Textes bibliques du jour

Pour lire les textes de la Parole du jour  selon le rite latin et avoir un petit commentaire cliquez ici

 

Annonces actuelles

Liens externes

Beaucoup de sites bibliques, sur Israël...sont très intéressants. Ici vous trouverez une liste qui s'allongera au fur et à mesure. Voir la liste.

Glânures...

Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

Si voulez lire plus cliquez ICI

n° 3 - Novembre 2002

 


                                              No 3 – Novembre 2002

Sommaire :

-         Editorial

-         Le dossier du mois : les Kamikazes, réflexions et questions

-         Relations judéo-chrétiennes en Israël

-         Témoignages : le temps des fêtes

-         Désinformation : le pièges des mots et le piège des chiffres

-         Flashes d’espoir

-          Infos pratiques

Editorial

Depuis le mois dernier de nombreux événements se sont produits, certains plus médiatiques que d’autres. Parmi eux, la commémoration de l’assassinat d’Itzhak Rabin, c’était le 4 novembre 1995 en plein cœur de Tel Aviv. Comme chaque année la télévision israélienne a consacré des émissions pour que personne n’oublie, par habitude ou par lassitude, qu’un Premier ministre d’Israël à été tué parce qu’il voulait arriver à la paix. La deuxième chaîne a proposé cette année, non pas une émission sur le processus de paix mais sur l’homme Rabin, le sabra un peu gauche dont l’hébreu était parfois bancal. Le portrait d’un homme qui avait donné sa vie pour un idéal et pour un peuple. Sept ans après sa mort, son regard parfois malicieux et son sourire forcé nous manquent, le traumatisme de son assassinat est peut-être encore plus fort sans doute à cause de la situation que nous connaissons. Il est de bon ton aujourd’hui de parler de l’après Oslo et d’ajouter que si Rabin était encore en vie il se serait joint au gouvernement Sharon ou aurait regagné les bancs de l’opposition. Il y a quelque chose de cynique et d’indécent dans ces récupérations post-mortem qui défigurent la mémoire du défunt que l’on veut honorer. La petite-fille de Rabin, Noah Ben Artzi, lors de la soirée commémorative à Tel Aviv en présence de plus de 100 000 personnes a demandé que cesse ce genre de propos : « Mon grand-père est mort et les morts ne parlent plus, ne se mêlent plus de politique, il repose seul dans la nuit sur le mont Herzl ou plutôt, il n’y a jamais été, pas un seul instant. » Noah a raison, l’homme Rabin se trouve ailleurs qu’au Mont Herzl…là où la nuit n’a plus de prise.

L’autre événement important est bien sûr la dissolution de la 15ème Knesset et la tenue des élections anticipées. En Israël, les changements politiques sont fréquents (en 10 ans, nous avons connu 6 Premiers ministres) et l’on peut légitiment se poser la question si ce nouveau rebondissement politique n’est pas, pour l’heure en tout cas, un non-événement. Les Israéliens sont lassés des élections… et les médias de même : France 2, lors du journal de 13h, quelques heures seulement après l’annonce de la dissolution, s’est contenté d’une phrase laconique pour annoncer la nouvelle.

Il y a d’autres événements que nous avons choisis de retenir et que vous trouverez dans ce troisième numéro, il y a surtout, ces flashes d’espoir qui ne font guère la une de l’actualité. Dans le dossier du mois, Etienne Lepicard nous propose une réflexion sur les attentats suicides. Comme nous le disions dans notre premier numéro n’hésitez pas à nous suggérer des sujets et à réagir. Merci pour vos encouragements et votre fidélité.

                                                                         Jean-Marie Allafort

Dossier du mois

            Les kamikazes, réflexions, questions ?

            Etienne Lepicard, médecin français, enseigne l’histoire de la médecine et l'éthique médicale à la faculté de médecine de l’université de Tel Aviv. Il fait part ici de sa réflexion sur les kamikazes et réagit sur la présentation que donnent souvent les médias français sur la situation en Israël . Interview réalisée par Myriam Selz.

            Je vis en Israël depuis 15 ans, et durant ce laps de temps, deux révolutions au niveau médiatique sont venues modifier notre accès à l'information. Lorsque je suis arrivé, nous suivions les informations en français sur « la voix d’Israël » et sur la première chaîne de télévision jordanienne, un quart d'heure par jour. Grâce à la première révolution, celle du câble, je peux suivre le journal télévisé français au quotidien, et avec la seconde, internet, je peux lire si je le souhaite tous les matins « le Monde » et les autres journaux français. Mais c'est principalement la télé que nous suivons régulièrement.

            Ce qui m’a frappé en mars dernier alors qu’il y avait à la fois de nombreux attentats suicides et l’occupation de la basilique de la Nativité, c’est la façon dont ces événements ont été présentés par les médias français : pour eux, ce n’est que l’expression d’un désespoir, d’une situation désespérée, les Palestiniens ne pouvant pas faire autre chose. Il me semble que cela ne sonne pas tout à fait juste, faut-il appeler cela de la naïveté ? Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de désespoir du côté palestinien, je crois qu’il existe, mais je pense que s'il s'agit d'une lutte pour l'indépendance, il doit y avoir d’autres choix, d’autres stratégies possibles.

            Dans le cas des kamikazes, il faut envisager deux aspects : un attentat-suicide comme moyen de lutte, se faire sauter, en faisant le plus de morts possible. Cela pose en soi question et il faudra y revenir. Mais il faut aussi examiner un autre aspect: où ces attentats ont-ils lieu?

