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 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 24 – Juin 2005

Sommaire ;

-    Editorial

-    Dossier : Pentecôte à Jérusalem

-    Histoire : histoire du sionisme : mise en perspective historique

-    L'été sera chaud

-    La vie au quotidien à Jérusalem

-    Une exposition au musée d'Israël : Beauté et Sainteté

-    Un groupe parlementaire de coopération avec les chrétiens

-    Livre : Eclats d'une amitié

-    Flashes d'espoir

-    Nouvelles au fil du mois...

-    Chant du mois et humour en finale

Editorial

2005, cette année le musée d'Israël fête ses 40 ans. Je me souviens du jour de son inauguration ; j'étais à l'oulpan et les commentaires d'architectes mondialement connus, présents à la cérémonie m'avaient frappée : « Musée ouvert en harmonie avec l'environnement». En effet, construit comme un village où les maisons s'assemblent, il peut grandir au rythme des collections et des activités.

J'y suis allée cette semaine, par hasard c'était le jour de l'année où le musée faisait « portes ouvertes » en l'honneur de cet anniversaire. Une foule de bambins et leurs parents envahissaient les jardins. Tout le long des escaliers centraux, une allée de 200 mètres, recouverte de plastique commençait à accueillir les artistes. De jeunes adultes,élèves de Betzalel ( l'école des Beaux Arts) proposaient : assiette de plastique, palette entourée de petits pâtés de 8 couleurs, pinceau, boîte remplie d'eau, feuille de papier à dessin et...un tablier en plastique, bien utile, les plus jeunes n'ayant que 18 mois !. Parents, enfants, tout le monde essayait ses talents, assis à même le tapis improvisé.

Après avoir terminé de voir l'exposition choisie, je suis repartie en passant à l'intérieur du musée qui ressemblait à une ruche. De temps en temps une animation rassemblait une grappe d'enfants, les autres naviguaient librement parmi les visiteurs.

Lorsque, deux heures après mon arrivée, je suis ressortie, des centaines « d'oeuvres » séchaient, suspendues à une longue corde longeant toute l'allée.

« Un écho » dont le dossier nous fera découvrir le lien entre la fête juive de Shavouot et la fête chrétienne de la Pentecôte. Puis les autres textes refléteront la vie ici, avec « le retrait de la Bande de Gaza » qui envahit nos médias, le phénomène « orange » contre ce retrait, la rencontre d'un groupe parlementaire avec des Chrétiens, une des nombreuses expositions du Musée d'Israël, la présentation du nouveau livre de Renée Néher, et enfin, flashes d'espoir et le chant, qui clôture toujours notre petit journal.

Et à la veille de l'été, à tous nos lecteurs : bonnes vacances.

Cécile Pilverdier

Dossier du mois :

Pentecôte à Jérusalem

Le touriste ou le pèlerin qui aura le courage de faire sonner son réveil à trois heures du matin dans la nuit qui précède la fête des Semaines — la fête de la Pentecôte — (cette année, la nuit du 12 au 13 juin) verra dans les rues de Jérusalem des flots humains descendre vers le mur occidental du Temple. S'il se joint lui-même à la foule, il verra l'esplanade se remplir bien avant le lever du soleil, et il entendra les chants liturgiques accompagner le lever du jour. Et s'il était prêt à passer une nuit blanche, il aura pu aussi se rendre dès la veille au soir dans une synagogue pour y entendre toute la nuit des enseignements sur la Tora.

Cet usage d'anticiper le lever du soleil, la nuit de la fête des Semaines (la « Pentecôte », le cinquantième jour, dans le judaïsme de langue grecque) se rattache à l'une des innombrables traditions relatives au don de la Tora sur le Sinaï. Le matin où Dieu descendit sur la montagne, il y avait un peu plus d'un mois et demi que les fils d'Israël avaient quitté l'Egypte. Épuisés de fatigue, ils dormaient encore alors que le soleil brillait déjà depuis deux heures, en cette période de l'année où les nuits sont courtes, au point que Moïse dut les tirer de leur sommeil (P.R.E. 41). Le tiqun leil ha-shavuot, la « réparation de la nuit [de la fête] des semaines », par lequel Israël devance le jour pour recevoir la Tora, veut ainsi réparer cette « grasse matinée » involontaire de la génération du désert, lors de laquelle Dieu lui-même dut attendre que ses fils aient ouvert l'œil avant de leur donner ses commandements.

« La montagne du Sinaï, dit le livre de l'Exode, n'était que fumée, parce que Dieu y était descendu dans le feu. » (Ex 19,18). « Vous vous êtes tenus debout au pied de la montagne : elle était en feu, embrasée jusqu'en plein ciel. » (Dt 4,11). Les traditions juives anciennes ont largement amplifié cette relation entre la parole divine et le feu. Un targum (paraphrase populaire de la Bible en araméen) raconte par exemple : « Le premier commandement, lorsqu'il sortait de la bouche du Saint — Que son nom soit béni ! — était comme des étincelles et des éclairs et des flammes de feu ; une lampe de feu à sa droite et une lampe de feu à sa gauche, volant et s'élevant dans l'air des cieux ; puis il revenait et était visible au-dessus des campements d'Israël. Il revenait et allait se graver sur les tables de l'alliance qui étaient placées dans la paume des mains de Moïse, en allant et venant sur elles, d'un bord à l'autre. » (Ps.J. 19,2).

Cette tradition est peut-être née d'une interprétation littérale du verset de l'Exode : « Tout le peuple voyait les voix. » (Ex 19,18). Les traductions atténuent généralement le paradoxe en comprenant que le peuple « percevait» les voix. Dès l'antiquité, les interprètes étaient partagés sur le sens de ce verset. Rabbi Ishmaël proposait de comprendre : « Ils voyaient le visible et entendaient l'audible. » (M.R.I. Yitro 9). La tradition a pourtant retenu l'interprétation défendue par Rabbi Aqiba : les voix (la parole unique, qui se divisait de multiple manières, comme on le verra plus loin) s'étaient rendues visibles.

La tradition rabbinique rapporte de nombreuses illustrations de ce lien entre la Parole et le feu. Rattachés à quelques-uns des grands maîtres de l'antiquité, ces récits sont généralement mis en relation avec l'événement du Sinaï. Même si les esprits critiques y voient des légendes hagiographiques, ces histoires sont riches de signification théologique.

Le plus classique de ces récits est celui de l'événement qui accompagna la circoncision d'un enfant qui allait devenir un des maîtres du second siècle, avant de verser dans l'hérésie, Élisha ben Abuya. Ce témoignage, que l'intéressé dit tenir de son père, est rapporté par une page célèbre du talmud : tandis que les invités chantaient et dansaient, Rabbi Yéhochua et Rabbi Éliézer, les deux grands maîtres du début du second siècle, s'étaient retirés dans une pièce tranquille pour s'entretenir de la Tora. Alors que, selon leurs propres termes, ils passaient de la Tora aux prophètes et des prophètes aux autres écrits, et donc qu'ils parcouraient l'ensemble de l'Écriture, le feu descendit du ciel. Quand le maître de maison leur demanda s'ils étaient venus pour mettre le feu chez lui, ils lui répondirent : « Nous passions de la Tora aux prophètes et des prophètes aux hagiographes et voici que ces paroles sont devenues joyeuses comme elles l'étaient quand elles furent données au Sinaï et le feu s'est mis à les lécher comme il les léchait au Sinaï. En effet, quand ces paroles furent, la première fois, données au Sinaï, elles furent données dans le feu. » (J. Hag. 77b).

Passer de la Tora aux prophètes et des prophètes aux hagiographes, c'est-à-dire parcourir les trois parties de l'Écriture, n'est pas, dans ce contexte, « feuilleter » la Bible, mais la scruter pour trouver ce qui en fait la cohérence et parvenir à la saisir dans son unité. La parole divine, unique lorsqu'elle fut prononcée, s'est divisée de multiples manières. Elle s'est diffractée en une multitude d'interprétations que la tradition compare à autant d'étincelles. Elle s'est adaptée à la capacité de perception de chacun de ses auditeurs : les enfants la recevaient comme des enfants, les anciens comme des anciens, les femmes comme des femmes, etc. Elle s'est fait entendre, comme on va le voir, dans toutes les langues de l'humanité. Lorsque des Sages parviennent à la ressaisir dans son unité, elle redevient incandescente comme lorsqu'elle fut donnée pour la première fois sur le Sinaï.

Une histoire comparable est rapportée au sujet d'un disciple de Rabbi Aqiba, Rabbi Shim'on ben Azzaï : « Ben Azzaï était assis et scrutait [l'Écriture] et le feu flamboyait autour de lui. On alla le dire à Rabbi Aqiba : "Rabbi, Ben Azzaï est assis et scrute l'Écriture et le feu flamboie autour de lui. Il vint auprès de lui et lui demanda : "J'ai entendu dire que tu scrutais l'Écriture et que le feu flamboyait autour de toi." Il lui répondit :[...] "J'étais assis, je faisais un collier des paroles de la Tora, passant de la Tora aux Prophètes et des Prophètes aux Écrits et les Paroles étaient joyeuses comme lorsqu'elles furent données sur le Sinaï et elles étaient douces, comme lorsqu'elles furent données pour la première fois, car, lorsqu'elles furent données pour la première fois, ne furent-elles pas données dans le feu, comme il est dit : "La montagne était en feu" (Dt 4,11) ?» (Ct R 1,10).

