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Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 54 – Novembre/Décembre 2010

Saint-Sépulcre – Portail principal

Sommaire

   Editorial: Relations judéo-chrétiennes: au-delà de la bonne volonté

   Témoignage: Impressions d'un voyage en Pologne (lère partie) 

   Dossier: La musique Klezmer 

   2010, année record pour le tourisme en Israël 

  Histoire: Tibériade, une ville méconnue (lère partie) 

  Léa Goldberg, 40 ans après 

  «Le peuple avec le Golan» - explosion démographique 

  Shoa: le sens d'un mot 

  Un souvenir d’Arsinoé 

  La pierre de Jérusalem: le patrimoine de la Ville Sainte 

  Immigration des derniers Falash Mura d'Ethiopie, Israël se prépare 

  Etude: Les «Quatre espèces de Soukkot»

  Flashes d'espoir: Match de foot spontané entre Palestiniens et Israéliens à Hébron 

  «Ma fille s'appellera Sara»

  Chant du mois et humour en finale 

Editorial: Relations judéo-chrétiennes: au-delà de la bonne volonté

La remise du prix de l'Amitié Judéo-chrétienne de France au père Michel Remaud n'est pas seulement un acte de reconnaissance pour l'œuvre accomplie par le lauréat. C'est aussi un message. La bonne volonté dans les relations judéo-chrétiennes est certes nécessaire mais insuffisante. Professer quelques bonnes intentions à l'égard du peuple juif est un premier pas qu'on ne saurait dédaigner (surtout depuis quelques années), mais en rester-là pourrait devenir une voie sans issue. Michel Remaud et, avant lui, le frère Pierre Lenhardt ou encore le père Roger Le Déaut, font partie d'une génération de pionniers qui se sont investis pleinement dans les études juives pour comprendre de l'intérieur quelque chose du peuple de la Promesse. Leurs connaissances des textes de la tradition juive, qui forcent l'admiration, sont le fruit d'un travail de longue haleine qui ne souffre d'aucun raccourci.

Michel Remaud n'a pas suivi des cours généraux sur le judaïsme qui lui auraient conféré une vue panoramique sur la situation du judaïsme et lui auraient permis d'aborder tous les sujets. Il a appris l'hébreu et s'est affronté aux textes rabbiniques. Ce long travail sur les textes permet d'acquérir une familiarité avec la tradition juive et la pensée rabbinique sans commune mesure avec des synthèses, même très brillantes. L'étude du Talmud ou du Midrash empêche d'aspirer à une quelconque synthèse, si rassurante pour l'esprit. J'ai vu plusieurs fois à Jérusalem des chrétiens se lancer dans l'étude du judaïsme, souvent avec beaucoup d'enthousiasme, puis tout abandonner lorsqu'ils ont commencé à s'apercevoir qu'ils ne parviendraient pas à des idées claires sur le sujet ou qu'ils n'arriveraient pas à faire une synthèse avec leurs études théologiques. L'étude du judaïsme n'est pas rassurante pour un chrétien. Elle exige une souplesse de l'esprit, une ouverture de la pensée et une perte d'un bon nombre de certitudes acquises.

Un prêtre français, pourtant très impliqué dans le dialogue judéo-chrétien, m'a déclaré un jour que le judaïsme ne pouvait être, pour un chrétien, «qu'une science auxiliaire de la théologie». Michel Remaud est en quelque sorte la démonstration de l'inanité de cette affirmation.

Vivre au milieu du peuple juif revenu sur sa terre, c'est refuser de restreindre le judaïsme à une 'science' comme sont la physique quantique ou la biochimie. Le judaïsme est d'abord et avant tout la tradition vivante d'un peuple que l'on ne peut réduire à une fonction d'auxiliaire même au profit de la science! Peuple dont la vitalité se déploie particulièrement en Israël et ce, dans tous les domaines. L'étude du judaïsme, comme Michel Remaud la pratique depuis près de 30 ans, est une étude désintéressée au sens rabbinique du terme. Une étude pour elle-même. Au détour d'une page étudiée, découvrir des harmoniques avec la tradition chrétienne, souvent imperceptibles pour le profane, est toujours une surprise. Ce travail exige une connaissance très pointue de la langue hébraïque, une familiarité avec la terminologie rabbinique, mais surtout un authentique désir de connaître la tradition du peuple juif.

J.M.A.

TÉMOIGNAGE : IMPRESSION D’UN VOYAGE EN POLOGNE ( 1-ère partie)

Cécile Pilverdier

Il y a deux ans, par mon amie Varda avec qui nous marchons quelques heures les sabbats matins pour nous «tenir en forme», j'ai fait la connaissance de Monika, jeune Polonaise, qui bénéficiait alors d'une bourse de Yad Vashem de 8 mois, afin de travailler à sa thèse sur les Juifs de Pologne. Avec Arthur son ami, nous nous sommes souvent retrouvés au cours de ces 8 mois pour marcher ou manger ensemble.

Lorsque j'ai demandé à Monika ce qui l'avait amenée à choisir ce sujet de thèse elle m'a dit: «A l'école je n'ai pas entendu parler des Juifs, personne ne m'a rien dit sur eux, mais lorsque j'ai lu des livres à l'université, j'ai compris qu'ils avaient été partie intégrale du passé de ma Pologne, et qu'ils avaient vécu dans ma ville de Łódż (Prononcer Woudch !) et dans d'autres lieux que je connaissais. J'ai pensé que quelqu'un devait se rappeler d'eux en étudiant leur littérature, leur langage et leur histoire». Et c'est ainsi que Monika a appris le Yiddish et en a fait son sujet de thèse.

Première semaine: vacances

Pour remercier ceux qui les avaient accueillis en Israël, elle et son ami Arthur, ont eu l'idée de les inviter à une semaine de marche dans les montagnes de Karkonosze, à la frontière tchèque. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés cinq Israéliens et trois Polonais pour ces huit jours.

Avec Varda nous atterrissons à Varsovie où Magda nous accueille ainsi que Mirka la cousine de Varda. Magda a préparé tout le côté matériel (logement, auto) de notre seconde semaine, car pour Varda c'est un peu un «pèlerinage» sur des lieux familiaux. Nous partons pour la montagne et Magda nous arrête dans un restaurant typique, avec au choix les innombrables soupes et les Piérogis (petits chaussons fourrés de sucré ou salé). Dès la sortie de Varsovie nous faisons connaissance avec les routes de Pologne, étroites et sans bas-côtés, et nous apprenons de suite l'étonnement des Polonais lorsque, lors de la réunification de l'Allemagne, ils ont appris que le budget voté par l'Allemagne de l'ouest pour la réfection des routes de l'Allemagne de l'Est équivalait au budget total annuel pour toute la Pologne! Nous continuons vers Milkow, petit village proche de la ville de Karpacz (Karpatch) dans la basse Silésie, qui faisait partie de l'Allemagne jusqu'en 1945 et dont les habitants sont partis entre 1945 et 1947, remplacés par les Polonais déplacés de la partie Est de la Pologne, donnée à la Russie en 1945. Ceci peut nous faire sentir déjà toute la complexité de 1 'histoire de la Pologne que j'ai lue les soirs de «marche». J'ai plaint les petits Polonais qui doivent apprendre tous ces changements de frontières, de disparition, de soumission, de résurrection de leur pays au cours des siècles!

Nous arrivons donc le soir où nous retrouvons Asher et Pnina venus via Prague et Monika et Arthur arrivés en train de Varsovie. Dans la maison, la bonne humeur est de mise. Asher et moi étant les seuls à ne pas parler polonais et aussi les plus âgés, nous en profiterons parfois pour nous reposer après les longues marches: premier jour, cinq heures pour la «mise en jambe», puis en Tchécoslovaquie, une belle promenade de huit heures avec des forêts d'épineux superbes, des rochers, des cours d'eau, tout ceci bien programmé par Monika pour monter aux 1.602 mètres du Snezka Sniezka juste sur la frontière, le lendemain. Ce sera avec le télésiège, une bonne heure de montée à pieds, et 6 ou 7 heures de descente.

Puis une journée est consacrée à la visite de la ville où Pnina a grandi, et c'est avec son ancienne copine de classe que nous faisons la visite. Le nom est un peu trop polonais pour que je m'en souvienne! C'est son amie qui lui indique où était exactement sa maison, car il y a eu bien des changements depuis.

La première semaine passée, nous reprenons la route pour Varsovie. Asher et Pnina regagnent Prague et Monika et Arthur prennent le train. Magda tient à nous faire visiter un des plus imposants châteaux de Pologne dont l'origine remonte au Moyen-âge: le château de Ksiaz, et nous faisons un petit tour dans la vieille ville de Wroclaw (Breslau).

Et nous arrivons à la ville de Varsovie:

Monica et Arthur ayant voyagé de nuit, nous avons rendez-vous à 10 heures sur la grande place Sigismund III le cœur de la vieille ville. Varda et moi logeons chez des amis de Magda partis en vacances et, munies d'une carte, nous décidons de visiter le parc Tazienkowski plus au sud où un bus nous emmène. Il abrite le palais et les bains royaux, le lac, un musée, et un restaurant si chic qu'on nous offrira gratuitement 2 bouteilles de soda (au vu de notre habillement très simple, le serveur n'a pas osé nous en dire le prix!). Des paons viennent pavaner devant nous et de nombreux écureuils roux, souvent assez effrontés, se dressent en espérant quelque noisette. Le bus nous amène sur la place et nous retrouvons nos guides au pied de la colonne de 22 mètres surplombée de Sigismund III, le roi qui a transféré la Capitale de Cracovie à Varsovie en 1596. La vieille ville est un incontournable joyau, lieu pittoresque aux ruelles étroites. Complètement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a été reconstruite à l'identique en 15 ans, ce qui lui a valu son inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. Ses ouvriers se sont ainsi fait connaître dans le monde entier par ce travail. La place est bordée de maisons bourgeoises aux façades multicolores et décorées de fresques, inspirées de tableaux de Canaletto. Le château royal, rasé sur ordre d'Hitler, a lui aussi été reconstruit, mais nous ne visiterons pas l'intérieur qui paraît-t-il n'a rien à envier à Versailles. Arthur nous fait entrer dans la cathédrale où sont enterrés dans la crypte de nombreux hommes importants du pays: présidents de l'Etat, écrivains, politiciens. Je préviens mon guide que je ne retiendrai pas tous ces noms mais cela me permet de sentir l'attachement et la fierté des Polonais à leur pays, après tous ces siècles de luttes et de malheurs. Je réalise qu'ils ne sont en démocratie que depuis 1989, autrement dit 21 ans! Après un petit arrêt obligé pour les pierogis, nous empruntons la Voie Royale, avec les plus importants édifices historiques: l'Université, le Palais du Président dont toute la chaussée est encore noire des milliers de bougies allumées lors du crash de l'avion présidentiel quelques semaines auparavant. La statue de Copernic est là, il était bien polonais, même si les Nazis, une nuit, avaient enlevé la plaque pour en mettre une autre disant qu'il était allemand. Elle n'est restée en place que quelques heures! Dans un autre quartier, Arthur nous montre le «Palais de la Culture et de la Science», «cadeau» de la Russie laissé à la Pologne qui a hésité à le détruire après leur départ, mais qui a été finalement laissé sur place par «respect pour l’Histoire». C'est un de ces immenses bâtiments en forme de gâteau à la crème, typiques à Moscou. En déambulant dans la ville nous voyons trois influences principales dans les constructions: celles de la Seconde guerre mondiale, des 40 années de communisme et des 20 années de démocratie, les monuments historiques reconstruits à l'identique après la guerre voisinent avec les tours et les blocs en béton gris, ainsi que les tours de verre ultra modernes et les maisons d'habitation simples et colorées.