La plupart des attentats suicides se passent dans l’Israël de 1948 [frontières d’avant 1967]. A cela il faut ajouter que plusieurs ont eu lieu dans des lieux de convivialité entre Arabes et Israéliens : dans un restaurant à Haïfa, au café Moment à Jérusalem qui était le lieu de rendez-vous de la gauche israélienne, plus tard pendant l’été, dans l’université hébraïque où se côtoient des étudiants juifs et arabes israéliens. Il y a peu encore au Kibbutz Metser qui croit à la vie commune possible avec les villages arabes voisins et refuse la construction du mur de séparation. Pour moi, ce n’est pas neutre, cela semble répondre à une stratégie délibérée. De qui vient-elle ? D’Arafat ? du Hamas ? Je ne sais, cela ne paraît pas être simplement l’expression d’un désespoir, encore une fois réel, mais l’utilisation cynique de ce désespoir par des politiques.

            Dans la société israélienne, que produisent ces attentats suicides qui ont lieu au milieu de la population, sur des enfants, des jeunes, des grands-parents comme à Netanya le soir de la Pâque juive ? Cela produit ce que j’appellerai « le réflexe Shoah » d’après l’analyse que je peux faire à partir de mon expérience, des gens que je rencontre, avec qui je travaille, cela provoque le réflexe d'un autre désespoir – « on n’y arrivera jamais, de toutes façons on en veut à notre vie même ». On n’est plus sur une plate-forme logique où l’on peut négocier, c’est la vie même qui est en jeu, c’est-à-dire enfants, parents, grands-parents. Et le fait qu’il y avait à Netanya plusieurs grands-parents, justement rescapés de la Shoah, n’a fait que renforcer ce réflexe.

            Je pense qu’il s’agit là d’une stratégie délibérée. Si la direction palestinienne voulait réellement obtenir un état indépendant, une libération des territoires occupés, elle s’en prendrait directement aux implantations, aux soldats, et cela me semble-t-il déclencherait un autre réflexe, celui que l’on connaît depuis l’histoire du Liban. La majorité de la population israélienne n’a pas envie de voir ses enfants mourir pour garder les territoires. C’est une minorité qui y habite, avec des idées politiques et religieuses précises. Si un jour une lutte se focalisait dans les territoires je pense qu’une voix s’élèverait en Israël pour dire « ramenons nos enfants à l’intérieur des frontières de 1948 » comme il y a eu une voix pour dire : « ramenons nos enfants du Liban ».

            Je pense donc que ces attentats-suicides dans la société civile, à l’intérieur des frontières de l’Israël de 1948, dans des lieux de convivialité entre juifs et arabes témoignent d’une volonté, que l’on pourrait appeler anarchique, de déstabilisation. Dans quel but ? Est-ce simplement Arafat qui essaye de surfer sur le sommet de la vague pour survivre politiquement ? Ou au-delà y a-t-il une volonté de récupérer l’ensemble ? En tout cas, dans cette perspective, l’intérêt majeur est de rendre la situation inextricable, ce qui équivaut donc au refus d’une coexistence possible. Je ne pense pas que cette manière de voir soit celle de la majorité de l’opinion palestinienne où il y a effectivement un désespoir mais celle d'une minorité qui utilise de manière cynique ce désespoir.

            Ceci dit, il est évident pour moi que la population palestinienne souffre, elle souffre épouvantablement. Et les réactions israéliennes, c’est évident, sont très dures. C’est un cercle vicieux dont on n’arrive pas à sortir. Certains disent que c'est au plus fort militairement de faire le premier pas. Je ne pense pas que les choses fonctionnent comme cela. Il me semble que c'est la population qui aura le plus évolué intérieurement qui fera bouger les choses.

            Si je regarde 15 ans en arrière au début du processus de paix d’Oslo, je pense qu’il y a eu un changement dans l’opinion publique israélienne. Celle-ci peut imaginer maintenant un état palestinien à côté d’un état israélien, ce qui n’était guère pensable quand je suis arrivé dans le pays. Il y a là un chemin parcouru, reconnaître Arafat comme un partenaire du dialogue, même si on ne sait pas comment ce partenaire se situe. Il est vrai, et c’est aussi un signe d’espoir, qu’à travers tout ce qui se passe depuis 6 mois, des voix s’élèvent du côté palestinien disant : « pourquoi aller faire une explosion à Tel Aviv, à Haïfa, si notre but est de libérer les territoires. »

            Cette question de stratégie me semble assez claire. On a vu par rapport à l’occupation de la basilique de Bethlehem et surtout par rapport à Jénine, en écoutant les médias français, le fossé qu’il y a entre la réalité telle que nous la vivons, nous, sur place et la façon dont ces mêmes événements sont présentés sur les ondes. En Orient, une réalité est toujours située, ce que quelqu'un exprime s'adresse toujours à quelqu'un de particulier. La vérité est fonction de ce que j'attends de celui à qui je m'adresse. A Jénine, cela a été manifeste, on s’est mis à parler tout de suite de massacre, il y a eu un jour où les médias israéliens eux-même ne savaient plus dire ce qui s’était passé.

On avait l’impression que Sabra et Chatila avaient recommencé. Et pourtant les experts militaires étrangers qui sont en Israël en qualité d'observateurs ont dit par la suite qu'ils savaient, eux, dès la première heure, qu’il ne pouvait s’agir de massacre, il n’y avait pas, matériellement parlant, assez de place pour 300 personnes, le groupe de maisons était simplement trop petit. On est donc là en présence d'une stratégie médiatique, médiatisée par l’autorité palestinienne à destination des pays occidentaux qui joue sur l’image de Sharon qui a laissé faire Sabra et Chatila.

