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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 28 – Mars/Avril 2006

Le Jourdain à la sortie du Lac

Sommaire :

-   Editorial : imprévus et constantes

-   Histoire : La Histadrout

-   Les Bédouins en Israël

-   Connaissance d’Israël : Meggido

-   Centenaire de l’école Betsalel

-   Le testament d’Ariel Sharon

-   Racines juives

-   Flashes d’espoir

-   Au fil des mois 

-   Chant du mois et humour en finale

 

Editorial :

Imprévus et constantes

 

Écrire un éditorial plus de vingt-quatre heures avant sa parution, c’est prendre le risque de perdre son temps. Il y a une semaine, le sujet qui s’imposait de lui-même était le grave incident qui venait de se produire dans la basilique de Nazareth. Quelques jours plus tard, c’était l’entretien accordé par Ehud Olmert au quotidien Ha-aretz qui faisait la une de l’actualité, avant de céder la place aux déclarations de l’ancien chef d’état-major sur la capacité d’Israël à se défendre d’une attaque nucléaire iranienne. Une des constantes de la vie de ce pays est, précisément, l’impossibilité de prévoir le lendemain, la menace permanente de l’imprévu qui peut faire irruption et reléguer tout le reste au second plan.

Cette menace permanente de l’imprévu n’est pas la seule constante. Aujourd’hui, deux questions s’imposent de plus en plus et de façon obsédante, liées l’une et l’autre à l’existence même de l’État d’Israël. L’une est la question des frontières de l’État, que le Premier ministre par intérim, qui est vraisemblablement le futur Premier ministre, se dit décidé à fixer dans les quatre ans qui viennent. L’autre est celle du caractère juif de l’État.

Questions vitales et impossibles à éluder. Mais il est douteux que les solutions envisagées pour y répondre soient idéales, à supposer qu’il existe des réponses idéales à de telles questions. Même matérialisées par une clôture, les futures frontières ne seront, ni sûres, ni reconnues. Comment, par exemple, mettre l’aéroport Ben Gourion hors de portée de missiles s’il ne se trouve qu’à 6 kilomètres de la frontière ? La question de la judéité de l’État, quant à elle, est rendue chaque jour plus aiguë par l’évolution démographique de la population arabe israélienne, jointe au fait que 200 000 non juifs sont venus s’établir en Israël à la faveur de l’immigration russe. Multiplier les tracasseries à l’encontre des religieux chrétiens pour les inciter à quitter le pays n’est certainement pas la solution la plus adéquate au problème.

Près de soixante ans après sa création, l’État d’Israël se cherche encore et ne cesse de lutter, plus ou moins maladroitement, pour sa propre survie.

Michel Remaud

Post scriptum : Cet éditorial venait d’être écrit quand a eu lieu l’attaque de la prison de Jéricho par l’armée israélienne. Parfaite illustration de la place que tient l’imprévu dans l’actualité de ce pays.

Histoire :

La Histadrout

Dans des précédents numéros nous vous avons présenté un panorama de l’histoire d’Israël depuis la Déclaration Balfour de1917 jusqu’à l’élection d’Ariel Sharon au poste de  Premier ministre en 2001.

Nous allons à présent étudier les différentes Institutions qui ont « précédé » l’Etat d’Israël, et ont fortement contribué à sa création.

Le premier syndicat de travailleurs juifs à voir le jour en Palestine date de l’époque ottomane après la première Alya. Sur le modèle européen est créé en 1896 à Jérusalem un syndicat pour défendre les droits des employés d’une imprimerie. En 1903, une autre organisation syndicale voit le jour, c’est la ‘Histadrout des enseignants’ auquel vont adhérer les professeurs qui travaillent dans les écoles juives où la langue courante devient l’hébreu. Les enseignants des écoles religieuses n’adhérent pas à ce syndicat qui regroupe presque uniquement des laïcs. C’est le premier syndicat national juif. En 1912, c’est au tour des médecins de fonder un syndicat. Un an plus tard, ce sont les pionniers agriculteurs qui s’organisent et mettent eux aussi sur pied un syndicat en Galilée puis en Judée. La majorité des mouvements sionistes sont de gauche et prônent une idéologie communiste où le travailleur et ses droits sont au centre du système.

Au début du 20ème siècle, les syndicats sont d’abord sectoriels et indépendants. C’est seulement en décembre 1920, à Haïfa, qu’une centrale, la Histadrout générale,  est créée et rassemble en son sein tous les syndicats déjà existants. La centrale fondée par Berl Katznelson fait intégralement partie du « mouvement des travailleurs », qui deviendra plus tard le parti travailliste. Selon la charte votée lors du premier congrès à Haifa, à la direction du syndicat, il devait y avoir des représentants des quatre partis socialistes. La Histadrout rassemblait alors 4500 personnes. Pendant ce congrès, les bases de la constitution de la Histadrout furent jetées  établissant que : « La Histadrout générale réunit tous les ouvriers et les travailleurs du pays dans le but de les aider à organiser toutes les affaires des localités, économiques et culturelles, de tous les travailleurs du pays, en vue d’édifier une société de travailleurs juifs en Eretz Israël. La Histadrout est constituée des associations professionnelles qui réunissent les membres selon leurs branches, elle est la seule représentante de tous les travailleurs du pays, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour toutes leurs affaires. ».

La Histadrout, qui se veut moderne et éclairée, se donne pour but d’être non seulement un syndicat qui protège le droit des travailleurs mais aussi une institution qui fournit des services à ses membres: changements d'emploi, congés maladie payés, et d'autres avantages. Ses objectifs sont donc de fédérer l'ensemble des travailleurs juifs de la Palestine sous mandat britannique, de favoriser leur installation et leur insertion dans le pays, de défendre les droits des salariés auprès des employeurs mais aussi de favoriser l'emploi d'une main d'œuvre juive par rapport à la main d'œuvre arabe bon marché.

Pour aider à réaliser ces buts, le congrès de Haïfa décide la création de  la « Banque ha Poalim » (la banque des ouvriers) qui doit être un outil financier dont le premier objectif est d’aider les travailleurs en leur accordant des facilités bancaires. D’autres institutions vont voir le jour sous l’impulsion de la Histadrout comme la Caisse de maladie  ou encore le « Mashbir » (coopérative d’approvisionnement) qui deviendra plus tard, le premier grand supermarché du pays.

Le premier secrétaire général de la Histadrout fut David Ben Gourion, élu en 1921, soit un an après sa fondation. Il restera à la tête de la centrale jusqu’en 1935.

Sous sa direction énergique, la Histadrout se développa. En 1927, on compte près de 25.000 membres, soit 75% des travailleurs juifs de Palestine. Ben Gourion n’améliora pas seulement le statut de l’ouvrier juif mais finit même par être reconnu par le gouvernement du Mandat britannique comme un représentant légitime de la communauté juive en Palestine.

Pendant les dix premières années, le système d’organisation de la Histadrout est mis en place. Une branche économique et financière, « la compagnie des travailleurs » est créée dont le but est « l’organisation, le développement et l’augmentation des actions économiques de tous les travailleurs dans toutes les branches et les secteurs du travail dans les villages et les villes, sur la base de l’aide et de la responsabilité réciproque ».

Ben Gourion fonde aussi « le conseil des travailleuses » (mouvement des femmes ouvrières), ainsi que « la  histadrout des jeunes travailleurs et étudiants » qui devient l’un des mouvements de jeunesse les plus importants et les plus populaires du pays et qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

Dans le domaine de la culture, Katznelson fonde en 1925 « Davar », le journal de la Histadrout, qui deviendra l’un des principaux quotidiens du pays.

 Un  comité central de la culture ouvrira des bibliothèques pour les ouvriers dans toutes les régions du pays.

La Histadrout devient rapidement l’une des institutions les plus puissantes du pays et l’un des piliers de la construction nationale. Le syndicat est paternaliste. Il se préoccupe aussi du logement des travailleurs par la création de l’entreprise « Solel Boneh » et d’autres sociétés chargées de bâtir des appartements peu coûteux.Avec le développement du foyer national juif en Palestine et l’agrandissement des localités juives, la Histadrout a cru bon de remplir des tâches importantes sur le plan national, comme la défense, la sécurité sociale, l’élargissement des villes, le développement du système éducatif et la promotion de la culture chez les ouvriers.

A la différence des syndicats professionnels à travers le monde, la Histadrout a voulu fonder une autonomie travailliste répondant à tous les besoins du travailleur. Bien que veillant à la représentation de l’ouvrier comme syndicat professionnel et luttant pour l’amélioration de ses conditions et de son salaire, elle a aussi fondé un service économique, qui comprenait une coopérative pour la participation à la productivité, participé à l’entreprise de construction des localités juives, à l’approvisionnement et au commerce, à la création de coopératives comme par exemple « Tenuva » (coopérative laitière) ainsi qu’un fonds d’entraide pour les chômeurs et une agence pour les demandeurs d’emploi.

La sécurité sociale était basée sur les actions d’aide réciproques et la Histadrout  fut la première à la développer dans le pays : elle veillait bien sûr à la santé des travailleurs (la caisse de maladie prenait en charge près de 80% des Juifs) et procurait un fonds pour la retraite. Elle avait également créé des maisons pour les personnes âgées et  des centres de soin pour les vieillards  mais aussi des institutions pour les orphelins et les veuves.

Les immigrants, s’ils devenaient pour beaucoup d’entre eux des ouvriers lorsqu’ils arrivaient en Palestine, venaient d’horizon où la culture jouait un rôle fondamental. Il n’était pas rare, par exemple, qu’un professeur de piano devienne agriculteur dans un Kibboutz. La Histadrout favorisa très largement le développement de la culture auprès des travailleurs. Elle mit en place des programmes culturels, créa le théâtre « HaOhel » (la tente), fonda une maison d’édition « Am Oved » (peuple travailleur) et ouvrit une section de musique et de danse ainsi qu’un centre pour la « conservation de la tradition du mouvement travailliste ».

La Histadrout favorisa également l’éducation physique et créa des équipes de sport « HaPoël » qui se développeront peu à peu.

Elle prend l’initiative de créer un jumelage avec les associations de travailleurs arabes du pays, « Brith Poalé Eretz Israël », qui existait déjà dans les années 20.

En 1935, Ben Gourion est élu à la tête du Mapaï et abandonne son poste de secrétaire général du syndicat. Il est remplacé par David Rémez, qui sera élu député lors de la première Knesset puis ministre de Ben Gourion. En 1944, Yossef Shprinsak, leader sioniste né à Moscou, le remplace. Il restera à la tête de la centrale jusqu’en 1949, date où il sera élu premier président de la Knesset.

En 1948, la Histadrout a pris sur elle le souci de l’économie d’urgence du nouveau pays qui doit alors lutter pour sa survie.

Après la guerre d’indépendance, les institutions de la Histadrout vont se développer aux côtés de celles de l’Etat.

Il n’y a pas de doute que l’aspiration première de la Histadrout  fut de créer  une autonomie ouvrière au sein de la communauté juive d’Israël, ce qui lui a valu le surnom de « la nation qui est en route ». A la naissance de l’Etat, près de 35% de la population adulte ayant l’âge de travailler dans le pays appartient à la centrale syndicale. Ses organisations ont constitué les bases  des institutions nationales. Grâce à elles et au très fort soutien de la population, le pays a pu réaliser ses  buts à une époque où les difficultés et les adversités étaient nombreuses (et qui auraient sans doute écrasé toute autre société dans cette situation) : période de forte immigration, crise économique terrible et menace sécuritaire. Le pays s’est doté lui-même des outils pour se construire et la Histadrout a assuré sa position en devenant l’organisme principal de protection de l’ouvrier par la mise en place de lois du travail très en avant-garde pour l’époque.