Visite du ghetto

Le deuxième jour Monika nous entraîne sur les «traces» du ghetto juif, période noire pour Varsovie, qui était avant la guerre le centre de la vie et de la culture juive en Pologne. 25% de la population était juive. A plusieurs reprises Monika nous arrête sur le trottoir où sont placées des plaques en cuivre signifiant l'emplacement des 18 km de mur qu'avaient fait construire les nazis autour du ghetto. Seuls 5 mètres de ce mur de 3 mètres de haut sont gardés comme monument. Sur le mur du bâtiment proche, il y a chaque fois une plaque explicative. Nous passons dans la cour de l'orphelinat d'où sont partis les enfants accompagnés de Korczak pour Treblinka, puis les rails du tramway réservé aux Juifs, le passage traversant les bâtiments du tribunal et par lequel plusieurs Juifs ont parfois réussi à s'échapper, un grand immeuble en brique moitié habité moitié abandonné et où ont été apposées de grandes reproductions de visages de Juifs sur les fenêtres béantes. Deux des quatre églises situées dans le ghetto ont été restaurées ainsi qu'une petite synagogue, cachée derrière des immeubles non réparés par les nazis. Puis nous nous arrêtons devant un bâtiment de 6 étages, c'était de là que les soldats nazis surveillaient le «pont» construit au-dessus d'une avenue. Cette avenue coupait le ghetto en deux et seuls les Allemands et les Polonais avaient le droit d'y circuler. La construction de ce pont en bois permettait le passage d'un côté à l'autre du ghetto. Face à ce bâtiment, une modeste peinture reproduit le pont, dessinée par un habitant qui tient le café du rez-de-chaussée.

Puis nous arrivons au monument de Natan Rapoport et Léon Marek Suzin inauguré en 1948. Haut de 11 mètres, en bronze, il a été construit à sa base avec des matériaux qui devaient servir à l'érection d'un monument à la gloire d'Hitler! Au centre il représente un jeune homme identifié à Mordechaï. Anielewicz. Ce jeune homme était le commandant d'un groupe de Juifs qui se révoltèrent. Ils construisirent des bunkers et tinrent tête aux nazis à partir du 19 avril 1943, soir de la Pâque juive. Le 8 mai, Mordechaï et ses amis furent tués. Le 16 mai les Allemands rasèrent la grande synagogue pour symboliser leur victoire.

La «Route du souvenir» constituée de 19 blocs de roche noire, suit un parcours qui commence au monument de Rapoport et aboutit à la place de transbordement (1'Umschlagplatz) pour le camp d'extermination de Treblinka. Construite en 1988 pour le 45ème anniversaire du soulèvement du ghetto, chaque pierre est consacrée à l'un des héros du ghetto. Les noms et dates sont gravés sur le côté et, sur la surface, on peut lire une description succincte du rôle personnel de chacun. La situation du bunker est signalisée par un monticule avec une pierre où est écrit le nom de M. Anielewitch et une pierre noire en forme de pyramide porte les noms des jeunes combattants.

Avec Monika nous arrivons à l'endroit de la gare de triage, c'est l'Umschlagplatz. A la place des rails, rien. Le mausolée est consacré aux groupes innombrables de Juifs, embarqués vers le camp de la mort de Tréblinka (8 000 pour chaque départ). Inauguré en 1988, le monument est un grand rectangle, sans toit, dont les murs en marbre blanc ligné de noir, portent des inscriptions en hébreu, yiddish, polonais, anglais et 350 noms comme dispersés par le vent. Un groupe d'Israéliens nous y a précédés. De l'autre côté de la rue, Monika nous montre le bâtiment où les 8 000 préposés au prochain départ attendaient leur tour. Aujourd'hui c'est un petit hôpital.

Le ghetto de Varsovie a été le plus important de la seconde Guerre Mondiale. Situé en plein centre de la ville, il a été créé le 12 octobre 1939 et détruit en mai 1943 après l'insurrection de ses occupants le 19 avril 1943. Varsovie comprenait 1 300 000 habitants dont 380 000 Juifs, mais, au cours de cette période, de nombreux Juifs d'autres pays y ont été amenés avant de subir le même sort. Dès l'été 1942 il a été l'antichambre des camps de la mort.

Dossier : la musique Klezmer

Suzanne Millet

En hébreu : klei-zemer = instruments de musique

Le 9 octobre 2010 Giora Feidman fit une apparition exception­nelle lors d'un concert pour célébrer la création d'une section Klezmer à l'Académie de Musique et de Danse de Jérusalem. « Nous sommes fiers d'être la première institution dédiée à la musique Klezmer dans le monde» déclare le directeur de cette académie Ilan Schul. Ainsi cette musique yid­dish populaire acquiert des titres de noblesse en Israël. Déjà, grâce au clarinettiste israélien Giora Feidman, né en Argentine en 1936, monté en Israël en 1950, la musique Klezmer s'est fait connaître autour du monde. « Je suis responsable, dit-il, du renouveau de cette musique dans le monde, et ce renouveau vient d'un Juif qui vit en Israël. Je sais que beaucoup de Juifs de la diaspora ne nous considèrent pas comme juifs. Ils disent que nous sommes Israéliens. »

L'Académie n'aurait pas pu choisir un meilleur artiste pour la soirée d'inauguration. Feidman a notamment travaillé avec l'Orches­tre Philharmonique Is­raélien, à l'époque, le plus jeune clarinettiste de l'orchestre où il va rester 20 ans. En 1970 il com­mence une carrière de soliste à travers le monde. C'est lui qui a joué le solo de clarinette dans le film la liste de Schindler. Avec sa grande expérience académique il lance des projets musi­caux importants comme le cours Cla­rinette et Klezmer en Galilée qui se déroule chaque année à Safed. Giora a joué avec des groupes renommés de Klezmer et, l'année dernière, il a sorti l'album Klezmer et cordes enregistré avec le quartet Gershwin. Il s'agissait d'un savant mélange de musique klezmer et de musique orientale classique.

Histoire d'une tradition musicale

Expression de la ferveur et de l'émotion qui s'empare de l'âme, la musique joue un rôle essentiel dans la liturgie et la vie juives. Dès le Moyen Age, la musique populaire se propage en Allemagne, puis en Pologne et en Lituanie grâce aux Klezmorim, grou­pes d'instrumentistes juifs, des bala­dins ashkénazes. En Allemagne, tout comme dans les pays de l'Est, ces mu­siciens itinérants jouaient à l'occasion de réjouissances publiques, de maria­ges, de fêtes foraines, mais aussi à la demande de chrétiens aisés ou appar­tenant à la bonne société. Le violon, la flûte et les cymbales étaient et sont toujours les instruments de prédilec­tion. Dans les peintures représentant la vie au shtetl il y a toujours un vio­lon accroché quelque part, ou un vio­loniste dans un coin, jouant dans un arbre ou sur le toit. ..

Tout comme le jazz aujourd'hui, la musique Klezmer re­pose sur l'improvisation libre. Cette musique était inspirée de chants profa­nes, de danses populaires, de la musi­que des synagogues, surtout des chants sans paroles (les nigounim), mélodies par lesquelles les hassi­dique tentaient d'appro­cher Dieu dans une sorte d'extase communautaire. A l'époque médiévale, le chant synagogal expri­mait une intention mys­tique. C'est sous l'in­fluence des Klezmerim qu'aux 17ème et l8ème siècles se développa une musique échappant aux règles traditionnelles et privilégiant les mélodies improvisées. A partir du 18ème siècle, l'influence des mélopées hassidiques s'accentua. Après le rationalisme de l'époque des Lumières, cette musique visait à libé­rer l'âme de son enveloppe charnelle pour permettre à l'individu d'oublier son existence souvent misérable sur terre et d'accéder à un monde spiri­tuel plus gratifiant. Les chants et les mélodies des prières hassidiques sont extatiques.

Au début du 19ème siècle, l'un des membres les plus connus de ces groupes de Klezmorim était le Russe Michaël Joseph Gusikov. Il donnait des concerts à Kiev, Odessa, Vienne et Leipzig. Félix Mendelssohn Bartholdy qui, en 1836, eut l'occa­sion de l'applaudir, écrivit à sa mère : «C'est vraiment un phénomène à éga­lité avec tous les virtuoses du monde. Il y a longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à écouter un concert car l'homme est un génie.»

Les Klezmorim restè­rent très populaires en Europe de l'Est, par contre, en Allemagne ils disparurent progressivement, conséquence de l'émancipation et de l'assimilation. Le groupe des Klezmorim Hertzsche Quar­tett, connu et apprécié du public, fut l'un des derniers à se produire à Darmstadt au milieu du 19ème siècle.

