victoire. Simha Arlech, le numéro deux du parti qui allait devenir ministre des Finances était là, dubitatif. Begin, d’une voix enrouée, dit : « C’est un tournant dans l’histoire du peuple juif et du mouvement sioniste comme nous n’en avons jamais connu depuis 46 ans. » Les applaudissements n’en finirent pas. Il improvisa en grande partie son discours où il appela les dirigeants arabes à entreprendre des négociations de paix avec Israël : « Après que le président de l’État m’ait confié la charge de former le gouvernement, je me tournerai vers Sadate, vers Assad et vers le roi Hussein et je les appellerai à venir négocier la paix. »

Puis, Begin, savourant quelque peu une victoire ayant un arrière-goût de vengeance sur le parti travailliste se tourna vers le perdant de la soirée : « J’attends un télégramme de félicitation de Shimon Pérès. Je ne tiens rancœur à personne et suis prêt à tout pardonner » ajouta-t-il.
Le lendemain, les analystes politiques prédisaient la fin de la carrière politique de Shimon Pérès après un échec aussi cuisant. « Il ne s’en remettra jamais » pouvait-on lire. Trente ans plus tard, Pérès devenait le 9ème président de l’État d’Israël après avoir été deux fois Premier ministre...

Le parti travailliste ne connaîtra à nouveau une véritable victoire qu’en 1992. Le Likoud dominera la vie politique du pays pendant 15 ans.
Aux hésitations des travaillistes divisés entre eux sur la question palestinienne et sur la paix avec le monde arabe succède une vision claire du nationalisme. Le lendemain de son élection, Begin ira inaugurer une synagogue dans l’implantation d’Elon Moré près de Naplouse. Il lancera à cette occasion : « Il y aura de nombreux Elon Moré en Israël. » Une nouvelle politique se met en place. Si, très vite, Begin a entamé des négociations avec l’Égypte, il a négligé le dossier palestinien.

La victoire du Likoud en 1977 qui marque une rupture fondamentale dans l’histoire du jeune État fut le signe de sa maturité politique. Israël devenait une véritable démocratie occidentale. L’alternance politique serait désormais la règle et plus aucun parti n’aurait l’exclusivité de tous les pouvoirs.

Culture : le Centre Menahem Begin

Loïc Le Méhauté

De la porte de Jaffa, en remontant la route d’Hébron, sur le versant sud de la vallée de Ben-Hinnom, à droite, nous découvrons une belle bâtisse toute neuve recouverte de pierres de Jérusalem, c’est le Menachem Begin Heritage Center. Proche de Yemin Moshé, de l’autre côté de la cinémathèque, face au mont Sion et aux murailles de Jérusalem, ce centre nous invite à découvrir le legs de l’ancien commandant de Etzel, leader de l’opposition parlementaire, puis Premier ministre israélien (1977-1983).

Le centre, projet national commémorant l’un des plus grands leaders du peuple juif du XXe siècle, est conçu pour ressembler aux bibliothèques présidentielles américaines. Son but primordial est d’être un moyen éducatif pour la jeunesse. Il comprend les départements suivants :

  Un musée historique sur la vie, les actions et l’héritage de M. Begin
  Un institut de recherches pour approfondir les connaissances sur la politique israélienne, la société, le rassemblement des exilés, la culture, la loi, l’économie et la sécurité
  Des archives de l’État d’Israël reliées directement aux actions de M. Begin. Elles contiennent des documents, photos, et cassettes audio et vidéo... (le tout sur ordinateur)
  Une bibliothèque possédant une grande partie des livres de la collection privée de M. Begin. On peut participer à des travaux de recherches sur les actions et l’héritage de Begin sur toutes les périodes de sa vie : la clandestinité, le Mandat britannique, sa vie politique...
  Un programme éducatif pour communiquer à la jeunesse le legs politique, démocratique et parlementaire de M. Begin
  Un programme ‘Junior Knesset’ pour enseigner aux collégiens les principes parlementaires de la démocratie, faisant partie de leurs cours d’instruction civique.

Menahem Begin

 

Eliane Ketterer

 

Menahem Begin (1913-1992), Premier ministre israélien, le premier à exercer cette fonction au titre du parti du Likoud, artisan de l’accord de paix avec l’Egypte, prix Nobel de la paix et commandant du mouvement Etzel à l’époque du mandat britannique

lire

 

 

 

Harry Hurwitz (président du centre), grand ami de M. Begin, fut l’instigateur de la création de ce vivant mémorial, hommage national à ce chef qui s’est battu pour la liberté, le futur et la sécurité du peuple juif sur sa propre terre. En quelques années la somme d’argent nécessaire pour construire le bâtiment de quatre étages fut réunie grâce aux dons venant de l’étranger et d’Israël. Pour l’emplacement du centre, l’aide vint de Ehud Olmert alors maire de Jérusalem et du responsable de l’Autorité des terres israélienne (I.L.A.), Ariel Sharon. L’architecture du centre veut représenter le caractère de Begin : structure modeste avec un air de dignité. Le musée est construit sur un ancien site archéologique comprenant des tombes des périodes des deux Temples. Les artefacts les plus impressionnants étant deux petites feuilles d’argent comportant la bénédiction des prêtres (Birkat ha-Cohanim, No. 6. 22-27). Ces tombes sont préservées derrière le centre.

Le 28 mars 1998, la Knesset a voté la loi de la commémoration de M. Begin afin de réaliser un projet à sa mémoire. En juin de cette même année, la première pierre fut posée. Par une cérémonie officielle, le Menachem Begin Heritage Center fut inauguré le 16 juin 2004, honorant la mémoire du sixième Premier ministre israélien dont un des accomplissements fut la signature du traité de paix israélo-égyptien (Accords de Camp David), qui lui valut le prix Nobel de la paix (1978). Depuis son ouverture, le centre, grâce à ses activités multiples, a accueilli bon nombre de visiteurs (plus de 300 000). C’est un véritable succès !

Le hall d’entrée, spacieux, bien éclairé, offre une vue panoramique des murailles de la Vieille Ville de Jérusalem. Á la fin de la visite du musée, sur la terrasse du café-restaurant « White Nights », on prendra plaisir, tout en se délassant, à admirer la vue, un rafraîchissement à la main. Le centre est aussi composé de salles de conférences, d’un auditorium, d’une modeste synagogue et d’un modèle réduit de la Knesset pour enseigner aux étudiants le fonctionnement du gouvernement israélien.

Le musée historique de la vie de Begin, réalisé par Uri Shaviv, est situé sous le hall d’entrée. La visite, accompagnée par un guide local, dure près de 75mn (écouteurs en plusieurs langues). Á l’aide de photos, de films documentaires, de reconstitutions, d’artefacts et même d’éléments du mobilier de sa résidence de Tel Aviv, l’atmosphère créée vous fait vivre une expérience émotionnelle et intellectuelle. Le musée comprend les quatre phases principales de sa vie (1913-1992) :

  Enfance et jeunesse en Pologne et Russie (1913-1942)
  Ses années comme chef de Etzel (Irgoun) opérant pendant le Mandat britannique en Eretz Israel (1942-1948)
  Leader de l’opposition à la Knesset (1949-1977)
  Premier ministre israélien (1977-1983)
La visite de ce musée ‘automatisé’ commence par les rues de Brisk (Brest-Litovsk), ville natale de Menahem Begin, en territoire de la Russie tsariste.

Première partie : son enfance, la fuite de sa famille pendant la Première guerre mondiale, son enrôlement dans la ‘Jeune garde’, puis le ‘Beitar’ après sa rencontre avec Z. Jabotinsky, ses études de droit à Varsovie, son mariage avec Alisa Arnold, leur fuite à Vilnious, son arrestation par les Soviétiques et sa déportation en Sibérie.

Deuxième partie : son long voyage vers Eretz Israel. Commandant de Etzel en 1943. Une pièce vétuste, avec son mobilier symbolise ses années de clandestinité et sa lutte armée contre les Britanniques. Sa tête fut mise à prix ! Destruction en juillet 46 du poste de commandement britannique à l’hôtel King David à Jérusalem. Libération des détenus juifs de la prison d’Acco. L’affaire du bateau Altalena en 1948 (guerre civile évitée de justesse).

Troisième partie : reconstitution de son appartement : salon, chambre à coucher, mobilier, au N° 1, rue Rosenbaum, Tel Aviv (de 1947 à 1977). Ses années d’opposition à la Knesset à la tête du parti Herut. Trois petites salles présentent les huit premiers gouvernements de la Knesset. En 1967, première fois membre du gouvernement : ministre sans portefeuille.

Quatrième partie : campagne électorale pour la 9ème Knesset : posters, banderoles, discours, décompte des voix. Victoire du Likoud (créé en 73) avec 41 voix. La droite au pouvoir ! Anouar El-Sadate à la Knesset, signature des Accords de Camp David, prix Nobel de la paix. Discours de Begin : “Shalom, salam, paix... No more war...” Destruction du réacteur Osiraq. Deuxième mandat. En 1982, opération « Paix pour la Galilée »... Il démissionne du gouvernement suite aux pressions des citoyens dues à l’échec du Liban. Il vivra reclus chez lui jusqu’à sa mort, le 9 mars 1992.

Par l’avenue de l’héritage de Begin, couloir sinueux, nous terminons la visite du musée en récapitulant les actions et le legs de Begin : Liberté individuelle (liberté d’expression...) ; justice sociale (lutte contre la pauvreté...) ; suprématie de la loi ; retour des exilés juifs sur l’intégralité de la terre d’Israël (libération des prisonniers de Sion, Juifs russes, Juifs éthiopiens...) ; sécurité territoriale (éloigner toute menace étrangère).
C’est par l’« ascenseur de Jérusalem », comprenant des vues panoramiques de la capitale et un discours de Begin, que nous remontons du musée pour clore notre visite par une vue à couper le souffle sur les murailles de la ville.

