N° 9 – Juillet 2003
Sommaire :
-Editorial
-Israël, Etat illégitime ?
-Représailles ? Vengeances ?
-Page d’Histoire : les premières années d’Israël
-A propos d’une table ronde
-Statistiques et réalité
-Flashes d’espoir
-Chant du mois
-Humour en finale
-Infos pratiques
Editorial
« Nous avons gagné, l’Intifada est terminée » a déclaré il y a quelques jours Bougi Ayalon, le chef d’Etat major israélien. De son côté, Mohamed Dahlan, le ministre palestinien de la sécurité intérieure s’est lui aussi empressé d’affirmer que l’Intifada avait trépassé. Au ministère de la Défense, la petite phrase de Ayalon ‘nous avons gagné’ fut accueillie avec stupéfaction et colère.
Chacun des deux protagonistes peut crier victoire toute la question reste de savoir sur qui, sur quoi et comment ? Le bilan est loin d’être glorieux et il eut été plus heureux de dire : « nous avons tous perdu. »
La relance du processus de paix est une chance pour les hommes de notre région. Abou Mazen et Ariel Sharon ont démontré qu’ils avaient une réelle volonté d’avancer et d’arriver à une véritable négociation. Toute la question est de savoir si, dans ce Proche-Orient tumultueux, ce sont les leaders politiques qui dirigent ou si les groupes extrémistes sont ceux qui dictent la paix ou la guerre. Le cessez-le-feu est fragile et ne peut être que transitoire. Dahlan ne peut pas prendre le risque d’une guerre civile en désarmant le Hamas et le Jihad islamique mais si le calme et les gestes de bonne volonté se poursuivaient pendant quelques mois, le camp d’Abou Mazen pourrait se renforcer et arriver peu à peu à imposer sa loi dans la rue palestinienne.
Pour Sharon, plus le processus de paix avancera plus les difficultés avec la droite nationale augmenteront. « Le vieux loup » ne le sait que trop bien et en bon stratège, il prépare ses ministres avant de faire un pas de plus en avant. Mais jusqu’à quand réussira-t-il ? Si l’aile droite venait à quitter la coalition, Shimon Pérès serait encore là pour le soutenir, lui qui vient d’être élu pour une durée limitée d’un an à la tête du parti travailliste. Sharon aussi avait été élu à la tête du Likoud par intérim, il en devint Premier ministre. Ce ‘phénomène’ de la politique israélienne qu’est Shimon Pérès pourrait bien avoir encore de l’avenir…. Sharon avait dit, il y a quelques mois à son vieux rival en parlant de leur succès respectif dans les sondages : « c’est parce qu’on est vieux, qu’ils nous aiment. »
Dans ce numéro d’été, il n’y a pas de dossiers mais quelques articles qui nous l’espérons seront un écho fidèle de ce que nous vivons. Nous vous souhaitons à tous de bonnes vacances.
Jean-Marie Allafort
israël, état illégitime ?
Il y a quelques semaines, j’ai reçu par voie électronique le texte d’une pétition pour laquelle on sollicitait ma signature. Dans le formulaire à remplir en cliquant sur quelques boutons virtuels, le signataire devait indiquer son pays de résidence, en cochant le nom d’un État dans une liste à faire défiler à l’écran. Malheureusement, Israël ne figurait pas dans la liste. Je n’ai donc pas signé la pétition.
Peu après, j’ai eu l’occasion de lire dans une revue catholique un article remettant en question la légitimité de l’existence même de l’État d’Israël. On relève dans ce texte un certain nombre d’assertions dont ce document n’a pas le monopole, et qui traduisent au contraire des opinions largement répandues aujourd’hui, et de plus en plus explicitement exprimées.
« À l’époque contemporaine », peut-on lire dans cet article, « des juifs ont voulu recouvrer leur terre en faisant valoir leurs droits à la propriété de la Terre promise occupée depuis des siècles par d’autres peuples. C’est cette revendication qui est à l’origine de l’État d’Israël et des inextricables difficultés politiques de la Terre Sainte. Pour recouvrer leur terre, les Israéliens n’ont pas hésité à faire la guerre et à en chasser les occupants légitimes. »
À quel épisode historique est-il fait ici allusion ? Les premiers Juifs à venir s’installer sur cette terre à l’époque moderne et contemporaine, que ce soit après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 ou à partir de la première alya en 1882, n’étaient pas des « Israéliens ». Ceux d’entre eux qui sont venus, pour des raisons religieuses, s’établir à Safed, Tibériade, Hébron ou ce qui allait devenir Mea Shearim, au cours des cinq derniers siècles, ne s’y sont pas implantés par la force des armes, et les immigrants, laïcs pour beaucoup d’entre eux, venus par vagues successives à partir de la fin du XIXème siècle n’ont pas cherché à reprendre la Palestine aux Turcs au moyen d’un débarquement armé !