Musique Klezmer en Israël

A la fin du 18ème siècle les immigrants de l'Europe orientale ap­portèrent leur propre tradition musica­le, surtout hassidique, musique incon­nue parmi les communautés juives de Palestine. Beaucoup de ces musiciens traditionnels étaient des Klezmorim. Ils rencontrèrent une opposition de quelques rabbins ashkénazes ne vou­lant pas qu'ils s'introduisent dans les fêtes familiales de la Vieille Ville. Pourtant cela ne les arrêta pas.

Au milieu du 19ème siècle, les immi­grants de l'Europe orientale s'instal­lent dans la Haute Galilée renforçant les communautés hassidiques locales et accélérant le développement du style klezmer en Palestine. A cette époque, les liens culturels entre la Palestine et les Hassidiques d'Europe étaient maintenus grâce aux pèlerina­ges. De plus, ceux qui allaient visiter leur famille en Europe revenaient avec de nouveaux thèmes. Tout cela fortifia les liens musicaux entre la Palestine et l'Europe. En même temps, le réper­toire local absorba des airs aussi bien de l'environnement non juif (arabe, druze, turc) que des communautés sépharades. La culture musicale klez­mer s'intégra ainsi à la culture et à la réalité sociale de la Terre d'Israël. Musique en perpétuelle évolution au contact des uns et des autres: influen­ce réciproque des musiciens slaves et tsiganes en Europe, grecs, turcs, ara­bes et druzes en Israël.

Malgré la pauvreté matérielle de la communauté ashkénaze des vil­les de Tibériade, Safed et Jérusalem, les Klezmorim furent très actifs à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle. Pourtant dans les années 1920-1930, l'émigration des jeu­nes musiciens quittant la Palestine à cause des épidémies et des difficultés économiques affecta les activités des Klezmorim et le développement de leur répertoire. Cette tendance, ainsi que la disparition de la vieille généra­tion klezmer, conduisit à un vide rela­tif de cette musique en Palestine.

C'est alors que le jeune cla­rinettiste et batteur Abraham Segal (1908-1993), fils d'un Klezmer, ayant grandi dans un milieu de musiciens, prit la tête du renouveau de cette tra­dition musicale. Il consolida et déve­loppa le répertoire local qu'il transmit à une nouvelle génération de Klez­morim, en particulier à Moshe Berlin (Musa), né en1937.

La majorité de ce répertoire est encore joué aujourd'hui. Berlin mérite le ti­tre de Klezmer israélien traditionnel. D'une part il a adopté les traditions de Segal, son maître et modèle, d'autre part il a assimilé divers aspects de l'héritage hassidique et des chants is­raéliens profanes et religieux entendus autour de lui, en particulier les chants des premiers moshavim israéliens ap­préciés actuellement par les commu­nautés de sionistes religieux.

C'est au pèlerinage annuel au mont Méron en Haute Galilée, lors de la fête de Lag Ba- Omer, que le réper­toire de cette musique est joué. Lors de cette même fête, à Jérusalem, dans le quartier ashkénaze de Nahlaot, les hommes et les enfants tournent autour d'un feu en dansant au son de cette musique. Il y a quelques années, les Klezmorim, en chair et en os, jouaient de l'accordéon et de la clarinette. Ac­tuellement cette musique est souvent diffusée sur CD.

Mais si le Lag Ba-Omer ne se fête qu'une fois par an, la musi­que klezmer est jouée également pour la fête de Simhat Tora, pour les mariages et dans bien d'autres occasions. Je me rappelle avoir assisté à un mariage religieux, hommes et femmes séparés, où le frère de la mariée improvi­sait sur son violon accompagné par le marié lui-même jouant du tambour. Pour l'anniversaire d'une amie, c'était son fils de 17 ans qui jouait de la guitare, accompa­gnant son ami clarinettiste, du Klez­mer qui envoûte. « La musique, vous la sentez, vous ne pensez pas la musi­que. Je n'analyse pas ce que je joue» dit Giora Feidman.

Il y a une dizaine d'années eut lieu une manifestation à Yad Vashem pour accueillir des Juifs de la dias­pora. Ils retrouvaient dans la Vallée des Communautés les lieux d'origine de leur famille avant la Shoa. C'est là que, soudain, on tombait sur un « petit violoniste » tout seul, écrasé par ces immenses blocs de pierre,  jouant cette musique klezmer tellement nostalgi­que. Plus loin, un clarinettiste, aussi petit et seul que le violoniste. « Quand un bébé crie, la mère le prend dans ses bras et se balance comme dans une valse. Le bébé arrête de crier. Cette danse est naturelle, sans intention commerciale » explique Giora Feid­man. Il arrive que, dans la rue Agrippas, devant le marché, une camionnette avec haut-parleur déverse une musique klezmer exubérante. Des hassidiques dansent à perdre haleine, sautant, virevoltant au milieu de la rue. D'autres « fous» se joignent à eux. Une éclaircie de joie dans une réalité parfois tragique. « La musique est une combinaison d'âme et de corps. La musique est le langage de l'âme. L'âme est l'instrument pour recevoir les messages et vous les transmettez avec votre corps» note le célèbre cla­rinettiste.

En août 2010, il y eut trois concerts klezmer sur le toit de Hechal Shlomo, à côté de la Grande Synago­gue de Jérusalem. La grosse chaleur m'empêcha d'y aller. « Quand vous priez dans une synagogue, personne n'applaudit. La musique est une prière sans religion» conclut Giora.

Quant à Musa Berlin, il pour­suit son travail de création de pots­-pourris et de variations sur des airs connus.

CD: The Klezmer Tradition in the Land of Israel. (The Hebrew Univer­sity of Jerusalem. Jewish Music Re­search Center)

2010, année record pour le tourisme en Israël

Myriam Ambroselli

Octobre et Novembre 2010 sont deux mois qui resteront gravés dans les annales du Ministère du Tourisme israélien. Actuellement, 350000 touristes venus du monde en­tier se promènent en Israël, explosant la capacité réelle de l’hôtellerie du pays. De nouveaux plans d'aménage­ment et de construction sont déjà mis en place pour élargir et améliorer en­core l'accueil israélien. Terre sainte des pèlerins, terre prometteuse pour les investisseurs étrangers, terre de délices et de soleil pour les touristes, la terre d'Israël attire des milliers de visiteurs ...

Le mois d'octobre se ter­mine à peine, le ministère du Tou­risme n'a pas encore publié les chiffres officiels mais il est déjà évident que le nombre de visiteurs dépasse encore le dernier record enregistré en octobre 1999 à la veille de la seconde intifada avec plus de 1 million de nuits d'hôtels en un mois. Actuellement, les pro­fessionnels du tourisme soutien­nent l'importance d'élargir la ca­pacité d'accueil du pays. Ce mois d'octobre aura été autant une mine d'or qu'un choc révélateur de l'in­suffisance des infrastructures touristi­ques. Toutes les chambres d'hôtels de Jérusalem et de Tel Aviv étaient occu­pées entre 90 et 100% sur l'ensemble du mois d'octobre. Nombreux sont les hôteliers qui ont dû supplier les confrères de remédier à leur excédent de réservations. En effet, de lourdes amendes sont prévues pour les hô­tels en situation de surréservation qui n'ont plus assez de chambres à offrir aux groupes qui ont réservé. Ce mois-ci, des groupes entiers de touristes ont dû renoncer à dormir à Jérusalem et à Tel Aviv et ont été envoyés à la pla­ce vers des hôtels d'Ashkelon ou de Béersheva.

Stas Misezhnikov, ministre du Tourisme israélien, vient d’affir­mer lors de la conférence de l'OCDE sur le tourisme que l'année 2010 aura bientôt accueilli plus de 3,2 millions de visiteurs. Un record. En effet, cette année comptabilisera 500 000 touris­tes de plus que l'année précédente. Selon le ministre du Tourisme, le fait qu'Israël soit maintenant membre de l'OCDE en fait officiellement un pays développé, un facteur positif contri­buant à attirer de plus en plus de tou­ristes. Quant à Oren Drori, directeur marketing du ministère du Tourisme, il souligne : « La demande montre que nous n'avons pas assez de chambres d'hôtels et que nos hôtels sont combles pendant la haute saison touristique ». Pour remédier au manque des infras­tructures d'accueil, Misezhnikov a annoncé la création de nouveaux hôtels soit l'équivalent de 9000 chambres supplémentaires d'ici 2015. Un investissement très prometteur pour les professionnels du tourisme ...

La haute saison touristique en Israël correspond aux mois d’oc­tobre et d'avril-mai, période corres­pondant aux importantes fêtes juives ou chrétiennes. Il est déjà difficile de réserver un hôtel pour la mi-avril 20 Il, la Pâque juive coïncidant avec la semaine sainte chrétienne. Ces der­nières années, Israël connaît en outre une impressionnante augmentation de touristes venant des Etats-Unis et de Russie, ainsi que l'émergence de nouveaux marchés comme le Bré­sil, l'Inde et la Corée du Sud. A Jérusalem, par exemple, des files entières d'autobus sont garées en haut du mont Scopus, à l'endroit où une magnifique vue panorami­que de la Ville Sainte s'offre aux regards émerveillés des touristes. Une cacophonie de langues étran­gères où quelques-unes prédomi­nent... Nombreux sont en effet les groupes de pèlerins ou de tou­ristes russes. La raison immédiate est simple: depuis 2008, ils n'ont plus besoin de visa pour entrer en Israël. Et les Russes comme les tou­ristes des autres pays du monde n'ont plus aussi peur de venir en Israël, et ce, grâce aux moyens de communication qui montrent que le pays est sûr et très largement visité. La sécurité est en effet un élément essentiel de la vie et de la croissance touristique dans cette région du monde. La politique est déjà moins importante dans les mentalités. Nombreux sont en effet les touristes qui n'ont pas la moindre idée de la politique du pays et viennent en passion­nés, en amateurs ou en curieux. Quant aux pèlerins, le plus souvent la réalité du monde israélien leur échappe : ils passent de lieux saints en lieux saints et ne connaissent de Tel Aviv que l'aé­roport ! Cependant, beaucoup de pèlerins et de touristes qui étaient déjà venus ou qui avaient une autre image d'Israël restent admiratifs devant le dynamisme économique et l'aména­gement moderne du pays.