Le centre est ouvert du dimanche au jeudi de 9h à 16h30, le mardi jusqu’à 19h ; vendredi et veille de fête de 9h à 12h30 (entrée payante et réservation obligatoire). Adresse : 6, rue Nachon, Jérusalem 94 110 ; tel : 02 565 20 20 ; fax : 02 565 20 10 ; E-mail : offices@begincenter.org.il. Pour la biographie de Menahem Begin consulter le site Internet : www.un-echo-israel.net. Les deux sites Internet suivants vous fourniront la liste des musées et attractions touristiques au cours de votre séjour en Terre Sainte : www.ilmuseums.com ; www.goisrael.com.

Vie quotidienne : les réfugiés du Soudan

Antoinette Brémond

Darfour, Darfour... Depuis de nombreuses années cette région du Soudan occidental est synonyme de génocide, de tuerie perpétrés par la milice arabe blanche du nord contre la population noire. Un demi million d’assassinés, deux millions et demi de sans abris rassemblés dans des camps organisés par l’ONU. Plusieurs pays dont Israël aidé par les Juifs américains ont versé des sommes importantes au Comité des Nations Unies responsable des réfugiés. Beaucoup ont fui à Khartoum, mais surtout en Egypte où un à deux millions de Soudanais survivent dans des camps ou ailleurs, souvent maltraités, insultés, emprisonnés parfois tués, n’arrivant que rarement à obtenir de l’UNHCR (L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) un statut de réfugiés politiques.

Et puis, il y a quelques jours, en visitant les travaux de réfection de l’Église Anglicane, Christ Church, dans la Vieille Ville de Jérusalem, porte de Jaffa, je découvre dans l’équipe des ouvriers arabes, un africain. C’est Mahmoud, du Darfour, un peu maigre, souriant sous sa casquette bleue. Il est arrivé il y a trois semaines à Jérusalem avec un groupe de 37 Soudanais réfugiés : 18 enfants, 19 adultes, 2 femmes enceintes dont la sienne qui vient d’accoucher à l’hôpital Hadassa. Dix familles dont huit chrétiennes du sud et deux musulmanes du Darfour. 7 enfants ont moins de deux ans.

Ils font partie de cette vague d’immigration illégale qui amène chaque jour, depuis quelques mois, vingt à quarante réfugiés soudanais fuyant l’Égypte. Prenant le bus jusqu’à El-Arish, ils traversent ensuite le Sinaï avec souvent l’aide de Bédouins, s’ils ont assez d’argent pour les payer. Deux à sept jours de marche essayant d’éviter les soldats égyptiens qui les poursuivent. Plusieurs meurent en route. Ils sont arrêtés à la frontière par Tsahal. Les soldats israéliens s’occupent d’eux et de leurs enfants, leur procurent de la nourriture, du lait en poudre, des couches pour bébés... Parfois des habits et des souliers. Un réserviste de Tsahal racontait il y a une semaine, combien, émus par ces réfugiés épuisés et souvent blessés par les soldats ou la police égyptienne, lui et ses compagnons se sont démenés pour les aider à reprendre des forces. Tsahal les remet ensuite à la police israélienne qui les « dépose » ici ou là, la plupart du temps à Béer Sheva.

L’État d’Israël n’ayant pas de dispositif légal pour l’absorption des réfugiés, n’a pas non plus pour eux une politique très claire et c’est un peu du coup par coup. La situation est d’autant plus délicate que ces réfugiés sont soudanais, pays ennemi d’Israël, et donc sous la loi de 1954 stipulant que de tels réfugiés seront emprisonnés. Pendant plusieurs années ils ont donc été incarcérés d’office, leurs femmes et leurs enfants étant dirigés vers des kibboutz ou des moshav où ils vivaient en résidence surveillée. Depuis quelques mois, l’UNHCR et les organisations israéliennes humanitaires ont permis à la plupart des prisonniers d’être libérés et conduits ici où là, rejoignant souvent le reste de la famille. Mais où ? Et dans quel cadre légal ? Et pour combien de temps ? Et avec quels subsides ?

En attendant les décisions inter-ministèrielles entre l’Intérieur, les Affaires étrangères et la police de l’Immigration, ce sont l’UNHCR et les organisations israéliennes telles que Hotline (pour la défense des droits de l’homme des ouvriers immigrés ) et le Centre pour les Droits des réfugiés à l’Université de Tel Aviv qui ont paré au plus urgent, mobilisant des dizaines de volontaires, principalement des étudiants, pour répondre aux besoins immédiats de ces réfugiés déposés dans les rues de la capitale du Néguev.

Ce sont ces instances qui, le vendredi 15 juin, voyant que le dernier groupe arrivé à la frontière du Sinaï était majoritairement composé de chrétiens, fit appel à l’Ambassade Chrétienne de Jérusalem : « Pouvez-vous les prendre en charge pour trois semaines, le temps de trouver des kibboutz qui les recevront ? » Le soir même, le directeur de l’Ambassade, Malcolm Hedding lança un appel par mail à tous ses collaborateurs internationaux. Deux jours après, il avait 30 000 dollars. Les 10 familles furent donc logées à l’hôtel Impérial à la Porte de Jaffa. "L’État d’Israël les reçoit et nous, avec l’aide de milliers de chrétiens de par le monde, nous allons subvenir à leurs besoins, aidant ainsi Israël à recevoir ces réfugiés » déclara le directeur.

Pendant ces trois semaines, ces familles bénéficièrent également de la collaboration très fraternelle de la déléguée de l’Ambassade, Charmaine Hedding, de Hotline, d’étudiants et de médecins bénévoles qui ont tout organisé pour que, comme me le disait Tal, étudiante ayant dirigé l’opération, : « ces gens puissent vivre normalement, comme nous ! » Soins médicaux sur place ou à l’hôpital, accouchement, prise en charge des enfants, distribution d’habits et de jouets. Il y avait toujours quelqu’un qui savait l’arabe pour traduire, et quelques réfugiés parlaient un peu l’anglais. Et la religion ? « Ce n’est pas de cela dont nous nous occupons. Simplement qu’ils puissent vivre décemment. » Le directeur de l’hôtel, arabe, la déléguée chrétienne de l’Ambassade, et Tal, l’étudiante juive israélienne se sont consacrés ensemble, à plein temps, pour que ces familles puissent, après un temps de « guérison » à l’hôtel, être dirigées vers les kibboutz prêts à les recevoir. Des contacts avec la Knesset et avec les délégués de l’UNHCRJ étaient journaliers, sachant que la bonne volonté ne suffit pas si l’on veut trouver pour ces réfugiés une solution permanente, l’asile politique.

Actuellement 2400 Africains sont en Israël. Parmi ceux de la Côte d’Ivoire, d’Erythrée, du Libéria, du Ghana et du Kenya, beaucoup sont considérés comme des réfugiés politiques disposant du droit de séjour. Parmi les 850 Soudanais illégaux, 350 viennent du Darfour. Ces chiffres sont très approximatifs, variant selon les sources. Avant de connaître la décision finale du gouvernement, plusieurs actions ponctuelles ont permis à ces réfugiés de ne pas rester dans les rues de Béer Sheva. Tout d’abord le maire de cette ville, Yaacov Turner, prit sur lui de les loger. Puis, mi-juin, des Bédouins ont pris en charge 42 Soudanais trouvés dans le quartier industriel de la ville et, avec des volontaires, les ont reçus dans leurs villages voisins pour le week-end. Le Mouvement islamique les prit alors en charge en les logeant dans deux villes du Néguev, Rahat et Kseifa.

Les hôtels d’Eilat manquant de personnel en cette période d’été, ont proposé aux autorités gouvernementales d’en embaucher comme gardiens de sécurité et personnel d’entretien. Des appartements furent mis à leur disposition pour un prix modique, le service social s’occupa de leurs enfants en ouvrant des crèches, des cours d’hébreu furent organisés en fin de journée, et leur salaire était aligné à celui des autres employés. Ils bénéficiaient également d’une caisse d’assurance maladie. Tant qu’ils se présentaient chaque matin au travail, ils étaient « en règle ». 400 Soudanais ont pu entrer dans ce créneau d’accueil très privilégié, quoique temporaire. « Une terre promise », téléphonaient-ils à leur famille restée en Égypte.

Citons encore cette assemblée messianique de Béer Sheva qui accepta, sur la demande d’une responsable israélienne, de prendre en charge un groupe de 42 réfugiés dont 15 enfants, chrétiens pour la plupart, les recevant dans les familles pendant une semaine, jusqu’à ce que la mairie soit à même de les loger dans des petits hôtels... avec tous les autres arrivés.

Impossible de ne pas mentionner Elisheva Milikowsky surnommée à Béer Sheva « l’ange des Soudanais ». Elle a 24 ans et termine des études d’assistante sociale à l’Université Ben Gourion. En février, devant faire avec les autres étudiants sociaux des « travaux pratiques » parmi les réfugiés du Darfour hébergés dans les kibboutz du sud, elle est confrontée au génocide du Darfour par le témoignage d’un des survivants. Sa vie bascule. Elle va se mettre radicalement à leur service, mobilisant d’autres volontaires, principalement des étudiants. La police, Tsahal et les Soudanais eux-mêmes ont très vite repéré cette « ange », son numéro de téléphone et font appel à elle à chaque nouvel arrivage dans les rues de la capitale du Néguev. « Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ne fait rien, mais, ce que j’ai compris, c’est que, pour moi, je n’ai pas le choix : ce fardeau m’est tombé dessus » dit elle.

