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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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No 19 - Décembre 2004

Sommaire :

  • Editorial
  • Dossier : - le dossier Arafat

- décès du leader palestinien 

  • Histoire : la guerre du Liban
  • Un vieux quartier de la nouvelle ville
  • Les 7 espèces
  • Ombres et lumières
  • Nouvelles au fil du mois…
  • Chant du mois et l’humour

 

Editorial

Avec le plan de séparation unilatérale de Sharon et la disparition de Yasser Arafat, notre région est à un tournant de son histoire. Israéliens et Palestiniens peuvent saisir ou non les opportunités nouvelles qui se présentent à eux mais rien n’est gagné d’avance. Les problèmes de fond restent identiques même si l’atmosphère a sensiblement évolué.

Le nouveau chef du Fatah, Mahmoud Abbas, est un homme pragmatique. S’il réussit à emporter les élections, il pourrait bien être celui qui, avec Sharon, fasse avancer la paix. Mahmoud Abbas est un homme de transition. Avancé  en âge et jouissant d’une faible popularité, il ne peut se permettre d’être l’homme des grandes concessions. De plus, les élections ne sont pas jouées d’avance et la candidature de Marwan Barghouti pourrait bien venir brouiller les cartes. Une chose est sûre : les Palestiniens sont fatigués de l’Intifada et la trêve proposée par le Hamas ces derniers jours manifeste une volonté de marquer au moins une pause dans la lutte armée. Ce n’est peut-être que provisoire mais c’est toujours bon à prendre.

Du côté israélien, le jeu des alliances politiques pourrait compliquer la mise en application du plan de séparation unilatérale. Après la démission des ministres du parti Shinouï, qui ont refusé de voter le budget de 2005, le gouvernement n’est composé que du Likoud. Avec seulement 40 députés, dont la moitié s’oppose à l’évacuation de la Bande de Gaza, Sharon n’a plus de majorité à la Knesset et n’a aucune chance de poursuivre sa politique à moins qu’il ne forme un gouvernement d’union nationale avec le parti travailliste et les religieux. Sharon a obtenu de son parti le feu vert pour la formation d’un tel gouvernement qui ne pourra tenir que dans la mesure où les tensions internes, aussi bien au Likoud que chez les travaillistes, seront apaisées. De nouvelles élections seraient bien entendu superflues surtout si l’on en croit les sondages qui donnent à nouveau la victoire à Ariel Sharon. Shimon Pères, quant à lui, l’emporte sur les éventuels candidats qui voudraient le remplacer à la tête du parti travailliste, y compris Ehud Barak qui a annoncé son retour sur la scène politique. Les Israéliens se méfient des « jeunes » et préfèrent encore confier leur destinée aux « vieux ». 

Si l’espoir renaît pour notre région, la prudence s’impose. La paix n’est pas encore pour demain, elle prendra du temps. La paix s’est un peu comme les bougies de Hanouka : chaque jour, en allumant une bougie supplémentaire,  la lumière prend le pas sur l’obscurité. C’est un processus qui requiert du temps et surtout de la persévérance : il faut répéter le même geste avec fidélité pendant 8 jours à la tombée de la nuit. C’est aussi un peu le mystère de Noël : un enfant dans la nuit, signe d’une paix qui est toujours à venir et qui n’est pas facile à discerner. Notre bulletin essaie de se faire l’écho de tous ces pas vers la paix tout en faisant honneur à la vérité et avec lucidité. Un lecteur nous écrivait : « Vos articles sont porteurs de paix. Nous les répercutons selon nos discussions oralement ou parfois en les imprimant. De toutes façons ils nous amènent à réfléchir le plus objectivement possible et tiennent en éveil une recherche de discernement qui essaie de transcender les jugements émotionnels et passionnels qu’amène toute guerre. » Avec vous, nous essayons de persévérer dans cette voix. Bonnes fêtes de Noël et de fin d’année.

                                                                                                               Jean-Marie Allafort

Dossier du mois

Le dossier Arafat

Le jugement sur la personne et l’action de Yasser Arafat appartient désormais aux historiens. Il faut souhaiter qu’ils n’oublient pas dans leur bibliographie le livre de Karin Calvo-Goller et Michel A. Calvo Le dossier Arafat (Paris, Albin-Michel 2004).

Les deux auteurs sont docteurs en droit des organisations et des relations économiques internationales. Karin Calvo-Goller est avocate au barreau d’Israël, maître de conférences au collège académique de droit et chargée de cours à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Michel A. Calvo, ancien avocat au barreau de Paris, est avocat au barreau d’Israël et membre de la cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale.

Sans passion, documents à l’appui, ils nous présentent dans ce livre (écrit avant le décès du président de l’Autorité palestinienne) un dossier dont le but est de montrer que Yasser Arafat est personnellement responsable du terrorisme dont est victime la population israélienne. On peut ne pas partager les options politiques des auteurs : le lecteur ne manquera pas de remarquer que le livre ne fait pas de distinction, parmi les victimes, entre les Israéliens qui vivent dans des implantations isolées et ceux qui résident à l’intérieur des frontières de l’État d’Israël. Mais on ne peut contester les chiffres, enregistrements de déclarations et photocopies de documents sur lesquels l’ouvrage est construit.

Un premier chapitre, intitulé « une chronologie révélatrice », examine le calendrier des actes terroristes commis contre des civils israéliens.

« De 1978 aux accords d’Oslo signés le 13 septembre 1993, 254 personnes ont été tuées. Depuis les accords d’Oslo, du 13 septembre 1993 au 28 septembre 2000, soit en sept ans, 256 personnes ont été tuées. Du 29 septembre 2000 au 8 octobre 2003, soit en trois ans, 892 personnes ont été assassinées et 5 944 blessées, pendant la période du processus de paix. Le nombre de victimes d’attentats a été multiplié par 3,6 pendant les sept années qui ont suivi la signature des accords d’Oslo ; les dernières années ce nombre a été multiplié par 30. » (p. 11).

L’étude attentive de cette chronologie montre qu’il existe une corrélation étroite entre le calendrier des attentats et celui des négociations politiques menées avec les gouvernements israéliens ou celui des échéances électorales israéliennes : les principales vagues d’attentats se situent en février et mars 1996, pour écarter Shimon Pérès du pouvoir et faire élire un Premier Ministre de droite, Binyamin Netanyahu ; en décembre 2000 et Janvier 2001, pour faire élire Ariel Sharon ; en janvier 2003, pour faire élire une majorité de droite à la Knesset et mettre fin à toute possibilité de gouvernement de coalition avec le parti travailliste. À l’inverse, les attentats cessent lorsque cela convient à l’autorité palestinienne ; par exemple pour permettre la signature des accords sur l’autonomie de Gaza et de Jéricho, ou à l’approche des négociations de Wye River.

En novembre 2000, le gouvernement d’Ehud Barak publie un livre bleu sur la mauvaise foi de l’Autorité palestinienne (Palestinian Authority and PLO Non-Compliance. A record of Bad Faith). La pression de l’administration américaine interdit que ce document soit distribué à la presse et au public.

Ce n’est pas sans effort que le lecteur parvient à la fin du chapitre 2, intitulé « Écouter la voix des victimes ». Il faut pourtant s’interdire de sauter ces descriptions insoutenables des blessés qui devront terminer leurs jours avec, dans leur corps, des boulons, des éclats de verre, des clous ou des bouts de ferraille, puisque les explosifs avec lesquels les terroristes suicidaires se font sauter sont enrobés de ces objets, que la chirurgie ne parvient pas toujours à extraire. Ils sont aujourd’hui des milliers en Israël qui sont condamnés pour toujours à une vie diminuée physiquement et mentalement. Il faut entendre les témoignages des victimes et surtout ceux de leurs proches (les victimes étant souvent enfermées dans le mutisme), et ceux des témoins qui resteront hantés toute leur vie par le souvenir des explosions, des cris, des odeurs de chair brûlée et du spectacle des corps déchiquetés. Certains sont réveillés la nuit par des explosions qu’ils ont cru entendre, et sortent même pour porter secours aux victimes d’un attentat qui n’a eu lieu que dans leur imagination désormais hallucinée. Tous n’auront pas la chance de cette femme qui arrive à l’hôpital en tenant à la main son œil dont le nerf optique, heureusement, n’a pas été sectionné, et qui attend patiemment qu’on ait le temps de s’occuper d’elle. Elle retrouvera l’usage de ses deux yeux. Mais que dire après avoir lu le témoignage de cette jeune femme dont le bébé de 10 mois a été tué dans ses bras, d’une balle dans la tête, par un tireur armé d’un fusil à lunette ?

