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Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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N° 40 – Mars/Avril 2008

Mont des Oliviers – Carmel du Pater

Jean-Marie Allafort

Le peuple palestinien souffre. Nous qui vivons en Israël nous ne pouvons sans doute pas mesurer la profondeur de cette souffrance ni ses implications. Il nous est interdit de la minimiser et, à plus forte raison, de la mépriser.

La cause palestinienne gagne-t-elle en noblesse lorsque après un attentat comme celui contre des adolescents de l’Institut talmudique à Jérusalem, les foules en liesse sortent dans la rue, distribuent des sucreries et se réjouissent de la mort d’innocents ? Ces scènes sont révoltantes. Elles se répètent souvent, trop souvent. Sont-elles comme inscrites dans une culture qui devient celle de la haine ? Déjà, lors de la première guerre du Golfe, des jeunes religieux catholiques palestiniens de Bethléem étaient montés sur les toits avec des cris de joie en entendant que des scuds étaient tombés sur Tel Aviv. Comment peut-on en arriver à un tel degré de haine ? Cette haine contre Israël est contagieuse. Elle prolifère dans des contrées lointaines sans aucune raison objective apparente.

La haine n’est le monopole d’aucun peuple. Elle existe aussi en Israël contre les Arabes dans certains milieux. Nous en avons souvent de tristes exemples. Cependant, je n’ai jamais vu en Israël des manifestations de joie quand des enfants palestiniens - et même des terroristes - étaient tués par Tsahal. Lorsqu’il y a mort d’enfants, on a honte.
Le judaïsme interdit de se réjouir de la défaite de l’ennemi et de sa mort. Un texte de la tradition raconte même que lorsque les fils d’Israël ont traversé le Mer Rouge, les anges ont commencé à chanter mais Dieu les a fait taire à cause de la mort des Egyptiens. Israël en a tiré une leçon.

En lisant les quelques 600 pages du rapport de la commission Vinograd sur le deuxième guerre du Liban - texte indigeste s’il en est - j’ai été frappé par les termes respectueux que les doctes enquêteurs utilisaient pour parler du Hezbollah, l’ennemi. Toute bassesse, même dans le vocabulaire, ne peut qu’entraîner un profond mépris qui évolue bien souvent en haine irraisonnée.

Durant l’opération « Hiver chaud » , j’ai zappé longuement sur les chaînes de télévision arabe. Il n’est nul besoin de comprendre la langue pour se laisser emporter par la déferlante vague des images de sang et de mort. Dans nos télévisions occidentales nous prenons soin de cacher le visage des enfants tués ou de rendre floues des scènes trop violentes. Les télévisions arabes donnent dans une pornographie morbide sans la moindre retenue. Tout est montré dans les détails, les corps calcinés, les morceaux de bras ou de jambes récupérés au milieu des décombres. En regardant de telles images, vous ne pouvez qu’être révolté par tant de barbarie. Il n’y a rien d’étonnant que des Palestiniens se soulèvent à Hébron ou à Jérusalem, ou qu’un autre prenne un fusil pour venger la mort des innocents. La télévision est la plus grande école de haine dans le monde arabe.

 

Cecile Pilverdier

L’opération « Nahshon » (Du 2 au 20 avril 1948)

Dès la Résolution du partage de la Palestine du Mandat britannique par l’ONU le 29 novembre 1947, les premiers éléments de la guerre arabo-juive sont en place : le contrôle des axes routiers et les heurts entre Arabes et Juifs dans les grandes villes à population mixte, (Jérusalem, Haïfa, Jaffa et le sud de Tel-Aviv).

Au départ, la population arabe, renforcée d’éléments des pays arabes voisins, a l’initiative des attaques, la population juive n’exerçant qu’une action défensive.

Jérusalem est le troisième lieu saint de l’islam et le premier du judaïsme, et une des villes les plus importantes en terme d’habitants. La route qui mène à Jérusalem devient le point stratégique. Les voyageurs sont visés par les tirs et les explosifs des villageois arabes qui dominent la route. En réponse à cela, la Hagana forme des convois de véhicules plus ou moins blindés, protégés par des membres armés de la Hagana et de la police des villages juifs. Ces convois vers Jérusalem, surtout dans la partie montagneuse, souffrent, mais arrivent tout de même à gagner Jérusalem et à garder le contact avec la plaine.

Fin mars 1948, les troupes d’Abdel Qader el Husseini, empêchent les convois de ravitaillement d’atteindre Jérusalem, elles coupent la canalisation d’eau et la population juive est assiégée et rationnée. Les 100 000 habitants juifs de Jérusalem doivent s’organiser avec le manque cruel de nourriture, d’eau et de produits de première nécessité. Les responsables, avec à leur tête, David Ben Gourion, décident, dès mars, d’un changement de tactique, et passent de l’attitude défensive à une attitude offensive, initiant ainsi la seconde face de la guerre d’Indépendance. A la suite de cette décision, les chefs de la Hagana conçoivent un plan qui doit : « mettre la main sur le territoire de l’État hébreu, assurer la défense de ses frontières et protéger les villages juifs situés en dehors de ces frontières ».

Dans le contexte du « plan D », David Ben Gourion décide de lancer l’opération « Nahshon » pour libérer et ravitailler la ville, (du nom de Nahshon ben Aminadav, qui selon la Bible fut le premier à traverser la Mer Rouge lors de la sortie d’Égypte). C’est la première grande opération de la guerre d’Indépendance, qui vise à prendre l’axe Latroun -Shaar ha Gaï, Qastel et Jérusalem, pour créer ainsi un « couloir » de 2 à 10 kilomètres de largeur jusqu’à Jérusalem. Ben Gourion confie le commandement de l’opération à Shimon Avidan, commandant de la 5ème brigade Guivati, et 1500 hommes sont engagés venant des Guivati de la Hagana, et de Harel du Palmah (On peut encore voir sur la route de Jérusalem les carcasses des blindés). C’est la plus grande organisation des forces de la Hagana concentrées jusqu’alors, pour une seule action. Ils reçoivent les armes arrivées clandestinement de Tchécoslovaquie le 1er avril dans le cargo Nora.

La responsabilité du ravitaillement est confiée à Dov Yossef qui doit rassembler 3000 tonnes de denrées pour les 100 000 juifs de la ville afin de survivre pendant 3 mois. Pour cela il réquisitionne 300 camions qu’il rassemble à Kfar Bilou, un ancien camp britannique.

Cette opération est précédée de deux actions militaires qui préparent les étapes du combat : le 2 avril, la brigade Guivati lance un raid de diversion sur les positions de Salameh dans la région de Ramleh, et le 3 avril, le village de Qastel est pris ainsi que la colline le surplombant.

Durant l’opération, des forces combattantes prennent différents points de contrôle à l’est et à l’ouest de la route vers Jérusalem, et arrêtent le mouvement des forces jordaniennes. Les villages palestiniens sont pris : Qastel du 2 au 9 avril, passe plusieurs fois de mains en mains. Le 8 de ce mois, le commandant Abdel Qader el Husseini est tué lors des combats, suscitant le désarroi dans le camp palestinien. Finalement le village tombe, pris par deux compagnies du Palmah dirigées par David Elazar. Le village est rasé. Les villages de Hulda et Deir Mouhszin, tombent la nuit du 5 au 6 avril.

Le 9 avril, le village de Deir Yassin est attaqué par des hommes de l’Irgoun et du Lehi. Ils massacrent 110 personnes dont des femmes, des enfants et des vieillards. Cet évènement, hors du cadre de l’opération Nahshon, jouera dans l’exode palestinien.

Le 11 avril, c’est le village de Qaluniya qui tombe et que l’on dynamite. Les combats font de nombreuses victimes tant parmi les Juifs que parmi les Arabes.

Le 13 avril, un convoi médical juif allant vers l’hôpital Hadassa du mont Scopus à Jérusalem, est attaqué en représailles de Deir Yassin, 75 médecins et infirmières sont massacrés.

A partir du 14 avril, l’ordre est donné aux hommes du Palmah et de la Hagana de conquérir bases et forces ennemies. Le 20 avril Hulda est rasé. L’opération Nahshon a permis à 1800 tonnes, sur les 3000 prévues, de ravitailler Jérusalem, permettant deux mois de survie avec un fort rationnement.

La mort d’Abdel Qader el Husseini bouleverse l’organisation arabe dans le secteur de Jérusalem. Son successeur Emil Ghuri fait ériger un grand barrage le 20 avril a Baab el Wad (Shaar ha Gaï) et Jérusalem est à nouveau isolée.

Pendant cette opération, 57 soldats de la Hagana sont tués et 72 blessés.

Bilan - Du côté arabe, l’opération Nahshon aura montré le manque d’organisation face à la guerre, faute de logistique, comme l’approvisionnement en nourriture et munitions, les empêchant de maintenir un combat plus de quelques heures en dehors de leurs bases.

Suite à la mort d’Abdel Qader el Husseini, le Comité militaire de la Ligue Arabe ordonne à l’autre force arabe en Palestine, l’Armée de Libération Arabe, de déplacer ses forces de Samarie vers la route de Jérusalem et les régions de Latroun, Lod (Lydda) et Ramléh.

Du côté juif, les acquis de cette opération stimulent le commandement de la Hagana à faire d’autres actions dans d’autres lieux, et on peut y voir un stade important qui a fait passer la Hagana de groupe défensif clandestin, à une armée combattante. Les forces de la Hagana puis de Tsahal, continuèrent à avoir l’initiative dans le but de prendre des parcelles de terrain le long de la route de Jérusalem (Opération Dani, Opération de la montagne). Cependant la première voie de circulation sécurisée vers la ville ne fut ouverte qu’avec l’aménagement de la « Route de Birmanie ».

La « route de Birmanie » (Juin 1948)

Comme nous l’avons vu dans l’opération « Nahshon », Jérusalem s’est trouvée plusieurs fois assiégée, et malgré d’autres actions, telle que celle de Harel, la partie montagneuse de la route, dominée par les villages arabes, ne laissait pas passer les convois. Les Juifs, à plusieurs reprises, essayèrent de prendre le poste de police de Latroun, mais sans succès, ce qui eut permis d’assurer la sécurité de ce tronçon de route.

En juin 1948, une force conduite par David Marcus, commandant de la patrouille de reconnaissance de Jérusalem, découvrit une voie secondaire au sud de la route principale. Ce chemin passait par une espèce de couloir entre les forces de l’armée jordanienne à Latroun, et les forces égyptiennes, positionnées au sud de Jérusalem. La plus grande partie de la route était praticable, sauf un passage. Avec la découverte de ce sentier, les convois de marchandises commencèrent à avancer jusqu’au passage problématique, puis là, on transporta la marchandise à bout de bras, de Sushin jusqu’à Har Touv, vers des véhicules situés de l’autre côté du passage. L’existence de cette nouvelle voie fut gardée très secrète. Puis, après un mois et demi de siège, le convoi arriva enfin à Jérusalem.

En même temps, des discussions avaient lieu entre les différentes forces combattantes, sous la protection de l’ONU, pour arriver à un cessez le feu. Pour consolider cette nouvelle route, avant l’application du cessez le feu, une opération du génie, osée et secrète, eut lieu pour aménager le passage problématique. Malgré la pression du temps et le manque de matériel, les ouvriers réussirent à terminer l’opération à temps. Comme résultat, avec l’entrée du cessez le feu le 11 juin 1948, les convois de vivres pour Jérusalem assiégée, purent passer en sécurité le 9 juin.

L’ouverture de la route de Birmanie, dans les conditions et les difficultés rencontrées par les ouvriers, ont fait de cette action l’une des histoires les plus héroïques de la guerre d’Indépendance et des opérations pour Jérusalem.

La route de Birmanie israélienne a reçu son nom de la route de Birmanie asiatique, qui relie le sud de la Chine au nord de Anmar en Birmanie. Elle fut construite lors d’une opération courageuse du génie, entre 1937-1938, après le commencement de la guerre Sino-Japonaise. Durant la seconde guerre mondiale, un contournement fut construit sur une partie de cette route, pour éviter les forces japonaises, dans une opération du génie, non moins courageuse.