Les hôpitaux et dispensaires de Béer Sheva et de Jérusalem sont aussi prêts à soigner, même à hospitaliser si nécessaire la famille de l’enfant malade. Mais là aussi, c’est du provisoire. « L’état semble avoir perdu les pédales », dit le docteur Eitan Hai-Am de l’hôpital Soroko. "En effet l’armée fait son travail en pourchassant les terroristes, la police en emprisonnant les criminels, l’hôpital en soignant les malades... mais ces réfugiés n’entrant dans aucune de ces catégories, tombent à travers les mailles... » Plusieurs médecins de Jérusalem se sont portés volontaires pour visiter et soigner ces réfugiés là où ils se trouvent.

Des voix se font entendre...

Rappelant la convention de Genève de 1951, signée également par Israël, où il était précisé que des réfugiés d’un pays ennemi fuyant la persécution devaient être reçus, Michael Bavli, représentant de l’UNHCRJ (comité des Réfugiés de Jérusalem) insiste : « Lorsque les Juifs ont fui l’Allemagne nazie et sont arrivés en Angleterre, ils ont été arrêtés et mis en prison en 1939 comme allemands, citoyens d’un pays ennemi... Ils n’étaient pas seulement allemands, mais Juifs fuyant l’Allemagne qui les persécutait. Il devrait avoir un moyen pour que les Soudanais fuyant le génocide au Soudan ne soient pas traités comme des Soudanais mais comme des victimes des Soudanais. »

Avner Shalev, directeur du Musée de Yad Vashem : « Comme membre du peuple juif brûlant encore du souvenir de la Shoa, nous ne pouvons pas refuser d’entendre les réfugiés du Darfour frapper à notre porte. »

Sigal Rozen, porte parole de Hotline pour les ouvriers immigrés : « Notre État a été fondé par des réfugiés pour des réfugiés. Le fait que ceux-ci ne sont pas juifs ne devrait rien remettre en question. » Eytan Haber, journaliste et ancien chef de cabinet de Itzhak Rabin : « Pourquoi Israël, né de la Shoa, ne peut-il pas venir en aide aux réfugiés du Darfour ? Menahem Begin avait, dès son arrivée au pouvoir, il y a 30 ans, accueilli 64 Boat People vietnamiens. Ceux-ci se sont parfaitement intégrés à la société israélienne, leurs enfants servant à Tsahal. »

Noah Klieger, rescapé d’Auschwitz : « Durant la Shoa, beaucoup de Juifs n’ont pu trouver refuge, ont été rejetés aux frontières des pays libres. Aujourd’hui le peuple juif a un État. Plus un seul Juif n’est réfugié. Que notre pays soit une terre d’accueil pour ces Soudanais. »

Michael Bavli mesure quant à lui le problème du nombre des réfugiés et ajoute : « J’espère que les 100 réfugiés encore dans les prisons seront bientôt relâchés. Mais comment arrêter l’immigration ? Il faut qu’Israël et l’Égypte cherchent ensemble une solution. C’est un tonneau sans fond. Il faut trouver une voie politique car, si non, les moyens d’intégrations que l’on peut trouver pour un nombre restreint de réfugiés ne suffiront plus pour un nombre illimité. »

Zahavit Ben Hillel, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères : « Israël reconnaît la tragédie du Darfour. Mais nous nous tournons vers la Communauté internationale pour trouver de l’aide. Israël ne peut pas être la seule réponse à ce problème. Nous travaillons avec les organismes internationaux des autres pays pour trouver une solution à long terme. Nous avons créé un comité inter-ministériel pour traiter ce sujet, mais cela ne peut pas reposer que sur nous ! »

Certains, surtout parmi les religieux, s’opposent à l’accueil de ces réfugiés qui ne sont pas Juifs. Les députés du Shass font pression sur le Premier ministre et sur le ministre de la Sécurité intérieure pour expulser ces Soudanais. L’un des leaders du sionisme religieux, le rabbin Israël Rozen, pense qu’Israël ne doit pas accorder à ces réfugiés l’asile politique « parce qu’ils sont chrétiens ». Selon lui, c’est à l’ONU à s’occuper d’eux. Le rabbin de Kyriat Arba, Dov Lior, lui aussi, s’oppose « à une aide humanitaire » : ces réfugiés pourraient se retourner contre Israël.

La décision

Le lundi 1er juillet, Ehoud Olmert fit savoir qu’après entretien avec Hosni Moubarak sur le problème des réfugiés soudanais ayant fui l’Égypte et pénétré illégalement en Israël, il avait été décidé de les renvoyer en Égypte. Seuls pourraient rester ceux du Darfour. Il ne s’agissait donc pas seulement de fermer la frontière, mais de renvoyer en Égypte tous les Soudanais déjà là. Moubarak était prêt à les reprendre, et promettait de ne pas les renvoyer au Soudan. Inutile de dire que cette décision plongea les réfugiés dans le désespoir : « Je préfère être tué ici que de retourner en Égypte » dit Pierre. « Ils vont me torturer ! »

« Renvoyer ces réfugiés en Égypte sans être sûr qu’ils ne seront pas déportés au Soudan constitue une violation du droit international » selon Hotline.Abaker Ali, un réfugié ayant perdu sa famille au Darfour envoie une lettre au Premier ministre : « Si je retourne au Soudan,, je serai tué. Si je retourne en Égypte, ils vont me torturer et me renvoyer au Soudan. Je n’ai pas d’autres lieux. » Eitan Schwartz, porte-parole des réfugiés, rappelle à Olmert que, pendant la Seconde guerre mondiale, des Juifs européens se sont réfugiés en Chine qui les a acceptés. Parmi eux étaient Béla et Mordekhaï Olmert, les parents du Premier Ministre. « Nous espérons que leur fils va protéger les réfugiés d’aujourd’hui. »

Pour le moment, le flot des réfugiés traversant le Sinaï ne semble pas s’arrêter. Interceptés à la frontière par les soldats israéliens ils continuent à être déposés dans les rues de Béer Sheva. Son maire ne peut plus assumer financièrement leur prise en charge, l’État ne lui ayant jamais versé les sommes promises. Pour protester, il envoie le 8 juillet un bus qui déversera au Jardin des roses, devant la Knesset, les 54 réfugiés derniers arrivants sans logement. Beaucoup de femmes et d’enfants. Le restaurant du coeur Meir Panim est déjà au rendez-vous ! Le message est clair : « Aidez-nous ! » Le gouvernement leur interdit de dresser des tentes et de s’installer là et les renvoie à Béer Sheva avec un autre message aussi clair : « aucune aide gouvernementale pour les demandeurs d’asile. Ni logement, ni travail, ni subside. » L’Agence Juive propose alors d’installer ces 54 réfugiés dans une résidence d’étudiants à Ibim près de Sdérot. Le lendemain, un nouveau groupe fut envoyé du Néguev au Jardin des roses pour passer la nuit. Ils s’y installent. Au bout d’une semaine, les étudiants auront trouvé pour chaque famille soudanaise une famille d’accueil israélienne. « Pour une fois que l’on peut faire une vraie mitzva (bonne action) ! » disait une jeune fille en cédant sa chambre pour ces réfugiés.

Le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter propose de construire un village de tentes pour eux près de la prison de Ketziot où se trouvent encore un certain nombre d’entre eux. Mais cela risque d’être encore un nouveau style d’incarcération... Affaire à suivre dans la prière.

Se rappeler toujours que nous les Suisses, pendant la Deuxième guerre, nous avons reçus 25 000 réfugiés juifs fuyant les camps... mais nous en avons refusés 24 000... qui ont « disparus ».

Les Samaritains, petite communauté aux origines assez floues

Loïc Le Méhauté

Il y a quelques années, avant la deuxième Intifada, je me suis rendu au cœur de la Samarie, au mont Garizim, avec un groupe de touristes français pour assister à la préparation de la Pâque des Samaritains, qui immolent un agneau par famille selon les ordonnances du livre de l’Exode (Ex. 12).

Afin de se rendre dans les montagnes d’Ephraïm l’agence de tourisme nous avait affecté un bus aux vitres blindées et nous étions précédés et suivis de deux jeeps de Tsahal. La section du trajet la plus critique était du carrefour Tapouah au sommet du mont Garizim, nous quittions la route de contournement.

La communauté samaritaine est perchée sur la montagne escarpée du Garizim (Jebel al-Tur en arabe, 881m), qu’elle considère sacrée, car là, Josué, suivant les instructions reçues par Moïse, prononça les bénédictions, tandis que sur la montagne d’en face, au mont Ébal (940m), il offrit des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces et prononça devant les tribus d’Israël les malédictions (Dt. 11. 29 ; Jos. 8. 33-35). Les tribus divisées en deux camps se tenaient sur les versants des monts.

Dans l’étroit défilé aux pieds de ces deux montagnes s’étend aujourd’hui la ville de Naplouse et les ruines de l’ancienne cité biblique de Sichem (Tell Balata). L’accès à la communauté samaritaine de Kyriat Luzza peut se faire soit en traversant Naplouse, soit par une nouvelle route qui passe près de l’implantation Braha atteignant le mont par le sud. Sur ce versant les vestiges d’un temple cananéen (1700-1500 av. J.-C.) attestent la présence d’un culte païen, un des hauts lieux du pays de Canaan.