Israël semble-t-il, n'a pas fini d'être passionnément aimé et passionnément critiqué ... En dépit de l'image et de la réputation internationale du pays qui bien souvent ont fait l’ob­jet de toutes sortes de passions, cette année 2010 restera surtout une année ayant connu un record touristique ex­ceptionnel.

HISTOIRE : TIBÉRIADE, UNE VILLE MÉCONNUE (1ère partie)

Jean-Marie Allafort

Sur la rive ouest du Kinne­reth aussi appelée Mer de Galilée, Tibériade fait figure d'une petite ville balnéaire quelque peu négligée pour le visiteur non averti. Cité antique du premier siècle de notre ère, troisième ville sainte du judaïsme, terre de mis­sion des communautés chrétiennes au 19ème siècle, l’histoire de Tibériade est riche en rebondissement. Cette ville israélienne de 40.000 habitants mérite d'être connue et parcourue.

Tibériade fut construite sur un site d'eaux chaudes médicinales qui témoignent de l'activité volcanique autour du lac. Tout naturellement de petits sanctuaires païens furent érigés en ce lieu et consacrés à des divinités guérisseuses. Si une légende raconte que le roi Salomon fut le premier constructeur d'un palais sur ce site, et qu'il aurait même donné l'ordre à des démons de lui chauffer son bain, sur le plan historique on s'accorde à penser que l'une des raisons de la naissance d'une cité précisément en ce lieu est liée aux célèbres eaux thermales. Une source rabbinique ancienne indique que Tibériade ne serait rien d'autre que l'antique ville biblique de Raqqat (Meguila 6a). Le Talmud va même jusqu'à évoquer la possibilité que ses murailles datent de l'époque de Jo­sué fils de Nun (Akhin 32b) lors de la conquête de Canaan par les Hébreux.

Naissance d'une cité romaine

Tibériade rappelle par son nom même, jusqu'à aujourd'hui, l'oc­cupation romaine dans cette région du monde à l'aube de l'ère chrétienne. Hérode Antipas, qui vient de se voir conférer par Auguste, le gouverne­ment de la Galilée occidentale, profite de la destruction partielle de Séphoris pour se donner une nouvelle capitale, à l'instar de son demi-frère Philippe qui règne sur la Galilée orientale. Hé­rode Antipas, fidèle héritier de son père Hérode le Grand, rêve d'une cité romaine digne de ce nom et du sien ! En 20 de notre ère, il entreprend des travaux de fondation de la cité qu'il dédie à l'empereur romain Tibère.

Au pied de la colline qui do­mine le lac, se déploie rapidement une ville magnifique et imposante avec son cardo, son forum, ses marchés, son théâtre et son port. Tibériade de­vint très vite un centre important de la Galilée. Flavius Josèphe raconte qu'Hérode fonda la ville de Tibériade «au bord de la mer de Génésareth non loin de sources d'eaux chaudes dans un bourg du nom de Hamatha « (Ant. Juives, 18, 36). L'historien du pre­mier siècle évoque, par allusion, les difficultés auxquelles Hérode a dû se confronter pour peupler sa nouvelle capitale tant la réticence des Juifs de Galilée, particulièrement religieux, à s'installer dans une ville aux carac­tères païens était grande. Josèphe ex­plique que pour favoriser la venue de la population locale, Hérode décida l'exemption d'impôts. De plus, il fit bâtir des maisons aux nouveaux rési­dents à ses propres frais et distribua gracieusement des droits de proprié­tés fonciers. Flavius donne la raison de ce boycott juif: «La ville de Ti­bériade était construite sur des tombes qui étaient nombreuses en cet endroit et qui avaient été déplacée» (idem, 18, 38). La profanation d'un cimetière et le risque de contracter une impureté rituelle liée à la mort, à l'époque où il était requis d'être en état de pureté pour participer au culte dans le Temple de Jérusalem, suffisaient amplement à provoquer la gronde. La popula­tion juive allait même jusqu'à refuser d'acheter dans ses marchés pourtant bien achalandés. Hérode, qui avait installé dans la ville des étrangers, des esclaves libérés et de gens de petite condition, obligea de force des Juifs à y résider. En 24, il fit frapper monnaie à la gloire de la nouvelle cité. D'un côté de la pièce on pouvait lire le nom de 'Tibériade', de l'autre: «Hérode le Tétrarque, an 24».

Le prince qui rêve d'être couronné roi (il n'est que tétrarque), entreprend un voyage à Rome. L'ex­pédition tourne à la confusion et l'ac­cession espérée au trône se change en déposition. L'empereur Caligula l’en­voie en exil en Gaule. En 39, la ville de Tibériade et sa province sont don­nées à l'un des petits-fils d'Hérode le Grand et de Marianne, Agrippa 1 er. A sa mort en mars 44, son fils Agrip­pa II, qui vit avec sa sœur Bérénice, s'installe dans la cité et embellit le palais royal. C'est sous son règne que Tibériade obtient le statut si prisé de Polis.

Fouilles récentes

A Tibériade les chantiers ar­chéologiques se multiplient. La Tibé­riade romaine et byzantine est située au sud de l'actuelle ville. Elle restera à cet emplacement jusqu'en 1033 où un tremblement provoquera sa des­truction totale. Les Croisés rebâtiront la ville plus au nord où se trouve ac­tuellement le centre-ville. Ces derniè­res années, à la faveur de nombreuses découvertes, la ville romaine renaît de ses cendres. Plus que jamais, les écrits de Flavius Josèphe s'avèrent précis et documentés. Le témoignage historique et l'archéologie se croisent et s'entrecroisent, même s'il reste en­core des zones d'ombre que nous évo­querons par la suite.

Non loin de l'hôtel Holiday Inn, près d'un immense parking aménagé ré­cemment pour les visiteurs, un parc d'attractions vient d'être aménagé. A quelques mètres de là, la porte monu­mentale sud de la Tibériade d'Hérode Antipas se révèle dans toute sa splen­deur. Flanquée de deux tours impo­santes, selon la description faite par Flavius, cette porte spacieuse s'ouvre sur une place rectangulaire de 800 mètres sur 400. De là, la rue princi­pale de la ville (le cardo maximus), dont le pavement est partiellement bien conservé, conduit au théâtre et aux bains publics. La porte, ses tours et ses dépendances sont construites en pierre de basalte, abondante autour du lac et utilisée jusqu'à nos jours. On comprend mieux en voyant cette por­te monumentale le texte du midrash : «Resh Lakish était assis et enseignait la Tora à la porte de Tibériade» (Midrah Hagadol, Bereshit, 25, 8).

Hérode Antipas fit bâtir trois portes dans sa capitale : une porte sud, la plus imposante, une autre à l'ouest et la dernière au nord. Dans les années 1970, la porte sud, située au pre­mier siècle à l'extérieur de la muraille, avait déjà été découverte. Suivant l'usage romain, elle n'avait qu'une fonction décorative. Une source juive fait référence à cette porte : «Rabbi Katzra et rabbi Eléazar se prome­naient sous la porte à l'extérieur de Tibériade ... » tTanhouma.Vayehi, 6). Une porte semblable sera construite également à Jérusalem, à l'extérieur de la ville, au début du 2ème siècle. Josèphe décrit en détail comment les habitants de Tibériade ne prirent pas les armes contre les Romains lors de la révolte juive de 67, et ce, malgré l'agitation d'une poignée «de sédi­tieux». Il donne quelques précisions intéressantes sur la muraille de la cité: « Le lendemain, Vespasien envoya Trajan avec des cavaliers sur la hau­teur voisine de la ville pour s'assu­rer si, dans le peuple, tout le monde avait des sentiments pacifiques. Ayant constaté que la multitude faisait cause commune avec les délégués, Vespasien rassemble son armée et marche vers la ville. La population lui en ouvrit les portes et s'avança à sa rencontre avec des acclamations l'appelant sauveur et bienfaiteur. Comme l'armée était gênée par l'étroitesse des avenues, Vespasien fit abattre une partie de la muraille située au midi et ouvrit ainsi à ses soldats un large passage. Toute­fois, par égard pour le roi, il défendit tout pillage et toute violence et, pour la même raison, laissa subsister les mu­railles de la ville, après qu'Agrippa se fût, pour l'avenir, porté garant de la fidélité des habitants. C'est ainsi qu'il recouvra cette ville, non sans qu'elle eût fort souffert par l'effet de la sédi­tion» (Guerre des Juifs, 3, 453).

Parmi les découvertes récen­tes à Tibériade, les vestiges du théâtre romain au pied du mont Bérénice et les bains publics de l'époque romaine sont parmi les plus significatives. El­les seront prochainement ouvertes aux visiteurs.

Les archéologues recherchent encore instamment deux bâtiments importants mentionnés par Flavius: le stade et le palais d'Hérode. Le stade de Tibéria­de est mentionné dans trois sources: la Vie de Josèphe, la Guerre des Juifs et le Talmud de Jérusalem. L'historien juif raconte que lors de la Grande Ré­volte, Vespasien fit rassembler dans ce stade 10.000 prisonniers de guerre. Quelques siècles plus tard, à l'époque talmudique le stade était encore de­bout à en croire le témoignage d'un ancien gladiateur devenu maître de la Loi, rabbi Shimon Ben Lakish. Selon ce texte, le stade devait se trouver à la périphérie de la ville puisque Lakish le prend comme point de repère pour fixer la longueur de marche autorisée le shabbat à Tibériade.

Le palais d'Hérode, sujet de la colère et sans doute de la convoi­tise des dirigeants juifs de Jérusalem, n'a pas non plus été identifié. Dans son autobiographie, Josèphe, qui était alors commandant en chef des troupes juives en Galilée raconte comment les prêtres de la Ville Sainte lui avaient demandé de détruire le palais d'Hé­rode, bastion de l'idolâtrie : des sta­tuts et des mosaïques représentant des animaux ornaient le fastueux palace. Flavuis écrit: «Je leur dis que j'avais été député de la ville de Jérusalem avec mes collègues pour leur expli­quer qu'il fallait démolir le palais si somptueux que le tétrarque Hérode avait fait bâtir, et où il avait fait pein­dre divers animaux, contre les défenses expresses de nos lois; qu'ainsi je les priais de nous permettre d'y travailler promptement. Capella et ceux de son parti ne pouvant se résoudre à la ruine d'un si bel ouvra­ge contestèrentfort longtemps. Mais enfin nous les portâmes à y consen­tir; et tandis que nous agitions cette affaire Yeshoua, fils de Saphias, sui­vi de quelques bateliers et de quel­ques autres Galiléens de sa nation, mit le feu au palais, dans l'espé­rance de s'y enrichir, parce qu'ils y voyaient des couvertures dorées ; et ils y pillèrent plusieurs choses contre notre gré» (La Vie de Josèphe 12, 65­67). Finalement, Flavius intervint per­sonnellement et arrêta le pillage. Le palais était riche de chandeliers à la Corinthienne et son plafond était d'or pur.