Le troisième chapitre est consacré à « la préparation psychologique des palestiniens ». Il rapporte un abondant florilège de sermons du vendredi particulièrement révélateurs, dont on ne peut citer ici que quelques échantillons. « Ô bien-aimés, nous devons être certains que la victoire viendra. Honte et remords pour qui s’est abstenu de faire des raids [contre l’ennemi] ou qui s’est abstenu de prêcher de faire des raids. Honte et remords à quiconque s’est abstenu d’élever ses enfants dans le djihad. […] Bénédictions à celui qui a mis une ceinture d’explosifs sur son corps ou sur le corps de son fils et s’est jeté au milieu des Juifs en criant : “Dieu est grand, remerciez Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et Mahomet est son messager”. » (p. 55). « Ô amants d’Allah ! Nous devons l’affirmer clairement : il n’y a aucune différence entre les forces nationales et les forces islamiques. Nous agissons tous pour Allah. […] Dans quelques années, avec l’aide d’Allah, nous entrerons à Jérusalem en conquérants, à Jaffa en conquérants. À Haïfa en conquérants, à Ashkelon en conquérants. […] Béni soit celui qui a mis une balle de côté pour la tirer dans la tête d’un Juif. » (pp. 57-58). « Nous contrôlerons la terre du Vatican ; nous contrôlerons Rome et nous y introduirons l’islam. » (p. 67).

Ce n’est pas seulement à la mosquée, mais aussi et d’abord à l’école que les esprits sont préparés et entraînés en permanence à la haine du Juif. Ce chapitre traite longuement des manuels scolaires palestiniens, qui ont déjà fait l’objet d’un dossier dans le présent bulletin (cf. Un écho d’Israël, n° 12, janvier 2004). Les manuels scolaires et les livres du maître publiés sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne à la suite des accords d’Oslo, en remplacement de ceux qui étaient précédemment contrôlés par l’administration israélienne, visent à inculquer aux enfants, non seulement l’illégitimité de l’État d’Israël et la nécessité de débarrasser de toute présence juive tout le territoire qui s’étend de la Méditerranée au Jourdain, mais aussi le culte de la mort et l’exaltation du « martyre ». Les écoliers palestiniens doivent être fiers de penser que quand ils seront grands, ils iront eux aussi se faire sauter comme leurs grands frères pour tuer le plus grand nombre possible de Juifs.

Yasser Arafat lui-même n’est pas en reste, du moins lorsqu’il s’exprime en arabe devant un public palestinien : « Nous ne savons qu’un seul mot : La lutte, la lutte, la lutte, le combat, le combat, le combat, le combat, le djihad, le djihad, le djihad, le djihad. » (p. 82). « Un martyr de ceux-là [sur la ligne de front de Jérusalem] est plus que soixante-dix martyrs [sur tout autre front du djihad]. » (p. 83). Le ton est sensiblement différent lorsqu’Arafat s’exprime en anglais devant des personnalités étrangères.

Le chapitre 4 aborde la question des « manipulations médiatiques ». « Au-delà des religieux, des enseignants, de Yasser Arafat lui-même, les programmes télévisés  pour enfants et adultes font eux aussi la promotion du djihad, de l’assassinat des Juifs et du martyre. Les adultes et les enfants sont soumis quotidiennement à ce lavage de cerveau dont le but est de dévaloriser la vie et d’exalter un au-delà que le martyr doit souhaiter, voire rechercher. » (p. 89).

Les auteurs s’étendent longuement sur la mort du petit Mohamed Al-Dura, tué au carrefour de Netzarim le 30 septembre 2000. Le film de la scène a fait le tour du monde. Selon les études balistiques menées tant en Israël qu’à l’étranger, il est pratiquement impossible que l’enfant ait été tué par des tirs israéliens. Le livre étudie longuement ce dossier pour conclure à un trucage et montre l’exploitation qui a été faite de la scène. La télévision palestinienne a fait de Mohamed un « martyr » auquel tous les enfants palestiniens doivent s’identifier : « Jetez vos jouets, prenez des pierres. » Un clip destiné aux enfants montre des tirs sur Al-Dura, un hélicoptère israélien, un enfant déchirant un drapeau israélien. À la fin du clip, un garçon jette son auto qui tombe près d’une pierre, qu’il saisit et emporte avec lui. Une fillette regarde sa poupée, puis la jette, prend des pierres et court. D’autres séquences de propagande présentent des variantes sur la mort des « martyrs » et leur félicité au Paradis.

Avec le chapitre 5, le livre aborde explicitement la question de la responsabilité personnelle d’Arafat. C’est lui, dit le titre du chapitre, qui a « assuré la préparation pratique de l’intifada ». Durant l’été 2000, quelque 27 000 Palestiniens âgés de 7 à 18 ans ont été entraînés dans 90 camps situés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ils y apprennent à manier les armes, avant d’être admis dans les milices du Fatah ou des Tanzim. Le 6 août 1995, lors d’une réception en l’honneur de la naissance de sa fille, Arafat déclarait : « Les Israéliens se trompent s’ils pensent que nous n’avons pas d’alternative aux négociations. Par Allah, je jure qu’ils ont tort. Le peuple palestinien est préparé à sacrifier le dernier garçon et la dernière fille pour que le drapeau palestinien flotte au-dessus des murs, des églises, des mosquées de Jérusalem. » (p. 110).

Ce chapitre cite aussi de proches collaborateurs d’Arafat, par exemple Hafez Barghouti, rédacteur en chef du journal Al-Hayat Al-Jadida, l’organe officiel de l’Autorité palestinienne, s’indignant de ce que des parents osent protester contre l’usage qui est fait de leurs enfants : « J’ai été choqué d’apprendre qu’il y a des pères qui interdisent à leurs fils de participer aux manifestations contre les Israéliens, qui leur disent : “N’y allez pas, vous risquez d’être tués…” De tels propos constituent un véritable crime […]. Ces gens abominables […] sont pires que les balles ennemies […]. Notre nation saura faire justice. » (p. 110). Le 17 août, c’est le général Fayçal Abou Sharkh, commandant de la Force 17, la garde personnelle d’Arafat, qui déclare : « Nous avons préparé des milliers, des dizaines de milliers de martyrs. » (p. 123).

Le chapitre suivant montre comment « Arafat a planifié le déclenchement de l’intifada ». Ce déclenchement s’inscrivait lui-même dans une stratégie à long terme désignée sous le nom de « plan par étapes », et dont les auteurs situent l’origine au 8 juin 1974, quand le Conseil National Palestinien et l’O.L.P. adoptèrent au Caire une motion définissant les objectifs et chargeant la « direction révolutionnaire » de mettre en œuvre la tactique permettant de parvenir par étapes à ces objectifs. Les accords d’Oslo, vus dans cette perspective du côté palestinien, s’inscrivent dans cette stratégie. Arafat s’en est expliqué dans un discours prononcé en arabe à la mosquée de Johannesburg le 10 mai 1994, en invoquant un précédent qui fait en quelque sorte jurisprudence, la trêve de Hudaibiya, « la trêve que le Prophète [Mahomet], dans les premiers temps de l’islam, avait conclue avec les infidèles du Hedjaz avant que le rapport de forces ne lui soit devenu favorable. » (p. 134). De même que Mahomet avait conclu un accord qui ne l’engageait que tant qu’il se trouvait en état d’infériorité militaire, et qui devenait caduc dès que le rapport des forces avait changé, de même Arafat n’était tenu par ses engagements que tant qu’il devait composer avec l’ennemi. Six jours après avoir signé avec Y. Rabin les accords du Caire, il déclare dans son discours de Johannesburg : « Le djihad continuera […]. Vous devez comprendre que notre bataille principale est Jérusalem […]. Vous devez venir participer au djihad pour libérer Jérusalem, votre précieux reliquaire. » (pp. 133-134). Le 18 avril 1998, à un journaliste de la télévision égyptienne qui lui demande pourquoi il demande à la rue palestinienne de ne pas exploser, Arafat répond : « Je suggère de maintenir le calme. Nous respectons les accords de la même manière que le prophète Mahomet et Saladin ont respecté les accords qu’ils ont signés. » (p. 134). Allusion est faite ici à la trêve de Hudaibiya, à laquelle Arafat se réfèrera plusieurs fois, et à l’accord conclu entre Saladin et Richard Cœur de Lion. En un mot : on n’est tenu par ses engagements que tant qu’on n’est pas le plus fort. « Bien sûr, précise Arafat, je ne me compare pas au Prophète, mais je dis que nous devons apprendre les leçons de sa démarche et de celle de Saladin. » (p. 135). Après quoi, le moment venu, il ne restait plus qu’à assurer l’approvisionnement et à distribuer des armes à la population (p. 139), puis à donner personnellement l’ordre de passer à l’action : « Notre peuple combattant ! Le mouvement du Fatah du district de Naplouse vous demande : 1. De regarder le vendredi 6 octobre [2000] comme un jour de rage et de la répandre dans tout le pays. 2 De continuer l’intifada ! Les fusils combattants sèmeront et la politique récoltera. […] 6. D’éviter tout tir qui n’est pas dirigé directement sur des cibles israéliennes […]. Gloire à nos martyrs ! » (pp. 140-141).

Les déclarations de Fayçal Husseini selon lesquelles les accords d’Oslo n’étaient qu’un cheval de Troie constituent l’essentiel du chapitre 7 sur « les objectifs secrets de l’intifada ». Le chapitre 8 (« Comment Arafat contrôle l’intifada ») cite abondamment les documents signés de la main même d’Arafat, saisis dans sa résidence de la Mouqata’a en même temps que des caisses de faux billets américains et israéliens, et en particulier les ordres de faire payer par la trésorerie de l’Autorité palestinienne les primes versées aux familles des « martyrs ». On peut d’ailleurs remarquer que les sommes effectivement allouées sont inférieures, par décision personnelle d’Arafat, à celles qui étaient proposées par ses subordonnés. Ce chapitre, bien évidemment, évoque la question de l’usage des sommes versées à l’Autorité palestinienne par l’Union Européenne, usage d’autant plus impossible à vérifier dans le détail que les millions d’euros versés se sont fondus dans la masse du budget de l’Autorité.