De même pour l’occupation de la basilique de la Nativité, que s’est-il passé en réalité ? Des hommes armés y sont entrés, ils n’étaient pas poursuivis, et dans les propos qui ont suivi, on a parlé de « droit d’asile». Le droit d’asile était une notion précise au Moyen Age, à l’intérieur de la société féodale, pour éviter que des hommes se fassent eux-mêmes justice et que la justice des tribunaux ait le temps de fonctionner. Les monastères et les églises étaient des lieux sacrés pour accueillir ces hommes, et ceux-ci du reste y entraient sans leurs armes. Il semble que là encore il y a eu une distorsion dans les médias, on fait appel à des notions qui existent en Occident et non pas en Orient, pour parler de situations fort différentes. Là encore il semble bien qu’il y ait eu un plan, on savait que cette situation si délicate agiterait longtemps les médias et que les Israéliens ne pourraient pas se permettre d’entrer dans la basilique… On peut dire aussi que c’était de bonne guerre, il y a bien deux groupes qui sont en guerre. Il faudrait que l’on puisse regarder ces événements comme cela se fait actuellement sur Arté par rapport à la seconde guerre mondiale, qui compare les informations qui venaient des deux pays, on pourrait peut-être alors essayer de comprendre ce qui se passe ici.

Un autre point qui pose des questions non moins redoutables, ce sont les kamikazes eux-mêmes, ces hommes et femmes qui provoquent des attentats suicides. On a beaucoup dit qu’ils agissent par désespoir ! On les présente souvent ces kamikazes comme des martyres pour la patrie. Un martyre meurt seul, il n’en tue pas d’autres avec lui. A nouveau c’est une distorsion de langage. Un martyre meurt pour témoigner de sa foi, ici il n’est pas question d’être persécuté pour sa foi. C’est un moyen de lutte armée qui effectivement existait chez les Japonais pendant la seconde guerre mondiale, on ne le voit guère ailleurs, du reste le mot kamikaze est un mot japonais. Mais comment en arrive-t-on là ? Avec un regard d’historien qui a travaillé sur la période de la seconde guerre mondiale, je peux dire que des actes de ce genre se préparent. Pour que des hommes tuent de sang froid d’autres hommes, il faut une préparation, un savoir-faire, des gens pour commettre ces actes, il ne suffit pas de dire qu’ils sont désespérés. Et donc on doit se poser la question de la culture. Quelle culture produit cela ? Je suis bien conscient que ces questions sont vertigineuses et je n’ai pas de réponse…

En Israël, on a été très impressionné par cette jeune femme qui a été arrêtée avant de se faire exploser, elle a été interviewée alors qu’elle était en prison. Cette femme a un enfant, et l'on se demande comment cela est possible? Elle expliquait tranquillement qu'elle n’était pas irremplaçable, que sa famille, parents, grands-parents s'occuperaient de l'éducation de son enfant. C'est vertigineux. Il y a toute la question de la valeur de la vie, pour soi-même et pour les autres, on remarque aussi que les kamikazes sont souvent des gens qui ne manquent pas d'instruction. Nous sommes ici aussi devant des questions qui nous dépassent….

Mon père me dit souvent que les guerres reflètent des fossés culturels. Il y a deux logiques et pas de communication possible. Les deux peuples ici vivent, chacun à sa manière, une forme de désespoir au milieu d’extrémistes de tous bords. On peut espérer que la majorité des deux populations désirent la paix et soient prêtes à reconnaître l’existence de l’autre.

Relations Judéo-chrétiennes: Prix au Père Abbé d’Abou Gosh

Les Amitiés Judéo-chrétiennes de France ont organisé un voyage en Israël, en collaboration avec le secrétariat de l’épiscopat français pour les relations avec le judaïsme, à l’occasion de la remise du prix de leur organisation au Père Abbé d’Abou Gosh. C’est une délégation de près de 30 représentants de différents mouvements travaillants au dialogue Judéo-chrétien en France qui durant une semaine se sont retrouvés ensemble à Jérusalem et ont participé à diverses manifestations et rencontres dont la plus importante fut la remise du prix des Amitiés Judéo-chrétiennes le mardi 29 octobre à la Knesset au Père Jean-Baptiste Gourion, Abbé du monastère d’Abou Gosh. Ce monastère de bénédictins de l’ordre du Mont Olivet, composé de moines et de moniales oblates, œuvre depuis sa fondation il y a 26 ans au rapprochement entre juifs et chrétiens et est devenu pour nombre d’Israéliens, mais aussi pour nombre de Palestiniens, un lieu d’accueil et de fraternité. Par exemple, ce sont des milliers de jeunes soldats israéliens qui dans le cadre de leur service militaire viennent visiter le monastère et approchent ainsi un visage peu familier du christianisme. La majorité des jeunes Israéliens n’ont que des images approximatives et souvent faussées sur l’Eglise et c’est une occasion pour eux de pouvoir poser des questions et d’entrevoir une réalité qu’ils ignorent.

            Le Père Jean-Baptiste Gourion est également vicaire patriarcal pour les communautés d’expression hébraïque et travaille concrètement sur le terrain au rapprochement entre Juifs et Chrétiens.

            Le dimanche précédent la remise du prix, la délégation s’est retrouvée à Abou Gosh pour une messe solennelle d’action de grâces avec d’autres chrétiens locaux et dans l’après midi, différentes personnalités juives et chrétiennes ont dressé un tableau sur les relations actuelles entre les deux communautés en Israël.