La soumission de Tibériade, composée de populations hétérocli­tes, à l'empereur Vespasien sauvera la ville de la destruction et lui conférera un statut particulier dont elle jouira de nombreux siècles. Prochainement, nous évoquerons l'installation du Sanhédrin au 3ème siècle ainsi que le développement d'écoles talmudiques dans cette cité d'origine païenne. Le symbole du paganisme se changera en centre spirituel du judaïsme.  A sui­vre ...

Léa Goldberg 40 ans après

I.C.

En faisant le lien entre les sentiments et le moment où ils sont vécus, une œuvre poétique est toujours en si­tuation. Aussi, tout en étant sémantiquement équipé pour exprimer les états d'âme les plus variés, l'ancien hébreu portait-il la marque de ses différentes époques. En disant: "Mon âme soupire et languit" (Psaume 84, 3), le Psalmiste exprimait adéquatement sa subjectivité, comme le faisait Ibn Gvirol [1020-1057] pour décrire les remous de son âme: "Je suis l’homme dont le cœur est effrayé de son pro­pre cœur." Ces aveux peuvent certes encore exprimer les préoccupations d'un esprit moderne, mais force est de re­connaître que les bouleversements historiques ont créé des conditions de vie menant à des déchirements que les an­ciens mots n'avaient pas envisagés. Que pourraient-ils dire de l'état dépressif dont parlait, en connaissance de cause, Dalia Rabikovitz : "Après cela, je suis devenue une poupée réparée!"

Tout en écrivant à l'époque héroïque du Sionisme, Léa Goldberg [1911-1970] n'a presque jamais dé­passé, dans sa poésie, les limites d'un horizon personnel. Cette option a peut-être contribué au caractère ori­ginal de son œuvre, au moment du renouveau de l'expression hébraïque. Dans un monde, où bien des voix ne manquaient pas d'assurance, la sien­ne se limitait à des confidences faites mezza-voce. Elle était bien placée pour savoir que le rôle de la culture ne consiste pas à paraître, mais à sou­lever éventuellement le coin du voile jeté sur une vie intérieure.

Léa Goldberg osa, au moment même des grandes montées en Israël, parler de la difficulté à s'arracher d'un endroit familier. Venue à Sion de sa lointaine Lituanie en 1935, elle évoquait, sans se départir de son attachement à sa nouvelle patrie, la douleur incontestable du déracinement: "De la vieille demeure, il me reste une vague nostal­gie". En assumant cette double appartenance, elle faisait entendre l'esseulement de son cœur, comme dans le livret "De mon ancienne maison ", inspiré par le trauma toujours présent à la charnière de générations souvent séparées dans des conditions imprévues.

Sans se borner à son horizon physique, le souve­nir de cet ancien monde ne négligeait pas sa configuration spirituelle. Dans cette perspective, elle publia en 1947 un poème intitulé: "Le fils égaré" où, portée par l'enthou­siasme, elle se permettait – en faisant des allusions aux préoccupations du moment – de modifier un tant soit peu la parabole évangélique de L'enfant prodigue. Plus intéres­sée par le déchirement intérieur du jeune homme que par la mansuétude du père, elle procédait à un remaniement du récit de Luc, non seulement en introduisant la figure de la mère mais en lui attribuant un rôle déterminant dans le dénouement du drame familial.

Une fois revenu des régions lointaines, où il s'était égaré, l'enfant rebelle ne se résout pas à franchir le seuil de la maison paternelle car, dit-il: « Les cieux en sont témoins, le péché colle à ma chair. Je retomberai dans la faute car je suis encore le fils égaré. "

Mais sa mère de le rassurer:

« Peu importe que tu sois juste ou mécréant,

Il suffit, mon fils, que tu sois revenu.

Lève-toi, mon fils. et re­çois de ton père,

La bénédiction de sa tendre colère. »

Le style direct et dépouillé de no­tre auteur ne manqua pas de frapper l'imaginaire de tout un peuple. Une fois mises en musique, plusieurs de ses poésies connurent un succès du­rable. Mais contrairement aux appa­rences, un chant comme: "Pays de ma naissance, avec son charme et sa misère!" ne parle pas d'une terre identifiable mais d'un pauvre pays qui n'existe nulle part. En fait, cette

région ne ressemble à aucune autre, mais le lecteur percep­tif ne tarde pas à saisir que son étrangeté est à situer tout simplement dans les régions de l'âme. Il appartient à un monde de légendes où l'initié peut découvrir les arcanes d'une langue où s'exprime l'attente d'une âme inapaisée. Léa Goldberg écrivait vers la fin de sa vie une poésie inti­tulée: "La réponse" qui se proposait d'envisager la ques­tion de savoir si la poésie avait encore sa place au 20ème siècle.

« Que faire des chevaux au 20éme siècle? Et des biches?

Et des lourdes pierres des collines de Jérusalem? »

Même si ses premières impressions n'avaient pas germé là, le lyrisme de sa plume montre à quel point elle s'était adaptée à cet endroit où la vue porte à l'infini. Loin de paraître périphériques, les intonations hébraïques de sa voix ont eu le don de passer les frontières en rappelant une origine où la réalité a toujours une portée universelle.

Le peuple avec le Golan, explosion démographique

Suzanne Millet

Le Golan, qui depuis mai dernier a connu pas moins de quatre incendies détruisant parcs nationaux et sites historiques, est très prisé des Israéliens. Le journal Maariv du 3 no­vembre 2010 titre, avec ce slogan qui fleurissait il y a quelques années sur les maisons et les voitures, un article sur l'augmentation galopante de la population au Golan.

Il y a quelques jours, une campagne a débuté pour proposer des terrains sur ce plateau du nord­est d'Israël. Dès les premières heures, le standard surchargé ne pouvait plus répondre à toutes les demandes de fa­milles (600 appels).

Dans les sept dernières années sa population a augmenté de 60%.

En 2000, le Conseil régional du Go­lan comptait 9500 habitants. Cette année, à la veille de cette campagne, on comptait 14 000 habitants. En cinq ans, Katzrin, la ville principale de cet­te région, a vu sa population passer de 6500 à 8000, et pour cette seule der­nière année 700 nouveaux habitants s'y sont installés.

Le responsable de l'inté­gration du Golan déclare fièrement: « Chez nous les familles reçoivent un terrain gratuit, la famille peut y construire une maison de 150 m2 avec un grand jardin et droit de propriété, pour 700 000 shekels seulement (120 000 euros).» Un couple déclare : «Nous avons longtemps cherché une maison de 180 m2. Arrivés ici, nous avons construit une maison de 250m2 plus deux chambres d'hôte dans la cour pour un prix global de 1,6 mil­lions de shekels (320 000 euros). C'est un rêve! ». Comme tous les nouveaux habitants du Golan, au dé­but ils craignaient un retrait éventuel du plateau bien qu'il n'y ait aucun pourparler entre Israël et la Syrie. «Aujourd'hui, disent-ils, cette idée ne nous effleure même plus. Avec cet élan de la construction, on sent que rien ne pourra nous reprendre cette terre. » Optimisme israélien: «Tout ira bien ».

Eli Malka, le président du Conseil régional du Golan explique: « Ces dernières années, nous avons mis en place des centaines de projets dans différents domaines : le tourisme s'est beaucoup développé et, en vue de l'accroissement de la population, nous avons construit des écoles ainsi que des dizaines de jardins d'enfants. Maintenant que nous sommes prêts à accueillir de nouvelles familles, nous avons décidé que le temps était arrivé pour lancer une nouvelle campagne.»

Shoa, le sens d’un mot

Michel Remaud

Le terme hébreu de shoa est aujourd'hui d'un usage commun pour désigner le génocide nazi. Ce mot est préférable à celui d'holocauste, dont l'emploi pour désigner le génocide est particulièrement inconvenant: l'holo­causte est en effet un sacrifice rituel, c'est-à-dire un acte liturgique l’ap­pellation très déplacée pour évoquer 1 'horreur de la « solution finale ».

Le terme de Shoa n'a pas été créé spécialement pour désigner le géno­cide. Il vient de la Bible, où il appa­raît treize fois. Beaucoup, sans doute, ne soupçonnent pas la présence de ce mot dans la lecture des traductions courantes ou dans la récitation des psaumes. Puisque ces références ne sont pas très nombreuses, il peut être utile d'en donner la liste: Isaïe 10,3 ; 47,11; Ézéchiel 38,9 ; Sophonie 1,15; Psaumes 35,8 (2 fois) ; 35,17 ; 63,10; Proverbes 1,27 ; 3,25 ; Job 30,3.14; 38,27.

Le dictionnaire hébreu d'Even-Shoshan donne pour ce mot des définitions correspondant au fran­çais ruine, destruction, anéantisse­ment. Les traductions françaises ex­priment la même idée, bien qu'avec beaucoup plus de nuances selon les contextes ... et selon les traducteurs. Osty traduit régulièrement shoa par « tourmente », sauf dans trois cas sur lesquels nous allons revenir, mais les traductions collectives utilisent un vo­cabulaire plus varié: « désastre» ou « tempête» pour la Traduction Œcumé­nique de la Bible, « calamité », « mal­heur», « désolation », « ruine », « ora­ge » «tempête», «attaque», « ravages » pour la Bible de Jérusalem. La Bible du rabbinat traduit par « catastrophe», « ruine », «désolation », « tempête », « ouragan», « désastre », « malheur ». Le lecteur curieux pourra compléter l'exercice en comparant avec d'autres versions. Dans les traductions de certains passages, le mot lui-même dispa­raît dans une périphrase. C'est le cas pour le Ps 63,10, dont une traduction littérale donnerait : « ceux qui cher­chent ma vie pour la shoa », et que la T.O.B. traduit par « ceux qui en veu­lent à ma vie ». Osty serre de plus près le texte en traduisant par « ceux qui en veulent à ma vie, pour la perdre ».