Les trois derniers chapitres abordent les questions juridiques. Les attentats perpétrés sous la responsabilité personnelle d’Arafat peuvent-ils être qualifiés d’actes de génocide et de crimes contre l’humanité ? Juristes de métier, les deux auteurs répondent par l’affirmative à l’une et l’autre question, d’autant que la guerre déclarée par Arafat est une « guerre aux Juifs » autant et plus qu’à Israël. Les plaintes déposées contre Arafat devant la justice française par les familles de victimes françaises étaient donc parfaitement justifiées. Les auteurs ne manquent pas de s’étonner des retards mis par la justice française à donner suite aux dépôts de plaintes par les parties civiles. Les choses ne sont évidemment pas simples : Yasser Arafat, sans être reconnu comme chef d’État par l’O.N.U., et donc sans jouir de l’immunité afférente à une telle fonction, n’est pas non plus, à proprement parler, un simple citoyen. En 1998, une victime israélienne avait saisi la Cour suprême d’Israël. Le procureur de l’État, Eliakim Rubinstein, tout en constatant le rôle et la personnalité pénale d’Arafat, avait affirmé qu’une action juridique aurait inévitablement des implications en matière de politique intérieure et internationale. Les auteurs remarquent pourtant que, « en droit pénal, les tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda créent des précédents jurisprudentiels. » (p. 191).

Les principaux documents sur lesquels s’appuie le livre, des photocopies d’autographes d’Arafat, que les arabisants pourront déchiffrer, et une bibliographie de deux pages complètent ce livre qui a été ignoré par la presse. Achevé d’imprimer en septembre 2004, il a été envoyé par l’éditeur à 150 journaux ou revues. Un mois après sa sortie, aucune de ces publications ne l’avait signalé. 

                                                                                                         Michel Remaud

Décès du leader palestinien

Après une semaine de rumeurs, d’informations contradictoires et surtout de désinformations à la limite du ridicule, Yasser Arafat a été officiellement, le 11 novembre, déclaré décédé à l’hôpital Percy de Clamart en France. Cette macabre cacophonie autour de l’état de santé du Président de l’Autorité palestinienne a été plus ou moins tacitement acceptée par les dirigeants français. Etait-ce vraiment une nécessité pour la diplomatie française ?

Le leader palestinien a joui pendant 35 ans d’une aura médiatique peu commune même pour un Chef d’État. Sa mort est à l’image de ce que fut sa vie et provoque bien évidemment des passions. Les Palestiniens, dont on peut comprendre la douleur et le deuil de perdre celui qui a incarné le combat pour la création d’un État palestinien indépendant, accusent les Israéliens d’être responsables de la mort de leur leader. La majorité des Palestiniens sont persuadés que le Raïs a été empoisonné par les Israéliens bien que le Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï (Abou Alaa) ait démenti cette rumeur. Le chef du département politique de l’OLP, Farouk Kaddoumi, considère toujours comme plausible l’hypothèse d’un empoisonnement de Yasser Arafat. Il a déclaré à l’Associated Press à Tunis : « Depuis le début, nous nous doutions que la détérioration de l’état de santé du président Arafat était due à un empoisonnement. Nous n’avons pas changé d’avis. » Un nouveau mythe est donc né et restera encore longtemps dans la mémoire collective palestinienne : Yasser Arafat est un martyr, assassiné par les ennemis de toujours. Pouvait-il en être autrement ? Bien entendu, on ne précise pas comment les Israéliens auraient pu s’introduire dans la Moutaqa’a où Arafat était reclus depuis trois années et comment ils s’y seraient pris pour l’empoisonner.

De nombreux articles ont été consacrés à Yasser Arafat dans le monde entier. La presse française dans son ensemble a plutôt exprimé une certaine admiration pour le Raïs alors qu’ailleurs on est plus nuancé.

Vendredi 5 novembre, au journal de 13h de France 2, un Israélien, Ofer Bronstein, président du Forum international pour la Paix au Proche-Orient, en est venu à comparer Arafat à Moïse allant recevoir les Tables de la Loi. Faire de Yasser Arafat un nouveau Moïse et donc un prophète est non seulement une méprise grossière mais surtout un manque profond de respect pour celui que la tradition juive et chrétienne considère comme l’homme de Dieu par excellence. La Bible rend à Moïse ce témoignage : « Il fut l’homme le plus humble que la terre ait jamais porté. »

Yasser Arafat restera le symbole de la cause palestinienne parce qu’il a réussi le tour de force de maintenir à l’ordre du jour international pendant près de 35 ans la question palestinienne. Mais le comparer à un prophète est une insulte à la vérité, pour au moins deux raisons :

–  l’utilisation du terrorisme, même et surtout pour une cause noble, est inacceptable et reste en contradiction avec la morale la plus élémentaire. Yasser Arafat a utilisé abondamment cette méthode. Il a financé le terrorisme palestinien et a orchestré bien des attentats. Ceux qui font aujourd’hui son éloge, y compris dans les milieux chrétiens, feraient bien de ne pas l’oublier.

–  Le mépris du pauvre, de la veuve et de l’orphelin. Le journal Le Monde, suivi par d’autres médias français, a eu le courage d’écrire que Yasser Arafat a détourné plusieurs centaines de millions de dollars. Au total, le FMI a découvert que quelque 900 millions de dollars de fonds publics n’ont pas intégré le budget officiel entre 1995 et 2002, et n’a pas réussi à identifier la destination d’environ 300 millions de dollars. Les estimations de la fortune personnelle d’Arafat oscillent entre au minimum 300 millions et 1, 3 milliard de dollars. Dans son palmarès 2003, la revue économique américaine Forbes situait Yasser Arafat au sixième rang, pour leur fortune, des « rois, reines et despotes », après des personnalités comme la reine d’Angleterre ou le sultan de Brunei.

Quand on sait dans quelle misère certains palestiniens vivent, on ne peut comparer Arafat à un prophète sans se méprendre profondément et mépriser les Palestiniens.

L’après Arafat.

Conformément à la loi fondamentale de l’Autorité palestinienne, l’actuel président du Parlement palestinien, Raouhi Fattouh, un fidèle d’Arafat, va assurer l’intérim à la présidence pour une durée limitée de 60 jours. Fattouh n’a pas vraiment d’influence politique et les deux hommes forts de la Palestine sont dorénavant Mahmoud Abbas, plus connu ici sous son nom habituel Abou Mazen, qui est devenu le nouveau chef de l’OLP et Ahmed Qoreï (Abou Alaa) qui conserve son poste de Premier ministre. Les deux leaders sont appréciés par la communauté internationale pour leur réalisme politique et surtout pour leurs positions modérées. Désormais, personne n’aura entre ses mains tous les pouvoirs que rassemblait Arafat.

La grande question qui préoccupe déjà les dirigeants de l’OLP est la place que pourraient occuper des organisations comme le Hamas ou le Jihad islamique mais également l’attitude des groupes liés au Fatah comme les Brigades des Martyrs d’El-Aqsa qui ont pris le nom de Brigades de Yasser Arafat. Lors des prochaines élections générales dans les Territoires, quel sera le parti majoritaire élu ? Il est évident qu’un mouvement comme le Hamas qui jouit d’une grande popularité dans les Territoires et surtout dans la Bande de Gaza, voudra poursuivre, d’une façon ou d’une autre, la lutte armée contre Israël et ne facilitera pas la reprise des négociations avec Israël.

Pour les dirigeants israéliens, la disparition d’Arafat est perçue comme une chance pour la reprise de négociations directes et une avancée vers le processus de paix.

Tout d’abord Israël doit éviter de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Autorité palestinienne et ne pas favoriser un candidat par rapport à un autre. Quoi qu’il advienne, Sharon a annoncé que le plan de séparation unilatérale se poursuivrait.

Avec la mort d’Arafat et le plan de Sharon, une nouvelle page s’ouvre au Proche-Orient. Il faut espérer que les deux camps sauront saisir les opportunités qui se présentent. Mais ici, plus que partout ailleurs, l’avenir reste des plus incertains avec ou sans Arafat...

                                                                                                         Jean-Marie Allafort

Histoire : la guerre du Liban

En 1982, Israël a signé la paix avec l’Egypte, à l’est la Jordanie est calme, c’est le Nord qui préoccupe le gouvernement de droite qui a perdu ses deux éléments les moins « faucons », M .Dayan et E.Weizmann.

En janvier A.Sharon a pris contact avec Bashir Gemayel, chef des chrétiens du Liban qui désirent se libérer du contrôle syrien.

Le 3 juin 1982, un attentat est perpétré contre l’ambassadeur d’Israël à Londres, Shlomo Argov, par un groupe Abou Nidal. Le 5 juin, Israël répond par des représailles aériennes contre des camps terroristes autour de Beyrouth. Les camps et l’OLP réagissent par des tirs ininterrompus sur plus de 30 agglomérations du nord de la Galilée.

