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Glânures...

Prière de St Ignace

 « Seigneur Jésus,
apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures,
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense
que celle de savoir que nous faisons votre Sainte volonté. »

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III b. Homélies Dimanches et Fêtes

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Fête du Christ, Roi de l'univers

Dimanche 23 novembre 2014

Ez 34,11-17 ; Ps 23 ; 1 Co 15,20-28 ; Mt 25,31-46.

Au terme du cycle de l’année liturgique, nous levons les yeux vers celui qui vient avec puissance, le Roi de gloire, le Seigneur des Seigneur, le Juge des vivants et des morts. L’Ange l’avait annoncé à Marie : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33).

Jésus n’entend pas cette royauté à la manière dont nous la concevons : « Vous le savez : les chefs des nations païennes commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 25-28).

Les lectures de la liturgie d’aujourd’hui nous précisent encore les modalités de cette royauté hors de l’ordinaire. Qui donc est ce roi qui va lui-même rechercher la brebis égarée, qui rassemble le troupeau dispersé, qui veille personnellement sur lui, le protège et le délivre ; qui s’occupe de chacune de ses brebis selon son besoin particulier ? (1ère lect.) L’image du roi-pasteur est empreinte d’une sollicitude et d’une tendresse qui tranche avec le mépris hautain affiché par ceux qui habitent des palais somptueux. Voilà un roi proche de son peuple, qui s’implique en sa faveur ; dont il prend lui-même soin, « le menant vers les eaux tranquilles et le faisant reposer sur des près d’herbe fraîche » (Ps 22). Lorsque le loup survient, il ne prend pas la fuite, mais donne sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 15) : le roi-pasteur devient l’Agneau immolé pour que le troupeau ait la vie, et qu’il l’ait en abondance (cf. Jn 10, 10). Car l’amour ne peut mourir, et c’est en aimant jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1), que Jésus manifeste sa royauté suprême, celle qui triomphe de la haine et de la mort (cf. Ep 2, 16).

Lorsque Jésus exerce le ministère de Juge universel, il parle au nom de son Père qui à travers lui prononce la sentence. Mais quel n’est pas notre étonnement de n’entendre parmi les critères de discernement pour l’entrée dans le Royaume, aucune allusion à une confession de foi. C’est pourtant bien le même Jésus qui disait à ses disciples : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai moi aussi pour lui devant mon Père qui est aux cieux » ; et il ajoutait : « mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père qui est aux cieux » (Mt 10, 32-33).

Ces deux passages, sont complémentaires. Jésus ne peut pas demander aux hommes qui n’ont pas eu la chance d’entendre l’annonce de la Bonne Nouvelle, de proclamer sa Seigneurie ; ceux-là ce sont leurs œuvres de miséricorde en faveur des plus petits qui témoigneront pour eux et leur serviront de confession de foi. Quant aux croyants qui se déclarent pour le Christ devant les hommes, « il ne leur suffit pas de dire “Seigneur, Seigneur !” pour entrer dans le Royaume des cieux : il faut aussi qu’il fasse la volonté du Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21).

Au bout du compte, ce sont donc bien les œuvres de charité qui sont déterminantes, tant il est vrai que « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte » (Jc 2, 17). Or ce qui frappe de prime abord, c’est le caractère « ordinaire » des actions rapportées : nourrir un affamé, vêtir un démuni, accueillir un étranger, visiter un malade ou un prisonnier, rien de tout cela n’est hors de notre portée.

Ce qui situe bien cet Evangile dans le prolongement de ceux que nous avons médités ces dernières semaines ; la semaine dernière nous étions invités à mettre en œuvre nos talents au quotidien ; aujourd’hui Jésus nous rappelle l’exigence d’incarner notre foi dans un comportement fraternel cohérent, marqué par la gratuité. Si le service des démunis attire la bienveillance divine, c’est précisément parce qu’il est gratuit : ceux qui en bénéficient auraient en effet bien du mal à nous l’offrir en retour. C’est en cela qu’il entre dans la logique du Royaume, qui est celle de l’amour (nécessairement) gratuit.