En 1959, les premiers membres d'origine arabe furent admis au sein de la centrale syndicale. Elle devient le syndicat de tous les travailleurs israéliens du pays quelles que soient leurs origines religieuses ou ethniques.

En 1983, la Histadrout comptait 1.600.000 membres, ce qui représentait un tiers de la population israélienne et 85% des personnes actives. 170.000 membres étaient d'origine arabe. L’importance du syndicat commença à décroître dans les années 1980 avec la libéralisation grandissante de l'économie israélienne.

Jusqu’aux élections de 1994 où Haïm Ramon fut élu secrétaire général de la centrale, l’adhésion à la Histadrout dépendait de son adhésion à l’une des caisses de maladie (la Klalit). Le fait que la Histadrout était le plus grand employeur, ajoutait une difficulté supplémentaire. Toutes ces institutions empêchaient la Histadrout de se concentrer sur sa première mission : l’amélioration et la protection des droits du travailleur.

Il devenait nécessaire de procéder à une réforme générale. La loi de l’assurance médicale nationale a coupé le lienavec la « Caisse de maladie » mais a renforcé le lien avec la population ouvrière. La Histadrout a changé ses priorités et a décidé qu’il ne lui revenait plus de suppléer l’État. Elle a supprimé toutes les activités qui faisaient double emploi avec les institutions de l’Etat.

Les centres culturels  éducatifs, ainsi que le journal « Davar » ont été fermés. La Histadrout a conservé tout ce qui pouvaient assurer le bien être du travailleur : les salles de culture et de sport, le mouvement « des jeunes étudiants et travailleurs » et les crèches pour les enfants. Elle a renforcé les cellules de travailleurs dans tout le pays et mis en place un système de conseil juridique pour les travailleurs.

Le cœur de la Histadrout est bien sûr la section syndicale professionnelle. Pour qu’elle puisse remplir son activité principale de représentante du travailleur, le syndicat n’est plus employeur. De fait, il pouvait y avoir opposition d’intérêt entre la Histadrout comme employeur et la Histadrout comme syndicat.

Une cellule, qui est toujours prête à affronter les situations, qui prend les initiatives et définit la ligne à adopter en cas de conflits, a été créée.

Le fonds spécial en cas de grève a été renforcé afin de permettre aux ouvriers de lutter pour leurs droits sans craindre pour leur subsistance. La Histadrout veille aussi à protéger les droits et à améliorer les conditions de travail des travailleurs étrangers et palestiniens en Israël. Un bureau de conseil juridique a également été ouvert.

En 1995, Haim Ramon démissionne de la Histadrout pour rejoindre le gouvernement de Shimon Pérès et devenir ministre de l’Intérieur. Il est remplacé par Amir Péretz, député du parti travailliste. Il mènera une lutte acharnée contre la politique de libéralisation de Binyamin Netanyahu. Les manifestations et les grèves se multiplient au point que la Knesset vote en 2003 une loi limitant le droit de grève.

Il y a un peu plus d’un an, une loi a également été votée interdisant le cumul des fonctions pour le secrétaire général de la Histadrout : il ne pourra plus désormais être député.

En novembre 2005, Amir Péretz s’est présenté aux élections primaires des travaillistes et fut élu secrétaire général du parti. Ofer Einai le remplaça à la tête de la centrale syndicale.

Bien que la Histadrout aujourd’hui continue à s’affronter à des problèmes financiers difficiles, elle poursuit avec ses moyens son but qui est de défendre les droits des travailleurs du pays et de garder les acquis sociaux. La Histadrout prouve que malgré tous les problèmes, sa force principale est dans ses efforts soutenus pour la justice sociale.

Le centre Lavon

Pour étudier de façon scientifique et reconnue l’histoire du mouvement travailliste, la Histadrout a décidé de fonder le centre Lavon, du nom de celui qui fut secrétaire général du syndicat de 1949 à 1950 puis de 1956 à 1961. On a réuni sous un même toit « Les Archives travaillistes » et « La bibliothèque Sirkin », et on leur a confié la recherche sur le mouvement travailliste et la Histadrout mais aussi sur les mouvements de travailleurs dans le monde. Le centre fonctionne comme association et est dirigé par une assemblée publique, avec à côté d’elle une assemblée scientifique, comprenant des universitaires de tout le pays.

Les archives du centre Lavon sont formées, surtout, des « archives du mouvement travailliste » depuis son origine. Elles sont parmi les premières du pays, et sont dues à l’initiative du Professeur Schmuel EizenSchtadt, avec l’encouragement de David Ben Gourion, qui était alors secrétaire de la Histadrout. Ses fondateurs accordaient une importance capitale à la mémoire et donc aux archives ainsi qu’à la recherche de l’histoire du mouvement travailliste. Les archives servent à des chercheurs, des étudiants, des auteurs et des journalistes qui demandent à étudier l’histoire du mouvement et son développement en Israël et dans le monde.  On y trouve près de 130 000 dossiers qui contiennent des informations sur la Histadrout, son organisation, ses centres depuis sa fondation en 1920 jusqu’à nos jours, comme, les syndicats professionnels, la caisse maladie, les centres d’aide réciproque, l’association des ouvriers et le centre agricole, des documents sur le mouvement des ouvriers dans le pays au moment de la seconde immigration et de ceux qui l’ont précédée jusqu’à la fondation de la Histadrout, des documents sur les associations, des mouvements et les premiers partis de travailleurs dans le pays et à l’étranger, comme le parti « le jeune travailleur », « les travailleurs de Sion », « l’union du travail », le début du « Mapaï », et jusqu’au « Maki », « Bleu et rouge », « Sheli », et « Ratz ». Ces archives en fait, sont celles de la fondation de l’Etat d’Israël.

Ces documents proviennentde personnes importantes dans le mouvement travailliste du pays et de l’étranger qui ont mis leurs trésors aux archives de leur vivant, ou qui les ont légués après leur mort. Parmi les archives personnelles importantes, on trouve celles de Nahman Sirkin, Berl Katsnelson, Haim Arlozorov ; Itzhak Ben Tsvi, Bar Borochov, David Ben Gourion, A.D. Gordon, Dov Hoz, Zalman Shazar, David Remez, Moshe Sneh et de nombreux autres.

On y trouve une collection variée d’affiches de la Histadrout pour le 1er mai, fête du travail et jour de la Histadrout en Israël jusque dans les années 80, pour les manifestations lors des élections, pour les mouvements de jeunesse, pour les associations de l’immigration, les manifestations sportives du « HaPoël », du théâtre « HaOhel », etc.

Il faut aussi compter 130 courts métrages publiés par le centre de la culture et de l’éducation de la Histadrout, mis en scène par les meilleurs producteurs des années 60 et 70. Les archives possèdent une collection de cassettes vidéo, de films et d’émissions de télévision sur le sujet de la fondation.

On y trouve également des centaines d’enregistrements de dirigeants du pays et du mouvement, parmi lesquelsl’enregistrement exclusif des pionniers du sionisme mais aussi des lettres des chefs du pays, d’écrivains et de poètes, et spécialement des versions différentes des écrits de Y.H.Brenner ainsi que les cahiers sur lesquels la poétesse Rahat a écrit ses chants.

Du début du foyer national juif en Palestine, des congrès sionistes, des conférences de la Histadrout, des personnalités du mouvement travailliste, des fondations sur le terrain des villages et des usines, les archives ont conservé plus de 10 000 photos prises par le photographe Abraham Souskin, durant les 30 premières années du siècle dernier.

Dernièrement, le centre a récupéré les photos du journal « Davar ». Les archives contiennent dorénavant 300 000 photos cataloguées qui sont à la disposition des personnes intéressées.

Cécile Pilverdier et Jean Marie Allafort

Les Bédouins en Israël

Cette fois, ce n’était pas une visite sur place, mais une journée de conférences données par Yossi Guinat qui a été conseiller du gouvernement pour les affaires arabes.

 

Le mot « bédouin » vient du mot arabe « badou / bâdiya » qui veut dire « steppe, désert ». Ce sont des gens qui vivent dans le désert, en Arabie Saoudite, Jordanie, Syrie, Iraq, Égypte, Israël… Une des plus grandes tribus est celle des Rawala dans le désert syrien. Pendant quatre ans, un chercheur, William Lancaster, a vécu avec eux et en 1983 un ménage anglais s’est joint à lui pour étudier l’évolution de leurs traditions.

Aujourd’hui, leur proximité avec des villes comme Béershéva ou Arad modifie sensiblement leur style de vie.

Pour eux les années se comptent selon la sécheresse :

      L’année peut être bonne, moyenne ou sèche. Quand il y a 2 ou 3 années consécutives de sécheresse, ils doivent se déplacer. Cela se fait de façon organisée : leur territoire est divisé en quelque sorte en cinq parties, qui sont ensemencées à tour de rôle. Les troupeaux de chameaux bougent chaque jour pendant onze mois de l’année. En septembre et octobre, ils restent sur place.

Il y a deux sortes de sécheresses :

 -la bédouine, quand la première pluie tarde, et donc l’ensemencement,

 -l’agricole, quand la pluie cesse pendant une période assez longue après les premières ondées. Elle peut être bénédiction pour les Bédouins. (Voir dans la Bible, Deutéronome 11,10-15).

Quand il y a la sécheresse bédouine, ils font la razzia chez les agriculteurs pour survivre. (Dans la Bible, Juges, 6, 3-5).

Pour éviter les razzias, les agriculteurs donnent leurs filles en mariage aux Bédouins mais l’inverse ne se produit jamais, car pour le Bédouin, la richesse, c’est le nombre des descendants.

Les plus grands Empires ont pris en compte ces razzias : ils ont construit des remparts. Salomon a construit trois forteresses contre eux, Ezékias de même, ainsi que les Romains qui édifièrent des places fortes aux frontières (Limes) où étaient envoyés des soldats : Kazarnera, Béershéva, Khan Yunes ; les Byzantins quant à eux, avaient une fédération de tribus qui gardaient les frontières. Au septième siècle, époque où ils étaient corrompus, le système prit fin. Les Musulmans profitèrent alors d’une période de sécheresse pour pénétrer à l’intérieur des frontières.

En 1911, la tribu des Arawala s’empare des régions de moindre résistance et s’installe en Galilée ; elle est arrêtée dans le Golan par les Circassiens.

Il y a dans la région quatre catégories de Bédouins :

 - Ceux qui utilisent. des tentes en hiver et les pendent aux arbres le reste du temps (Nous avons pu constater dans le Sinaï que personne ne s’emparait de ces tentes).

 - Ceux qui se déplacent avec leur tente, qui est fonctionnelle, l’espace étant divisé en deux : la cuisine occupe toujours la partie sud et la partie nord est pour les invités. Leur aire d’activités se divise en quatre parties : l’ensemencement, la garde des troupeaux, le potager, et la récolte.

 - Ceux dont la tente ou la cabane sont fixes, et dont seulement les troupeaux circulent.

 - Ceux qui habitent des villages « reconnus » par l’autorité actuelle, avec des maisons en dur, des bâtiments communautaires, écoles, jardins d’enfant, dispensaire…

 

La Famille.

La loi des Bédouins est orale et extrêmement forte. Le groupe se compose de cinq générations. Si par exemple un assassinat est commis, les cinq générations sont solidairement responsables, tant dans la famille de l’assassin que dans celle de la victime. La même règle s’applique en cas de malédiction, de diffamation etc.

Cette règle des cinq générations vaut aussi pour la présence aux fêtes.

