N° 33 – Janvier/Février 2007
Echo d’Israël No 33 janvier-février 2007 Cecile Pilverdier Que nous réserve cette année 2007 qui se présente à nous ? 2006 ne nous a pas trop gâtés, si nous revoyons ce que les médias en Israël nous ont présenté tout au long de cette année. Mais en tout, il faut voir le positif. Alors, ce qui se présente de plus fort à mes yeux, ce sont les déclarations de Monsieur Ahmédinadjad et le congrès niant la « Shoa » qu’il a organisé dans son pays. Et bien oui, depuis, nous avons l’occasion, peut être plus fréquente qu’auparavant, de voir sur Arte ou TV 5 Monde, des émissions de qualité, fondées sur des documents historiques, déniant ses déclarations mensongères. Mais dommage qu’il faille en arriver là ! Nous avons souvent tendance à nous endormir, et il faut des paroles ou des faits catastrophiques pour nous réveiller. Malheureusement, ils ne manquent pas : les morts journaliers en Irak, le Darfour, au Congo les centaines de femmes systématiquement violées après l’assassinat de leurs maris, pour remplacer tel ou tel peuple, etc. Mais ouvrons nos yeux, les « flashes d’espoir » existent aussi, ils sont là devant nous. En voici quelques uns d’ici : l’hôpital d’Alyn, les gestes de paix de ce père dont le fils a été enlevé, les Israéliens qui pleurent les victimes palestiniennes de Beit Hanoun, dans la Arava, la paix concrète entre la Jordanie et Israël, etc... L’année ne fait que commencer, souhaitons qu’elle nous réserve aussi de bonnes raisons d’espérer.
Jean-Marie Allafort Le Palmah (abréviation hébraïque de « troupes de choc ») fut l’unité de combat de la Haganah durant les années précédant la création de l’Etat d’Israël (1941-1948). La Haganah (Défense en hébreu) avait été fondée en 1920 comme force de protection des communautés juives de la Palestine mandataire suite à des émeutes anti-juives à Jérusalem. Lors de la grande révolte arabe (1936 - 1939), une force spéciale du nom de « Plougot Hasadé » (troupes de campagne) est créée. En 1941, cette unité est dissoute et remplacée par le Palmah lorsqu’un nouveau danger menace la Palestine : l’arrivée en Egypte des forces nazies dirigées par Rommel. Les britanniques comme la direction du foyer national juif craignent une attaque des troupes allemandes contre la Palestine. A la demande du Royaume-Uni, le Palmah est créé le 19 mai 1941. Un accord est signé entre l’état-major de la Haganah et celui des forces britanniques. Ils décident conjointement la création de troupes juives au sein de l’armée anglaise dont la mission sera de combattre les Allemands. Le premier commandant de la Haganah, qui fut aussi l’artisan principal de sa création, fut Itzhak Sadé.
Entraînement du Palmah Les combattants du Palmah seront recrutés surtout parmi les jeunes des Kibboutz marqués par une forte pensée politique socialiste. Elle comptera dans ses rangs des personnes comme Ygal Allon (futur ministre des Affaires étrangères), Moshé Dayan (futur chef d’état major et futur ministre), Rehavam Ze’evi (futur ministre et dirigeant du parti de droite Moledet) ainsi que Yitzhak Rabin (futur chef d’état-major et Premier ministre). Les troupes du Palmah sont entraînées par les Anglais qui leur enseignent, entre autres, l’art du sabotage. La formation particulièrement poussée comprend aussi un entraînement physique intensif et une connaissance approfondie du terrain. Composé de neuf escadrons, le Palmah inclut aussi une unité formée aux opérations en mer, des unités de commandos du nom de « Peter Haas » composées de volontaires juifs originaires d’Allemagne pouvant s’infiltrer dans les lignes ennemies et enfin, des unités de parachutistes appelées « l’unité Balkan » dont Hannah Sénesh faisait partie. Ces unités parachutistes remplissaient des missions de sabotage en Europe occupée par les Nazis. La première opération du Palmah fut menée en 1941 par 23 membres commandés par un officier britannique dont la mission fut de saboter une raffinerie à Tripoli au Liban, alors sous mandat de la France de Vichy. Les traces de ce commando disparurent en mer. Jusqu’à nos jours, nous n’avons aucune information sur leur fin. Par la suite, 40 membres du Palmah rejoignirent l’armée britannique pour participer à des opérations de sabotage lors de l’invasion anglaise en Syrie et au Liban. Dans cette opération, Moshé Dayan fut blessé et perdit un œil. Beaucoup d’autres, qui formèrent le premier embryon de l’unité "arabe" du Palmah commandée alors par Ygal Allon, s’infiltrèrent au Liban et en Syrie. L’Agence juive connut des difficultés pour financer les unités du Palmah et en août 1942, il fut décidé de les intégrer au mouvement du Kibboutz Unifié. Ainsi dans chaque Kibboutz, il y aurait des jeunes soldats partageant leur temps entre les exercices militaires et les travaux agricoles (d’où l’emblème du Palmah : une épée et deux épis de blé). Lorsque en 1944, le danger d’une invasion allemande s’éloigna de la Palestine, la collaboration avec les Britanniques prit fin et le Palmah rentra dans la clandestinité. Dorénavant, ils auraient à combattre leurs instructeurs d’autrefois. Ils développèrent des techniques d’attaque en petites unités qui furent bien souvent couronnées de succès grâce à leur très bonne connaissance du terrain et à un service de renseignement performant. Les femmes comme les hommes s’entraînaient ensemble. Il y avait également des activités éducatives et culturelles. L’esprit du Palmah était basé sur une fraternité et une solidarité inconditionnelle entre les membres aussi bien dans le travail que dans le combat.