L’accès au Royaume n’est pas une récompense pour bons et loyaux services ; la pleine communion avec Dieu sera l’accomplissement de ce qui est déjà commencé dans le cœur de ceux qui ont écouté la voix de leur conscience et sont entrés en solidarité concrète avec leurs frères dans le besoin. Oui heureux sont-ils, car les œuvres qu’ils accomplissent ainsi dans l’Esprit de charité, purifient leurs cœurs et leur permettront au jour du jugement de voir Dieu ; et de le voir précisément sous les traits de ceux en faveur desquels ils se sont mis en peine.

« Tout ce que vous avez fait - ou omis de faire - à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». L’identification entre le Christ et chacun de « ces petits » qu’il appelle « ses frères » est inouïe. Le Fils de Dieu s’est tellement uni à notre humanité, qu’il est personnellement concerné par le sort de chacun d’entre nous.

Si les bons serviteurs de la parabole de la semaine dernière poursuivent généreusement leur travail, c’est parce que leur Maître n’a pas quitté la demeure de leur cœur, avais-je souligné. Cette semaine nous découvrons que les bons serviteurs que nous devrions être, demeurent en communion d’amour avec leur Seigneur, dans l’Esprit, mais qu’ils peuvent même continuer à le servir physiquement dans chacun de leurs frères, particulièrement les plus démunis.

33e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 16 novembre 2014

Pro 31, 10-31 ; PS 128 ; 1 Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30.

La liturgie des dernières semaines de l’année liturgique, nous oriente vers l’attente du retour du Christ Roi, que nous célébrerons dimanche prochain. Une chose est certaine : le Seigneur vient ; où ? Quand ? Il ne nous appartient pas de le savoir : « Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : “Quelle paix ! Quelle tranquillité !” C’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper » (2nd lect.).

Dès lors, l’attitude qui s’impose est la vigilance : « ne restons pas endormis comme les autres » insiste Paul.

Reste à savoir comment nous comporter durant cette période qui s’étale entre l’exaltation de Jésus, à la droite du Père, et son intronisation définitive comme le Juge des vivants et des morts, le Roi des siècles à venir, Le Seigneur de l’univers, Le Seigneur des Seigneur. C’est justement à cette question que veut nous faire réfléchir la parabole que nous venons d’entendre.

Surprise : le seul personnage vraiment préoccupé du retour de son Maître, n’est pas celui qui est cité en exemple. La parabole fait même une large place aux réflexions intérieures du troisième serviteur - très inquiet à la pensée de la confrontation avec cet homme dur dont il redoute le retour. Les deux premiers, eux, ne se posent pas de question : à peine leur Maître parti, ils reprennent « aussitôt » le travail, sans se faire d’état d’âme, continuant leur activité comme si le Maître était toujours là. Pour eux, rien ne semble avoir changé, le souvenir de leur Maître demeure vivant dans leur mémoire. De fait : le Maître n’a jamais quitté la maison de leur cœur. Les deux premiers serviteurs, ne se préoccupent ni du départ ni du retour de leur Maître, la suite du récit les désigne comme modèles de l’attitude juste ; alors que le troisième s’entendra reprocher son manque d’initiative, lui qui était tellement préoccupé de ne rien perdre de ce que le Maître lui avait confié.

Il apparaît donc clairement que l’appel à la vigilance lancé par Jésus n’est pas l’invitation à une réflexion stérile sur l’insécurité du temps présent, ou sur les menaces des temps à venir, mais plutôt une vigoureuse exhortation à l’action, afin de ne pas nous laisser entraîner dans la morosité générale.

La pire des épidémies, est celle qui affecte l’âme de nos contemporains depuis qu’ils ont cru pouvoir se passer du Dieu de Jésus-Christ. Il n’y a qu’un seul vaccin contre le virus de la désespérance : c’est « une foi agissant par la charité » (Ga 5, 6).