Lorsqu’il y a des invités, il y a toujours un feu, avec le café amer. Le Bédouin n’achète que du café vert, et le grille toujours lui-même.

Alors que nous, occidentaux, ne rencontrons parfois pas même nos cousins germains, le Bédouin lui, vit quotidiennement avec les cinq générations. Il y a un ordre précis à respecter pour manger le mouton.

Le point d’application le plus fort de cette responsabilité collective, c’est « la vengeance du sang » qui est à distinguer de « la vengeance de l’honneur familial ».

 

La vengeance du sang.

 - Quand il s’agit d’une mort sans volonté de tuer (par erreur), on pourra arriver à un accord par « soulha » (réconciliation). Au temps de la Bible il y avait pour le coupable les « villes de refuge».

 - Quand il y a assassinat, les deux parties disposent de trois jours, de trois nuits et  du tiers du jour suivant pour leur permettre de s’organiser. C’est une sorte de «  temps d’armistice ».

Pourra-t-on ou non prolonger cette période ? Si oui, il y a espoir de parvenir à un arrangement ; sinon il faut être prêt à ce que quelqu’un soit assassiné. Pendant ce temps, tout s’arrête, y compris le travail. Et cela pour les

cinq générations. La sixième génération (les jeunes filles sont mariées parfois à 12-13 ans) n’est plus concernée, elle ne peut plus être atteinte. Il faut simplement donner un chameau.

Quand il y a mort sans volonté de la donner, s’il n’y a pas de vengeance, on fait la « soulha ». On cherche alors comment parvenir à un  accord avec le groupe auquel appartient la victime. Commentaire de notre guide : si les Américains avaient su cela, ils auraient pu éviter beaucoup de sang versé  en Iraq. Il nous donne un exemple vécu : un Bédouin étudiant  en médecine, après qu’un cousin au second degré ait été écrasé par une voiture, a manqué ses examens pour ne pas enfreindre la loi bédouine, malgré toutes les années passées au contact de non bédouins.

Pour l’assassinat d’une femme, parce qu’il faut la défendre, quatre hommes seront tués, et si c’est une femme enceinte, il faudra cinq hommes. La femme fait toujours partie de la famille de son père. C’est donc sa propre famille et non celle de son mari qui la vengera.

Lorsque quelqu’un a été tué involontairement, on procède à la cérémonie de la « soulha ». La famille de la victime invite l’autre sur son territoire. On peut passer ainsi du Néguev en Galilée et inversement. La rançon, d’un demi million de dinars (700 000 $) en espèces est apportée sous une tente construite tout exprès, dans un sac transparent. En rang, les deux familles se serrent la main, la famille de la victime avec le keffieh attaché à la ceinture, l’autre famille le keffieh sur les épaules. On prend une jeune fille d’un âge proche de celui l’assassin, on la donne au parent le plus proche de celui qui a été assassiné. On lui donne un nom (goura) et ils vivent ensemble jusqu’à ce que naisse un fils. A ce moment-là elle est libérée. La plupart du temps ils se marient, mais ce n’est pas toujours le cas. C’est le cas particulier de la vie commune sans mariage.

Une femme essaiera toujours de ne pas divorcer car ses enfants appartiennent à la famille de son mari ; elle les perd donc en cas de divorce.

Alors que la polygamie est interdite en Israël, les Bédouins vont chercher des femmes en Jordanie, pour profiter des avantages qu’accorde la sécurité sociale pour le nombre d’enfants.

La loi du désert est plus forte que la loi du tribunal israélien.

En Jordanie, le roi Hussein a visité toutes les tribus et il est parvenu à faire changer la tradition des cinq générations pour les ramener à trois, afin qu’il y ait moins de personnes impliquées. Elles ont toutes été d’accord. En revanche, Moubarak, Assad, Sadam Hussein, n’ont pu y parvenir et encore moins Israël.

Chaque Bédouin qui est en rapport avec Israël doit tenir compte en permanence de la responsabilité qu’il prend vis-à-vis de la société bédouine. Inversement, si par exemple un Juif écrase un Bédouin et reste sur place, il peut être lynché. Il doit donc fuir immédiatement.

Cependant, on constate des signes de dislocation de la société bédouine depuis une dizaine d’années.

 

Le mariage.

Pour le choix de la femme, les liens avec les familles paternelle et maternelle ne sont pas identiques. Entre le frère du père et le frère de la mère, ce sont deux mondes différents. Ce sont les Anciens qui choisissent. Toutefois, la jeune femme fera comprendre à ses proches quels sont ses désirs et l’information se propage. Mais pour le groupe, c’est une question politique, économique. On veut augmenter ou enrichir la tribu, ou renforcer la famille par des mariages internes. Dans 33% des cas, le garçon épouse la fille du frère du père, et 66% se font avec des filles de tribus différentes.

Pour se connaître, les jeunes peuvent sortir du groupe pour se parler seul à seul, puis ils reviennent. C’est la  « Mahlaouïya ». Dans ce domaine, la femme a parfois une grande influence.

On ne fait pas d’invitations au mariage : chacun est invité d’office et ne pas venir serait faire affront à la famille.

Si au bout d’une semaine la femme est toujours vierge, l’homme est amené à un cheikh qui lui écrit un « camé ». Si la situation persiste, la fille peut être rendue à sa famille.

 Une femme divorcée ne pourra pratiquement pas se remarier.

Assassinat pour l’honneur de la famille.

Il y a assassinat lorsque tout le monde sait qu’il y a eu rapport avec un homme autre que son mari. Si la tribu ne le sait pas, il n’y a pas assassinat.

En cas de viol, si la femme est seule et ne peut crier, il n’y a pas de suite. Le roi Abdallah de Jordanie, qui est de culture anglaise, a voulu changer cette tradition, mais il y a eu en 2003 une manifestation bédouine de protestation et le roi a dû céder.

Chez les Bédouins du Néguev, il y a dix ans, 60% des femmes étaient excisées. Aujourd’hui, ce nombre est de 30%.

 

Le territoire.

Avant l’Etat d’Israël, il y avait 70 000 Bédouins. Après la naissance de L’État, 13 000, et aujourd’hui, 130 000 dans le Néguev et 60 000 en Galilée.

La loi du territoire. En 1858, au temps des Ottomans, il n’y avait pas de loi de propriété, c’était la loi des régions. Le Mandat britannique a maintenu cette situation.

En 1963-1964 on a pris des photos aériennes du Néguev. En 1973, il y avait 11 villages, et certains Bédouins avaient des titres de propriété.

La loi du territoire est différente de la loi civile, pour laquelle il faut un acte écrit. Les Bédouins ont fait appel à ce sujet aux tribunaux, mais ils ont perdu leurs procès.

On leur a dit : « Amenez dans deux semaines quatre voisins comme témoins, et 50% du terrain vous appartiendra. En réalité, on leur donnait 25 % de la terre et 25 % en compensation financière. Cette compensation était ridicule et les Bédouins on refusé. On leur a alors accordé 20% du terrain et  la valeur en argent des 80% restant. L’État a fixé que les Bédouins ne seraient plus pasteurs ni agriculteurs mais qu’ils auraient sept villages. on a construit celui de Tel Sheva, mais personne n’y est allé. Puis on leur a donné le terrain de Rahat pour qu’ils construisent eux-mêmes à leur manière. Ils sont devenus des Bédouins sans terre. Les Bédouins sont de très bons économistes. Ils ont construit de nombreux villages sans permis, en faisant valoir que Béershéva et Arad étaient construites sur des terres qui leur appartenaient, et c’est ainsi qu’il y a plus de quarante-deux villages « non reconnus » (voir texte sur les Bédouins de « un écho » n°27).

Le problème, c’est la petite guerre entre les différents ministères de l’Etat : celui de l’Agriculture contre celui des Affaires intérieures, ceux de la Santé et de l’Éducation etc.

Israël punit pour les constructions illégales et le mouvement islamique en tire profit. Les Bédouins qui servent dans l’armée comme éclaireurs ont parfois transporté des « shahidim » (« martyrs ») jusqu’au lieu de l’attentat. Or Israël a besoin de ces éclaireurs hors pair.

Notre conférencier conclut : L’État d’Israël devrait instituer dans le Néguev un organisme qui représenterait pendant au moins cinq ans tous les bureaux de l’Etat, en accord avec les Bédouins qui prendraient part aux discussions, sans tenir compte des bureaux de Jérusalem. Sinon, nous allons droit à une Intifada bédouine, qui sera terrible.

Le taux de chômage chez les Bédouins est le plus élevé du pays, et amène comme partout la drogue, le vol, la violence.

Il faut à la fois faire appliquer la loi, mais examiner sérieusement le problème en associant les Bédouins eux-mêmes aux décisions.

Cécile Pilverdier

Connaissance d’Israël :

Megiddo, cité royale sur la Voie de la mer

Située sur une des voies de communications du Croissant Fertile, reliant l’Egypte à la Mésopotamie, Megiddo est parmi les plus anciennes villes d’Israël. La Voie de la mer , partant du delta du Nil, longeait la côte méditerranéenne à l’ouest du désert du Sinaï. Au pays de Canaan, elle traversait les villes de Gaza, Ashkelon, Ashdod, Jaffa, ou pouvait bifurquer vers l’est en passant par Gath, Ekron puis Guézer dans la Chephéla (bas pays de Judée). En continuant vers le nord, la Voie de la mer traversait le mont Carmel, soit par Taanak (sud), soit par la vallée de Yoqneam (nord), soit par le Wadi Ara (centre) pour atteindre Megiddo. De cette cité-État de l’époque cananéenne cette voie traversait la vallée de Yizréel pour atteindre les rives du lac de Tibériade et monter, soit vers la Phénicie au nord en passant par Hatsor, soit sur le plateau du Golan et rejoindre à Damas la Voie royale. Ensemble elles continuaient vers la Mésopotamie. Grâce à sa position géopolitique le Croissant Fertile devint un pont d’une extrême importance et un carrefour stratégique entre les deux plus grands empires de l’antiquité : l’Égypte et la Mésopotamie. Dans le pays de Canaan (Israël) les trois principales villes traversées par la Voie de la mer étaient Guézer, Megiddo et Hatsor. Ces trois villes devinrent des centres de commerce et des forteresses militaires, villes de chars.

La ville de Megiddo était elle-même située à un carrefour d’une importance primordiale. La Voie de la mer, appelée aussi la Via Maris (axe est-ouest) était coupée à la hauteur de Megiddo par un autre axe nord-sud montant vers la Phénicie et descendant vers la Samarie. De plus, face à Megiddo, s’étale la large vallée de Yizréel bordée par : le mont Carmel (ouest), les collines de Galilée (nord), le mont Thabor et la colline de Moré (est), le mont Guilboa (sud-est), et les collines de Samarie (sud). Cette immense plaine se nomme en grec Esdraelon, mais elle est surtout connue dans l’eschatologie chrétienne sous le nom de plaine ou vallée de Harmaguédon.

Si aujourd’hui l’ancienne ville de Megiddo, prospère et grouillante d’activités dans l’antiquité, ne présente que des ruines à ses nombreux visiteurs, la vallée qui s’étale à ses pieds est quant à elle redevenue l’une des plus riches et des plus fertiles d’Israël, et le carrefour de Megiddo est de nouveau très fréquenté. Il fut, de 1948 à 1967 (de la création de l’État juif à la guerre des Six jours), le seul grand passage reliant le nord d’Israël au reste du pays.