Opération de débarquement d’immigrants clandestin Le Palmah constitua une élite au sein de la Haganah. Après la seconde guerre mondiale, il joua un rôle important dans la lutte contre les autorités mandataires de plus en plus hostiles à la communauté juive de Palestine. Le Palmah organisa la libération du camp de réfugiés de Atlit au sud de Haïfa. Il multiplia les opérations de sabotage des ponts, de stations de radars, de lignes téléphoniques, de navires de patrouille de la marine britannique dont la fonction principale était d’arraisonner les bateaux d’immigrants juifs déclarés illégaux. Les opérations d’accostage des bateaux remplis d’immigrants étaient particulièrement risquées. Le Palmah fondera également des localités dont le Kibboutz Beit Keshet en 1944 sera le premier. Ils ne se contenteront pas de leur propre protection mais aussi de celle des routes qui y accèdent. Ils veilleront à leur développement économique en lien avec les autres institutions du foyer national juif. En automne 1945, Itzhak Sadé devient chef d’état-major de la Haganah qui doit dorénavant affronter le Lehi et l’Irgoun qui n’obéissent plus aux responsables du Yichouv et qui mènent des opérations de plus en plus violentes contre l’armée anglaise. Le 22 juillet 1946, l’Irgoun fait sauter le siège de l’administration britannique, l’hôtel King David à Jérusalem. Il y a 91 morts, dont de nombreux civils juifs et arabes. l’Irgoun avait prévenu de l’explosion et escomptait une évacuation. Suite à cet attentat, la Haganah rompit son alliance avec le Lehi et l’Irgoun. Ygal Allon devint le commandant du Palmah. Dans la nuit du 16 au 17 juin 1946, les
unités du Palmah font sauter 10 ponts dans tous le pays. Assez vite, de nombreux soldats sont intégrés aux forces du Palmah qui comptera bientôt plus de 6000 membres dont 1000 femmes. La réorganisation est rapide pour faire face aux défis de la guerre : 3 brigades divisées en 10 bataillons : les brigades Harel (commandée par Itzhak Rabin), Yftah, HaNéguev. Durant la guerre d’Indépendance, près de 1000 soldats du Palmah tombèrent au combat. Le 7 novembre 1948 sur l’ordre de David Ben Gourion le Palmah fut dissout. La raison officielle avancée par le chef du gouvernement fut que la création de Tsahal, l’Armée de Défense d’Israël, remplaçait les autres organisations militaires. Tsahal et ses unités se doivent d’obéir à une seule autorité. En fait Ben Gourion craignait que certains officiers du Palmah aient des vues politiques autres que lui. Après la guerre, de nombreux officiers du Palmah intégrèrent les rangs de Tsahal mais d’autres refusèrent la décision de Ben Gourion, qui était non seulement chef du gouvernement mais aussi ministre de la Défense, et ils enlevèrent l’uniforme.
Cecile Pilverdier Depuis que la loi d’Assurance de la santé a été votée, le système de soins a beaucoup évolué et d’importantes règles ont été déterminées, sur le plan éthique, humanitaire et professionnel. Tout résident en Israël peut bénéficier de l’Assurance santé. Il peut choisir la caisse de maladie dont il veut recevoir les services et peut en changer s’il le désire. La caisse doit assurer tout résident d’Israël, sans distinction d’âge ou de condition de santé. Cette loi qui est presque unique au monde, nécessite de nombreuses adaptations. La loi originale est très sèche et écrite en langage légal et professionnel, aussi nous essaierons de la décrire de façon plus lisible avec la mise à jour. Droits des assurés selon la loi nationale d’assurance santé Cette loi est basée sur le principe de
justice, d’égalité et d’assistance mutuelle. A. La population assurée Chaque personne résidente doit s’inscrire
à une caisse. Les nouveaux immigrants peuvent choisir une caisse dès leur arrivée dans le pays et ils bénéficient des droits immédiatement. B. Le coût Le paiement est déterminé par le salaire
et le niveau de vie. Comment ces paiements sont-ils collectés ? Ces paiements d’assurance santé sont
collectés via l’Institut national d’Assurance (Bitouah Leumi). C. Le « Panier » du service de santé Il comprend tous les services, médicaments, équipement médical auquel l’assuré a droit. Il est accordé sur avis médical. Ce « panier » est déterminé d’après une base fixée en 1994. Depuis que la loi de l’Assurance médicale nationale est devenue effective, des médicaments et des technologies médicales ont été ajoutés par le ministère de la Santé :(selon les recommandations du comité public nommé par le ministre, et approbation du gouvernement, en accord avec les suppléments budgétaires). Des exceptions pour certains services médicaux et autres médicaments, nécessitent l’approbation des comités de la santé, et de la Knesset. Certaines populations sont soumises à des
dispositions particulières et dépendent d’autres services : D. Les services du « panier » dont les caisses de santé sont responsables Les diagnostics,
consultations et traitements médicaux Ces différents services sont détaillés
dans la loi de 1994. et ils sont remis à jour régulièrement. Prix des visites En avril de chaque année les prix sont
fixés . Les remboursements : une famille dont les paiements pour trois mois dépasseraient le maximum prévu, pourrait récupérer à la fin des trois mois la différence sur présentation des reçus. Paiements des médicaments Le paiement effectif des médicaments est basé sur son coût de prix réel, et peut varier d’une caisse à l’autre. Les personnes du troisième âge, les anciens combattants de la seconde guerre mondiale, bénéficient de réductions supplémentaires. Les ambulances, les salles d’urgence, les soins à domicile, les examens de la protéine foetale, les traitements paramédicaux, oncologiques, les visites à domicile et les traitements de la fertilité, sont aussi payants, avec possibilité de remboursement partiel ou total selon les cas. Pour certains traitements qui ne peuvent
être assurés en Israël, la personne assurée peut recevoir le traitement à l’étranger au prix fixé par la caisse. La participation maximum de la caisse est de 250 000 dollars. Assurance complémentaire Chaque membre d’une caisse de santé peut participer volontairement à une assurance complémentaire de cette même caisse. Le paiement dépend de l’âge lors de l’inscription. Chaque assuré peut recevoir la liste du
programme de cette complémentaire . Cette assurance complémentaire n’oblige pas la caisse à payer pour le temps d’hospitalisation à domicile. Ce service est donné par le ministère de la Santé avec un budget limité, et sujet à la participation financière de l’assuré. Certaines caisses participent. E. Le ministère de la Santé est responsable des services suivants : La médecine
préventive. Pour les patients qui ont besoin de soins 24 heures sur 24, en chaise roulante et qui sont très dépendants, le placement en institution est payé par l’Etat. L’état du patient doit être reconnu par le bureau du ministère de la Santé. La personne ou la famille, participe aux frais selon leurs possibilités financières. Son placement dépend aussi du nombre de places libres dans les institutions Les victimes d’accidents du travail, des attentats, des accidents de la route et de suite des persécutions Nazies ainsi que les soldats, ne dépendent pas du ministère de la Santé.. Malgré ses limites, ce système est une des institutions les plus traditionelles et caractéristiques du pays.