C’est le Président de la Knesset, Abraham Burg qui en des termes très chaleureux a salué cette initiative et a appelé de ses vœux un dialogue de plus en plus vrai et profond entre les communautés juives et chrétiennes en Israël puis lui a remis le prix. Il a également tenu à lui offrir un cadeau en son nom personnel : une petite colombe sculptée, signe de cette réconciliation. Monsieur Paul Thibaut, Président des Amitiés Judéo-chrétiennes a souligné que ce geste n’avait bien sûr aucun caractère politique mais que ce prix était « attribué à une communauté monastique d’Israël tourné vers ceux qui dans ce pays s’identifient comme participants de l’aventure humaine d’inventer une nation. » Plus que partout ailleurs, le parlement israélien n’est pas seulement le centre de la vie politique mais d’abord et avant tout, le lieu symbolique de toutes les réalités d’Israël. Les fondateurs de l’Etat voulaient que ce lieu qu’est la Knesset soit la maison du peuple et donc de tous.

            Monsieur Hubert Heilbronn, le fondateur du prix a tenu, quant à lui, à souligner combien la France comptait de nombreux pionniers, parmi des auteurs comme Claudel ou Pascal, dans ce dialogue entre juifs et chrétiens.

A la cérémonie étaient présents, entre autres, le maire du village musulman d’Abou Gosh et ses deux adjoints ainsi que Mgr Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal de Nazareth qui le lendemain a reçu la délégation venue de France. Ils ont pu ainsi entendre un témoignage vivant du dialogue entre juifs et chrétiens tel qu’il s’exprime aussi aujourd’hui en Israël. Par les différentes rencontres, la délégation des Amitiés Judéo-chrétiennes, composée de juifs et de chrétiens (catholiques et protestants), a tenu à encourager le dialogue aussi bien au sein de l’Eglise qu’avec le peuple juif vivant en Israël.

            Jean-Marie Allafort

Témoignages : le temps des fêtes

           Se souvenir de l’avenir

C’est peut être le titre que je donnerais à ce temps fort qu’est le temps des fêtes d’automne pour le peuple juif, en Israël en particulier, cette année du 7 au 28 septembre. Comme le précisait un pasteur juif ce ne sont pas des ‘fêtes juives’, ce sont des ‘fêtes de l’Eternel’. N’a-t-il choisi Ses fêtes à Lui, Ses temps forts, pour intervenir et continuer d’intervenir ? Pessah…Pâques, Shavouot… Pentecôte.

            Depuis plusieurs semaines avant les fêtes, une affiche ‘Selihot’ (repentance) invite la population de notre quartier à se rendre à la synagogue ‘Grâce et Miséricorde’ de la rue HaCarmel dès le 11 août. En effet, c’est déjà 40 jours avant Yom Kippour (jour du grand pardon) que tout commence chez les juifs orientaux. Un office quotidien matinal de 4h à 6h pour demander pardon, personnellement, communautairement, pour le peuple juif et pour toutes les nations. Des supplications sans fin à l’Eternel ‘bon et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté’. Une poignée d’hommes dans des centaines de synagogues pendant 40 jours.

            La fréquentation à cette prière s’intensifie les 10 derniers jours, entre Roch Hashana (Jour de l’An) et Yom Kippour. Dès 3h de matin les rues sont ‘habitées’. Du va et vient, des voix plus ou moins basses, des groupes d’élèves et de jeunes passent sous les fenêtres des ‘endormis-réveillés’. Il y a bien des affiches ‘silence’ …mais après tout, aujourd’hui où est l’urgence ?

            Est-il naïf de croire que Dieu entend ? Et d’aller même jusqu’à faire le lien entre ces 40 jours de prière, de repentance au nom de tous et les 44 jours d’accalmie en Israël du 5 août au 18 septembre ?

            Puis les ‘’fêtes’’ se succèdent dans la gravité, le sérieux.

Yom Kippour, jour de jeûne, de silence, de prière, d’espérance où tout s’arrête. En plus des habitués, les non-pratiquants remplissent les synagogues. – « je suis juif, c’est mon devoir et ma responsabilité devant Dieu et devant les hommes. » La rue de Jaffa, vide et silencieuse, devient la ‘piste’ privilégiée des enfants et adolescents sur leurs planches, leurs trottinettes, leurs rollers ou leurs vélos. Si cette journée de Kippour est un regard sur l’année écoulée, une révision de vie ‘pour demander Miséricorde’, elle est aussi sous tendue par l’attente ardente du ‘Jour du Salut’ promis et attendu au long des âges. “Il est bon d’attendre en silence le Salut de l’Eternel.”

            Mais c’est surtout à la fête de Souccot, lorsque les quartiers de Jérusalem se couvrent de petites cabanes de plus en plus modernes, en tubes d’aluminium et une toile imprimée (sur les toits, les balcons, dans les cours et les rues) qu’apparaissent en pointillé le passé dans le désert du Sinaï et l’avenir du Jour du Salut. – D’où la place donnée à la joie, le commandement de se livrer à la joie, ce Hoshana (Sauve-nous) qui rythme chaque office.

            Ces constructions légères et fragiles rappellent la dépendance au Dieu d’Israël dans le désert. En cet aujourd’hui où la crainte s’installe, où la recherche de sécurité, de protection, d’abris anti-missiles est la trame du quotidien, ces Souccots restent signes de confiance.

