Textes bibliques du jour

Pour lire les textes de la Parole du jour  selon le rite latin et avoir un petit commentaire cliquez ici

 

Annonces actuelles

Liens externes

Beaucoup de sites bibliques, sur Israël...sont très intéressants. Ici vous trouverez une liste qui s'allongera au fur et à mesure. Voir la liste.

Glânures...

Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

Si voulez lire plus cliquez ICI

N° 31 – Septembre/Octobre 2006

Dans le désert...

Loïc Le Méhauté

Depuis la parution du dernier Un écho d’Israël bien des événements se sont déroulés. Tout d’abord la capture du soldat israélien, le caporal Guilad Shalit (19), à la lisière de la bande de Gaza par la branche armée du Hamas (25 juin), puis l’enlèvement de deux autres soldats (Ehud Goldwasser, 31 ans, Eldad Regev, 26 ans) à la frontière israélo-libanaise par le Hezbollah (12 juillet). Ces kidnappings ont provoqué la riposte israélienne : « Pluie d’été » dans la bande de Gaza et la Deuxième guerre du Liban (plus de mille morts libanais, civils et combattants du Hezbollah ; côté israélien : 48 civils, 118 soldats). Traumatisme pour les populations du nord. Les dégâts des deux côtés se chiffrent par milliards de dollars !...

En Israël on demande des comptes aux dirigeants pour cet éventuel échec de la guerre au Liban. Le Premier ministre Ehud Olmert refuse une commission d’enquête nationale sur la conduite du conflit. Par ses déclarations sur son plan « convergence » il a provoqué une levée de boucliers dans les Territoires et a rouvert la plaie des Juifs « expulsés » de la bande de Gaza il y a un an. Le chef de l’État-major, Dan Halutz, est accusé de l’échec de la guerre et son autorité est contestée. Les réservistes s’interrogent. Amir Péretz, ministre de la Défense était-il l’homme de la circonstance ? Nous assistons à une véritable crise de confiance du peuple envers les autorités. Allons-nous passer aux urnes pour réélire un gouvernement ?(ceci susciterait des dépenses inutiles). C’est la crise économique et les différents ministères demandent une augmentation de leur budget : éducation, armée, municipalités du nord... Ces conflits ont éloigné les touristes. Les pertes dans ce secteur sont estimées à plus d’un milliard de dollars. Le but de ces deux conflits a-t-il été atteint : la libération des otages israéliens ?

Au Liban, l’UNIFIL qui n’a pas effectué son travail d’observateur (tunnels et abris du Hezbollah ont été construits à proximité de ses bases sans qu’il s’en aperçoive), se trouve renforcé d’un contingent de près de 15 000 soldats. Il leur faudra des lunettes de vision nocturne ! Le Hezbollah pourra leur en prêter, sinon la Syrie ou l’Iran ... Les menaces d’annihilation d’Israël, proférées par le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, planent comme une épée de Damoclès sur l’État hébreu...

Le poste prestigieux, la présidence de l’État d’Israël, est lui aussi bafoué. Le Président de l’État, Moshé Katzav, interrogé par la police pour des affaires de mœurs (harcèlements sexuels), n’a pas encore démissionné.

Israël est comme un bateau ivre. Après tant de tentatives, comme les pourparlers de paix : les accords d’Oslo I, II, Wye Plantation, Camp David II, plan Tenet, plan Mitchell... , le retrait du Liban (2000), le retrait unilatéral de la bande de Gaza (2005)... ; nous en sommes au point de départ ! Les conflits perdurent et l’ennemi porte les noms de Hamas, Hezbollah, Djihad islamique, El Qaïda, Syrie, Iran... Que faire ? Qui implorer ? Les forces de l’ONU, les USA, l’Europe. La France certainement !... D’où me viendra le secours ?

La période des fêtes du Nouvel An, de Kippour et de Souccot approche et peut-être aussi notre délivrance (de nous-mêmes et de nos ennemis). Que le son du shofar, qui retentira dans les synagogues pour le Nouvel An, puisse créer dans les âmes l’appel à la repentance. N’est-ce pas le cri du cœur du Père : « Si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s’humilie, prie, et cherche ma face, et s’il se détourne de ses mauvaises voies, - je l’exaucerai des cieux [...] et je guérirai son pays. » (2 Ch. 7, 14). Qu’Israël cherche le secours dans son Dieu, comme le proclame le Psalmiste : « Je lève mes yeux vers les montagnes [...]. D’où me viendra le secours ? Le secours me vient de l’Éternel, qui a fait les cieux et la terre [...]. » (Ps. 121, 1, 2).

Je me joins à toute l’équipe d’Un écho d’Israël pour souhaiter à nos amis Juifs de joyeuses fêtes de Nouvel An et Gemar Hatimah Tova. Nous adressons nos pensées de réconfort aux familles souffrantes et endeuillées.

RE : TSAHAL

Cecile Pilverdier

La préparation

« Tsahal », l’armée de défense d’Israël, naît officiellement le 31 mai 1948, deux semaines après la proclamation de l’indépendance de l’Etat. Elle hérite des organisations qui l’ont précédée : la « Hagana » (la défense) et avant elle « Ha shomer » (le gardien).

Au 19ème siècle, pendant la période ottomane, dès l’arrivée d’immigrants juifs, des implantations se forment et avec chacune, un ou plusieurs membres qui sont chargés de défendre ces villages naissants. Puis ces membres se fédèrent pour recevoir et répartir les aides, les armes, le matériel et aussi les expériences. C’était « Hashomer ». Pour cela, l’implantation ne devait avoir en son sein que des Juifs. Avec la 1ère guerre mondiale, des Juifs sont incorporés à l’armée turque, et d’autres entrent comme volontaires dans l’armée britannique d’Egypte contre les Turcs, c’est le « Corps muletier de Sion », qui deviendra trois bataillons de fusillers royaux.

Après la guerre, ces bataillons sont dissous et nombre de ces soldats juifs restent en Palestine.

L’agitation des Arabes pousse les Anglais à créer un régiment juif le « Premier judéen » que les Anglais dissoudront vite à cause des actions anti-arabes spontanées. Se rendant compte qu’ils ne peuvent compter sur les Anglais, en 1920, les Juifs créent la « Hagana » qui comprendra le « Palmah », unité de choc de la Hagana qui sera très active pendant la seconde guerre mondiale et jusqu’à la proclamation de l’Etat en 1948. Créé en 1941 pour se préparer à l’avance de Rommel alors en Afrique, le Palmah armé et entraîné par les Anglais, comprend : neuf escadrons de patrouille et de reconnaissance du terrain, un escadron en mer, des unités de commandos volontaires juifs allemands pour les infiltrations en lignes allemandes, et une unité parachutée. Sa première action en 1941, commandée par un officier britannique et composée de 23 jeunes Juifs, sera de saboter une usine d’armement en Syrie, placée alors sous le mandat de la France de Vichy.

Après la Seconde guerre mondiale, le Palmah va lutter contre la politique du gouvernement mandataire anglais qui a émis le « Livre blanc », limitant l’immigration juive, alors importante après la défaite des Allemands.

C’est ainsi qu’il organise la libération du camp de réfugiés d’Atlit, qu’il détruit ponts, radars, navires de patrouille chargés d’intercepter les barques et bateaux remplis de rescapés, immigrants illégaux. Le Palmah participe alors activement à l’accostage de ceux-ci sur la côte palestinienne. En plus de leur préparation militaire, les membres du Palmah sont aussi formés au travail agricole, pensant aux futures implantations. C’est ainsi qu’ils fondent le kibboutz Beit Keshet en 1944.

Dès le 29 novembre 1947, lorsque l’ONU décide de la création d’un Etat juif, des bandes armées arabes fomentant des tueries se multiplient et le Palmah, chargé des contre-attaques, s’impose sur les routes pour protéger les convois juifs.

Les premières années de Tsahal

Tsahal est érigé le 26 mai 1948 par un gouvernement provisoire dirigé par David Ben Gourion, au milieu de la guerre d’Indépendance ; Le 7 novembre de cette même année, le gouvernement d’Israël décide de l’unification des forces armées : désormais la Hagana et le Palmah seront sous l’autorité de l’Etat major de Tsahal. Six mois plus tard, le « Hetsel » et le « Lehi », après l’affaire de l’ « Altalena » (cf.Un écho d’Israël n°7, les premiers jours de l’Etat d’Israël et la guerre d’Indépendance, pg.7 C.Pilverdier) se mettent également sous cette autorité. C’est également lors de la guerre d’Indépendance que cette autorité est partagée en trois régions : le nord, le centre et le sud. L’armée n’avait alors pas d’armes lourdes, seulement quelques petits avions et un semblant de marine. Le chef d’Etat major de la Hagana, Yaakov Dori, devient le chef d’Etat major de Tsahal et son adjoint Ygal Yadin dirige les combats. Le ministre de la défense est alors David Ben Gourion.

On profite des premières accalmies pour obtenir des armes, principalement de la Tchécoslovquie, avec l’approbation de l’URSS et des USA.

En 1949, la première Knesset promulgue la loi du service militaire avec les jeunes mobilisés et les réservistes. L’armée doit porter le combat toujours sur le terrain de l’ennemi du fait du manque de recul stratégique de ce petit pays.

Entre 1949 et 1956, les infiltrations de Fedayin imposent à Israël la formation de la section 101 agissant à Gaza et en Jordanie et qui plus tard sera rattachée aux parachutistes.

Mais c’est dans les années 50 avec l’opération Kadesh que Tsahal apparaît comme une armée organisée telle qu’on l’entend en Europe, avec tanks et avions.

Tsahal doit faire face à de multiples problèmes : des pays hostiles qui l’entourent  des frontières n’offrant pas de défenses naturelles,  aucun espace stratégique en raison de la surface du pays et des distances très réduites,  des délais d’identification et de riposte très brefs,  le pays, très développé, est fragile, présentant beaucoup de cibles sur un petit espace : centrales électriques, thermiques, téléphoniques, des noeuds routiers, etc.,  pas de repli possible vers un pays ami, assistance étrangère et accès aux armements toujours susceptibles d’être remis en question ou refusés.

Pour répondre à ces défis, Tsahal doit avoir : une industrie militaire autonome,  une armée qui peut être mobilisée très vite,  des cadres très entraînés,  un matériel toujours disponible,  un développement technologique de pointe.

L’organisation de Tsahal

Le service militaire

La loi sur le service militaire à Tsahal régit les deux catégories de soldats : les appelés et les réservistes qui sont l’armature combattante professionnelle et technique de Tsahal. A la fin du service militaire, le soldat devient réserviste avec une durée qui dépend du corps d’armée dans lequel il a servi et de son âge. Elle est en moyenne d’un mois par an.

Le service obligatoire dure 36 mois pour les hommes de 18 à 26 ans, et 24 mois pour ceux de 27 à 29 ans. Les nouveaux immigrants de 27 à 29 ans servent 18 mois. Pour les femmes il est en général de 24 mois. Les femmes mariées, les mères de famille et les femmes enceintes en sont dispensées. Les femmes « religieuses » qui ne veulent pas servir pour raison religieuse, en sont également dispensées et elles peuvent faire un « service civil », dans le domaine éducatif, médical ou social.