Suzanne Millet Un article de Bryan Nadel dans le Jérusalem Post du 1er décembre 2006, intitulé « égalité dans les soins » montre le défi que l’hôpital Alyn relève en soignant avec autant de dévouement et de compétence les enfants venant des deux côtés de la ligne verte. Bryan Nadel donne l’exemple de la petite Maria, 5 ans paralysée depuis le cou jusqu’au bas du corps. Son père raconte la tragédie qui a touché sa famille le 20 mai 2006 : « Nous conduisions une nouvelle voiture dans la ville de Gaza quand un missile lancé par un hélicoptère a atteint la voiture devant nous ». Il s’agit de l’assassinat d’un des plus anciens militants du Jihad islamique. Les débris et éclats ont touché la voiture de la famille Amar, tuant la mère et un de ses fils. Hamdi, le père, fut blessé au cou et aux jambes et Maria, sa fille eut la colonne vertébrale fracturée ainsi que les deux poumons touchés. Actuellement Maria est dans sa chaise électrique, avec un ventilateur en permanence, elle parle, sourit et utilise très bien son ordinateur. Son père vit à l’hôpital à ses côtés, 24 heures sur 24. Il a pu obtenir la permission de quitter l’hôpital pour voir son fils de trois ans à Gaza et il a emmené sa fille au centre commercial. La situation tragique de Maria est rare mais non unique à Alyn. La doctoresse Béeri, d’une jovialité étonnante, décrit la réalité de cet hôpital pour enfants et jeunes victimes d’accidents graves. « Ici, le politique et la médecine interfèrent d’une façon qu’on ne peut séparer. Il y a deux ans, trois garçons palestiniens sont arrivés d’un hôpital de Gaza, amputés des deux jambes à cause de tirs israéliens. Quand pour la première fois, j’ai pénétré dans leur chambre, j’en suis vite sortie pour pleurer à chaudes larmes et suis revenue, comme médecin. Quand je vois un enfant qui a perdu les premières années de sa vie à cause de la situation, j’ai un remords terrible. Ce sentiment est permanent ». Les soins sont exactement les mêmes pour tout enfant et les relations du personnel soignant avec les parents ne tiennent aucun compte des vues personnelles sur la situation. « De façon bizarre, dit Tamar, une volontaire du mouvement de l’Olivier, d’un côté Israël détruit leurs vies, et d’un autre côté, il pourvoit aux soins ». Le mouvement de l’Olivier est un groupe de volontaires qui concentrent leur attention sur le bien-être des enfants palestiniens, coordonnant les transports à l’hôpital, organisant des camps d’été. « Parfois, dit Tamar, il semble que les parents arabes profitent de la situation, mais leur vie est tellement désespérée, et ils n’expriment pas leur ressentiment. Ils sont reconnaissants de recevoir de très bons soins, et sentent qu’ils y ont droit parce qu’on a détruit leur vie. » La doctoresse Béeri fait remarquer que dans une même chambre se côtoient une mère juive religieuse avec la perruque et une mère arabe avec le voile, près de leurs bébés prématurés. De même, la nuit, parents juifs et musulmans dorment auprès de leurs enfants dans une même salle. « Il y a tant d’autres défis à surmonter pour la vie des leurs, poursuit la doctoresse Béeri, que les parents abandonnent leur défense et créent un environnement ouvert. Les tragédies et les souffrances que vivent ces parents font que pour eux leur priorité est la vie, quelle que soit la religion ou la nationalité ». Cela est vrai dans les hôpitaux en Israël. Ayant souvent visité des amis dans les hôpitaux et ayant été moi-même hospitalisée, j’ai pu constater cette cohabitation pacifique et cette entraide entre Juifs et Arabes. De même dans le personnel soignant il y a un accord pour travailler au bien des malades. La doctoresse Béeri explique que dans la clinique de jour de ce même hôpital, les classes scolaires sont mixtes, enfants juifs et arabes sont ensemble. Les tout petits seulement sont séparés pour apprendre la langue maternelle. « Il y a quelques années, dit-elle, il y avait côte à côte un enfant juif blessé dans un attentat et un enfant palestinien blessé par l’armée israélienne, les parents parlaient ensemble. Mais il faut reconnaître que parfois les tensions du pays transparaissent à l’hôpital ». Une amie infirmière à Alyn me décrivait des situations bien locales : une mère arabe qui restait auprès de son enfant malade la nuit, comme l’hôpital le demande, avait emmené avec elle ses autres enfants et tout ce petit monde couchait dans le même lit. Un père juif religieux, était venu le vendredi soir pour le shabbat avec cinq de ses enfants qui s’installèrent dans la chambre de leur frère hospitalisé. Ils avaient tiré des matelas de la salle de gymnastique et faisaient la pantomime. L’infirmière chef avertie de la situation vint gronder le père d’avoir amené toute sa famille, celui-ci étonné répliqua : « Mais non, ce n’est que la moitié ! ». Des parents arabes partent tout contents, et sans rien dire, avec l’enfant hospitalisé au centre commercial tout proche. Pendant ce temps, médecins et infirmières cherchent en vain l’enfant pour des soins d’urgence. Il y a aussi le cas du petit berger bédouin, traîné sur le sol par son âne, ou de l’adolescente juive religieuse fauchée par une voiture. Elle était venue en jupe à une excursion de son école. Le guide lui reprocha de ne pas s’être mise en pantalon selon ses instructions. Vexée elle a fait volte-face et a traversé la route sans regarder. Un ami infirmier qui avait travaillé 26 ans dans cet hôpital m’a fait visiter et il m’a expliqué l’histoire d’Alyn. En 1932 un chirurgien orthopède américain a eu l’idée de créer un centre orthopédique pour enfants