            D’accord pour la confiance ! Mais la joie ? Peut-on fêter, se réjouir…au milieu des familles juives et arabes en deuil, à côté de villes sous couvre-feu ? Seuls ceux qui le font pourraient répondre et nous en donner le sens profond actuel.

            Pour moi, cette joie s’appuie sur la folle espérance en l’accomplissement des Promesses bibliques, pour les descendants d’Isaac et d’Ismaël et pour le monde entier.

         Un pas de plus

            Samedi 12 octobre 02, comme tous les samedis à 15h30, l’assemblée messianique (judéo-chrétiens) présidée par trois pasteurs juifs, se réunit à ‘Christ Church’, dans la veille ville, porte de Jaffa.

            Après une heure de louange, le pasteur Ruben Berger présente le prédicateur, son ami : un jeune arabe chrétien de Jérusalem, né dans la Vieille Ville, y vivant et y travaillant comme opticien. Il est l’un des responsables d’une assemblée évangélique arabe. Pendant une heure, ce frère arabe chrétien va nous parler, en hébreu, sur ‘faisons la paix’, nous présentant Celui qui est la Paix et qui est venu pour détruire le mur de la séparation (Eph. 2/14) Ce Jésus qui n’a pas peur de rencontrer des ‘samaritains’, les habitants des ‘territoires’ actuels. Ce Jésus qui nous appelle à le suivre, à nous donner plus radicalement à Dieu, jusque dans notre identité, pour qu’Il puisse créer, avec les uns et les autres, cet Homme Nouveau.

            Un pasteur arabe de Jérusalem prêchant à des juifs et à des non juifs dans une église de la porte de Jaffa et y célébrant le Repas du Seigneur avec son collègue juif, en ce jour de Shabbat…Une porte ouverte, un pas de plus.

            Prier avec

            Pendant ces ‘fêtes de l’Eternel’, ces saintes convocations, des milliers de chrétiens (principalement protestants-évangéliques) se sont sentis convoqués pour prier et se réjouir avec le peuple juif.

            Tout d’abord entre Roch Hashana et Yom Kippour, environ 2000 chrétiens venus de 120 pays ; même du Moyen Orient, sont montés à Jérusalem pour participer à la prière du peuple juif en ces ‘jours terribles’. Rassemblés au kibboutz de Ramat Rachel, Noirs, Jaunes, Bruns, Blancs se sont repentis, se sont humiliés, intercédant suppliant le Dieu d’Israël, vivant le jeûne et les prières de Kippour en ces temps, en ce lieu, le son du Schofar n’a pas manqué d’y résonner.

            Puis, pour les fêtes de Souccot, près de 2500 chrétiens venus de 70 nations sont montés à Jérusalem pour les 8 jours de la fête, désirant vivre encore cette année la prophétie de Malachie : « Alors tous ceux qui subsisteront de toutes les nations…monteront chaque année pour se prosterner devant le Roi, l’Eternel des armées et pour célébrer la fête de Souccot. Là aussi, japonais, congolais, brésiliens, canadiens….mais aussi suisses, français, hollandais, américains…se retrouvaient chaque matin au Palais des Congrès pour louer, prier et recevoir des enseignements donnés par des Israéliens ou des étrangers.

            La marche traditionnelle de Jérusalem où divers groupes israéliens défilent dans le centre de la ville, ont permis aux ‘nations’ représentées de marcher au milieu d’eux, témoignant aux très nombreux curieux le long des rues, leur soutien, leur amour.

                                                                                              Antoinette Brémond

Désinformation

Cette fois-ci, nous nous contenterons d’un examen de conscience : notre effort n’a-t-il pas aussi son risque ?

Pour rééquilibrer les images partielles et partiales sur Israël que l’on présente trop souvent en Occident, nous essayons de montrer un autre aspect de ce peuple. Comprendre ses réactions. Cela aussi, en soi, peut être taxé de partiel et donc partial. Nous en avons conscience, et notre but est de nous rapprocher d’une image exacte, complexe, où il y a le meilleur et le pire. Au total, il y a deux peuples qui souffrent, et une critique violente (qui invente ou déforme les faits) n'est sûrement pas la façon d’aider à la paix. Nous savons les erreurs, les réactions parfois disproportionnées, de la part d’Israël, qui suscitent dans le public israélien lui-même bien des débats douloureux : “Que faire, dans une situation si complexe et si violente ? Fallait-il agir ainsi dans tel cas ?” Beaucoup restent perplexes. Nous en parlerons plus loin à propos de la cueillette des olives. En attendant, parlons des pièges de l’information.

Le piège des mots

Il est banal de dire que bien des tensions et dissensions viennent de malentendus. Mais on ne mesure pas à quel point l’emploi de certains mots est source de confusion. Celui qui passe d’une culture à une autre découvre assez vite ce danger, mais la surprise se renouvelle constamment et on n’est jamais complètement vacciné. Parlant un jour avec des amis israéliens des trois vœux du religieux chrétien, j’ai évoqué l’idéal de “pauvreté” . L’indignation de mes interlocuteurs m’a permis de découvrir que le mot hébreu que j’employais était pour eux “misère” qui écrase l’homme. “Nous voulons combattre la misère dans le monde, et toi tu la recherches ?” Dans ce cas et dans bien d’autres j’ai appris peu à peu à trouver d’autres mots sans renoncer à l’idée.

Cette fois-ci contentons-nous de quelques termes qui reviennent dans le contexte de notre conflit.

Shahîd est le mot arabe qui revient quand on parle des kamikazes (autre mot piégé) qui se font sauter au milieu de la population civile israélienne. L’Israélien moyen finit par identifier le mot arabe et le phénomène. Si bien que quand Arafat souhaite “monter à Jérusalem avec un million de shahîds”, on lui attribue la volonté de les voir se suicider à l’arrivée.