Les Druzes et les Circassiens doivent faire le service militaire, et les minorités comme les Bédouins peuvent être volontaires.

Avant d’entrer à Tsahal, les appelés passent des examens médicaux, définissant leur « profil », et indiquant qu’ils sont aptes au service. Les hommes sont mobilisables parfois jusqu’à 54 ans, selon les fonctions et le grade. Ceux qui sont dans les « unités combattantes » sont relevés des périodes de réserve à 45 ans pour les hommes et 38 pour les femmes. En 2000, on a diminué les périodes de réserve et le nombre de soldats y participant. Tous sont soumis à la loi du tribunal militaire, chaque région a son propre tribunal.

Les femmes à Tsahal

La section des femmes, « Hen » a été créée en 1948. Sa fonction était le secrétariat et la transmission plus que le combat. Elle était commandée par une femme. Au milieu des années 90 il y eut des changements après un procès parce qu’une femme n’avait pas été acceptée pour le diplôme d’aviateur alors qu’elle en avait fait la préparation avec succès. Peu à peu des postes de combat ont été ouverts aux femmes, comme tankistes et autres. La loi a été changée et les femmes ont acquis des droits égaux à ceux des hommes. En 2001 la section des femmes a disparu et depuis, une femme exerce la fonction de conseillère auprès du chef d’Etat major pour tout ce qui les concerne.

Les Juifs religieux

Les élèves des écoles talmudiques ont le droit de ne pas être mobilisés pendant leur temps d’étude, mais de fait, ils sont dispensés définitivement du service militaire. Au début de l’Etat cela concernait environ 400 hommes. Puis peu à peu ils ont obtenu d’être dispensés. En juillet 2002, après que la commission à la tête de laquelle siégeait le juge Tsvi Tal ait examiné la situation de ces dispenses, la Knesset a voté la loi « Tal » qui régularise officiellement la dispense aux étudiants des écoles talmudiques.

En 1999, a été créé le projet de « Nahal » religieux (village agricole militaire) pour le service des jeunes religieux. Le pourcentage est très faible et souvent se sont des jeunes qui mettent en question la religion.

A suivre...

AISSANCE DU PAYS : VISITE EN SAMARIE (SHOMRON)

Loïc Le Méhauté

Sous un beau ciel de mai, j’ai accompagné des amis français, chrétiens et véritables « amants de Sion », pour rendre visite à des connaissances dans le village juif d’Éli au cœur de la Samarie (38 km de Jérusalem).

Le but de notre visite était de saluer nos amis et d’écouter leurs appréhensions suite au retrait israélien de la bande de Gaza en août 2005. De plus, cela faisait un an que nous ne les avions pas rencontrés et nous désirions ardemment passer quelques instants avec eux et, sans vous le cacher, admirer une fois de plus cette belle région vallonnée qu’est la Samarie. Nous voulions connaître leurs frustrations, espoirs et attentes car leur avenir est également incertain, connaissant les déclarations récentes du nouveau gouvernement israélien de démanteler des villages juifs. Mais lesquels ? Eli est-il sur la table des négociations ou fait-il partie du plan (ou des différentes options) du Premier ministre israélien Ehud Olmert : convergence (realignement), retrait unilatéral, reprise des pourparlers de paix...

Notre bus, de la ligne n° 474, avait des vitres blindées pour assurer partiellement la protection des passagers. Les passagers étaient surtout des Juifs religieux, une vingtaine seulement. Après la traversée de Jérusalem, au nord de la ville, nous avons bifurqué vers les quartiers juifs de Pisgat Zeev et de Neveh Yaakov, situés à l’intérieur de la « ligne Verte ». Cette ligne délimita de 1949 (fin de la guerre d’Indépendance) à 1967 (guerre des Six jours) les régions conquises puis annexées (Judée-Samarie) par la Jordanie. Cette région fait partie de ce que les médias appellent communément « les Territoires occupés » ou Cisjordanie. En conséquence, Éli est une « implantation », ou « colonie » juive au sein du territoire de l’Autonomie Palestinienne (Accords d’Oslo).

Pour celui qui ne connaît pas la route qui mène au cœur de la Samarie et dont le véhicule a des plaques minéralogiques jaunes (voitures israéliennes), il est préférable de se faire conduire ou de prendre le bus, car bien que la signalisation routière soit présente, il est si facile de bifurquer au mauvais croisement. Ceci pourrait être fatal si vous débouchez sur un village arabe hostile ou si vous vous retrouvez au centre de Ramallah. D’ailleurs, au nord de Jérusalem, il faut éviter de prendre la route n° 60 passant par Shouafat, Beit Hanina, Atarot et conduisant à Ramallah après le check point de Kalandia.

Á la limite nord-est de Jérusalem nous passons un contrôle israélien à la « clôture de séparation » (gader ha-hafrada) appelée dans les médias français « mur de sécurité », qui sépare Israël des Territoires. Elle fut construite dès 2003 à cause des attentats terroristes de la 2ème Intifada déclanchée fin septembre 2000. Nous prenons la route de « contournement » N° 437, nous sommes à 36 km d’Éli notre destination. Le bus s’arrête dans plusieurs implantations (Yeshouvim) dont Kokhav Yaakov, Pesagot. Cette localité juive (769 m alt.), construite à la lisière d’el-Bireh (ancienne Beeroth biblique) et de Ramallah, fut la cible des tirs en provenance de ces villes palestiniennes au début de la 2ème Intifada. Ramallah (40 000 hab.), ville autonome et quartiers généraux de l’AP, est avec sa banlieue une agglomération de 220 000 âmes. Initialement ville chrétienne, aujourd’hui elle est principalement musulmane. La Mouqata’a de Yasser Arafat (bureaux gouvernementaux de l’AP et quartier général de l’administration locale palestinienne) fut fortement endommagée par l’armée israélienne en 2002 durant l’ « Opération Rempart »

En continuant notre route nous rencontrons quelques villages juifs et arabes. La terre est belle, riche, de la terra rosa. Des champs en terrasses sont plantés d’oliviers, d’amandiers et de vignes. Sur une colline, une antenne de transmission et une tour de garde en béton nous rappellent, malgré le paysage pastoral et champêtre qui remonte aux temps bibliques, que le danger est proche.

Nous passons le village arabe de Beitin construit près des ruines de ce qu’on pense être l’ancienne Béthel (Maison de Dieu). Là Jacob fit un songe et reçut cette promesse : « [...] La terre sur laquelle tu es couché, je te la donnerai à toi et à ta descendance. » (Ge. 28 : 13). A gauche, l’implantation de Beit El se découpe sur les collines et ses maisons aux toits rouges ajoutent un peu de couleur au paysage. C’est en 1977 que vit le jour cette « colonie » juive, créée par le mouvement religieux national du Goush Emounin (Bloc de la foi). Fort de plus de 5 000 âmes, ce village religieux abrite une école talmudique et des bureaux d’Arouts Sheva, site d’information sur le monde juif et agence de presse depuis l’an 2000.

Nous sommes à Ofra, une des premières implantations juives dans les Territoires (1975). Cette petite ville de plus de 3 000 habitants, possède une école secondaire de jeunes filles, une Field school, et même une piscine. Le secteur agricole produit des cerises, des kiwis, des nectarines, du raisin, des olives, et du miel. En plus de l’élevage de volailles, une zone industrielle procure des emplois. Son nom est une réminiscence de l’ancienne ville biblique d’Ofra (Jg. 6 : 11). L’entrée comme celle des autres implantations est protégée par une barrière de sécurité coulissante.

Le mont Baal Hatsor domine de ses 1016 mètres et assure la protection de la région. Il se situe à la limite des anciens territoires d’Ephraïm et de Benjamin.

Nous rejoignons maintenant la route N° 60 (Jérusalem-Ramallah-Naplouse-Jénine-Afoula). Sur notre gauche c’est le village arabe de Sinjil dont le nom rappelle celui du croisé Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse. Quel est mon étonnement de voir tant de belles villas et de maisons en construction dans les villages arabes !

Nous bifurquons à droite en direction de Shilo, implantation construite à proximité de la cité biblique qui abrita l’Arche d’alliance. Au carrefour, à tous les carrefours, des auto-stoppeurs tentent leur chance. Ils seront vite pris mais que de fois il y eut des stoppeurs tués... En cas de danger des abris en béton assurent une certaine protection.

La plaine fertile, céréales, oliviers, etc., porte encore le surnom de « plaine des filles » (Marj el-Banath) en souvenir de la fête qui était célébrée aux temps bibliques (Jg. 21 : 19). Au pied de Shilo une zone industrielle pourvoit du travail aux habitants de cette localité. Celle-ci s’étend sur plusieurs collines et 230 familles vivent dans un environnement moderne et religieux : cinq synagogues, une Yeshivat Hesder (centre d’études talmudiques combiné avec le service militaire). Une école, allant du primaire au collège, regroupe les quatre villages juifs avoisinants. Le centre d’attraction touristique de Shilo, pour les visiteurs courageux, est évidemment son tell avec l’emplacement du tabernacle qui y résida près de 369 ans (Jos. 18 : 1).

Enfin Éli, il est 9h 30. Après le contrôle de sécurité, nous rencontrons nos amis à l’arrêt du bus. Pour nous dégourdir les jambes nous faisons le tour du centre du village. Ici, la grande synagogue, là, l’école et son jardin d’enfants, puis, face à un panorama grandiose sur les collines de Samarie, c’est le mémorial pour les membres de la communauté tombés au cours d’attentats ou de combats. Éli vient d’enterrer trois de ses membres : le major Ro’i Klein, 31 ans, père de deux enfants, qui s’est jeté sur une grenade du Hezbollah pour protéger ses soldats, le lieutenant Amihai Merhavia, puis Gilad Zofman. Un de ces soldats fut enterré dans le cimetière d’Éli.

Tout autour de nous de petites maisons individuelles aux toits de briques rouges, entourées de jardins (450 m2) agrémentent le village. Certains propriétaires ont la main verte ! Éli est doté d’une superbe piscine (heures différentes pour hommes et femmes), d’espaces verts et de petits parcs pour les enfants. Parmi les 3 000 habitants (plus de 500 familles) certains sont venus d’Amérique, d’Argentine, d’Australie, du Yémen, de Hongrie, de France comme nos hôtes, et d’Israël. Ce village choisit ses nouveaux membres surtout parmi les Juifs religieux.

Ce qui a attiré mon attention en arrivant chez nos amis, c’est la pancarte « A vendre : X0 000$ ». Vendre ! Me suis-je exclamé. Mais qui va acheter ?... Cette pancarte n’est pas d’hier !... Après un bon café nous leur demandons de nous rappeler leurs débuts ici à Éli, au cœur des collines de Samarie (le nom commémore le grand prêtre officiant dans le Tabernacle à Silo pendant l’enfance de Samuel (1 S. 3). La maison de trois pièces (72 m2), construite en 1992 a coûté près de 50 000$. Elle fut achetée sur plan. Quel prix donner à cette habitation aujourd’hui ? « Elle vaut ce que le gouvernement veut bien indemniser ! » précisent nos hôtes. Les habitants juifs de Gaza ont-ils tous été dédommagés un an après leur évacuation par l’armée israélienne ? L’indemnité correspond-elle aux promesses du gouvernement d’alors ? Qu’en sera-t-il si Éli est retranché de la carte ? Ce sont ces questions et bien d’autres que se posent nos amis inquiets de leur éventuel relogement. Quand ? Où ? Dans un hôtel, un kibboutz... comme les Juifs de la bande de Gaza ?