et il fonde une société avec un groupe de notables et sympathisants locaux. C’était un petit dispensaire à Jérusalem, rue Ben Yehouda. (actuellement c’est un dispensaire de la sécurité sociale). La population d’handicapés croissant avec l’épidémie de polio, dans les années 50, le centre s’installa dans un ancien monastère à St Simon. A l’époque, c’était la bordure de Jérusalem. Cette maison n’était pas adaptée pour des enfants handicapés et en 1971 une collecte de fonds fut lancée pour construire des installations appropriées sur le site actuel. Ce site fut proposé par le gouvernement, face à la forêt de Jérusalem et à la forêt de Yad Vashem. Le cadre est magnifique et reposant, pour autant qu’on puisse en jouir ! Au fil des années, l’hôpital Alyn a développé une riche expérience thérapeutique : traitement des traumatismes et blessures à la tête consécutives à des attentats terroristes, traitement des victimes d’accidents de la route ou domestiques, des affections neuromusculaires, de la paralysie cérébrale, des malformations de la colonne vertébrale, des difformités congénitales, traitement également des problèmes généraux d’ossature et d’articulations chez les enfants, traitement des patients nécessitant une ventilation permanente ou par intermittence, un régime alimentaire spécial, souffrant de cancer ou de brûlures. L’équipe médicale d’Alyn est composée de médecins spécialisés dans la rééducation et dans les problèmes de respiration, d’infirmières, d’orthophonistes, de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes, d’hydrothérapeutes, de diététiciennes, de psychologues, d’assistantes sociales, d’ingénieurs et de techniciens biomécaniques passés maîtres dans l’appareillage des enfants et des jeunes, et de ... clowns. J’avais déjà remarqué des clowns dans les hôpitaux, et j’étais étonnée de leur présence en dehors du temps de Pourim. Ici, j’ai compris l’efficacité d’un clown présent toute la journée prés des enfants et des parents. Mon ami me disait qu’un enfant brûlé ne pouvait pas bouger son bras tant il avait mal. Avec le clown, il l’a bougé oubliant la douleur. De même c’est un clown qui a convaincu Ephrat, une fillette de 10 ans de se lever de sa chaise roulante. Cela après des soins intensifs de rééducation. Cette approche pluridisciplinaire constitue la spécificité d’Alyn. En traitant chaque aspect de l’état de l’enfant, une rééducation maximale peut être réalisée en un minimum de temps. Mon amie infirmière me parlait d’une réussite spectaculaire. Une adolescente est arrivée dans le coma, paralysée, elle bougeait seulement trois doigts. Après deux ans d’hospitalisation et beaucoup d’efforts, elle est partie sur ses jambes. Elle a dû poursuivre la rééducation dans la clinique de jour pendant un an et maintenant elle conduit sa voiture et marche normalement. La rééducation commence dés l’arrivée du patient. Même s’il est dans le coma, il est mis debout en faisant basculer son lit. On le change de position toutes les deux heures. Le but des soins est de permettre à l’enfant ou au jeune de retourner le plus vite possible à la maison, dans sa communauté de vie. Alyn considère que l’implication des membres de la famille est essentielle à la guérison de l’enfant et à la réussite de sa rééducation. La présence constante, l’observation et la participation des proches à un programme destiné au malade préparent tant l’enfant que la famille à son retour éventuel à un environnement normal et à son entourage familier. Le retour à la maison est souvent problématique pour les enfants palestiniens. Aucune structure médicale spécialisée n’est en place pour assurer le retour de ces enfants. Le père de la petite Maria le confirme : « Nous n’avons rien à Gaza pour retourner à la maison ». En attendant des fonds pour ce retour, il a le sens de ses responsabilités, la nuit il change lui-même le cathéter de sa fille, il la nourrit et la conduit à l’école. Tout dernièrement grâce à une émission de télévision israélienne montrant les difficultés auxquelles le père doit faire face chaque fois qu’il veut entrer et sortir de Gaza, et les problèmes financiers pour soigner sa fille à Gaza, les spectateurs émus ont envoyé des dons. Alyn est le seul centre de rééducation pédiatrique pulmonaire en Israël. Aucun autre centre de rééducation n’accepte des patients sous respirateur artificiel. Le docteur Eliezer Béeri, directeur du service de rééducation respiratoire d’Alyn, a mis au point un « stimulateur de toux » qui peut dégager facilement les voies respiratoires de ces malades. Cet appareil est en voie de commercialisation dans le monde. Le docteur Béeri a aussi inventé un masque à gaz particulier pour les malades ventilés. La défense passive a fait distribuer 20 000 masques semblables à toutes les personnes sous respiration artificielle dans les hôpitaux, les centres médicaux et à leur domicile. Des recherches médicales sont faites à Alyn et publiées dans des revues médicales du monde entier. Des membres de l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital voyagent dans le pays et dans le monde pour intervenir dans des congrès médicaux. Ils organisent des séminaires de spécialisation dans le pays et il y a un an le personnel médical et paramédical des trois hôpitaux de Jérusalem-Est (40 personnes) a été invité à visiter Alyn. En plus de l’hospitalisation, Alyn offre une clinique de jour pour les enfants et jeunes handicapés. Cette clinique voit défiler au moins 5 000 personnes par an. Elle comprend : Tout est utilisé pour éveiller l’enfant : la musique, les