Chacun des serviteurs a agi conformément à l’image de Dieu qu’il portait en son cœur : les deux premiers ont accueilli la révélation du « Dieu de tendresse et de miséricorde » (Ex 34, 6), du Dieu « bon et fidèle » qui se met en peine pour ses enfants ; s’inspirant de ce modèle, eux-mêmes ont agi ainsi, se faisant ils se sont laissés façonner à son image. Aussi, à son retour, le Maître ne les traite-t-il pas comme des serviteurs, mais comme des fils : il est frappant qu’il ne récupère ni son bien, ni la plus-value ; il se contente de constater la fécondité des efforts de ces « bons et fidèles serviteurs », et de leur promettre de plus grandes responsabilités puisqu’ils se sont montrés dignes de sa confiance. Bien plus : il les invite à entrer dans sa joie. Il est clair que ce n’est pas une attitude de « Maître » : on voit mal en quoi le succès de ses serviteurs serait pour lui un motif de réjouissance s’il se trouve dépouillé de son bien. A moins bien sûr que ce soit au profit de ses héritiers, c'est-à-dire de ses propres fils.

 

Rien dans la parabole ne nous permet de dire que le Maître avait moins de sympathie pour le troisième serviteur. Le fait qu’il ne se voit confier qu’un seul talent n’est pas un argument : chacun a reçu « selon ses capacités », et le serviteur qui a fait fructifier deux talents reçoit la même récompense que celui qui a doublé les cinq talents. Les serviteurs ne sont pas jugés sur leur efficacité, mais sur leur fidélité.

Or le dernier serviteur, n’a pas du tout la même attitude que ses collègues par rapport à son Maître. Loin de lui faire confiance, il se défie de lui, en a peur et ne voulant courir aucun risque, il n’entreprend rien pour faire fructifier le talent qui lui a été confié. Lui aussi agit envers le Maître conformément à l’image qu’il s’en fait : il refuse de travailler pour un Maître « paresseux », qui fait travailler les autres pour lui ; aussi se verra-t-il reprocher sa paresse. Il s’imagine son Maître « mauvais », « moissonnant là où il n’a pas semé, et ramassant là où il n’a pas répandu le grain » ; et le Maître lui reprochera sa malice. Le « mauvais serviteur » s’est lui-aussi inspiré de l’idée qu’il se faisait de son Maître, et s’est laissé façonner à son image. Aussi se voit-il renvoyer à son lieu propre : les ténèbres, il est exclu de la joie des fils, et loin de la présence de celui qu’il n’a pas voulu reconnaître comme Père.

« Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. » Saint Grégoire commente : « On donnera en effet à celui qui a, et il sera dans l’abondance, parce que celui qui a la charité reçoit aussi les autres dons. Mais celui qui n’a pas la charité perd même les dons qu’il paraissait avoir reçus. Aussi est-il nécessaire, mes frères, que vous veilliez à garder la charité en tout ce que vous faites. Et la vraie charité, c’est d’aimer son ami en Dieu, et son ennemi à cause de Dieu. Pensons donc tous, chaque jour, avec crainte à ce que nous avons reçu du Seigneur, pour pouvoir lui rendre avec sécurité, lors de son retour, le compte de notre talent. Voici qu’il est déjà proche, le retour de notre Rédempteur, qui s’en alla au Ciel dans la chair qu’il avait assumée. C’est en quelque sorte à l’étranger qu’il s’en est allé, lorsqu’il s’est éloigné à une grande distance de cette terre où il était né. Mais il va sans nul doute revenir nous demander compte de nos talents, et si nous sommeillons sans faire le bien, il nous jugera très sévèrement, précisément à cause des dons qu’il nous a accordés. Considérons donc ce que nous avons reçu, et soyons vigilants à bien le dépenser. Que nul souci terrestre ne nous détourne de l’œuvre spirituelle, de peur de provoquer la colère du Maître, propriétaire du talent, en cachant son talent dans la terre » (Homélie, 31.XII.590).

C’est un appel à la confiance que le Seigneur nous adresse aujourd’hui par cette parabole. Contrairement à ce qu’enseigne le monde, c’est en donnant sans compter, tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, que nous serons dans l’abondance. Telle est l’attitude filiale qu’il nous donne en exemple.

Puissions-nous, comme la “femme vaillante” de la première lecture, mettre tous nos talents, et chaque instant de notre vie, à profit, pour le servir en accomplissant généreusement notre devoir d’état. Nous connaîtrons alors la joie de nous entendre dire, lorsqu’il viendra : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître” ».