Nous sommes arrivés au village samaritain en fin de matinée, l’agitation et l’effervescence des préparatifs de la fête allaient bon train. Les familles montaient chacune avec un agneau pour le sacrifice. Des fours creusés dans le sol étaient remplis de bois pour la cuisson des animaux. En attendant l’heure des sacrifices, les prêtres inspectaient les agneaux tandis que les enfants s’amusaient, certains même, avec les animaux. Plus tard dans l’après-midi les prêtres se mirent à chanter les prières en formant un cercle et les chefs de famille munis d’un couteau très effilé et tenant leur agneau se rassemblèrent le long d’une tranchée qui allait recueillir le sang des animaux sacrifiés qui coulera jusqu’à l’autel. Impassibles, ces hommes égorgèrent leur mouton qui docilement n’avait opposé aucune résistance. Dépecés, les agneaux furent embrochés sur de grandes perches placées sur les braises des fours. La graisse déposée sur une grille fut consumée par le feu de l’autel (Lv.3. 7-11).

Tandis que la viande cuisait lentement, il nous a fallu rentrer à l’hôtel car le jour déclinait et notre Pâque nous y attendait.

Plusieurs théories sur leurs origines

Après une brève période d’unité, sous les royaumes de Saül, David et Salomon, un schisme politique et religieux vit la création de deux royaumes (931 av. J.-C.) souvent ennemis. Juda au sud : unissant les tribus de Siméon, de Juda et une grande partie de Benjamin, avait pour capitale Jérusalem. Israël au nord : dont Samarie devint la ville royale sous Omri (IXe s. av. J.-C.), était composé des 10 autres tribus. Jéroboam l’Ephraïmite, premier roi d’Israël, établit, outre les hauts lieux, deux centres cultuels aux extrémités de son royaume : l’un à Dan (nord) et l’autre à Béthel (sud), proche de Jérusalem, et y érigea deux veaux d’or. Il institua aussi une sacrificature d’Israélites n’appartenant pas aux Lévites et changea la date des célébrations religieuses (1R. 12). Cette abomination de Jéroboam conduisit le Royaume du Nord à l’idolâtrie. Elle fut, d’après les livres bibliques, la cause de la prise de Samarie par Sargon II, roi d’Assyrie, qui déplaça une partie de la population en 722/21 av. J.-C. Dans les chroniques assyriennes de Sargon II un texte relate ceci : « J’ai assiégé la ville de Samarie et emmené 27 280 de ses habitants captifs. Je leur ai pris 50 chars, mais leur ai laissé le reste de leurs affaires. » Dix ans auparavant Téglath-Phalasar III avait déporté des milliers d’habitants du Royaume du Nord. Malgré ces deux déportations de nombreuses personnes restèrent en Israël.

La première mention biblique des Samaritains se trouve dans le récit de la déportation des 10 tribus d’Israël : « [...] Le roi d’Assyrie prit Samarie et emmena Israël captif en Assyrie. Il les fit habiter à Chalach, et sur le Chabor, fleuve de Gozan, et dans les villes des Mèdes. [...] Le roi d’Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d’Avva, de Hamath et de Sepharvaim et les établit dans les villes de Samarie à la place des enfants d’Israël [...] ils ne craignaient pas l’Éternel, et l’Éternel envoya contre eux des lions qui les tuaient. [...] Le roi d’Assyrie donna cet ordre : Faites-y aller l’un des prêtres que vous avez emmenés de là en captivité ; qu’il parte pour s’y établir, et qu’il leur enseigne la manière de servir le dieu du pays. [...] Mais les nations firent chacune leurs dieux dans les villes qu’elles habitaient et les placèrent dans les maisons des hauts lieux bâties par les Samaritains. [...] » (2 R. 17. 6-29). Ces colons venus des provinces assyriennes, entre autres de Kouta, tout en adorant le Dieu d’Israël, gardèrent leurs coutumes et leurs pratiques païennes. C’est à Béthel que le prêtre israélite enseignait aux colons la crainte du Dieu d’Israël.

Qui sont ces Samaritains mentionnés dans ce texte biblique ? Sont-ils les autochtones hébreux du Royaume d’Israël, rescapés de la destruction de Sargon ? Ou bien toute cette population mixte : les autochtones des tribus d’Israël et les nouveaux colons ? Un syncrétisme religieux s’établit rapidement bien qu’une partie des autochtones continua de participer au culte de Jérusalem.

Le règne d’Ézéchias fut marqué par un temps de réformes religieuses quand le roi ordonna de purifier le Temple et de célébrer la Pâque. Des courriers furent envoyés de Jérusalem, dans Juda et Israël, afin d’inciter les tribus à revenir à Dieu : « Ézéchias envoya des messagers dans tout Israël et Juda, et il écrivit des lettres à Ephraïm et à Manassé, pour qu’ils vinssent à la maison de l’Éternel célébrer la Pâque en l’honneur de l’Éternel, le Dieu d’Israël » (2 Ch. 30. 1). Si certains se moquèrent, d’autres montèrent à Jérusalem pour les festivités religieuses ! Puis s’en retournant, ils purifièrent le pays de l’idolâtrie : « Lorsque tout cela fut terminé, tous ceux d’Israël qui étaient présents partirent pour les villes de Juda, et ils brisèrent les statues, abattirent les idoles, et renversèrent les hauts lieux et les autels dans tout Juda et Benjamin et dans Ephraïm et Manassé [...] » (2 Ch. 31. 1). Des étrangers vivant en Israël et Juda se joignirent aux tribus d’Israël pour ces festivités religieuses.

Sous le roi Josias tout le pays connut une autre réforme religieuse : « [...] C’est ainsi qu’il purifia Juda et Jérusalem. Dans les villes de Manassé, d’Ephraïm, de Siméon, et même de Nephtali, partout au milieu de leurs ruines il renversa les autels [...]. » (2 Ch. 34. 5, 6). Le roi renversa l’autel de Béthel et détruisit le haut lieu de Jéroboam. Il obligea même tous ceux qui se trouvaient en Israël de servir Dieu !
Après la destruction du premier Temple, des habitants de Sichem, de Silo et de Samarie furent assassinés à Mitspa sur leur route vers Jérusalem, où ils se rendaient pour offrir des sacrifices.

Au retour des captifs du Royaume de Juda sous le commandement de Zorobabel ( v. 538 av. J.-C.), le peuple de Juda et de Jérusalem (Judéens) entreprit la reconstruction du Temple. Les habitants du pays (i.e. tribus du Nord et colons assyriens) désirèrent se joindre à eux prétendant que : « comme vous, nous invoquons votre Dieu, et nous lui offrons des sacrifices depuis le temps d’Esar-Haddon, roi d’Assyrie, qui nous à fait monter ici. » (Esd. 4. 2). Essuyant un refus de la part de Zorobabel, ils tentèrent de décourager les Judéens et écrivirent contre eux des accusations qu’ils envoyèrent aux rois de Perse.

Plus tard, lorsque Néhémie, gouverneur de Judée, commença les travaux sur les murailles de Jérusalem (V. 444 av. J.-C.), il rencontra l’opposition des chefs des peuples d’alentour dont Sanballat le Horonite (gouverneur de Samarie), associé à Tobija l’Ammonite et Guéschem l’Arabe. C’est en vain que cette coalition s’efforça d’empêcher le relèvement de la capitale de Judée. Néhémie, condamnant les mariages mixtes, renvoya les femmes étrangères et chassa même de Jérusalem le gendre de Sanballat, fils du Grand Prêtre Jojadia. D’après Flavius Josèphe ce personnage s’appelait Manassé. Il aurait été le Grand Prêtre du sanctuaire schismatique construit par Sanballat sur le mont Garizim et, des Juifs, sanctionnés par les mesures de Néhémie, prirent l’habitude de s’y rendre (Ant. XI. 7. 2 ; 8. 7). Peu probable pensent les historiens. Cependant on situe la création de ce temple entre la fin de l’époque perse et le début de la période hellénistique (IVe s. av. J.-C.). Ce fut la scission religieuse entre les communautés judéenne et samaritaine.

Ce temple, profané au temps des persécutions d’Antiochos IV Épiphane (175-163 av. J.-C.), fut dédié à Zeus Hospitalier « comme le demandaient les habitants du lieu » (2 Mac. 6. 2). Jean Hyrcan, Grand Prêtre et prince des Juifs (134-104 av. J.-C.) s’attaquant aux Samaritains, associés aux Séleucides, s’empara de Sichem et rasa leur temple du Garizim en 128 av. J.-C. La femme samaritaine y fait allusion dans sa réponse à Jésus au cours de leur entretien au puits de Jacob : « Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem [...]. » (Jn. 4. 20, 21 ; voir Ant. XII. 1). La dynastie des Asmonéens (sacrificateurs-rois), en interrompant la lignée sacerdotale des descendants de Tsadok, issus d’Aaron, accentua l’antagonisme entre les deux communautés.
Les Samaritains n’ont pas bonne presse dans le livre du
Siracide (Ben Sira) : « Il y a deux nations que mon âme déteste et la troisième n’est pas une nation : ceux qui sont établis dans la montagne de Séïr, les Philistins et le peuple fou qui habite à Sichem. » (Si. 50. 25, 26).

Flavius Josèphe (Ant. IX. 148) et la littérature rabbinique les nomment Koutéens. Le Talmud (traité Koutim) les considère comme descendants des diverses tribus non-juives converties au judaïsme. Ce traité, consacré aux lois qui régissent les rapports entre Juifs et Samaritains, fait remarquer les ressemblances et les divergences des deux communautés. Sur de nombreux points les Samaritains sont proches des Juifs. Et le Talmud de rajouter : « Quand pourront-ils être reçus dans la communauté juive ? Quand ils auront renoncé au mont Garizim et reconnu Jérusalem et la résurrection des morts » (traité Koutim 17). Le rabbi Simon ben Gamaliel fait observer que « les Samaritains sont plus observants que les Juifs » (traité Houllin 4a).