En fait le mot shahîd est le mot arabe pour “témoin” qui donne sa vie pour sa foi, sans plus. A preuve : en langage arabe chrétien, Etienne est appelé le premier shahîd. C’est le mot normal qui, depuis toujours, traduit le martyros grec. Du reste le mot proche shâhed est employé pour signifier ‘témoin’ au tribunal. C’est donc un mot ouvert à divers contextes, comme bien d’autres. Que certains l’attribuent aussi aux misérables qui se font sauter – voyant en cela un suprême sacrifice à la cause de l’Islam – ne change rien au fait qu’il a un sens plus large, et peut être employé sans cette connotation extrémiste.

Un cas où cette confusion a été dommageable ici dans le dialogue si difficile est celui des 13 jeunes arabes israéliens innocents tués lors de violentes manifestations, où la police a tiré sans doute inconsidérément. Lors d’un grand rassemblement d’arabes israéliens tenu un an après en leur mémoire, un leader arabe a parlé positivement des shahîds et le lendemain on lui reprochait d’avoir fait l’éloge des kamikazes qui tuent des innocents. Or ce leader avait fait allusion seulement aux 13 jeunes. Un exemple entre bien d’autres de ces confusions qui ajoutent encore à la tension entre les deux populations.

Que certains jouent avec les mots – quel homme politique ne le fait pas ? – et glissent parfois d’un sens à l’autre ne change rien au devoir de prudence que nous avons dans l’interprétation de ce que nous entendons. Voir dans le prochain numéro ce qu’en dit le Rapport de Human Rights Watch.

Kamikaze est un mot plus adapté que shahîd ou“martyr”, mais là encore il y a déviation du concept. Le kamikaze japonais précipitait son avion sur un objectif militaire (bateau de guerre américain etc…), et non sur des civils. Faute de mieux, c’est le mot employé maintenant couramment pour désigner les Palestiniens qui se font sauter au milieu de la population israélienne. Il était bon toutefois de rappeler la différence.

Jihâd – autre mot qui a divers sens. On l’emploie couramment pour parler de la guerre sainte en Islam, et c'est bien un des sens reçus. Mais le sens premier est “effort”, y compris “faire effort sur soi-même”. Rappelons l’expression “mourir à soi-même” dans un certain vocabulaire chrétien ; on ne pense pas au suicide. Parler d’un jihâd spirituel ou moral, d’un jihâd collectif dans le domaine social etc… n’est pas jouer sur les mots, c’est revenir au sens de base. Là aussi, bien sûr, on peut se demander ce que veut dire un leader politique quand il appelle au jihâd, et il peut fort bien penser à des actes violents, mais ce n’est pas toujours le cas de tout locuteur arabe, et il est bon de le savoir.

Dans l’autre sens, le mot sioniste s’est chargé d’un sens négatif dans le discours arabe et chez certains Européens, par suite de violences et d’annexions que certains individus (certains gouvernements…) ont pensé être légitimes au nom du Sionisme. On est en droit, là aussi, de revenir au sens originaire du mot qui est “le désir de revenir à Sion”, d’y vivre avec la mémoire de tout ce que le peuple juif a vécu dans le passé sur cette terre, et le lien affectif et religieux qui en découle. Ceci sans préjuger de la façon dont cela peut se réaliser. On peut se dire sioniste en étant prêt à reconnaître le droit des Palestiniens à un état, et en regrettant les erreurs et injustices que le retour à Sion a fatalement occasionnées. Ce qui est un autre sujet, qui demanderait des pages et des pages, pour remonter dans l’histoire avec honnêteté.

Le piège des chiffres

Les sondages, les statistiques – autre occasion de confusion, due à notre ignorance et à notre inattention, due aussi à l’exploitation que chaque groupe humain risque d’en faire dans son intérêt.

Il y a les sondages d’opinion, statistiques passagères, et tout change suivant les circonstances. Au lendemain d’un attentat sanglant, on nous dit que 40 % des Israéliens sont pour le transfert des Arabes hors des frontières. A un autre moment 66 % sont pour le retrait de l’armée des territoires, le démantèlement de la plupart des implantations, et l’existence d’un état palestinien. Un jour 80 % approuvent Sharon (dans quelles circonstances ?), alors qu’après la guerre des six jours en 1967, 80% du public israélien interrogé était prêt à rendre tous les territoires si les Arabes acceptaient de faire la paix. Cela on l’a oublié (dans le monde).

Le malheur est que les pays arabes réunis en congrès à Khartoum ont répondu à l’époque par un “triple non” :

– non à des pourparlers, non à une paix quelconque, non même à l’existence d’Israël.

On nous dira : “C’est loin, 1967. Que disent les Israéliens aujourd'hui ?” Tout dépend tellement de l’ambiance, de la peur, ou d’une lueur d’espoir. L’opinion peut chaque semaine basculer dans une autre direction, et il est dangereux de bâtir sa réflexion sur un sondage passager.

Même chose pour les 80% de palestiniens qui se déclarent aujourd'hui pour la violence contre les Israéliens. Cela aussi dépend des événements qui ont précédé le sondage, et pourrait changer dans un retour au calme. (Non, ne posez pas la question : “Et alors, comment revenir au calme demain ? …” Car qui est vraiment maître à présent de ce tourbillon ?)