32e dimanche Ordinaire, Dédicace de la basilique du Latran

Dimanche 9 novembre

Ez 47,1-12 ; Ps 46 ; 1 Co 3,9-17 ; Jn 2,13-22.

 « Détruisez ce Sanctuaire et en trois jours je le relèverai ».

Le terme grec (naos) utilisé par Jésus et traduit par « Sanctuaire », ne désigne pas l’ensemble de l’édifice du Temple (iéron), avec l’esplanade, l’enceinte et ses dépendances ; mais ce terme (naos) est réservé au petit édifice, situé au cœur du Temple, qui abrite le saint des saints ; le lieu où Dieu réside, là où il est invoqué et où il est adoré.

Au temps de Jésus, ce Sanctuaire était tout neuf : il avait été commencé 50 ans plus tôt par Hérode.

C’était l’orgueil de la nation, le seul lieu de culte d’Israël, où des millions de pèlerins venaient se recueillir chaque année. C’est là qu’était offert le sacrifice annuel d’expiation, censé purifier le peuple et le réconcilier avec Dieu.

Sur les parvis du Sanctuaire, à l’intérieur même du Temple, les pèlerins trouvaient des marchands de brebis pour le sacrifice, ainsi que des changeurs, car il était défendu de payer avec de l’argent à l’effigie de César. Leur présence n’avait rien de choquant : il fallait bien que les fidèles, venant souvent de loin, puissent se procurer sur place les animaux pour les sacrifices.

Toutefois, le prophète Zacharie avait annoncé comme un signe messianique le fait qu’il ne se ferait plus de commerce dans le Temple : « Il n'y aura plus de marchand dans la maison de Dieu Sabaot, en ce jour-là » (Za 14,21).

Aussi, en chassant les vendeurs, Jésus signifie clairement que le temps des sacrifices – et du commerce juteux qui l’accompagnait- ce temps là est terminé.

La nouveauté, réside dans l’affirmation que le véritable Sanctuaire n’est autre que son Corps, éclairant par là, son identité personnelle d’une lumière tout à fait nouvelle. Désormais - la présence divine - la Shekina ne repose plus sur un édifice, mais sur la Personne de Jésus.

Il est à la fois le Sanctuaire de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’Autel vivant d’où s’élève l’encens de l’adoration véritable, et l’unique Sacrifice de réconciliation qui soit digne du Très-Haut.

Tout cela, il l’est en tant que Fils, puisqu’il désigne le Temple comme la Maison de son Père. Si le Fils chasse les vendeurs de la Maison du Père, c’est donc que le Père n’est plus honoré par ces sacrifices.

Ce que le Père attend désormais, c’est le respect d’un cœur filial, qui manifeste son amour par son obéissance et son dévouement : « Le zèle de ta maison fera mon tourment ».

Jean cite ici la parole d’un Psaume, mise sur les lèvres du Serviteur Souffrant : « C'est pour toi que je souffre l'insulte, que la honte me couvre le visage, que je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère ; car le zèle de ta maison me dévore, l'insulte de tes insulteurs tombe sur moi » (Ps 69[68], 8-10).

C’est justement ce zèle brûlant pour la gloire de Dieu qui sera le Feu de l’holocauste dans lequel l’Agneau sera consumé, après avoir pris sur lui tout le poids de nos péchés.

Toute la liturgie chrétienne n’existe qu’autour de Jésus ; autour de sa Parole et de son Corps Eucharistique, qui édifient son Corps ecclésial : « Vous êtes le corps du Christ » dira Paul aux Corinthiens » (1 Co 12,27). Ou encore : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (2éme lect.)

Saint Augustin expliquait à ses fidèles : « Quand le prêtre vous dit : “le Corps du Christ”, vous répondez “Amen” à ce que vous êtes dans le Christ. » C’est parce que nous sommes déjà intégrés à son Corps par le Baptême, que nous avons le droit de nous approcher de la table eucharistique. Immergés par la foi dans la mort et la résurrection du Christ, nous lui sommes unis, formant réellement avec lui un seul Corps dont il est, lui, la Tête.