C’est la fille, à 22 ans, sans-le-sou, qui par idéal sioniste biblique a désiré habiter dans les Territoires. Elle est venue à Éli avec son frère en 1993. Á la retraire, leur mère les a rejoint en 2000. Dans sa maison une partie de ses affaires sont encore dans des cartons. Prête à partir, prête à rester...

Le gouvernement, cherchant des candidats pour habiter en Judée-Samarie, faisait des offres alléchantes tels que des prêts de 95% du prix de la maison à un taux d’intérêt de 4%, tarif réservé aux nouveaux immigrants. De plus, Éli cherchant à s’agrandir, ouvrit ses portes aux non-religieux par crainte d’être effacé de la carte sous le gouvernement Rabin (1992-95). La proportion des non-religieux atteignit 50% de la population. Maintenant elle est de 20% seulement et certains habitants se sentent presque exclus.

Aujourd’hui, mère au foyer, elle élève ses trois enfants, un garçon et deux filles. Son mari travaille au pied du village dans l’usine de fabrication de fenêtres en aluminium. Cette usine de plus de 20 ouvriers fut ouverte peu après la création du village. Les habitants peuvent trouver du travail sur place, à Shilo ou dans la zone industrielle d’Ariel. Certains se rendent tous les jours à Jérusalem...

Nos amis nous décrivent leur village. Quand Éli fut planifié par le gouvernement israélien, il y a 22 ans (1984), comme il n’y avait pas encore d’infrastructure, les premières familles s’installèrent dans des caravanes (c’est encore le cas aujourd’hui quand des jeunes créent illégalement de nouvelles implantations). Aujourd’hui ce village florissant possède plusieurs crèches et jardins d’enfants. C’est à Ariel, la plus grande ville juive des Territoires, capitale juive de Samarie, que beaucoup d’enfants se rendent tous les jours en bus (ramassage scolaire) pour étudier à l’école primaire d’État. Une inquiétude pour les parents. Ariel est à plusieurs kilomètres d’Éli, mais le voyage peut prendre 40 mn, matin et soir.

Village religieux, Éli possède dix synagogues avec leur bain rituel, une école religieuse pour les jeunes de 6-12 ans. Ensuite les garçons peuvent étudier dans un pensionnat à Jérusalem tandis que les filles vont à Ofra. Un centre religieux prémilitaire (académie) accueille 350 élèves dont 140 jeunes servent déjà dans l’armée. Le major Ro’i Klein était membre de cette académie. Pour les activités sportives les jeunes disposent d’un gymnase, d’un court de tennis, d’un terrain de basket et de foot et d’une salle de musculation. Ici pas de maison de retraite mais un club du 3ème âge qui organise des sorties et des activités à l’extérieur du village. Un centre d’intégration reçoit de nouveaux immigrants, surtout des Juifs religieux de France. L’oulpan (cours d’hébreu) est à Ofra. Pour les habitants des implantations à orientation religieuse c’est faire la volonté de Dieu et c’est un précepte de s’installer dans tout le pays d’Israël promis à Abraham, Isaac, Jacob et à leur descendance (Ge. 13, 15).

Sur place deux grands dispensaires appartenant aux caisses de maladie Maccabi et Klalit pourvoient aux premiers soins. Un médecin habite sur place, un autre à Shilo. Une femme enceinte doit se rendre à Jérusalem, soit en voiture privée soit en ambulance, car il n’y a pas de maternité dans les implantations de Samarie. Éli est dotée des meilleurs services sociaux de la région, une librairie, une poste et un centre commercial. Comme les autres villages il possède un secrétariat élu tous les quatre ans appartenant au Conseil régional de Benjamin. Les Juifs des Territoires sont représentés auprès du gouvernement israélien par le Conseil des communautés juives de Yésha (acronyme de Judée-Samarie).

Pour notre pique-nique nous nous rendons sur une des collines d’Éli, dans un cadre champêtre. Une vue grandiose s’étale devant nos yeux : les collines de Samarie, certaines encore dénudées, d’autres cultivées. Ici un village arabe, là une implantation, en contrebas la vallée fertile de Shilo. Paysage paisible mais incertain. Des patrouilles sillonnent jour et nuit le village, non protégé de barbelés.

Si Éli, comme les autres villages, est verdoyant il n’en demeure pas moins que l’eau et sa répartition sont un problème crucial. En 2002 Israël a pompé près de 650 millions de m3 d’eau de l’aquifère des monts de Judée-Samarie. La répartition est la suivante : Israël : 415 millions m3 ; les Palestiniens : 110 millions, et les Juifs des implantations : 50-65 millions ! Pas de restrictions d’eau ici. Une station d’épuration filtre les eaux usées. (Voir article sur l’eau)

L’autre problème crucial est celui de la terre. Notons que les villages juifs sont construits sur des collines dénudées. Éli, d’une superficie de plusieurs centaines d’hectares et construite sur 8 collines, est située, comme la plupart des implantations, dans la « zone C » des Accords d’Oslo II (1995). Ces accords prévoyaient le retrait progressif de l’armée israélienne des Territoires. Les sept villes principales de Judée-Samarie : Hébron, Bethléem, Ramallah, Kalkilya, Toulkarem, Naplouse et Jénine (90% de la population arabe), furent remises au contrôle de l’AP, c’est la « zone A ». Une zone rurale arabe comportant 9% de la population fut remise également au contrôle de l’AP à l’exception de la sécurité qui était conjointe : Israël/AP « zone B ». Le reste du territoire, 1% de la population, mais 58% de la superficie, resta sous l’autorité israélienne. Cette « zone C » inclut à peu près 120 localités juives de Judée-Samarie.

Les propositions du Premier ministre Ehud Barak en juillet 2000, au cours des discussions de Camp David II, prévoyaient qu’Israël se retire de 95% des Territoires de Judée-Samarie. En compensation des 5% restant sous le contrôle israélien, la même superficie de terres israéliennes serait rajoutée à la bande de Gaza. Après l’échec de ces propositions et cinq années d’Intifada, le Premier ministre A. Sharon (élu en 2001) élabora un autre plan : le retrait unilatéral de Gaza et de certaines implantations de Judée-Samarie dont Éli. Bien qu’il fut à l’origine du développement de plusieurs implantations, il a annoncé, dans une interview au quotidien israélien Haaretz, ne pas pouvoir conserver indéfiniment les colonies bibliques d’Éli, de Shilo et de Tékoa... En décembre 2003 il dévoile son plan de « séparation » d’avec les Palestiniens. Il fut l’auteur de l’évacuation des Juifs de la bande de Gaza en août 2005 et de quelques avant-postes de Samarie (Amona, 1er fev.06). Selon nos amis « Israël subit les pressions américaines... ».

Trois mois après les élections législatives du 28 mars dernier le ministre de la Défense Amir Peretz (16/06) a ordonné aux forces de sécurité israéliennes d’être prêtes dans deux semaines à démanteler quatre avant-postes. Le président de Yésha, Bentzi Lieberman, dénonce comme anti-démocratique cette décision prise par le gouvernement. Les quatre points de peuplement menacés de destruction sont : Havat Maon dans le sud des monts d’Hébron, Havat Skali à côté d’Elon Moré, la colline 725 et Givat Arousi.

Le Premier ministre Ehud Olmert a annoncé (02/08) au cours d’une interview accordée à l’agence Associated Press (AP) que la victoire au Liban donnera « une nouvelle impulsion » au plan de convergence de l’État juif, visant à sa séparation des Palestiniens par un retrait de l’essentiel du territoire de Judée-Samarie. « Le tracé d’une nouvelle frontière stabilisera la région et prouvera qu’on peut vaincre le terrorisme. Le moment sera alors propice pour préparer le terrain à un nouveau désengagement qui nous permettra de nous séparer des Palestiniens. Cela ne sera pas facile mais je suis prêt à le faire, » a-t-il déclaré. Le 18 août, deux semaines plus tard, pour Olmert, la « convergence » n’est déjà plus à l’ordre du jour. Le Premier ministre avait été élu sur la base du plan de retrait unilatéral de Judée-Samarie qu’il entendait bien mettre en œuvre. Une conséquence immédiate de la guerre contre le Hezbollah, c’est l’abandon de ce plan. Mais pour combien de temps se demande-t-on dans les Territoires ? La réhabilitation des zones sinistrées est la priorité actuelle du gouvernement et non le plan de « convergence ». Devant la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense (04/09) le Premier ministre a affirmé que l’ordre du jour du gouvernement avait changé et qu’il mettait de côté son plan de retrait. Pour mes amis c’est un sursis et la vie continue... en espérant... Un autre front serait catastrophique pour le gouvernement !

Après avoir bien discuté des problèmes des Territoires et d’Israël nous avons pris congé de nos hôtes par quelques paroles d’encouragement promettant de leur rendre visite dès que possible. Avant notre départ j’ai acheté au petit-fils de notre hôte un plan de vigne pensant à ce verset biblique : « Et tu sortiras au milieu des danses de ceux qui s’égaient. Tu planteras encore des vignes sur les montagnes de Samarie [...]. » (Jé. 31 : 4, 5). Personnellement je désirais rentrer avant la tombée de la nuit mais le temps passa vite. Le chemin du retour n’était pas direct et nous fîmes des détours par plusieurs implantations. Des émotions et des inquiétudes se bousculaient tour à tour dans mon cœur. Le bus se remplissait et le silence régnait tandis que le chauffeur roulait à bonne allure. Était-il pressé de finir sa journée ou tout simplement de quitter cette région déjà enveloppée de ténèbres... Le lendemain, il reprit sa route.

 EN ISRAËL : L’INTÉGRATION DES JUIFS D’ÉTHIOPIE

Antoinette Brémond

Voir le premier article sur le même sujet :les Juifs d’Ethiopie - Beta Israel ou Falashas.