 

Antoinette Brémond

Un sujet brûlant pour tous. Et pourtant, puisqu’ils existent, il faut en parler. Des Juifs qui croient que Jésus est le Messie d’Israël, et qui, tout en continuant à se dire juifs et tout en partageant la foi chrétienne, ne veulent pas « changer de religion ». Situation difficile car, pour les autorités rabbiniques, ils ne sont plus juifs, et pour les chrétiens des Églises traditionnelles...sont-ils vraiment chrétiens ? Et pourquoi ne sont-ils pas tout simplement catholiques, protestants ou orthodoxes ? Parfois ce qui semble « tout simple » devient problématique ! S’il n’y avait pas eu de Juifs pour reconnaître dans le Juif Jésus le Messie d’Israël, il n’y aurait jamais eu de chrétiens, de pagano-chrétiens. Il a fallu ces Juifs vivant il y a 2000 ans en Galilée pour dire : « Celui de qui il est écrit dans la loi de Moïse et dans les Prophètes, nous l’avons trouvé. C’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth ». (Jean 1.45). Quoi d’étonnant à ce que quelques Juifs d’aujourd’hui, et qui plus est en Israël, le découvrent, le reconnaissent comme Messie d’Israël et désirent en parler autour d’eux ? Avant, on parlait de judéo-chrétiens, maintenant ils s’appellent Juifs messianiques.

Histoire

Si, pendant le premier siècle de notre ère, les judéo-chrétiens appelés nazaréens puis chrétiens, faisaient partie de cette multiplicité de facettes du judaïsme de l’époque, très vite, ils furent exclus des synagogues. En effet après la destruction du Temple en 70 les pharisiens éliminèrent toutes les « sectes » juives.

Pendant les siècles qui suivirent, les Juifs embrassant la foi chrétienne s’intègrent à l’Église des nations perdant ainsi leur identité juive, aussi bien pour la synagogue que pour l’Église. « Tu n’es plus juif, tu es chrétien, tu as changé de religion ». Cette réalité est toujours actuelle dans le peuple juif : « Un Juif qui se convertit à une autre religion rompt ipso facto son appartenance à notre peuple » disait le 20 octobre 1998 le Grand Rabbin Samuel Sirat.

Pour l’Église il en était de même. Elle désirait établir une distinction nette entre Israël et l’Église. Par exemple au Synode de Nicée II (730), il fut décidé que toute expression de la foi juive serait bannie de l’Église : la circoncision, le shabbat, les fêtes juives. Il y a encore une cinquantaine d’années, un Juif, pour être baptisé, devait abjurer son judaïsme.

C’est alors qu’en Angleterre, des chrétiens d’origine juive, pour se différencier des chrétiens des nations, fondent en 1813 les Benei Abraham, une association de Juifs chrétiens. Puis, en 1865 l’Union chrétienne hébraïque voit le jour, formée de Juifs qui, de par leur origine et leur foi en Jésus Messie d’Israël, se considèrent comme les successeurs des premiers disciples. En 1866 ces deux associations se groupent et forment l’Alliance chrétienne hébraïque. Après la Grande-Bretagne, c’est aux États-unis que se crée en 1915 l’Alliance chrétienne hébraïque américaine avec cette même vision de grouper les chrétiens d’origine juive et d’annoncer le Messie aux Juifs. En 1930 ces deux alliances se fédèrent en une Alliance chrétienne hébraïque internationale. Ses membres se distinguent des chrétiens par leur pratique proche du judaïsme. En 1939 ils sont environ 100 000 groupés dans des assemblées autonomes nombreuses surtout aux États-unis. Ces Juifs hébraïques vont peu à peu se faire appeler Juifs messianiques. Ce terme marque à la fois la spécificité des croyants issus du judaïsme et leur désir de souligner la continuité sans rupture avec leur origine. Ils ne se considèrent pas comme des Juifs convertis, mais des Juifs accomplis ou des Juifs croyants.

En 1965 cette alliance deviendra l’Alliance Internationale des Juifs Messianiques (IJMA). Très attentifs aux prophéties et à leur réalisation dans l’histoire contemporaine, ces Juifs messianiques voient dans la création de l’État d’Israël en 1948, le retour des exilés, la victoire israélienne de 1967 et la réunification de Jérusalem comme un « signe des temps » (Lc 21,24) annonçant la seconde venue du Messie.

Le groupe le plus connu, quoique minoritaire et très controversé, les « Juifs pour Jésus » agit dans deux directions : aider les chrétiens à retrouver l’origine de leur foi et annoncer aux Juifs le Messie.

En France, l’Alliance messianique française compte quelques centaines de membres.

En Israël

En 1948, arrivait en Israël un ancien médecin colonial, juif de naissance, Zeev Koffsmann. Pendant son mandat en Côte d’Ivoire, au contact de l’église pentecôtiste, il avait, avec sa femme, reconnu Jésus comme le Messie d’Israël, tout en se considérant toujours juif à part entière. Révoqué de son poste par les autorités de Vichy pendant le deuxième guerre mondiale, il se sent poussé à venir en Israël et à y fonder une assemblée messianique : « L’assemblée messianique a quitté Jérusalem en 70 avec le peuple juif au moment de l’exil et y est revenu avec le peuple en 1948 » disait-il. C’est à lui qu’on doit le mot messianique pour caractériser les Juifs croyant en Jésus.

En 1950 il fonde l’Assemblée messianique d’Israël, qui deviendra l’Assemblée messianique de Jérusalem, désirant ainsi faire revivre l’Église primitive en rendant à la foi chrétienne sa véritable origine et son style de vie juif. Zeev pensait que les Juifs messianique seraient dans l’avenir un pont entre le judaïsme et le christianisme. Jésus-Christ y est nommé selon son nom hébreu : Yeshoua Hamashiah.

D’autres assemblées naissent dans le pays, formées au départ par des immigrants d’Europe en particulier. En 1973 on compte sept assemblées en Israël avec environ 1000 membres, juifs et non-juifs. En 1986, ils sont 3000, mais c’est surtout dans les années 1990 que ce mouvement grandit grâce à l’arrivée des immigrants de l’ancienne URSS. En 1999, environ 5000 messianiques se regroupent dans 69 assemblées et 12 groupes de maison. A Jérusalem, en 1986, il n’y avait que l’assemblée messianique fondée par Koffsmann, rue des Prophètes. En 2008, il y en a une vingtaine sans compter les groupes de maison. Combien en Israël ? C’est difficile à dire, tant ces assemblées sont fluctuantes, se divisant ou se joignant entre elles. On parle actuellement de 6000 à 10 000 messianiques dans le pays.

Profil des assemblées

Les assemblées comptent entre 20 et 250 membres. Chacune est indépendante, a son propre profil, son histoire, sa vision, ses pasteurs et sa théologie. Pourtant, tout en étant très variées, elles ont des traits communs aussi bien dans leurs théologies, leur prière que dans leurs pratiques. Toutes mettent l’accent sur la seconde venue du Messie. Et, en cela, dans cette attente fervente de la rédemption, elles sont proches de certains courants du judaïsme. Toutes (ou presque) ont adopté le calendrier juif, se réunissant le shabbat, parfois le vendredi soir à l’entrée du shabbat. Toutes célèbrent les fêtes de pèlerinage, Pessah, Shavouot et Souccot, fêtes où le Dieu d’Israël intervient dans l’histoire de son peuple. Pour eux, Jésus est venu accomplir ces fêtes : c’est à Pessah, fête de la sortie d’Égypte, que Jésus est mort et ressuscité ; c’est à Shavouot, fête du don de la Tora, que le Saint Esprit est descendu sur les apôtres ; et pour certains, Souccot est l’époque de la naissance de Jésus. Certaines fêtes chrétiennes ont donc changé de date et d’autres ne sont pas célébrées. Ont également leur place les autres fêtes du calendrier : Pourim, Hanouca, la fête de l’Indépendance ...

Toutes ces assemblées se sentent très concernées par la situation politique du pays, suppliant Dieu pour que sa volonté soit faite. Les prophéties, interprétées de façon littérale, donnent le ton à leur intercession pour le pays. Les garçons sont circoncis et une cérémonie particulière est organisée lors de leur Bar Mitzva, soit au Mur soit dans le lieu de culte. Que chaque enfant se sente juif et israélien à part entière. La plupart des assemblées se déroulent en hébreu, avec très souvent des traductions simultanées en russe, anglais, parfois allemand et français. Il faut dire que dans la majorité de ces assemblées les nouveaux immigrants ne possèdent pas suffisamment l’hébreu et qu’il y a souvent des visiteurs étrangers.

Pour tous, l’Écriture Sainte comprend le Tanakh (Ancien Testament) et le Nouveau Testament, la Bible étant pour eux tout entière juive et Parole de Dieu. Ils célèbrent la Sainte Cène en général une fois par mois. Le baptême est proposé aux adultes ayant adhéré au Messie. Il se pratique par immersion comme dans l’Église primitive. On ne trouve jamais de croix dans leurs lieux de culte, par contre une ménora, l’étoile de David, parfois un schofar, des bannières avec des versets bibliques en hébreu... ou même le drapeau d’Israël. Le déroulement du culte est sensiblement le même : une heure de louange, souvent la lecture d’une partie du texte de la synagogue, le sermon d’une heure, prière et témoignages. Le Shema, la bénédiction des Cohanim, mais aussi le Notre Père y ont leur place. Les femmes ne prêchent pas. Il y a également un service pour les enfants. Tous les messianiques mettent l’accent sur l’importance du témoignage : « Nous l’avons trouvé ».

Des différences

  Certaines assemblées voulant s’identifier d’avantage au judaïsme ont, dans leur lieu de culte, le rouleau de la Tora et suivent partiellement la liturgie de la synagogue. Certains revêtent la kippa et le châle de prière. Mais leur lieu de culte ne s’appelle pas « synagogue » et leurs pasteurs « rabbins » comme aux États-unis. Les membres de ces assemblées pratiquent certaines lois juives : la kashrout, le respect du shabbat ...

  Les assemblées charismatiques donnant beaucoup d’importance aux dons de l’Esprit selon les Actes des Apôtres se regroupent parfois pour des temps de louange ou d’intercession. D’autres sont opposées à ce mouvement. Cette friction entre les charismatiques et les non charismatiques fait penser au différend entre les Hassidiques et les « Mitnagdim » (opposants).

  Des assemblées messianiques russes ont été créées dans les années 90 par des Juifs de Russie déjà évangéliques ou pentecôtistes dans leur pays d’origine. Ces assemblées conservent souvent leur style évangélique. La moitié de leurs membres actuels était déjà chrétienne avant de venir en Israël. Mais on retrouve également beaucoup de Juifs de Russie dans les assemblées hébraïques.

  Les assemblées éthiopiennes. De même, parmi les nouveaux immigrants d’Éthiopie, plusieurs étaient attachés à des églises évangéliques en Éthiopie. Ils créent donc des congrégations leur permettant de continuer à prier en amharique. Les jeunes préfèrent se joindre à des assemblées hébraïques.

  Quelques assemblées prient en anglais.

Les lieux de culte

Les cultes ont lieu dans des appartements ou salles privées généralement en location, rarement dans une église. Citons par exemple l’assemblée de « l’Agneau sur le mont Sion » tenant ses réunions dans l’Église anglicane de Christ Church à Jérusalem. Certaines assemblées ont acheté ou construit. Signalons « le Pavillon », grande salle de 700 places, achetée par l’assemblée King of king au centre ville de Jérusalem, au rez de chaussée d’un bâtiment de 14 étages. La même communauté possède également le quatorzième étage, lieu de prière où se succèdent les intercesseurs d’Israël et de toutes les nations.

La relève Avec la deuxième et la troisième génération de messianiques, ce mouvement devient de plus en plus israélien. On parle hébreu sans accent étranger, et ces jeunes adultes s’impliquent dans la société. On les retrouve à l’armée, à l’université, et dans tous les secteurs professionnels même s’ils restent une infime minorité. Certains participent à des associations israéliennes d’aide humanitaire. Pour lutter contre l’avortement, ils ont lancé l’association « Pro Life » et se mobilisent pour aider les femmes en difficulté. Ces jeunes parlent très simplement et librement de leur foi.

Les pasteurs

Les premiers pasteurs de ces assemblées étaient pour la plupart des nouveaux immigrants d’Amérique, de Russie, de France ou d’Éthiopie. Beaucoup avait reçu une formation biblique dans l’une ou l’autre école évangélique de leur pays. Dans les années 80, quelques écoles bibliques sont créées en Israël.

Citons :
   Beit Emmanuel Study à Jaffa jusqu’en 89

       Le centre Caspari à Jérusalem avec son programme Telem donnant un cours mensuel sur un an en hébreu pour préparer au ministère pastoral. Les élèves arabes chrétiens sont les bienvenus.