On pourrait citer encore l'histoire de Rabbi Éléa/ar ben Arakh : tandis qu'il commençait à commenter le passage d'Ézéchiel sur le char divin, un feu tomba du ciel, et tous les arbres, environnés de flammes, se mirent à chanter les louanges de Dieu: «Louez le Seigneur [...] arbres fruitiers, cèdres, etc..» (Ps 148,7)(Hag. 14b); ou encore, celle de Rabbi Yehuda, fils de Rabbi Hiyya, dont on dit qu'il passait son temps à la maison d'étude. Quand il rentrait chez lui, la veille du shabbat, on voyait sur le chemin une colonne de feu qui le précédait. Un soir où il avait prolongé son temps d'étude, on ne vit pas la colonne de feu ; on en conclut qu'il avait quitté ce monde (Ket. 62b).

En cette année 2005, où les deux calendriers liturgiques, le catholique et le juif, sont décalés d'un mois, les catholiques ont déjà eu l'occasion d'entendre le récit bien connu de la descente de l'Esprit sur les apôtres : « Alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues... » (Actes des Apôtres, 2,3-4). Cette description, on le voit, s'apparente aux nombreux récits de la tradition juive qui associent la Parole et le feu.

Le récit de Luc contient d'autres allusions aux traditions juives sur la Pentecôte. La principale se trouve contenue dans la formule : « Chacun l'entendait dans sa propre langue. » (Ac 2,6). Elle se réfère, vraisemblablement, à l'événement du Sinaï tel qu'il est raconté par les traditions juives anciennes. Lorsque Dieu voulut donner la Tora, nous disent ces traditions, il la destinait à tous les peuples. Unique dans son émission, sa voix parcourait la terre, de sorte que chaque peuple l'entendait dans sa propre langue. Certaines traditions parlent de quatre langues — l'hébreu, « la langue romaine », l'arabe et l'araméen — (Sifré Dt 343), ou d'une voix de Dieu venant simultanément des quatre vents : « Le Seigneur est venu du Sinaï, il a resplendi pour eux de Séir, il est apparu du mont de Paran, il est venu des myriades de Qadesh. » (Dt 33,2). L'universalité de l'offre de la Tora, marquée ici .par le chiffre quatre, est exprimée dans d'autres sources par celui de soixante-dix : la voix divine était perçue simultanément en soixante-dix langues, correspondant aux soixante-dix nations qui composaient l'humanité (Ex R 5,9).

Cette première offre à l'humanité fut malheureusement un échec : les nations païennes ayant refusé l'une après l'autre de recevoir la Tora après s'être enquises de son contenu, les « rois de la terre » rentrèrent chacun chez soi, tandis que Dieu, en fin de compte, proposait sa loi à Israël, qui l'accepta. Quant aux nations, elles ne pourront invoquer l'excuse de l'ignorance au jour du jugement. L'Écriture en témoigne : « Que tous les rois de la terre te confessent, car ils ont entendu les paroles de ta bouche. » (Ps 138,4). Personne, par conséquent, ne peut prétendre qu'il n'aurait pas entendu. Cette tradition est née, vraisemblablement, lors de la rencontre du judaïsme avec le monde hellénistique, et son but était essentiellement apologétique. Il s'agissait moins de convaincre les païens que de fournir aux Juifs un argumentaire pour leur permettre de répondre à la question des païens : si Dieu est unique, pourquoi sa révélation n'aurait-elle été adressée qu'à un seul peuple ?

Sur l'arrière-fond de ces traditions, la Pentecôte de Jérusalem apparaît ainsi comme une nouvelle offre de la parole de salut à l'humanité. Les gens venus de « toutes les nations qui sont sous le ciel », Juifs, mais aussi Parthes, Mèdes, Arabes ou « craignant Dieu » de toutes nations, entendent la Parole chacun dans sa langue, et l'acceptent.

C'est au Sinaï, ou depuis le Sinaï, que la Tora fut proposée à tous les peuples. Pour les traditions juives anciennes, il n'est pas insignifiant que la Révélation ait eu lieu dans un désert. Le sens du choix de ce lieu est expliqué dans un commentaire sur le verset de l'Exode : « Ils arrivèrent au désert du Sinaï et ils campèrent dans le désert » (Ex 19,2). « "Ils campèrent dans le désert" : La Tora a été donnée publiquement, ouvertement et dans un lieu qui n'appartient à personne ; car si la Tora avait été donnée en terre d'Israël, ils (les Israélites) auraient pu dire aux peuples du monde : vous n'y avez pas de part. Mais elle a été donnée dans un désert, publiquement et dans un lieu qui n'appartient à personne. Quiconque veut la recevoir, qu'il vienne et la reçoive. » (M.R.I. Yitro 1) Un commentaire plus tardif relèvera même que le mois de Sivan, au cours duquel on célèbre la fête de la Pentecôte, correspond au signe zodiacal des gémeaux. Des deux jumeaux que sont Esaü et Jacob, seul le second a accepté la Tora, mais elle demeure offerte à Esati (Tanh. B. Yitro 13).

Donnée dans le désert, pour manifester le caractère universel de la proposition, la Loi est interprétée à Jérusalem, sur le mont du temple où siège le sanhédrin. Un commentaire dit que lorsque Dieu créa le monde, il cassa un morceau de la montagne du temple, le mont Moria, pour en faire le Sinaï, comme on prélève les prémices sur la pâte (Mid. Ps 68,9) : manière de montrer qu'il n'y a pas opposition, mais complémentarité, entre le Sinaï et Jérusalem.

Le récit de Luc situe à Jérusalem la première Pentecôte chrétienne. Bien que le lieu de l'effusion de l'Esprit ne soit pas le « terrain neutre » du désert, le caractère universel de l'événement est marqué par la multiplicité des langues et des lieux de provenance des participants.

L'auteur pense-t-il aussi à la prophétie d'Isaïe et de Michée : « Il arrivera à la fin des temps que la montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes et dominera sur les collines. Toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux se mettront en marche et diront : "Venez, montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob. Il nous montrera ses chemins et nous marcherons sur ses routes." Oui, c'est de Sion que sort la Tora, et de Jérusalem la parole du Seigneur. » (Is 2,2-3 ; cf. Mi 4,1-3) ? Dans son premier discours, Pierre, pour sa part, voit dans cet événement l'accomplissement de la prophétie de Joël (Ac 2,16) : « Il arrivera dans les derniers jours que vos fils et vos filles prophétiseront... », mais ne fait aucune mention de celle d'Isaïe, qui n'est pas citée dans le Nouveau Testament.

Le visiteur de Jérusalem peut constater que « la montagne de la maison du Seigneur », loin d'être « établie au sommet des montagnes », est entourée de toutes parts de collines qui la dominent. « Jérusalem, les montagnes l'entourent », chante le psalmiste (Ps 145,2). Que ce soit de la Citadelle, du mont Scopus, du mont des Oliviers, du mont du Scandale ou de la colline du Mauvais Conseil, on peut avoir une vue plongeante sur le mont du temple, et mesurer ainsi la force du paradoxe qu'énoncent les prophètes, en même temps que le caractère eschatologique de leur vision.

L'auteur des Actes des Apôtres, quant à lui, voit dans Jérusalem le point de départ d'une parole qui se diffuse plutôt que le lieu de rassemblement des nations. Pour lui, nous sommes encore dans le temps où chacun doit entendre la Parole « dans sa propre langue ».

Un exemple, entre mille, de l'éclairage que la tradition juive peut apporter aux écrits fondateurs du christianisme.

Michel Remaud

 Histoire du Sionisme : mise en perspective historique

Au cours de l'année scolaire 2001-2002, un séminaire d'élèves consacré à l'histoire du sionisme a été créé par trois élèves de l'Ecole normale, Antoine Errera, Jérémy Godefroy et Emmanuel Szurek. Ce séminaire avait pour but d'étudier la naissance de l'idée sioniste, son développement et sa réalisation progressive, jusqu'en 1948. Il s'agissait donc d'un séminaire d'histoire des idées; notre but était de tenter de comprendre les différents modes de l'affirmation de l'idée sioniste et les étapes de sa réalisation.

Nous avons choisi de nous arrêter à 1948. En effet, nous nous sommes proposé d'étudier le sionisme comme objet d'histoire. La question de savoir si le sionisme en tant qu'idée, en tant que projet, est une catégorie de pensée valide après 1948, appartient à un autre débat. En d'autres termes, la question de savoir si le sionisme est mort ou non en 1948 relève d'une problématique différente, intéressante certes, mais qui n'a pas été abordée dans le cadre de ce séminaire.

1.   Mise en perspective historique : la naissance de l'idée sioniste dans le contexte de l'Europe du XIXe siècle ( essor des mouvements nationaux, émancipation, émergence de l'antisémitisme ) - Antoine Errera -

2.    Chronologie commentée : un siècle de sionisme, de Moïse Hess à la proclamation de l'Etat d'Israël - Jérémy Godefroy -     3. Antisémitisme, judaïsme et Lumières : le sionisme et ses contradictions - Emmanuel Szurek

Nous tenons à remercier les trois auteurs qui nous permettent de reproduire dans « Un écho » leurs travaux.