La communauté éthiopienne grandit. Elle commence à faire vraiment partie du paysage israélien. Comme le disait le responsable du centre d’intégration de Mevasseret (Jérusalem) que nous interrogions : « C’est comme partout. Il y a des difficultés, des drames même, mais aussi des réussites, des joies. Du bien et du mal. » En écoutant les uns et les autres, en lisant la presse éthiopienne écrite en hébreu et en amharique, on se rend compte de l’effort énorme fourni par la communauté éthiopienne, par le ministère de l’Intégration et l’Agence Juive, pour que l’arrivée de ces milliers de Juifs venus d’Éthiopie et leur intégration ne soient pas une "honte" pour Israël, mais au contraire un succès, un "plus" dans la vie du pays. Comme le disait Shula Mola, arrivée en Israël à l’âge de douze ans et directrice de l’association israélienne pour les Juifs éthiopiens : « Au lieu d’être montré du doigt comme un pays menant une politique d’apartheid par la presse internationale, devenir un exemple d’accueil et d’intégration de l’immigrant. »

Propos pleins d’espoir, tournés vers l’avenir, qui tranchent avec l’exclamation d’une Israélienne de Jérusalem : « L’intégration des Juifs d’Éthiopie est un échec complet. Nous les avons parqués et isolés des autres. Ils ont gardé leurs coutumes primitives et ne se sont pas fondus dans la société israélienne. Et leur misère en dit long. » Cela rappelle les propos de Yehuda Dorminitz, directeur général du Département d’immigration et d’intégration de l’Agence Juive en 1980 : « Ne les faites pas venir. Ce sera impossible de les intégrer. C’est comme si vous vouliez faire sortir les poissons de l’eau. »

Difficile, oui très difficile. Pour les Juifs venant d’Éthiopie, venir en Israël c’était réaliser leur désir le plus profond, leur rêve sioniste millénaire. Pouvoir enfin poser leurs pieds sur la Terre Promise, et y trouver "l’eau" à laquelle ils aspiraient en tant que Juifs : Israël, Jérusalem. Difficile aussi pour l’État d’Israël qui prit un risque énorme. Mais rien ne put l’arrêter dans sa détermination à faire revenir au pays tous les Juifs qui le désirent. 400 millions de dollars furent consacrés à cette immigration. Risque énorme si l’on en croit le président du Conseil des Municipalités de Galilée : « Comment s’en sortiront les derniers arrivés alors que les anciens ont déjà du mal à trouver du travail. »

Les différentes étapes de l’intégration

Reçus avec émotion et enthousiasme par les Israéliens comme des frères et soeurs juifs, ils sont tout d’abord logés dans des centres d’accueil provisoires, en 1991, dans des hôtels de Jérusalem. Le choc culturel est énorme pour cette population africaine rurale à des années lumière de la société technologique et de consommation. Là-bas ils n’avaient pas besoin d’aide, vivant des champs, de la rivière et du bétail. Ici, les voilà entièrement dépendants, pouvant difficilement continuer à respecter leurs coutumes de pureté, d’abattage rituel, de deuils, etc., leur judaïsme n’étant pas exactement le même que le judaïsme rabbinique. Comme me le disait une employée du bureau d’intégration à Rehovot : « Nous, les Juifs d’Éthiopie, nous étions tous pratiquants, religieux. Une de nos premières surprises en arrivant au pays, "chez nous", ici, fut de rencontrer beaucoup de Juifs non pratiquants. »

Après plus d’un an dans les hôtels, ils sont installés dans des villages de caravanes construits spécialement pour eux, souvent isolés de la ville. Vivant entre eux, ils peuvent reprendre certaines de leurs coutumes, et surtout recommencer à cuisiner à l’éthiopienne, une nourriture à base de "endjara", une crêpe préparée avec de la bière, toute la nourriture étant très épicée. La femme est à la cuisine, l’homme à l’abattage rituel et à la préparation de la viande. Ils retrouvent peu à peu leurs repères, en particulier le respect des anciens.

Après quelques années, l’État leur donne une subvention importante, 90 000 dollars, leur permettant, avec l’aide d’un système d’emprunt, l’achat d’un appartement en ville. Par exemple, à Rehovot, (ville de 114 000 habitants), un quartier, avec des maisons à quatre étages genre HLM, avait été construit pour recevoir les immigrants de Russie en particulier. C’est là que s’installent également les Juifs d’Éthiopie. Sur les 9 000 vivant à Rehovot actuellement, 4 500 sont dans ce quartier de Kyriat Moshe. Une habitante d’origine roumaine vivant dans ce quartier, rencontrée dans l’autobus, nous raconte que, à l’arrivée des Juifs d’Ethiopie, les Juifs de Russie ont peu à peu tous déménagé : la nourriture éthiopienne, en particulier l’endjara, ayant une odeur forte. Elle-même ferme ses fenêtres pour ne pas sentir l’odeur de la crêpe de ses voisins.

La vie normale commence : les écoles, la recherche de travail, les immigrants devant se prendre en charge. C’est à ce moment là que la misère à tous les niveaux s’installe souvent dans cette population.

Les villages de caravanes n’existent plus aujourd’hui. Ils sont remplacés par des centres d’intégration. Il y en a à Mevasseret, Naharya, Safed, Be’er Sheva... Un ensemble de maisons à deux étages où peuvent vivre plusieurs familles. Certains sont là depuis cinq ans, d’autres deux ans, d’autres huit mois ou même une semaine : les familles se regroupent. Ils quittent le centre dès qu’ils ont pu acheter un appartement dans l’une ou l’autre ville avec les dons ou prêts de l’État et l’argent qu’ils ont pu gagner. Le responsable du centre de Mevasseret est un Israélien d’origine éthiopienne, fonctionnaire de l’Agence Juive. Nous sommes reçues dans deux familles par la maman et une jeune pour nous traduire. Dans chaque salon, une télévision et souvent un magnétoscope permettant d’écouter des chanteurs éthiopiens ou de voir des danses et des théâtres à Addis-Abeba. Deux fois par jour, la radio israélienne propose un programme en amharique : bulletin d’information, .interviews, récits, messages des auditeurs et annonces. Beaucoup achètent des cassettes ou des vidéos en amharique dans des magasins spécialisés à Tel Aviv ou à Jérusalem. A cette musique éthiopienne s’ajoutent également des expressions de culture noire américaine. Dans ces centres, malgré de nombreux oulpans, les adultes parlent mal l’hébreu. En revanche les jeunes font très israéliens. Ils sont contents d’être en Israël.

Un échec ?

Plusieurs émissions de télévision ces derniers mois ont donné au public israélien une image catastrophique sinon désespérée de la situation actuelle de cette communauté : des jeunes sans travail ayant quitté l’école, de la délinquance, des suicides, des gens semblant perdus, du racisme. Pourtant les cas de réussite sont également nombreux. Le speaker de conclure : « Quand nous, les Juifs blancs, allons nous accueillir les Juifs noirs et leur donner leur place dans la société ? »

N’oublions pas pourtant que la pauvreté, la misère, la délinquance, la criminalité existent en Israël. On a simplement constaté que la proportion de cette misère est plus forte chez les Juifs d’Éthiopie. Par exemple, 25% des femmes tuées par leur mari sont éthiopiennes. Ceci n’existait pas en Éthiopie. Le chômage ? L’humiliation ? Le désespoir ?

L’intégration des Juifs d’Ethiopie serait-elle un échec ? Pourquoi cette méthode d’intégration rodée depuis tant d’années avec d’autres groupes d’immigrants d’Afrique du Nord, d’Europe, de Russie, semble-t-elle avoir échoué. Et si cet effort énorme de part et d’autre se solde par un échec, que faire ?

La première réalité incontournable est que les Juifs de là-bas sont des Juifs noirs. Eux-mêmes ne s’en sont rendu compte qu’en arrivant et en découvrant des Juifs blancs. Ils ont une culture, des traditions, une ethnie très forte basée sur la religion juive de chez eux. Tout est différent et semble étrange. Ce ne sont pourtant pas des "primitifs", mais des "autres". Une autre manière d’interpréter et de vivre la Tora. Depuis leurs noms, leur nourriture, leur notion de pur et d’impur, leur système de valeurs, la vie sociale, les honneurs à rendre aux anciens, le rôle de l’homme et de la femme. Tout est très construit, très précis et influence tous les détails de la vie sociale. Sans parler de la langue amharique et de la nourriture à base de produits qu’il faut parfois faire venir d’Éthiopie.

Malgré toute la bonne volonté du ministère de l’Intégration, il a fallu constater un échec. Les plans préparés sérieusement pour les vagues d’immigration des années 1985 et 1991 comprenaient des projets précis au niveau de l’habitat, de l’éducation, du travail. Basés sur les expériences antérieures réussies ayant permis aux nouveaux immigrants d’entrer dans la société israélienne existante, ils n’ont pas pris en compte le côté unique de cette ethnie juive éthiopienne. D’où un échec apparent. Actuellement, la situation se redresse lentement, grâce aux efforts d’une élite éthiopienne.

Les enfants et les jeunes

La moitié de la population éthiopienne en Israël a moins de 19 ans. Dans les écoles, ces enfants ont souvent un niveau inférieur à celui des autres élèves, et cela en particulier en mathématiques, en sciences, en anglais et en hébreu. Seul un tiers d’entre eux ont obtenu le bachot l’année dernière, alors que la moyenne est de 60%. Beaucoup abandonnent l’école. Certains sont placés dans des internats ou dans des écoles spécialisées à cause de leur incapacité à suivre des programmes normaux.

De plus en plus de chercheurs s’interrogent : Les Éthiopiens sont-ils "inférieurs" aux autres élèves juifs ? C’est ce qu’ils finissent par penser eux-mêmes, ces enfants noirs, étant également souvent humiliés par leurs camarades les traitant de noirs ou de nègres. Cette impression d’échec scolaire crée en eux un désespoir les poussant parfois au suicide. On a constaté dix fois plus de suicides chez les jeunes d’origine éthiopienne que chez les autres. - La délinquance s’installe, l’alcool et la drogue. Cette situation n’a fait qu’empirer jusqu’en 2004.

Pour essayer de comprendre les raisons profondes de cette situation, plusieurs organismes se sont mis en place. Citons en particulier l’Association Israélienne des Juifs d’Éthiopie.

Tout d’abord analyser les erreurs commises. La première est la désintégration de la famille éthiopienne.

Arnon Edelstein ayant étudié ce problème écrit : « Les erreurs commises dans les années cinquante pour l’intégration des Juifs marocains ont été répétées pour celle des Éthiopiens. Tout d’abord on a parqué cette population dans des tentes ou des caravanes. Puis on s’est concentré sur l’éducation et l’enseignement des enfants en négligeant les parents et grands-parents. Un fossé s’est alors établi entre les générations ». L’autorité n’était plus le père, mais le maître d’école. En effet le père, ne pouvant accéder à l’hébreu et restant étranger à la vie sociale israélienne avait perdu toute responsabilité et même toute valeur aux yeux des enfants. Ceux-ci avaient tendance à rejeter ce qui leur semblait "honteux", comme l’amharique ou les coutumes traditionnelles même culinaires... préférant les sandwichs. La deuxième erreur est d’avoir essayé d’abolir "l’éthiopanisme" considéré comme négatif au profit de "l’israélisme sioniste". Chose impossible menant à la mort lente de cette communauté. Casser cette ethnie c’était aussi appauvrir Israël d’une richesse humaine qu’ils possèdent et sont seuls à pouvoir transmettre.

Une nouvelle chance

En tenant compte de ces nouvelles données, de nombreuses associations éthiopiennes en collaboration avec des organismes gouvernementaux ont lancé depuis quelques années de nouveaux programmes permettant à cette population de surmonter ses difficultés et d’être partie prenante de la vie du pays.

Au niveau scolaire on s’est aperçu que l’échec scolaire provenait parfois d’une manière différente de percevoir certains sons. Par exemple, difficulté pour ces enfants de distinguer le "ts" du "z". Ce qui pouvait faire croire qu’ils étaient sourds ou retardés.

A côté des programmes de scolarité spécialisée ayant l’inconvénient d’isoler ces enfants, on essaye de mettre actuellement sur pied un programme d’heures supplémentaires avec un personnel qualifié donnant à ces enfants une aide adaptée à leur ethnie. Faut-il encore que le budget alloué à cet effet soit utilisé convenablement et non dévié.