Dans la nuit du 5 au 6, Tsahal traverse la frontière ; le gouvernement a voté une offensive restreinte de 2 jours de combat et de 40 km d’avancée, appelée « Paix en Galilée » ; mais A.Sharon ministre de la défense  et son chef d’état major Rafaël Eytan, « Rafoul », ont visé plus loin, surestimant la force des Chrétiens de B.Gemayel qui en même temps ne doit pas se montrer l’allié d’Israël.

L’avancée est rapide : à l’ouest, aidé par la marine, Tsahal bouscule les Palestiniens qui se replient sur Beyrouth et le 7 juin c’est la bataille pour la prise de la forteresse de Beaufort où six soldats israéliens trouveront la mort dont le chef d’escadron ; au centre, pour essayer d’atteindre la route Beyrouth-Damas ; et à l’est vers le «  Fatahland » palestinien jusqu’à la plaine de la Bekaa où sont stationnés les Syriens. Le 9 juin Tsahal progresse vers le Nord et l’aviation détruit les batteries de missiles Sam ; 22 Migs syriens sont abattus le premier jour et plus de 50 à la fin des combats. Le 10, le général Yakutiel Adam chef d’Etat major adjoint est tué, le pays est choqué. Le 11 juin Tsahal est dans les faubourgs de Beyrouth et de violents combats ont lieu sur la route Beyrouth- Damas. Le 25 juin une embuscade syrienne à Sultan Yakub prend trois soldats israéliens en otage.

En même temps A.Sharon se prépare à la prise de Beyrouth alors que le gouvernement Bégin, mal renseigné, est dépassé par ses intentions : vouloir installer les Chrétiens comme maîtres du Liban.

Israël est divisé, le mouvement « paix maintenant » organise de grandes manifestations les 25 juin et le 3 juillet ; Eli Geva commandant d’une brigade blindée, en désaccord avec A.Sharon, demande a être relevé de ses fonctions le 22 juillet et le 2 août l’aéroport de Beyrouth est pris d’assaut.

A l’étranger les communautés juives s’inquiètent, Israël est de plus en plus isolé sur la scène internationale.

En août B.Gemayel est installé à la présidence du Liban, allié d’Israël.

Le 12 août, bien que désavoué par le gouvernement, A.Sharon bombarde Beyrouth pendant onze heures ; il veut faire partir les Palestiniens de la ville. Entre temps Philip Habib, envoyé spécial des USA poursuit ses essais de  médiation.

Début septembre, les Palestiniens quittent Beyrouth alors qu’une force multinationale composée d’Américains, de Français et d’Italiens est positionnée dans la ville. Deux semaines plus tard B.Gemayel est assassiné et les Phalanges chrétiennes en accord avec Tsahal qui avance vers Beyrouth ouest rentrent dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. C’est le massacre.

Menahem Bégin apprend la nouvelle par la BBC…C’est la colère en Israël. Plusieurs grands rassemblements ont lieu les 18 et 26 septembre dont un de plus de 400 000 personnes. Sous la pression de plusieurs de ses ministres et de la population, M.Bégin ordonne une commission d’enquête avec le juge Yitzhak Kahan. Le 8 février 1983 elle demande la démission d’A.Sharon, critique M.Bégin et affirme : « Israël a une responsabilité indirecte » dans le massacre. Le 10 février une nouvelle manifestation a lieu où un gauchiste est tué par une grenade. La guerre civile semble prête à éclater ; beaucoup s’opposent à cette guerre du Liban : comités de mères de soldats, réservistes, intellectuels, officiers, la critiquent.

En mars 1983, A.Sharon démissionne du ministère de la défense.

Avec le Liban un accord est conclu mais immédiatement après, un Front de salut national est crée sur l’instigation de la Syrie. Les guérillas entre les différentes communautés se multiplient: Druzes contre les Chrétiens, Musulmans chiites, précédemment contre les Palestiniens, se retournent contre Tsahal, le Hezbollah, soutenu par l’Iran se lance dans les grands attentats. En juin les Syriens déclarent Y.Arafat persona non grata.

M.Bégin qui un an plus tôt a perdu sa femme est de plus en plus déprimé et il démissionne en septembre 1983.

Le 11 novembre, un kamikaze saute devant le QG israélien de Tyr, il y a 74 morts israéliens et libanais. Depuis le début de cette guerre 563 israéliens sont décédés.

Yitzhak Shamir, ancien chef du groupe Stern succède à M.Bégin. Au Liban les attaques des Chiites sont quotidiennes, Tsahal est enlisé. Le taux d’inflation est de 200%.

Y.Shamir veut terminer l’aventure libanaise.

Le 24 novembre a lieu l’échange de prisonniers : 4700 Palestiniens contre 6 Israéliens.

Entre 1977 et 1983, 186 implantations sont nées.

Le 23 juillet 1984, les élections ont lieu et la gauche et la droite étant à égalité, S.Pérès sera chef du gouvernement pendant deux ans et Y.Shamir pendant deux ans.

Pendant ces quatre années le gouvernement d’unité nationale règle deux sujets importants :

a) le Liban est évacué en juin 1985 ; Israël garde une zone de sécurité contrôlée par une milice chrétienne, les Syriens aidés des Chiites renforcent leurs positions de l’autre côté de la frontière.

b) l’inflation est jugulée.

Au gouvernement, B.Netaniahou est nommé consul général d’Israël à New York et au gouvernement Y.Rabin ministre de la défense. Comme prévu Y.Shamir remplace S.Pérès au bout de deux ans.

Pendant ces quatre années il faut faire face à de nombreuses crises. Le 4 janvier 1985, c’est l’opération Moïse qui amène 7000 juifs d’Ethiopie en passant par le Soudan, Juifs persécutés et affamés par plusieurs années de sécheresse.

Le retrait du Liban en trois phases se terminera en juin.

Le 20 mai, échange de prisonniers avec Ahmed Jibril, dont les libérés deviendront les principaux chefs de la première intifada ; trois Israéliens contre 1100 Palestiniens; le 1er octobre, raid aérien sur le quartier général de l’OLP à Tunis après plusieurs attentats.

Le 21 novembre Jonathan Pollard, juif américain aux services des renseignements, qui avaient transmis des informations à Israël est arrêté aux Etats-Unis.

Le 11 février 1986 Anatoly Sharansky, refuznik notoire, est libéré des prisons d’URSS. Le 27 du même mois les USA extradent Demjanjouk en Israël pour y être jugé des crimes commis pendant la seconde guerre mondiale.

Lors des élections législatives le rabbin M.Kahana avait été élu ; d’extrême droite et raciste, il mène une campagne anti-Arabe et recrute principalement parmi les jeunes juifs religieux des quartiers populaires. Le gouvernement essaie d’émettre des lois contre ce racisme  en août 1986, en échange la droite obtient l’interdiction pour les membres du gouvernement de contacter l’OLP.

Le 16 octobre Ron Arad est capturé par l’organisation Amal au Liban, après que son avion ait été abattu.

En 1987 des rencontres ont lieu entre S.Peres devenu ministre des affaires étrangères et le roi Hussein de Jordanie. Les relations entre Israël et l’URSS reprennent. Des rencontres entre Israéliens et Palestiniens ont également lieu secrètement : Ehoud Olmert et Sari Nusseibeh, Amirav et F.Husseini. Y.Shamir est en colère et Abou Mazen (Mahmoud Abbas) désolé, car il pensait que des négociations auraient pu aboutir si les Travaillistes ne les avaient divulguées.

Cécile Pilverdier.

Un vieux quartier de la nouvelle ville

Se promener dans le vieux quartier de Nahlaot (héritages) en face du souk Mahane Yehouda (campement de Juda), entre la rue Agrippas et le rue Betsalel, c’est découvrir très vite que ce n’est pas d’un quartier qu’il s’agit, mais d’un ensemble de petits quartiers accolés les uns aux autres, chacun avec son caractère particulier, ayant chacun son nom, de la rue King George au parc Saker.

Aujourd’hui on ne sait plus trop s’il s’agit d’un nouveau ou d’un vieux quartier. Des maisons à trois étages, top modernes côtoient les vieilles maisons en pierre à un seul étage. Entre de nouveaux immeubles, quelques baraques en tôle et en bois, avec parfois une barrière en fer forgé rouillée, mais si bien ciselée, comme on n’en fait plus aujourd’hui. Des cours intérieures envahies par des herbes ou objets insolites, ou alors, en chantier, une maison dont il ne reste que les murs et des bulldozers qui creusent l’intérieur pour « créer du neuf », six appartements bientôt au lieu d’un. Tout près du marché, il y a Ohel Moshé (tente de Moïse), un ravissant petit quartier de trois rues, deux jardins, entouré encore d’une muraille, qui, quand on le visite, nous présente, fixées au mur, les photos des anciennes familles séfarades, les Sasson, les Levi, les Shirizli ou Mizrahi, les Navon et d’autres, ayant construit et habité ce quartier. Une fillette Sasson de cette photo, aujourd’hui grand-mère, vient parfois faire visiter « sa maison » à ses descendants.

Donc… ce n’est pas si vieux. Mais quand ? Mais comment ?