I. Une mise en perspective historique

En ce qui concerne la naissance du terme de « sionisme », le mot fut employé pour la première fois par Nathan Birnbaum, à Vienne, en janvier 1892. Nathan Birnbaum (1864 - 1937) était un Juif viennois; issu d'une famille originaire de Cracovie, il avait été l'un des fondateurs de l'association étudiante Kadima. Il fut un nationaliste juif, et comprit très vite l'importance du sionisme politique.

Le terme de sionisme vient de Sion, l'une des collines de Jérusalem ( et, de ce fait, synonyme de Jérusalem, symbole de la Terre promise ).

La définition du sionisme est la suivante: il s'agit d'un mouvement d'ampleur mondiale dont l'objet fut le retour des Juifs dans leur ancienne patrie. Le sionisme politique se donna plus précisément pour but la constitution d'un Etat juif en Palestine. Son objet figure dans le programme de Bâle :

«Le sionisme s'efforce d'obtenir pour le peuple juif en Palestine un foyer reconnu publiquement et garanti juridiquement [ öffentlich-rechtlich ].».

On trouve un résumé de l'entreprise sioniste dans l'ouvrage de Walter LAQUEUR, Histoire du sionisme. (Introduction ): son livre « traite du destin d'un peuple cruellement éprouvé et de ses tentatives de normaliser sa condition, pour échapper aux persécutions, et pour retrouver une dignité à ses propres yeux et aux yeux du monde. » C'est dire la force de ce souhait de retrouver un Etat qui soit à la fois un gage de sécurité et une source de fierté. En cela, le sionisme procède bien de l'aspiration d'un peuple si éprouvé à trouver sur la terre un refuge, un lieu de paix et d'enracinement. A l'origine de cette situation anormale se trouve l'exil.

La problématique réside donc dans le caractère anormal de la situation du peuple juif. Le fond du problème réside dans cette absence de patrie. Le sionisme s'attachera donc à mettre en oeuvre la renaissance politique du peuple juif.

Sommaire:

I. La situation des Juifs au XIXe siècle : les conséquences de l'émancipation et les progrès de l'antisémitisme moderne

1.        L'émancipation

2.        Son corollaire, l'assimilation

3.        De violents contrastes entre les différentes communautés

4.        Le cas de la Russie

5.        L'antisémitisme moderne

II. Nation, nationalité, nationalisme

6.        La nation comme source de légitimité politique

7.        Nationalisme

8.        Judaïsme et nationalité

9.        Herzl et la naissance du sionisme politique Conclusion

I-La situation des Juifs au XIXe siècle : les conséquences de l'émancipation et les progrès de l'antisémitisme moderne II importe de resituer le sionisme dans son contexte. En effet, au XIXe siècle, la situation des Juifs a profondément changé. De nouvelles idées sont apparues, des évolutions sociales se sont dessinées: les problèmes qui se posent sont donc nouveaux. Le sionisme peut être considéré comme une réponse à ces changements de grande ampleur.

1. L'émancipation

1 .L'émancipation consiste dans l'acquisition, par les Juifs, des droits de citoyens. C'est bel et bien la Révolution française qui marque le début d'une ère nouvelle dans la vie des Juifs. Le principe d'égalité de tous devant la loi est affirmé. On peut alors croire que les massacres, les persécutions et l'ostracisme social vont prendre fin.

L'émancipation juridique fut toutefois lente. Dans le cas français, la base de cette émancipation réside dans l'édit d'émancipation du 27 septembre 1791. Mais, sous Napoléon, fut adopté le "décret infâme" de 1808. Et il fallut attendre 1846, sous la monarchie de Juillet, pour voir la suppression du more judaico, legs de l'Empire. Ce serment religieux que les Juifs devaient prêter avant de comparaître en justice portait atteinte à l'égalité devant la loi et blessait la liberté de culte.

L'assimilation sociale et culturelle pouvait faire, dès lors, de rapides progrès. Et surtout, les termes de la question juive se trouvent changés.

2. Son corollaire : l'assimilation

1.    L'assimilation : une solution satisfaisante ?

Le problème général que pose l'assimilation est consécutif à l'émancipation. Il s'agit d'un processus dynamique, source de tensions et de conflits à l'intérieur de la communauté juive. L'émancipation imposa aux Juifs, désormais citoyens à part entière, de réinterpréter le judaïsme en termes de croyances et de pratiques religieuses.

2.    Des réserves diverses

Une partie des sionistes considèrent que l'émancipation juridique ( qui est d'ailleurs lente, qui n'est pas générale - toutes les communautés juives ne sont pas concernées - et qui n'est pas toujours acquise ) ne règle pas tout, que les mentalités n'évoluent pas aussi vite. De plus, l'émancipation ne fait pas pour autant oublier les siècles de persécutions, de discriminations, de violences, toute la période pendant laquelle les Juifs ne faisaient pas partie de la société civile.

Il existe donc un problème identitaire : que deviennent les notions de communauté juive, de peuple juif, dans ce nouveau contexte ? Quelle place accorder à l'identité juive ? Cela engendre une insatisfaction, un malaise. L'assimilation dans les pays occidentaux suppose que l'on fasse sienne la langue et la culture nationales. Dans quelle mesure ce processus peut-il se faire, et jusqu'où peut-il aller ? Comment préserver la spécificité juive ?

3. Une question nationale qui n'est pas résolue

De toute manière, l'émancipation, aux yeux des sionistes, ne règle en rien le problème national. Si les Juifs peuvent devenir des Allemands juifs ou des Français juifs, il n'est nullement question de les reconnaître en tant que nation.

Ahad HA'AM - "un du peuple", en hébreu -( de son vrai nom Asher GINZBERG ), écrivain et essayiste, s'est fait le héraut du sionisme dit culturel. Envisageant le problème juif en termes moraux, psychologiques et culturels, Ahad HA'AM prônait l'établissement en Palestine d'un centre spirituel et culturel juif, susceptible de régénérer le peuple juif. Ce centre servirait de base au renouveau national, et apporterait un remède à la crise culturelle du peuple juif de la diaspora. Attachant une grande importance aux questions de langue, de culture, de littérature, de diffusion de la connaissance du judaïsme, Ahad HA'AM a exercé une profonde influence sur les dirigeants juifs d'Europe orientale (Haïm WEIZMANN par exemple), par son idéal moral de sionisme spirituel.

Pour Ahad HA'AM, les Juifs occidentaux n'ont pas de culture nationale. Ils se trouvent de ce fait dans une situation de double servitude, intellectuelle et morale. Un de ses essais s'intitule justement : « L'esclavage au sein de la liberté». Autre reproche formulé par Ahad HA'AM, le choix de l'assimilation peut conduire à considérer comme honteux le passé de sa communauté d'origine. En réalité, à ses yeux, les Juifs sont des étrangers, des enfants d'Israël. Ils sont peut-être même les étrangers par excellence, parce qu'ils n'ont pas de patrie à eux. 3. De violents contrastes entre les différentes communautés

Le corollaire de l'émancipation fut la constitution d'un clivage, au sein même de la communauté juive, entre ceux qui souhaitaient s'intégrer dans la société environnante ( et qui en ont la possibilité ), qui considèrent l'émancipation comme une alternative à leur mode de vie traditionnel et introverti d'une part , et ceux qui n'en ont pas l'envie ou la possibilité d'autre part.

En découle la différence de situation entre les Juifs d'Europe centrale et orientale d'une part, et les Juifs occidentaux d'autre part.

1. Les Juifs d'Europe occidentale

L'assimilation était, à la fin du XIXe siècle, très avancée chez ces derniers. En plus faible nombre qu'en Europe orientale, plus dispersés, au mode de vie urbain, ils se trouvaient véritablement absorbés dans la société environnante. Il s'était donc opéré une assimilation du point de vue de la langue et des moeurs. Envisageant l'avenir avec confiance, ces Juifs d'Europe occidentale professaient donc un grand optimisme. Leur assimilation était si profonde que la majorité d'entre eux refusaient de percevoir l'antisémitisme autrement que comme un phénomène marginal, individuel, et condamné à disparaître.

Ils n'envisageaient pas, pour les millions de Juifs yiddishophones d'Europe orientale, d'autre destin souhaitable que l'assimilation. Ils rejetèrent donc avec véhémence toute reconnaissance des dimensions nationales ou nationalitaires de l'existence juive. Les Juifs occidentaux entendent devenir des Français, des Allemands, des Anglais; ils ressentent un très fort attachement pour leur patrie. Ils se montrèrent donc d'abord très réticents devant le projet sioniste.

On peut citer ce propos de Léon BLUM, tenu en 1950:

« Juif français, né en France, d'une longue suite d'aïeux français, ne parlant que la langue de mon pays, nourri principalement de sa culture, m'étant refusé à la quitter à l'heure même où j'y courais le plus de dangers, je participe de toute mon âme à l'effort admirable - miraculeusement transporté du plan du rêve au plan de la réalité historique - qui assure désormais une patrie digne, égale et libre à tous les juifs qui n'ont pas eu, comme moi, la bonne fortune de la trouver dans leur pays natal ».