Le Nouveau Testament nous donne quelques aperçus sur les relations entre les Juifs et les Samaritains. Tout d’abord il n’y avait pas de relations politiques, religieuses ou économiques entre les deux peuples presque ennemis : « Comment toi, qui est Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? - Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains » (Jn. 4. 9). Il y avait une inimitié réciproque entre les deux peuples. Le nom de Samaritain était même utilisé péjorativement, comme une insulte : « Les Juifs lui répondirent : N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon ? » (Jn. 8. 48). Se rendant à Jérusalem pour la Pâque juive, Jésus se vit refuser l’hospitalité des Samaritains : « Il envoya devant lui des messagers, qui se mirent en route et entrèrent dans un bourg des Samaritains, pour lui préparer un logement. Mais on ne le reçut pas, parce qu’il se dirigeait sur Jérusalem. » (Lu. 9. 52, 53). Cependant, Jésus, dans la parabole du bon Samaritain, adressée à un docteur de la Loi qui pour se justifier demande « qui est mon prochain ? », lui donne l’exemple d’un Samaritain qui panse les blessures d’un homme attaqué par des brigands et pourvoit à ses soins. Le prochain, que Dieu demande d’aimer, est peut-être aussi le Samaritain ! (Lu. 10. 25-37). Sur les dix aveugles guéris par Jésus, seul le Samaritain revint sur ses pas glorifiant Dieu. Jésus, surpris, s’exclama : « Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir et donner gloire à Dieu ? » (Lu. 17. 18). Quand Jésus envoya ses disciples prêcher la venue du Royaume de Dieu il leur recommanda vivement de n’aller ni chez les païens ni chez les Samaritains, mais plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël (Mt. 10. 1-15). Avant son ascension, Jésus leur enjoignit cependant d’être « mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac. 1. 8).

Jésus, répondant à la Samaritaine, met un point final à la dispute Juifs/Samaritains sur la suprématie de la religion : « Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. » (Jn. 4. 21, 22)

Malgré l’animosité religieuse entre les deux communautés elles se battirent ensemble contre l’envahisseur lors de la Première Guerre juive contre les Romains. Les Samaritains auraient cependant soutenu les Romains au cours de la révolte de Bar Kochba (132-135) contre l’empereur Hadrien. Une haine croissante entre les deux communautés religieuses conduisit à l’excommunication des Samaritains accusés d’interférer dans la célébration des fêtes juives.

Á l’époque byzantine de nombreux décrets impériaux sont cause d’oppression et d’interdits à l’encontre des Samaritains qui se voient même interdits de culte et de lieu saint ! Leur temple fut une nouvelle fois détruit en 486 apr. J.-C.. Sous l’empereur Justinien ils perdirent leur autonomie.

En 636, après la défaite de l’Empire byzantin par les forces musulmane sous l’autorité du calife Omar ibn al-Khattab à la rivière Yarmouk, les Samaritains subirent de nombreuses vexations et souffrirent sous la domination musulmane n’étant pas considérés comme le « peuple du Livre » : l’exil ou la conversion forcée leur étaient proposés. Des groupes trouvèrent refuge au Caire, à Gaza ou à Damas...
S’ils connurent une certaine accalmie sous les Mamelouks d’Égypte les persécutions reprirent sous l’autorité des Ottomans. Grâce à l’intervention du Grand Rabbin de Jérusalem en 1841, qui affirma leur appartenance au « peuple du Livre », ils échappèrent à l’extermination. Á la deuxième moitié du XIXe siècle le nombre d’âmes s’élevait à 122 seulement !
De plus d’un million de membres à l’époque romaine, la communauté persécutée et dispersée, presque annihilée aux XIXe-XXe siècles, comporte aujourd’hui une population, de près de 650 personnes, répartie dans les deux centres de Holon (Israël) et de Samarie (Territoires) !

Quant à eux, les Samaritains, ils se considèrent comme Bené Israël (Israélites) ou Chomerim (ceux qui observent la Loi). L’appellation Samaritains, ou Shomronim en hébreu, proviendrait de l’éponyme « Shemer » nom de la capitale du Royaume du Nord qui signifie « monter la garde ». Certains auraient adopté récemment le nom de « Israélites Samaritains ».

Les Samaritains prétendent que tout Israël était unifié sous le règne du grand-prêtre Uzzi de la lignée d’Aaron. Á cette époque le faux Grand Prêtre Éli usurpa la sacrificature d’Uzzi et déplaça le centre religieux de Sichem à Silo. Depuis ce temps, les Samaritains certifient avoir maintenu une chaîne ininterrompue de Grands Prêtres et, bien qu’ils soient une minorité, ils se considèrent le « vrai Israël », non souillé par le paganisme ambiant des royaumes d’Israël et de Juda !

Ils se disent descendant des fils de Joseph, Ephraïm et Manassé, et leurs prêtres de Pinhas, fils d’Eléazar, fils d’Aaron de la tribu de Lévi (Ex. 6. 23-25). Dans leurs Chroniques (Sefer ha-Yamim) les Samaritains affirment que les Juifs se sont séparés d’eux quand l’Arche fut transférée à Jérusalem au Xe siècle avant notre ère.

Comme on peut le voir les origines des Samaritains sont assez floues et incertaines. Les sources juives les considèrent descendants des colons assyriens, alors qu’eux-mêmes se disent les vrais fils de Joseph et de Lévi. Des historiens pensent que les Samaritains étaient pour une grande partie les habitants du royaume de Samarie (Israël) restés sur place à la déportation de Sargon II.

Pour tenter d’approfondir les connaissances sur les origines des Samaritains, la génétique a été sollicitée. Les auteurs d’une étude très complexe sur les chromosomes des Samaritains (Shen et al., 2004), sont en faveur d’une approche mixte entre remplacement et continuité : « Nous supposons que les caractéristiques génétiques samaritaines présentent un sous-groupe de prêtres juifs d’origine (les Cohanim) qui n’est pas parti en exil quand les Assyriens ont conquis le Royaume du Nord [...], mais qui ont épousés des Assyriennes et des femmes exilées réinstallées à partir d’autres terres conquises. [...] » (SHEN ET AL 2004. pdf)

Dans la deuxième partie de cet exposé nous parlerons de la religion samaritaine et de la vie des deux communautés de Holon et du mont Garizim.

 

Teddy Kollek, Jérusalem et la Fondation de Jérusalem

Suzanne Millet

Lors des funérailles de Teddy Kollek, le 4 janvier 2007, Ehoud Olmert, Premier ministre a dit : « En 1949, David Ben Gourion a proclamé Jérusalem capitale d’Israël, Teddy Kollek lui, en a fait la capitale d’Israël, » et ce même jour, Uri Lupolianski, actuel maire, a eu cette formule lapidaire : « Teddy, c’était Jérusalem et Jérusalem, c’était Teddy ».

On peut dire qu’il a construit la Jérusalem moderne et le professeur Ysrael Eldad aimait affirmer : « Après Hérode, Kollek fut le plus grand constructeur de Jérusalem ».

Réélu six fois, il fut maire de Jérusalem 28 ans, de 1965 à 1993, et aurait voulu être encore réélu à 83 ans pour le bien de Jérusalem. En fait, il travailla pour cette ville avant et après son mandat. Lorsqu’il devint maire il créa la Fondation de Jérusalem afin qu’une institution puisse récolter des fonds pour la capitale.

Il faut dire qu’à « l’époque » il était plus facile de rêver de Jérusalem que d’y vivre. Écoutons Teddy Kollek parler de Jérusalem des années 50-60 dans une interview donnée au Jerusalem Post en mai 1992 : « Les touristes qui venaient visiter Jérusalem y passaient seulement quelques heures, le sandwich dans la poche. Il n’y avait rien à visiter, pas de parcs, pas d’arbres et où que vous vous tourniez vous vous heurtiez à une pancarte : « Attention frontière ! » Quand j’ai réalisé qu’il fallait construire quelque chose pour garder les touristes plus que quelques heures, j’ai pensé à un musée, « Vous avez besoin d’un musée ? » grommela le ministre des Finances Pinhas Sapir : « Il faut d’abord résoudre les autres problèmes », ces autres problèmes étaient les grandes immigrations des années 50 : des Juifs venant des pays arabes. Des Juifs qui n’avaient jamais entendu parler d’Israël mais qui avaient toujours prié pour Jérusalem. »

Théâtre de Jérusalem

Il n’y a qu’un visionnaire et un homme très optimiste qui a pu relever le défi et faire de Jérusalem la capitale d’Israël et une ville mondialement visitée. Pour ses grands projets Teddy Kollek était souvent seul contre tous, remarque Kimri qui a travaillé 20 ans à ses côtés : « Par exemple quand il a décidé de construire le Théâtre de Jérusalem, il y eut un tollé général. Ce sera une ruine pour la ville, c’est un autre éléphant blanc, il sera vide et servira uniquement pour des petits groupes de riches. » Teddy Kollek entendit les plaintes mais il agit comme s’il n’avait rien entendu. Il s’adressa à ses amis pour avoir l’argent et le Théâtre fut construit. Il fut aussi l’initiateur du Zoo biblique et il voulait faire de Jérusalem une ville verte et fleurie. Il a créé de grands espaces verts et n’a pas hésité à dépenser 6 millions de dollars pour acheter le terrain qui est devenu le jardin entre l’hôtel King David et le quartier Yemin Moshé.