Il est difficile d’imaginer ce qu’était Jérusalem avant 1855. Une petite agglomération entourée de murailles où vivaient dans des conditions très précaires, Juifs, Musulmans et Chrétiens. Par exemple, en 1800, 2 250 Juifs, 4 000 Musulmans et 2 750 Chrétiens. Dès le milieu du 19ème siècle, la venue et l’installation de délégations étrangères, consuls, autorités religieuses, missionnaires, entraîne un développement de la ville et une arrivée importante de population. En 1850, la ville compte 6 000 Juifs, 5 150 Musulmans et 3 110 Chrétiens. Autour de la ville des collines désertiques avec quelques constructions étrangères, des couvents ou des hospices. A cette époque, personne n’envisageait de pouvoir loger en dehors des murailles. D’ailleurs la population non musulmane n’avait le droit ni de posséder des terres ni de construire. Tous vivaient en locations de maisons arabes, de plus en plus entassés pour diminuer les frais.

C’est à cette époque, en 1860, que Moshé Montefiori et sa femme Judith, Juifs anglais, après plusieurs visites en Palestine, ayant obtenu un permis, achètent une colline proche de la ville et construisent un nouveau quartier pour les pauvres de Jérusalem, Mishkenot Chaananim (les demeures de sérénité, Pr 1, 33). Douze maisons pour les askenazes et douze pour les séfarades. Malgré le risque que cela représentait, - vivre dans un lieu « ouvert » - , les habitants juifs les plus pauvres s’y installent peu à peu. La population augmentant, sept Jérusalémites juifs décident de s’associer pour construire ensemble et à leurs frais de nouveaux groupes de maisons, très modestes, en dehors des murailles, à l’ouest de la ville, le long de la rue de Jaffa, un chemin de terre au milieu du désert. En 1867 « Mahane Israël » (campement d’Israël) pour les juifs d’Afrique du Nord, en 1869 « Nahalat Shiva » (héritage des sept, à cause des sept fondateurs). Puis « Mea Shearim » en 1873.

C’est à cette époque que les premiers quartiers de Nahlaot, nommé actuellement Lev Ha’ir (le cœur de la ville) vont être construits. Petits quartiers après petits quartiers, d’une à trois rangées de maisons en pierre, « posées » sans fondation sur le sol rocailleux. Appartements construits autour d’une même cour intérieure, ou maisons de deux pièces accolées les unes aux autres avec chacune sa cour donnant sur la rue. Chaque quartier est construit dans un but bien précis : pour les pauvres, pour telle ethnie, pour les nouveaux immigrants de tel pays. Le nom du quartier fait parfois mémoire du donateur ou du fondateur de ce quartier. Ainsi, en 1822, sont construits les deux quartiers « jumeaux », en face du souk, Ohel Moshé (la tente du Moïse) pour les séfarades et Mazkeret Moshé (le souvenir de Moïse) grâce à l’aide du Fonds « Moshé Montefiori ». Parfois les fondateurs font appel aux pays d’origine des nouveaux immigrants pour aider financièrement la construction. En 1884 Batei Goral est construit pour les nouveaux arrivants du Yémen. Certains quartiers askenazes, Knesset Israël, habités par des Juifs religieux de l’Europe Centrale ont été construits pour « réaliser » une parole prophétique de la Bible : « Elargis l’espace de ta tente ». Chaque quartier a sa synagogue, son bain rituel et son four. L’eau courante n’existant pas, des citernes souterraines sont creusées soit dans les cours privées, soit dans les ruelles, remplies pendant la saison des pluies grâce à l’eau des toits collectée par des gouttières. Cette eau est employée pour la construction et la vie domestique. Dans chaque quartier la vie est communautaire : Ensemble à la synagogue, au puits de la citerne, au four, lors des jours de fêtes ou de deuils. Beaucoup d’enfants, des veillées ou chacun raconte.

Au début du Mandat britannique, en 1918, on compte déjà dix-huit quartiers, 1 870 maisons et 6 000 habitants. De 1918 à 1931 quatre nouveaux quartiers sont encore créés, deux pour les askenazes religieux et deux pour les nouveaux immigrants du Kurdistan.

Dès ce moment la « Nouvelle Ville » est plus importante que la Vieille Ville. Différentes institutions voient aussi le jour dans ce quartier : L’école de l’Alliance en 1882, l’hôpital Shaaré Tsedek en 1900, la Yeshiva Etz Haïm en 1910, et un orphelinat séfarade en 1903.

Dans les années 1920 se développe également le souk Mahané Yehouda. Du premier marché où les marchandises étaient à même le sol et les vendeurs assis sur quelque planche ou pierre, on passe progressivement à des constructions d’échoppes et de magasins. Le marché va jouer un rôle primordial dans le développement du «cœur de la ville ».

En 1920, première hémorragie : d’autres quartiers plus modernes s’étant créés à Talpiyot, Beit Hakerem, Bayit Vagan, Kiryat Moshé, beaucoup des premiers habitants déménagent pour s’y installer. La vie y est plus facile et plus confortable.

Restent dans les vieilles maisons les plus pauvres, ceux n’ayant pas d’autre choix, les personnes âgées mais aussi ceux qui préfèrent le style de vie « à l’ancienne », plus difficile mais plus convivial. Avec cet abandon des forces vives des quartiers, la vie y devient de plus en plus misérable. Un rapport municipal de 1930 propose la démolition de l’ensemble pour reconstruire du neuf selon les critères « modernes ». Cette proposition est refusée.

D’autant plus qu’arrivent de nouveaux immigrants d’Afrique du Nord, du Moyen Orient : Irak, Iran, Turquie, Grèce, souvent réfugiés, du Yémen, du Kurdistan. Tout ce monde va s’installer et remplacer les fondateurs. La place ne suffit plus. Il faut agrandir ces maisons. L’argent manquant, on rajoute avec des tôles, du bois, du plâtre quelques lieux d’habitation attenants à la maison, dans les cours intérieures, parfois même en grignotant les ruelles déjà étroites. On élève des échafaudages sur les toits. Construits ainsi de bric et de broc ces quartiers deviennent de plus en plus « pittoresques » pour certains, « répugnants » pour d’autres.

Par ailleurs, certains propriétaires ayant désiré qu’à leur mort leur maison soit consacrée à Dieu et devienne une synagogue, les quartiers se remplissent de lieux de prière et d’étude de la Tora, même si certaines de ces synagogues ne sont qu’une pièce à peine aménagée. On en compte actuellement 80 dans le quartier. Le shabbat on entend chanter et prier un peu partout.

En 1939 on dénombre 13 788 habitants vivant serrés dans ces quartiers, avec des ruelles qui parfois n’ont qu’un mètre de large. La cuisine et les WC sont dans la cour et une chambre à coucher sert pour toute la famille. Si les promeneurs sont bouleversés par la misère de ces quartiers, les habitants quant à eux parlent de l’entraide qui les unit, des supports mutuels, de la vie conviviale… Combien le regretteront plus tard !

En 1948, au moment de la guerre de l’indépendance, nouvelle arrivée de population. Des Juifs venant de la vieille ville, du Proche Orient, de l’Europe. En 1967 on compte 16 000 habitants !

C’est à ce moment là qu’a lieu la seconde hémorragie du quartier : Après la réunification de Jérusalem de nouveaux quartiers se créent : Ramot Eshkol, Talpiyot Mizrah, Gilo… Les jeunes s’en vont, laissant parfois leurs vieux parents derrière eux. Les familles se créent ailleurs. « Lev Ha’ir » n’a presque plus d’enfants. En 1988 il ne reste que 4 500 habitants. Certains « nouveaux » vont profiter des loyers très bas pour venir, de tout azimut s’installer là, pour peu de temps souvent : des étudiants, des artistes, des gens de passage qui aiment les vieilles pierres. Plusieurs synagogues sont abandonnées ou n’ouvrent plus que le Shabbat et pour les fêtes. Et les personnes âgées se rappellent le « bon vieux temps ».

Le souk aussi dépérit à cause des centres commerciaux crées dans les nouveaux quartiers.

Le projet

Dès 1984, Ouri Amadi, l’un des responsables municipaux de Jérusalem, décide avec l’accord du maire Teddy Kolek d’étudier la possibilité d’améliorer ce quartier. En 1986 la municipalité crée, avec des délégués des habitants et de la municipalité un centre communal pour réaliser ce « projet ». En 1987, Keren Hayesod, Fonds de solidarité, décide de faire un don important à l’État d’Israël en l’honneur de ses 40 ans d’existence : « Rénover les quartiers de Lev Ha’ir ». Pour certains, l’essentiel était la relance du commerce et la création de nouveaux centres commerciaux à la place des habitations. Pour d’autres, il fallait au contraire développer le caractère humain de ces quartiers en permettant aux habitants d’y rester et en créant de nouvelles unités de logement pour que d’autres puissent s’y installer, grâce à de meilleures conditions de vie. Des prêts sont proposés aux habitants pour restaurer leurs maisons. Consolider les murs, réparer les toits, construire cuisine et WC intérieurs, changer les dallages, isoler contre le froid et l’humidité, installer des chauffages solaires. Jusqu’en 2000, 400 unités de logement de personnes âgées ou de familles en difficulté furent restaurées.

Le « projet » comprenait également la création de nouvelles unités de logement. Avec l’accord des propriétaires, plusieurs maisons d’un seul étage comprenant deux ou trois pièces furent transformées tout en gardant les façades originelles. Creuser pour les fondations, construire trois étages permettant au propriétaire d’habiter un appartement et d’en louer quatre ou cinq !