Il faut bien se représenter la puissance considérable de l'attrait exercé par les sociétés environnantes, des sociétés allemande et française notamment. Au dernier quart du XIXe siècle, l'Europe occidentale se trouve au sommet de son prestige et de sa puissance. Véritable centre du monde, elle est regardée avec admiration par tous les peuples.

2. Les Juifs d'Europe centrale et orientale

Au contraire, les Juifs d'Europe centrale et orientale n'ont pas d'attirance pour la société qui les entoure. Ils en sont du reste séparés par la géographie, par le mode de vie, par la langue, par la religion. Il ne ressentent donc ni le désir ni le besoin de s'y intégrer, car ils sont parfaitement à l'aise dans la culture yiddish, à laquelle ils sont également très attachés. En Europe centrale et orientale, le sionisme soulève une question nationale, sociale et religieuse. Il existe une irréfragable spécificité du sionisme en Europe orientale.

On relève également nombre de différences sociales entre les Juifs occidentaux et les Juifs orientaux. Quelle condition misérable que celle des Juifs de l'Empire russe ( lequel comprend alors les pays baltes et une partie de la Pologne ), des Balkans, de la Galicie autrichienne, de la Roumanie ! A l'inverse, les Juifs occidentaux accèdent, eux, à une certaine aisance.

Les Juifs d'Europe centrale et orientale se distinguent aussi par la grande cohésion de leurs communautés, contrairement aux Juifs d'Europe occidentale, qui sont moins nombreux numériquement. Ces communautés assurent un encadrement, constituent une structure à caractère spirituel mais aussi temporel, s'occupant des questions de nourriture, d'éducation, d'assistance sociale, des relations avec les autorités. L'influence prépondérante des rabbins orthodoxes fait que, pour beaucoup, l'assimilation est impensable. Elle est parfois considérée comme une quasi-trahison.

En un mot, les Juifs d'Europe centrale et orientale sont d'autant plus attachés à leur identité juive qu'on ne leur offre pas la possibilité d'en avoir une autre.

4. Le cas de la Russie

Les conditions objectives font de la Russie, où résidaient cinq millions de juifs (soit la moitié de la population juive mondiale), un foyer vivant de la pensée présioniste. Contemporains de HERZL, les Amants de Sion, mouvement fondé par des étudiants de Saint-Pétersbourg en 1881, organisèrent des sociétés d'encouragement à l'émigration juive. Les Amants de Sion insistent toutefois davantage sur le « retour à Sion.» que sur la création d'un Etat.

De toute façon, l'assimilation s'avérait inenvisageable dans la Russie tsariste et en Roumanie, à cause de la discrimination dont les communautés juives faisaient l'objet. Les Juifs russes furent soumis à un statut spécial jusqu'en 1917. Il n'y eut pas d'émancipation pour eux. Ils étaient confinés dans la zone de résidence (les régions occidentales de l'Empire Russe ), soumise à une juridiction particulière. Des vagues d'expulsions successives les dirigèrent vers cette zone. Les Juifs russes étaient très conscients de la fragilité de leur condition..

S'il exista une brève croyance dans la possibilité d'une assimilation en Russie, très peu de Juifs russes et polonais en eurent vraiment la possibilité, économiquement et linguistiquement. Cet espoir fut vite perdu, notamment après les pogroms de 1871 et de 1881.

5. L'antisémitisme moderne

Le terme d'antisémitisme a été forgé en 1873 par un journaliste de Hambourg, Wilhelm Marr, dans un libelle: La Victoire du judaïsme sur le germanisme. Dans le dernier quart du XIXe siècle, on assiste à l'apparition du nouvel antisémitisme, de nature raciste. S'opère alors le passage de l'antisémitisme religieux à l'antisémitisme racial. Son contenu s'explique par l'émancipation.

L'antisémitisme moderne emprunte nombre de ses éléments à l'antijudaïsme du passé : des éléments religieux, comme l'accusation de déicide, ou des éléments sociologiques, comme Panimosité contre les "manieurs d'argent". Mais il doit ses caractères propres à l'atmosphère historique dans laquelle il est né et s'est développé. Tout d'abord, il fut causé par le fait même de l'émancipation. La dispersion des Juifs dans la société environnante aboutissait à une « visibilité » moindre. Cette ubiquité des Juifs a été ressentie comme une menace pour l'unité et la cohésion des diverses nations. On reproche au Juif son irréductible altérité; ainsi se forge la haine du peuple réputé cosmopolite et apatride.

L'antisémitisme ne permet pas d'échappatoire. Le Juif pouvait échapper à l'antijudaïsme chrétien par la conversion : l'antisémitisme moderne n'autorise plus cela. L'antisémitisme se caractérise également par les formes extrêmes qu'il emprunte: on peut penser, par exemple, aux émeutes anti-juives en Hongrie, en 1882 et 1883, à la suite d'un procès pour accusation de prétendu crime rituel ( Tisza-Eszlar ).

Cet antisémitisme se traduit surtout par les très graves pogromes de 1881, après l'assassinat d'Alexandre II. La Russie connaît une seconde vague de grands pogromes de 1903 à 1905. Ces événements entraînent des vagues d'émigration vers les Etats-Unis. Ainsi, persécutions et antisémitisme contribuent à forger la « conscience nationale » des Juifs, et à leur suggérer le caractère urgent d'une solution, en Europe orientale.

Donc, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la situation des Juifs a profondément changé. Des problèmes nouveaux se posent ; ils n'ont pas encore trouvé de réponse. L'assimilation, très avancée chez les Juifs des pays d'Europe occidentale, apparaît comme une solution, malgré les fortes réserves qu'elle suscite chez certains.

L'idée sioniste n'a pu naître que du fait de la conjonction de deux facteurs : l'absence de perspectives pour une part importante de la communauté juive mondiale (les Juifs d'Europe centrale et orientale), et l'importance prise concomitamment par le concept de nation. L'émancipation nationale se présente alors comme une solution de substitution à une impossible émancipation individuelle.

(A suivre...)

L'été sera chaud

Les Israéliens n'ont jamais été aussi divisés sur la question de l'évacuation des implantations de la Bande de Gaza et du Nord de la Samarie, prévue pour le 17 août prochain, que maintenant. D'après les derniers sondages, presque la moitié d'entre eux y sont opposés. Ariel Sharon, qui a toujours refusé l'idée même d'un référendum, ne s'y est pas trompé : l'opinion publique est fluctuante. Il n'a pas voulu prendre le risque d'un échec. Du point de vue politique, il a eu raison.

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cette évolution dans les sondages :

Premièrement, la campagne et les manifestations des opposants au retrait ont eu un réel impact sur l'opinion publique. En présentant le drame humain des familles qui seront évacuées, ils ont su toucher la sensibilité de nombreux Israéliens. Ils ont su présenter leur point de vue.

Un autre facteur à prendre en considération est le sentiment de plus en plus répandu dans tous les milieux de la société israélienne que de ce retrait ne sortira rien de bon. Les politiques, les spécialistes de la sécurité et les universitaires multiplient les déclarations contradictoires qui ne font qu'ajouter à la confusion ambiante.

Le chef d'Etat major sortant, Bougui Yaalon, à peine après avoir quitté l'uniforme, a dressé un tableau apocalyptique de la situation en parlant d'une troisième Intifada plus violente que la seconde qui éclaterait immédiatement après l'évacuation de la Bande de Gaza et de la Samarie.

Avi Dichter, le patron sortant du Shin Beit, ferme défenseur du plan de retrait, lui a répondu que ses pronostics n'étaient pas fondés, tout en étant conscient que « dès que Tsahal se retirera du Goush Katif, il y aura un pillage comme nous n'en avons jamais vu. Pas seulement un pillage mais quelque de chose de mieux : un pillage des biens juifs. Personne n'arrêtera cela. Le policier palestinien prêt à s'opposer à la foule n'est pas encore né. »

Même à gauche, des voix de plus en plus nombreuses s'interrogent sur les conséquences du retrait. Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères Shlomo Ben Ami « le retrait unilatéral perpétue l'image d'Israël qui fuit sous la pression. Le Fatah et le Hamas se préparent pour l'instant à une troisième Intifada, mais cette fois en Cisjordanie. »

L'ancien chef du Shin Beit, Ami Ayalon, n'est guère plus optimiste : «Un retrait unilatéral de Gaza risque d'être interprété par une grande partie des Palestiniens comme une reddition. Ce plan risque de renforcer les forces extrémistes de la société palestinienne. Il y a une forte probabilité que tout de suite après le retrait la violence reprenne. »

L'ancien commandant en chef de l'aviation israélienne, le général Eytan Ben Elyahou, connu pour ses positions modérées, est affirmatif : « II n'y a aucune chance que le retrait garantisse la stabilité pour une longue période. Ce plan tel qu'il est aujourd'hui risque d'amener un renouveau du terrorisme. »

Même quelqu'un comme Yossi Beilin, se dit inquiet : « Si le plan de séparation ne conduit pas à une solution politique définitive, il provoquera une catastrophe pour les Israéliens et les Palestiniens. » Lui aussi pense que le retrait « risque de provoquer un regain de la violence qui provoquera l'effondrement du pouvoir modéré palestinien. »

Des déclarations de ce genre interrogent de plus en plus fortement les Israéliens sur le bien fondé de ce désengagement.