En 1967, avec la réunification de Jérusalem, il devenait maire de 70 000 administrés en plus. Il voulait reconstruire le quartier juif qui avait été en grande partie détruit, et ses synagogues démolies ou saccagées. « Une de nos premières actions fut de raser le quartier devant le Mur. Nous savions qu’à l’approche de Shavouot des foules viendraient immédiatement après que les routes aient été nettoyées des mines et d’autres obstacles. Et pour Shavouot de cette année, 250 000 personnes sont venues au Mur ! »

Les thèmes de culture et de qualité de la vie revenaient comme un refrain dans ses paroles. Lui-même disait qu’il était impossible d’imaginer ce que serait la ville sans la contribution de la Fondation de Jérusalem. « N’oublions pas disait-il, le rôle du Comité de Jérusalem : un groupe extraordinaire de personnalités de tout l’univers, des éducateurs, des écrivains, des historiens, des philosophes, des théologiens, des architectes, des urbanistes et des artistes. »

« Pour que Juifs et non-Juifs du monde entier jouent un rôle important dans le développement et l’avenir de Jérusalem nous créons la Fondation de Jérusalem » proclamait Teddy Kollek en 1967. Ainsi la Fondation fête ses 40 ans. Á Jérusalem, toute l’année est marquée par des évènements festifs - concerts, conférences, réouverture de la Cinémathèque etc. - ainsi que dans les grandes villes du monde : Berlin, Londres, Los Angeles, Melbourne, Montréal, New York, Toronto, Vienne, Zurich, d’ou viennent les principaux donateurs.

Ce fut une innovation de Teddy Kollek de diriger les « dons » des donateurs à la Fondation de Jérusalem pour des projets spécifiques. Cela permit à la Fondation de proposer à ses amis de soutenir des projets précis, favorisant ainsi la création d’un lien privilégié entre le donateur et ce qu’il a choisi de réaliser. C’est ainsi qu’actuellement le choix des projets soutenus par la Fondation est le fruit d’une concertation entre la Fondation, les organismes bénéficiaires et les donateurs. Un département de projets animé par une équipe de professionnels, travaille en étroite relation avec les institutions qui formulent une demande de soutien. Parmi ces partenaires, on compte les différents services de la Municipalité, des institutions publiques et privées (écoles, hôpitaux, institutions culturelles etc.) de nombreuses O.N.G. et associations.

Quand on se promène dans Jérusalem, on découvre une multitude de petits squares où des adultes peuvent s’asseoir et les enfants jouer et à chaque square une plaque avec le sigle de la Fondation : une tulipe crénelée (les créneaux des remparts de Jérusalem), au bas de la fleur deux feuilles (représentant les deux populations de la ville ?) et sur la plaque le ou les noms des donateurs qui vivent ainsi « virtuellement » à Jérusalem.

Mais ce sont aussi les grandes promenades ou parcs connus des touristes :
  Les promenades Haas et Goldman d’Armon Hanatziv, au sud de Jérusalem
  Le jardin des roses Wohl, face à la Knesset
  Les jardins botaniques de l’Université Hébraïque de Guivat Ram
  Le parc national autour de la Vielle Ville
  Le jardin de l’Indépendance
  Le jardin de la cloche de la Liberté
   Les jardins zoologiques bibliques avec le parc de l’Arche de Noé Et enfin le Stade de Teddy Kollek qui attire des milliers de fans chaque semaine...

Pendant ces 40 années la Fondation a également beaucoup œuvré pour préserver les sites historiques :
  Le musée de l’histoire de Jérusalem fut créé dans la citadelle de David en 1989
  Les fouilles archéologiques de la Cité de David - l’Ophel
  La restauration de l’église assyrienne orthodoxe
  La rénovation de la Via Dolorosa
  Le musée du vieux Yichouv en Vieille Ville
  Les synagogues sépharades en Vieille Ville
  La restauration des Portes de Sion, d’Hérode...
  La rénovation de la Piscine du Sultan, et l’amphithéâtre.

« Impossible de s’imaginer ce que serait la ville sans la contribution de la Fondation de Jérusalem », disait Teddy Kollek, et nous après lui.

Mais Jérusalem est une ville habitée et non seulement rêvée. C’est la plus grande ville, avec plus de 700.000 habitants. Du point de vue de l’appartenance ethnique et culturelle, elle est la plus composite d’Israël - 68 % de Juifs et 32 % d’Arabes. Parmi les Juifs, 40 % sont orthodoxes, 20 % traditionnels et 40 % laïcs. Parmi les Arabes, 96 % sont musulmans et 4 % chrétiens.

Jérusalem est aussi la ville la plus jeune d’Israël : les enfants représentent 50 % de l’ensemble de la population. Compte tenu du grand nombre des enfants, l’infrastructure scolaire de Jérusalem est la plus importante du pays. Pourtant, 5000 shekels seulement y sont investis en moyenne par élève et par an, contre 11 000 shekels par exemple à Tel Aviv.

En effet, Jérusalem est la ville la plus pauvre d’Israël. Faiblement industrialisée et principalement dépendante de l’activité touristique, elle souffre d’un fort taux de chômage et perçoit peu de taxes. Teddy Kollek disait : « Vous payez pour Tel Aviv... vous priez pour Jérusalem ! ». Par ailleurs, la communauté juive orthodoxe présentant un faible taux d’activité et la communauté arabe connaissant un taux de chômage particulièrement élevé, dépendent essentiellement des allocations familiales.

Face à la complexité de cette situation, la Fondation poursuit son effort en faveur du développement de cette ville à la richesse humaine exceptionnelle. Les lettres-clés de la Fondation fêtant son 40e anniversaire sont CCC : Communauté - Culture - Coexistence. En ce sens, cette organisation reste fidèle à l’inspiration originelle.
Elle a créé et soutient encore des centres communautaires dans des quartiers défavorisés :
Pisgat Ze’ev, Kyriat Menachem, Gilo, un centre pour enfants en danger, un refuge pour femmes battues, un centre de soins de jour, Zikhron Menachem, pour des enfants malades du cancer et leurs familles, un centre de réhabilitation pour drogués, un centre médicalisé, Golden Era, pour personnes âgées, un centre de jour oncologique à Hadassah, et le centre médical de Sheikh Jarrach à Jérusalem-est.

Au niveau de l’éducation, la Fondation a créé l’Institut de Jérusalem de Recherche sur Israël en coopération avec l’Université Hébraïque. Elle a eu l’initiative d’un programme appelé « la ville comme école », qui enseigne aux enfants l’histoire, la culture et les institutions nationales sur le terrain. Elle a créé une École Supérieure à A-Tur à Jérusalem-est pour les sciences. Elle a construit :
  Le musée de la Science Bloomfield en relation avec l’Université Hébraïque pour enfants juifs et arabes (voir : exposition Albert Einstein)
  La grande bibliothèque arabe à Jérusalem-est
  Le collège scientifique de Hadassah pour la jeunesse, avec les laboratoires
  Un projet lancé pour agrandir et rénover le lycée français de Jérusalem. L’effectif des élèves passera de 100 à 250, et permettra à des familles juives françaises de faire leur immigration avec leurs adolescents qui pourront terminer leurs études secondaires en français et passer leur baccalauréat français.

En projet :
  La construction d’une résidence pour étudiants au centre-ville pour que les 60 000 étudiants à Jérusalem puissent faire de Jérusalem leur maison et animent la ville
   Transférer l’Université des Arts de Betsalel au Mont Scopus vers le centre-ville.

Enfin, les réalisations promouvant la coexistence souvent financées par les donateurs de langue allemande, sont multiples :
  Une école bilingue judéo-arabe « Main dans la main »
  « Le jardin de Paix » pour jeunes enfants juifs et arabes à l’YMCA
  L’Institut « Adam » pour la Paix et la Démocratie
  Le mouvement « Passerelle » pour jeunes Juifs pratiquants et laïcs
  « Meet » (Rencontre), un programme pour étudiants arabes et juifs des Hautes Écoles à Jérusalem
  Le centre culturel Miskenot Sha’ananim et le centre de conférences International Konrad Adenauer
  Un orchestre de jeunes arabes et juifs « la Maison Alpert » pour qui la musique est un langage de paix. Leur répertoire comprend aussi bien de la musique classique que la musique folklorique des deux peuples.

La Fondation sponsorise :
  Le Festival International de Musique de Chambre
  Le festival de Jazz
  Le quatuor de Jérusalem créé en 1993 qui fait des concerts dans les écoles et à l’étranger. Il communique son enthousiasme pour la musique et pour Jérusalem
  Le centre de musique de Jérusalem fondé en 1973 par la Fondation de Jérusalem et la Fondation Rothschild
  Le centre de musique populaire, etc.
  Le théâtre Khan, qui fut créé il y a 40 ans. C’était le premier théâtre professionnel israélien. La Fondation a soutenu l’établissement de ce théâtre, et au cours des années, ses activités très variées comme des coproductions judéo-arabes

Enfin, la cinémathèque créée en 1970 par Teddy Kollek grâce aux fonds récoltés par la Fondation s’avérait trop petite pour l’afflux des 500 000 spectateurs tout au long de l’année et pour le Festival International du Film. Elle possède une archive impressionnante de films israéliens. Elle vient d’être agrandie et rénovée, avec l’aide de la Fondation, et elle pourra remplir sa mission d’éducation et d’étude de l’histoire du peuple juif à travers le film. Elle vient de rouvrir ses portes toutes neuves pour le 24e Festival du Film.