De nombreux espaces publics sont aménagés au carrefour de certaines ruelles, pavées «  à l’ancienne ». Des arbres, des bancs, des lampadaires…, des vieillards et des enfants. Et bien sûr, le souk Mahané Yehouda fait peau neuve.

Il fallait aussi « donner de l’air » aux habitants du quartier qui reste « resserré ». Le parc Saker étant juste à côté, le centre y développe des terrains de sport : Football, volley-ball, arène à vélos, à skateboard. Des centres d’étude sont aussi offerts aux écoliers, des garderies pour les mamans et leurs bébés. Dans le centre communautaire divers clubs sont lancés pour les personnes âgées, les sortis de prison ou les anciens drogués, les « fragiles » nerveusement. Toute une structure de support mutuel est mise en place.

Aujourd’hui Lev Ha’ir compte 7 000 habitants, des autochtones et des « nouveaux » qui ont choisi d’acheter ou de louer là… même si c’est plus cher qu’ailleurs.

Bien sûr, les travaux ne sont pas terminés. Mais déjà ce quartier devient « touristique ». Chaque jour des groupes de soldats ou de visiteurs israéliens viennent y rechercher les « racines historiques » de la ville. En 2002, à l’occasion du 120ème anniversaire de « Ohel Moshé », les descendants des fondateurs séfarades sont venus fêter. L’ancien président, Itzrak Navon, raconte son enfance dans ce quartier. La femme du chanteur et compositeur Itzhak Levi, un enfant d’ici, chante en Ladino. On se rappelle, on se raconte.

« Lev Ha’ir », un quartier qui nous raconte son passé, se tourne vers l’avenir. Mon quartier.

Antoinette Brémond

Les 7 espèces

Les pèlerins reviennent, ce qui est une bonne nouvelle, après quatre années où les rues de la vieille ville étaient désespérément vides et où les commerçants passaient leurs journées à jouer au jacquet en attendant une improbable clientèle.

Dans un passage célèbre, le Talmud énumère et décrit sept sortes de pharisiens. “À  la manière de…”, on pourrait aussi décrire sept catégories de pèlerins.

  • Celui qui savait déjà tout avant d’arriver et qui, à peine descendu de l’avion, explique la situation locale à ceux qui vivent sur place ; en ajoutant que, s’ils ne pensent pas comme lui, c’est qu’ils sont intoxiqués. L’espèce existe et elle n’est pas en voie de disparition.
  • Celui qui ne veut pas de guide israélien.
  • Celui qui, voyant un adulte israélien parler à des enfants israéliens, en conclut qu’en Israël, les adultes endoctrinent les enfants — même s’il ne comprend pas un mot d’hébreu.
  • Celui qui ne comprend pas pourquoi les Juifs ne reconnaissent pas Jésus comme le messie, alors qu’il est né à Bethléem, comme les prophètes l’avaient annoncé.
  • Celui qui veut savoir pourquoi les voitures israéliennes ont des plaques jaunes.
  • Celui qui a tout compris en une semaine et qui va rentrer chez lui en disant qu’il connaît parfaitement la question, puisqu’il est allé voir sur place.
  • Celui qui réalise que les choses sont très compliquées.

Le Talmud laisse entendre que seule la dernière catégorie fait honneur aux pharisiens, mais il ne précise pas quelle proportion elle représente dans l’ensemble.

Par rapport aux groupes qui venaient avant la seconde Intifada, on perçoit un élément nouveau chez ceux qui arrivent aujourd’hui : il arrive que leur écoute soit conditionnée par leur propre expérience de l’islam en France.

On constate aussi chez certains groupes une tendance à ne pas rémunérer les intervenants qu’ils invitent à leur parler, lorsque ce qu’ils ont entendu n’est pas politiquement correct. Il est trop tôt pour savoir si la tendance se confirmera.

                                                                                                                   M.R.

 

Ombres et lumières

Fidèles à notre désir de voir les choses en face, sans idéaliser et tout justifier, ni au contraire noircir à plaisir, nous citerons des faits récents, qui ont agité le monde des nouvelles.

Quelques cas parmi d’autres

1) Une écolière avec son cartable s’approche dans la direction d’un poste des soldats au lieu de s’en aller vers son école. Vu les cas de femmes et d’enfants utilisés pour porter des explosifs, les soldats réagissent, sans doute trop vite (pourquoi ne pas tirer en l’air ou à côté ?) et elle tombe. Alors, un officier s’approche et décharge son arme sur le corps de la fillette. Les autres soldats outrés le dénoncent. Le coupable nie, l’armée le défend, puis il avoue et est finalement mis en prison. Tout cela en condensé, pour ne pas vous noyer dans les réactions sévères des journalistes, des hommes politiques, des officiers pour et contre. Vraiment cet acte n’est pas passé inaperçu.

2) Dans un autre genre, à l’un de ces postes de contrôle (checkpoints), dans la longue file des Palestiniens qui attendent pour passer, un jeune homme de 28 ans arrive avec un étui à violon. Un soldat l’aurait forcé à jouer un air sur son instrument. La photo ci-contre, donnée par tous les journaux, a été prise par une Israélienne, de ce groupe de femmes – Machsom-Watch – qui surveillent le comportement des soldats, en divers points de contrôle des territoires. Ce jeune fait de la musique depuis l'âge de 15 ans. Il passe régulièrement les barrages situés entre le camp de Farao où il vit et Naplouse où se trouve son professeur. Il dit que les soldats qui le connaissent le laissent passer facilement. Le problème se pose quand ils sont remplacés par de nouveaux soldats, comme ce fut le cas. Malgré cet incident, Ouissam croit aux chances de paix entre Israël et les Palestiniens : « Lorsque j'apprends la mort d'un enfant israélien, j'ai la même peine que lorsque j'apprends la mort d'un enfant palestinien. Tous ceux qui ont une conscience veulent la paix. »

3) Hier 7 décembre, c’est un commando chargé de retrouver un activiste responsable d’attentats à la bombe. Il est blessé, tombe non armé, et finalement il est tué. Là ce sont des membres de Be-Tsélem (l’organisation israélienne parallèle à Amnesty), qui ont recueilli les dires de deux Palestiniens témoins. Mais un avion sans pilote a filmé la scène et l’armée enquête. L’unité responsable est éloignée des territoires.

Vu la multiplication des cas de comportement critiquable, le Chef d’État major Ya’alon répète ses déclarations et mises en garde : « Il semble qu’ici ou là la moralité s’émousse, par suite de longs services dans les territoires, et la violence des combats. Nous devons nous examiner, vérifier que les ordres donnés sont clairs, pas flous et précipités. »

A noter encore que, bien des fois, la Haute Cour de Justice critique vivement la négligence des autorités qui envoient à ces postes de jeunes soldats sans expérience ni préparation suffisante.

E-mails quotidiens

Le risque des courriers e-mail est l’invasion de messages indésirables ou de publicité. Mais cela donne aussi la possibilité de s’abonner à diverses sources d’information qui vous fournissent le tout venant. Il faut choisir, mais dans le tas, que d’éléments intéressants ! La lutte contre l’antisémitisme en Europe, et contre une propagande arabe violente où tout est permis, ou en face la lutte pour les droits de l’homme en Israël et Palestine. Personnellement je reçois les deux, et voici quelques exemples :

Il y a des messages des Médecins pour les Droits de l’Homme, de l’Association pour les Droits du citoyen et de l’étranger, les Droits de la Femme (israélienne ou palestinienne), de groupes d’Israéliens qui aident les paysans palestiniens à cueillir leurs olives (leur richesse annuelle) malgré la violence de certains habitants juifs d’une implantation voisine. Mais pourquoi donc ces Arabes ont-ils été planter leurs oliviers centenaires juste à côté du village juif (tout récent) ?

Voici un spécimen des messages qui arrivent en hébreu et anglais sur le mail plusieurs fois par semaines ces temps-ci :

Chers amis,

Nous continuons notre recrutement de cueilleurs d’olives pour aider les villageois. Donc demain matin venez nombreux à 5 h.45 à tel point de rassemblement à Jérusalem, ou 7.00 à telle gare au nord de Tel Aviv. La cueillette se poursuivra jusque mi-décembre. Nous avons besoin de renforts pour d’autres endroits de la région. […]

Hier, le coordinateur de notre action, Mohie Hasson, a été attaqué par des colons. Les soldats sur place n’ont pas réussi à arrêter l’attaque, finalement c’est la police qui a réussi, a arrêté Mohié et deux colons. Une vue rapide du film de l’événement a fait penser que c’est lui qui les avait bousculés. Ils ont été relâchés et lui non. Mais un deuxième examen du film a montré que c’était le contraire, il a finalement été relâché.

(De fait il n’est pas rare que des colons arrivent avec des barres de fer pour effrayer – ou même blesser gravement – les villageois qui viennent cueillir leurs olives. Parfois l’armée intervient. D’autres fois, les cueilleurs trouvent des arbres arrachés, ou les olives déjà cueillies. Dans ce contexte la présence d’Israéliens venus les aider est doublement utile.)

Le message e-mail se termine par : 

Pour détails et enregistrement, téléphoner à Rabbi Arik A., no 050-XXXXX ou Diana 054-XXXXX.  Rabbi Arik est le délégué des Rabbins pour les Droits de l’Homme, un des pionniers de la cueillette.