Dans trois cas (So 1,15 ; Job 30,3; 38,27), le mot est suivi de son synonyme meshoa, d'un usage rare, dans l'expression shoa u-meshoa, rendue dans la traduction d'Osty par « dévastation et désolation ». Dans le passage de Sophonie, ces termes sont associés au « Jour du Seigneur ».

Le mot hébreu de Shoa dési­gne donc généralement l'événement lui-même, sans en donner aucune in­terprétation. Certains passages sou­lignent le caractère brutal et inopiné avec lequel survient le désastre, par exemple en Ps 35,8, qui parle d' «une tourmente qu'ils ne prévoyaient pas» (Osty), ou encore Is 47,11, où la T.O.B. a malheureusement omis de traduire le «soudain» qui figure dans l'hébreu.

Question annexe : comment l'écrire? Après avoir utilisé plusieurs transcriptions, j'ai été convaincu par le bref article de Yohanan Elihai « Du bon usage du h final », dans la Revue biblique, 2008, pp. 613-615. L'auteur y explique pourquoi la mode du h fi­nal s'est répandue depuis quelques années, sous l'influence des transcriptions américaines, et montre qu'il n'y a pas plus de raisons de mettre un h à la fin de Shoa que d'écrire Sarah, Léah, Mishnah ou Haïfah.

Un souvenir d’Arsinoé

I.C.

Une pièce d'or des plus rares vient d'être décou­verte au cours de fouilles archéologiques poursuivies à Tel Qadesh près de Ramat Nephtali. Frappée à Alexandrie sous le règne de Ptolémée V en -191 cette pièce, merveilleusement conservée, porte le nom et l'effigie d'Arsinoé Philadelphos II, épouse de Ptolémée II. Il s'agit là de la pièce d'or la plus lourde - 27 grammes comparés aux 5 grammes habituels - et la plus ancienne, découverte jusqu'à présent en Israël.

Ptolémée II [-285 à -247] nommé: Philadelphos, autrement dit, Fraternel, épousa en second ma­riage sa propre sœur Arsinoé dont les traits viennent de nous être révélés par cette heureuse trouvaille. Cette flagrante violation des sentiments de la société grecque n'empêcha pas certains de ses successeurs de passer outre, sur ce point, à la censure publique. En -196, Ptolémée V [-210 à-181] fut déclaré majeur et roi en titre, au cours d'une céré­monie d'intronisation dont le sou­venir a été préservé dans la célèbre inscription de la Pierre de Rosette.

Cette dernière, écrite en trois lan­gues, hiéroglyphique, démotique et grecque, permit le déchiffrement de l'écriture égyptienne. La comparaison du langage démotique qui était la forme d'écriture cursive des hiéroglyphes avec le grec, permit à l'égyptologue Champollion de pénétrer les arcanes des inscriptions pharaoniques.

La pierre de Jérusalem, patrimoine de la Ville Sainte

Myriam Ambroselli

Fierté architecturale de la Ville Sainte, obligatoire pour toutes les façades depuis l'époque du man­dat britannique, la pierre de Jérusa­lem est la signature garante de l'uni­cité et de la préservation de la ville. Il ne s'agit pas seulement d'une préoc­cupation stylistique: l'histoire et l'ar­chéologie de la ville sont étroitement liées à l'extraction et à l'usage de la pierre de Jérusalem.

Immuable symbole d'éternité, la pierre véhicule depuis des siècles l'identité de la ville de Jérusalem en lui donnant un caractère unique dans tout le pays. Comment ne pas évoquer les pierres des Murailles, témoins des soubresauts de l’histoire, ou encore les pierres du Mur Occidental, vivants vestiges d'une prière millénaire ... Cette pierre de calcaire, pâle et lumi­neuse, est employée dans la construc­tion de la ville depuis les temps les plus anciens. De nombreuses carrières ont toujours existé à Jérusalem: bien avant le mandat britannique, la pierre était utilisée comme la pierre locale bon marché. L'étude des strates géo­logiques a révélé que la pierre se for­mait naturellement dans cette région depuis l'époque du Cénomanien (il ya a environ 95 millions d'années).

La ville de Jérusalem est née de ses propres pierres, blocs travaillés par ses habitants comme en témoigne les restes de nombreuses carrières de pierres près du Yemin Moshe, dans la vallée de la Géhenne ou encore là ou se trouve l'actuelle gare de bus de Jé­rusalem-Est et le « Garden Tomb » à l'extérieur de la porte de Damas.

Cette pierre aux multiples re­flets de couleurs allant du doré au rosé en passant pour la couleur sable ou blanc-crème, possède des caractéris­tiques exemplaires : elle se présente en minces couches de calcaire, faci­les à extraire et à travailler. En outre, elle durcit au contact de l'atmosphère devenant très résistante. Belle et dura­ble, lumineuse comme de l'or au cou­cher du soleil, la pierre de Jérusalem est devenue un élément de construc­tion des plus prisé, employée depuis l'Antiquité pour les bâtiments nobles ou publics comme en témoigne les restes du Palais d'Hérode à la porte de Jaffa, les murailles de Soliman le Magnifique ou plus tard 1’hôtel King David. Aujourd'hui, toutes les faça­des des maisons de la ville doivent en être recouvertes- y compris les toi­lettes publiques et les stations-services­ conformément à une loi propre à la Municipalité de Jérusalem. L'ordon­nance remonte à 1920, à l'époque du mandat britannique et du gouverne­ment de Sir Ronald Strorrs. Elle a été mise en vigueur avec le plan d'amé­nagement de Sir William Mac Lean, ingénieur de la ville.

Interviewé par le quotidien Haaretz le 15 octobre 2010, le géo­logue à la retraite Ithamar Euphrate est spécialisé dans les matériaux de construction de l'Israël Ancien, par­ticulièrement les différents types de pierres. La ville de Jérusalem, selon lui, est « enracinée dans des milliers d'années d'exploitation des carrières de pierres, pratique qui remonte aux premiers habitants de la cité ». La pierre est le patrimoine de Jérusalem, un patrimoine à protéger et à préser­ver. Ithamar en explique la réglemen­tation : « Généralement, l’exploita­tion des carrières de pierres est un processus mécanisé qui a lieu dans le désert pour lequel une autorisation est nécessaire. Vous pouvez obtenir une autorisation d'exploiter à condition de présenter un plan d'aménagement du territoire ». La pierre est protégée mais selon Ithamar, il s'agit en fait « d'une substance commune constituée de calcaire ou de roche sédimentaire carbonatée appelée dolomie, formée à partir les dépôts marins que l'on trouve naturellement dans cette région qui était sous la mer il y a quelques 90 millions d'années », Si pendant le mandat britannique les qualités esthé­tiques de la pierre de Jérusalem ont été appréciées, l'idée d'en faire l'élé­ment de construction indispensable de la ville existait déjà.

Ithamar rappelle comment les pre­miers Jérusalémites de l'histoire construisaient leurs maisons de cette même pierre qu'ils exploitaient à l'in­térieur de la ville employant le trou principal de la carrière comme une ci­terne pour recueillir l'eau de pluie. La pierre a aussi contribué à la richesse de la ville puisque les habitants n'ont pas eu besoin de transporter ou d'ex­porter des matériaux de construction.

« C'est une chance pour une ville que d'exploiter des carrières dans ses propres jardins» souligne Ithamar. Aujourd'hui, la pierre de Jérusa­lem est employée également dans le monde entier comme symbole de l'identité du peuple juif. Elle a été utilisée dans la construction de dif­férents centres de la communauté juive, à San José au Costa Rica par exemple, ou encore pour des écoles Juives ou de nombreuses synagogues aux Etats-Unis. Le Mémorial de 1’Holocauste à Miami est aussi tout entier construit en pierres de Jérusa­lem. Dans un autre style, une église pentecôtiste de Sao Paulo au Brésil a commandé 8 millions de pierres de Jérusalem pour construire la réplique du Temple de Salomon! Le syndrome de la pierre de Jérusalem est né ...

Immigration des derniers Falash Mura d’Ethiopie, Israël se mobilise

Antoinette Brémond

Depuis que, en juillet 2010, la ministre de l'Intégration, Sofa Land­ver, est revenue de son voyage en Ethiopie organisé pour « se faire une opinion personnelle» sur la situation de ces Falash Mura* groupés dans des camps de transit ... que s'est-il passé dans les coulisses de la Knesset? Quelle sera la décision du gouverne­ment? Que deviendront ces 8700 Fa­lash Mura qui attendent?

Le dimanche 14 novembre, lors de sa réunion hebdomadaire, le conseil des ministres a décidé de met­tre fin à cette attente, et de faire venir en Israël 7846 Falash Mura. Considé­rés comme ayant droit à l'immigration en Israël, 600 immigreront dans les prochains mois, puis 200 par mois sur une période de 3 ans. Les camps de transit de Congar seront alors dé­mantelés et le terrain restitué à la ville. Cela marquera la fin de l'immigration des Juifs d'Ethiopie. Toute personne désirant plus tard monter en Israël de­vra suivre le processus habituel des Juifs du monde entier.

« Nous avons le devoir moral, en tant que Juifs et peuple d'Israël, de trouver une solution à ce problème» a déclaré le Premier ministre au cours de la réunion gouvernementale. Le rabbin Shlomo Amar, grand rabbin sépharade d'Israël, a pour sa part approuvé la liste des Falash Mura. Le directeur général du Département de l'Immigration et de l'Intégration à l'Agence Juive a déclaré qu'il fallait saisir cette occasion exceptionnelle et régler une fois pour toutes cette ques­tion. C'est l'Agence Juive qui assure­ra le financement de cette immigration pour un montant total de 7 millions de dollars.

Déjà à Congar, les 7846 Fa­lash Mura désignés devront suivre des cours intensifs sur le judaïsme et, à leur arrivée en Israël, se plier aux exi­gences du rabbinat.