Les premiers « Israéliens » sont nés en 1948, avec l’État d’Israël. C’est une décision de l’O.N.U. qui a créé cet État, et cette décision a été rendue possible par l’existence d’une importante population juive dans ce qui était devenu la Palestine britannique après avoir été la Palestine ottomane. Ajoutons qu’un certain nombre des « victimes malheureuses du Sionisme » — pour reprendre une formule de cet article — n’habitaient cette région que depuis quelques années, quelques décennies au plus, puisque des Arabes des régions voisines étaient venus s’établir en Cisjordanie à la suite de la déclaration Balfour, escomptant que la présence conjointe des Britanniques et des Juifs provoquerait un développement économique de la région.
Que la guerre d’indépendance, en 1948, ait été l’occasion de nombreux drames pour la population locale et la cause d’un exode arabe massif, il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour le nier. Encore faut-il rappeler que cette guerre a été déclarée par les pays arabes voisins, à la suite de leur refus de reconnaître la décision de l’O.N.U.
Lors de la guerre de 1967, la seule qui ait présenté des caractéristiques d’une guerre de conquête, même si elle n’a pas été provoquée par Israël, les Israéliens n’ont pas chassé « les occupants légitimes » de la Cisjordanie ni de la bande de Gaza, qui se sont plutôt bien accomodés de cette nouvelle occupation, au moins pendant les premières années, après avoir subi celle des Jordaniens et des Égyptiens. La multiplication des implantations, notamment à partir de l’accès du Likoud au pouvoir dix ans plus tard, l’immobilisme de plusieurs gouvernements israéliens, les effets d’un système électoral qui interdit en Israël l’émergence d’une véritable majorité parlementaire, sans oublier l’inaptitude des dirigeants palestiniens à saisir certaines occasions historiques, ont conduit à la situation dans laquelle on est aujourd’hui enlisé, mais, redisons-le, il n’y a pas eu d’expulsion massive de la population des territoires.
« Nous ne pouvons admettre l’existence d’un État fondé sur l’exclusion d’un autre peuple », peut-on lire en conclusion de cet article. La formule est mise en évidence par la revue, qui en a tiré le sous-titre en caractères gras : « Un État ne peut fonder son existence sur l’exclusion d’un peuple. ». Affirmation générale à laquelle il est impossible de ne pas souscrire, et qu’approuverait sans aucun doute l’immense majorité des Israéliens. Malheureusement, la formule laisse entendre que « l’exclusion d’un autre peuple » (quel est exactement le sens du mot « exclusion » dans ce contexte ?) serait le fondement de l’État d’Israël et serait donc impliquée comme une condition nécessaire dans l’existence même de cet État. L’État d’Israël, en somme, serait par nature et nécessairement illégitime.
Quel que soit le jugement que l’on puisse ou doive porter sur la politique de son gouvernement, l’État d’Israël tient sa légitimité internationale d’une décision de l’Organisation des Nations Unies. Sauf erreur, jamais cette organisation n’a déclaré illégitime l’existence d’un de ses membres, même de ceux qui se sont bel et bien fondés sur l’élimination de populations locales, commes les Etats-Unis et l’Australie. Jamais non plus le Saint-Siège, qui entretient depuis 1993 des relations diplomatiques avec l’État d’Israël, n’a remis en question cette reconnaissance. Et si l’existence d’Israël est illégitime, pourquoi avoir attendu plus de cinquante ans pour s’en rendre compte et la dénoncer ?
De nos jours, nous dit-on, des juifs auraient voulu recouvrer la Terre promise, sans hésiter à faire la guerre pour en chasser les occupants légitimes. Pour pouvoir conclure à l’illégitimité de l’État d’Israël, ce type de discours veut passer directement de la Bible à l’actualité politique en négligeant totalement les réalités historiques. Paradoxalement, il tombe du même coup dans le fondamentalisme qu’il semble reprocher aux Juifs.
On ne fait rien avancer en remplaçant l’histoire par des mythes. La réalité n’est pas simple, et la route de la paix passe nécessairement par la prise en compte de sa complexité.
M.R.