Les fouilles archéologiques

L’archéologie est une discipline  relativement récente et c’est au cours de l’expédition d’Egypte (1798-1801) sous le commandement de Bonaparte, et après sa campagne en Palestine, que les pays chrétiens d’Europe et d’Amérique s’intéressèrent au passé historique des pays bibliques (Egypte, Canaan, Syrie, Assyrie...). C’est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, grâce à l’Anglais W. M. Flinders Petrie, qui effectua des fouilles systématiques à Gaza, à Guézer et à Samarie, en répertoriant tous les objets exhumés, que nous pouvons dater le début des fouilles modernes. Il entreprit l’étude complète de la stratigraphie de ces villes anciennes et mit au point un système précis de datation des poteries et de la stratification des sites.

Au Proche-Orient, les archéologues utilisent le mot tell, d’origine sémitique, pour désigner un site antique. Le tell est une colline naturelle ou tertre, au sommet plat, constituée des vestiges et débris entassés et superposés des civilisations passées. Sur ces sites, plusieurs couches ou strates de peuplement se sont accumulées siècles après siècles. Ils sont rapidement reconnaissables dans les paysages des pays bibliques grâce à leurs formes régulières de cône tronqué au sommet aplati.

Dans l’antiquité, afin de construire une cité, on choisissait une colline à position stratégique, c'est-à-dire près d’une voie de communication importante, et proche d’une source ou d’une rivière pour assurer l’alimentation en eau surtout en cas de siège. Au sommet de la colline, dont la hauteur assurait une vue panoramique afin d’observer et de scruter l’horizon, on construisait une forteresse contrôlant l’axe routier. En cas de destruction, la ville était reconstruite sur ses ruines nivelées. Par couches successives se formèrent ainsi, sur la colline naturelle, des strates que les archéologues vont étudier en sens inverse de la formation du tell.

Le tell el-Mutesellim, en arabe « la colline du souverain », se révéla être l’emplacement de l’antique cité de Megiddo. Déjà en 1838, l’explorateur américain Edward Robinson proposa cette identification au tell face à la vallée de Yizréel. C’est une colline au sommet plat de près de 6 hectares où s’entassent sur plus de 20 m de hauteur les vestiges de cités dont la première est parmi les plus anciennes au monde. Les différents archéologues ont pu identifier plus de 20 strates ou niveaux d’habitations superposés, allant du néolithique à l’époque perse, soit près de cinquante siècles d’occupation. Megiddo est sans nul doute parmi les sites les plus étendus et les plus fouillés des tells bibliques.

Les fouilles s’effectuèrent sur une longue période et par des équipes différentes tandis que les méthodes d’excavation et d’enregistrement des données évoluaient. Certainement des erreurs de datation des strates et des artefacts dégagés des décombres influent sur la connaissance historique du site.

Pour dévoiler l’histoire des tells, on fera une étude des strates accumulées au fil des siècles en prenant soin de répertorier tous les objets et poteries qui en sont exhumés. Chaque détail des couches examinées est d’une très grande importance et jette un peu de lumière sur les modes de vie, les relations économiques et commerciales, locales et internationales, les pratiques cultuelles et familiales… Une des méthodes utilisées pendant les fouilles est la pratique d’une coupe stratigraphique effectuée sur le flanc du tell afin d’étudier plus rapidement chaque strate. On utilise aussi le sondage sur une partie du tell. Sur le terrain, le système de fouilles le plus usité est celui du quadrillage, dit de Wheeler, du nom de sir Mortimer Wheeler. Le quadrillage du terrain se fait par des carrés de 4m de côté et un espace d’un mètre entre les carrés est réservé au passage des archéologues.

Les textes anciens, tant égyptiens, assyriens que bibliques, furent d’une grande importance pour les archéologues afin de compléter l’étude archéologique de Megiddo.

Les premières fouilles furent entreprises entre 1903 et 1905 par G. Schumacher, pour la Société allemande d’Etude de la Palestine, alors que l’archéologie était encore dans ses langes. Il fit creuser une tranchée en section transversale sur le monticule. Au cours des fouilles fut exhumé un sceau de jaspe portant cette inscription : « Shema, officier de Jéroboam ». Était-il l’officier du premier roi d’Israël, Jéroboam Ier (931-910 av. J.-C.) ou de Jéroboam II (785-775) ? Ce sceau du gouverneur de la ville, est finement gravé et représente un lion rugissant.

Pendant le Mandat Britannique, plusieurs expéditions de fouilles archéologiques furent entreprises par les Américains (1925-1939), sous la conduite de l’Institut Oriental de l’Université de Chicago avec le concours financier de la fondation John D. Rockefeller. Le projet consistait non pas à ouvrir quelques tranchées mais à analyser strate après strate.

Le professeur Henry Breasted organisa cette expédition. Le premier directeur C. Fisher décida d’enlever couche après couche à partir de la surface du sol mais cette méthode s’avéra longue et coûteuse. Des fragments d’une stèle furent découverts comportant des inscriptions en caractères hiéroglyphiques avec le nom du pharaon Chichaq, celui qui reçut en rançon le trésor du temple de Jérusalem (1 R 14,25-26). Il fit de Megiddo sa base militaire au cours de son expédition en Israël. Le professeur Breasted rapporte : « Imaginez mon émotion quand, m’asseyant là-bas, sur le monticule, je lus le nom de Chichaq, qui figurait sur le monument brisé, et me rappelai avec joie l’époque où, à l’école du dimanche, on me racontait l’histoire de Chichaq, l’Égyptien qui avait attaqué la Palestine et en avait rapporté un gros butin. »

En 1928, la direction de l’expédition américaine est confiée à P.L.O. Guy, qui utilisa la même méthode que son prédécesseur. Ainsi, en 1934, les trois premières strates avaient été entièrement enlevées. Cette pratique archéologique ne laisse aucune surface à explorer pour les expéditions suivantes. Dans la quatrième strate, datée de Salomon, on exhuma des rangées de colonnes qui auraient pu soutenir les fameuses écuries du roi. Déjà sur d’autres sites, Tell el-Hesi, Taanak, de semblables bâtiments avaient été découverts. Les écuries étaient au nombre de cinq et chacune pouvait abriter trente chevaux. Certains piliers comportaient des trous pour, semble t-il, passer le licou des chevaux et tout proche de là des mangeoires jonchaient le sol. D’autres bâtiments du même type furent découverts au nord du tell. Le nombre de chevaux que ces écuries pouvaient abriter fut estimé à 450. Pour les archéologues de cette campagne la découverte corrobore le récit biblique qui énumère les villes reconstruites par Salomon pour ses chars et sa cavalerie (1 R 9,15-19 ; 10,26). Avant Salomon, contrairement aux Cananéens, l’armée des Israélites n’utilisait ni les chars ni les chevaux  au cours des combats. Salomon, qui se livra au commerce des chevaux, équipa son armée de chars de guerre (1 R. 10,28).

Un troisième directeur, G. Loud, fut nommé en 1934 et proposa de limiter l’étendue des fouilles pour se consacrer à une zone restreinte afin d’atteindre le sol vierge. En 1937, une collection de près de quatre cents objets d’ivoire sculpté, fut exhumée dans le sous-sol d’un palais de 1150 av. J.-C. Des coupes, des bols, des peignes, des perles, des bagues, des figurines et d’autres objets très variés figurent au palmarès de cette découverte.

Les résultats de ces fouilles furent publiés dans deux ouvrages : Megiddo I, de 1939, présentant les résultats des strates I à V (excavées de 1925 à 1934) ; Megiddo II, publié en 1948, sur les fouilles effectuées entre 1936 et 1939, et traitant des découvertes de la strate VI. Toutes ces campagnes de fouilles portèrent sur les périodes du Bronze récent au Fer (v. 1400-800 av. J.-C.). Un troisième ouvrage de Timothy P. Harrison vient de paraître, Megiddo III. Ce volume essaie de jeter plus de lumière sur la stratigraphie de la couche VI et résume le début des fouilles jusqu’à celles effectuées par Yigal Yadin (1960-1970).

Les archéologues Israéliens essayèrent, grâce à un travail limité, d’établir une stratigraphie plus précise du site. Y. Yadin, qui dirigea le chantier de fouilles en 1960, 1966-67, puis en 1971, nota la ressemblance entre les portes de Hatsor et de Guézer avec celles de Megiddo. Il mit au jour, au nord du tell, un palais, et à proximité une muraille à casemates qui furent datés du Xe s. av. J.-C. La porte de la ville, de la strate du Fer, fut attribuée au règne de Salomon. Au quatrième niveau d’occupation de la ville – celui supposé dater du roi Salomon - les archéologues ont exhumé un ensemble de bâtiments qui furent identifiés à l’époque, aux écuries de ce grand roi d’Israël. Cette découverte correspondrait-elle au texte biblique : « Salomon avait 4 000 écuries pour les chevaux et les chars, et 12 000 cavaliers qu’il installa dans les villes de garnison et à Jérusalem près du roi. » (2 Ch 9,25) ? Près des écuries furent également découvertes des mangeoires en pierre et une aire d’entraînement des chevaux. Ces écuries sont maintenant attribuées à l’époque d’Achab, roi d’Israël (874-852). Ce souverain possédait une forte cavalerie, même si la Bible ne la mentionne pas. Mais une source extra-biblique, le récit de la bataille de Karkar (853), rapporté dans les annales militaires assyriennes de Salmanasar, fait mention des 2000 chars d’Achab. L’impressionnant système d’approvisionnement en eau découvert dans la partie ouest de la ville fut daté du IXe siècle. Un puits vertical de 25 m de profondeur fut creusé dans les anciens niveaux du tell puis dans la roche. Au fond du puits un tunnel horizontal de près de 80 m de long permettait d’atteindre, à l’extérieur de la ville, la source qui était invisible. Un tel système d’eau fut dégagé à Hatsor. Jérusalem, sous le roi Ézéchias, possédait aussi un tunnel d’écoulement d’eau sous la ville.

De nouvelles fouilles importantes sont entreprises depuis 1992 par un consortium international dirigé par l’Université de Tel-Aviv sous la direction de David Ussishkin et Israël Finkelstein en coopération avec Baruch Halpern pour le compte de l'Université d'État de Pennsylvanie (USA). Le but de ces recherches est de clarifier la stratigraphie et la chronologie du tell, surtout dans les strates correspondantes aux premiers rois d’Israël. Le livre, Megiddo III, a été publié en l’an 2000 par l’équipe de l’Université de Tel-Aviv, et un second volume, Megiddo IV, sera bientôt sous presse, présentant une étude complète et moderne de la céramique de la période du Fer I (strates VII, VI A et VI B).

Loïc Le Méhauté

centenaire de l'ecole betsalel.

1906-2006

S'intéresser à un centenaire, celui de l'École des Beaux-Arts et Arts appliqués, et celui du Musée Betsalel, c'est retrouver des pages d'histoire de ce pays et de ce peuple, et arriver aux sources bibliques. C'est bien là que tout a commencé, ce passé qui inspire le présent et l'avenir du peuple juif et de ses réalisations en Israël.

Car, bien sûr,  Betsalel, c'est d'abord « le nom du premier véritable artiste de la longue histoire d'Israël », comme le dit Renée Neher dans son livre Une rue, un nom, la mémoire d'Israël.

Il fut chargé de réaliser tous les travaux artistiques destinés au Tabernacle construit par les Hébreux dans le désert après la sortie d'Egypte. "J'ai appelé par son nom Betsalel, fils d'Ouri, fils d'Hour, de la tribu de Juda. Je l'ai rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence et de compétence pour toutes sortes d'ouvrages, pour concevoir des plans, pour travailler l'or, l'argent et le bronze, pour graver les pierres à enchâsser, pour tailler le bois et pour exécuter toutes sortes d'ouvrages" (Exode 35 : 30-33). Avec son aide Oholiav et d'autres ouvriers, il sera responsable de tous les travaux artistiques nécessaires à l'embellissement du Tabernacle, et en particulier de la confection de la Menorah (chandelier) d'or pur qui, plus tard, sera transportée dans le Temple de Salomon.