animaux, l’ordinateur, la piscine, les tricycles, la cuisine, la vaisselle. Là aussi, les parents sont invités à observer leur enfant et une fois par mois, ils s’entretiennent avec le personnel des problèmes et des progrès de leur enfant. Enfin depuis trois ans, un « quartier » a été constitué pour que les jeunes adultes d’Alyn puissent être indépendants : cinq appartements conçus et adaptés pour malades sous respirateur artificiel, et cinq appartements destinés à des malades à long terme qui ne sont pas sous respirateur artificiel. Ces appartements constituent un intermédiaire entre l’hôpital et la maison. Une « rue principale » avec des lampadaires traverse ce quartier. C’est un lieu de rencontre communautaire, il y a une salle à manger, un club avec terrasse et patio. Lors de notre visite du quartier, un jeune nous a invités dans son appartement pour voir sur son ordinateur les photos de mariage de ses deux frères. Du coup, on a su qu’il suivait des cours de Bible à l’université populaire par Internet. Il faisait fonctionner son ordinateur en commandant avec la bouche. Les fonds L’hôpital est privé. Alyn ne reçoit aucun financement du gouvernement. Pour chaque patient israélien les frais d’hospitalisation sont payés par sa caisse d’assurance maladie. Pour les enfants palestiniens, victimes des opérations militaires israéliennes, c’est le ministère de la Défense qui prend en charge les frais d’hospitalisation. En général, pour les malades palestiniens soignés en Israël, c’est l’autorité palestinienne qui paye la même somme que pour les citoyens israéliens, soit 40 % de moins que les étrangers. Chaque mois 800 à 1 000 Palestiniens de Gaza sont soignés dans les hôpitaux israéliens. Le coût d’hospitalisation est loin de couvrir tous les frais des services orthopédiques proposés dans l’établissement. Par conséquent, Alyn doit faire appel aux dons pour financer au moins 30 % de son budget annuel et compenser ainsi la disparité croissante entre les dépenses réelles exigées pour un traitement global et les montants reçus pour chaque enfant. Enfin ce sont les dons qui financent la totalité des fonds nécessaires à de nouveaux équipements, à la recherche et aux équipements de base pour les malades quittant Alyn pour loger à l’extérieur. A ce sujet, un exemple sportif de
financement : Un désir commun anime cet hôpital, enfants parents et soignants : ce qui aujourd’hui paraît impossible, sera possible demain. C’est le cœur qui parle et unit les soignants dans un même combat rejoignant le goût de vivre de l’enfant et l’espérance des parents. Une technique très en pointe, beaucoup d’efforts, beaucoup de dévouement, un hôpital très humain !
Cecile Pilverdier Encore une journée de visite avec les guides d’Israël. Cette fois nous nous dirigeons vers la Arava centrale, cette vallée qui forme la frontière entre la Jordanie et Israël, du sud de la Mer Morte, ou « salée » en hébreu, jusqu’à Eilat et Aqaba. Dans l’autobus, l’un des participants qui est de Dimona est invité à prendre le micro pour nous parler de sa ville. Jusqu’à ces dernières années, Dimona était connue à cause de la centrale nucléaire construite dans la région par des ingénieurs français. La ville elle même ne s’était guère développée, éloignée qu‘elle est du centre du pays. Actuellement, elle bénéficie du dynamisme de son maire. On y compte 40 000 habitants, trois écoles secondaires, et proches d’elle, trois points touristiques désertiques : Mamshit, ancienne ville nabatéenne sur l’ancienne route des parfums, une ferme à chameaux proposant des promenades dans le désert, et un parc, où se déroule au moment des Fêtes de Pessah et de Souccoth, le souk nabatéen. Les habitants de Dimona, originaires d’Afrique du nord et d’Inde, de Roumanie et de Russie, travaillent soit à la recherche, soit aux usines de la Mer Morte, ou ils sont des journaliers. Un groupe de « Noirs » arrivés de Chicago en 1969 et se disant « Hébreux noirs » sont à peu près 5000 aujourd’hui. Ils ont une origine controversée. Ils acceptent la bible mais refusent les commentaires postérieurs. Polygames, ils sont végétariens et accordent une grande importance à l’hygiène alimentaire, pratiquent des semaines sans sucre et des semaines sans sel. Ils vivent dans leur propre quartier. Il est possible de les visiter après avoir prévenu. Ils commencent à aller à l’armée et deux membres de la communauté ont représenté Israël au concours de l’Eurovision. Quittant la route principale, nous nous dirigeons vers l’ancienne route de Maalé Akrabim. Ce lieu est cité à trois reprises dans la bible, signifiant un lieu vers lequel on monte. (Nb 34- 4 ; Juges 1- 36 ; Josué 15- 3). A l’époque romaine, en 106, Trajan prend Pétra et toute cette région ainsi que les monts de Moab. Dioclétien divise l’empire en deux provinces, l’ occidentale et l’orientale, et il construit la route suivant la frontière près de Béershéva. Ce sont 200 années problématiques à Rome : et Dioclétien comprend qu’il faut faire un lien entre les différents fortins. C’est la route Mamshit - Arad. En observant bien, nous devinons quelques restes de cette route romaine. Celle où nous nous trouvons est très en pente, brutale et sur un court passage nous continuons à pieds. Le bus peine aux virages. Construite en 1927 par les Anglais pour rejoindre Aqaba où était leur centre logistique de toute la région sud, ils ne goudronnent que les deux lignes où passent les roues des véhicules. Dès la naissance de l’Etat d’Israël en 1948, David Ben Gourion, même au moment où l’on parle de la route vers Jérusalem, pense déjà à la route pour arriver à Eilat, car le Néguev, tout en étant désertique, pouvait doubler la surface de l’Etat naissant. Il sait aussi que là, pourront arriver les bateaux d’Extrême Orient. Cette route vers Eilat, personne ne se