       Le « Messianic Midrasha » créé en 1993 par un pasteur israélien avec un enseignement biblique, archéologique, de la littérature rabbinique et de la théologie pratique.

       I.C.B, (Israel College of the Bible), la seule institution académique messianique avec ses trois lieux, Jérusalem, Tel-Aviv et Haïfa. Elle donne ses cours en hébreu, anglais et amharique.

       Plusieurs assemblées organisent régulièrement des cours de formation pour leurs membres. Il est certain que la formation théologique et pratique des cadres messianiques israéliens n’en est qu’à ses débuts.

Quelques nouveaux pasteurs, ayant étudié la pensée rabbinique et la lecture juive des Écritures désirent ouvrir leur assemblée à cette approche juive de la Parole. Tout bouge dans ce mouvement.

 

VIE QUOTIDIENNE : SPORT EN ISRAËL, UN VÉRITABLE ESSOR POPULAIRE

Jean-Marie Allafort

« Tel Aviv a depuis longtemps dépassé New York. Il y a des salles de gym à tous les coins de rue. Il suffit de se promener au bord de la mer pour voir combien de personnes font du sport. Même à Los Angeles, je n’ai pas vu un tel phénomène » explique Yossi, entraîneur dans une salle de musculation à Tel Aviv. « Dans ce seul centre commercial, il y a deux salles de gym et une piscine. Ici nous avons tellement de demandes pour de nouvelles inscriptions que nous allons être obligés d’en refuser. Nous saturons complètement. » Cette salle de sport, en sous-sol, est vaste et très moderne. Elle propose non seulement de la musculation mais aussi de nombreuses activités comme de la boxe, spinning, yoga, pilatis, programme de gymnastique pour les femmes après l’accouchement, danse etc... Cette salle existe seulement depuis deux ans et déjà elle compte près de 3000 inscriptions. Elle ferme tous les jours à minuit mais au dernier étage de la galerie marchande, un autre centre sportif laisse ses portes ouvertes 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Le succès est garanti.

Selon les données de l’organisation nationale de sport, un million d’Israéliens sont aujourd’hui inscrits dans une salle de gym, soit un Israélien sur sept. « Tous ne viennent pas régulièrement » commente Yossi « mais il y a de la bonne volonté et une conscience de plus en plus juste que le sport est le meilleur remède à de nombreuses maladies. » Aujourd’hui, 55% des inscrits dans ces salles sont des femmes et la majorité ont entre 35 et 54 ans. Les personnes qui fréquentent ces centres sportifs n’ont plus un profil socio-économique moyen ou élevé. Il y a des salles pour tous les budgets et pour tous les styles. Dans certains Kibboutz et petites localités, elles sont même gratuites.

Des études publiées depuis un an montrent que près d’un quart des personnes qui fréquentent des salles de gym veulent perdre du poids. En Israël, le ministère de la Santé a lancé une véritable bataille contre l’obésité surtout auprès des jeunes et des enfants. Depuis des marches à pied, en passant par des courses de vélo et des programmes de gymnastiques spécialisées, les propositions sont nombreuses. Même au sein de Tsahal on lutte contre le surpoids et l’obésité surtout parmi les officiers. Des entraîneurs sont formés dans ce sens et des programmes sportifs sont ouverts. Par exemple, 85 entraîneurs sportifs de Tsahal ont récemment suivi des cours sur la méthode Pilatis.

Une étude de l’association du sport populaire révèle que 54% des Israéliens ont au minimum deux fois par semaine une activité physique : 34% font au moins deux fois par semaine une demi-heure de marche à pied, 14% pratiquent la musculation (ce sont essentiellement des hommes), 10% la natation, 7% disent faire de la gymnastique à la maison et enfin 5% font des sports collectifs comme du foot ou du basket.

Dans les milieux juifs orthodoxes ainsi que chez les Arabes du pays, le sport est peu pratiqué. Cependant il existe à Jérusalem une salle de musculation pour les Juifs orthodoxes « Kosher Gym » dans le quartier de Guivat Shaoul. Elle est bien sûr fermée le shabbat et les jours de fêtes mais est ouverte chaque jour en alternance d’abord pour les femmes puis pour les hommes avec une demi-heure de pause pour que les deux populations ne se rencontrent pas. Là-bas, on ne trouvera pas de femmes en petite tenue et on ne regardera pas des chaînes comme MTV ou fashion TV car il n’y a pas d’écran plasma sur les murs. Chaque jour, les personnes qui fréquentent cette salle, ouverte par un Juif français, peuvent prier Minha et Arvit. La population orthodoxe qui vient faire du sport dans ce lieu est surtout d’origine américaine ou européenne. Beaucoup de rabbins considèrent le sport pour les jeunes et les adultes comme une perte de temps qu’il vaut mieux consacrer à l’étude de la Tora.

En Israël le sport connaît ces dix dernières années un véritable essor populaire. S’il était dans le passé le privilège de certaines classes sociales ou réservé à des professionnels ou encore considéré comme une activité ludique pour les enfants et les jeunes, il est devenu une partie intégrale de la vie de nombreux israéliens. Ce sont les nouveaux immigrants de pays de l’ex-Union Soviétique qui ont rempli en premier les salles de gym et ont donné un élan extraordinaire au sport en Israël.

Aujourd’hui on peut trouver des salles de sport dans presque toutes les villes du pays. Le métier d’entraîneur et prof de gym est très prisé par les jeunes et de nombreux cours s’ouvrent pour répondre au besoin d’un marché en pleine expansion. Ce phénomène témoigne aussi de l’influence des États-unis sur la société israélienne. Les hommes veulent être musclés et les femmes garder leur ligne. On est bien loin des clichés ou des images d’Épinal sur les Juifs d’Israël que nous vendent trop souvent les médias.

 

Suzanne Millet

Un article de Yossi Yeoshoua dans Yediot Aharonot du 21.12.2007 intitulé « La périphérie conquiert Atouda » décrit le parcours de ces jeunes élèves venant de couches sociales défavorisées.

Il existe un programme universitaire dans l’armée pour former des ingénieurs en informatique ou en technologie et des médecins. Ce programme s’appelle « Atouda » (vers l’avenir). Cette année, parmi les 900 soldats qui ont commencé ce programme, 370 viennent de villes de développement ou de quartiers défavorisés des grandes villes, et cela grâce à l’association « Atidim ». Cette association a été créée en 1999, sur l’initiative de l’ancien chef d’État major de Tsahal Shaoul Mofaz. Ce dernier comprit qu’il y a parmi les jeunes de la périphérie un potentiel non exploité : « Quand nous avons commencé ce projet, explique la directrice Lior Parlma, nous avons découvert que ces jeunes ne pouvaient atteindre Atouda pour plusieurs raisons.

  1) Une grande partie de ces jeunes concentre tous ses efforts pour réussir le bac mais ne vise pas un diplôme universitaire.
  2) La plupart d’entre eux n’a aucun contact avec le monde universitaire et aucune stimulation à la maison ou dans l’entourage pour l’université.

    3) Il y a le problème économique.

  4) le programme d’étude Atouda de l’armée leur est absolument inconnu. »

Pour créer cette association Atidim, des fonds ont été récoltés sous la direction d’un homme d’affaire Etienne Vartmar. La directrice du projet s’est tournée alors vers les directeurs d’école et vers les départements du ministère de l’Education. Ensemble ils ont constitué une liste d’élèves du secondaire, de la 6ème à la terminale, choisis parmi les élèves les plus doués. Le nombre des candidats va en augmentant d’année en année jusqu’à 12000 aujourd’hui, et on estime que cette croissance sera encore plus significative dans l’avenir. C’est ainsi que dans les unités technologiques mobiles de l’armée de l’air, de mer, de renseignements et de communication, on trouve ces dernières années des centaines d’ingénieurs originaires de Bet Shéan, Kyriat Shmona, Hatsor, Migdal HaEmek, Maalot, Nazareth Illit, Ofakim, Dimona, Yerouham, Kyriat Gat, Netivot, Sdérot, Lod.

Programme Atidim

L’association Atidim permet aux élèves sélectionnés d’avoir des cours renforcés de mathématiques, de physique, d’anglais, six heures par semaine après les cours habituels. On travaille aussi à renforcer la motivation de ces élèves et la confiance en soi. Ils se familiarisent avec l’université et rencontrent des conférenciers. Ils sont mis en contact avec des officiers des unités technologiques de Tsahal et avec des anciens de Atouda qui se distinguent dans le monde de la haute technologie et qui ont créé des sociétés Start-up connues dans le monde entier. Ils rencontrent aussi des hommes d’affaires. Quand ils sont mobilisés, l’armée reçoit la liste des candidats qui ont le profil pour le programme Atouda. Il n’est pas acquis d’avance que tous ceux qui ont les qualités pour ce programme participeront à ce projet.

Programme d’étude Atouda

Ce programme, dans le cadre du service militaire, comprend un enseignement académique pendant quatre ans en vue d’une licence d’ingénieur. Pendant les études chaque élève reçoit 8500 shekels par an. En plus, ceux qui viennent de Atidim reçoivent une bourse de 15 000 shekels par an et un ordinateur portable. On leur attribue un éducateur social et un éducateur universitaire qui les accompagnent et les aident dans leurs études. Après l’obtention du diplôme d’ingénieur, ils servent trois ans dans l’armée puis ils s’engagent pour trois ans supplémentaires dans l’une des unités technologiques en pointe de l’armée.

Une autorité de l’armée déclare : « Le projet Atidim réussit à attirer des milliers de jeunes des villes de développement aux études universitaires, et cela prouve qu’avec un peu de soutien et d’encouragement, cette population qui a été négligée pendant des dizaines d’années réussit à être reçue dans des institutions de hautes études et à tenir des postes dans des unités les plus en pointe de l’armée ».

Sigmund Freud (1856-1939)

Dans la clinique viennoise où il s’était spécialisé dans le traitement des maladies nerveuses, Freud s’embarqua un jour dans une self-analyse en vue de mieux comprendre ses patients. Même si d’autres avaient déjà parlé des zones obscures de l’esprit humain, il fut pourtant le premier à présenter une analyse systématique de l’inconscient. Cette poursuite d’une découverte de soi, basée tout d’abord sur les souvenirs perdus de l’enfance marqua les débuts de la psychanalyse.

L’effort patient de recherche et d’introspection poursuivi par Freud culmina en 1900 dans la publication de L’interprétation des rêves où il montrait que ces derniers constituaient ’la voie royale’ menant à l’inconscient. Il s’appliqua à montrer que les désirs les plus invraisemblables qui surgissent dans le rêve reflètent un niveau de perception apparemment sans rapport avec les normes habituelles de la pensée. Observant que le rêve semble toujours extravagant, étant donné qu’il fait fi des contradictions internes et des nécessités logiques, Freud en arriva à conclure que si l’absence de cohérence et la tendance au bizarre ne constituaient pas la vérité du rêve, le commentaire pouvait malgré tout la dégager ultérieurement.

Tout en se déclarant athée, Freud revendiqua toujours sa qualité de juif et, à ce titre, assista à bien des réunions de la loge locale des Bnei Brith. Sans être sioniste, il avait tout de même accepté un titre honorifique de l’Université hébraïque de Jérusalem. A la question de savoir ce qui était juif dans son système, il aimait à répondre : "A vrai dire, pas beaucoup mais probablement le principal." Ce sens invétéré de l’humour l’avait induit à ajouter au bas d’un formulaire qu’il avait dû remplir en quittant l’Allemagne, un an avant sa mort : "Aux intéressés, je puis recommander la Gestapo de tout cœur."

En 1926, au cours d’une visite à la Société des Bnei Brith à Vienne, Freud n’hésita pas à faire part de sa façon d’envisager la judéité : "A mon grand regret, la foi ou la fierté nationale ne m’ont jamais rattaché au Judaïsme car j’ai toujours été un incroyant. J’ai été élevé en dehors de toute référence à une religion quelconque, mais en respectant ce qu’il est convenu d’appeler les repères éthiques de la civilisation humaine. Chaque fois que je ressentais l’attirance d’un enthousiasme national, je m’efforçais de m’en dissocier comme d’une tendance regrettable, encouragé en cela par les exemples inquiétants des peuples auxquels les juifs se trouvaient mêlés.