Post-scriptum
Le 12 juin dernier, j’ai trouvé dans ma boîte postale un hebdomadaire français auquel je suis abonné. Sur l’enveloppe de la revue, du même côté que l’adresse, figurait cette inscription manuscrite au crayon à bille :
“Les juifs sont Bannis par dieu, l’enfer les attends” (sic)
Et en dessous, en capitales d’un centimètre de haut, d’une autre écriture d’une autre plume :
“HI - HITLER”, ainsi que le dessin d’une croix gammée.
J’imagine que la formule HI - HITLER est la transcription maladroite de “Heil Hitler”.
Comme il est hautement invraisemblable que ces mots aient été écrits en Israël, il faut conclure cet acte a été commis entre le moment où la revue a été mise sous enveloppe et celui où elle a quitté la France. J’ai donc informé la revue immédiatement par un message électronique, puis par une lettre recommandée adressée au directeur. J’ai alerté aussi le directeur de la poste.
Dans le magasin où je suis allé faire photocopier cette enveloppe, certains clients ont exprimé leur indignation, d’autre ont déclaré avoir déjà entendu parler de faits de ce genre.
Si nous pensions que le courrier confié à la poste était en sécurité, nous voilà fixés.
Encore “un écho” de la vie en Israël.
Représailles ? Vengeances ?
Souvent dans les temps ‘chauds’ on entend, venant des gens de l’étranger, les propos suivants : « Quand auront-ils fini cette ‘petite guerre’ ? L’un tue, l’autre tue. L’un fait sauter un autobus, l’autre envoie des missiles sur la population : « vous avez fait le mal, on va faire le mal. » Chacun se venge. »
Mais s’agit-il vraiment de vengeance ? De représailles ?
Il me semble que, sans justifier personne, il faut avoir l’honnêteté de regarder de plus près pour découvrir que ce n’est justement pas du ‘coup pour coup’ mais que les buts poursuivis par chacun des antagonistes sont différents. Les chefs du Hamas ne le cachent pas : « notre but est de tuer des hommes, des femmes et des enfants pour chasser jusqu’au dernier sioniste de cette terre. »
Les autorités militaires israéliennes et Tsahal disent quant à eux : « notre but est d’éradiquer le terrorisme pour protéger la population. »
La raison d’être des tirs par hélicoptères sur des véhicules ou des maisons est ‘d’éliminer’ les têtes des mouvements terroristes, de déjouer ainsi leurs projets.
Quand ces jours-ci, l’armée a ainsi tué le leader du Hamas Kawasmeh. Il s’agissait de neutraliser l’homme qui avait sur la conscience 5 attentats, dont celui récent contre l’autobus de Jérusalem avec 17 morts (et tous les blessés), l’homme qui continuait de préparer des attentats semblables pour les jours prochains. Donc protéger les citoyens contre le meurtre aveugle, et non taper simplement pour faire souffrir l’autre, en représailles. Il y a parfois, hélas, des cas de vengeance comme celui dont nous parlions dans le numéro 8 : ces quatre soldats frappant au hasard des innocents. Arrêtés, ils passent en jugement.
Chacun a donc un objectif bien précis. Même si parfois (trop souvent) Tsahal tue, en plus du chef visé, sa famille ou ses voisins (et c’est dramatique), il n’en reste pas moins que ce n’est pas ‘pour se venger’.
Même sans ‘action militaire’ de la part d’Israël, le Hamas continuerait à envoyer des kamikazes pour atteindre son but qui n’est pas la paix.
On peut bien sûr remettre en question les méthodes employées par Tsahal pour ‘éliminer’ le Hamas ou autre mouvement extrémiste et diminuer ainsi les attentats suicides…Mais ne confondons pas les buts.
Antoinette Brémond
Page d’Histoire :
Les 8 premières années de l’Etat d’Israël.
Dès septembre 1948, les ambassades des Etats Unis et de l’Union soviétique s’installent à Tel Aviv et les passants, pas encore habitués à ce que les deux plus grandes nations du monde aient reconnu leur jeune Etat, sont plein de fierté. Peu à peu de nombreux pays le reconnaissent et le 11 mai 1949, malgré la grande opposition des pays Arabes, Israël devient le 59ème pays membre des Nations Unis.