Les résultats scolaires de cette communauté s’améliorent d’année en année. Beaucoup de ces jeunes sont dans des collèges ou institutions et obtiennent des diplômes leur permettant d’entrer dans le monde du travail professionnel. Ceci grâce également à un projet de l’E.N.P. (Ethiopian National Project) en collaboration avec le gouvernement. Un budget de 600 millions de dollars est prévu sur neuf ans. Dix associations éthiopiennes soutiennent ce projet.

L’opinion publique disant que les Éthiopiens ne réussissent pas à l’école est dépassée. Actuellement des centaines d’élèves éthiopiens sont parmi les meilleurs de leur classe. Certains jeunes essayent de se prendre en charge et de se stimuler mutuellement. Citons Eli, (18), ce jeune d’Ashdod qui fonda avec quinze autres jeunes éthiopiens l’association Noar Tesfa (l’espoir des jeunes). Tous viennent de familles pauvres et se battent contre l’opinion publique : « Vous êtes pauvres parce que vous n’avez pas réussi à l’école ». Shula Mola les soutient : « Des gens comme Eli sont peut-être rares, mais ce sont eux qui vont changer non les statistiques, mais la vie. Les jeunes éthiopiens sont pleins de capacité, d’espoir, de potentiel, comme les autres. Dire le contraire est injuste. Il ne suffit pas de blâmer la jeune génération ou les erreurs du système d’éducation. Il faut ensemble réparer et redresser ce qui a été abîmé. »

Cette année, 1 800 étudiants sont à l’université. Quelques uns sont déjà entrés dans le monde du travail comme professeurs, médecins, chirurgiens, avocats. D’autres travaillent dans les services publics, l’administration, les professions paramédicales et la sécurité. Une loi passée en juillet 2005 encourage les services publics à embaucher d’avantage de Juifs éthiopiens. Faut-il encore que la population soit à l’unisson de ce projet.

Les enfants doivent-ils choisir entre "l’éthiopanisme" et "l’israélisme" ? De plus en plus de voix se font entendre pour dire : non. L’un et l’autre font partie de leur identité, de leur vie, de leur valeur.

Pour cela le centre Bet Nehemia, à Jérusalem, a été créé pour permettre aux jeunes scolarisés de suivre des cours en amharique et d’apprendre à mieux connaître et honorer la culture et la civilisation éthiopiennes. Cela permet à ces jeunes de se valoriser, d’être fiers de leurs racines, de leur couleur même et, du coup, d’avoir davantage confiance en eux-mêmes. D’où une revalorisation des adultes de leurs familles, des parents, des anciens, du kes (prêtre éthiopien). Ce qui favorise, en fait, leur intégration dans le milieu israélien.

L’habitat

Sur les 105 000 Juifs éthiopiens, 30 000 sont nés dans le pays. Parce qu’ils ont les mêmes habitudes, la même vie sociale et qu’ils ont créé entre les familles tout un réseau d’entraide et d’associations humanitaires, ils préfèrent être groupés, même si dans l’immeuble, vivent aussi des familles "blanches". A Jérusalem, les Éthiopiens se retrouvent surtout dans les quartiers les moins chers.

L’aide gouvernementale pour le logement de la communauté éthiopienne a varié. En 1992 après l’opération Salomon, le gouvernement attribua une subvention variant entre 90 000 et 110 000$ par famille. 10% de cette somme était un prêt remboursable en plusieurs années. Cette somme permit aux familles de s’installer dans des villes où l’habitat n’était pas trop coûteux. En mars 2003, la politique du gouvernement changea. Il versa pour l’année un million de shekels pour l’ensemble des nouveaux immigrants d’Ethiopie. Puis en novembre, une nouvelle décision du gouvernement n’octroya plus que des prêts à rembourser chaque mois. Beaucoup furent obligés de rester au centre d’intégration. En fin 2004, l’Etat accorda de nouveau une somme importante pour l’achat d’un appartement, mais uniquement aux plus nécessiteux, par exemple aux couples avec enfants. J’ai vérifié cela lorsqu’en rencontrant un gardien de sécurité d’une banque et lui demandant pourquoi il était toujours au centre de Mevasseret après cinq ans, il m’a répondu : « Je suis divorcé. Seuls les couples avec enfants ont droit à cette aide. »

En décembre 2004 on comptait 13 000 Juifs d’Éthiopie à Natanya, 10 000 à Ashdod, 5 800 à Rehovot (actuellement 9 000), 7 900 à Be’er Sheva, 4 586 à Ashkelon, 5 000 à Hadera, 2 289 à Haïfa, 2 500 à Jérusalem. Malgré une nette amélioration de la situation, les problèmes économiques de chaque famille sont loin d’être résolus : chômage, salaires dérisoires, emprunts à rembourser, familles très nombreuses (13 personnes) dans des logements petits (3 pièces).

Le travail

L’emploi demeure l’une des questions les plus préoccupantes pour les Juifs éthiopiens, en raison souvent de l’insuffisance de leurs qualifications professionnelles et de leur hébreu limité. La plupart des adultes occupe encore des emplois sous-qualifiés et peu rémunérés dans des secteurs d’activité diversifiés : industrie, gardiennage, nettoyage, service pénitentiaires, exploitations forestières, bâtiment. En plus de cela, le taux de chômage est important, surtout chez les hommes de plus de quarante ans. De nombreuses familles restent toutefois en situation de dépendance institutionnelle et vivent de prestations familiales, d’indemnités de chômage et de retraite comme tous les autres citoyens.

Les Éthiopiens acceptent d’être embauchés à n’importe quel prix par des agences intérimaires qui profitent souvent d’eux, les payant à des prix dérisoires et sous évaluant souvent leurs heures de travail. Pour aider cette communauté à faire valoir ses droits, un bureau a été créé dans la zone industrielle de Rehovot : « Tebeka ». Là, un avocat éthiopien, Yitzhak Dessir, aide les ouvriers temporaires éthiopiens à défendre leurs droits. Même s’ils sont toujours souriants, gentils et obéissants, ils souffrent de cette situation : « Nous nous attendions à être mieux traités par nos frères. Nous ne sommes pas des ouvriers étrangers que l’on exploite. Nous sommes des Juifs israéliens. »

Comme nous l’avons déjà dit, de plus en plus d’Éthiopiens entrent dans le monde du travail spécialisé, indépendant. Par exemple des chauffeurs d’autobus, des agents de sécurité spécialisés. Des magasins éthiopiens s’ouvrent, vendant les produits du pays apportés par des "voyageurs", qui vont là-bas et reviennent : des vêtements, divers objets, de la nourriture de base, des cassettes et vidéocassettes. Trois restaurants éthiopiens au centre ville à Jérusalem où l’on mange éthiopien, servis par des patrons éthiopiens avec des Éthiopiens. Il y a aussi un salon de coiffure et cosmétique, et au marché une échoppede produits alimentaires éthiopiens.

En quittant la rue, on découvre des théâtres éthiopiens, une troupe qui se déplace de ville en ville. Il y a aussi une conteuse qui fait des spectacles monologues pour parler de femme à femme. Là s’exprime aussi bien le caractère ethnique que veut transmettre ce théâtre avec sa musique, que les problèmes humains universels. Seulement, lorsque l’acteur te regarde, tu sais que tout est là, en lui : son pays d’origine, sa culture, ses drames, son immigration, sa joie d’être "à la maison" et sa souffrance : le racisme rencontré trop souvent encore à tous les croisements de sa vie, depuis l’école, les agences d’emploi, le monsieur-tout-le-monde qui le voit "noir".

Comme nous l’avons déjà dit, il y a de plus en plus de Juifs d’Éthiopie ayant un niveau académique. Et, à ce niveau là, les différences ethniques s’estompent et les mariages inter-ethnie sont possibles. Citons simplement cet universitaire éthiopien travaillant au ministère des Affaires Étrangères ayant épousé une Juive d’origine allemande, et qui vient d’être nommé ambassadeur d’Israël en Éthiopie.

Mais la communauté éthiopienne ne se contente pas de la réussite de quelques uns. La presse éthiopienne pousse les parents à chercher du travail avec persévéranceet à inciter leurs enfants à faire des études. Les associations éthiopiennes encouragent toute la communauté, des plus pauvres aux plus riches, à se prendre en main et à devenir autonome. Citons encore une fois Shula Mola : « Nous découvrons de plus en plus que notre misère n’est pas à mettre uniquement sur le compte des organismes gouvernementaux d’intégration. A nous de reprendre espoir et de réaliser que nous pouvons sortir de cette misère en collaborant activement avec les autorités. »

L’armée

Pour ces Éthiopiens, l’armée est le lieu où ils peuvent vivre pleinement leur identité de Juifs israéliens, au coude à coude avec tous, quelle que soit leur origine. 36% des soldats éthiopiens choisissent de servir dans des unités de combat, en première ligne. Parmi eux, des officiers. En octobre 2000, Yossi Tabaya, 27 ans, fut l’une des premières victimes de la seconde Intifada. Il y a quelques semaines, c’est Natan Sandelke qui fut tué à Gaza. Pour la communauté éthiopienne ces morts ou blessés de l’armée sont des signes douloureux leur permettant d’exprimer dans leur chair leur idéal sioniste et leur participation intégrale au destin de leur peuple. Porter l’uniforme, revenir à la maison avec son fusil, quel défi à ceux qui doutent de leur intégration !

C’est sûr, pourtant, que cette période de l’Intifada, (et ce sera pareil pour l’après- guerre du Liban), a été une catastrophe économique pour le pays, pour les pauvres en particulier. Le gouvernement, très préoccupé par les problèmes de sécurité, n’a plus prêté suffisamment attention à cette communauté souvent au bord du désespoir. C’est peut-être le moment de rappeler que des associations non gouvernementales se sont alors mobilisées pour porter de l’aide, ici où là. Sans compter les "amis" que les Éthiopiens ont souvent rencontrés sur leur route.

La politique

Contrairement aux nouveaux immigrants de l’ex-URSS qui ont créé leur parti, les Éthiopiens israéliens se sont simplement joints aux partis existants, en général le Likoud ou les partis religieux. En 1996, Addisu Messale, l’un des leaders du mouvement de protestation contre le racisme, fut élu député à la Knesset dans le parti travailliste. D’autres Éthiopiens occupent des postes comme : conseiller municipal (à Rehovot), conseillers ministériels, employés d’agences gouvernementales, travailleurs sociaux, etc.

Aux dernières élections (2006), aucun candidat éthiopien n’est entré à la Knesset. Plusieurs étaient pourtant sur les listes électorales. Citons le rabbin éthiopien de Be’er Sheva, Mazor Bayana, responsable de la communauté éthiopienne de sa ville (10 000) après avoir étudié dans une école talmudique sépharade. Il était le treizième sur la liste du parti Shass qui n’a obtenu que douze sièges. Dans le parti Kadima, il y avait aussi un candidat éthiopien, qui n’a pas été élu. Comme le disait la presse éthiopienne, ce sera pour la prochaine fois.