II reste que bien d’autres raisons m’avaient depuis toujours rapproché du Judaïsme et des juifs, telles que des affinités émotionnelles, peut-être obscures, mais d’autant plus impérieuses qu’elles ne pouvaient s’exprimer en mots. A cela s’ajoutait la conscience claire d’une identité particulière et la conviction rassurante d’être mentalement accordé aux miens par une similitude de traits. Mais au-delà de ces perceptions, je réalisais que je devais à mon appartenance juive deux caractéristiques qui me sont apparues essentielles tout au long d’une existence assez éprouvante. Du fait de ma judéité, je me sentais tout d’abord libéré des préjugés qui pouvaient gêner les autres dans l’exercice de leur intelligence. Et, pour cette même raison, j’étais spontanément incliné à joindre l’Opposition et à me passer de l’assentiment d’une ’majorité grégaire’ ".

Le héraut du nouveau schéol

En présentant une nouvelle version du classique de Freud, Ruth Ginzburg a semble-t-il commis une erreur en modifiant le titre donné précédemment par un autre traducteur israélien, à savoir, L’interprétation des rêves. La traduction plus littérale que propose Ginzburg pour le titre original, Die Traumdeutung : Le commentaire du rêve, ne rend pas compte, comme le faisait le titre précédent, du projet grandiose dont Freud traçait les grandes lignes dans cette œuvre maîtresse. En effet, il n’envisageait pas seulement d’enseigner la façon de commenter un songe mais de sensibiliser, à la manière d’un héraut, la pensée occidentale au monde des rêves. A partir de données existentielles et culturelles, il se proposait de faire accéder la conscience à une perspective jusqu’alors inconnue où elle pourrait découvrir, dans les visions de l’état onirique, des possibilités nouvelles de signification et de discernement.

De son côté, la première version du titre : L’interprétation des rêves ne faisait probablement pas justice au caractère restrictif du titre original où la réserve apparente était probablement due à la tension que la judéité de Freud lui faisait ressentir vis à vis du monde européen. Il reste que la nouvelle traduction de l’œuvre reflète dans son ensemble l’impression de ’révélation’ dont elle est prégnante. Freud assume à vrai dire un rôle quasi messianique dans cette recherche où le bénéficiaire du salut n’est plus simplement le peuple juif mais l’être humain tributaire de la culture occidentale. Même si avec le temps, la voix salvatrice semble se faire hésitante, il n’en reste pas moins que cette étude a contribué à fixer de nouvelles frontières à l’idée que l’on se faisait de la condition humaine.

Tout en étant devenue une tradition influente qui, dans le monde entier, a pénétré tous les secteurs de la pensée et de la créativité en revêtant parfois des formes bien diverses, la psychanalyse a pourtant dû répondre bien souvent aux attaques de ses critiques. Aussi est-il bon de considérer la date de parution de son étude car Freud voyait une correspondance entre celle-ci et l’aube du 20eme siècle - bien que sa diffusion fût quelque peu antérieure - pour constater à quel point ce moment initial est lourd de signification. La révolution de la psychanalyse se trouve en effet à l’état de germe dans cette étude séminale.

Il n’est pas sans intérêt de souligner, spécialement dans le milieu où nous vivons, la visée messianique de Freud dans Le commentaire du rêve. L’auteur fait du reste clairement allusion à cette préoccupation dans le motto de l’œuvre qu’il emprunte à l’Enéide de Virgile : Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo, "Si je ne puis infléchir les forces d’en haut, j’ébranlerai le Schéol."

Dans l’introduction à sa propre traduction, Ruth Ginsburg écrit à ce sujet : ’Dans Le commentaire du rêve, Freud assume le rôle du guide qui mène le lecteur dans les sentiers obscurs de la forêt à l’instar de Virgile qui conduit Enée à la recherche de son père. Freud invite ainsi le lecteur à l’accompagner dans ce parcours périlleux à l’intérieur du schéol inférieur de la conscience pour le suivre dans des rêves à partir desquels il pourra interpréter ceux des autres. Comme s’il contestait la volonté divine, il l’invite à jeter les yeux sur un abîme qui n’est pas l’enfer chrétien de Dante mais le schéol païen, avant de prendre le chemin ardu qui mène à l’inconnu. Là, il découvrira l’intensité des désirs qui sollicitent une âme capable de surmonter, malgré tout, leurs effets destructeurs.

L’intuition fondamentale du Commentaire voit dans le rêve une expérience qui ne sait pas exactement ce qu’elle recouvre, aussi doit-on l’interpréter pour faire ressortir la vérité qui s’y cache. A cela s’ajoute que le rêve est l’expression énigmatique d’un processus psychique où le songe apparaît comme un message codé d’où l’on peut éventuellement tirer une signification précise. L’intellect l’a pour ainsi dire conçu comme un texte sténographié en attendant que le commentaire en fasse une lettre explicite. En fait, Freud présente le contenu et l’expression du rêve comme deux versions du même sujet qui seraient présentées en deux langues différentes. Selon ses propres mots, le contenu du rêve se reflète dans des images qui ont revêtu une autre forme. Il suffit donc d’apprendre les règles de cette composition pour progresser de la source cachée vers le langage clair de l’interprétation.

Ginsburg insiste sur le lien étroit qui existe d’une part entre l’expérience de la mort du père de Freud et la composition de son œuvre et d’autre part, entre la figure du père disparu et celle que présente l’ancienne épopée. Ce faisant, elle se situe dans le sillage de l’interprétation si éclairante que propose le critique littéraire, Jean Starobinsky à ce sujet. Le commentateur suisse discerne chez Freud une référence claire au monde de l’Enéide ou, plus précisément, une analogie profonde entre la double composante du monde de l’Enéide avec son schéol secret où l’on peut avancer très loin sur le chemin de la connaissance et la composante cachée que Freud discerne dans les recès de l’âme humaine.

Il me semble que le développement de ce thème met en relief l’intérêt manifeste que ’l’héritage de l’Odyssée’ a suscité en Occident tout au long de son histoire. Freud considérait son œuvre comme une découverte du schéol de l’âme et de la culture sans oublier que la première approche du schéol avait été la marche d’Odyssée vers ce monde terrifiant. On constate que depuis l’ancienne épopée grecque, toute la culture occidentale a en effet cherché à s’exprimer dans une suite d’œuvres inspirées de l’Odyssée dont elles prétendent assumer grosso modo l’héritage. Ainsi est apparue ’une suite d’Odyssées’ dont les plus connues sont l’Enéide latine, La divine comédie de Dante, Le paradis perdu de Milton, Faust de Goethe et Ulysse de Joyce où l’on peut trouver d’une façon ou d’une autre l’analyse du même processus. Il s’agit là d’une progression suivie où chaque apport nouveau n’est pas sans rappeler ceux qui l’ont précédé.

Dans Le commentaire du rêve, Freud précise la place de Dante par rapport à Virgile avant d’envisager le schéol primitif à la lumière d’une nouvelle interprétation. Ce faisant, il assume le rôle de l’auteur de l’Enéide comme Dante l’avait fait lui-même dans La divine comédie. En découvrant le secret du monde divin, Virgile est devenu la source d’inspiration’ de la tradition ésotérique de l’Occident. Freud s’y sent très à l’aise car il est bien conscient de jouer aussi le rôle d’un héraut qui annonce un changement radical dans la saisie de l’humain. Aussi, loin de se conformer tout simplement dans Le commentaire du rêve aux critères d’une recherche scientifique, cherche-t-il plutôt à situer sa vision dans la lignée de ceux qui ont contribué à informer le type particulier du caractère occidental dans leurs travaux inspirés ou pour reprendre l’expression de Goethe dans leurs ’œuvres démoniques’.

On notera que la judéité de Freud est loin d’être un facteur accessoire dans cette entreprise. Virgile - selon Dante et la chrétienté tout entière - est ni plus ni moins l’annonciateur païen du christianisme. On ne saurait donc s’étonner que pour prendre le contre-pied de cette assertion, Freud révèle, dans un texte demeuré célèbre, une sympathie manifeste pour Hannibal, ’le sémite’ qui rappelle ’l’entêtement juif face à Rome qu’une tradition bien établie assimile à ’l’Eglise chrétienne".

"Hannibal", fait-il remarquer dans un passage du Commentaire, "était le héros de ma jeunesse depuis le temps où nous avions étudié le déroulement des guerres puniques au gymnase. A l’instar de beaucoup de jeunes de mon âge, ma sympathie allait aux carthaginois de préférence aux romains. Une fois parvenu aux cours supérieurs, je commençai enfin à saisir les implications de l’appartenance à une race étrangère et comme les sentiments antisémites de mes compagnons ne m’engageaient nullement à manifester publiquement mes sentiments, le prestige du chef sémite augmenta d’autant plus à mes yeux. Hannibal et Rome symbolisaient pour l’enfant que j’étais l’opposition entre l’obstination juive et la présence imposante de l’Eglise catholique. Avec le temps, l’influence exercée par les mouvements antisémites sur notre vie culturelle m’incita à préciser davantage les pensées et les impressions qui me venaient de cette époque reculée."

Cette attitude le mena, dans la logique d’une pensée qu’il allait expliciter tout au long de son œuvre, à rappeler l’incident où son père fut humilié par un chrétien. Il nota à ce sujet : "Maintenant seulement, je me souviens d’un fait oublié de mon enfance mais dont l’influence allait pourtant marquer ma sensibilité de façon indélébile. J’avais pris l’habitude, vers l’âge de douze ans, d’accompagner mon père au cours de promenades où il me faisait part de certains aspects de sa vision du monde. Voulant un jour illustrer à quel point mon époque était moins éprouvante que celle de sa jeunesse, il me raconta le fait suivant :

Un jour que, jeune encore, je me promenais dans ta ville natale en tenue de sortie, coiffé d’une toque de fourrure, un chrétien soudain s’approcha de moi et jeta mon couvre-chef dans la boue en m’interpellant d’un ton menaçant : ’Petit juif, descends du trottoir !’ Qu’ai-je alors fait ? me demanderas-tu. Eh bien, je suis descendu sur la chaussée pour ramasser mon chapeau ! Telle fut sa réaction prudente. Cette conduite ne me semblait pas glorieuse de la part de l’homme imposant qui donnait la main à son enfant. Je ne pouvais m’empêcher de comparer ce comportement que je trouvais peu exemplaire à un autre qui au contraire répondait parfaitement à mes aspirations. En effet, me revenait toujours à l’esprit la scène où Hamilcar Barca, le père d’Hannibal, fit jurer son fils sur l’autel domestique d’exercer sa vengeance sur les romains. Il n’en fallut pas davantage pour faire du vainqueur de Trasimène le héros qui allait enflammer à tout jamais mon imagination."

Pour l’homme moderne, le Virgile du schéol intérieur, apparaît sous les traits d’un juif bien conscient de s’adresser à la chrétienté. On trouve dans cette attitude bien plus que le dédommagement d’une expérience humiliante subie par le père. Il s’agit foncièrement d’une compensation théologique au sens large où Font voit un juif modifier complètement l’idée que l’on se faisait du schéol en le dissociant à la fois du contexte païen ou chrétien auquel on était habitué pour le situer finalement dans la sphère de l’humain.

Ariel Hirshfeld Extraits de HaAretz 14.12.07, Trad. I.C.

 

Yohanan Elihaï

Chant du mois : Bab el-Wad

En écho à notre page d’histoire sur la guerre pour Jérusalem en 1948, nous vous proposons un chant composé par l’écrivain Haïm Gouri qui raconte poétiquement comment les convois israéliens ont pu réussir « une percée vers la ville » à partir de Bab el-wad, connu également en hébreu sous le nom de Shaar HaGaï.

par Har’el Skaat

Paroles : Haim Gouri

Musique : Shemuel Pershko

 


"Ici je passe frôlant la pierre

Route d’asphalte noire, rochers et crêtes

Lentement tombe le soir, brise de mer,

Première étoile sur le village de Beit Mahsir (1)

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Ici déferlèrent au soleil plomb et bitume,

Ici passèrent des nuits de feu et de poignards,

Ici se côtoient la grandeur et la tristesse,

Blindé calciné avec le nom d’un Inconnu.

Bab el-Wad A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Et je marche ici, sans un mot, sans un bruit,

Et je me les rappelle, un par un,

Ici nous avons lutté sur les pics, la rocaille,

Ici nous étions, telle une famille, ensemble,

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Viendra un jour de printemps,

Les cyclamens s’ouvriront,

Et la rouge anémone sur le flanc des montagnes,

Celui qui suivra ce chemin qui fut le nôtre,

Qu’il ne nous oublie pas, et nous et Bab el-Wad..

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère."