La décision est historique et courageuse, le gouvernement mesure également l'enjeu posé par ces nouveaux arrivés et leur intégration. «Sommes-nous prêts à les accueillir ?» se demande l'éditorialiste du Jérusa­lem Post du 17 novembre. Le centre d'Intégration de l'Agence Juive s'oc­cupera du logement et de l'éducation, le ministère de l'Intégration fera éga­lement sa part. De nombreuses asso­ciations israéliennes et étrangères sont également prêtes à s'impliquer pour que ces Ethiopiens des montagnes s'intègrent à la société israélienne du 21 ème siècle.

Mais cela ne suffit pas pour faire face aux nombreux problèmes d'ordre social et éducatif qu'ont ren­contrés ceux qui les ont précédés. Ac­tuellement une proportion importante de cette communauté vit encore dans la pauvreté. Environ 50 000 Israéliens d'origine éthiopienne sont assistés pas les services sociaux. Les problèmes dus à la différence de culture et à la discrimination raciale sont loin d'être résolus. Il faudrait aussi parler des Is­raéliens d'origine éthiopienne ayant des diplômes et n'arrivant souvent pas à trouver leur place dans la société.

Comment améliorer l'immigration de ces nouveaux arrivants en tenant compte des erreurs du passé ? Depuis des années, le ministère de l'Intégra­tion propose d'allouer une somme importante qui règlerait le problème. En février 2008, la somme proposée de 800 millions de shekels (160 00 euros) fut approuvée. Mais, l'année suivante, le ministre des Finances décida de partager cette somme avec d'autres ministères. Ce serait le mo­ment de reprendre cette décision de 2008 permettant d'améliorer l' assis­tance sociale, de créer de nouveaux projets d'éducation et d'attribuer une aide financière aux jeunes familles éthiopiennes désirant acheter un ap­partement.

Il faudrait aussi que la com­munauté juive internationale se mo­bilise pour contribuer à la réussite de ce projet, offrant peut-être jusqu'à la moitié de la somme nécessaire pour que cette dernière aliya soit plus «brillante» que les précédentes.

Une immigration déjà intégrée

Même si, comme le dit l'édi­torialiste, un pourcentage important de cette communauté vit dans une situation très précaire et si beaucoup ne se sont pas intégrés à la société is­raélienne, il faut aussi parler de tous ceux qui sont devenus de véritables Israéliens, fondant des familles, ayant réussi une formation professionnelle et s'étant intégrés dans le monde du travail.

Sur les 120 000 Israéliens éthiopiens, beaucoup sont nés en Is­raël dans des familles qui se sont créées ici. Ils ont été au jardin d'en­fants, dans les écoles et collèges, parfois à l'université, et à l'armée. Ils préfèrent 1 'hébreu à l'amharique. Ils ne connaissent l'Ethiopie que par des vidéos ou les récits des parents ou grands-parents. Sont-ils Israéliens? Sont-ils Ethiopiens ? Double réalité pas forcément facile à vivre ... ici.

* D'origine juive, convertis au chris­tianisme il y a plus de cent ans, ces Ethiopiens nommés Falash Mura dé­sirent leurs racines juives.

Etude:

Les quatre espèces de Soukkot

Les ramifications d’une symbolique

I.C.

Aux ler et 2ème siècles, la population d'Israël se souleva à deux reprises contre les Romains dont l'admi­nistration vétilleuse dénotait un manque d'égard pour la sensibilité locale. Eclatant soudain en 66, la première révolte se termina par la chute de la position fortifiée de Masada en 73. Sur cet éperon rocheux des bords de la Mer morte, près de mille assiégés préférèrent se donner la mort plutôt que de se soumettre à l'étranger, dans un acte désespéré qui fit dire à l'un des centurions présents: "Aujourd'hui, la terre et le peuple sont devenus un !" Face à une force de 60.000 légionnaires, les combattants juifs, inférieurs en nombre, avaient toujours été handicapés par des querelles intestines. Unis dans la haine du Romain, ils restaient incurablement divi­sés par des idéologies différentes, voire antagoniques. Après avoir liquidé les nids de résistance en Galilée, les légions de Vespasien écumèrent le pays afin d'iso­ler Jérusalem où s'étaient réfugiés des gens venus des villages environnants. Puis, ayant pris le commandement de l'armée, à la place de son père Vespa­sien qui venait d'être acclamé empereur, Titus encercla Jérusalem avec trois lé­gions, au printemps de l'an 70. Ce tour­nant des opérations allait être fatal aux Juifs, d'autant que des factions rivales se livraient des combats sans merci dans la Ville investie. Dans chaque camp, on n'hésitait pas à supprimer les opposants et à détruire les réserves de vivres qui auraient permis de soutenir un siège pro­longé.

A ce moment critique, on frappa de nouvelles pièces de monnaie où étaient gravées les "quatre espèces" de Soukkot, à savoir, la branche de pal­mier, le cédrat, les trois brindilles de myrte et les deux branches de saule. Les motivations d'un tel choix ne se limitaient pas à la signification religieuse de ces plantes, car elles revêtaient plus que jamais, dans cette nouvelle conjoncture, une connotation militaire inspirée du psycho­drame qui se renouvelait chaque année, au moment de la Fête, sur l'esplanade du Temple.

Cette cérémonie était évoquée dans le Psaume 118 qui en décrivait chaque élément. On pouvait y voir la re­présentation cultuelle du combat où Dieu assurait la dé­fense de son peuple. La victoire présumée était accueillie par des cris de joie et de reconnaissance en évoquant l'Al­liance de Dieu avec Israël. Au premier jour de la Fête de Soukkot, des foules, venues de partout, se pressaient aux portes du Temple en agitant les quatre plantes, tout en réci­tant le Hallel Egyptien [psaumes 113 à 118].

Selon les Sa­ges, les "quatre es­pèces" symbolisaient des armes destinées à se prémunir contre les forces du mal. Certains allèrent même jusqu'à voir, dans chacun de ces quatre éléments, le symbole d'un empire. Le cédrat pour Baby­lone, la branche de pal­mier pour le royaume de Médie, les brindilles de myrte pour la Grèce, et les branches de saule pour Edom. Il semble que ce rituel s'inscrivait dans le cadre de réformes cultuelles et sociales instaurées en Juda sous le règne d'Ezéchias [-716 à-687].

La célébration commençait par un hymne d'action de grâces chanté sur le Parvis des Gentils : "Louez YHWH car Il est bon" [Psaume 118,1]. En agitant les différentes branches, on simulait un esprit de combat: "Dans un mo­ment difficile, j'ai appelé Yah" [Psaume 118,5]. Puis venait la description du combat: "Toutes les nations m'ont encer­clé, au nom de YHWH, je les sabre." [Psaume 118,10-12]. Après avoir mimé cet affrontement, on exultait d'allégres­se: "Clameur de joie et de salut dans la tente des justes, la Droite de YHWH afait merveille" [Psaume 118,15].

Les participants faisaient ensuite le tour de l'autel des sacrifices conformément à l'injonction: "Formez un cercle avec les branches en main jusqu'aux cornes de l'autel" [Psaume 118,27]. Al' époque du 2ème Temple, les hommes, munis des "quatre espèces", s'approchaient du lieu des offrandes, car durant la Fête de Soukkot, ils étaient exceptionnellement autorisés à entrer dans le parvis des prêtres où se trouvait l'autel.

Parvenus à la quatrième année de la grande révolte, les gens de Jérusalem n'avaient plus besoin d'évoquer les ennemis du passé. L'armée romaine était aux portes. Les pièces de monnaie, représentant les "quatre espèces" avec la mention: "Pour le salut de Sion", étaient bien en circu­lation, mais le recours à la branche de palmier et au cédrat n'assura pas la délivrance de la Ville. En l'an 70, Titus mit la Cité de David à sac et laissa brûler le Temple. La Judée, en partie dépeuplée du fait d'une déportation massive en Italie, devint une province administrée par un gouverneur de rang prétorien.

La volonté de se libérer du joug de Rome, provo­qua une nouvelle révolte inspirée par Bar Kochva, autrement dit, le Fils de l'Etoile, un titre messianique qui répondait aux attentes du moment car, loin d'avoir dis­paru, l'espoir d'une délivran­ce n'avait fait que s'affirmer depuis la destruction du Tem­ple en 70. Plus connu sous le nom de Simon le Prince, cet homme de guerre avait le don de galvaniser des foules travaillées par une attente, d'autant que l'entrée dans la 7 ème décennie depuis la perte du Sanctuaire semblait justifier ce sursaut d'espoir. On ne pouvait oublier en ef­fet qu'un laps de temps de 70 ans s'était également écoulé entre la ruine du 1er Temple en -587 et l'érection du se­cond..

Survenue en 132 la révolte dura trois ans et demi sous l'égide de Simon dont le nom figure sur des pièces de monnaie où l'on trouve des indications sur l'état d'esprit des insurgés. On y voit, en effet, des symboles liés au culte du Temple et des inscriptions exaltant "La rédemption d'Israël" et "La liberté de Jérusalem". Soucieux d'exalter l'imagination des combattants, les chefs rebelles mirent de nouveau en circulation des pièces de monnaie où les "quatre espèces" faisaient, cette fois, penser à des armes. La branche de palmier ressemblait à un long glaive, les branches de myrte et de saule, à des poignards incurvés, autant de détails qui en disaient long sur les dispositions des meneurs du mouvement.

Au terme d'une lutte inégale, la garnison de Béthar, sise à l'ouest de Jérusalem, finit par succomber, mal­gré la présence dans ses rangs du chef charismatique. La révolte se solda par des centaines de milliers de victimes juives, une saignée qui bouleversa la composition ethnique du pays. Les sources rabbiniques font également état de nombreuses restrictions des droits civils imposées par le vainqueur à une population qu'il entourait de sa morgue en la prenant pour une survivance résiduelle. Outre qu'il en­tendait punir une nation insurgée, ces mesures de rétorsion visaient à détourner à tout jamais les habitants de l'Empire de ce culte oriental qui avait conservé, en dépit de la des­truction du Temple, tout son pouvoir de fascination. Com­me un tel climat d'oppression accroissait le danger d'une émigration en masse, les Sages s'empressèrent de formu­ler les obligations des Juifs concernant le peuplement de la terre d'Israël.