Le kes et les anciens En Éthiopie, les kessim (prêtres) avaient une place importante dans la vie de la société. Ils détenaient la sagesse divine. En Israël, les rabbins orthodoxes ont souvent pris leurs places, voulant faire entrer la communauté dans la religion juive orthodoxe pratiquée ici. Actuellement des tensions subsistent entre ces deux autorités religieuses, les kessim étant souvent mis à part. Rien n’est encore vraiment résolu. C’est un sujet de conflit dans la communauté entre les jeunes, soutenant les rabbins, et les plus âgés soutenant les kessim.

La fonction de kes existe pourtant toujours. Un jeune, Samaï Elias, ayant fait des études de sociologie vient d’être ordonné kes. Il est aussi rabbin, par ailleurs. Mais comment poursuivre ? Tout d’abord maintenir l’unité entre les jeunes et les anciens qui, même analphabètes, restent les piliers sans lesquels la communauté risque de basculer. Etant à Rehovot et désirant rencontrer Barouch Tegegne, je m’adresse à des anciens assis près de la poste du quartier Kyriat Moshe, L’un d’entre eux qui semble le connaître me conduit au centre d’intégration. Plusieurs bureaux, un personnel éthiopien, et une porte fermée, celle du directeur. L’ancien parle aux employées, puis au directeur David, et me fait entrer. Dans ce cas, c’était bien l’ancien qui avait l’autorité sur ce jeune directeur professionnel qui, autrement, ne m’aurait jamais fait entrer.

Les kessim, actuellement, se rendent compte de leur responsabilité sociale aussi bien sur les jeunes que sur la vie économique de la communauté. Le kes Yosef Manasse, dans l’une de leurs revues, demande à tous les kessim et aux anciens de "se réveiller". « Il nous faut arrêter d’être passifs, de renoncer à notre rôle dans la société. Ce sont nous, les kessim, qui sommes le plus à même de redresser la situation et d’aider nos jeunes à trouver leur identité et à construire leur avenir. Il nous faut les visiter, les écouter, à l’école, à la maison, à la prison et à l’armée. C’est nous qui pouvons le mieux les comprendre. » Pour la vie économique de la communauté, certains kessim voudraient réduire les frais énormes occasionnés par les nombreuses fêtes, bar-mitzva, mariages, enterrements. - « En Éthiopie, nos fêtes étaient simples, et nous n’invitions que les amis et parents du village. Ici, nous invitons jusqu’à mille personnes venant de tout Israël. Comment réduire les frais sans affaiblir les liens communautaires ? »

L’office du shabbat est souvent un lieu de litige, à l’entrée des synagogues. Les jeunes voudraient des offices orthodoxes en hébreu que leur proposent les rabbins. Les vieux s’en tiennent à leurs traditions éthiopiennes. A Natanya, dans le quartier de Kyriat Nordau où habite une partie de la communauté éthiopienne de cette ville, le kes Amahe Neget a trouvé le moyen de donner à chacun sa place. Le shabbat, il arrive à la synagogue à trois heures et demi du matin. A cinq heures, il célèbre l’office en amharique pour les plus âgés, après avoir lu les textes en guez. Puis, de sept heures à onze heures, la prière est en hébreu, pour les jeunes. Mais, en fait, tous restent jusqu’à la fin.

De plus en plus, à tous les niveaux, l’intégrations des Juifs originaires d’Éthiopie prend un nouveau tournant : les aider à être eux-mêmes et fiers de l’être. Un nouveau projet a été lancé à Rehovot par l’association Tomer créée par des anciens, des hommes de soixante-dix à quatre-vingts ans : construire un musée éthiopien où tout un chacun pourra venir découvrir la civilisation de ce pays, d’où est originaire une partie de la population israélienne. Reconstruire, à côté du musée, un village éthiopien, avec ses cultures, son artisanat... Ce projet a été accepté avec enthousiasme par le conseil municipal de la ville... qui attend simplement les finances pour le réaliser.

PHILIE, HÉBRÉOMANIE

Michel Remaud

L’étude de l’hébreu connaît une nouvelle ferveur. On ne peut que s’en réjouir : la lecture des originaux fait éprouver la saveur des textes bibliques d’une manière que ne permettra jamais aucune traduction.

L’enthousiasme et l’imagination de certains hébraïsants plus ou moins amateurs entraînent pourtant quelques-uns d’entre eux à proposer des commentaires assez surprenants, fondés sur le postulat que chaque mot renverrait de lui-même à tous les termes avec lesquels il serait en relation, réelle ou imaginaire, de parenté étymologique. Le sermon sur la montagne serait le principe d’une vie nouvelle en raison d’une prétendue communauté de racine entre la montagne (har) et la conception (harah), tandis que le mot qui désigne le marché aurait une relation directe avec l’omoplate, suggérant ainsi l’idée de l’articulation du corps social, etc.

On s’étonne que l’idée ne soit jamais venue à ces commentateurs d’explorer de la même manière les richesses de la langue française, qui ne le cèdent en rien à celle de l’hébreu. Prenons l’exemple du mot révolution. De prime abord, on n’y voit pas de rapport avec celui de volubilis, issu de la même racine latine désignant un mouvement rotatif. La première, pourtant, n’a-t-elle pas pour but de préparer les lendemains paisibles et fleuris qu’évoque naturellement le second ? Passons rapidement sur le revolver, dont le rapport avec la révolution n’est malheureusement que trop évident, et même sur les volutes dans lesquelles doivent se dissiper les vestiges d’un passé révolu. Remarquons surtout que le terme de révolution, au sens propre, désigne le mouvement que décrivent les astres sur leurs orbites : le discours du révolutionnaire n’a-t-il pas pour objet de promettre la lune ?

En feuilletant le dictionnaire et avec un peu d’imagination, on peut se livrer au même exercice à propos de n’importe quel autre mot, et chercher par exemple à établir des corrélations entre ces cousins éloignés que sont banquet et banqueroute, ineffable et infanterie, canine et canicule ou conclave et clavicule. On pourrait même en faire l’objet d’un jeu de société, dont le déroulement, gageons-le, amènerait à des trouvailles hautes en couleur.

Ajoutons que certaines des richesses prêtées à la langue hébraïque proviennent en réalité d’une lecture inattentive des mots et de la confusion entre des termes d’orthographe ressemblante. Pour prendre encore une comparaison dans le domaine de la langue française, si l’on enrichit le mot espadrille des harmoniques de celui d’escadrille, l’horizon sémantique s’élargit pratiquement jusqu’à l’infini.

Ce genre d’exercice, appliqué sans discernement à la langue hébraïque, est contestable et dangereux.

Contestable, parce que l’idée que chaque mot renverrait implicitement à tous les termes de la même origine est loin d’être fondée. Plus que l’étymologie, c’est l’usage qui donne aux mots leur sens et leurs harmoniques. A s’en tenir à la pure étymologie, les mots français carnivore et sarcophage devraient dire exactement la même chose. Lorsqu’il a fallu, au XIXe siècle, inventer un mot pour désigner les voitures qui pouvaient se déplacer sans chevaux, on a formé à partir du grec et du latin le mot hybride d’automobile. S’il n’avait déjà existé pour désigner une autre notion, on aurait pu aussi bien, pour désigner un véhicule mu par une force intérieure, fabriquer celui d’énergumène ; et puisqu’il vient d’être question d’automobile, personne, aujourd’hui, ne risque de confondre cet ancien néologisme avec la locution, étymologiquement synonyme, de motu proprio.

Dangereux, parce que ces acrobaties verbales donnent une idée fausse de ce qu’est l’authentique lecture juive de l’Écriture. Quand les maîtres du Talmud mettaient en œuvre les procédés de l’exégèse midrashique, ils s’appuyaient sur des présupposés théologiques et poursuivaient des buts que la recherche scientifique peut mettre en lumière. Laisser croire qu’il suffirait aujourd’hui, pour suivre leur exemple, de laisser libre cours à l’imagination, c’est entretenir l’opinion, déjà entendue, que l’exégèse rabbinique ne serait qu’un pur délire. C’est le plus sûr moyen de jeter le discrédit sur la cause que l’on prétend défendre.

 ON SUR ALBERT EINSTEIN

Suzanne Millet

Depuis octobre 2005 Albert Einstein fait du vélo dans les rues de Jérusalem. Vous le rencontrez dans différents carrefours (en poster grandeur nature), avec son bon sourire espiègle, et sa crinière blanche, monté sur un vélo. Il aurait été heureux de voir cela, lui qui n’est venu qu’une seule fois à Jérusalem en 1923.

Pour fêter le centenaire de la parution de ses quatre articles révolutionnaires en physique, une exposition sur A.Einstein a été organisée par l’Université Hébraïque de Jérusalem et le musée de la Science de Bloomfield avec l’aide financière de la Fondation de Jérusalem et du ministère des Sciences et de la Technique.Cette exposition se tient au musée Bloomfield à jérusalem, musée destiné aux enfants. Là encore A.Einstein aurait aimé cette compagnie d’enfants apprenant et jouant sur toutes sortes de machines, les forces physiques, électriques, magnétiques, etc...C’est vraiment un plaisir de voir ces groupes d’enfants juifs et arabes s’activer sur ces machines. Cette exposition qui fut présentée à New York, Boston, Chicago et Los Angeles est focalisée ici sur le sionisme de « l’homme du 20ème siècle ».

Le scientifique

Il y a un siècle, en une année, un clerc de notaire de 26 ans, inconnu de la société scientifique, écrira à Zurich dans une revue scientifique quatre articles sur la physique qui bouleverseront complètement ce que l’on pensait sur la nature de la lumière, de l’espace, de l’énergie et de la matière. Un de ses articles sur l’electrodynamisme des corps en mouvement introduira ce que l’on appelle la théorie spéciale de la relativité. Jamais une personne seule n’avait en si peu de temps apporté une telle contribution à la science. Le nom de ce jeune homme jusqu’alors inconnu était Albert Einstein. La même année, 1905, il reçut son doctorat et ses idées nouvelles renversaient celles du scientifique anglais du 18ème siècle, Isaac Newton.

Né en 1879 à Ulm en Allemagne dans une famille juive assimilée, A.Einstein, dès l’âge de quatre-cinq ans inventait des expériences sur la lumière, sur les forces magnétiques, grâce à un petit aimant, cadeau de son père. Plus tard il dira que l’imagination est un outil merveilleux pour démêler les lois de l’univers. A douze ans, l’âge de la Bar Mitsva, il choisit le livre de l’Univers et non la Bible. Il apprend seul la géométrie et met en doute l’autorité des éducateurs mais aussi les conclusions mathématiques et scientifiques. Les mystères de l’univers excitaient son imagination et il comparaît son travail à celui d’un détective dans un roman policier. En 1921 il recevra le prix Nobel pour sa physique et non pour la loi de la relativité encore contestée ; plus tard il recevra le prix Nobel aussi pour cette loi. Quand il apprend qu’il a reçu le prix, il est au Japon, et l’on doit reculer la date de la cérémonie. En effet il fera plusieurs fois le tour du monde visitant des pays d’Afrique et d’Asie.

Citoyen du monde

On connait le physicien mais il était aussi un humaniste enthousiaste. Sa renommée lui permettait de s’opposer publiquement au fascisme, au racisme, à l’antisémitisme et d’oeuvrer pour le démantèlement des armes nucléaires. « La vie est simple » disait il « elle n’est l’affaire de personne ».