 

(1) village arabe

Lire les paroles en hébreu


Jean-Marie Allafort

Le peuple palestinien souffre. Nous qui vivons en Israël nous ne pouvons sans doute pas mesurer la profondeur de cette souffrance ni ses implications. Il nous est interdit de la minimiser et, à plus forte raison, de la mépriser.

La cause palestinienne gagne-t-elle en noblesse lorsque après un attentat comme celui contre des adolescents de l’Institut talmudique à Jérusalem, les foules en liesse sortent dans la rue, distribuent des sucreries et se réjouissent de la mort d’innocents ? Ces scènes sont révoltantes. Elles se répètent souvent, trop souvent. Sont-elles comme inscrites dans une culture qui devient celle de la haine ? Déjà, lors de la première guerre du Golfe, des jeunes religieux catholiques palestiniens de Bethléem étaient montés sur les toits avec des cris de joie en entendant que des scuds étaient tombés sur Tel Aviv. Comment peut-on en arriver à un tel degré de haine ? Cette haine contre Israël est contagieuse. Elle prolifère dans des contrées lointaines sans aucune raison objective apparente.

La haine n’est le monopole d’aucun peuple. Elle existe aussi en Israël contre les Arabes dans certains milieux. Nous en avons souvent de tristes exemples. Cependant, je n’ai jamais vu en Israël des manifestations de joie quand des enfants palestiniens - et même des terroristes - étaient tués par Tsahal. Lorsqu’il y a mort d’enfants, on a honte.
Le judaïsme interdit de se réjouir de la défaite de l’ennemi et de sa mort. Un texte de la tradition raconte même que lorsque les fils d’Israël ont traversé le Mer Rouge, les anges ont commencé à chanter mais Dieu les a fait taire à cause de la mort des Egyptiens. Israël en a tiré une leçon.

En lisant les quelques 600 pages du rapport de la commission Vinograd sur le deuxième guerre du Liban - texte indigeste s’il en est - j’ai été frappé par les termes respectueux que les doctes enquêteurs utilisaient pour parler du Hezbollah, l’ennemi. Toute bassesse, même dans le vocabulaire, ne peut qu’entraîner un profond mépris qui évolue bien souvent en haine irraisonnée.

Durant l’opération « Hiver chaud » , j’ai zappé longuement sur les chaînes de télévision arabe. Il n’est nul besoin de comprendre la langue pour se laisser emporter par la déferlante vague des images de sang et de mort. Dans nos télévisions occidentales nous prenons soin de cacher le visage des enfants tués ou de rendre floues des scènes trop violentes. Les télévisions arabes donnent dans une pornographie morbide sans la moindre retenue. Tout est montré dans les détails, les corps calcinés, les morceaux de bras ou de jambes récupérés au milieu des décombres. En regardant de telles images, vous ne pouvez qu’être révolté par tant de barbarie. Il n’y a rien d’étonnant que des Palestiniens se soulèvent à Hébron ou à Jérusalem, ou qu’un autre prenne un fusil pour venger la mort des innocents. La télévision est la plus grande école de haine dans le monde arabe.

 

Cecile Pilverdier

L’opération « Nahshon » (Du 2 au 20 avril 1948)

Dès la Résolution du partage de la Palestine du Mandat britannique par l’ONU le 29 novembre 1947, les premiers éléments de la guerre arabo-juive sont en place : le contrôle des axes routiers et les heurts entre Arabes et Juifs dans les grandes villes à population mixte, (Jérusalem, Haïfa, Jaffa et le sud de Tel-Aviv).

Au départ, la population arabe, renforcée d’éléments des pays arabes voisins, a l’initiative des attaques, la population juive n’exerçant qu’une action défensive.

Jérusalem est le troisième lieu saint de l’islam et le premier du judaïsme, et une des villes les plus importantes en terme d’habitants. La route qui mène à Jérusalem devient le point stratégique. Les voyageurs sont visés par les tirs et les explosifs des villageois arabes qui dominent la route. En réponse à cela, la Hagana forme des convois de véhicules plus ou moins blindés, protégés par des membres armés de la Hagana et de la police des villages juifs. Ces convois vers Jérusalem, surtout dans la partie montagneuse, souffrent, mais arrivent tout de même à gagner Jérusalem et à garder le contact avec la plaine.

Fin mars 1948, les troupes d’Abdel Qader el Husseini, empêchent les convois de ravitaillement d’atteindre Jérusalem, elles coupent la canalisation d’eau et la population juive est assiégée et rationnée. Les 100 000 habitants juifs de Jérusalem doivent s’organiser avec le manque cruel de nourriture, d’eau et de produits de première nécessité. Les responsables, avec à leur tête, David Ben Gourion, décident, dès mars, d’un changement de tactique, et passent de l’attitude défensive à une attitude offensive, initiant ainsi la seconde face de la guerre d’Indépendance. A la suite de cette décision, les chefs de la Hagana conçoivent un plan qui doit : « mettre la main sur le territoire de l’État hébreu, assurer la défense de ses frontières et protéger les villages juifs situés en dehors de ces frontières ».

Dans le contexte du « plan D », David Ben Gourion décide de lancer l’opération « Nahshon » pour libérer et ravitailler la ville, (du nom de Nahshon ben Aminadav, qui selon la Bible fut le premier à traverser la Mer Rouge lors de la sortie d’Égypte). C’est la première grande opération de la guerre d’Indépendance, qui vise à prendre l’axe Latroun -Shaar ha Gaï, Qastel et Jérusalem, pour créer ainsi un « couloir » de 2 à 10 kilomètres de largeur jusqu’à Jérusalem. Ben Gourion confie le commandement de l’opération à Shimon Avidan, commandant de la 5ème brigade Guivati, et 1500 hommes sont engagés venant des Guivati de la Hagana, et de Harel du Palmah (On peut encore voir sur la route de Jérusalem les carcasses des blindés). C’est la plus grande organisation des forces de la Hagana concentrées jusqu’alors, pour une seule action. Ils reçoivent les armes arrivées clandestinement de Tchécoslovaquie le 1er avril dans le cargo Nora.

La responsabilité du ravitaillement est confiée à Dov Yossef qui doit rassembler 3000 tonnes de denrées pour les 100 000 juifs de la ville afin de survivre pendant 3 mois. Pour cela il réquisitionne 300 camions qu’il rassemble à Kfar Bilou, un ancien camp britannique.

Cette opération est précédée de deux actions militaires qui préparent les étapes du combat : le 2 avril, la brigade Guivati lance un raid de diversion sur les positions de Salameh dans la région de Ramleh, et le 3 avril, le village de Qastel est pris ainsi que la colline le surplombant.

Durant l’opération, des forces combattantes prennent différents points de contrôle à l’est et à l’ouest de la route vers Jérusalem, et arrêtent le mouvement des forces jordaniennes. Les villages palestiniens sont pris : Qastel du 2 au 9 avril, passe plusieurs fois de mains en mains. Le 8 de ce mois, le commandant Abdel Qader el Husseini est tué lors des combats, suscitant le désarroi dans le camp palestinien. Finalement le village tombe, pris par deux compagnies du Palmah dirigées par David Elazar. Le village est rasé. Les villages de Hulda et Deir Mouhszin, tombent la nuit du 5 au 6 avril.

Le 9 avril, le village de Deir Yassin est attaqué par des hommes de l’Irgoun et du Lehi. Ils massacrent 110 personnes dont des femmes, des enfants et des vieillards. Cet évènement, hors du cadre de l’opération Nahshon, jouera dans l’exode palestinien.

Le 11 avril, c’est le village de Qaluniya qui tombe et que l’on dynamite. Les combats font de nombreuses victimes tant parmi les Juifs que parmi les Arabes.

Le 13 avril, un convoi médical juif allant vers l’hôpital Hadassa du mont Scopus à Jérusalem, est attaqué en représailles de Deir Yassin, 75 médecins et infirmières sont massacrés.

A partir du 14 avril, l’ordre est donné aux hommes du Palmah et de la Hagana de conquérir bases et forces ennemies. Le 20 avril Hulda est rasé. L’opération Nahshon a permis à 1800 tonnes, sur les 3000 prévues, de ravitailler Jérusalem, permettant deux mois de survie avec un fort rationnement.

La mort d’Abdel Qader el Husseini bouleverse l’organisation arabe dans le secteur de Jérusalem. Son successeur Emil Ghuri fait ériger un grand barrage le 20 avril a Baab el Wad (Shaar ha Gaï) et Jérusalem est à nouveau isolée.

Pendant cette opération, 57 soldats de la Hagana sont tués et 72 blessés.

Bilan - Du côté arabe, l’opération Nahshon aura montré le manque d’organisation face à la guerre, faute de logistique, comme l’approvisionnement en nourriture et munitions, les empêchant de maintenir un combat plus de quelques heures en dehors de leurs bases.

Suite à la mort d’Abdel Qader el Husseini, le Comité militaire de la Ligue Arabe ordonne à l’autre force arabe en Palestine, l’Armée de Libération Arabe, de déplacer ses forces de Samarie vers la route de Jérusalem et les régions de Latroun, Lod (Lydda) et Ramléh.

Du côté juif, les acquis de cette opération stimulent le commandement de la Hagana à faire d’autres actions dans d’autres lieux, et on peut y voir un stade important qui a fait passer la Hagana de groupe défensif clandestin, à une armée combattante. Les forces de la Hagana puis de Tsahal, continuèrent à avoir l’initiative dans le but de prendre des parcelles de terrain le long de la route de Jérusalem (Opération Dani, Opération de la montagne). Cependant la première voie de circulation sécurisée vers la ville ne fut ouverte qu’avec l’aménagement de la « Route de Birmanie ».

La « route de Birmanie » (Juin 1948)

Comme nous l’avons vu dans l’opération « Nahshon », Jérusalem s’est trouvée plusieurs fois assiégée, et malgré d’autres actions, telle que celle de Harel, la partie montagneuse de la route, dominée par les villages arabes, ne laissait pas passer les convois. Les Juifs, à plusieurs reprises, essayèrent de prendre le poste de police de Latroun, mais sans succès, ce qui eut permis d’assurer la sécurité de ce tronçon de route.

En juin 1948, une force conduite par David Marcus, commandant de la patrouille de reconnaissance de Jérusalem, découvrit une voie secondaire au sud de la route principale. Ce chemin passait par une espèce de couloir entre les forces de l’armée jordanienne à Latroun, et les forces égyptiennes, positionnées au sud de Jérusalem. La plus grande partie de la route était praticable, sauf un passage. Avec la découverte de ce sentier, les convois de marchandises commencèrent à avancer jusqu’au passage problématique, puis là, on transporta la marchandise à bout de bras, de Sushin jusqu’à Har Touv, vers des véhicules situés de l’autre côté du passage. L’existence de cette nouvelle voie fut gardée très secrète. Puis, après un mois et demi de siège, le convoi arriva enfin à Jérusalem.

En même temps, des discussions avaient lieu entre les différentes forces combattantes, sous la protection de l’ONU, pour arriver à un cessez le feu. Pour consolider cette nouvelle route, avant l’application du cessez le feu, une opération du génie, osée et secrète, eut lieu pour aménager le passage problématique. Malgré la pression du temps et le manque de matériel, les ouvriers réussirent à terminer l’opération à temps. Comme résultat, avec l’entrée du cessez le feu le 11 juin 1948, les convois de vivres pour Jérusalem assiégée, purent passer en sécurité le 9 juin.

L’ouverture de la route de Birmanie, dans les conditions et les difficultés rencontrées par les ouvriers, ont fait de cette action l’une des histoires les plus héroïques de la guerre d’Indépendance et des opérations pour Jérusalem.

La route de Birmanie israélienne a reçu son nom de la route de Birmanie asiatique, qui relie le sud de la Chine au nord de Anmar en Birmanie. Elle fut construite lors d’une opération courageuse du génie, entre 1937-1938, après le commencement de la guerre Sino-Japonaise. Durant la seconde guerre mondiale, un contournement fut construit sur une partie de cette route, pour éviter les forces japonaises, dans une opération du génie, non moins courageuse.