Si, aujourd'hui, une rue de la Nouvelle Ville de Jérusalem, au centre ville porte ce nom, c'est à cause de Boris Schatz, un artiste moderne qui, il y a cent ans, fonda à cet endroit un centre artistique comprenant une école de beaux-arts et d'arts appliqués ainsi qu'un musée, et qui, tout naturellement, donna à ce centre le nom de "Betsalel".

Mais revenons à cette époque de la fin du 19e siècle et du début du 20e. La nouvelle ville n'existait pas. Dans les pâturages rocailleux qui entouraient la vieille ville et ses 50 000 habitants, quelques bâtiments chrétiens, une école, un orphelinat. Et là, deux maisons construites par un dignitaire turc, Abou-Shaker, à la fin du 19e siècle, de style ottoman avec des détails italiens dus aux ouvriers italiens qui y avaient travaillé. Ces maisons étaient entourées d'une terre inculte où les vaches et les moutons essayaient de trouver de l'herbe, comme nous le montre une photo de 1925. Le dignitaire turc loue ses maisons pendant quatre ans à un groupe chrétien protestant américain.

En 1905, avec l'aide du Fonds National Juif, Boris Schatz les achète pour y créer dès 1906 l'École Betsalel et son musée attenant. Cette École d'art sera transportée à l'Université du Mont Scopus en 1990, et le Musée Betsalel transféré au Musée d'Israël en 1965. L'École elle-même deviendra alors la "Maison des Artistes", où se succèderont diverses expositions d'artistes modernes israéliens tout au long de l'année.

Pour fêter ce centenaire, deux expositions ont été mises sur pied. L'une au Musée d'Israël de Jérusalem sur Boris Schatz : "La vision et les œuvres du père de l'art israélien", et l'autre, à la Maison des Artistes même, sur les œuvres de Betsalel Schatz, son fils, surnommé "Lilik".

1) Au Musée d'Israël

Cette exposition permet d'approcher un homme, son époque et sa vision. En effet, l'histoire de Boris Schatz est inséparable de l'histoire culturelle et sioniste de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle.

Shlomo Zalman Dov Baruch Schatz naît en décembre 1867 à Vorno (Lituanie) d'une famille pauvre descendant d'une lignée de rabbins. Il va étudier dans une yeshiva, puis dans une école de dessin à Vilna. Déjà en 1888, à Varsovie, il voudrait que l'art remplisse davantage un rôle moral, éducatif et national. En 1889, il part pour Paris où il se met à l'école du célèbre sculpteur russe Marc Antokolsky, dont il devient l'ami. C'est là qu'il prendra le nom de Boris. Déjà à Paris, l'idée de la création d'un centre sioniste de peinture à Jérusalem le motive. En 1894, l'année du procès de Dreyfus, il sculpte "Mattathias le Maccabée", où Mattathias – ressemblant d'ailleurs au grand-père de Boris –, écrase des têtes de Grecs sur l'autel du Temple. Cette œuvre remporte un grand succès parmi les sionistes, véritable symbole pour le renouveau de la souveraineté juive dans le pays d'Israël.

En 1895, il part pour la Bulgarie, où il devient le sculpteur attitré de la cour du roi Ferdinand. Il y restera jusqu'en 1905, et y travaillera pour retrouver un art national bulgare. Il y fonde l'école nationale des arts bulgares. À l'exposition est présentée une série de bas-reliefs de la vie quotidienne et populaire bulgare des portraits de paysans et d'ouvriers bulgares réalisés en 1896.

En 1903, l'année du pogrom de Kishinev, Boris Schatz, rejoignant l'émotion sioniste, crée des bas-reliefs en bois, terre cuite ou bronze sur des thèmes juifs – la vie au shtetl, l'allumage des bougies de shabbat, la lecture de la Torah, la mère et son enfant…–, destinés à réveiller la conscience juive en diaspora. Son œuvre est très largement diffusée en Europe. C'est aussi cette année-là qu'il rencontre Théodore Herzl à Vienne et lui parle de son projet d'établir, à Jérusalem, une école nationale d'art juif. À la question de Herzl, très intéressé : "Et quel sera le nom de l'école ?", Schatz répond sans hésitation : "Betsalel !" Il fera le portrait de Herzl et, à la suite de sa mort en 1904, un mémorial en bronze pour sa tombe.

Le Mouvement Sioniste Mondial soutient pleinement ce projet d'une école d'art à Jérusalem, que les fonds récoltés à Berlin permettront à Boris de réaliser dès 1906.

Il veut créer un "foyer hébraïque" où, à travers l'art, se formeraient des "Juifs nouveaux" enracinés à la fois dans le pays nouveau et dans la culture des ancêtres. Un "Temple dans le désert" dont les artistes deviendraient les prêtres, et lui le grand prêtre.

Dans cette salle du musée consacrée pour quelques mois à Boris Schatz sont exposées également les œuvres réalisées par les élèves de l'École Betsalel, dont plusieurs seront les premiers peintres et sculpteurs israéliens. Ces objets seront vendus à Jérusalem, à la porte de Jaffa, mais aussi à l'étranger. Objets variés, tels qu'une horloge, des cadres, un tableau pour synagogue rappelant les jours du Souvenir; mais aussi une Jérusalem en cuivre gravé et en bois, un tapis représentant le Cantique des cantiques, des assiettes décorées en cuivre, argent et bronze, ou des sculptures, comme celles représentant Moïse et le Messie enchaîné.

Le style de Betsalel se précise : c'est un mélange entre l'art juif et l'art nouveau national. Des sujets bibliques et sionistes sur un fond artistique occidental. L'École Betsalel se veut un pont entre l'Est et l'Ouest, entre le passé et le présent.

Avec la première guerre mondiale et ses répercussions en Palestine, Boris est envoyé en exil à Damas en 1917, puis sera conduit à Tibériade et Safed. C'est là qu'il se mettra à écrire des nouvelles où le visionnaire imagine et décrit la Palestine de demain : un vrai paradis. Son livre "Jérusalem rebâtie, un rêve de jour" est très en harmonie avec le livre de Herzl écrit quelques années auparavant : "L'ancien nouveau pays".

 

Dès 1918, l'École des Arts reprend, le Musée rouvre. Dans l'exposition, de très beaux portraits des pères du Sionisme, datant des années 1920-1929 – Bialik, Jabotinsky, Gutman, Ahad Ha-am, Max Nordau –, ainsi que la pierre tombale d'Eliezer Ben Yehouda, présentés sous forme de bas-reliefs en bronze ou en plâtre.

Se promener dans  cette exposition, c'est se promener dans l'histoire du Sionisme, et y rencontrer aussi bien Moïse et Mattathias, Daniel et Jérémie, que Bialik et Boris Schatz lui-même, qui nous a laissé deux magnifiques autoportraits datés de 1932, l'année même de sa mort.

Dans les années 20, les organisations sionistes commencent à se désintéresser de l'œuvre de Shatz, ne partageant plus sa vision. Pour elles, "l'homme nouveau", fruit du Sionisme, sera avant tout social, politique, agricole. Déjà privée des Fonds venant de Berlin – où l'on jugeait Shatz trop visionnaire et pas assez commerçant –, l'École traverse une crise financière très grave. Boris va partir pour l'Amérique où il passera deux années à vendre des œuvres et chercher des subsides. Il meurt à 65 ans, le 23 mars, à Denver, au Colorado, faute d'argent, son corps ne pourra être rapatrié et enterré en Palestine que six mois plus tard. "Je ne serai pas vivant pour voir la réussite de ma vision", avait-il écrit à son fils.

L'École Betsalel, fermée en 1932, rouvrira en 1935 grâce à l'arrivée des Juifs fuyant l'Allemagne. Son nouveau directeur sera Mordechaï Narkiss, ancien assistant de Boris.

 

2) La Maison des Artistes

 

La deuxième exposition est celle qui se tient à la Maison des Artistes, groupant les œuvres du peintre et sculpteur Betsalel Schatz, le fils de Boris.

Né le 14 mars 1912 à Jérusalem, il sera dès son enfance, élève de son père à l'École des Arts. Une première salle est réservée à ses premières œuvres, faites en Palestine de 1920 à 1929, avec des paysages et des portraits, en particulier celui de son père, peint à l'huile à 18 ans.

De 1930 à 1934, Betsalel, à Paris, s'affranchit du style classique de son père et produit une série de "nus" aux couleurs très vives. Puis, de 1937 à 1945, en Californie, son style devient de plus en plus moderne, coloré et abstrait, comme en témoigne un tableau qui saute aux yeux et qu'il a intitulé  "Fantasmagorie", où thèmes et motifs fantastiques créent une atmosphère surréaliste.

Dès 1950, il revient à Jérusalem et adopte un style abstrait et décoratif, très coloré, souvent inspiré par des sources primitives : formes géométriques, parties du corps humain, demi-lunes, etc… Il mettra son art au service de la société israélienne, pour décorer, par exemple, aussi bien des boîtes de bonbons qu'un mur de restaurant. C'est lui qui fera l'esquisse de la porte de la maison du Président de l'État, et ailleurs, de celle d'une synagogue. El Al, la compagnie nationale d'aviation, lui commandera une affiche de publicité. Malgré l'aspect très moderne de son œuvre, on y retrouve aussi la réalité biblique et sioniste. "De Sion sortira la Torah", nous rappelle l'une de ses œuvres. Il laissera également une collection d'objets sculptés en bronze et des céramiques. Il mourra à Jérusalem en 1978.

 

Au numéro 3 de la rue Betsalel, on remarque un plaque indiquant la "Maison Schatz", où ont habité successivement, de 1908 à 1999, l'un ou l'autre des membres de cette "tribu d'artistes" : Boris et Olga Shatz, Betsalel et Louise, sa femme; puis Zahava, sœur de Betsalel, artiste également, qui y restera jusqu'à sa mort en 1999.

En tournant sur la droite dans la rue Shmuel Hanagid, on passe devant ces deux maisons de style ottoman de l'ancienne École Betsalel, la première abritant actuellement une école d'architecture, et la seconde, la Maison des Artistes, surmontée d'une menora, la première de la ville moderne.

Sur la gauche, la rue Boris Shatz puis, un peu plus loin sur la droite, la rue Mordéchaï Narkis.

Cent ans, c'est si lointain, et si proche pourtant !

Antoinette Brémond

 

Le Testament d’Ariel Sharon

 

Ariel Sharon vient de disparaître du devant de la scène politique depuis son attaque cérébrale et son hospitalisation à Hadassah. L’homme laisse un vide. Pourquoi ?

Le journaliste et écrivain, Michel Gurfinkiel, dans son dernier livre « Le testament d’Ariel Sharon » jette un regard renouvelé et fasciné sur celui qui fut à la tête du gouvernement d’Israël pendant 5 ans et influença la destinée du pays pendant ces trente dernières années. L’auteur, avec justesse et dynamisme, retrace les grandes lignes de la vie d’Ariel Sharon et parcourt ainsi toutes les grandes étapes de l’histoire d’Israël, de ses guerres, de ses victoires, de ses échecs et de ses réussites. Le destin d’un homme fait corps avec celui d’une nation.