précipite pour la construire tant la chaleur est terrible. Ce seront ceux qui n’ont pas le choix qui feront le travail : les Bédouins pauvres qui connaissent bien le désert, les gens du
« Lehi » qui ont eu maille à partir avec Ben Gourion et les Druzes, spécialistes des terrassements. Nous sommes en 1950. Les gens du « Lehi » en profitent pour y laisser leur
emblème, enlevé deux ans après, à l’occasion d’une visite de Ben Gourion à Eilat, mais ces dernières années il a été remis en état (souvenir historique oblige !). En 1954, le 17 mars, un
commando de six Bédouins cachés dans un virage, attaque le premier bus remontant d’Eilat où le cinquième anniversaire de cette agglomération venait d’être fêté. Dix huit personnes meurent dans cet
attentat. Le paysage est typique : les montagnes se succèdent, sans aucune végétation, séparées par les « Nahalim », lits de rivières asséchés, où déferlent les eaux de pluie en hiver ; c’est là que se trouve la végétation, dûe à l’humidité retenue et au lavage des sols, les sels s’infiltrant en profondeur. C’est là aussi que les animaux viennent manger, tandis que les femelles des « lapins des rochers », à fourrure peu épaisse viennent se chauffer au soleil. La Arava centrale s’étend entre les villages Paran au sud et Idan au nord, sur 70 kilomètres. C’est de loin la partie la plus peuplée sur cette route assez monotone entre la mer morte et Eilat. Elle représente 6% du pays. Sept villages y sont installés dont cinq agricoles : Idan, Hatseva, Ein Yaav, Tsofar et Paran, représentant 460 fermes. Il y a aussi un centre régional, Safir, avec 140 familles et un centre communautaire, touristique, Tsukim, avec 20 familles installées, et 30 qui se préparent à venir. A Sapir, une école avec 264 élèves , un collège avec 213 jeunes et des jardins d’enfants dans chaque village. Sapir comprend un complexe sportif, une salle des fêtes, une bibliothèque, un dispensaire, des industries et une ligne d’aviation qui relie la région à Tel Aviv. Le grand problème de la région est l’éloignement : 130 kilomètres d’Eilat et autant de Béershéva. L’agriculture est la principale source de travail. Agriculture d’exportation, avec un des plus haut niveau technologique du monde, dans un environnement propre, sans insectes et sans engrais. Elle représente 65% des exportations de légumes frais d’Israël, en dehors des carottes et des pommes de terre, et 13% des exportations de fleurs. Tout est sous serres. L’eau est évidemment le premier problème : le premier aquifère à 100 mètres de profondeur est une bonne eau, mais très vite épuisée ; le second aquifère à 400 mètres sert à l’agriculture malgré ses 6 milligrammes de chlore , et la troisième aquifère à 600 - 1200 mètres, a une eau chaude et salée. Si cette dernière fait le bonheur des touristes avec les bains à ciel ouvert ou dans les chambres d’hôtes, elle n’est pas utilisable pour l’agriculture. Pour celle-ci les accords de paix avec la Jordanie permettent de pomper l’eau abondante qui vient des monts d’Edom, plus hauts de 1000 mètres que ceux du Néguev, et en contre partie Israël livre 50 millions de mètres cubes d’eau douce du lac de Tibériade à la Jordanie. Cette agriculture produit : dattes, tomates cerises, melons greffés sur pieds de potirons, plus résistants au sel, et poivrons. Cette agriculture en région désertique, bénéficie des recherches de la station Yaïr qui peut être visitée et permet de découvrir le développement depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui. Elle fait partie de l’école d’agriculture de Hatseva qui donne également tous les renseignements sur la région, visites, promenades, logements etc. Dans cette école, un ornithologue étudie depuis des années, le comportement d’une espèce rare d’oiseau local, le Zanvan, qui vit en communauté, toutes les femelles pondant leurs oeufs dans le même nid et toutes veillant sur tous les oisillons. Pour l’installation d’une "ferme", chaque famille reçoit 45 hectares, 60 000 m cubes d’eau et peut employer trois ouvriers. Ils viennent tous de Thaïlande, et sont payés 1500 dollars par mois au lieu de 150 chez eux. Ces dix dernières années, en lien avec
l’agriculture, se développe l’élevage de poissons d’agrément. Ils sont 15 éleveurs. Il faut compter cinq ans pour’apprendre vraiment ce métier et pour rentabiliser l’élevage. Aujourd’hui cette
production rapporte 8 millions de dollars ; elle est vendue en Europe, plus proche que l’Extrème Orient et l’élevage très surveillé évite toute maladie aux poissons. Actuellement la région, riche en beaux paysages désertiques et en ruines historiques, met l’accent sur le développement du tourisme, mais sans aucune aide du gouvernement. Au village Tsofa, nous visitons la ferme d’antilopes, construite entièrement par deux frères. Une grande Arche de Noé abrite de petits animaux et tout en circulant en voiture on peut admirer les 50 espèces, plus de 200 bêtes, qui vivent dans leur milieu naturel. Les animaux viennent du monde entier, où ils sont en danger d’extinction et on en fait la reproduction pour revendre ensuite à des safaris. Après les difficultés administratives des débuts, tant en Israël, où cela a pris 15 ans, que dans les autres pays, les animaux sont examinés dans leur pays d’origine durant 6 mois, puis arrivés en Israël, ils sont mis en quarantaine pendant 4 semaines. C’est ainsi