Il y avait de grandes priorités et les tâches intérieures étaient immenses : au cours des 4 premiers mois de son existence, 50 000 immigrants arrivent sur le territoire et dès septembre 1948 jusqu’en octobre 1951, c’est une vraie marrée qui déferle. En 4 ans, 650 000 juifs ont eu à accueillir 680 000 nouveaux immigrants : les rescapées de la Shoah, 50 000 Yéménites, 130 000 Irakiens, des Roumains, Polonais, Turcs, Bulgares, Yougoslaves etc… Où loger tout ce monde ? On construit des camps de tentes et de baraquements autour des villes et en dehors. Puis ce sont les ‘maabarots’ (camps de transit) où l’immigrant doit essayer de trouver un travail. L’Etat organise les services publics : cliniques, dispensaires, écoles, bureaux de placement. 250 000 personnes y sont regroupées et l’hiver 1950 emporte plusieurs tentes dans les pluies torrentielles. La misère matérielle est atténuée par l’enthousiasme spirituel à cette époque, et à l’étranger d’innombrables organismes de soutien financier vont naître, tel que ‘l’appel juif unifié’, pour soutenir l’effort qu’accomplissait cette nation pour renaître de ses cendres.
En 40 mois, Israël fabrique 78000 logements et crée 345 nouveaux villages et kibboutzim.
Pour éviter la catastrophe économique, un strict régime d’austérité est institué dès avril 1949. Exemple de ration journalière : pain illimité, 60 gr de maïs, 58 gr de margarine, 8 gr de pâtes, 200 gr de fromage frais, 600 gr d’oignons et 5 gr de biscuits. La ration de fromage était de 75 gr par mois.
En même temps, l’éducation obligatoire jusqu’à 14 ans est promulguée le 22 juin 1949.
Le 7 août, la ligne de chemin de fer vers Jérusalem est réouverte. Le 7 septembre, l’impôt sur le revenu est institué ; en novembre de la même année, une campagne de vaccination a lieu contre la tuberculose. En novembre, 3000 vaches sont importées d’Amérique pour améliorer la qualité du lait.
En 1950, la radio de l’armée commence à émettre au mois de mai. Le 4 juillet, la Knesset adopte la ‘loi du retour’. Le 28 octobre, c’est l’ouverture des premiers jeux ‘Maccabiades’ en Israël, ouverts à tous les athlètes juifs du monde.
L’année 1951 sera marquée par une lettre du gouvernement israélien aux pays occidentaux, demandant réparation aux Allemands pour les 6 millions de morts. Des émeutes éclatent en Israël entre partisans et opposants. L’accord sera signé le 10 septembre 1952 à Luxembourg. L’Etat avait un extrême besoin d’aide, mais l’événement laissera des traces dans les esprits.
En mai 1952, première promotion de docteurs en médecine à l’Université Hébraïque de Jérusalem.
Le 19 juillet Israël participe pour la première fois aux Jeux olympiques à Helsinki.
Le 26 octobre de nombreux habitants des ‘maabarot’ manifestent, voulant être transférés dans de ‘vraies habitations’. La Bulgarie commande 30 000 paires de bonnes chaussures en échange d’une cargaison d’oignons.
L’année 1953 est marquée par la rupture des liens entre Israël et l’URSS qui accuse les Juifs de trahison et encourage l’antisémitisme. Un attentat à Tel Aviv contre l’ambassade soviétique provoque la rupture le 13 février.
Le 20 avril, cinquième anniversaire de l’Indépendance selon le calendrier hébraïque, ‘les prix d’Israël’ sont remis pour la première fois pour récompenser l’excellence en sciences, art et littérature.
En octobre de la même année, le président Eisenhower essaye de faire parvenir Israël et ses voisins à des accords. Un projet de distribution des ressources hydrauliques du bassin du Jourdain est publié. Les deux parties ne l’accepteront pas.
En décembre, construction de la première fabrique de papier.
Des infiltrations de terroristes venant de Jordanie s’attaquent à des civils : depuis 1948, 124 civils ont trouvé la mort. L’unité 101 de l’armée israélienne est fondée par Moshé Dayan : elle est chargée d’effectuer des missions de représailles au-delà des lignes ennemies. La plus importante aura lieu au village de Kibyeh et fera 69 morts arabes.
En décembre, Ben Gourion démissionne et s’installe à Sdé Boker, il est remplacé par Moshe Sharett.
Le 24 décembre, l’Egypte intercepte 2000 tonnes de vêtements destinés à Israël sur un bateau norvégien.
L’année 1954 débuta par un vote soviétique au conseil de sécurité rejetant la résolution qui aurait permis la reprise des travaux d’irrigation dans la zone démilitarisée de Benot Yaakov. Israël se fait à l’idée que le Conseil de sécurité, en tant que Cour d’appel, lui sera fermé.
Le changement d’attitude de l’URSS reflète le désir de renforcer la guerre froide : appuyer le vaste monde arabe est plus intéressant et pourrait détacher les Arabes de l’Occident. Les Arabes, encouragés par cette attitude soviétique multiplient les attaques à partir de la Jordanie et de l’Egypte. En 6 mois, quarante escarmouches venant de Gaza et 27 violations du territoire sont enregistrées.