De plus, le peu de confiance mis en Mahmoud Abbas s'effrite lentement. Le président de l'Autorité Palestinienne n'a pas commencé la moindre réforme dans les Territoires et l'anarchie continue à y régner. Aux yeux des Israéliens, sa faiblesse est de plus en plus criante et il paraît clair qu'il ne pourra empêcher un retour à la violence si les organisations armées le décident. La peur des attentats explique en partie cette évolution dans les derniers sondages.

Enfin, le dernier facteur à prendre en considération de cette baisse du soutien du plan de retrait est la crainte d'une guerre civile. Les rabbins et les responsables des implantations se veulent rassurants. Certains n'hésitent pas à attaquer la presse en l'accusant de monter en épingle cette question. Pourtant, Avi Dichter, l'ancien patron de Shin Beit, est catégorique : « II y a des Juifs extrémistes qui n'ont aucun problème pour tuer d'autres Juifs. Je ne comprends pas pourquoi c'est tellement difficile à comprendre. S'ils ont tué un Premier ministre, pourquoi ne tueraient-ils pas un soldat, un officier ou un policier ? » Dichter est inquiet et ne le cache pas : « Une bombe humaine n'est pas une notion limitée aux Palestiniens, cela peut-être aussi des bombes humaines juives. Leur première cible est le Premier ministre. Pour le tuer, il y a des gens qui sont prêts à se suicider. C'est pourquoi, dans sa protection rapprochée, nous ne prenons aucun risque.»

Dichter pense que cette préoccupation est partagée par d'autres que lui : « Les habitants du Goush Katif aussi sont très inquiets des extrémistes et ils font tout pour rendre difficile leur installation dans les implantations. »

Une série de documentaires intitulée « la terre des colons » diffusée sur la deuxième chaîne de télévision israélienne fait aussi des vagues et influence l'opinion. Le film réalisé par le présentateur le plus célèbre du journal télévisé, Hayim Yavin, soulève indignation ou colère, parfois les deux à la fois. Les habitants juifs des implantations sont présentés sous un jour inquiétant. De nombreux extrémistes qui n'ont aucun respect pour les Arabes, pour la loi et pour ceux qui ne pensent pas comme eux. Le film renforce l'idée qu'une guerre civile peut éclater à tout moment.

Les opposants au retrait comme ceux qui le soutiennent sont d'accord au moins sur une chose : l'Etat d'Israël n'aura plus tout à fait le même visage au terme de cet été qui s'annonce particulièrement chaud. Les événements que nous allons vivre auront sans aucun doute des conséquences pour l'avenir. Les passions risquent d'être vives. Essayons malgré tout de garder la tête froide...

Jean- Marie Allafort

 La vie au quotidien à Jérusalem.

Juste pour vous donner un peu l'ambiance, même si cette ambiance « légère » ne fait que cacher le « dramatique » avec lequel l'on se lève et l'on se couche dans ce pays « où coulent le lait et le miel ».

D'abord ce slogan qui s'affiche en orange par ci par là, aux fenêtres des voitures en petit, sur les murs en plus grand : « Un Juif ne chasse pas un Juif», allusion au futur retrait des implantations juives de la bande de Gaza.

Et puis l'orange, la couleur choisie par les opposants au plan de désengagement en référence à l'opposition en Ukraine. Petit à petit tout tourne à l'orange : des drapeaux israéliens orange à côté des bleu et blanc, des bracelets en plastique orange, des rubans orange flottant des voitures, accrochés aux sacs des dames mais aussi, dans les vitrines des magasins de mode, l'un des mannequins au moins porte un sac orange, un foulard orange, avec quelque motif orange sur son corsage. Des casquettes orange pour les enfants, des tee-shirts pour les jeunes...Et si, par hasard, on est pour le désengagement, on ne sait plus que faire des rideaux orange de la véranda et du porte-clef orange acheté « avant l'époque ».

Est-ce l'orange qui va gagner la foule ? Le dernier sondage montrait que les partisans du désengagement étaient en perte de vitesse : le 10 juin, 53% au lieu de 69% il y a quelques mois.

Mais l'ambiance à Jérusalem ne se résume pas à l'orange ni à la politique.

Ces jours-ci, et encore une fois, c'est le « hag sameah » (joyeuse fête) qui résonne de partout, clôturant toutes les conversations, les rencontres dans la rue, les affaires à régler à la banque, les achats de timbres ou de viande, les téléphones, les visites médicales, mais aussi à la radio, à la télévision, en descendant de l'autobus. Je ne me souviens pas avoir été visiter mon médecin sans lui avoir dit en le quittant : «joyeuse fête ». Et pourtant je vais souvent le consulter.

C'est que, ici, dans le peuple juif, la vie est ponctuée de fêtes, tout au long de l'année. Et cela donne du goût à la vie, au temps qui passe, chaque fête ayant son goût propre. Il y a les fêtes bibliques, les fêtes nationales ou historiques comme la fête de l'Indépendance ou la fête de Jérusalem. Cela se vit à la synagogue, dans les maisons, réunissant les familles, mais aussi dans les hôtels, même dans les hôpitaux. Savoir qu'une fête se vit plusieurs semaines à l'avance : les achats, les préparatifs, les invitations, les cadeaux...

Oui, des fêtes marquant un fait historique et inscrites dans le quotidien de l'année, souvenir d'une intervention de Dieu, des fêtes données par Dieu.

Antoinette Brémond

Une exposition au musée d'Israël à Jérusalem : Beauté et Sainteté.

En l'honneur de ses quarante années d'existence, le musée d'Israël présente cette très belle exposition qui nous fait voyager à travers le temps et les lieux.

Tout d'abord une première salle où toutes les œuvres se présentent face à nous comme pour nous imprégner. Dans cette salle, c'est l'homme qui est l'intermédiaire entre le monde et Dieu :

-Une statuette en ivoire de rhinocéros « la Vénus de Béershéva », découverte sur les bords du fleuve Béershéva, datant du quatrième millénaire avant Jésus Christ. Amulette représentant une femme enceinte, signe de la terre, de la fertilité, de l'énergie.

-Nimrod, statue d'un jeune homme en terre glaise, œuvre de l'artiste juif Dantzinger en 1935 avec des symboles égyptiens sur la moitié de la tête, et qui est devenue le modèle des jeunes artistes israéliens d'aujourd'hui.

-Statue précolombienne d'un homme comme recouvert d'écaillés. Les Aztèques, pour célébrer les fêtes du printemps, y mettaient en sacrifice le cœur de leurs prisonniers et le recouvraient de sa peau.

- Un très beau manteau de rouleaux de la Tora, brodé en Italie au XVème siècle avec sa couronne évoquant la royauté.

-Un Christ souffrant en bois d'olivier du XIIème siècle provenant du Liban, lui qui prend sur lui les péchés des hommes.

-Le buste d'Hadrien en bronze : l'Empereur romain qui a voulu faire disparaître Jérusalem, et la remplacer par Aelia Capitolina. voulait être vénéré à la place du Temple.

-Et enfin une Vénus en marbre découverte lors des fouilles de Beit Shéan, image de la beauté parfaite.

Puis suivent d'autres salles nous montrant les divers moyens que l'homme emploie pour essayer d'avoir un intermédiaire entre lui et Dieu, pour exprimer le désir du divin dans l'homme.

Les hommes construisent des temples, publics ou domestiques, les Esséniens, eux, s'éloignent de ce Temple de Jérusalem pour devenir eux-mêmes temple par leur séparation et leurs purifications.

Puis devant nous en enfilade, des œuvres représentant la prière :

-La stèle de Hatsor du 14-ème siècle avant J.C. taillée dans le basalte, des mains levées vers un disque en forme de soleil.

-Un bouddha du Népal les mains posées sur ses genoux en complète relaxation.

-Une fresque de l'époque byzantine découverte à Césarée représentant trois jeunes gens en prière les mains élevées.

-Un Cohen les mains en avant pour bénir.

-Et enfin le magnifique tableau de Rembrandt « Saint Pierre en prison », les clés à terre, la lumière jaillissant de sa personne.

L'autel. Sur le tell de Béershéva, un autel avec ses quatre cornes tel qu'il est prescrit dans la Bible (Ex, 27, 2; 38,2) ,a été découvert et remonté ici. Ce sont les cornes auxquelles se cramponnaient les personnes poursuivies. Sur cet autel étaient offerts les sacrifices d'animaux.

Les instruments liturgiques. L'or y est employé, métal brillant, qui ne se détériore pas. Toute une vitrine expose de superbes objets : une couronne de Tora Yéménite, un masque du Pérou, une icône de la Vierge, un bouddha du Népal, une représentation du Temple, fine feuille d'or prise dans du verre et trouvée dans les catacombes de Rome, etc.