que l’on trouve des ânes sauvages dont il ne reste qu’une centaine dans le monde, des antilopes d’Afrique, d’Oman, de Dubaï, des Oryx, Impalas, Kudus, des chèvres du Cameroun, des Ibex de Nubie, etc. A côté de l’Arche, des chambres d’hôtes avec bain d’eau thermale, un camping. Nous découvrons au parc Sapir un petit lac naturel, entouré de gazon, de palmiers, une petite oasis avec tables de pique nique. Une cloche a été offerte par le gouvernement de Thaïlande comme signe de bons rapports entre les deux pays. Autre attraction, l’ancienne route des parfums ; un caravansérail moderne nous attend : des ânes, des chameaux sont là, prêts à nous faire marcher sur l’ancienne route nabatéenne. Sous une tente de Bédouins on peut dormir et prendre des repas. Dans l’après midi, nous suivons "la route de la paix". Nous y entrons au sud à Ein Yaav et suivons la frontière avec la Jordanie jusqu’à Idan au nord. Les serres s’étendent devant nous sur tout le lit du "Nahal Arava". A droite, les monts d’Edom. Le lit du fleuve serpente entre les collines de loess, si particulières. La frontière entre Israël et le royaume de Jordanie a été fixée la première fois en 1922, au milieu du fleuve. Aux accords de paix de 1994, certains terrains cultivés par les villages Hatséva et Idan se trouvaient en Jordanie. Les Jordaniens ont reçu en compensation d’autres terrains. Parfois on ne distingue plus le lit du fleuve, car il reçoit les eaux des monts d’Edom et des monts du Néguev. De grands accacias poussent sur ses berges, bien sèches en cette saison. Nous apercevons quelques bornes placées en 1994. Nous arrivons à la retenue d’eau de Hatseva construite par le KKL. Elle peut retenir 1,8 millions de mètres cubes d’eau de pluie et est reliée à deux autres pour les saisons de crues. Mélangée à l’eau salée de l’aquifère profonde, elle sert à l’agriculture. A Idan la route de la paix se termine et nous rejoignons la route de la Arava à Ein Hatséva où l’on peut voir les ruines de trois forts de l’époque du premier Temple. A côté, les restes d’un petit bâtiment avec des pierres d’un temple édomite. A l’époque romaine, un caravansérail et des bains ont été construits. Parmi ces ruines, le plus vieux prunier sauvage du pays, peut-être millénaire ! La journée a été bien remplie, mais pour tout voir il faudrait bien deux jours. C’est sûr, lors du prochain voyage à Eilat, un arrêt s’imposera !
Michel Remaud Puisqu’une part importante du présent numéro de la revue est consacrée aux questions de santé, il est intéressant de présenter ici quelques commentaires de la tradition juive sur le rapport entre la santé physique et l’observance de la Tora.
Guérison de l’aveugle Un passage d’un ancien midrash sur le livre de l’Exode, la Mekilta de-Rabbi Ishmael, est très explicite à ce sujet. Il porte sur le verset « Et tout le peuple voyait les voix » (Ex 20,15). La formule est surprenante, et les traductions modernes ont tendance à supprimer le paradoxe en paraphrasant au lieu de traduire, pour dire, par exemple, que le peuple « percevait » les voix. La tradition juive, quant à elle, se garde bien de corriger le texte ; elle en conclut que la voix de Dieu s’était rendue visible. Certains développements décrivent la Parole comme un feu qui tournoyait au-dessus des campements d’Israël avant d’aller se graver sur les tables de pierre. Sans doute peut-on rapprocher cette description du récit de la Pentecôte dansles Actes des Apôtres. Du fait que « tout le peuple voyait
les voix », on conclut qu’il n’y avait en Israël aucun aveugle lorsque la Tora fut donnée. Le texte poursuit dansla même ligne en montrant qu’il n’y avait dans le peuple aucune
infirmité : Une source un peu plus tardive, donne une version différente de la même tradition. Quand Israël arriva au pied du Sinaï, il y avait parmi eux des infirmes, mais Dieu les guérit tous avant de donner la Tora. Selon cette tradition, la Loi ne pouvait être promulguée si la créature humaine n’était d’abord restaurée dans son intégrité. Le même passage exprime cette idée au moyen d’un commentaire sur le mot hodesh (mois), à propos de la précision : « Le troisième mois » (Ex 19,1) - le mois au cours duquel la Tora va être donnée -, en soulignant la communauté de racine entre ce terme et celui qui signifie « renouvellement » (hiddush) : « Je fais un renouvellement et je vous renouvelle. » On peut évidemment rapprocher cette phrase du verset de l’Apocalypse : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. » (Ap. 21,5). Au-delà du pittoresque des démonstrations, l’important est de percevoir la leçon de ces commentaires : si la créature humaine est restaurée dans son intégrité physique, c’est pour que toutes ses facultés puissent rendre gloire à Dieu : les yeux doivent savoir lire la révélation, les oreilles entendre la Parole, l’intelligence la pénétrer, la bouche proclamer la volonté de la mettre en pratique, etc. Il n’est pas imprudent de rapprocher ces traditions des récits évangéliques sur les miracles opérés par Jésus. On peut d’ailleurs remarquer que ces guérisons sont associées étroitement par les évangiles à ses discours d’enseignement. En faisant parler les muets, entendre les sourds et marcher les boiteux, Jésus ne veut pas seulement soulager leur souffrance et leur donner d’être « comme tout le monde » : il leur permet de rendre gloire à Dieu par tout leur être. Cf. M. Remaud, Évangile et radition rabbinique, Bruxelles, Lessius, 2003