 

Antoinette Brémond

Un sujet brûlant pour tous. Et pourtant, puisqu’ils existent, il faut en parler. Des Juifs qui croient que Jésus est le Messie d’Israël, et qui, tout en continuant à se dire juifs et tout en partageant la foi chrétienne, ne veulent pas « changer de religion ». Situation difficile car, pour les autorités rabbiniques, ils ne sont plus juifs, et pour les chrétiens des Églises traditionnelles...sont-ils vraiment chrétiens ? Et pourquoi ne sont-ils pas tout simplement catholiques, protestants ou orthodoxes ? Parfois ce qui semble « tout simple » devient problématique ! S’il n’y avait pas eu de Juifs pour reconnaître dans le Juif Jésus le Messie d’Israël, il n’y aurait jamais eu de chrétiens, de pagano-chrétiens. Il a fallu ces Juifs vivant il y a 2000 ans en Galilée pour dire : « Celui de qui il est écrit dans la loi de Moïse et dans les Prophètes, nous l’avons trouvé. C’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth ». (Jean 1.45). Quoi d’étonnant à ce que quelques Juifs d’aujourd’hui, et qui plus est en Israël, le découvrent, le reconnaissent comme Messie d’Israël et désirent en parler autour d’eux ? Avant, on parlait de judéo-chrétiens, maintenant ils s’appellent Juifs messianiques.

Histoire

Si, pendant le premier siècle de notre ère, les judéo-chrétiens appelés nazaréens puis chrétiens, faisaient partie de cette multiplicité de facettes du judaïsme de l’époque, très vite, ils furent exclus des synagogues. En effet après la destruction du Temple en 70 les pharisiens éliminèrent toutes les « sectes » juives.

Pendant les siècles qui suivirent, les Juifs embrassant la foi chrétienne s’intègrent à l’Église des nations perdant ainsi leur identité juive, aussi bien pour la synagogue que pour l’Église. « Tu n’es plus juif, tu es chrétien, tu as changé de religion ». Cette réalité est toujours actuelle dans le peuple juif : « Un Juif qui se convertit à une autre religion rompt ipso facto son appartenance à notre peuple » disait le 20 octobre 1998 le Grand Rabbin Samuel Sirat.

Pour l’Église il en était de même. Elle désirait établir une distinction nette entre Israël et l’Église. Par exemple au Synode de Nicée II (730), il fut décidé que toute expression de la foi juive serait bannie de l’Église : la circoncision, le shabbat, les fêtes juives. Il y a encore une cinquantaine d’années, un Juif, pour être baptisé, devait abjurer son judaïsme.

C’est alors qu’en Angleterre, des chrétiens d’origine juive, pour se différencier des chrétiens des nations, fondent en 1813 les Benei Abraham, une association de Juifs chrétiens. Puis, en 1865 l’Union chrétienne hébraïque voit le jour, formée de Juifs qui, de par leur origine et leur foi en Jésus Messie d’Israël, se considèrent comme les successeurs des premiers disciples. En 1866 ces deux associations se groupent et forment l’Alliance chrétienne hébraïque. Après la Grande-Bretagne, c’est aux États-unis que se crée en 1915 l’Alliance chrétienne hébraïque américaine avec cette même vision de grouper les chrétiens d’origine juive et d’annoncer le Messie aux Juifs. En 1930 ces deux alliances se fédèrent en une Alliance chrétienne hébraïque internationale. Ses membres se distinguent des chrétiens par leur pratique proche du judaïsme. En 1939 ils sont environ 100 000 groupés dans des assemblées autonomes nombreuses surtout aux États-unis. Ces Juifs hébraïques vont peu à peu se faire appeler Juifs messianiques. Ce terme marque à la fois la spécificité des croyants issus du judaïsme et leur désir de souligner la continuité sans rupture avec leur origine. Ils ne se considèrent pas comme des Juifs convertis, mais des Juifs accomplis ou des Juifs croyants.

En 1965 cette alliance deviendra l’Alliance Internationale des Juifs Messianiques (IJMA). Très attentifs aux prophéties et à leur réalisation dans l’histoire contemporaine, ces Juifs messianiques voient dans la création de l’État d’Israël en 1948, le retour des exilés, la victoire israélienne de 1967 et la réunification de Jérusalem comme un « signe des temps » (Lc 21,24) annonçant la seconde venue du Messie.

Le groupe le plus connu, quoique minoritaire et très controversé, les « Juifs pour Jésus » agit dans deux directions : aider les chrétiens à retrouver l’origine de leur foi et annoncer aux Juifs le Messie.

En France, l’Alliance messianique française compte quelques centaines de membres.

En Israël

En 1948, arrivait en Israël un ancien médecin colonial, juif de naissance, Zeev Koffsmann. Pendant son mandat en Côte d’Ivoire, au contact de l’église pentecôtiste, il avait, avec sa femme, reconnu Jésus comme le Messie d’Israël, tout en se considérant toujours juif à part entière. Révoqué de son poste par les autorités de Vichy pendant le deuxième guerre mondiale, il se sent poussé à venir en Israël et à y fonder une assemblée messianique : « L’assemblée messianique a quitté Jérusalem en 70 avec le peuple juif au moment de l’exil et y est revenu avec le peuple en 1948 » disait-il. C’est à lui qu’on doit le mot messianique pour caractériser les Juifs croyant en Jésus.

En 1950 il fonde l’Assemblée messianique d’Israël, qui deviendra l’Assemblée messianique de Jérusalem, désirant ainsi faire revivre l’Église primitive en rendant à la foi chrétienne sa véritable origine et son style de vie juif. Zeev pensait que les Juifs messianique seraient dans l’avenir un pont entre le judaïsme et le christianisme. Jésus-Christ y est nommé selon son nom hébreu : Yeshoua Hamashiah.

D’autres assemblées naissent dans le pays, formées au départ par des immigrants d’Europe en particulier. En 1973 on compte sept assemblées en Israël avec environ 1000 membres, juifs et non-juifs. En 1986, ils sont 3000, mais c’est surtout dans les années 1990 que ce mouvement grandit grâce à l’arrivée des immigrants de l’ancienne URSS. En 1999, environ 5000 messianiques se regroupent dans 69 assemblées et 12 groupes de maison. A Jérusalem, en 1986, il n’y avait que l’assemblée messianique fondée par Koffsmann, rue des Prophètes. En 2008, il y en a une vingtaine sans compter les groupes de maison. Combien en Israël ? C’est difficile à dire, tant ces assemblées sont fluctuantes, se divisant ou se joignant entre elles. On parle actuellement de 6000 à 10 000 messianiques dans le pays.

Profil des assemblées

Les assemblées comptent entre 20 et 250 membres. Chacune est indépendante, a son propre profil, son histoire, sa vision, ses pasteurs et sa théologie. Pourtant, tout en étant très variées, elles ont des traits communs aussi bien dans leurs théologies, leur prière que dans leurs pratiques. Toutes mettent l’accent sur la seconde venue du Messie. Et, en cela, dans cette attente fervente de la rédemption, elles sont proches de certains courants du judaïsme. Toutes (ou presque) ont adopté le calendrier juif, se réunissant le shabbat, parfois le vendredi soir à l’entrée du shabbat. Toutes célèbrent les fêtes de pèlerinage, Pessah, Shavouot et Souccot, fêtes où le Dieu d’Israël intervient dans l’histoire de son peuple. Pour eux, Jésus est venu accomplir ces fêtes : c’est à Pessah, fête de la sortie d’Égypte, que Jésus est mort et ressuscité ; c’est à Shavouot, fête du don de la Tora, que le Saint Esprit est descendu sur les apôtres ; et pour certains, Souccot est l’époque de la naissance de Jésus. Certaines fêtes chrétiennes ont donc changé de date et d’autres ne sont pas célébrées. Ont également leur place les autres fêtes du calendrier : Pourim, Hanouca, la fête de l’Indépendance ...

Toutes ces assemblées se sentent très concernées par la situation politique du pays, suppliant Dieu pour que sa volonté soit faite. Les prophéties, interprétées de façon littérale, donnent le ton à leur intercession pour le pays. Les garçons sont circoncis et une cérémonie particulière est organisée lors de leur Bar Mitzva, soit au Mur soit dans le lieu de culte. Que chaque enfant se sente juif et israélien à part entière. La plupart des assemblées se déroulent en hébreu, avec très souvent des traductions simultanées en russe, anglais, parfois allemand et français. Il faut dire que dans la majorité de ces assemblées les nouveaux immigrants ne possèdent pas suffisamment l’hébreu et qu’il y a souvent des visiteurs étrangers.

Pour tous, l’Écriture Sainte comprend le Tanakh (Ancien Testament) et le Nouveau Testament, la Bible étant pour eux tout entière juive et Parole de Dieu. Ils célèbrent la Sainte Cène en général une fois par mois. Le baptême est proposé aux adultes ayant adhéré au Messie. Il se pratique par immersion comme dans l’Église primitive. On ne trouve jamais de croix dans leurs lieux de culte, par contre une ménora, l’étoile de David, parfois un schofar, des bannières avec des versets bibliques en hébreu... ou même le drapeau d’Israël. Le déroulement du culte est sensiblement le même : une heure de louange, souvent la lecture d’une partie du texte de la synagogue, le sermon d’une heure, prière et témoignages. Le Shema, la bénédiction des Cohanim, mais aussi le Notre Père y ont leur place. Les femmes ne prêchent pas. Il y a également un service pour les enfants. Tous les messianiques mettent l’accent sur l’importance du témoignage : « Nous l’avons trouvé ».

Des différences

  Certaines assemblées voulant s’identifier d’avantage au judaïsme ont, dans leur lieu de culte, le rouleau de la Tora et suivent partiellement la liturgie de la synagogue. Certains revêtent la kippa et le châle de prière. Mais leur lieu de culte ne s’appelle pas « synagogue » et leurs pasteurs « rabbins » comme aux États-unis. Les membres de ces assemblées pratiquent certaines lois juives : la kashrout, le respect du shabbat ...

  Les assemblées charismatiques donnant beaucoup d’importance aux dons de l’Esprit selon les Actes des Apôtres se regroupent parfois pour des temps de louange ou d’intercession. D’autres sont opposées à ce mouvement. Cette friction entre les charismatiques et les non charismatiques fait penser au différend entre les Hassidiques et les « Mitnagdim » (opposants).

  Des assemblées messianiques russes ont été créées dans les années 90 par des Juifs de Russie déjà évangéliques ou pentecôtistes dans leur pays d’origine. Ces assemblées conservent souvent leur style évangélique. La moitié de leurs membres actuels était déjà chrétienne avant de venir en Israël. Mais on retrouve également beaucoup de Juifs de Russie dans les assemblées hébraïques.

  Les assemblées éthiopiennes. De même, parmi les nouveaux immigrants d’Éthiopie, plusieurs étaient attachés à des églises évangéliques en Éthiopie. Ils créent donc des congrégations leur permettant de continuer à prier en amharique. Les jeunes préfèrent se joindre à des assemblées hébraïques.

  Quelques assemblées prient en anglais.

Les lieux de culte

Les cultes ont lieu dans des appartements ou salles privées généralement en location, rarement dans une église. Citons par exemple l’assemblée de « l’Agneau sur le mont Sion » tenant ses réunions dans l’Église anglicane de Christ Church à Jérusalem. Certaines assemblées ont acheté ou construit. Signalons « le Pavillon », grande salle de 700 places, achetée par l’assemblée King of king au centre ville de Jérusalem, au rez de chaussée d’un bâtiment de 14 étages. La même communauté possède également le quatorzième étage, lieu de prière où se succèdent les intercesseurs d’Israël et de toutes les nations.

La relève Avec la deuxième et la troisième génération de messianiques, ce mouvement devient de plus en plus israélien. On parle hébreu sans accent étranger, et ces jeunes adultes s’impliquent dans la société. On les retrouve à l’armée, à l’université, et dans tous les secteurs professionnels même s’ils restent une infime minorité. Certains participent à des associations israéliennes d’aide humanitaire. Pour lutter contre l’avortement, ils ont lancé l’association « Pro Life » et se mobilisent pour aider les femmes en difficulté. Ces jeunes parlent très simplement et librement de leur foi.

Les pasteurs

Les premiers pasteurs de ces assemblées étaient pour la plupart des nouveaux immigrants d’Amérique, de Russie, de France ou d’Éthiopie. Beaucoup avait reçu une formation biblique dans l’une ou l’autre école évangélique de leur pays. Dans les années 80, quelques écoles bibliques sont créées en Israël.

Citons :
   Beit Emmanuel Study à Jaffa jusqu’en 89

       Le centre Caspari à Jérusalem avec son programme Telem donnant un cours mensuel sur un an en hébreu pour préparer au ministère pastoral. Les élèves arabes chrétiens sont les bienvenus.

       Le « Messianic Midrasha » créé en 1993 par un pasteur israélien avec un enseignement biblique, archéologique, de la littérature rabbinique et de la théologie pratique.