 

Pour comprendre Sharon, il faut revenir à Kfar  Malal, son village natal, non loin de Kfar Saba. Il a vécu sous la tente avec ses parents, Shemuel et Vera, avant d’habiter une petite bicoque. La famille se contente de peu. Ce sont des agriculteurs. Le petit Arik met vite la main à la pâte : « Dès l’âge de huit ou neuf ans, l’enfant se charge de travaux importants. Il laboure » (p. 20) L’enfant puis l’adolescent a toujours vécu les tensions entre les Juifs et les Arabes : « La guerre : Ariel a toujours su que sa génération la ferait. C’est une évidence. Dès les années vingt, ‘une tension constante régnait entre les habitants du moshav et les Arabes. Kfar-Malal a été attaqué et détruit une première fois en 1921, un an avant l’arrivée de Shemuel et Vera. Il a failli l’être une seconde fois en 1929. De nombreux villageois juifs ont été assassinés au détour du chemin. » (p. 26) Ariel Sharon sera en permanence confronté à la question de la survie du peuple juif sur sa terre. Pourtant, précise l’auteur, «envers les Arabes, Sharon n’éprouvera jamais de haine ou de mépris. » (p. 27) Il n’aura sans doute jamais confiance en eux mais il les respectera. Sharon raconte dans ses Mémoires : « L’idée de coexister avec les Arabes était tout à fait naturelle pour mes parents et les autres habitants du village. Mes parents étaient convaincus que les Arabes avaient tous les droits en tant qu’habitant dans le pays. Mais en même temps, les Juifs avaient tous les droits sur le pays. »

Gurfinkiel retrace la carrière complexe et mouvementée de celui qui deviendra au terme le général Sharon. On y découvre un militaire têtu dont le génie n’échappe pas à Ben Gourion ni à Moshe Dayan. Ariel Sharon se brouille avec ses supérieurs (p.43). Son caractère entier agace. Il ne sera pas nommé chef d’état-major et se tournera vers la politique. La guerre de Kippour va faire de lui un héros.

Peu savent qu’au début de sa carrière politique, Sharon était un centriste qui a même voulu se rallier à un moment à Shimon Pérès. Il va fonder un parti indépendant ‘Shlomzion’. L’auteur écrit avec justesse : « Shlomzion prend aujourd’hui, avec le recul, une autre signification. C’est une première ébauche de Kadima, le parti centriste que Sharon crée au crépuscule de sa vie. » (p.59) Un fois Menahem Begin élu Premier ministre, il rejoint le Likoud.

La carrière politique connaît des hauts et des bas. Rien n’est passé sous silence, ni les ombres ni les déboires même si les affaires de corruption de la famille Sharon ne sont que rapidement évoquées.

Sharon est décrit comme quelqu’un de déterminé, préoccupé des intérêts de l’Etat et de sa sécurité. C’est un stratège (p. 63- 69) et un pragmatique qui sait disparaître quand il le faut et réapparaître aux moments propices.

L’une des thèses de fond qui parcourt le livre est l’influence massive qu’exercent les Etats-Unis sur l’Etat Juif. Le rôle des présidents américains sur l’évolution du processus de paix est considérable. Parfois, selon l’auteur, Israël frôle la catastrophe comme avec Reagan ou Clinton. Les erreurs de stratégie du processus d’Oslo sont surtout rejetées sur l’administration américaine qui n’a pas su discerner la stratégie de Yasser Arafat et des Islamistes : « Si Israël sait que la paix peut cacher une guerre, l’Amérique ne le sait pas encore. Elle exerce sur l’Etat juif des pressions de plus en plus brutales. Pérès, Netanyahu, Sharon, Barak : tous savent donc qu’ils doivent gagner du temps. Ou mieux, amener, à force de concessions, l’adversaire à se dévoiler. » (p. 109)

Gurfinkiel rapporte des rencontres inédites, des histoires peu connues qui bousculent les idées reçues sur le Premier ministre Sharon. Ainsi, lorsqu’éclata l’Intifada, Barak et Sharon mirent en place une stratégie commune pour sortir de l’impasse et sauver ce qui pouvait l’être. Barak aurait tout fait pour faciliter l’élection de son adversaire (p. 118). L’auteur revient sur les années d’Intifada, les difficultés pour Israël de se défendre face à la guerre médiatique menée.

Enfin, les derniers chapitres du livre sont consacrés au « nouveau Sharon » qui décide le désengagement. Selon Gurfinkiel, Sharon n’a pas fait de conversion mais a suivi depuis le début une logique qui ne pouvait qu’aboutir au retrait israélien de la Bande de Gaza. La priorité absolue du Premier ministre est la « redéfinition unilatérale des frontières » de l’Etat d’Israël. Israël a été créé pour être un Etat Juif. Il faut revenir aux idées des pères fondateurs. Le Sharon qui fonde Kadima n’est pas un idéologue de droite mais un pragmatiste centriste : « Nous devons dire tout haut ce que chacun sait : le moment venu, nous ne pourrons les conserver intégralement. Nous avons un rêve. Il est bon et juste. Nous ne pouvons pas à la fois gérer un Etat juif démocratique et régner sur toute la Terre d’Israël. Si nous nous acharnons à réaliser intégralement notre rêve, nous perdons tout. Je dis bien tout. » (p.192)

C’est le testament que nous  laisse Ariel  Sharon.

Michel Gurfinkiel, le testament d’Ariel Sharon, Editions du Rocher, 2006.

Jean Marie Allafort

Racines juives :

Trou d’aiguille

Les lecteurs familiers du Nouveau Testament connaissent bien la parole de Jésus à propos de la difficulté pour un riche d’être sauvé : « Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux. » (Mt 19,24 ; cf. Mc 10,25). Même en faisant la part de l’hyperbole, la disproportion entre l’étroitesse du passage et la taille de l’animal qui doit l’emprunter a parfois conduit certains commentateurs à reculer devant l’interprétation littérale pour proposer des explications plus ou moins ingénieuses : l’expression « le trou d’une aiguille » désignerait, par exemple, une porte basse dans la muraille d’une ville…

Or, cette comparaison du trou d’aiguille est bien connue de la tradition rabbinique. La pointe de la parabole est différente de ce qu’elle est dans l’Évangile, mais le rapprochement s’impose pourtant. Il s’agit d’un commentaire sur le verset du Cantique : « Ouvre-moi… » (Ct 5,2), que l’on retrouve, avec des variantes, dans d’autres passages : « Le Saint, béni soit-il, dit à Israël : ‘Mes fils, ouvrez-moi une porte de repentance comme un trou d’aiguille, et moi, je l’élargirai pour y faire passer des charrettes’. » Une variante parle même d’y faire passer une armée avec tout son équipement. Le contraste, ici, n’est pas entre la taille du passage et celle du chameau, mais entre la part de bonne volonté, même infime, qui est requise de l’homme et la puissance de Dieu qui peut faire le reste. Mais peut-être ne sommes-nous pas si loin de la parabole évangélique…

                                                                                                                                                                               M. R.

Flashes d’espoir

Une réussite qui vient du cœur

 

Nathan Burstein, dans un article du Jerusalem Post en anglais du 27 janvier 06, décrit les péripéties pour sauver un nouveau-né, Moustafa, dont les parents sont de Gaza.

« Il y a des gens formidables dans le monde ! » s’exclame le père de Moustafa en ramenant son fils à Gaza après que ce dernier ait passé les six premières semaines de sa vie à l’hôpital Hadassa-Ein Kerem à Jérusalem.

Ces « gens formidables »…ce sont :

-       des volontaires ou du personnel de l’hôpital Hadassa

-       des membres des communautés juives et chrétiennes de Kansas City

-       des travailleurs sociaux de « Shatil », une association israélienne qui collabore avec d’autres organisations pour l’aide sociale.

 

Tout a commencé lorsque le verdict est tombé sur la maman enceinte : « Le bébé ne survivra pas sans une opération du cœur. » Aussitôt des volontaires à Kansas City, où une enfant de cette même famille avait été opérée, ont entrepris une campagne pour financer partiellement les soins médicaux à Hadassa.

L’hôpital a accepté de faire l’accouchement par césarienne et aussitôt après l’opération du bébé sans rien demander à la famille. L’hôpital a aussi assuré toutes les démarches auprès de la sécurité israélienne pour que les parents puissent traverser facilement le barrage Erez et venir à Jérusalem. Enfin, il a hébergé gratuitement les parents une semaine avant et après l’accouchement à la résidence des patients.

Le docteur a résumé ainsi son intervention : « C’était simplement pour sauver une vie. »

Les volontaires de Hadassa et du Shatil sont restés auprès du bébé lorsque les parents étaient à Gaza avec leurs autres enfants. Une assistante sociale de l’hôpital était chaque jour en contact avec les parents. Des volontaires de Shatil parlant arabe tenaient la famille au courant de la situation de Moustafa et préparaient leur retour en Israël.

Actuellement, les médecins de Hadassa restent en contact avec des médecins de Gaza pour suivre l’enfant et le ramener aux urgences si besoin est. L’enfant en grandissant devra être opéré à 12 ans et à 18 ans et déjà des contacts sont entrepris pour que le Centre Pérès pour la Paix puisse financer ces opérations.

Cinq bébés, sur les huit hospitalisés en pédiatrie, sont palestiniens. Le médecin en est fier et dit : « C’est un pont pour la paix ».

Si cet exemple de collaboration est assez exceptionnel quant à la mise en branle d’organismes sociaux et humanitaires depuis Kansas City jusqu’à Gaza, on peut, au quotidien, vérifier cette cohabitation pacifique dans les hôpitaux israéliens soit au niveau du personnel, soit au niveau des malades.

 

Suzanne Millet

Des Oliviers.

Des centaines d’activistes israéliens sont allés ce samedi 18 février planter quelque 1000 plants d’olivier dans la région d’Hébron en vue d’apporter une aide aux Palestiniens dont les oliveraies ont été saccagées ces derniers mois.

Les organisateurs ont expliqué que ce geste était fait dans le cadre de la fête juive de Tou Bi-shvat (fête de l’arbre) célébrée cette semaine. Ils ont planté ces petits arbres dans trois zones différentes de population palestinienne.

Un des habitants a ajouté qu’il faudrait bien des années avant que ces plants devenus des arbres portent des fruits.

Ce fait rapporté dans le journal Ha’aretz a suscité des réactions dans les “chats”*. En voici deux exemples, que nous rapportons tels quels traduits de l’anglais:

de Moussa, Glasgow

Dieu soit loué, c’est toujours émouvant pour moi comme musulman quand j’apprends que des bons juifs font de telles choses et aident les palestiniens, cela calme l’amertume de mon cœur. Je hais le sioniste, mais ne hais pas les bons juifs nos cousins. Qu’Allah bénisse les gens comme eux.

de Daniel, Israel

Moussa, je suis sûr que la grosse majorité des braves gens qui ont aidé les palestiniens aujourd’hui sont aussi des sionistes. Ce mot a pris le sens de “haïsseur de palestiniens” sans doute à la suite de la décision de l’ONU il y a bien des années qui identifiait sionisme et racisme [décision heureusement rapportée depuis]. La plupart des sionistes sont de bons juifs, bons israéliens. La grande majorité des Israéliens est comme la grande majorité des Palestiniens : ils veulent vivre pacifiquement, côte à côte.

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* Pour ceux qui ne sont pas encore au courant du jargon des médias, chat est un mot anglais (= converser, bavarder) et le mot évoque les échanges de billets spontanés des lecteurs. Il est entré dans le français comme bien d’autres mots (look…) et je dois avouer que la première fois que j’ai lu dans le Monde :  “Pour plus d’informations, utilisez les chats” je me suis demandé en quoi ces félins pouvaient nous aider. 