Patriote fervent, Rabbi Akiva [45-135] avait en­gagé son prestige de héros spirituel en conférant à Bar Ko­chva le titre de Messie. Mais, selon le Talmud, d'autres Sages s'étaient montrés réticents en prévenant Akiva que, malgré sa fougue, ce leader populaire pourrait bien être un leurre et mener finalement à une déconvenue. Les faits ayant confirmé cette sombre prémonition (Taanit 4 -5,8), les opposants du leader fourvoyé lui collèrent le titre de Bar Koziva, autrement dit, le 'Fils de l'imposture'.

Bien vite, les pièces de monnaie utilisées au cours de la révolte disparurent au profit de celles que l'occupant ne tarda pas à mettre en circulation. Telle, cette pièce de bronze frappée en 71, sous le principat de Vespasien. Re­présentant un soldat romain montant la garde près d'une femme assise à l'ombre d'un palmier, elle portait l'inscrip­tion : "Judaea capta", autrement dit, "La Judée soumise". Depuis l'échec de cette rébellion contre les Romains, on n'est jamais revenu sur la signification guerrière des sym­boles propres à Soukkot. Aussi, l'idée de combat autrefois impliquée dans le rituel de cette Fête est-elle tombée en désuétude.

Le heurt de deux conceptions du monde avait exa­cerbé un conflit idéologique qui ne serait pas le dernier. Après s'être octroyé le titre d'Auguste, en raison de ses connotations religieuses, le deuxième César s'empressa de répandre la doctrine selon laquelle il était le leader, provi­dentiellement choisi, d'un peuple élu qui devait répondre à l'appel d'une destinée particulière. De son côté, l' entou­rage d'Octave Auguste élabora la charte d'un Empire dont le rôle était défini sous forme d'un credo bien articulé. L'Histoire se déroulait selon un plan divin où la destinée de Rome tenait un rôle clé. Se prenant pour la plaque tour­nante de l'univers, il lui revenait de pacifier le monde en vue de le civiliser.

Contrairement à cette vue conquérante, Israël s'at­tachait au précepte: Shema Israel, "Ecoute Israël !". Il suivait la voie envisagée, peu avant l'exil, par les réformes de Josias, roi de Juda. Clairement exprimées dans le Deu­téronome, celles-ci prônaient la centralité d'un sanctuaire unique. Reposant sur le primat de l'autorité religieuse, une telle perspective impliquait un état de séparation - unique à cette époque - entre le pouvoir temporel et spirituel. Le roi d'Israël ne jouait pas le rôle d'intermédiaire entre Dieu et le peuple car cette fonction était réservée aux prophè­tes qui rappelaient sans cesse la prééminence de leur pro­pre autorité. La classe sacerdotale étant soumise, comme tout le monde, à l'autorité de la Tora, le Grand prêtre était considéré comme un ministre et pouvait, en cas de pré­varication, être déchu de ses fonctions. Cette référence constante à la Loi divine tendait à conférer à Israël une âme collective qui ne dépendait pas exclusivement d'un roi et d'un territoire, aussi la privation de l'un et l'autre n'allait-elle pas provoquer la perte de la conscience natio­nale.

Dieu envoie parfois un homme pour apprendre aux autres à souffrir en silence de la dureté du monde. Cette fois, l'être providentiel fut le Rabbin Yohanan ben Zakkaï qui, loin de verser dans le pessimisme, rassembla à Yavné un groupe de disciples dans le but de transformer une souveraineté en un mode de vie basé sur l'étude des Ecritures. Sans remettre ses pas sur d'anciennes traces, il entendait rappeler, dans ce retour aux sources, que le sens de l'origine est l'une des conditions de la survie juive. Ses continuateurs arrivèrent à établir, surtout après la révolte de Bar Kochva, une autorité paragouvernementale dans le cadre même de l'empire romain. En rappelant les points incandescents du passé, ils donnaient des instructions, en­voyaient aux communautés isolées des émissaires chargés de transmettre leurs décisions et de collecter des fonds. Comme quoi, un peuple vaincu est toujours un peuple fort, moralement tout au moins.

Conçu in extremis dans les ruines de Jérusalem, 1 'humble idéal d'une fraternité spirituelle, indépendante des frontières nationales, se voyait promis à un grand ave­nir, en aidant une nation écrasée à conjurer les périls d'une histoire qui n'avait pas dit son dernier mot. S'abstenant de désespérer, on se souviendrait toujours que le mot 'Terre' [Héb. : Eretz] rappelait par assonance le mot Ratzon qui désignait, non pas 'la volonté de puissance', mais 'le bon vouloir'. Murmuré dans l'exil le plus lointain par un peu­ple qui fut meurtri et le serait sans doute encore, le mot Eretz viendrait toujours rappeler cette origine et cette in­tentionnalité.

Flashes d'espoir:

Match de foot spontané entre Palestiniens et Israéliens à Hébron

Jean-Marie Allafort

Hébron est sans aucun doute l'une des villes où la tension entre Palestiniens et Israéliens est la plus sensible. Les affrontements perpé­tuels entre les deux populations ne se comptent plus. Pourtant hier, un instant de fraternité spontanée entre des jeunes palestiniens et israéliens est venu contredire les certitudes. L'entente est-elle vraiment impossible dans cette ville sainte aussi bien pour les Juifs que les musulmans?

Près de 10 000 Is­raéliens se sont rendus ce samedi à Hébron à l' occasion de la lecture du texte du livre de la Genèse qui raconte comment Abraham acheta en ce lieu un terrain pour enterrer sa femme Sara. Comme chaque année, pour cet événement, un important dispositif de sécurité avait été mis en place. Mais pour la premiè­re fois depuis longtemps, la liberté de circulation pour les Palestiniens dans le quartier la «Casba» n'avait pas été limitée et les échoppes sont restées ouvertes toute la journée. A la surprise des habitants arabes, des Juifs sont même venus visiter le quartier. Lors de cette tournée, des jeunes juifs se sont joints spontanément à une partie de foot faite entre jeunes palestiniens.

Très vite d'autres sont venus les rejoin­dre et la nouvelle d'un match entre Israéliens et Palestiniens, au cœur des quartiers les plus tendus de la ville, s'est répandue comme une trainée de poudre. Des deux côtés du trottoir, les supporters des deux camps, y compris des soldats de Tsahal, ont savouré le spectacle. Terminons en rap­pelant que le nom «Hébron» à la même racine en hébreu que le mot «Haver» qui veut dire ami. Hébron, ville de l'amitié?

"Ma fille s’appellera Sara"

Yohanan Elihaï

Le bureau du Ministère de l'Intérieur en Vieille Ville est connu comme le lieu des frictions et rancœurs entre les habitants de Jérusalem-est et les auto­rités. Justement là s'est développée une amitié inattendue et émouvante entre Souhaila Zaro et une fonction­naire de ce bureau, Sara Argaman, au point que Souheila a décidé d'appeler une de ses filles, née récemment, du nom de Sara.

"J'en ai décidé ainsi à cause de la patience et la délicatesse de Sara et de toute l'aide qu'elle nous a appor­tée", a expliqué Souheila. Son mari venu du côté palestinien séjourne en Israël avec un permis à renouveler régulièrement. Souheila raconte que Sara les a aidés de façon exceptionnel­le, s'intéressant aux détails personnels de chacun "Pour nous elle a été une vraie bénédiction." A noter que leurs rapports se passent en arabe. Sara témoigne : "La décision de Souheila (d'appeler sa fille Sara) m'a beaucoup touchée, et cette reconnaissance me pousse à continuer de plus belle mes efforts quand je vais au travail chaque matin." La directrice du bureau ajou­te: "Ce geste montre que nos efforts pour améliorer les relations portent leurs fruits."

Cela arrive, comme bien d'autres "petits" faits. On peut comprendre que ce genre de nouvelles n'arrive jamais jusqu'à la presse.

Chant du mois:

Ma maison est ta maison

Yohanan Elihaï

Quand des personnalités connues du paysage israélien se mobilisent pour soutenir les enfants de travailleur étrangers, nés et grandis ici et menacés d'expulsion.

Parmi eux, des speakers vétérans et autres acteurs de la télé et des députés très connus, chantent ensemble, avec u chœur d'enfants d'immigrés, avec un enthousiasme et des sourires sympas ; ils alternent, chacun son couplet: "Ma maison est ta maison".

Quand le gouvernement chante faux, quelqu'un doit dire d'une voix claire et forte:

Sur la grand' place se rencontrent un petit chinois, une fillette turque,

un bout d'chou nigérien, une jolie moldavette, ils jouent là comme les enfants du quartier,

à cache-cache, à médecin-malade, à sauter, à courir, sans titre sans honneur sans argent,

et voici que les rejoint une népalaise fluette dont le rêve est de servir dans l'armée.

Les parents ne parlent pas tous la même langue, mais tous connaissent les mêmes brimades ;

ils crieraient s'ils avaient de la voix,

ils se sauveraient s'ils savaient où aller,

ils se font petits pour que personne ne sache que là est leur maison, même si c'est clandestin.

Et toi si tu ne t'avances pas, tu ne regardes pas, ils seront tous expulsés et avec eux l'avenir,

car ce n'est pas seulement leur maison

qui s'écroule dans ce pays,

C'est ma maison, c'est ta maison.

Car ma maison est ta maison !

Qui est né en Israël est israélien,

Ni étranger ni je n'sais quoi,

Je veux vivre dans un pays

qui ouvre ses portes aux réfugiés,

– pas comme l'Europe a fait à nos parents ­

Je ne veux pas me sentir comme un peuple qui fait du commerce d'êtres humains.

Nous sommes tous des immigrés

et des fils d'immigrés,

et ces enfants resteront ici pour toujours.

"Je n'ai pas d'autre pays" *

eux non plus n'ont pas d'autre pays.

Les enfants ! vous êtes ici chez vous, et pour toujours.

Hou hou hou hou hou  – Hou hou - hou - hou !

* Titre d'un chant connu.

Ces enfants nés en Israël ne connaissent pas d'autre pays et ne parlent qu 'hébreu

Humour en finale

Et 1’humour en finale

Dans un jardin public, disons: en Israël (ce pourrait être ailleurs), assis sur un banc, trois Juifs. L'un d'eux dit :

« Ouïe ouïe ouïe, ouïe ouïe ouïe ouïe ! »

A côté de lui se tenant la tête le deuxième bredouille: « Oh là là, oh là là là là ... »

Le troisième s'exclame:

« Ah ça va ! Arrêtez de parler politique! »