       I.C.B, (Israel College of the Bible), la seule institution académique messianique avec ses trois lieux, Jérusalem, Tel-Aviv et Haïfa. Elle donne ses cours en hébreu, anglais et amharique.

       Plusieurs assemblées organisent régulièrement des cours de formation pour leurs membres. Il est certain que la formation théologique et pratique des cadres messianiques israéliens n’en est qu’à ses débuts.

Quelques nouveaux pasteurs, ayant étudié la pensée rabbinique et la lecture juive des Écritures désirent ouvrir leur assemblée à cette approche juive de la Parole. Tout bouge dans ce mouvement.

 

VIE QUOTIDIENNE : SPORT EN ISRAËL, UN VÉRITABLE ESSOR POPULAIRE

Jean-Marie Allafort

« Tel Aviv a depuis longtemps dépassé New York. Il y a des salles de gym à tous les coins de rue. Il suffit de se promener au bord de la mer pour voir combien de personnes font du sport. Même à Los Angeles, je n’ai pas vu un tel phénomène » explique Yossi, entraîneur dans une salle de musculation à Tel Aviv. « Dans ce seul centre commercial, il y a deux salles de gym et une piscine. Ici nous avons tellement de demandes pour de nouvelles inscriptions que nous allons être obligés d’en refuser. Nous saturons complètement. » Cette salle de sport, en sous-sol, est vaste et très moderne. Elle propose non seulement de la musculation mais aussi de nombreuses activités comme de la boxe, spinning, yoga, pilatis, programme de gymnastique pour les femmes après l’accouchement, danse etc... Cette salle existe seulement depuis deux ans et déjà elle compte près de 3000 inscriptions. Elle ferme tous les jours à minuit mais au dernier étage de la galerie marchande, un autre centre sportif laisse ses portes ouvertes 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Le succès est garanti.

Selon les données de l’organisation nationale de sport, un million d’Israéliens sont aujourd’hui inscrits dans une salle de gym, soit un Israélien sur sept. « Tous ne viennent pas régulièrement » commente Yossi « mais il y a de la bonne volonté et une conscience de plus en plus juste que le sport est le meilleur remède à de nombreuses maladies. » Aujourd’hui, 55% des inscrits dans ces salles sont des femmes et la majorité ont entre 35 et 54 ans. Les personnes qui fréquentent ces centres sportifs n’ont plus un profil socio-économique moyen ou élevé. Il y a des salles pour tous les budgets et pour tous les styles. Dans certains Kibboutz et petites localités, elles sont même gratuites.

Des études publiées depuis un an montrent que près d’un quart des personnes qui fréquentent des salles de gym veulent perdre du poids. En Israël, le ministère de la Santé a lancé une véritable bataille contre l’obésité surtout auprès des jeunes et des enfants. Depuis des marches à pied, en passant par des courses de vélo et des programmes de gymnastiques spécialisées, les propositions sont nombreuses. Même au sein de Tsahal on lutte contre le surpoids et l’obésité surtout parmi les officiers. Des entraîneurs sont formés dans ce sens et des programmes sportifs sont ouverts. Par exemple, 85 entraîneurs sportifs de Tsahal ont récemment suivi des cours sur la méthode Pilatis.

Une étude de l’association du sport populaire révèle que 54% des Israéliens ont au minimum deux fois par semaine une activité physique : 34% font au moins deux fois par semaine une demi-heure de marche à pied, 14% pratiquent la musculation (ce sont essentiellement des hommes), 10% la natation, 7% disent faire de la gymnastique à la maison et enfin 5% font des sports collectifs comme du foot ou du basket.

Dans les milieux juifs orthodoxes ainsi que chez les Arabes du pays, le sport est peu pratiqué. Cependant il existe à Jérusalem une salle de musculation pour les Juifs orthodoxes « Kosher Gym » dans le quartier de Guivat Shaoul. Elle est bien sûr fermée le shabbat et les jours de fêtes mais est ouverte chaque jour en alternance d’abord pour les femmes puis pour les hommes avec une demi-heure de pause pour que les deux populations ne se rencontrent pas. Là-bas, on ne trouvera pas de femmes en petite tenue et on ne regardera pas des chaînes comme MTV ou fashion TV car il n’y a pas d’écran plasma sur les murs. Chaque jour, les personnes qui fréquentent cette salle, ouverte par un Juif français, peuvent prier Minha et Arvit. La population orthodoxe qui vient faire du sport dans ce lieu est surtout d’origine américaine ou européenne. Beaucoup de rabbins considèrent le sport pour les jeunes et les adultes comme une perte de temps qu’il vaut mieux consacrer à l’étude de la Tora.

En Israël le sport connaît ces dix dernières années un véritable essor populaire. S’il était dans le passé le privilège de certaines classes sociales ou réservé à des professionnels ou encore considéré comme une activité ludique pour les enfants et les jeunes, il est devenu une partie intégrale de la vie de nombreux israéliens. Ce sont les nouveaux immigrants de pays de l’ex-Union Soviétique qui ont rempli en premier les salles de gym et ont donné un élan extraordinaire au sport en Israël.

Aujourd’hui on peut trouver des salles de sport dans presque toutes les villes du pays. Le métier d’entraîneur et prof de gym est très prisé par les jeunes et de nombreux cours s’ouvrent pour répondre au besoin d’un marché en pleine expansion. Ce phénomène témoigne aussi de l’influence des États-unis sur la société israélienne. Les hommes veulent être musclés et les femmes garder leur ligne. On est bien loin des clichés ou des images d’Épinal sur les Juifs d’Israël que nous vendent trop souvent les médias.

 

Suzanne Millet

Un article de Yossi Yeoshoua dans Yediot Aharonot du 21.12.2007 intitulé « La périphérie conquiert Atouda » décrit le parcours de ces jeunes élèves venant de couches sociales défavorisées.

Il existe un programme universitaire dans l’armée pour former des ingénieurs en informatique ou en technologie et des médecins. Ce programme s’appelle « Atouda » (vers l’avenir). Cette année, parmi les 900 soldats qui ont commencé ce programme, 370 viennent de villes de développement ou de quartiers défavorisés des grandes villes, et cela grâce à l’association « Atidim ». Cette association a été créée en 1999, sur l’initiative de l’ancien chef d’État major de Tsahal Shaoul Mofaz. Ce dernier comprit qu’il y a parmi les jeunes de la périphérie un potentiel non exploité : « Quand nous avons commencé ce projet, explique la directrice Lior Parlma, nous avons découvert que ces jeunes ne pouvaient atteindre Atouda pour plusieurs raisons.

  1) Une grande partie de ces jeunes concentre tous ses efforts pour réussir le bac mais ne vise pas un diplôme universitaire.
  2) La plupart d’entre eux n’a aucun contact avec le monde universitaire et aucune stimulation à la maison ou dans l’entourage pour l’université.

    3) Il y a le problème économique.

  4) le programme d’étude Atouda de l’armée leur est absolument inconnu. »

Pour créer cette association Atidim, des fonds ont été récoltés sous la direction d’un homme d’affaire Etienne Vartmar. La directrice du projet s’est tournée alors vers les directeurs d’école et vers les départements du ministère de l’Education. Ensemble ils ont constitué une liste d’élèves du secondaire, de la 6ème à la terminale, choisis parmi les élèves les plus doués. Le nombre des candidats va en augmentant d’année en année jusqu’à 12000 aujourd’hui, et on estime que cette croissance sera encore plus significative dans l’avenir. C’est ainsi que dans les unités technologiques mobiles de l’armée de l’air, de mer, de renseignements et de communication, on trouve ces dernières années des centaines d’ingénieurs originaires de Bet Shéan, Kyriat Shmona, Hatsor, Migdal HaEmek, Maalot, Nazareth Illit, Ofakim, Dimona, Yerouham, Kyriat Gat, Netivot, Sdérot, Lod.

Programme Atidim

L’association Atidim permet aux élèves sélectionnés d’avoir des cours renforcés de mathématiques, de physique, d’anglais, six heures par semaine après les cours habituels. On travaille aussi à renforcer la motivation de ces élèves et la confiance en soi. Ils se familiarisent avec l’université et rencontrent des conférenciers. Ils sont mis en contact avec des officiers des unités technologiques de Tsahal et avec des anciens de Atouda qui se distinguent dans le monde de la haute technologie et qui ont créé des sociétés Start-up connues dans le monde entier. Ils rencontrent aussi des hommes d’affaires. Quand ils sont mobilisés, l’armée reçoit la liste des candidats qui ont le profil pour le programme Atouda. Il n’est pas acquis d’avance que tous ceux qui ont les qualités pour ce programme participeront à ce projet.

Programme d’étude Atouda

Ce programme, dans le cadre du service militaire, comprend un enseignement académique pendant quatre ans en vue d’une licence d’ingénieur. Pendant les études chaque élève reçoit 8500 shekels par an. En plus, ceux qui viennent de Atidim reçoivent une bourse de 15 000 shekels par an et un ordinateur portable. On leur attribue un éducateur social et un éducateur universitaire qui les accompagnent et les aident dans leurs études. Après l’obtention du diplôme d’ingénieur, ils servent trois ans dans l’armée puis ils s’engagent pour trois ans supplémentaires dans l’une des unités technologiques en pointe de l’armée.

Une autorité de l’armée déclare : « Le projet Atidim réussit à attirer des milliers de jeunes des villes de développement aux études universitaires, et cela prouve qu’avec un peu de soutien et d’encouragement, cette population qui a été négligée pendant des dizaines d’années réussit à être reçue dans des institutions de hautes études et à tenir des postes dans des unités les plus en pointe de l’armée ».

Sigmund Freud (1856-1939)

Dans la clinique viennoise où il s’était spécialisé dans le traitement des maladies nerveuses, Freud s’embarqua un jour dans une self-analyse en vue de mieux comprendre ses patients. Même si d’autres avaient déjà parlé des zones obscures de l’esprit humain, il fut pourtant le premier à présenter une analyse systématique de l’inconscient. Cette poursuite d’une découverte de soi, basée tout d’abord sur les souvenirs perdus de l’enfance marqua les débuts de la psychanalyse.

L’effort patient de recherche et d’introspection poursuivi par Freud culmina en 1900 dans la publication de L’interprétation des rêves où il montrait que ces derniers constituaient ’la voie royale’ menant à l’inconscient. Il s’appliqua à montrer que les désirs les plus invraisemblables qui surgissent dans le rêve reflètent un niveau de perception apparemment sans rapport avec les normes habituelles de la pensée. Observant que le rêve semble toujours extravagant, étant donné qu’il fait fi des contradictions internes et des nécessités logiques, Freud en arriva à conclure que si l’absence de cohérence et la tendance au bizarre ne constituaient pas la vérité du rêve, le commentaire pouvait malgré tout la dégager ultérieurement.

Tout en se déclarant athée, Freud revendiqua toujours sa qualité de juif et, à ce titre, assista à bien des réunions de la loge locale des Bnei Brith. Sans être sioniste, il avait tout de même accepté un titre honorifique de l’Université hébraïque de Jérusalem. A la question de savoir ce qui était juif dans son système, il aimait à répondre : "A vrai dire, pas beaucoup mais probablement le principal." Ce sens invétéré de l’humour l’avait induit à ajouter au bas d’un formulaire qu’il avait dû remplir en quittant l’Allemagne, un an avant sa mort : "Aux intéressés, je puis recommander la Gestapo de tout cœur."

En 1926, au cours d’une visite à la Société des Bnei Brith à Vienne, Freud n’hésita pas à faire part de sa façon d’envisager la judéité : "A mon grand regret, la foi ou la fierté nationale ne m’ont jamais rattaché au Judaïsme car j’ai toujours été un incroyant. J’ai été élevé en dehors de toute référence à une religion quelconque, mais en respectant ce qu’il est convenu d’appeler les repères éthiques de la civilisation humaine. Chaque fois que je ressentais l’attirance d’un enthousiasme national, je m’efforçais de m’en dissocier comme d’une tendance regrettable, encouragé en cela par les exemples inquiétants des peuples auxquels les juifs se trouvaient mêlés.

II reste que bien d’autres raisons m’avaient depuis toujours rapproché du Judaïsme et des juifs, telles que des affinités émotionnelles, peut-être obscures, mais d’autant plus impérieuses qu’elles ne pouvaient s’exprimer en mots. A cela s’ajoutait la conscience claire d’une identité particulière et la conviction rassurante d’être mentalement accordé aux miens par une similitude de traits. Mais au-delà de ces perceptions, je réalisais que je devais à mon appartenance juive deux caractéristiques qui me sont apparues essentielles tout au long d’une existence assez éprouvante. Du fait de ma judéité, je me sentais tout d’abord libéré des préjugés qui pouvaient gêner les autres dans l’exercice de leur intelligence. Et, pour cette même raison, j’étais spontanément incliné à joindre l’Opposition et à me passer de l’assentiment d’une ’majorité grégaire’ ".