L'argent aussi est là avec une superbe collection de « Bessamim », ou porte-parfums qui est utilisé par les Juifs, à la fin du sabbat pour signifier la séparation du temps sacré qu'est le sabbat du temps profane ou temps ordinaire. En Orient les Juifs utilisent des branches de basilic ou autres plantes odoriférantes mais en Occident ils utilisent ces porte-parfums très décorés en remplacement.

Dans une pièce en retrait, trois représentations particulières nous attendent, qui signifient le temps, sacralisé ou au contraire désacralisé :

-Un tableau très connu de Paul Klee de 1920, « le nouvel ange», tableau peint après la première guerre mondiale, l'ange n'arrive pas à s'envoler, il n'a pas la force et porte sur sa tête tous les problèmes du monde.

-A côté, le film d'une jeune israélienne qui postée sur un pont qui domine la route Ayalon (la voie où la circulation est la plus dense à Tel Aviv) a filmé les voitures roulant à toute allure juste avant la sonnerie de la sirène commémorant le souvenir des morts de la Shoa. En fond sonore, la sirène et toutes les voitures s'arrêtent puis reprennent leur course.

-En face, occupant toute une pièce, un avion en plomb, les ailes surchargées de dossiers eux aussi en plomb est l'œuvre d'un jeune Allemand qui venu en visite en Israël a « réalisé » le poids, la lourdeur, l'immobilisme du temps du Nazisme.

Sur les murs d'uneautre salle, une vingtaine de photos de quatre femmes, de leur jeunesse à leur vieillesse évoquent le temps qui passe. Œuvre d'un artiste américain.

L'exposition se termine avec un olivier nature, signe de vie pour les Arabes et les Juifs, « L'arbre des demandes ». Des milliers de petits papiers sont suspendus à ses branches, et il y en avait tant qu'il a fallu remplacer l'arbre. Un ordinateur est là avec son opérateur pour inscrire la demande et désir d'un chacun avant qu'il aille le suspendre.

Beauté du désir qui tend vers son Dieu.                                                                                                                 '

Cécile Pilverdier

Un groupe parlementaire de coopération avec des Chrétiens.

L'Ambassade Chrétienne de Jérusalem était à l'honneur ce mercredi 18 mai. Elle avait été invitée à la Knesset pour une cérémonie spéciale organisée par le groupe parlementaire de soutien aux chrétiens (Knesset Christian Allies Caucus) en l'honneur de son 25erae anniversaire. Dans l'auditorium les 12 membres de ce « Caucus » présidaient cette rencontre. 50 membres de l'Ambassade Chrétienne de Jérusalem et 70 représentants de l'Ambassade dans 50 pays étaient présents. Le but de cette session spéciale : remercier l'ACJ et remettre à son directeur Malcolm Hedding la médaille que la Knesset remet habituellement aux chefs d'Etats.

Chacun des 12 membres de la Knesset s'exprima. Youri Stern, l'un des présidents de ce groupe, parla en particulier du rapprochement des Juifs et des Chrétiens : « Nous avons des valeurs communes ; sans l'Ancien Testament vous n'auriez pas le Nouveau Testament ».Lorsqu'il était encore en Russie, refuznik, il se rappelle combien la nouvelle de la création de l'Ambassade Chrétienne de Jérusalem l'avait encouragé. D'autant plus qu'à cette date, en 1980, toutes les ambassades, sauf celle du Costa Rica et du Salvador quittèrent Jérusalem pour s'installer à Tel Aviv.

Chacun releva la fidélité et la générosité de ces chrétiens évangéliques du monde entier qui même dans les années difficiles sont venus par milliers en Israël, en particulier pour la fête des Tabernacles. En plus du soutien moral, d'aucuns relevèrent l'importance également du soutien financier.

Yoshua S.Reinstein, directeur du Caucus insista : « L'Ambassade a été pionnière dans l'aide apportée par les chrétiens au peuple d'Israël, et cela parce que vous avez attaché plus d'importance à ce qui nous rassemble, notre foi en Dieu, qu'à nos différences. Malgré les difficultés bureaucratiques que notre gouvernement laïc vous a fait supporter, vous êtes restés fidèles à votre mission ».

Le directeur Malcolm Hedding parla à son tour, s'engageant à continuer à soutenir Israël en particulier dans ces temps difficiles, et se réjouissant de cette collaboration de plus en plus féconde avec les membres du Parlement. (Relevé dans un article du Jérusalem Post du 17 mai).

Nathalie Sharon travaillant à l'ACJ depuis 15 ans m'a dit combien cette rencontre avait été émouvante pour tous, montrant tout le chemin parcouru pour créer cette ambiance de confiance et d'amitié qui émanait de tous les intervenants.

Ce qui me semble important, c'est l'existence de ce groupe parlementaire « Knesset Christian Allies Caucus ». Voici comment il se présente dans une petite brochure éditée en anglais par la Knesset.

Son but est

1) de créer un lien de communication et de coopération entre la Knesset et les responsables chrétiens, les chefs d'Eglises, les organisations chrétiennes, et en particulier avec le monde évangélique et tous les chrétiens reconnaissant que leur foi dans la Parole de Dieu, la Bible, les lie de façon particulière au pays et au peuple d'Israël. C'est sur cette base que nous désirons travailler ensemble.

Il est clair que le « Caucus » refuse tout contact avec des groupes cherchant la conversion des Juifs ainsi qu'avec ceux qui estiment que le terrorisme est un combat pour la liberté.

2) d'aider le peuple d'Israël à reconnaître la contribution des chrétiens d'Amérique et d'Europe pour la sécurité et la vie de l'Etat et le soutien qu'ils apportent au peuple juif.

-3-créer un lieu de rencontre où mensuellement les membres de la Knesset pourront, avec les représentants des organisations chrétiennes, et parfois des chefs d'Eglises locales ou d'autre invités, (le nonce du Pape et l'archevêque de Cantorbéry ont été parmi ces invités), travailler ensemble pour une coopération plus efficace.

-4-atteindre de plus en plus de Chrétiens et d'Eglises s'intéressant à Israël.

Ce groupe parlementaire fut créé le 5 janvier 2004 avec comme président le docteur Yuri Stern du parti de l'Union Nationale et Yaïr Péretz du parti Shass. Il est formé de 12 membres de la Knesset représentants six partis politiques de toutes tendances : du Likoud au parti Travailliste, des partis religieux au Shinouï, parti laïc.

Les Associations chrétiennes avec lesquelles ce groupe travaille régulièrement sont en particulier : l'Ambassade Chrétienne de Jérusalem-les Amis Chrétiens d'Israel-Bridge of peace (le pont de la paix) -une association hollandaise : Chrétiens pour Israël-la convocation de toutes les nations (Tom Hess).

Toute collaboration est basée sur cette évidence que les uns et les autres ont un même héritage et que les racines du Judaïsme et du Christianisme sont communes. Ce sont les valeurs judéo-chrétiennes qui motivent cette entreprise.

Dans leur réunion mensuelle, ces parlementaires proposent des actions d'aide humanitaire ponctuelles pour lesquelles il demande la participation de ces organisations chrétiennes. Par exemple à Pessah de l'an dernier, 6000 familles ont été aidées pour les achats de nourriture. En octobre2004, des milliers de cartables remplis ont été offerts aux enfants démunis pour la rentrée des classes.

Cette collaboration permet de désamorcer la crainte que les chrétiens donnent en espérant convertir. Là, ce sont des représentants du peuple juif qui organisent cette œuvre humanitaire demandant aux mouvements chrétiens d'y collaborer.  Ces rapprochements sont signe d'espérance.

Antoinette Brémond

Livre : éclats d'une amitié

Renée Néher-Bernheim,.Éclats d'une amitié, Avshalom Feinberg et Jacques Maritain, Parole et silence, 2005.

Ce livre dévoile une amitié inconnue entre un jeune Juif venant de la Palestine turque et le philosophe catholique de Paris. Une amitié à laquelle Jacques.Maritain restera fidèle jusqu'à sa mort à 91 ans. « Le peuple juif est chez lui dans la terre promise » disait J.Maritain. « N'est ce pas après cinquante ans, un écho des paroles qu'il a entendu prononcer par Avshalom Feinberg ? » p. 133, .se demande Renée Neher.

Renée Neher, historienne, a l'art de faire revivre à nos yeux, et à nos cœurs, l'histoire d'hommes et de femmes conscients de l'Histoire et l'influençant. Par les lettres d'Avshalom à J.Maritain « Mon cher Jacques » écrit il, on découvre de l'intérieur l'intense activité de ces jeunes Juifs pour faire revivre le pays dans les années précédant la première guerre mondiale.

-L'agronome Aaron Aaronsohn créera une station d'expérimentation agricole à Athlit, au sud de Haïfa. Avshalom sera son bras droit et Henriette Szold soutiendra ce projet en Amérique.

-Ces jeunes Juifs vont monter un réseau, le groupe « Nili » pour donner des informations aux Anglais afin qu'ils libèrent le pays du joug turc. Eux et leur famille paieront de leur vie leur engagement et ils n'en verront pas la réussite.