Yohanan Elihaï Gestes de paix Dans la violence des échanges de tirs, dans la bande de Gaza, il y a aussi des lueurs positives. L’été dernier le soldat Guilad Shalit a été kidnappé par un groupe de combattants palestiniens ; depuis des mois aucune nouvelle, aucun contact possible. Les tractations se multiplient, sans succès. Par ailleurs un bombardement “mal réglé”, et regretté par l’armée israélienne, a fait 20 morts palestiniens, à Beit Hanoun, la plupart de la même famille. Plusieurs victimes sont soignées dans un hôpital de Tel-Aviv. Simple rappel pour situer le fait suivant : le père du soldat, Noam Shalit, est allé visiter ces blessés palestiniens à l’hôpital, sa façon à lui de réagir. La famille palestinienne très touchée lui a exprimé ses remerciements. Mais ce n’est pas tout. Ce fait, rapporté dans le journal Ha’aretz, a suscité 162 réactions de lecteurs, données à la suite de l’article du journal. Cela reflète une mentalité. Certains lecteurs (rares) critiquent ce geste en termes désobligeants, mais beaucoup d’autres leur répondent.et félicitent Noam Shalit. Voici quelques spécimens : • Mr Shalit, combien de Palestiniens vont exprimer du regret pour le rapt de votre fils ? Sans doute aucun. Ils vont danser de joie dans les rues [etc...]. Je regrette que vous ayez perdu votre boussole morale. L’ennemi rit de vous et les Juifs ont honte. [...] Avez-vous remarqué que les victimes sont traitées dans un hôpital de Tel Aviv et que les médecins sont Juifs ? Connaissez-vous des cas inverses ? [signé :] Connie. Ce qui amène de nombreuses réactions : • Le geste de Noam Shalit montre que la paix est possible entre les braves gens. Mr Shalit aurait de bonnes raisons d’avoir de la haine, mais il a choisi de tendre la main. Les dirigeants des deux côtés feraient bien de suivre son exemple. • Chère Connie, j’ai vu moi-même à Tel Aviv des Arabes qui couraient au secours d’un enfant renversé par un camion. Ce n’est pas rare que des deux côtés il y ait de telles réactions pour aider et sauver. Vos affirmations sont fausses. • Les médecins de cet hôpital ne sont pas que juifs. Il y a aussi des infirmières et des médecins arabes. C’est vous qui avez perdu votre boussole morale, et non Shalit. • Shalit a démontré par son geste que les Juifs ne sont pas ces monstres assoiffés de sang que montre une certaine presse. Et comme lui, il y a la mère palestinienne qui a souhaité « qu’aucune mère juive ne connaisse le drame qu’elle-même a connu », ces gens méritent notre admiration. • Connie, vous et vos semblables, vous confondez la défense d’Israël avec la haine de nos cousins. Rappelez-vous Ismail Khatib : il y a un an, son fils de 12 ans a été tué à Jénin par erreur parce qu’il portait un fusil-jouet. Amené d’urgence à un hôpital israélien, il y est mort. Alors son père a décidé de faire don de ses organes. Les bénéficiaires furent deux Juifs et un Druze. [...] Connie, la haine des justes est une offense au Nom (divin). [signé par un Juif religieux]. • Mr Shalit est vraiment une lumière dans les ténèbres. Il essaie de comprendre la souffrance de ceux d’en face. Le cycle de violence des deux côtés ne mènera à rien. Quel exemple courageux cet homme nous donne ! • Avoir honte ? [allusion aux mots de Connie] La Tora ne demande pas « Aimez vos ennemis », cependant elle dit : « Quand ton ennemi est dans la détresse, viens le secourir. » (1) Qui sait, peut-être l’aide apportée peut changer l’hostilité en gratitude, et par la suite en amitié. Connie, où as-tu trouvé ta boussole morale ? Il ne semble pas nécessaire de rapporter ici les 162 réactions... (1) En fait l’idée est dans Proverbes 24,27 : « Quand ton ennemi trébuche, ne te réjouis pas ». Ou encore, dans Exode 23,4 : « Si tu rencontres le bœuf ou l’âne de ton ennemi qui se sont égarés, tu les lui ramèneras. » Faire-part de deuil dans le journal Dans le même contexte des morts de Beit
Hanoun le journal Yedi’oth du 15 novembre rapporte ce qui suit : Les lecteurs de Ha’aretz de ces derniers jours ont eu la surprise de découvrir dans la rubrique nécrologique trois faire-parts de deuil émanant de citoyens israéliens, qui expriment leur douleur après la mort de civils à Beit Hanoun, la semaine dernière. Le dernier a été payé environ 650 $ par Edna Kovarski. Celle-ci y écrit à la famille Athamna qu’elle "s’incline de honte et de douleur devant votre lourde perte. Le public israélien lucide est invité à se joindre à ces condoléances." Edna Kovarski nous a dit que depuis ce
matin, elle a reçu des coups de téléphone d’Israéliens qui souhaitent publier des faire-parts similaires dans le journal. "Je l’ai publié à cause de la grande honte que je ressens à l’égard de ce que
nous faisons, des morts et des blessés". Les membres de la famille des victimes l’ont appelée pour la remercier de son geste.
Yohanan Elihaï Dans le contexte du congrès “contre la
Shoa”, nous osons y faire allusion, en écoutant un chant de Yehouda Poliker. Un de nos grands chanteurs, dont nous avons déjà parlé en juillet 2003 (No 9) et en mai 2004 (No 15). Plus de deux ans ont passé, redisons donc en bref : Il a un style troubadour, parfois grec (pas étonnant), parfois fantaisiste, souvent triste... Voici un chant qui accompagne sa mère au “départ”. Mais elle, au moins, est revenue. Cendre et poussière Un jour de printemps, Des années ont passé... Qui consolera tes nuits, Difficile de passer à l’humour ?c’est pourtant une des choses qui aident à survivre... alors : Monsieur Jacob vient voir son
rabbin : (histoire citée dans le livre d’Alain de Chalendar “La Bible, c’est la vie”, chroniques bibliques hebdomaires, éditeur : Rencontres et Dialogues 2006).
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