Il se définissait ainsi : « Selon mon héritage, je suis juif, selon ma citoyenneté, je suis suisse, selon mon humanité, je suis homme ». En Amérique il ne fut pas intégré à la sécurité, n’étant pas assez « américain », selon le Maccarthysme. Il disait avec humour : « Si on prouve que la loi sur la relativité est juste, les Allemands m’appelleront allemand, les suisses m’appelleront citoyen suisse et les Français un grand savant ; si cette loi se révêle fausse, les Français m’appelleront suisse, les Suisses m’appelleront allemand et les Allemands m’appelleront juif ».

Né allemand, il a renoncé à sa nationalité allemande en 1896 et il devient citoyen suisse en 1901. A 21 ans il devait faire le service militaire suisse mais pour des raisons médicales il en fut exempté et jusqu’à 42 ans il paya l’impôt à l’armée mais ne renonça pas à son passeport suisse. Son deuxième passeport était américain. Il fuit l’Allemagne à la montée du Nazisme en 1932.

On peut dire qu’il a choisi ses études, sa carrière, sa religion et même sa nationalité, et il a gardé son indépendance dans sa recherche scientifique et dans sa position vis-à-vis des problèmes sociaux du jour. Sous le Maccarthysme, il est catalogué de communiste pour ses idées socialistes et il dira : « Je n’ai jamais été communiste, mais si je l’avais été, je ne serais pas coupable ».

Guerre et paix

Est-ce que la bombe atomique aurait existé sans les recherches d’Einstein ? Beaucoup pensent que son travail fut essentiel. La réponse cependant n’est pas si claire. Près de 30 ans séparent la découverte d’Einstein et sa théorie sur le rapport de la masse et de l’énergie, de la réalisation de sa théorie appliquée à la production d’énergie. Les pionniers dans ce domaine étaient convaincus que la découverte étonnante d’Einstein tenait la clé d’une source illimitée d’énergie pour le bénéfice de l’humanité et certainement pas pour sa destruction. La vie d’Einstein correspond à l’une des plus tumultueuses de l’histoire. Il fut témoin de deux guerres, de la révolution russe, évènements qui sont loin de le laisser apathique. Toute sa vie il fut un pacifiste avec des vues socialistes qu’il n’a jamais hésité à exprimer publiquement. Il s’est séparé de ses idéaux uniquement pour soutenir un effort militaire contre le régime nazi. Connaissant les scientifiques allemands, il craignait que les Nazis soient les premiers à développer l’arme nucléaire. Il écrivit au président Franklin Roosevelt, le priant d’intensifier les recherches nucléaires aux USA. Le résultat est que le nom d’Einstein est lié à la création de la première bombe atomique dans le monde. Il dira par la suite : « Si j’avais su que la peur que les Allemands développent la bombe, n’était pas justifiée, je n’aurais pas participé à l’ouverture de cette boîte de Pandore ». Il a visité le Japon. Vu tout le désastre d’Hiroshima. Il dira en 1945, « On a gagné la guerre, on n’a pas gagné la paix ».

Les dernières années de sa vie, de 1945 à1955 il luttera de toutes ses forces pour le désarmement nucléaire et parlera en faveur de la coopération internationale. Le 9 juillet 1955 le manifeste Russel-Einstein est publié : appel à être des humains.

Le judaïsme, l’Université Hébraïque, l’Etat d’Israël, le peuple juif

Pour Einstein, le judaïsme était un héritage culturel fondé sur la justice sociale, la recherche de la vérité et de la connaissance. Cet héritage l’a rendu fier d’être juif. Jusqu’à son retour de Suisse en Allemagne à l’âge de 35 ans, en 1914, le judaïsme n’avait aucune importance et n’a joué aucun rôle dans sa vie. En Allemagne il se heurte à l’antisémitisme et arrive à la conclusion que pour surmonter cela, il faut développer ce sentiment d’appartenir à une nationalité juive, ce qui l’amènera au mouvement sioniste.

En 1923 il part en Floride pour une conférence et il sait qu’il ne retournera pas en Allemagne. Il dira : « J’ai rencontré le peuple juif en Amérique, et en Allemagne des individus juifs ».

Il soutient la création d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine, pas seulement comme lieu de refuge pour les Juifs européens, mais pour promouvoir le réveil de l’âme de tout le peuple juif. Bien qu’il soit enthousiaste pour une patrie juive au Moyen Orient, il n’avait aucune confiance dans le sentiment nationaliste. Cependant en 1940, il arrive à la conclusion que la politique anglaise et l’opposition arabe obligent à une solution de partage. En 1948, il soutient l’Etat d’Israël, mais il donnera une importance primordiale à un accord et une coopération avec les Arabes d’Israël. Pour lui, cette égalité des droits pour les minorités est le test moral de ce nouvel Etat. En 1923 il vient en Palestine, ce sera l’unique fois, visitant pendant douze jours Tel Aviv, Haïfa, Jérusalem.

Il rencontre des personnalités mais aussi des travailleurs en usine, en kibboutz. Il est enthousiasmé par la vitalité et la jeunesse de ce peuple. Il donnera la première conférence scientifique au Mont Scopus, sur le lieu où deux ans plus tard, en 1925, l’Université Hébraïque sera érigée. Il la voyait au sommet d’une institution qui attirerait des jeunes Juifs, les meilleurs scientifiques dont la carrière était étouffée par l’antisémitisme. Il a participé activement à la fondation de cette université, récoltant des fonds dans le monde entier. Il désirait que cette université soit une bénédiction pour ces jeunes et pour le futur Etat, et un symbole d’honneur pour tous les Juifs. A l’ouverture de cette université il sera nommé membre d’honneur et dirigera le conseil académique.

En 1950, il honorera l’université Hébraïque de Jérusalem en lui faisant don de tous ses manuscrits et de ses recherches. Plus tard, sa fille adoptive donnera aussi toutes les lettres qu’Einstein avait écrites, en particulier à sa première femme et à ses deux fils, plus d’un millier de lettres.

Dans cette exposition on apprend qu’A.Einstein aurait pu être le deuxième président de l’Etat d’Israël. En effet en 1952, le premier ministre, David Ben Gourion écrit à Einstein pour lui demander de penser à devenir deuxième président d’Israël. David Ben Gourion voyait en Einstein la plus grande figure juive de sa génération. Il pensait aussi que cette nomination proclamerait au monde entier que la réussite culturelle et scientifique était à l’honneur dans l’agenda du nouvel Etat. Einstein écrivit en retour qu’il regrettait de refuser cette offre car il manquait de compétences pour cette charge. Il ajoutait cependant : « Ma relation au peuple juif est mon lien humain le plus fort même si je suis conscient de notre situation précaire dans les nations du monde ».D’autre part Einstein notait qu’il craignait le scénario dans lequel la Knesset prendrait des décisions opposées à sa conscience et qu’en tant que président il soit forcé de les accepter.

Une exposition passionnante qui dévoile bien la riche personnalité d’Einstein, sensible aux injustices, faisant des déclarations, usant de sa renommée pour lutter contre ces injustices mais agissant aussi concrêtement dans le quotidien. Arrivé en Floride, en 1933, il aide les familles de scientifiques juifs à fuir de l’Allemagne pour émigrer en Amérique. A Princeton, il invite chez lui la chanteuse noire Maria Anderson qui s’était vu refuser l’entrée de l’hôtel où elle devait loger. Il défend de jeunes noirs américains accusés à tort d’avoir violé une blanche, etc...

Toute une grande salle de l’exposition est réservée à des panneaux expliquant aux adolescents et adultes, les théories d’Einstein. Enfin un film nous le montre acclamé dans différents pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie, mais il est toujours aussi simple et souriant. Il ne se prenait pas au sérieux : devant une personnalité qui faisait son éloge Einstein répond en souriant : « A vous voir, je le crois ».

Un homme de relation par excellence, un savant qui se définissait « sans talents, mais seulement curieux », une curiosité pour les mystères de la nature et pour l’univers humain.

TURE : "LES CHŒURS DE TSAHAL"

Jean-Marie Allafort

En juin dernier, j’avais pris une réservation pour la nouvelle comédie musicale « L’ensemble choral » du théâtre national « HaBimah » pour le 8 août. Basée sur le scénario d’un célèbre film israélien du même nom, de Avi Nesher qui raconte l’histoire d’une chorale militaire entre la guerre des Six Jours et la guerre de Kippour, cette comédie musicale, en pleine guerre du Liban, prenait un relief particulier non seulement pour les acteurs mais aussi pour les spectateurs. La salle était comble. De nombreux billets avaient été donnés gratuitement aux habitants du nord d’Israël qui fuyaient les roquettes du Hezbollah. J’avais pensé voir un spectacle racontant le passé, il décrivait le présent.

La comédie musicale, légère et grave à la fois, narre l’histoire de jeunes, filles et garçons, qui s’enrôlent dans les chœurs de l’armée. Ils veulent vivre leur jeunesse et oublier la guerre qui ne cesse de les rejoindre.

Presque chaque corps important de Tsahal a sa chorale et la concurrence est inévitable. Le commandement de la Région Centre a ses propres chœurs. Le général commandant cette région supervise sa chorale mais les jeunes artistes entendent bien manifester une certaine autonomie par rapport à l’autorité. Le conflit tourne autour d’une chanson composée après la guerre des Six Jours, « le chant pour la paix », dont les paroles sont jugées subversives par le général. Comment peut-on oser chanter une telle chanson devant des soldats qui doivent se battre pour sauver leur patrie ? Le général veut des chants de guerre pour remonter le moral des troupes. Les jeunes, eux, veulent des chants qui dévoilent leurs plus profondes aspirations : l’amitié, la camaraderie, l’amour, l’humour et la paix. Ils espèrent plus ou moins confusément que Tsahal deviendra un jour une seule grande chorale. A travers les plus beaux chants des chœurs de l’armée (« carnaval du Nahal », « j’étais adolescent », « en robe rouge »...), le spectateur retraverse une époque pas encore vraiment révolue et ne peut être que frappé par la vérité et la spontanéité de ces jeunes qui ne veulent pas la guerre, mais veulent comme les autres jeunes du monde : danser, rire et aimer.

La comédie musicale décrit la réalité d’un quotidien pas toujours très rose avec ses jalousies et ses coups bas mais aussi ses actes de solidarité et d’amitié. Le spectateur se laisse duper et croit que ces jeunes mènent une vie normale jusqu’à ce que, lors d’une tournée dans une base militaire, l’ennemi attaque. Les jeunes soldats artistes se retrouveront au chevet d’un blessé qu’ils avaient croisé. Ils chantent et semblent s’amuser mais ils sont rattrapés par la guerre.

Les interprètes sont de jeunes comédiens et chanteurs comme Shiri Maïmon, une des révélations de la Star Academy israélienne, ou encore Amir Fay Gutmann qui avait déjà interprété un rôle principal dans la comédie musicale « Mary Lou ». Le metteur en scène, Illan Ronen, a su refaire vivre une histoire que tout Israélien connaît déjà et redonner à chaque personnage son rôle mythologique sans pour autant plagier le film. Les critiques sont élogieuses et à raison.