En juillet, début de ‘L’affaire’ des espions juifs en Egypte qui commettent des actes terroristes au Caire et à Alexandrie. Cette affaire provoque une grave crise politique et la démission du ministre de la Défense Pinhas Lavon.
Début septembre, c’est le début de la vague d’immigration du Maroc qui est secoué par sa recherche d’indépendance. En novembre, graves inondations autour de Tel Aviv.
Le 1er décembre, ouverture de la Banque d’Israël.
1955. En mars, découverte du Palais d’Hérode dans les fouilles de Massada.
Fondation des premiers villages dans le Néguev où sont envoyés les immigrants d’Afrique du Nord.
En mai, la première ligne téléphonique directe est établie entre Tel Aviv, Haïfa et Jérusalem.
Au milieu de l’année, des divergences entre Ben Gourion et Moshe Sharett amènent à la démission du gouvernement.
Tsahal dévoile sa nouvelle mitraillette : Ouzi.
Aménagement du Yarkon, rivière de Tel Aviv.
On commence les travaux pour amener l’eau du lac de Tibériade jusqu’au Néguev.
La fin de l’année 1955 et la première moitié de 1956 sont très dures pour Israël : les incidents se multiplient sur les frontières d’Egypte, de Jordanie et de Syrie et les représailles n’ont pas l’effet escompté.
Les grandes puissances cherchent à apaiser les Arabes mais le déséquilibre entre les forces armées inquiètent Israël. Les USA tentent de se rapprocher de l’Egypte mais ils ne peuvent rivaliser avec Moscou sans mettre en danger Israël. Les Egyptiens comptaient sur l’argent de la Banque Mondiale pour la construction du barrage d’Assouan mais Nasser s’aligne depuis la conférence de Bandoeuf sur les Soviétiques et lie même des relations avec la Chine communiste, ce que les USA ne peuvent accepter. Aussi le Congrès américain s’oppose au déblocage des crédits de la Banque Mondiale demandé par Nasser.
Aussi le 26 juillet, le leader égyptien porte un coup spectaculaire au monde occidental en annonçant la nationalisation du Canal de Suez, récupérant ainsi les 100 millions de dollars annuels pour financer le barrage d’Assouan.
La France et l’Angleterre qui jusque là contrôlaient la voie d’eau internationale vont se concerter.
Cécile Pileverdier
Témoignage :
A propos d’une table ronde :
Le sujet : l’ombre qui accompagne nos vies. Pourquoi nous ‘atteler’ à la Shoah ?
Les orateurs : des écrivains, des artistes, israéliens enfants ou petits enfants des rescapés de la Shoah et le Père Emile Shoufani.
La présentatrice : Bambi Sheleg, directrice de la revue ‘une terre autre’ et qui avait participé au voyage à Auschwitz avec le Père Shoufani.
Le lieu : le théâtre Hakhan à Jérusalem.
L’écrivain Amir Godfroid, 40 ans, raconte combien il était à l’aise dans sa peau de jeune sabra (né en Israël). Ses sujets préférés : la mer, la nature, les filles. Toute cette aisance dans la vie…jusqu’au jour où il accompagne son père rescapé de la Shoah, visiter les camps d’extermination en Pologne. Là-bas, son père lui dit qu’il avait 8 oncles et tantes du côté paternel et 12 du côté maternel. Aucun n’est revenu. C’était la première fois que son père parlait de sa famille disparue. Un choc incroyable pour ce jeune homme israélien qui découvre tout un monde familial disparu dans la Shoah. Et le feu brûle. Il cherche à connaître chaque personne…il écrit… il écrit. C’est plus fort que lui, indépendant de sa volonté et ‘il en sort’ un livre de 400 pages en hébreu (ce qui veut dire en français le double). Ce livre est, comme il le dit ‘plein de Shoah’. D’où le titre : ‘Notre Shoah’ ou ‘la Shoah, la nôtre’, à nous qui n’avons pas vécu la Shoah, mais qui la vivons comme enfants et petits enfants de ceux qui l’ont vécu.
Amir Godfroid dit en riant qu’il a des voisins séfarades et quand ils se rencontrent, dans la cage d’escalier, les séfarades vont à un mariage, une bar-mitsva ou une circoncision et eux, les ashkénazes vont à un enterrement ou au dispensaire. Caricature ? Oui, mais comme un croquis de la réalité. Amir apparaît toujours aussi décontracté mais il avoue qu’à la naissance de sa première fille, il a eu peur, peur pour elle, qu’on ne la détruise.