 

Yohanan Elihaï

 

Au fil des mois…

Octave de prière pour l’unité des chrétiens à Jérusalem (28 janvier)

 

Dimanche 29 janvier s’est terminée à Jérusalem l’Octave de prière pour l’unité des chrétiens, qui cette année était placée sous le thème : “Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom...” . Elle est célébrée ici depuis plus de trente ans et est organisée par le groupe œcuménique appelé “Ecumenical Circle of Friends”. Comme les arméniens célèbrent la Nativité du Christ en même temps que son Baptême le jour de l’Épiphanie, le 6 janvier, et suivent, comme les autres Églises orthodoxes, le calendrier julien, cette fête tombe le 19 janvier. C’est pourquoi les organisateurs de l’Octave de prière proposent, depuis longtemps déjà, de ne pas la célébrer aux dates prévues, soit du 18 au 25 janvier, mais durant la dernière semaine pleine du mois de janvier, cette année du 22 au 29 janvier. En fait, depuis quelques années elle commence de façon officieuse un jour avant avec la participation à l’apodeipnon (office de nuit) des grecs orthodoxes au Calvaire.

Le programme se répète chaque année avec quelques variantes. C’est essentiellement un pèlerinage dans les diverses Églises traditionnelles de Jérusalem. On se rend ainsi chez les anglicans, les arméniens, les luthériens, les catholiques latins (alternativement au patriarcat latin et à la paroisse Saint-Sauveur des franciscains), les coptes (ou les syriens orthodoxes selon les années), les éthiopiens, et les melkites (Église de rite byzantin, mais en communion avec le Siège de Rome). Traditionnellement la prière du jeudi, préparée par l’abbaye Hagia Maria Sion de la Dormition, a lieu au Cénacle (c’est la seule liturgie où l’on a entendu de l’hébreu, car en cette langue a été proclamé l’Ancien Testament). Ce pèlerinage, qui réunit toujours une belle assemblée (cette année nous étions presque chaque jour quelque deux cents personnes), permet bien sûr de prier pour que finalement nous parvenions à l’unité de la foi dans la diversité des modes d’expression de cette foi, mais aussi d’apprécier la diversité des rites et des célébrations, et de lier des amitiés entre fidèles d’Églises différentes. Les Églises s’efforcent généralement de demander la participation de quelques chrétiens d’autres Églises pour une lecture ou une prière et préparent, au terme de la célébration, une petite réception festive où l’on peut fraterniser. L’idée de ces réceptions était venue, il y a une quinzaine d’années, aux luthériens qui avaient alors imaginé de préparer non pas une “réception”, mais un acte symbolique : offrir aux participants, dans leur salle de réunion située à côté de l’église, du pain et du vin pour signifier que le but visé était la célébration commune de l’eucharistie.

Ce qui, cette année, a marqué l’Octave est probablement la plus forte implication des grecs orthodoxes à cette prière : ils souhaitent que la participation à l’office du soir au Golgotha fasse partie intégrante du programme des célébrations ; ils avaient en outre préparé dans le diwan situé sous les chapelles du Golgotha une petite réception pour les participants. Ceux-ci n’étaient donc plus des étrangers assistant à une liturgie orthodoxe, mais des invités. Quand on sait les réticences que les orthodoxes manifestent à l’égard de toute prière commune avec des chrétiens d’autres confessions, ce changement est un geste significatif. Important aussi est le fait que les chrétiens locaux semblent de plus en plus présents à ces liturgies : l’œcuménisme n’est plus seulement le fait des chrétiens occidentaux vivant à Jérusalem.

En ce temps où l’œcuménisme ne semble plus être une priorité des chrétiens et des Églises, il est significatif que des chrétiens de toutes les Églises manifestent à Jérusalem leur désir de voir enfin les chrétiens réunis en frères autour de leur unique Seigneur. Le chemin est encore long certes, et le problème des divisions dans l’Église ne trouvera pas ici sa solution, mais il est important qu’à Jérusalem - qui a quelque chose à voir avec l’espérance finale des chrétiens - ceux-ci se retrouvent pour implorer le Seigneur de leur donner cette unité. Et peut-être alors adviendra-t-il aux divisions ce qui arriva en son temps aux murs de Jéricho : à force de tourner autour des murs en priant et en suppliant le Seigneur, le peuple hébreu a finalement vu ces murs s’écrouler d’eux-mêmes. Telle est la force de la prière.

Daniel Attinger

 

Jérusalem :

Rassemblement à la mémoire d’Ilan Halimi (26 février)

 

A l’appel de plusieurs organisations juives françaises en Israël, quelques centaines de personnes se sont rassemblées ce dimanche 26 février dans le centre de Jérusalem à la mémoire d’Ilan Halimi pour exprimer leur solidarité et leur émotion. Les organisateurs avaient demandé que ce rassemblement soit silencieux et qu’il n’y ait ni pancartes ni slogans.

La manifestation, empreinte d’une grande dignité, a débuté par une minute de silence à la mémoire d’Ilan Halimi assassiné. Puis le président de l’UNIFAN, Léon Rozenbaum, a pris la parole pour exprimer « la révolte face à l’abject » et rappeler qu’Ilan s’apprêtait à émigrer en Israël. « Il n’est pas un homme libre de par le monde qui ne soit pas touché par le martyre d’Ilan » a-t-il déclaré.

Le rabbin Jacquot Grunwald, délégué des Français en Israël, a lui aussi prononcé un bref discours : « A Jérusalem, pour laquelle bat le cœur de chaque Juif, à Jérusalem où va son espérance, nous pleurons aujourd’hui le martyre d’Ilan Halimi, notre frère, notre enfant. Car voilà que son nom est gravé sur les tables du martyrologe juif, sur ces tables qu’ici même nous découvrons si souvent et dont nous connaissons bien la terrible écriture, celle que trace la plume d’Amalek, trempé dans le sang, trempé dans les larmes. » Il a ensuite ajouté : « Le martyre d’Ilan Halimi rappelle que même après Auschwitz l’antisémitisme tue. Il tue là où le mensonge, la calomnie, la dérision et les amalgames faciles font son lit. Il tue...mais aussi, marque des sociétés qui ne le méritent pas du sceau de l’infamie. Il faut traiter l’antisémitisme comme on le fait d’un fléau. Sa prophylaxie impose ses règles à tous les stades de l’information, des déclarations publiques, du spectacle, de la justice rendue et des comportements. »

Enfin, le rabbin Grunwald a récité le Kadich, prière de sanctification du Nom divin prononcée à la mémoire des défunts.

Jean Marie Allafort

 

Le Custode de Terre Sainte :

« Il n’y a pas de paix sans pardon »(6 mars)

Trois jours après le grave incident qui s’est produit à l’intérieur de la basilique de Nazareth, la visite rendue aux époux Habibi par le Custode de Terre Sainte, le Père Pierbattista Pizzaballa, est en elle-même un événement. Le Custode s’est rendu au poste de police de Nazareth, où Hayyim et Violette Habibi sont toujours gardés à vue. Au terme du bref entretien qu’il a pu avoir avec eux, il a déclaré entre autres : « Je pense qu’en tant que responsables des lieux saints, nous avons la responsabilité également de montrer une attitude et un style chrétiens. Et la voix de la paix est celle du pardon. » Certes, a-t-il ajouté, rien ne peut justifier leur acte, mais « l’Église veut pardonner. Ce geste nous a profondément blessés, mais nous ne gardons pas rancune. Comme hommes d’Église, nous avons le devoir de délivrer un message de paix. Il n’y a pas de paix sans justice, et il n’y a pas de paix sans pardon. » Il a souligné la détresse vécue par cette famille et s’est engagé à l’aider.

Le geste du P. Pizzaballa a eu un retentissement considérable dans tous les organes de presse israéliens. Les journaux télévisés des principales chaînes s’en sont immédiatement faites l’écho, ainsi que les sites Internet des grands quotidiens, certains n’hésitant même pas à titrer : « Le Vatican pardonne. » Formule qui n’est pas totalement inexacte, puisque la Custodie de Terre Sainte est en effet chargée par le Saint-Siège de la garde des lieux saints et que la basilique de l’Annonciation, à ce titre, est placée sous la juridiction du Custode. Ce soir, on a pu entendre en Israël une voix chrétienne autorisée proclamer haut et fort que la clef de la paix était le pardon.

Michel Remaud

Shmuel Patrick Ayache,

un chanteur peu ordinaire (5 mars 06)

 ‘Vice Versa’, un îlot francophone à Jérusalem, une librairie et un point de rencontre pour ceux qui recherchent des journaux et livres français, une atmosphère de ‘là-bas’. On y trouve en particulier des livres français traduits en hébreu et des livres hébreux traduits en français.

Ce vendredi 3 mars, ‘Vice Versa’ annonçait : « Une heure de chansons françaises avec Shmuel Patrick Ayache ». Avec sa guitare et sa voix tendre, il nous transporte dans le monde très français de Brassens, Jacques Brel, Yves Montand, Charles Trenet, Jean Ferrat et Albert Pagani, plus une chanson de sa composition. Toujours un peu la même mélancolie, ce regret d’un monde perdu, de jours heureux, de « l’arbre auprès duquel je vivais heureux », de « ce pays que j’ai quitté, pourtant que la montagne est belle. » Bien sûr, « l’Auvergnat » était de la partie.

Quelques-uns de ceux qui étaient venu écouter et chantonner ces chansons semblaient émus, avec ces mélodies romantiques et tristes laissant parfois percer un peu d’espoir.

Qui est le chanteur ? Né en France en 1958, Patrick Ayache chante déjà à 12 ans, puis comme adolescent, dans des cafés à Montmartre. Il pense à Israël, désirant faire son alya. Mais où trouver les moyens ? Il participe alors en 1978, à Paris, à un concours pour chanteurs juifs. Il gagne le premier prix : un billet d’avion pour Israël. Il se présente alors à un deuxième concours dans un autre cadre et gagne encore le premier prix, cette fois c’est de l’argent. Plus rien donc ne l’arrête et il ‘monte’ en Israël en 1978. De septembre à juin 1979, il suit des cours au centre d’études juives ‘Maayanot’ dirigé par le rabbin Léon Ashkénazi dit « Manitou ». Les jeunes juifs français trouvaient là un enseignement leur permettant de s’enraciner dans la culture juive et de devenir vraiment des « hébreux », selon les vœux de Manitou.

Patrick Shmuel Ayache continue à chanter en Israël, compose également des chants en hébreu. Il travaille actuellement dans des écoles spécialisées où il enseigne la musique et le chant à ces enfants souvent traumatisés de 9 à 16 ans. On l’a aussi engagé pour mettre son talent au service d’enfants délinquants et auprès des malades mentaux. « J’aime chanter, dit-il, la chanson joue un rôle moteur ; c’est comme une physiothérapie grâce à l’alliage de la musique et du rythme. »

Il a déjà sorti un disque en français et espère pouvoir bientôt en faire un en hébreu. En 1987, il épouse Myriam dont il a trois enfants. Elle est également musicienne et travaille comme musico thérapeute dans un cabinet privé. « Oui, j’aimerais pouvoir chanter plus, aller de ville en ville, de concert en concert. »

Antoinette Brémond

 

Site du Hamas pour enfants :

« Venez vous suicider. » (9 mars)

 

Internet est de plus en plus populaire auprès des enfants palestiniens et le Hamas n’a pas manqué l’occasion de créer un site pour enfants avec des dessins animés et des jeux. Le nom du site est « victoire » et glorifie les héros qui se sont suicidés pour le nom de Dieu. Il appelle les enfants à « se suicider et à se sacrifier pour Dieu. »

Sur la page d’accueil on peut lire : « La mort pour Dieu est la victoire. Victoire des glorieux héros dont le nom restera gravé pour toujours dans le cœur de millions de musulmans de par le monde. » On y voit un enfant dessiné qui jette des pierres sur des soldats de Tsahal et qui appelle les autres enfants à venir visiter le site pour connaître la vie des « martyrs qui sont morts en héros. » Sur d’autres pages du site on présente des photos des « martyrs » qui se sont suicidés pour tuer des Juifs et en dessous de chaque photo une courte légende sur le héros. Chaque jour, un nouveau martyr. La mère de l’un des terroristes écrit : « Lorsque j’ai entendu que mon fils était devenu un martyr, je ne savais plus comment réagir tellement j’étais heureuse. Je suis sortie de la maison, j’ai achetée des friandises et des gâteaux et je les ai distribués dans tout le village. Ce fut une grande joie et un grand honneur pour moi et pour tout le peuple palestinien. »

Un chapitre spécial est consacré à la vie et à la mort du « martyr héros », Nazim Jabari, membre du Hamas qui s’est fait exploser dans un attentat suicide à Beershéva le 31 août 2004 tuant 16 Israéliens.