-Ils avaient eu connaissance des massacres turcs des Arméniens, en 1894-1896, bien avant le génocide de 1915, ils en étaient très inquiets : «A quand notre tour?» Dans un rapport au lieutenant anglais Wooley, Avshalom sensibilise les chrétiens occidentaux au drame des Arméniens et il s'écrie : « pourquoi vous taisez vous ? ».

Un livre qui se lit comme un roman mais qui nous apprend beaucoup sur l'histoire de cette première moitié du XXème siècle,et sur l'engagement de J.Maritain contre l'antisémitisme, son soutien au peuple juif, au sionisme et finalement à l'Etat d'Israël.

En « contrepoint », selon le titre du dernier chapitre, R.Neher décrit l'amitié du couple Neher avec J.Maritain et leur rencontre en 1972, un an avant la mort de J.Maritain. Dans les lettres échangées entre eux, on perçoit une très grande estime mutuelle, une amitié profonde, éclats de cette première amitié...éclats qui nous atteignent aujourd'hui par ce livre. Merci à Renée Neher.

Suzanne Millet

Flashes d'espoir...

.. .car il y en a toujours, par ci par là, et cela a son petit effet, à la longue, préparant le futur. Cette fois, on vous emmène au cirque (pour les curieux, c'est en hébreu kirkas, en arab sirk !). Nous parlons justement de kirkas-sirk en même temps, puisque la troupe est mixte.

A l'école de Katamon (Jérusalem), des jeunes juifs et arabes de 7 à 19 ans pratiquent l'acrobatique, les jeux de clown, le trapèze, sous la direction d'un israélien Slava Oleinik et d'un arabe de Jérusalem Shadi Zamorad. Les parents accompagnent souvent leurs enfants. Le Prof. Rosenschein fait l'effort de venir avec son fils Ya'ir de 12 ans, car le but de ce groupe, le rapprochement entre Juifs et Arabes, lui semble très important.

Un autre jeune, Aaron Tobias, dit que grâce au cirque, il a maintenant des amis arabes : « Le travail dans un cirque vous introduit à d'autres cultures. »

Zamorad, Palestinien de Jérusalem (suivant son expression), est un entraîneur expérimenté (il a travaillé en Tunisie, à Berlin et à Ramallah). Selon lui « II est difficile de changer les idées des adultes, mais les enfants, c'est autre chose. L'énergie déployée ici est très positive. J'espère que ces gosses seront à l'avenir les entraîneurs du Cirque de Jérusalem. »

L'un des jeunes du cirque, Abdullah Taha, 19 ans, de Beit Safafa, raconte :

« II y a 5 ans jouant au foot, j'appris de l'entraîneur qu'il y avait maintenant un cirque, l'idée me fascina : avoir des copains juifs tout en apprenant les arts du cirque. Au début on était seulement entre Arabes, et après deux mois, nous commençâmes à travailler avec un groupe juif. Maintenant j'ai des amis juifs du cirque et aussi en dehors. J'ai amélioré mon hébreu et appris à connaître les coutumes juives .» (petite question : Les Juifs ont-ils progressé en arabe?).

Mais l'âme de ce projet est Elisheva Yortner, par profession enseignant les beaux-arts. Elle est née en Tunisie, a vécu en France et est venue en Israël il y a 21 ans. « J'ai voulu former un cirque qui soit symbole de coexistence. Les arts du cirque sont au-delà du langage, ils exigent coopération et entraide, et c'est bien cela qu'il nous faut. »

Et la politique dans tout cela?

« Bien sûr que cela interfère, dit Elisheva. Chaque fois qu'il y a un acte de terrorisme ou une opération militaire, cela se ressent dans le groupe. Nous avons un enfant de Beit Safafa qui a perdu quelques parents du village Kafr Bidu lors d'une opération militaire. Une fille juive a perdu un bon ami dans une attaque terroriste à Jérusalem l'an dernier. Le jour où ces choses arrivent est bien pénible pour nous tous.

Les parents des deux côtés sont partie prenante dans les échanges. Ces jours-là on a du mal à exercer, mais les enfants s'encouragent les uns les autres. [...] Dans ce travail je marche constamment sur la corde raide. »

Condensé d'un article du journal Ha'aretz du 26 mai.

Yohanan Elihai

 

Au fil des mois...

Jérusalem relève la tête (6 juin 05)

Les habitants de Jérusalem vont fêter ce soir dimanche 5 juin et demain lundi le 38ème anniversaire de la réunification de Jérusalem. Depuis le début de la seconde Intifada, la ville sainte a été frappée plus que toutes les autres villes d'Israël. Les attentats suicides ont provoqué une baisse considérable du tourisme et ont entraîné la fermeture d'un millier de petits commerces dont de nombreux restaurants, bars et cafés. Mais depuis 2004, la situation de Jérusalem au niveau sécuritaire ne cesse de s'améliorer : la ville n'a connu que 3 attentats suicides l'an dernier et aucun attentat cette année. Le calme relatif qui y règne depuis 8 mois et le retour en masse des touristes redonnent à la cité vie et joie. Les jeunes reviennent de jour comme de nuit dans la célèbre rue piétonne du centre ville et les affaires reprennent peu à peu. Le sentiment d'être de plus en plus en sécurité s'est renforcé depuis quelques mois. La baisse des attentats due à la trêve des organisations terroristes palestiniennes mais aussi la construction de la barrière de sécurité, qui autour de Jérusalem est essentiellement un mur, sont des facteurs essentiels pour comprendre cette amélioration de la situation

Paradoxalement, le « mur » dont l'efficacité sécuritaire peut être difficilement remise en cause (sauf pour ceux qui sont de mauvaise foi) permet le retour en masse des touristes. Ce constat n'enlève rien au drame de l'enfermement des Palestiniens de la région de Bethléem ou d'Abou Dis mais nous oblige à considérer cette question sous des aspects parfois occultés. Les Palestiniens, aussi bien ceux de Jérusalem -Est que ceux de Bethléem profitent eux aussi des bénéfices du calme revenu et du retour du tourisme. En 2002, seulement 862 000 touristes ont visité Israël (et plus de 80% d'entre eux Jérusalem) alors qu'en 2004, ils furent plus d'un million et demi. Selon les estimations, pour cette année, au moins 1 800 000 touristes et pèlerins devraient venir en Israël.

Jérusalem est la première ville du pays avec 704 000 habitants dont 213 000 qui ont moins de 18 ans. Avec 2000 musées et sites archéologiques et historiques, la ville sainte reste la plus visitée de toutes les villes du pays. Elle est également la seconde ville culturelle après Tel Aviv avec 21 festivals et manifestations diverses chaque année.

De nombreux projets de développement sont étudiés, dont la création d'un immense parc autour de Jérusalem suivant le modèle de Central Park à New York et l'ouverture d'une quinzaine de rues piétonnières. Le gouvernement a donné son aval à un plan de développement de la ville qui se divise en trois : la relance de l'emploi, le logement et une aide financière pour les petits commerces du centre ville. Le gouvernement veut encourager des sociétés de haute technologie à s'installer à Jérusalem. Un ingénieur qui viendra à Jérusalem recevra une allocation de 650 shéquels (122 euros) pendant deux ans

Pour empêcher l'émigration des jeunes couples vers la région de Tel Aviv, le gouvernement accordera une allocation logement spéciale de 25 000 shéquels (4 620 euros) et pour un étudiant qui voudra s'installer dans le centre ville, il recevra une aide financière de 22 000 shéquels soit 4 070 euros.

Jean-Marie Allafort

 

 

Réponse à un chrétien perplexe (11 juin 05) Courier reçu à la rédaction par un lecteur de France.

Bonjour et merci pour votre excellent travail. Je vous écris de Paris pour vous faire part de questions qui se posent. A l'occasion de retour de pèlerinages chrétiens en Terre sainte on entend des commentaires très durs sur Israël. Notamment, les gens sont choqués par l'état de pauvreté et de détresse des chrétiens de Bethléem qu'ils attribuent au mur et à l'enfermement des checks points. L'hôpital visité est dans un état de dénuement extrême. Les visiteurs ont également l'impression que l'Etat d'Israël pratique une politique discriminatoire et d'apartheid à l'égard des non-juifs. On entend des commentaires du genre : l'Etat d'Israël n'est pas un état démocratique, c'est un état juif. Il est impossible ici de se faire une idée juste. Que répondre, ou se situe le juste milieu, car il est vrai aussi que la politique d'Israël peut prêter à des incompréhensions pour le moins. N'y a-t-il aucune possibilité de faire un état des lieux, de s'informer, plutôt que de laisser des jugements se répandre par ignorance et du fait même que personne ne semble disposer du moindre élément d'information équilibrée ? Les retombées sont graves et démultipliées par les impressions rapportées au fur et à mesure que ces personnes, révulsées par ce qu'elles ont vu de la détresse des chrétiens, diffusent de leur constat autours d'elles. Ou et comment trouver des éléments de réponse ? Ne pourriez-vous faire un article, ou bien le fait de chercher à comprendre et à expliquer est-il devenu inamical du fait du climat actuel ? Merci de me donner quelques pistes si elles existent et dans ce cas de veiller à fournir aux pèlerins une information qui les aides à comprendre plutôt qu'à avoir à se débrouiller tous seuls.