Cette Shoah vécue aujourd’hui est une ‘fournaise’, selon son expression et il ne faut pas essayer de l’éteindre comme le font beaucoup d’Israéliens qui le jour de la Shoah ‘fuient’ en dévalisant les boutiques de vidéo pour ne pas regarder la télévision qui consacre ses programmes à la Shoah. Pour lui maintenant, ce ‘four’ doit brûler non par masochisme mais pour être plus homme. C’était bien en effet le leitmotiv de cette soirée.
Rubik Rosenthal, écrivain et journaliste, d’une famille juive allemande communiste : ces juifs allemands, nous dit-il, étaient fiers d’être allemands et fiers d’être juifs. Ils auraient été les derniers à émigrer en Palestine tant ils étaient assimilés. Cela avant la deuxième guerre mondiale… Lorsque son jeune frère, dans les années 60, ‘monte’ en Israël, le grand-père lui écrit une lettre pleine d’enthousiasme sioniste. Le petit-fils lui répond que la réalité sur le terrain est loin de l’idéal sioniste. Ce jeune frère a été tué à la guerre de Kippour et Rubik dit : « pour moi, ce fut la Shoah. » Et son questionnement : comment rester homme et ne pas détruire l’homme en l’autre et en moi ? C’est toujours cette fournaise notre Shoah qui brûle non pour être encore ‘victimes d’Hitler’, mais pour être ‘otages de l’autre’ selon l’expression de Lévinas, compatir, vivre la souffrance, la mort de l’autre.
Le Père Shoufani dont le projet ‘de la mémoire de la paix’ s’est réalisé en partie à Auschwitz, avait bien sa place ici comme se souvenant, écoutant encore… A Auschwitz, disait-il, nous avons compati, pleuré, juifs, arabes, chrétiens, comme un seul homme. C’était le drame de chacun, cette destruction de l’homme par l’homme. Aujourd’hui en Israël, notre travail est de reconnaître en l’autre, comme en nous-mêmes, l’image de Dieu.
Nous étions vraiment, cette soirée là, dans une ‘terre autre’ où chacun veut vivre autrement parce qu’il se souvient.
A la fin de la soirée, Ora Witner chanta en yiddish, en ladino et en hébreu des chants d’espérance composés ou chantés dans les camps. Il y a quelques années, ayant décidé de chanter en yiddish, elle a voulu l’apprendre. Mais en fait, le chant en yiddish sortait de sa bouche tout naturellement, sans apprentissage : ses parents parlaient yiddish entre eux pour ne pas être compris des enfants…
‘La terre fleurit, la moisson au-delà des barrières mûrit. Juifs et chrétiens nous moissonnerons ensemble.’ Ce dernier chant, chanté par Ora en yiddish puis en hébreu, avait été composé dans le camp de Pithiviers. Les prisonniers imaginaient les champs en fleurs autour du camp et chantaient déjà une ‘terre autre’. Et nous ave eux ce soir-là le 19 juin 2003 à Jérusalem.
Suzanne Millet
Statistiques et réalité
Cette fois-ci nous nous attaquons à un autre genre de piège : les statistiques et les sondages d’opinion. Combien souvent la lecture de chiffres censés décrire une situation nous donne l’impression de toucher le réel, de savoir ce que les gens pensent, gagnent, mangent. A supposer que sur les deux derniers sujets on puisse recevoir une certaine image qui ne va pas changer d’un mois à l’autre, il n’en est pas de même quant à ce que les hommes pensent. Surtout en politique, et surtout dans un pays où les événements se succèdent à une telle cadence, douches trop froides puis trop chaudes.
Il y a quelques semaines, un journal publiait des nouvelles alarmantes sur le rapport des Israéliens juifs envers les Arabes : 57 % seraient pour le transfert des Arabes.
Or ces derniers jours, nous lisons et entendons qu’une nette majorité de la population est favorable à un état palestinien, à la restitution d’une bonne partie des territoires (combien? cela aussi varie, et variera encore). Est-ce la même population qui s’exprime? Pourquoi ces différences, ces fluctuations?
Tout dépend des événements qui se sont passé la veille. Et beaucoup dépend aussi de la formulation de la question. Car elle oriente souvent la réponse, ou ne laisse pas beaucoup de possibilité de nuancer quand on doit répondre par oui ou non.
On connaît l’histoire : le grand frère doit partager avec son cadet deux morceaux de gâteau, un gros et un petit. Il demande: “Quel morceau veux-tu? Ce gros vilain morceau, ou bien le joli petit morceau?”