Le site, qui ressemble en tout à d’autres sites pour enfants, comprend aussi des chansonnettes à la gloire des martyrs comme par exemple : « Pour les héros merveilleux qui ont tués les voleurs, les occupants, les sionistes et qui sont morts pour Dieu. Ils sont les héros que le peuple glorifiera à jamais et dont les louanges seront proclamées par la bouche de millions de musulmans dans le présent et dans le futur. »

                                                                                                                   Source : Yediot Aharonot, 8 mars 06.

Rédaction

La reine Esther est enterrée à Tel Aviv (14 mars)

Le vieux cimetière Trumpeldor, fondé il y a plus de cent ans alors que Tel Aviv n’existait pas encore, est aujourd’hui situé en plein cœur de la ville blanche. Ce cimetière est un peu le panthéon israélien. Des pionniers du Sionisme, les fondateurs de l’Etat, des ministres et des rabbins, des écrivains et des poètes y sont enterrés : Haim Arlozorov dont la mort reste encore à ce jour un mystère, le célèbre écrivain Nahman Haim Bialik, Max Nordau mais aussi le premier maire de Tel Aviv, Meir Dizengoff y sont couchés en terre. Récemment, l’écrivain Ephraïm Kishon et la chanteuse Shoshana Damari sont venus rejoindre leurs aînés.

En parcourant les allées étroites du cimetière, le visiteur sera surpris de découvrir une pierre tombale sur laquelle est gravée cette épitaphe : « Ici repose la reine Esther ». La reine Esther n’est-elle pas morte à Suze il y a quelque 2400 ans ? Qui cette reine enterrée en plein cœur de la première ville hébraïque du monde des temps modernes ?

A quelque trois cent mètres du vieux cimetière de Trumpeldor se dresse un bâtiment en pierre blanche, récemment restauré : la premier Hôtel de Ville de Tel Aviv. C’est là que Meïr Dizengoff avait l’habitude de recevoir ses administrés pendant la fête de Pourim.

La première parade de Pourim date de 1912 : elle fut organisée par les élèves du Lycée ‘Gymnasia’. Après une interruption pendant la première guerre mondiale, les festivités reprirent en 1920. A cette occasion, la foule se rassemblait sur la place circulaire devant la mairie qui porte aujourd’hui le nom de Bialik (l’écrivain avait construit sa maison à quelques mètres de là). En 1928, pour Pourim, Dizengoff imagina ce qui deviendrait plus tard le concours de « Miss Israël ». Il invita les plus belles jeunes filles de la cité à se présenter devant un jury. Celle qui gagnerait le concours serait couronnée « reine Esther ». Bien que profondément laïque, Dizengoff connaissait bien le texte biblique qui insistait sur la très grande beauté de la reine Esther (Esther 2,3) d’où l’idée du concours. Les Juifs religieux n’apprécièrent pas l’initiative du maire et essayèrent d’empêcher la tenue de ces festivités, en vain. Ce jour-là, ce fut une jeune fille d’origine yéménite du nom de Tsipora Tsabari qui fut couronnée et devint la première « reine Esther de Tel Aviv ».

Issue d’une famille modeste, Tsipora Tsabari commença à travailler à l’âge de 14 ans. Chaque matin, elle faisait le tour des maisons et distribuait des bouteilles de lait. Son père était très malade et ne pouvait subvenir aux besoins de la maisonnée. C’est le matin même de Pourim qu’elle vit des pancartes annonçant le concours. Elle alla acheter du tissu, se confectionna à toute allure une robe et se présenta à la dernière minute devant le jury. Elle enthousiasma le public et fut couronnée « reine Esther » de l’année. La jeune fille devint célèbre non seulement à Tel Aviv mais aussi dans toutes les localités du pays.

Deux ans plus tard, Tsipora partit pour l’Allemagne et devint une actrice appréciée. A la veille de la seconde guerre mondiale, elle regagna le pays. A son retour, elle retomba dans l’anonymat. Elle mourut en 1994 et fut enterrée au cimetière Trumpeldor comme « la reine Esther de Tel Aviv » à quelques mètres de celui qui l’avait couronnée, Meïr Dizengoff.

Aujourd’hui, il n’y a plus de cérémonie de couronnement mais la grande foire rurale du jour de Pourim porte encore le nom « festival Dizengoff ».

Jean Marie Allafort

Chant du mois

C’est une hymne au printemps que nous vous proposons aujourd’hui. Le chant du mois est lié à u ne légende israélienne : Shoshana Damari qui nous a quittés le 14 février dernier à Tel Aviv. L’étoile de la chanson israélienne, qui était devenue au cours des années une figure mythique, était âgée de 83 ans.

Shoshana Damari est née dans la ville de Daman au Yémen en 1923. Elle a deux ans quand ses parents émigrent en Israël. Dotée d’une voix exceptionnelle, elle enregistre à l’âge de 10 ans ses premières chansons qui sont alors diffusées sur la radio Kol Yerushalaïm (la voix de Jérusalem). A 20 ans, elle commence une carrière au théâtre satirique "Li La Lou". Trois ans avant la création de l’Etat d’Israël, elle connut un énorme succès en interprétant la chanson "Kalaniot" (Anémones), composée par Natan Alterman et devint la chanteuse la plus populaire du pays. Shoshana Damari enregistra de nombreux succès comme ‘il faut sonner deux fois’. Durant les guerres qu’a connues Israël, la chanteuse yéménite se rendait au front pour soutenir le moral des soldats. Après 1948, Shoshana Damari et Yafa Yarkoni sont appelées « les chanteuses des combattants ».

En 1955, elle se lance dans le cinéma. En 1956, elle joue dans ‘Sans patrie’ le premier film en couleur qui raconte l’histoire de l’émigration de la famille Damari du Yémen en Israël. Un an plus tard, comme chanteuse et actrice, elle est la star du spectacle ‘Shlomit’, premier opéra israélien. Elle continuera sa brillante carrière avec des pauses plus ou moins longues. En 1987, elle revient sur le devant de la scène avec un nouvel album. Elle enregistre le duo « chanter avec toi » avec Boaz Sharabi. En 1988, elle reçoit le prix d’Israël pour son œuvre exceptionnelle.


Shoshana Damari se maria à l’âge de 16 ans avec Shlomo Boussami et ils eurent une fille. Son mari l’accompagna durant toute sa carrière et fut son producteur fidèle jusqu’à son dernier souffle. Il mourut il y a 20 ans. En souvenir de son époux, elle interpréta « Encore ici », chanson écrite spécialement pour elle par Ehud Manor.

 


Le soir descend,

Le soleil se couche flamboyant

Sur la montagne.

Comme en rêve mes yeux voient :

Dans la vallée descend

Une fillette,

Un feu d’anémones

Embrase la vallée.

Anémones, anémones,

Rouges-rougettes, rouquines *

Anémones, anémones,

Gracieuses et pleines de rosée.

Les couchers de soleil

Tour à tour flamboient

Et s’éteignent,

Mais les anémones

Sont là toujours

Fleurissantes,

Les bourrasques

Surprennent et se déchaînent 

Puis de nouveau

L’anémone prend feu.

Anémones, anémones…

Les années passent,

La fillette a grandi,

Avec son bien-aimé

Elle descend à nouveau

Dans la vallée des anémones

Qui ont fleuri.

Il tend les bras et entre deux baisers

Elle rit et lui chuchote :

Regarde la moisson

Que j’ai dans mon panier!

Anémones,…

Les années s’enfuient,

Et toujours le soleil descend

A l’horizon, rougeoyant

Et la jeune fille, mes amis,

Est devenue grand’mère.

Et voilà qu’à son tour

Descend dans la vallée

Une fillette, et là encore

Les anémones ont refleuri.

Elle s’écrie : Mémé, regarde

Ce que je t’ai apporté!

Alors dans le rire et les larmes

Ses yeux brillent,

Elle se souvient

De cette chanson oubliée :

Anémones, anémones….

Oui, les générations

Montent et s’éclipsent

Mais chacune a son chant,

Son bouquet d’anémones.

Heureux l’homme qui entre deux tempêtes

A vu l’anémone au moins une fois

Fleurir pour lui.

Anémones, anémones,

Rouges-rougettes, rouquines

Gracieuses et pleines de rosées.


 


 

* Comme toujours, il est difficile de rendre les allitérations (adamdam, admoni), et les allusions (David aussi était admoni).

 

Yohanan Elihaï et Jean Marie Allafort

 

et l’humour en finale…

Une histoire du siècle dernier, qui donne un exemple de la façon de raisonner des Juifs qui étudient le Talmud.

Yankele, un étudiant juif d’Odessa a reçu un permis pour aller à Moscou.

Il monte dans le train, trouve une place et s’assoit. A la station suivante monte un jeune homme qui vient s’asseoir à côté de lui. Yankele le regarde et se dit :

Ce gars n’a pas l’air d’un paysan

et s’il n’est pas paysan, on peut supposer qu’il est de la région voisine,

et là… la population est juive !

alors il est forcément juif.

Mais alors, s’il est juif, où peut-il bien aller ? Je suis le seul à avoir ce permis d’entrée à Moscou.

Ah mais, tout près de Moscou il y a un petit village du nom de Samvat, où on peut aller sans permis.

Mais, pourquoi donc irait-il à Samvat ? rencontrer une famille juive ?

Il n’y a là-bas que deux familles juives, les Bernstein et les Steinberg.

La famille Bernstein est insupportable, donc il va chez les Steinberg.

Or les Steinberg ont deux filles, Léa et Rachel. Il doit être le mari d’une des deux.

Je sais que Léa est mariée avec un homme d’affaires de Jitomir, et Rachel avec un avocat charmant de Budapest, donc il est le mari de Rachel ! Ce doit être Alex Cohen.

Mais s’il vient de Budapest, là-bas avec l’antisémitisme, on ne peut pas s’appeler Cohen.

Et ce qui correspond à Cohen en hongrois, c’est Kovatsz.

Mais s’il a changé son nom, c’est qu’il pouvait se le permettre ; il a donc un grade de l’université.

À ce moment Yankele se tourne vers le jeune homme et lui dit ;
“Comment allez-vous, Docteur Kovatsz ?”

“Très bien merci, mais… d’où savez-vous comment je m’appelle ?”

“Eh bien… c’est évident, non ?”

 

Y. E.

 

Même si nous avons une ligne commune dictée par notre présence en Israël, il semble bon de rappeler le principe qui guide bien des publications et qui donne une certaine liberté à chacun :

La revue laisse aux auteurs des articles et comptes rendus l’entière responsabilité

des opinions et jugements qu’ils expriment.