B.C

 Réponse à un chrétien perplexe

Votre lettre soulève une série de questions auxquelles il n'est pas possible de répondre en quelques lignes. Vous nous suggérez d'écrire un article pour faire un état des lieux. C'est ce à quoi nous nous employons depuis deux ans, par une série d'articles qui essaient d'éclairer de façon nuancée les différents aspects d'une situation complexe et en perpétuelle évolution. Mais le tout n'est pas d'écrire, il faut encore être lu. C'est une première difficulté. Si on est trop discret, ce qu'on écrit ne sert à rien. Si on fait un effort de diffusion, on est accusé de propagande.

Revenons quand même à vos questions.

Les chrétiens de Bethléem vivent dans la détresse et la pauvreté. Nous n'aurons pas la mauvaise foi de dire le contraire. Leur pauvreté est-elle plus grave que celle des autres Palestiniens ? On entre déjà sur un terrain délicat. Il ne fait quand même aucun doute que si la situation des chrétiens est pire que celle des musulmans, c'est à cause de la pression de plus en plus étouffante que les seconds font peser sur les premiers. Sur ce point et malgré les démentis officiels, les témoignages sont trop nombreux pour pouvoir être mis en doute. En même temps, les chrétiens, qui sont souvent d'un niveau culturel et économique plus élevé que les musulmans, en grande partie grâce aux institutions éducatives chrétiennes, peuvent plus facilement émigrer, et ce mouvement s'entretient de lui-même, puisqu'ils sont de plus en plus nombreux à avoir de la famille à l'étranger. Je vous recommande à ce sujet la lecture du livre de Jean Rolin, Chrétiens, Pol, 2003. Cela dit, les témoignages récents montrent que la situation des chrétiens palestiniens est plus complexe encore qu'on ne le pense. Je n'en donnerai que deux exemples. Il y a quelques semaines, la presse s'est faite l'écho (quoique discrètement) d'un événement survenu à Ramallah, lorsqu'un chrétien a tué sa fille pour l'empêcher d'épouser un musulman. Ce drame illustre un malaise plus général. Aujourd'hui, dejeunes chrétiennes épousent des musulmans. Je ne peux rien dire sur leur degré de liberté, mais il est certain qu'une chrétienne qui épouse un musulman passe du même coup sous la loi musulmane et que sa famille n'y peut rien. La situation inverse, on le sait, est impossible. Par ailleurs, certains chrétiens n'hésitent pas à faire cause commune avec le Hamas. D'autres veulent résister à ces phénomènes et refusent d'être à la remorque de l'Islam, et c'est cette résistance que voulait exprimer, semble-t-il, une assemblée qui s'est tenue il y a un peu plus d'un mois dans la basilique de Bethléem.

Autre exemple. Le retour de la sécurité a entraîné une reprise du tourisme qui bénéficie, non seulement aux hôteliers et commerçants israéliens, mais aussi à ceux de la vieille ville de Jérusalem et de Bethléem. L'existence de la clôture de sécurité n'est pas pour rien dans cette situation, dont profitent même ceux qui sont de l'autre côté du mur. Mais, ici encore, les choses ne sont pas simples. Au temps où les territoires étaient sous administration israélienne, les touristes avaient librement accès à tous les magasins. Aujourd'hui, la situation est différente. Les chauffeurs et guides israéliens ne pouvant plus passer les points de contrôle, les touristes sont pris en charge de l'autre côté des barrages par des guides et des chauffeurs palestiniens, qui les conduisent à des magasins où ils sont certains de recevoir des commissions importantes. Si on ajoute à cela que les pèlerins, en territoire palestinien, sont désormais « fliqués » par la police palestinienne dans tous leurs déplacements (pour leur sécurité, bien entendu), on ne sera pas étonné d'apprendre que de grandes surfaces spécialisées dans le commerce des souvenirs sont en train de ruiner les petits commerçants. Or, la ligne de partage entre grandes surfaces et petit commerce ne coïncide pas forcément avec la ligne de partage entre le monde chrétien et le monde musulman...

Parlons une fois de plus de la clôture de sécurité, qui a fait dans ce bulletin l'objet de plusieurs articles. Pas plus tard que cette semaine, j'ai dû expliquer à des chrétiens, qui l'ignoraient, que cette clôture était constituée d'un grillage métallique sur la plus grande partie de sa longueur, et qu'elle ne prenait la forme d'un mur que dans certaines zones urbaines. Apparemment, les agences qui mettent le « mur » au programme de leurs circuits n'ont jamais amené les groupes prendre des photos du grillage. Et quand je leur ai appris que ce mur était construit par des ouvriers palestiniens avec du ciment importé d'Egypte par l'intermédiaire d'une société palestinienne dont le P.D.G. est un parent d'Arafat, ils ont écarquillé de grands yeux. Qui se souvient encore de l'affaire des ciments égyptiens, dont la presse avait pourtant parlé ? Six mois, c'est vieux. Ce mur est désormais au programme des circuits touristiques. Je voudrais quand même souligner ici une dissymétrie. Le mur est permanent. Il est visible jour et nuit, le dimanche et la semaine. Les attentats sont ponctuels et imprévisibles, et il n'est jamais arrivé que des touristes ou des pèlerins se trouvent sur les lieux au « bon » moment. Je ne pense pas non plus qu'on leur ait jamais décrit l'horreur insoutenable des attentats, dont des milliers d'Israéliens porteront les traces toute leur vie. À ma connaissance, jamais une agence n'a inclus dans son programme ne serait-ce qu'une minute de silence devant une plaque ou une stèle à la mémoire des victimes, et ces mémoriaux ne manquent pas à Jérusalem.

Faut-il parler aussi des chrétiens israéliens, arabes pour la plupart ? Sont-ils victimes d'une discrimination qui les mettrait en état d'infériorité par rapport aux musulmans ? Un chrétien de Galilée me disait l'an dernier : « Je suis un Israélien de deuxième catégorie ; mais si j'ai des problèmes avec mes voisins musulmans, je peux appeler la police, alors que je ne le pourrais pas si je vivais dans les territoires. » Sait-on que les jeunes chrétiens arabes sont de plus en plus nombreux à s'engager dans l'armée israélienne ? À ce jour, ils sont plusieurs milliers. Une enquête sur leurs motivations nous ferait déborder largement le cadre de cette lettre.

Dernière remarque. Quels guides les chrétiens qui reviennent d'Israël ont-ils entendus ? Quand une agence limite les contacts de ses clients au monde arabe et palestinien et exclut par principe tout contact avec la société juive, il ne faut pas s'étonner si l'information est unilatérale et tendancieuse.

On ne peut pas résumer des situations complexes par des slogans. Le slogan est un instrument de propagande. La propagande ne fait qu'attiser les passions et ne sert pas la cause de la paix.

Michel Remaud

Le chant du mois

Nous retrouvons Hava Alberstein, rencontrée rapidement dans le numéro de janvier 2004 (N° 12). Toujours fantaisiste et poète, douée d'un humour critique, sensible aux problèmes de l'homme et de la nature, elle vient de sortir un nouveau disque (couverture ci-contre), appelé "Noix de coco". Voici quelques titres des chants de ce disque : Un arbre dans la ville, Noix de coco, Face à la mer, Un espresso rapide, Les enfants sont des tiges, Des feuilles tombent, Nouvelles prières, Des mots — et aussi L'oiselle mono-parentale, que nous donnons ci-dessous.

 


Sur un pylône mouillé

Sur un transfo rouillé

Une oiselle égarée, fatiguée

A trouvé le repos

Tout en bas s'étale

La ville et ses affaires

Sans merci, sans pitié

Sans loi, ni maîtres

Sourde et aveugle,

Aveugle à son destin.

L'oiselle solitaire

Qui n'est plus tellement jeune.

Se bâtit un nid.

Puis elle pond, elle couve.

Une oiselle mono-parentale,

Qui n'est plus tellement jeune,

Sur un pylône mouillé

Sur un transfo rouillé.

Et sous elle s'étale

La ville affairée

Aveugle à son destin.

Sourde à son gazouillis.

L'oiselle n'a pourtant

Ni question, ni requête,

Un simple rêve, un désir :

Que l'oisillon sorte de l'œuf

Et qu'il soit normal et sain

Qu'il grandisse et soit fort

Et s'envole à son tour

A la vie.

Sur un pylône mouillé L'oiselle solitaire...


 

et l'humour en finale...

Une histoire vraie.

Le seul lien avec Un écho est que c'est un vétérinaire israélien qui l'a raconté à la radio ce samedi. Mais cela aurait pu être un vétérinaire belge ou japonais ! Voici son histoire :

« Je me suis occupé de bien des animaux, des chiens, des chevaux, etc... mais aussi des perroquets. Et je me souviens d'un cas spécial : un jour on m'apporta un perroquet qui toussait, toussait sans cesse. J'essayai un médicament puis un autre pour sauver le pauvre malade. En vain !

Il fallait savoir d'où venait sa maladie, son cadre de vie. On alla visiter son ancien propriétaire. On trouva un vieil homme seul, asthmatique, qui toussait toute la journée.

Comme d'autres perroquets savent répéter des phrases qu'ils entendent, lui, il avait appris... à tousser. »

Y.E.