Il n’y a pas si longtemps, la Histadrout (le grand syndicat ouvrier) n’avait que 33 % de la confiance de la population. Récemment, après les grèves et le combat obstiné du secrétaire général Amir Peretz, 55 % de la population donne sa confiance à son vieux syndicat, en perte de vitesse ces dernières décades. Quelques semaines ont suffi à retourner l’opinion.
C’est du reste pour cela que ce genre de tableau en chiffres nous est donné si souvent par les journaux. Comme pour dire : aujourd’hui voilà ce que l’on entend. Il serait dommage de porter un jugement sur la population juive d’Israël en se référant à un sondage passager.
Rappelons aussi la période où Rabin avait fait de grands pas vers la paix, qui lui ont coûté la vie. Une grande partie de la population le suivait. Pérès, son compagnon de route, avait de grandes chances d’être élu à sa place. Malheureusement, dans la courte période qui précéda les élections. il y eut trois attentats graves : deux autobus sautèrent à Tel-Aviv et un à Jérusalem, avec le spectacle terrible de corps déchiquetés et projetés aux alentours, les deuils, les blessés graves. Le peuple traumatisé alla aux urnes, et… Benyamin Netanyahou l’emporta de justesse, avec toutes les conséquences qui ont suivi.
Néanmoins, voici un résultat récent, qui reflète l’ambiance actuelle :
— Êtes-vous d'accord avec Sharon pour dire que l'occupation est dommageable pour Israël?
Oui : 67% Non : 29% NSP (=Ne sait pas) : 4%.
— La politique des assassinats ciblés est-elle efficace pour Israël?
Oui : 33% - Oui à court terme, mais dommageable à long terme : 18%.
Ni efficace ni dommageable : 9%. - Dommageable : 38% — NSP : 2%.
En conclusion, pour mettre en garde contre la généralisation et encourager la prudence dans ce domaine, citons la réponse de Joseph Burg, l’ancien député religieux d’illustre mémoire, père d’Abraham Burg (récemment président de la Knesset) ; à la question : “Que pense l’homme de la rue ?” il répondit : “De quelle rue ?”
Flashes d’espoir
Palestiniens pour la paix
Jérusalem, le 7 juin 2003
La Campagne des peuples pour la Paix et la Démocratie a lancé aujourd'hui officiellement son action en publiant dans les influents journaux palestiniens Al-Quds, Al-Ayyam et Al-Hayya Al-Jadida le document dit du "Vote pour la Paix" - mieux connu sous le nom "d'initiative Nusseibeh-Ayalon", accompagné des signatures de quelque 800 de ses membres-fondateurs en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Le plan d'orientation, en tant que déclaration d'intentions du peuple, demande la création sur les territoires occupés par Israël en 1967 d'un Etat palestinien indépendant et démilitarisé avec Jérusalem pour capitale partagée. HASHD (Campagne des peuples pour la Paix et la Démocratie) appelle également à l'exercice du droit au retour des Palestiniens au sein de l'Etat palestinien. Ce groupe dialogue avec un groupe israélien parallèle.
Juive religieuse à Bethléem
Dans le journal Ha’aretz du 6 juin, un long article raconte l’histoire extraordinaire d’une jeune fille de milieu orthodoxe Harédi. Ce terme désigne le courant des juifs très pratiquants – de ceux que l’on appelle souvent les “ultra-orthodoxes”, à tort, car ces prétendus “ultras” sont souvent des gens délicats, et souvent plus ouverts aux Palestiniens que d’autres courants religieux.