Apprendre l’arabe

Une autre occasion de “sentir” la population, ce sont les appels téléphoniques pour recevoir des tomes de mon cours d’arabe, et je découvre à cette occasion tant de braves gens soucieux d’ouverture, de rapprochement. Une femme me raconte au téléphone : “Nous sommes un groupe de femmes qui aidons les enfants palestiniens à arriver aux hôpitaux israéliens, et on doit un peu les suivre sur place… Il faut absolument que nous apprenions l’arabe.” D’autres fois ce sont ces femmes du Machsom-Watch mentionné ci-dessus qui veulent apprendre la langue des gens qui font longuement la queue aux barrages.

Libre à chacun de retenir l’image du soldat qui frappe un Palestinien, ou celle de l’autre soldat qui se précipite pour l’en empêcher. C’est tout cela qui fait la vie quotidienne, la lutte entre la violence qui sommeille dans le cœur de chacun, et la conscience morale qui se réveille malgré l’ambiance générale.

Oui, c’est tous les jours que l’on se dit, en écoutant les nouvelles qui se bousculent au micro : “Voilà un fait intéressant, à noter pour le prochain numéro de notre bulletin.” Mais le lendemain on entend le démenti, et le surlendemain, le démenti du démenti, ou des détails nouveaux, ou bien c’est une nouvelle plus importante qui survient, et la précédente tombe dans l’oubli.  Tout cela pour vous faire partager la complexité de la situation, que nous ressentons au jour le jour, et qui est bien loin des résumés inévitablement simplistes qu’on lit dans la presse étrangère.

                                                                                                                                 Yohanan Elihai

Nouvelles au fil du mois

10 000 chrétiens à Tel Aviv

Benny Hinn, évangéliste internationalement renommé ; était à Tel Aviv le samedi 13 novembre pour animer une soirée de prières, de louange et de guérison dans le stade de Yad Eliyahou. Né à Jaffa, vivant en Amérique, voyageant dans le monde entier, il était venu avec une chorale de plus de 100 choristes, dont les chants d’adoration remplissaient la salle. 10 000 personnes venues de tout Israël, des dizaines de bus, une foule qui se pressait dès 17h aux diverses portes d’entrées du stade Nokia, des Israéliens, arabes chrétiens, juifs messianiques mais aussi des étrangers résidents en Israël : des Coréens, Philippins, Africains, Américains... La traduction était assurée en arabe, en amharique, en espagnol et en russe. Beaucoup de jeunes ; une atmosphère de ‘grand stade’, un parterre de malades, d’handicapés, de fauteuils roulants, d’aveugles, de sourds...

Les 2/3 des gradins étaient pleins. A 19h30, la chorale et quelques solistes professionnels nous entraînent dans la louange et l’adoration du Dieu d’Israël. L’assemblée, les bras levés, se joint à la chorale.

A 21h, Benny Hinn, commentant un texte du Nouveau Testament, nous apporte le message : « Jésus, le Messie, guérit les malades. » Il insiste : « Jésus est Juif. C’est ici, dans son pays et au milieu de Son peuple qu’Il a guéri. Aujourd’hui, vivant, ce soir, ici, Il guérit. » Plusieurs guérisons : des hommes, des femmes qui se mettent à marcher, à courir, à entendre. Plusieurs témoignent. Benny Hinn continue à prier pour chacun, pour toute la foule présente.

A 23h, chacun rejoint sa voiture, son bus. Que s’est-il passé au juste ? Dieu présent dans la louange d’Israël.

Antoinette Brémond

La pauvreté en Israël – 22 novembre

La pauvreté en Israël est un sujet qui revient souvent dans les médias, et pour cause : le chômage augmente depuis plusieurs années, le dernier budget, accepté par le gouvernement a réduit les pensions des personnes âgées, des handicapés, des familles nombreuses, des familles uniparentales.

Le dernier rapport publié le 21-11-04 donne le chiffre de 1 400 000 de « pauvres » dont 660 000 enfants et adolescents. Le directeur du « Bitouah Leumi » (assurance nationale) nous dit : « La pauvreté passe des parents à la seconde génération ».

Par rapport à l’année dernière 100 000 se sont ajoutés et parmi eux 90 000 ont un travail, mais un salaire très bas. Un million de citoyens touchent un salaire minimum de 3 335 shekels par mois (610 euros), et certains seulement 1 936 shekels (355 euros), ceux-ci survivent plus qu’ils ne vivent. Soixante suicides ont été causés par cette situation.

Le directeur du Bitouah Leumi, Dr Yigal Ben, a critiqué la politique du gouvernement. Le dernier rapport a été donné directement à A.Sharon ainsi qu’au ministre des affaires sociales, Zabulon Orlev, ayant démissionné la semaine dernière car il s’oppose au plan de désengagement de Gaza de Sharon.

« Cela obligera le gouvernement à voir de près la vérité » dit-on au Bitouah Leumi. La Histadrout, syndicat des travaillistes, accuse B. Netanyahou : « La politique du ministre de l’économie détruit la société et nous transforme en tiers-monde, que le ministre en tire les conclusions et démissionne ! La seule progression , ce sont les pauvres, ceux qui ont faim, le chômage et les soupes populaires ». (Restaurants du cœur)

Le parlementaire Haim Oron demande un changement immédiat de la politique du ministre de l’économie.

Quelques heures après la publication du rapport, plus de 277 réactions de tous bords s’affichaient sur le site internet Ynet du quotidien Yediyot Aharonot :

« Bien sûr que ce document est une manipulation, la plupart des pauvres sont soit des Arabes qui travaillent au noir et reçoivent la pension en fraudant sur le nombre des enfants, soit des Juifs religieux qui ne veulent pas travailler. Ce document est une manière de journalistes pour enfoncer le gouvernement. »

– ou « Votez Likoud et nous arriverons tous aux soupes populaires. »

– ou encore « Ce fichu gouvernement de droite recherche les guerres et délaisse ses citoyens ! »

                                                                      Cécile Pilverdier

D’une seule voix, concert de la paix –26 novembre

Ce jeudi soir 25 novembre, à l’auditorium de Notre Dame de Jérusalem, plus d’une centaine d’artistes résidents en Israël ou dans les Territoires palestiniens se sont produits lors d’un concert exceptionnel. Juifs, chrétiens de différentes traditions (melkites, arméniens, latins) et musulmans, dont des soufis, ont chanté les pièces les plus représentatives de leur répertoire respectif pour porter ensemble ‘d’une seule voix’ un message de paix, de fraternité et surtout d’espérance. Ce concert de musique sacrée est la prolongation d’un disque enregistré et intitulé ‘d’une seule voix’ qui avait remporté, l’an dernier, un vif succès.

La soirée était organisée avec le soutien du Consulat général de France à Jérusalem et le Secours Catholique qui travaille pour le dialogue et la solidarité entre juifs, chrétiens et musulmans. Le ministre français de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, qui a fait le déplacement depuis Paris a souligné la portée symbolique d’un tel concert à Jérusalem « ville qui pour nous tous a une très profonde signification, ville où nous avons des attaches spirituelles. » Le ministre a également souligné qu’à « la croisée des chemins où nous sommes aujourd’hui, les chants sacrés, ont un rôle à jouer : celui du dialogue des cultures et des religions. »

Au terme du concert tous les artistes se sont réunis sur la scène pour chanter ensemble en arabe, en hébreu et en français : « O Dieu de la paix, donne-nous la paix...Donne la paix à nos pays. »

On pourra seulement regretter que cette belle manifestation n’ait pas eu plus d’écho parmi les Juifs et les musulmans qui étaient très peu nombreux dans l’auditorium.

 

Moshé Katsav : « Arrêtons de construire la barrière » - 28 novembre

Ce week-end, dans une interview au supplément du quotidien Maariv, le président de l’Etat d’Israël, Moshé Katsav, répond aux questions de Ben Kaspit. Nous vous en proposons quelques extraits des plus significatifs.

Moshé Katsav à la question de l’après Arafat : « Il y a aujourd’hui, entre nous et l’Autorité Palestinienne des intérêts communs : la stabilité du régime, la reprise du processus de paix, l’amélioration de la situation économique, l’arrêt de la construction de la barrière de sécurité, le cessez-le-feu. »

« La cessation de construire la barrière ?? C’est dans notre intérêt ?? » interroge surpris Ben Kaspit.

« Oui, c’est aussi notre intérêt. S’il y a un arrêt du terrorisme. La barrière nous coûte beaucoup d’argent, elle provoque des pressions internationales et des problèmes juridiques. Si les Palestiniens arrêtent les attentats, nous n’avons pas d’intérêt à poursuivre sa construction.... En ce qui concerne la barrière nous avons échoué dans le domaine de l’information et nous n’avons pas su nous expliquer face au monde. »

A la question de savoir ce qu’Israël doit faire maintenant pour ne pas risquer de manquer une occasion, il déclare : « Tout d’abord, il faut continuer à combattre le terrorisme. Il s’agit de vies humaines, et il ne peut pas y avoir de compromis. Il se peut que le plan de retrait unilatéral soit maintenant coordonné avec l’Autorité palestinienne.