Les statistiques disent aussi qu’il y a 1700 victimes palestiniennes et 700 israéliennes. C’est affreux. Donc les distinctions ci-dessous ne sont pas là pour minimiser les faits. Simplement il est bon de se rappeler que dans les 1700 morts on compte aussi tous ceux qui se font sauter volontairement, tous ceux qui sont morts “d’accidents de travail” en préparant des explosifs, et tous ceux qui ont été liquidés par d’autres palestiniens supposés collaborant avec Israël. Même une fois cela dit, il reste qu’il y a trop de civils tués dans cette guerre, et surtout trop d’enfants.

Dans une autre statistique, israélienne cette fois, on lit : “Il faut souligner que sur le nombre total des victimes 80 % des victimes civiles sont du côté israélien.” C'est-à-dire que du côté palestinien la majorité des victimes était des gens en armes. Cela donne à réfléchir sur les buts poursuivis – les Israéliens visant surtout les gens armés et non les civils comme tels – mais il reste que le nombre absolu des civils tués reste très grand chez les Palestiniens, ce que la formule “80% d’Israéliens” peut faire oublier. Bien des fois la mort de civils palestiniens aurait dû être évitée. Dans les échanges de tirs, il est souvent difficile de distinguer, mais il y a des cas où (quasi) tout le monde s’accorde pour avouer, après coup, qu’on a “oublié” qu’il y avait des civils autour…

Flashes d’espoir

On en glane sans cesse, jour après jour, sans besoin de les chercher. Statistiquement, est-ce que cela fait le poids face à la violence, aux déchirements des cœurs humains ? On peut répondre que la valeur n’est pas quantitative, mais symbolique : il est significatif que même 50 ans d’affrontements n’ont pas détruit cette étincelle de bon, de sain (de saint…), dans le cœur des gens qui souffrent. Et nous l’avons dit, cela aide à survivre et permettra de bâtir un avenir ensemble; un chant israélien ajoute : “demain, et sinon demain… après-demain”.

Donner du sang, ensemble

Après les explosions meurtrières en Israël, ou les attaques de l’armée qui touchent souvent des civils, il faut des donneurs de sang. Et voilà que Yitshak Frankenthal, le père d’un soldat kidnappé et tué par des palestiniens – qui organise par ailleurs des rencontres avec des parents de victimes palestiniennes, au total 400 familles – a proposé une action symbolique : des israéliens sont allés donner de leur sang à Ramallah, et des palestiniens sont allés donner de leur sang au centre Maguen David Adom (le parallèle de la Croix Rouge en Israël). En ajoutant : “Nous avons le même sang”.

Frankenthal a aussi lancé une autre initiative : contacter la partie adverse par téléphone. En composant 6364 (un numéro spécial et gratuit), les personnes souhaitant “parler avec l’ennemi” peuvent ouvrir une boîte vocale sur laquelle ils enregistrent un message de leur choix. Ceux qui les consultent (les Israéliens n’ont accès qu'aux boîtes palestiniennes et vice versa) peuvent alors y répondre avant d'engager un dialogue direct. Ouvert il y a quelques semaines, ce service a déjà permis 10.000 conversations de ce type. “Si nous voulons que cette spirale de la violence s’arrête de tourner un jour, il faut que les Israéliens et les Palestiniens cessent de s’ignorer et de se diaboliser. Il faut que les gens de la rue se reparlent. Qu’ils réalisent que leurs souffrances sont semblables à bien des égards et que, d'un côté comme de l’autre de la ‘ligne verte’, chacun n'aspire finalement à rien d'autre qu’à offrir une vie meilleure à ses enfants.”

Nouveau cas de don d’organes

Début octobre 2002 – La famille d’Oded Wilk, mort dans l’attentat de Hébron, décide de faire don de ses organes pour des transplantations ; un des bénéficiaires est un homme arabe de 51 ans. La famille exprime son plein accord : “C’était sa volonté, donner pour la vie, sans distinction de peuple.”

Chanter…

La radio Galei Tsahal – la radio de l’armée qui consacre certaines émissions aux soldats – vise aussi un public plus large, les bulletins de nouvelles, des conférences de culture générale, des chants, des interviews. Il y a entre autre un programme d’une heure le samedi midi, toujours passionnant. J’essaie depuis 30 ans de ne pas le rater, et souvent je l’enregistre. La personne qui mène l’interview, Yaakov Agmon, homme cultivé, directeur de théâtre, sait choisir ses hôtes. Cette fois-ci c’est une israélienne, professeur d’Université, qui maintient des rapports au moins téléphoniques avec une femme palestinienne amie. Pendant le couvre-feu d’une semaine à Ramallah, l’israélienne demande à son amie par téléphone ce qu’elle fait. “On ne peut sortir de la maison, on n’a plus rien à cuisiner… Rester à ne rien à faire ? Tourner en rond ? Alors, ce que je fais – je chante ! Oui, ça je peux encore le faire.” Dans une telle situation, elle a encore la force de faire quelque chose – de beau, de positif.

Dans le même genre, que faire quand on est enfermé avec sa famille des jours et des jours à cause du couvre-feu ? On peut encore monter sur la terrasse de la maison et, avec les enfants, faire voler… des cerfs-volants. Survivre.

Là aussi, certains me diront : “Tu parles des palestiniens enfermés, tu ne dis pas que souvent ces couvre-feu permettent de trouver des gens qui sont en train de préparer des explosifs. Et le couvre-feu les empêche d’agir. Et quand on ouvre de nouveau les routes, souvent quelques heures après, il y a un attentat terrible dans une ville d’Israël.” C’est vrai aussi.