Un soir, remontant à pieds de la Porte de Jaffa en longeant les remparts, j’ai pu constater que le projet financé par la Fondation de Jérusalem du Canada était déjà réalisé en partie sur le terrain - un amphithéâtre qui descend de la mairie vers les remparts. Cet amphithéâtre canadien symbolise bien le pont entre la ville moderne et la Vieille Ville. Ce même soir, peu après, prenant le bus plein de spectateurs revenant du Festival du Film, je vois une amie qui me dit : « Après la projection d’un film d’une femme palestinienne, les femmes juives et arabes de la salle se sont spontanément embrassées ! ».

La Fondation inaugure et soutient toutes sortes de ponts et passerelles, comme cette rencontre annuelle de 70 artistes juifs et palestiniens à l’YMCA. C’était en janvier, la situation politique était tendue mais la directrice de ce projet de la Fondation disait qu’elle avait dû refuser des inscriptions, alors que la première année, il était difficile d’en trouver. Cette année, ces artistes ont utilisé le rire pour construire des liens.
« Une salle pleine d’Israéliens et de Palestiniens, marchant tout excités les uns vers les autres, s’agrippant par le bras et éclatant de rire, avait quelque chose de surréaliste », disait l’un d’entre eux, et il poursuivait : « Si une ville a bien besoin de cette catharsis du rire, c’est bien Jérusalem ! ».

Racines juives : Isaac et la Terre d’Israël

Michel Remaud

Un adage rabbinique dit que ce qui advient aux pères est signe pour les fils. Cette formule se réfère en particulier à la valeur exemplaire de la vie des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, dont les épisodes préfigurent ce qui est arrivé par la suite à leurs descendants. Une application particulière de cet adage concerne la relation de chacun des trois patriarches à la Terre d’Israël (1) . Abraham a parcouru la terre en tous sens pour en prendre possession en y édifiant plusieurs autels. Il est descendu en Égypte et en est remonté, après que Pharaon eut été frappé de plaies. Jacob a connu l’exil et est revenu dans son pays - non sans appréhension : les années passées par Ésaü en terre de Canaan ne lui avaient-elles pas conféré sur la terre un droit de propriété que lui-même, Jacob, aurait perdu par son exil ?

Des trois patriarches, Isaac est le seul qui n’ait jamais quitté la terre de Canaan : bien qu’en son temps y ait sévi une famine comparable à celle qui avait frappé le pays au temps d’Abraham, Isaac a reçu de Dieu l’ordre de ne pas quitter la Terre : « Le Seigneur lui apparut et dit : “Ne descends pas en Égypte, mais demeure dans le pays que je t’indiquerai. Séjourne dans ce pays, je serai avec toi et je te bénirai. À toi et à ta descendance, en effet, je donnerai ces terres et je tiendrai le serment que j’ai prêté à ton père Abraham”. » (Gn 25,3).

Le commentaire rabbinique formule plusieurs interprétations successives de ce passage. La première a déjà été présentée ici (voir : « Pour compliquer encore un peu : Gush Katif et l’argument biblique »). Elle veut expliquer pourquoi les Sages décidèrent de ne pas inclure la région de Guérar, où se trouvait alors Isaac, dans les limites du territoire où s’applique la législation concernant la terre.

Le midrash commente ensuite les mots : « Réside dans la terre... »
“Le Seigneur lui apparut et lui dit : ne descends pas en Egypte ; réside dans la terre” etc. Réside dans cette terre, sois semeur, sois planteur.

L’injonction d’occuper la terre, de la cultiver et de la mettre en valeur s’explique, selon toute vraisemblance, par la volonté de faire obstacle à l’émigration, et d’inciter les Juifs à résider en terre d’Israël. Ce passage peut se référer à la situation créée par l’échec de la révolte de Bar Kochba, les Sages cherchant alors à lutter contre l’émigration en rappelant l’obligation d’habiter en terre d’Israël. Il peut aussi faire allusion à la situation en Terre d’Israël au milieu du IIIème siècle, alors que la crise économique liée à la période d’anarchie militaire entraînait une vague d’émigration que les rabbins tentaient de freiner. Isaac, qui, sur l’ordre de Dieu, n’a pas quitté la terre d’Israël malgré la famine, est alors cité en exemple.

Autre commentaire : “réside dans la terre” : fais habiter la Présence dans la terre.
Ce commentaire rapproche le verbe qui signifie habiter (shakhan) du terme qui désigne la Présence divine (shekhina) : Isaac reçoit l’ordre de faire résider la Présence divine dans la terre d’Israël. Cette interprétation est sans doute fondée sur la suite du verset : « Je serai avec toi ... ». Si Dieu est avec Isaac, la présence du second entraîne celle du premier. “Habite cette terre” : Rabbi Hoshaya dit : tu es une offrande pure ; de même qu’une offrande pure n’est plus valide si elle sort de l’enceinte du sanctuaire, de même, si tu sors de la terre, tu n’es plus [une offrande] valide.

L’obligation de demeurer en terre d’Israël est liée ici au fait qu’Isaac s’est offert en sacrifice. En affirmant qu’Isaac ne doit pas sortir de la terre, comme la victime ne doit pas sortir de l’enceinte du Temple, le texte affirme indirectement la sainteté de la terre d’Israël. On retrouve là un des thèmes caractéristiques du judaïsme postérieur à la destruction du Temple, et qui s’exprime en particulier dans les dispositions de la Mishna : la sainteté de l’aire du Temple est étendue au pays entier, et la pureté rituelle, caractéristique de la liturgie du Temple, doit s’étendre à l’ensemble de la vie quotidienne. C’est là un argument supplémentaire pour inciter les Juifs à demeurer en terre d’Israël.
“Car à toi et à ta descendance je donne toutes ces terres” : ces [terres] dures ; ces [terres] en partie [seulement]. Quand te donnerai-je le reste ? Dans l’avenir.

Cette dernière interprétation prend appui sur la présence, dans le texte biblique, de la forme défective “ha-el”, au lieu de “ha-elleh”, dans l’expression “ha-artsot ha-el”, ces terres. Cette particularité orthographique, l’absence de la lettre “hé”, qui devrait se trouver normalement à la fin du démonstratif dans la formule « ces terres », donne lieu à un double commentaire. Le midrash interprète d’abord la formule “ha-el” au sens de dures. Cette interprétation s’explique par le fait que le mot “el”, utilisé le plus souvent pour désigner la divinité, évoque d’abord la force et peut s’appliquer, plus largement, à des puissances angéliques ou terrestres : il peut s’appliquer par exemple aux montagnes puissantes (Ps 36,7) ou aux cèdres majestueux (Ps 80,11). Pour préciser le sens de ce mot, plusieurs manuscrits ajoutent que ce terme doit être pris dans le même sens qu’en Ezéchiel 17, 13, où il présente une signification que la TOB, par exemple, rend par “notables”. Le midrash veut indiquer par là les résistances et les difficultés auxquelles Israël se heurtera pour prendre possession de la terre. Cette interprétation est complétée par celle qui suit : l’orthographe défective est alors considérée comme le signe que la possession de la terre restera d’abord partielle et inachevée, et qu’elle ne sera totale que « dans l’avenir », cet « avenir » désignant évidemment les temps messianiques.

Cette terre est dure, et Israël n’en prendra vraiment possession qu’aux jours du messie.

(1) On trouvera les références des textes rabbiniques dans M. REMAUD, À cause des pères, Louvain, Peeters, 1997, pp. 61-69.

« Un secret bien gardé »

L’un des aspects méconnus de la littérature israélienne touche à la place accordée à Jésus et aux évangiles dans le roman et la poésie hébraïques. A l’étranger, la réserve dont ce sujet est entouré donnerait à penser qu’il s’agit là d’un des secrets les mieux gardés de la culture locale. Il se fait au contraire que nombre d’auteurs israéliens - et non des moindres - se sont littéralement appliqués à ’targumiser’ les évangiles à l’instar de ce que faisaient leurs prédécesseurs à l’époque du 2eme Temple dans leur lecture du texte hébreu des Ecritures.

Remontant au scribe Esdras à l’époque du retour de l’Exil de Babylone, cette pratique du TaRGouM [Araméen : Traduction] consistait à traduire et à interpréter le texte biblique en araméen qui était devenu la langue prédominante du Croissant fertile. Pour éviter d’être confondue avec l’original, la traduction était présentée oralement par un interprète attitré, le meTouRGeMan, qui jouissait d’une certaine latitude pour orienter la forme de sa paraphrase. La relecture des évangiles poursuivie par un certain nombre d’auteurs israéliens s’inscrit dans le droit fil de cette tradition. D’autant que la tendance juive à l’innovation semble trouver dans ce pays un terrain favorable à une créativité dont l’auteur des Rêveries d’un promeneur solitaire semblait avoir le pressentiment : "Lorsque les juifs auront des universités à eux, ils auront quelque chose à dire au monde." Une rêverie qui frisait la prémonition.

Si la mythologie d’un peuple se confond avec son destin, celle des juifs est inscrite dans leur histoire. Le livre de la Genèse commence par une vue universelle de la famille humaine pour se concentrer finalement sur un clan particulier au moment où son chef reçoit une directive précise : "Va t’en [... ] vers le pays que Je te montrerai !" Dès lors, les hébreux se distinguent de l’humanité du fait de cette injonction à se rendre dans un lieu donné. Il fallait, semble-t-il que le peuple élu trouve un chez soi pour réaliser ce qu’on en attendait.