Sur le processus de paix avec les Palestiniens, le Président est très clair : « Il faut faire un effort pour recevoir quelque chose en échange de quelque chose lors du plan de séparation unilatérale. Par le passé, nous avons donné lors des accords d’Oslo et nous n’avons rien reçu en retour. Nous avons accepté la feuille de route qui comprend la création d’un Etat palestinien, et nous n’avons rien eu en échange. Le temps est venu d’avoir en échange une cessation du terrorisme... Je crois qu’Abou Mazen et Abou Alla comprennent que la poursuite du terrorisme est une catastrophe pour le peuple palestinien. »

Moshé Katsav se dit prêt à se rendre au Parlement palestinien à Ramallah : « Ma présence devant le parlement palestinien avec un message du peuple d’Israël, en parlant au nom de toutes les composantes du peuple et de la carte politique, pas seulement au nom de la coalition, peut apporter une contribution. Si les conditions sont réunies, et que le leadership palestinien se montre responsable, je suis prêt à me rendre à Ramallah et à m’adresser au peuple palestinien comme je l’avais proposé il y a trois ans. »

Kaspit lui pose la question de savoir s’il n’est pas devenu un homme de gauche : « De façon générale, c’est tout l’Etat qui va vers la gauche depuis les dix dernières années. Il y a dix ans, le programme des habitants des implantations était d’annexer toute la Judée et la Samarie. Aujourd’hui, presque plus personne ne parle de cela. Aucun responsable politique. Et je parle avec eux, librement, entre quatre yeux. »

On dit que le Président Katsav devient de plus en plus religieux, il explique : « Depuis l’école primaire, durant tout mon parcours, j’étais un laïc. A l’école, au lycée, à l’université, à l’armée, et lorsque j’étais célibataire, j’étais complètement laïc. Lorsque j’étais ministre, j’ai rencontré le prince Hassan à Rabbat Amon (Amman) et j’ai vu qu’il connaissait bien le Talmud. J’ai alors pensé en moi-même ‘Je suis ministre dans un Etat juif et voici qu’un prince jordanien, héritier de la couronne d’un état musulman, connaît le Talmud plus que moi’. J’ai alors compris que je n’avais jamais étudié le Talmud de ma vie. »

Pour conclure, Kaspit l’interroge sur Sharon : « Pensez-vous qu’il est possible que ce soit Sharon qui signe l’accord historique de paix avec les Palestiniens ? » Il répond clairement : « Sans rentrer dans les détails, je pense que oui. Ariel Sharon peut être celui qui signera la paix dans les prochaines années. »

                                                                                                                     La rédaction

Institut Decourtray, un nouveau départ – 3 décembre

La leçon inaugurale de L’Institut Français Albert Decourtray d’Études Juives à Jérusalem (IFADEJJ) s’est déroulée au centre Notre-Dame le 30 novembre dernier, en fin d’après-midi, devant une assemblée d’une centaine de personnes juives et chrétiennes. L’ambassadeur de France en Israël était venu de Tel Aviv. Etaient également présents le consul général de France à Jérusalem et le consul de France à Tel-Aviv. Cette représentation officielle manifeste le soutien de la France à l’Institut depuis sa création en septembre 2003.

Parmi les personnalités juives, il faut souligner la présence du Rabbin Jacquot Grunewald, secrétaire de l’association Albert Decourtray - Jérusalem, du Grand Rabbin Schwob, des membres du Bnei Brit dont son président et beaucoup d’autres Israéliens amis de l’association. Le Vatican était représenté par le nonce apostolique en Israël, Mgr Pietro Sambi. Des responsables de communautés chrétiennes, des membres de la paroisse hébraïque, des amis chrétiens de Jérusalem et de Tel-Aviv étaient venus nombreux.

Cette assemblée, moitié juive, moitié chrétienne, était en soi un signe fort de la réalité de l’amitié judéo-chrétienne vécue ici, et, ce soir-là, visible : nous écoutions ensemble la Parole.

Le supérieur des Lazaristes, le P. Alvaro Restrepo, présidait la soirée. Il donna la parole aux trois conférenciers : le père Michel Remaud, Directeur de l’Institut, Mme Marie-Joseph Pierre, Présidente de l’association Albert York et chercheur au CNRS à Paris et le Rabbin Jacquot Grunwald.

Michel Remaud commença par remercier les pères Lazaristes qui ouvrirent leur maison à l’Institut. Il précisa également avec reconnaissance que sans le Rabbin Grunwald, l’Institut n’aurait pas vu le jour. Puis, il nous transporta « d’un signe à l’autre », de Jean à l’Exode et de l’Exode à Jean pour écouter la Parole dans le patrimoine juif et en entendre l’écho jusque dans l’Evangile.

Marie-Joseph Pierre fit une brèche dans notre mentalité occidentale rationnelle et scripturaire pour nous ouvrir « à l’Orient, la Parole. » Nous écoutions ses paroles comme un chant poétique. Nous reconnaissons cette connaissance savoureuse d’une parole qui est répétée, chantée, touchée, mangée... une perle à plusieurs facettes.

Jacquot Grunewald, à travers la question : « la femme adultère de Jean 8 est-elle la sota (la femme soupçonnée d’adultère) de Nombres 5 ? » nous fit toucher du doigt la méconnaissance de la tradition juive dans la lecture habituelle de ce texte et les préjugés antisémites qui en découlent.

Au terme de cette leçon inaugurale, tous les participants étaient invités à une réception au consulat général de France où Mr Régis Koetschet, consul général, insista, dans son mot de bienvenue, sur l’importance d’institutions comme celle de l’Institut Albert Decourtray à Jérusalem.

Enfin, soulignons la naissance de l’Association Albert Decourtray - France en janvier 2004 pour soutenir l’association israélienne et continuer à répandre en France une volonté de connaissance mutuelle entre Juifs et Chrétiens.

                                                                                                                                Suzanne Millet

La chanson du mois

Et le chanteur du mois qui nous quitte. Après No’omi Shémer, c’est Uzi Hitman, qui à 52 ans cesse de chanter ici-bas. Encore un troubadour qui va nous manquer.

Lui aussi très populaire, très aimé. Un grand enfant, avec un bon sourire et beaucoup d’humour, qui a participé à tant de programmes de TV pour les enfants.

Il était né au kibboutz Givat Shmuel, de parents rescapés de la Shoa, traditionnels et aussi ouverts au monde laïc : son père était chantre de synagogue, mais il envoya son fils à l’école laïque, et à la maison on écoutait les chants religieux traditionnels au côté des Beatles et d’Enrico Macias. Quand il eut 11 ans, il reçut de ses parents sa première guitare.

En 30 ans il composa de nombreux chants, de styles divers, et aussi la mélodie bien connue de tous du chant synagogal Adon Olam (Seigneur du monde, Tu as régné avant même toute création… Il était, il est et il sera dans la gloire). Mais aussi bien sûr des chants évoquant tout aspect de la vie humaine, de la vie du pays. Mais quand on lui demandait : “Quel est ton plus beau chant?”, il répondait : “Celui que je n’ai pas encore écrit…”

Un homme intègre et si simple, père de famille (trois enfants) et ami chaleureux.

Notre choix a porté sur le chant de l’enfant perplexe, qui raconte à Dieu son rêve.

 

 

Ratsiti shé-téda

Mon cher Dieu,

Je voudrais que tu saches

Quel rêve j’ai fait cette nuit

Dans mon lit.

Dans ce rêve j’ai vu un ange

Venu d’en haut

Et il m’a dit comme ça :

« Je suis venu du ciel

Porter un salut de paix

Aux enfants du monde entier. »

Quand je me suis réveillé,

Je me suis rappelé

Je suis sorti chercher

Un peu de paix,

Mais y avait plus d’ange

Et y avait pas de paix.

Je suis resté tout seul

Moi et mon rêve.

Mon cher Dieu,

Je voulais que  tu saches

Que j’ai eu ce rêve, oui,

Seulement que tu le saches,

C’est tout ce que je voulais.

 

Il y a beaucoup d’enfants dans ce pays, dans les deux peuples, qui ont sûrement envie de dire la même chose, et Dieu doit bien les entendre…

et l’humour en finale

…malgré tout. Comme prélude, un souvenir personnel : dans le lit en face de moi à l’hôpital récemment, un homme de 82 ans. Calme, toujours souriant. On lui explique : Je vais te faire tel traitement – il réagit en riant : « Oh là là, je connais ça, on me l’a fait des quantités de fois dans divers hôpitaux ! Dans cette vie, tout ce qui nous reste, c’est le rire ! »

Eh bien, l’histoire aujourd’hui, c’est celle d’un Hassid qui, perdu dans les bois, ne peut prier : il a oublié son livre. Il dit à Dieu :

“Seigneur, je suis confus, j’ai oublié mon livre à la maison, et je n’ai pas de mémoire. Mais Toi, les prières, tu les sais toutes. Alors je vais réciter les lettres de l’alphabet, et Tu les mettras dans l’ordre !”  

                                                                                                                                            Y.E.

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Même si nous avons une ligne commune dictée par notre présence en Israël, il semble bon de rappeler

le principe qui guide bien des publications et qui donne une certaine liberté à chacun :

 

La revue laisse aux auteurs des articles et comptes rendus l’entière responsabilité

des opinions et jugements qu’ils expriment.