Le héraut du nouveau schéol

En présentant une nouvelle version du classique de Freud, Ruth Ginzburg a semble-t-il commis une erreur en modifiant le titre donné précédemment par un autre traducteur israélien, à savoir, L’interprétation des rêves. La traduction plus littérale que propose Ginzburg pour le titre original, Die Traumdeutung : Le commentaire du rêve, ne rend pas compte, comme le faisait le titre précédent, du projet grandiose dont Freud traçait les grandes lignes dans cette œuvre maîtresse. En effet, il n’envisageait pas seulement d’enseigner la façon de commenter un songe mais de sensibiliser, à la manière d’un héraut, la pensée occidentale au monde des rêves. A partir de données existentielles et culturelles, il se proposait de faire accéder la conscience à une perspective jusqu’alors inconnue où elle pourrait découvrir, dans les visions de l’état onirique, des possibilités nouvelles de signification et de discernement.

De son côté, la première version du titre : L’interprétation des rêves ne faisait probablement pas justice au caractère restrictif du titre original où la réserve apparente était probablement due à la tension que la judéité de Freud lui faisait ressentir vis à vis du monde européen. Il reste que la nouvelle traduction de l’œuvre reflète dans son ensemble l’impression de ’révélation’ dont elle est prégnante. Freud assume à vrai dire un rôle quasi messianique dans cette recherche où le bénéficiaire du salut n’est plus simplement le peuple juif mais l’être humain tributaire de la culture occidentale. Même si avec le temps, la voix salvatrice semble se faire hésitante, il n’en reste pas moins que cette étude a contribué à fixer de nouvelles frontières à l’idée que l’on se faisait de la condition humaine.

Tout en étant devenue une tradition influente qui, dans le monde entier, a pénétré tous les secteurs de la pensée et de la créativité en revêtant parfois des formes bien diverses, la psychanalyse a pourtant dû répondre bien souvent aux attaques de ses critiques. Aussi est-il bon de considérer la date de parution de son étude car Freud voyait une correspondance entre celle-ci et l’aube du 20eme siècle - bien que sa diffusion fût quelque peu antérieure - pour constater à quel point ce moment initial est lourd de signification. La révolution de la psychanalyse se trouve en effet à l’état de germe dans cette étude séminale.

Il n’est pas sans intérêt de souligner, spécialement dans le milieu où nous vivons, la visée messianique de Freud dans Le commentaire du rêve. L’auteur fait du reste clairement allusion à cette préoccupation dans le motto de l’œuvre qu’il emprunte à l’Enéide de Virgile : Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo, "Si je ne puis infléchir les forces d’en haut, j’ébranlerai le Schéol."

Dans l’introduction à sa propre traduction, Ruth Ginsburg écrit à ce sujet : ’Dans Le commentaire du rêve, Freud assume le rôle du guide qui mène le lecteur dans les sentiers obscurs de la forêt à l’instar de Virgile qui conduit Enée à la recherche de son père. Freud invite ainsi le lecteur à l’accompagner dans ce parcours périlleux à l’intérieur du schéol inférieur de la conscience pour le suivre dans des rêves à partir desquels il pourra interpréter ceux des autres. Comme s’il contestait la volonté divine, il l’invite à jeter les yeux sur un abîme qui n’est pas l’enfer chrétien de Dante mais le schéol païen, avant de prendre le chemin ardu qui mène à l’inconnu. Là, il découvrira l’intensité des désirs qui sollicitent une âme capable de surmonter, malgré tout, leurs effets destructeurs.

L’intuition fondamentale du Commentaire voit dans le rêve une expérience qui ne sait pas exactement ce qu’elle recouvre, aussi doit-on l’interpréter pour faire ressortir la vérité qui s’y cache. A cela s’ajoute que le rêve est l’expression énigmatique d’un processus psychique où le songe apparaît comme un message codé d’où l’on peut éventuellement tirer une signification précise. L’intellect l’a pour ainsi dire conçu comme un texte sténographié en attendant que le commentaire en fasse une lettre explicite. En fait, Freud présente le contenu et l’expression du rêve comme deux versions du même sujet qui seraient présentées en deux langues différentes. Selon ses propres mots, le contenu du rêve se reflète dans des images qui ont revêtu une autre forme. Il suffit donc d’apprendre les règles de cette composition pour progresser de la source cachée vers le langage clair de l’interprétation.

Ginsburg insiste sur le lien étroit qui existe d’une part entre l’expérience de la mort du père de Freud et la composition de son œuvre et d’autre part, entre la figure du père disparu et celle que présente l’ancienne épopée. Ce faisant, elle se situe dans le sillage de l’interprétation si éclairante que propose le critique littéraire, Jean Starobinsky à ce sujet. Le commentateur suisse discerne chez Freud une référence claire au monde de l’Enéide ou, plus précisément, une analogie profonde entre la double composante du monde de l’Enéide avec son schéol secret où l’on peut avancer très loin sur le chemin de la connaissance et la composante cachée que Freud discerne dans les recès de l’âme humaine.

Il me semble que le développement de ce thème met en relief l’intérêt manifeste que ’l’héritage de l’Odyssée’ a suscité en Occident tout au long de son histoire. Freud considérait son œuvre comme une découverte du schéol de l’âme et de la culture sans oublier que la première approche du schéol avait été la marche d’Odyssée vers ce monde terrifiant. On constate que depuis l’ancienne épopée grecque, toute la culture occidentale a en effet cherché à s’exprimer dans une suite d’œuvres inspirées de l’Odyssée dont elles prétendent assumer grosso modo l’héritage. Ainsi est apparue ’une suite d’Odyssées’ dont les plus connues sont l’Enéide latine, La divine comédie de Dante, Le paradis perdu de Milton, Faust de Goethe et Ulysse de Joyce où l’on peut trouver d’une façon ou d’une autre l’analyse du même processus. Il s’agit là d’une progression suivie où chaque apport nouveau n’est pas sans rappeler ceux qui l’ont précédé.

Dans Le commentaire du rêve, Freud précise la place de Dante par rapport à Virgile avant d’envisager le schéol primitif à la lumière d’une nouvelle interprétation. Ce faisant, il assume le rôle de l’auteur de l’Enéide comme Dante l’avait fait lui-même dans La divine comédie. En découvrant le secret du monde divin, Virgile est devenu la source d’inspiration’ de la tradition ésotérique de l’Occident. Freud s’y sent très à l’aise car il est bien conscient de jouer aussi le rôle d’un héraut qui annonce un changement radical dans la saisie de l’humain. Aussi, loin de se conformer tout simplement dans Le commentaire du rêve aux critères d’une recherche scientifique, cherche-t-il plutôt à situer sa vision dans la lignée de ceux qui ont contribué à informer le type particulier du caractère occidental dans leurs travaux inspirés ou pour reprendre l’expression de Goethe dans leurs ’œuvres démoniques’.

On notera que la judéité de Freud est loin d’être un facteur accessoire dans cette entreprise. Virgile - selon Dante et la chrétienté tout entière - est ni plus ni moins l’annonciateur païen du christianisme. On ne saurait donc s’étonner que pour prendre le contre-pied de cette assertion, Freud révèle, dans un texte demeuré célèbre, une sympathie manifeste pour Hannibal, ’le sémite’ qui rappelle ’l’entêtement juif face à Rome qu’une tradition bien établie assimile à ’l’Eglise chrétienne".

"Hannibal", fait-il remarquer dans un passage du Commentaire, "était le héros de ma jeunesse depuis le temps où nous avions étudié le déroulement des guerres puniques au gymnase. A l’instar de beaucoup de jeunes de mon âge, ma sympathie allait aux carthaginois de préférence aux romains. Une fois parvenu aux cours supérieurs, je commençai enfin à saisir les implications de l’appartenance à une race étrangère et comme les sentiments antisémites de mes compagnons ne m’engageaient nullement à manifester publiquement mes sentiments, le prestige du chef sémite augmenta d’autant plus à mes yeux. Hannibal et Rome symbolisaient pour l’enfant que j’étais l’opposition entre l’obstination juive et la présence imposante de l’Eglise catholique. Avec le temps, l’influence exercée par les mouvements antisémites sur notre vie culturelle m’incita à préciser davantage les pensées et les impressions qui me venaient de cette époque reculée."

Cette attitude le mena, dans la logique d’une pensée qu’il allait expliciter tout au long de son œuvre, à rappeler l’incident où son père fut humilié par un chrétien. Il nota à ce sujet : "Maintenant seulement, je me souviens d’un fait oublié de mon enfance mais dont l’influence allait pourtant marquer ma sensibilité de façon indélébile. J’avais pris l’habitude, vers l’âge de douze ans, d’accompagner mon père au cours de promenades où il me faisait part de certains aspects de sa vision du monde. Voulant un jour illustrer à quel point mon époque était moins éprouvante que celle de sa jeunesse, il me raconta le fait suivant :

Un jour que, jeune encore, je me promenais dans ta ville natale en tenue de sortie, coiffé d’une toque de fourrure, un chrétien soudain s’approcha de moi et jeta mon couvre-chef dans la boue en m’interpellant d’un ton menaçant : ’Petit juif, descends du trottoir !’ Qu’ai-je alors fait ? me demanderas-tu. Eh bien, je suis descendu sur la chaussée pour ramasser mon chapeau ! Telle fut sa réaction prudente. Cette conduite ne me semblait pas glorieuse de la part de l’homme imposant qui donnait la main à son enfant. Je ne pouvais m’empêcher de comparer ce comportement que je trouvais peu exemplaire à un autre qui au contraire répondait parfaitement à mes aspirations. En effet, me revenait toujours à l’esprit la scène où Hamilcar Barca, le père d’Hannibal, fit jurer son fils sur l’autel domestique d’exercer sa vengeance sur les romains. Il n’en fallut pas davantage pour faire du vainqueur de Trasimène le héros qui allait enflammer à tout jamais mon imagination."

Pour l’homme moderne, le Virgile du schéol intérieur, apparaît sous les traits d’un juif bien conscient de s’adresser à la chrétienté. On trouve dans cette attitude bien plus que le dédommagement d’une expérience humiliante subie par le père. Il s’agit foncièrement d’une compensation théologique au sens large où Font voit un juif modifier complètement l’idée que l’on se faisait du schéol en le dissociant à la fois du contexte païen ou chrétien auquel on était habitué pour le situer finalement dans la sphère de l’humain.

Ariel Hirshfeld Extraits de HaAretz 14.12.07, Trad. I.C.

 

Yohanan Elihaï

Chant du mois : Bab el-Wad

En écho à notre page d’histoire sur la guerre pour Jérusalem en 1948, nous vous proposons un chant composé par l’écrivain Haïm Gouri qui raconte poétiquement comment les convois israéliens ont pu réussir « une percée vers la ville » à partir de Bab el-wad, connu également en hébreu sous le nom de Shaar HaGaï.

par Har’el Skaat

Paroles : Haim Gouri

Musique : Shemuel Pershko

 


"Ici je passe frôlant la pierre

Route d’asphalte noire, rochers et crêtes

Lentement tombe le soir, brise de mer,

Première étoile sur le village de Beit Mahsir (1)

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Ici déferlèrent au soleil plomb et bitume,

Ici passèrent des nuits de feu et de poignards,

Ici se côtoient la grandeur et la tristesse,

Blindé calciné avec le nom d’un Inconnu.

Bab el-Wad A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Et je marche ici, sans un mot, sans un bruit,

Et je me les rappelle, un par un,

Ici nous avons lutté sur les pics, la rocaille,

Ici nous étions, telle une famille, ensemble,

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère.

Viendra un jour de printemps,

Les cyclamens s’ouvriront,

Et la rouge anémone sur le flanc des montagnes,

Celui qui suivra ce chemin qui fut le nôtre,

Qu’il ne nous oublie pas, et nous et Bab el-Wad..

Bab el-Wad, A jamais souviens-toi de nos noms :

Les convois qui firent une percée vers la Ville,

Tout le long du chemin, gisent nos compagnons,

Silence des ferrailles, silence de mon frère."


 

(1) village arabe

Lire les paroles en hébreu


Et l’humour en finale...

Au Mur avec mon portable...