Il faudra bien qu’on aborde un jour ce sujet du cercle de violences, pour en comprendre – un peu – les données. Il faut du recul, et beaucoup de renseignements exacts… Notre rubrique ici est de montrer, obstinément, le formidable positif des réactions humaines malgré tout.

La cueillette des olives

La richesse des villages palestiniens est entre autre l’huile d’olive. Pour certains c’est la seule ressource. Cette année la cueillette en certains secteurs proches des implantations, cela se passe dans le drame, car des habitants juifs voisins ont décidé de faire la vie dure aux cueilleurs. Brûler les arbres, ou voler des sacs d’olives, ou venir menacer ou battre pendant la cueillette. Il y a même eu parfois des coups de feu faisant des victimes. La presse en parle de temps en temps. On s’indigne. Les colons modérés disent que c’est une frange de voyous. Quelques soldats viennent, repoussent doucement les agresseurs, se font aussi bousculer, mais le gouvernement se débat avec d’autres problèmes plus généraux, et “n’a pas assez de soldats pour faire face à tout.” Hélas.

C’est là que des initiatives privées sauvent un peu la situation : des groupes d’Israéliens viennent aider à la cueillette. Cela se répète semaine après semaine. C’est une aide quantitative bien maigre, mais leur présence gène assurément les agresseurs. Surtout quand un shabbat ce sont 70 personnalités, dont des professeurs d’université, et quatre écrivains de renommée mondiale A.B.Yehoshua, Amos Oz, David Grossman et Meir Shalev, connus par ailleurs pour leurs prises de position (même si la gauche, devenue perplexe devant trop d’attentats, a du mal à retrouver une ligne générale d’action). L’un d’eux dit longuement son indignation à la radio. La cueillette se termine, tout n’est pas perdu. Je ne sais si les professeurs ont rempli beaucoup de sacs d’olives, mais leur présence n’a sûrement pas été inutile.

En tout cas, recevant par e-mail des tas d’annonces de tous bords – également de propagande pro-israélienne ou pro-palestinienne… – je suis au courant, jour après jour, de l’effort constant de plusieurs organisations, et les lignes ci-dessus ne donnent qu’un bref aperçu de leurs efforts.

 

Le chant du mois

Ce mois-ci nous le prenons dans le livre de Sapho, signalé dans la Bibliographie. C’est le chant de Sara Alexander, une israélienne à Paris :

 


Rencontre

Les mêmes rêves, souvenirs qui pleuvent

Pour le même paysage

Haïfa si douce et si amère

Là‑bas, entre Karmel et mer.

Un soir d'automne à Paris,

Au carrefour du hasard

On se rencontrait, on se parlait

En arabe, en hébreu

Odeurs de jasmin, fleur d'oranger, menthe,

   cyprès et palmier.

Il est palestinien, habitait Haïfa

Mon kibboutz est à deux pas.

Mahmoud, poète en exil

Me raconte l'errance

Le village, les champs, la maison

Qui peuplait son enfance.

Je lui parle du peuple juif, sa souffrance,

     son identité.

Son rêve millénaire de retrouver liberté et dignité.

Les mêmes rêves, souvenirs qui pleuvent

Pour le même paysage

 

 

Haïfa si douce et si amère

Là‑bas, entre Karmel et mer.

Mahmoud me raconte l'occupation

Les terres volées

La répression, l'humiliation

L'espoir mutilé

Je lui raconte la « manif » de trois cent mille

         à Tel‑Aviv

Qui criaient « Palestine, Israël,

         reconnaissance mutuelle »

Il est tard, on va bientôt fermer

Paris se démaquille et se couche.

Une dernière cigarette, passe‑moi du feu

Abritant la flamme nos mains se touchent

Abritant nos rêves nos cœurs se touchent.

Les mêmes rêves, souvenirs qui pleuvent

Pour le même paysage

Haïfa si douce et si amère

Là‑bas, entre Karmel et mer.

            Sara Alexander, chanteuse, Israël


 


Et l’humour en finale

L’idéal est-il d’être toujours d’accord, de ne jamais discuter ?

Dans une école talmudique célèbre, deux jeunes rabbins discutent dur :

– Chez nous telle prière est dite debout…

– Mais non, la tradition, c’est de la dire assis…

– Debout… – Assis…

Un ancien décide de faire intervenir le vieux sage, maître incontesté. Chacun explique au maître ses raisons.

L’un des deux affirme “Chez nous la tradition, c’est debout !” Le vieux rabbin “Oui, je crois me rappeler…”

Mais l’autre est aussi convaincant : “Non, non, Rabbi, c’est assis que l’on dit cette prière, c’est ça, la tradition !” “Ah oui, tu as peut-être raison…”

Celui qui les a amenés veut en avoir le cœur net : “Enfin, Rabbi, il faut que tu tranches ! Tu ne te rappelles pas ? Il faut décider quelque chose car ces deux-là n’arrêtent pas de se chamailler, de discuter, et encore discuter !”

Alors le visage du vieux s’illumine : “Ah oui, ça y est ! c’est cela la tradition !”

 

                                                                                                          Yohanan Elihaï

Infos pratiques :

Livres conseillés :

Sapho, Un très Proche Orient, Parole de Paix, édition Joëlle Losfeld/Dada, Paris, ‏2002.

Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l’Etat d’Israël, Seuil, collection Histoire, 2002.

Sites internet conseillés :

-          http://www.proche-orient.info

-          http://fr.groups.yahoo.com/group/Etoile-liante

-          http://fr.groups.yahoo.com/group/Reponses-Israel