« Le chant de la paix » finit par entrer dans le répertoire des chœurs de l’armée. Il sera fredonné un soir de novembre 1995 par Itzhak Rabin. Ce seront ces dernières paroles, son testament.

Cette comédie musicale qui pose un regard lucide et amusé sur la société israélienne, met en relief qu’en Israël la guerre n’est jamais exaltée et que les victoires sur l’ennemi ne sont jamais fêtées. La puissance de vie est plus forte que la guerre et l’espérance d’un lendemain meilleur, d’une paix qui ne vient plus, est profondément ancrée.

 JUIVES : LA TENTE QUI N’EST PAS FAITE DE MAIN D’HOMME

Michel Remaud

Le succès rencontré par cette rubrique nous met dans un certain embarras. L’éclairage du Nouveau Testament par les sources juives doit toujours être fait avec prudence, puisque les rapprochements proposés sont affectés d’un coefficient allant de « certain » à « possible » ou « intéressant », en passant par tout l’évantail des nuances du probable. Le risque est toujours qu’une lecture hâtive ne fasse considérer comme une certitude ce qui n’est présenté que comme une hypothèse. Le rapprochement proposé ci-dessous ne prétend pas être autre chose qu’une possibilité. Au chapitre 5 de la seconde épître aux Corinthiens, Paul écrit :

Nous savons, en effet, que, si cette tente, notre demeure terrestre, vient à être détruite, nous avons une maison qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure qui n’est pas faite de main d’homme, dans le ciel. (2 Co 5,1, traduction Crampon).

L’interprétation de la suite du passage n’est pas simple, puisque Paul y compare le corps humain à la fois à une tente et à un vêtement. « La difficulté de ce texte vient du mélange des images : on emménage dans un habit, et on s’habille d’une maison. » (Commentaire de la T.O.B. sur ce verset). Le fait que Paul désigne la demeure par le terme de « tente » encourage pourtant un rapprochement que suggère la proximité de la fête de Succot .

Cette fête, qui dure une semaine et qui annonce la conclusion du cycle des fêtes d’automne (cette année : du 7 au 13 octobre), doit son nom à l’usage, fondé sur le précepte biblique, de construire dans chaque famille ou communauté une hutte provisoire sous laquelle on doit habiter, dans la mesure du possible, pendant la durée de la fête : « Vous demeurerez pendant sept jours sous des huttes ; tous les indigènes en Israël demeureront dans des huttes ; afin que vos descendants sachent que j’ai fait habiter sous des huttes les enfants d’Israël, lorsque je les ai fait sortir du pays d’Égypte. » (Lv 23,42-43). Le mot hébreu succa, traduit ici par « hutte », a été rendu en grec par le terme de skènè, qui désigne aussi la tente au sens commun du terme ; ce qui explique que les traductions françaises parlent parfois de la « fête des tentes » pour désigner cette fête, qui n’a plus son équivalent dans le calendrier liturgique chrétien.

Paul pense-t-il à la fête de succot lorsqu’il parle de quitter cette « tente » pour aller habiter une demeure qui n’est pas faite de main d’homme ? On se gardera bien de l’affirmer, mais on peut relever quand même deux commentaires de la tradition rabbinique sur la fête de Succot qui pourraient encourager cette interprétation. Le premier est un passage de la mishna qui demande que, pendant la durée de la fête, la succa devienne la résidence principale, et que la maison devienne la résidence secondaire. Cette fête rappelle ainsi que ce qui paraît définitif (la maison en dur) est en réalité provisoire.

La succa, qui doit être fragile et précaire, serait-elle alors appelée à devenir la résidence définitive ? En réalité, selon les commentaires rabbiniques, la succa de bois et de branchages n’est que l’image d’une autre succa qui n’est pas faite de main d’homme : la nuée de la gloire, que Dieu avait étendue sur son peuple pendant le séjour au désert. Cette interprétation se fonde sans doute sur une lecture du verset du Lévitique cité ci-dessus : « J’ai fait habiter sous des huttes les enfants d’Israël. » Le Saint, béni soit-il, n’a pas seulement donné à son peuple le précepte de construire la succa, il a lui-même étendu sur lui l’abri qui n’est pas fait de main d’homme, et dont la succa terrestre n’est que l’image et la promesse.

 SHES D’ESPOIR : MUSALAHA, UN MINISTÈRE DE RÉCONCILIATION

Antoinette Brémond

Musalaha (mot arabe qui veut dire pardon et réconciliation) est une association non gouvernementale qui a comme but la réconciliation entre Israéliens et Palestiniens.

Des chrétiens arabes et des juifs messianiques confrontés aux Paroles de l’Evangile sur l’amour du prochain, de l’ennemi, ont créé en 1990 Musalaha. Un lieu où des Juifs et des Arabes peuvent ensemble être interpellés par les Ecritures et trouver un chemin de réconciliation. « Parce que nous sommes pardonnés et réconciliés avec le Père, nous voulons vivre cette réconciliation entre nous, afin d’ouvrir, pour nos deux peuples, un chemin de coexistence et d’amour comme le dit l’apôtre Paul : « Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce réciproquement. » (Col. 3, 13). En 2006 Musalaha a organisé plusieurs rencontres et conférences, grâce à la participation de volontaires israéliens et palestiniens.

Camp dans le désert

Du 17 au 20 avril, quarante jeunes (vingt Juifs et vingt Arabes) ont été invités à passer ensemble quelques jours dans le désert. Etant en dehors de leur cadre habituel, sur un terrain neutre, confrontés aux exigences du désert, ils ont découvert et inventé ensemble leur vie commune. Ensemble dans leurs marches, à pied ou a dos de chameau, ensemble pour préparer la cuisine et supporter la chaleur. Ensemble pour étudier la Parole de Dieu. Rentrés à la maison, chacun de son côté, brûlés par le soleil et fatigués, ils se savent maintenant enfants d’un même Père. Conférence pour femmes (le 1er et 2 mai) Des femmes palestiniennes chrétiennes ont désiré se rencontrer entre elles, passer du temps ensemble avant de pouvoir se joindre à des conférences entre Juifs et Arabes organisées par Musalaha. A Bethléem, quarante femmes de Ramallah, d’Aboud et de Bethléem se sont réunis pour réfléchir ensemble en étudiant la Parole : « Que veux dire, pour nous aimer et pardonner ? » Après ce stage, plusieurs se sentent prêtes à entrer dans une démarche de réconciliation dans le cadre de Musalaha.

Camp d’été (3 au 7 juillet)

Quarante enfants de 9 à 12 ans, juifs et arabes ont participé à un camp d’été au Village Baptisteprès de Petah Tikva. Le thème de cette année était le livre de Jonas. Les enfants qui, souvent dès l’âge de cinq ans considèrent ceux de l’autre peuple comme des ennemis, ont pu ainsi vivre ensemble et se regarder autrement.

Camp sportif

Du 10 au 14 juillet, pour les adolescents de 13 à 16 ans. Faire ensemble du sport, fournir un effort physique, participer à des programmes récréatifs et éducatifs, c’était pour ces jeunes un chemin de rencontre et de réconciliation.

Conférence des familles

Dix familles palestiniennes et dix familles israéliennes sont parties ensemble cette année en Hollande du 12 au 18 août. Invitées par des familles hollandaises et par tout un réseau d’accueil, elles ont pu, outre des temps d’étude et de partage, vivre avec leurs enfants la joie des vacances, le repos et la détente, en pays neutre. Musalaha a publié également plusieurs livres en arabe, hébreu, anglais et allemand sur le thème de la réconciliation nécessaire et possible.

Rappelons son mot d’ordre : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. » (Jn 15, 13).

Voir le site de Musalaha

 DU MOIS ET L’HUMOUR EN FINALE

Jean-Marie Allafort, Yohanan Elihaï

Le chant du mois : « Plus que ça nous n’avons pas besoin »

Ce chant est une prière de celui qui attend à la maison le retour du soldat et qui ne demande à Dieu qu’une seule chose : que la vie ordinaire se poursuive. Que la pluie tombe en son temps et qu’au printemps les fleurs des champs soient à nouveau là. C’est la prière de quelqu’un qui aspire à une « vie normale » qu’il ne connaît plus vraiment. Les paroles de cette chanson ont été composées par Shomo Artzi, l’un des plus célèbres artistes israéliens.

Nous avons déjà séché les larmes de nos yeux Notre bouche est déjà restée muette Que demanderons encore, que dire de nouveau ? Nous t’avons déjà tout demandé.

Donne nous la pluie que tombe en son temps, Qu’au printemps tu répandes pour nous des fleurs Permets qu’il revienne de nouveau à sa maison De plus que ça, nous n’avons pas besoin.

Nous avons déjà souffert de mille cicatrices Profondément nous avons enfoui un gémissement Déjà nous avons séché nos larmes pour ne plus pleurer On a déjà été éprouvé.

Fais que la pluie tombe en son temps, Qu’au printemps tu répandes pour nous des fleurs Donne nous d’être avec lui encore une fois Nous t’avons déjà tout demandé.

Nous avons déjà recouvert un tell et encore un autre Nous avons enterré notre cœur entre les cyprès Encore un peu et un gémissement va se répandre Reçois-le comme une prière très personnelle.

Fais que la pluie tombe en son temps, Qu’au printemps tu répandes pour nous des fleurs Fais qu’il revienne, que nous le revoyons De plus que ça, nous n’avons pas besoin.

Jean-Marie Allafort

Et l’humour en finale...

Extrait d’un article d’une Libanaise, paru le 15 août, sur les blagues de la guerre. Oui, dans les pires malheurs l’humour aide à tenir le coup. Voici quelques blagues qui ont circulé au Liban, parfois sinistres, humour noir, en proportion du mal qu’on veut défier :

 Un Shi’ite courait dans Beyrouth, faisant le V de la victoire. Quelqu’un a expliqué : « Non, il fait signe qu’il ne reste que 2 maisons debout dans le quartier du Hizbollah. »

 Une vieille femme remercie Nasrallah, elle se sent rajeunie : « Il m’a ramenée 40 ans en arrière ! »

 Certaines maisons d’un vieux quartier, restées debout après les bombardements, ont pris de la valeur : parce que « maintenant on a vue sur la mer ».

 Une chanteuse libanaise de music-video très connue est envoyée par le Hizbollah pour des pourparlers avec Israël. Elle revient enceinte. On lui demande des comptes. Elle explique : « J’ai voulu faire quelque chose pour vous : je vous ramène un petit otage de plus. »

 Abu-l-Abed, une figure comique connue, avertit Olmert : « Je vais t’envoyer les meilleurs de mes voyous, tu vas voir ! » « Bah, un régiment suffira... » « Attends un peu... » Il revient : « J’ai ramassé tous les brigands de Tyr à Tripoli, tu es prêt ? » « Alors, j’envoie l’aviation... » Après un moment : « Bon, j’ai convoqué des dizaines de milliers de mes fidèles qui marchent... » Olmert : « Que feras-tu, face à 2 millions de mes soldats qui sont massés sur la frontière ? » « Ah là, j’abandonne : nous n’avons pas la place pour 2 millions d’otages... »

C’est pris sur le vif et cela donne un aspect (positif à mes yeux) de l’esprit libanais.

Yohanan Elihaï