Après avoir été retrouvée après un exil interminable, cette terre est redevenue le point de repère moral de la diaspora qui lui reconnaît une centralité encore attestée par la liturgie synagogale. Même si elles ont été historicisées, les trois Fêtes principales ont toujours été associées aux moissons de Canaan. Pésah est la Fête du printemps où l’on se réjouit de la récolte de l’orge. Shavouot marque la fin de la moisson de l’orge et le début de celle du froment. Soukkot, célébrée à la fin des vendanges, est la Fête des récoltes d’automne. La Terre Promise n’avait donc jamais été oubliée car la foi incorruptible d’un peuple le préservait d’en perdre la mémoire. Un observateur éclairé identifiait naguère les siens dans ce refus de renier leur origine : "Si un homme arrivait de Galicie, ses yeux venaient de beaucoup plus loin. L’Orient l’habitait encore." Trois exemples concrets offerts par des poètes venus de la Gola dans ce pays qu’une mémoire collective n’avait jamais quitté peuvent aider à saisir comment le souvenir de réalités dont cette terre a été témoin a pu mener à un processus original de ’targumisation’ .

On vient de marquer ces jours-ci le 60ème anniversaire de la parution du poème : Le fils égaré, de Léa Goldberg qui, portée par l’enthousiasme, se permettait de modifier le texte de la parabole évangélique de L’enfant prodigue. Plus intéressée par le déchirement intérieur du jeune homme que par la mansuétude du père, Goldberg procédait à un remaniement du récit de Luc, non seulement en introduisant la figure de la mère mais en lui attribuant un rôle déterminant dans le dénouement du drame familial. Une fois revenu des régions lointaines où il s’était égaré, le fils n’osait pas franchir le seuil de la maison paternelle car, disait-il : "Les cieux en sont témoins, le péché colle à ma chair / Je retomberai dans la faute puisque je suis encore le fils égaré." Mais sa mère de le rassurer : "Peu importe que tu sois juste ou mécréant / Il suffit, mon fils, que tu sois revenu / Lève-toi, mon fils, et reçois de ton père / La bénédiction de sa tendre colère."

Quant à Ouri Tsvi Greenberg, il composa à la même époque une évocation de Jésus qui rejoignait la perspective de son propre retour en Israël. Il aimait en effet à répéter : "Quand nous reviendrons vivre au pays des ancêtres, nous n’allons pas laisser Jésus - notre frère selon la chair et le sang - dans cette terre d’exil. Nous l’emporterons avec nous pour le faire revenir chez lui." Ainsi écrivait-il dans son recueil de poèmes : La grande peur et la lune : "Il soupire longuement après la terre d’Israël / Mais il reviendra au pays d’Israël en portant le talith / Qu’il avait sur l’épaule en allant vers la croix / A la fin des temps / Il viendra pour la fête / Du salut du monde / Il sera comme une Ménora rayonnante / Et sur sa tête sainte / Reposera la couronne du Fils de David."

Un regard analogue porté sur la personne de Jésus a longtemps affecté la pensée de Pinhas Sadeh, dont l’œuvre a joué un rôle séminal dans le renouveau de l’hébreu que le peuple revenu à Sion faisait remonter des catacombes de l’histoire. Paradoxalement, cette langue singulière où s’exprime l’âme d’un peuple atteint l’universel car elle fut en son temps porteuse d’un dialogue avec le divin. Elle y était sans doute prédisposée car elle semble avoir été conçue pour répondre aux besoins d’une révélation qui entraîne inévitablement une tension entre l’expérience et l’attente, autrement dit, entre le connu et l’inconnu. Douée d’une vibration particulière, elle suit une voie d’intériorité où le goût du caché accroît la méfiance envers ce qui paraît.

Peu avant sa mort survenue en 1994, Pinhas Sadeh raconta à un ami la façon dont il franchit le seuil d’un monde inconnu, le jour où il trouva par hasard un exemplaire du Nouveau Testament en hébreu, dans un enclos de Galilée où il gardait un troupeau de moutons. "Je découvrais dans le Nouveau Testament un monde des plus attirants : des gens épris de justice, qui n’étaient pas troublés par les tracas du monde, l’argent, les commérages [...]. Ces gens ne recherchaient que la sainteté, la vie et la vérité. Je rencontrais là une réalité merveilleuse qui parlait au plus intime de moi-même, comme si j ’ étais né pour y correspondre."[...].

"J’étais fasciné - sans pouvoir analyser cette expérience - par ce qui se trouvait là, proche de mon cœur : la croyance à l’état pur, la vie assumée dans cette foi comme une poésie, sans pour autant s’assujettir à tout un ensemble de coutumes et de lois. J’étais captivé par la qualité des descriptions, aussi n’est-il pas étonnant qu’elles aient pu exercer une telle influence sur l’art de l’occident, comme on le voit dans les représentations rappelant la Cène, la Crucifixion ou la rencontre du Ressuscité sur le chemin d’Emmaüs. Mais j’étais surtout frappé par le fait que ces gens étaient vraiment des juifs qui, de manière personnelle et concrète, envisageaient l’esprit du Judaïsme, son histoire, sa vitalité et son caractère insondable, en essayant de déchiffrer cette énigme. C’était à mes yeux une affaire exclusivement juive".

Nul ne se serait douté que cette fascination allait induire Sadeh à écrire : La vie comme parabole *, une œuvre originale, truffée de récits évangéliques, qui ne tarda pas à marquer l’imaginaire de tout un peuple. Bien plus tard, il confia à un collègue : "Il me semble que cet ouvrage est le reflet authentique de ma propre existence. Il évoque la vie d’un jeune juif né dans ce peuple particulier, avec tout ce que cette condition peut avoir de mystérieux." Comme le hasard peut devenir l’écriture invisible de Dieu, il n’est probablement pas indifférent que la découverte fortuite de ce texte hébreu dans la plaine de Jézraël survint à un esprit ouvert, issu d’une société où la lecture avive le besoin de versions et de considérations nouvelles.

Les héritiers de ceux qui ont rendu la Bible accessible au monde gréco-romain en lui donnant la Septante sont bien placés pour comprendre que si chaque peuple a un langage pour exprimer ses joies et ses tourments, la traduction [Hébreu : TiRGouM], est un geste fraternel où ce qui aurait pu rester une rumeur devient une voix familière. Dans ce geste d’hospitalité culturelle, le traducteur permet ainsi au lecteur d’accueillir une parole qui, autrement, lui serait restée étrangère. Cette ouverture à l’autre qui semble connaturelle à la tradition d’Israël pourrait nous rappeler que dans un monde saturé de dissonances, ses représentants n’ont jamais désespéré de percevoir les consonances les plus inattendues.


* Extrait de la préface de La vie comme parabole

Oh Dieu ! dit l’âme, tu m’as créée en me tirant du vague et du néant. Le premier jour, tu m’as éclairée afin que je puisse me voir moi-même et tu as séparé les ténèbres de la lumière qui est en moi. Le deuxième jour, tu as créé le ciel bleu avec toutes mes aspirations. Le troisième jour, tu as créé ma terre et les fleurs ravissantes de mon amour. Le quatrième jour, tu as créé les étoiles lointaines où je me sens solitaire mais jamais égarée, car rien de ce qui est en moi ne peut se perdre. Le cinquième jour, tu as créé les monstres et les étranges poissons qui peuplent mes rêves. Le sixième jour, tu m’as donné - non sans peine - les traits qui font de moi une âme humaine et tu m’as placée tout près de toi dans la nudité de ma solitude.

Maintenant, le sixième jour arrive à son terme.

Au couchant rouge encore, je vois la nuit descendre. L’heure est maintenant venue de me donner le Shabbat, oh Dieu ! Donne moi le Shabbat ! Toi, mon Père qui est au ciel, donne moi donc le Shabbat des Shabbats !

Un chrétien de Tel Aviv

Le chant du mois et humour en final

Le chant du mois : « Quelqu’un »

Nous avons déjà traduit à plusieurs reprises des chansons d’Ehud Manor, l’un des plus grands paroliers qu’est connu Israël. Comme presque toutes les chansons de Manor, il s’agit d’une hymne que tout Israélien connaît par cœur. Qui est ce quelqu’un ? Dieu ? Un proche disparu ?

Quelqu’un, quelqu’un s’inquiète
s’inquiète pour moi là-bas là-haut
il vient et allume des étoiles
et elles tombent les unes après les autres

Nous sommes, circulons sur deux chemins différents
Jour et nuit dans leur longueur
Fatigués et affamés nous attendons le signe
Sur les voies poussiéreuses du temps
Nous nous rencontrons au bout des chemins

Au terme de longs jours,
Au terme de longues nuits
Je sais que tu es proche maintenant
Le printemps s’en est allé, l’été disparaît
La pluie vient

Quelqu’un, quelqu’un s’inquiète
s’inquiète pour moi là-bas là-haut
il vient et allume des étoiles
et elles tombent les unes après les autres

Paroles : Ehud Manor
musique : Matti Caspi

(Traduction : Jean-Marie Allafort)


et l’humour en finale

Un non juif rencontre son voisin juif dans l’escalier de l’immeuble : « J’ai encore été cambriolé cette nuit ! Et vous ? »
-« Non , cela ne m’est jamais arrivé. »

  " Comment cela se fait-il ?"

  « Nous les Juifs, nous avons la coutume de placer à notre porte une mezouza. Cela nous protège. »
« Pouvez-vous en placer une à ma porte ?
« - « Volontiers. »
Cela fut fait le lendemain.

Un mois après, le goï va chez son voisin juif lui rapporter la mezouza.
« Alors ? Cela n’a pas marché ? » s’étonne le voisin.
« Si, je n’ai plus de voleurs, mais je suis assailli de mendiants ! »