C’est tout l’article qu’il faudrait citer, tant il reflète bien les situations, tant il est émouvant. Contentons-nous d’un bref résumé. Cette jeune fille de 28 ans, Adina Shapira, est de famille aisée, père rabbin et avocat, mère dévouée à ses six enfants. A la place du service militaire, elle a fait un service civil en enseignant le judaïsme… à Moscou. De retour en Israël, au hasard d’une rencontre elle a la possibilité d’aller enseigner l’hébreu dans une école palestinienne de Bethléem. Voici quelques passages de son témoignage :
Après hésitations (que vais-je faire là-bas, dangers, accueil…), je me suis retrouvée dans un taxi, et à l’arrivée, j’ai été très bien accueillie par le directeur. J’ai déversé mes craintes : “Je sais bien que vous n’êtes pas terroriste, mais les voisins… et que dira-t-on de ma présence ici… etc.” Mais il m’a emmenée faire le tour de l’école, et me voilà dans une classe d’enfants ! Une classe d’enfants, c’est une classe d’enfants - j’ai été séduite. […] Il m’a présenté : Voici Adina, une maîtresse juive qui vient enseigner l’hébreu. Qui veut apprendre l’hébreu ? Toutes les mains se lèvent. Un enfant du fond de la classe ajoute : “La nuit parfois, y a des soldats qui viennent en visite (c’est le mot modeste qu’ils employaient pour en parler), j’ai rien compris de ce qu’ils disaient…” Voilà, première chose, savoir l’hébreu pour comprendre ce qui vous arrive. Pour moi ce fut un choc : mes frères qui sont soldats, qui risquent leur vie, pour lesquels je me fais du soucis, voilà que pour ces enfants, ce sont ceux qui leur font peur la nuit… […]
Ma famille accueillit mon choix avec réticence, mais ne s’opposa pas. Deux conditions : prendre avec moi un téléphone portable, et ne pas raconter mes fantaisies dans notre milieu religieux. J’acceptais seulement la première condition, mais je sentais le besoin de partager mes découvertes. Mes camarades reçurent cela très mal au début, pourtant l’une d’elles conclut : Mais si tu sens que tu dois le faire, fais-le !
Comment résumer quatre pages de péripéties et de réflexions sur les sentiments des uns et des autres, son évolution, le soutien moral et financier de sa famille (car elle refusa tout salaire dans son école), ses rapports problématiques aussi bien avec la gauche israélienne qu’avec les jeunes religieux des implantations ?
Aujourd’hui 7 ans après, elle est à la tête d’un mouvement israélo-palestinien qui fait se rencontrer des enseignants des deux peuples. Dans l’ambiance actuelle, cela suppose courage, inventivité et persévérance.
[ Nous espérons faire traduire tout le texte dans le proche avenir ]. Yohanan Elihaï
Le chant du mois
Cette fois notre chanteur est Yehuda Poliker. Fils de Juifs grecs rescapés de la Shoa, il ne peut éviter d’en parler dans ses chants, même si c’est de façon poétique et allusive. D’autres de ses chants parlent tristement de la réalité actuelle de la vie humaine (Mon ombre et moi ; Tout ce que je voulais dire ; Yoram était et n’est plus - il a toujours 20 ans). En voici un, qui est d’actualité, et pour les deux peuples, alternativement :
Dors, fleurette, dors,
Dors, petite fille.
La vie, on te l’a prise,
Oh… les guerres saintes !
Des anges ont pleuré sur toi,
De leurs yeux secs.
Ton sourire, pauvrette,
On l’a enfoui dans la terre…
Comment donc à présent
Monte le silence
Après ces déchirements
Celui qui a appuyé sur la gâchette
Du sang souille son cœur.
Dans les guerres pour la justice,
Des enfants meurent aussi.
La vie, on te l’a prise
Oh… les guerres saintes !
Des anges ont pleuré sur toi,
De leurs yeux secs.
Ton rêve et ma chanson
Se tissent dans le vent,
Dors, fleurette, dors,
Dors, petite enfant.
et l’humour, pour continuer la route…
On dit que Dieu a tout créé, c’est probable. Et pourtant, certains anges racontent une épisode qui a laissé des traces au Sahara et au Néguev.
Le fait est que les anges au cours de la création dirent à Dieu :
— Tu fais de belles choses, mais… tu fais tout par toi-même ! Un bon directeur doit savoir partager le travail, et faire faire par d’autres.
— Oui, dit Dieu, je n’y avais pas pensé. Allez donc et vous aussi, créez un animal.
Les anges firent des commissions, ils se divisèrent en équipes de deux, et chaque équipe se chargea d’une partie du corps du futur animal.
Certains firent la tête, d’autres le cou, d’autres le dos, la queue, les jambes…
Puis ils se réunirent et mirent le tout ensemble, et il en sorti… le chameau.
Le chameau est le résultat d’un travail de commission.
Yohanan Elihaï
Un « écho » et non « l’écho »
Notre bulletin s’intitule « Un écho d’Israël ». C’est délibérément que nous avons choisi ce titre de préférence à « l’Echo d’Israël ». Nous voulons faire entendre un écho de la vie dans ce pays, nous ne prétendons à aucun monopole. Aussi demandons-nous instamment à ceux qui nous citent de bien vouloir respecter ce titre.
Nous ne voyons pas d’inconvénients à priori à ce que nos articles, chroniques et commentaires soient reproduits, à la triple condition :
Que nous en soyons informés au préalable.
Que la provenance de ces textes, reproduits intégralement, soit indiquée.
Que le titre du bulletin soit respecté.
Merci de votre compréhension
L’équipe de rédaction