Il est vrai que cette dignité n’est pas facile à porter : elle exige un changement radical par rapport aux habitudes du monde ; une telle conversion n’est jamais définitivement acquise. C’est pourquoi il nous faut sans cesse nous replonger dans « l’eau qui descend du côté droit du Temple » (1ère lect.), c’est-à-dire l’Eau vive de l’Esprit jailli du côté de Jésus crucifié, ouvert à coup de lance (Jn 19, 34).

Paul nous rappelle que nous sommes « le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en nous » (2nd lect.), en tant que membre du Corps ecclésial du Christ (1 Co 6, 15), chaque croyant peut être appelé « Temple de Dieu ». C’est en effet l’Église qui est « la maison que Dieu construit » (2nd lect.), en assemblant les « pierres vivantes » (1 P 2, 5) que nous sommes sur la fondation unique : Jésus-Christ (2nd lect.).

Dieu seul est l’architecte et le bâtisseur de cette « Maison » ou de ce « Temple » non fait de mains d’hommes. Le Maître d’œuvre, c’est le Christ, agissant par son vicaire : le Pape, en communion avec les successeurs des Apôtres : les Evêques. Cette unité ecclésiale, dans la charité, signifiée par le ministère pétrinien, est inscrite dans la pierre de la Basilique Saint-Jean-du-Latran, cathédrale de l’évêque de Rome, dont l’Église universelle célèbre solennellement la Dédicace, la fête aujourd’hui.

Fête de la Toussaint

Samedi 1er Novembre.

Ap 7,2-4.9-14 ; Ps 24 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12.

144 000 : 12000 des 12 tribus d’Israël, une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, souligne Jean.

Notre calendrier ne comporte pas d’assez de jours, pour inscrire tous les saints. Qui sont-ils donc tous ces saints, qui ne sont pas répertoriés au calendrier ? Ce sont des hommes et des femmes, qui, le sachant ou non, ont servi le Christ, dans les pauvres, les affamés, les assoiffés, les prisonniers, les étrangers…

Ils sont légion. Cela ne se voit pas, cela ne se sait pas. Ils ne font pas les une des journaux télévisés, mais Dieu les connait.

Ne soyons pas modestes, ces saints ce peut être vous, ou moi. A vrai dire, si sainteté il y a, elle ne vient pas de nous, mais de Dieu. Exercer la charité, la vraie, vivre un peu à la manière du Christ, laisser le Christ nous convertir un peu plus chaque jour, tout cela est grâce, tout cela est reçu.

Dieu notre créateur, et notre Père, nous modèle, nous façonne, chaque jour, à la manière du Christ Jésus. Se donnant à nous, il nous rend saint comme il est saint. Notre seul mérite est alors de nous laisser faire, d’accueillir l’Esprit, et de coopérer un petit peu, coopérer, et rendre grâce.

La vie n’est pas aussi facile que nous le voudrions, il faut même parfois un sacré courage. Jésus le sait, il est venu partager notre condition humaine. La terre est basse, elle est dure, elle est sèche… comme l’écrit Paul Claudel, dans son chemin de croix, s’adressant à Jésus tombé sous le poids de la croix, cette croix qu’il a prise et qu’il porte : « Alors Seigneur, comment la trouvez-vous cette terre que vous avez faite ? ».

Nous ne souffrirons pas tous, ni ne mourrons tous martyr, mais tous, nous souffrirons et mourons, voir pire nous verrons souffrir et mourir les nôtres, des enfants, des adultes, des vieillards. Parmi nous, il ne manquera ni malades, ni pauvres affamés, ni prisonniers, ni étrangers. Tous poussières, tirées du sol, tous ou presque, nous aurons offert notre vie au Dieu de Jésus Christ, ou, à ceux qui nous entourent à nos frères, nos parents, nos enfants, à notre prochain.

Une foule immense de gens vêtus de blancs auront lavés leurs vêtements et les auront purifiés dans le sang de l’Agneau et chacun d’entre eux pourra alors proclamer : « Mais je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière ;  et quand bien même on m’arracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu. Je le verrai, moi en personne, et si mes yeux le regardent, il ne sera plus un étranger. Mon cœur en défaille au-dedans de moi » (Jb19, 25-27).

« Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché » dira l’un des anciens et se tournant vers la foule, il expliquera « mes biens aimés, voyez comme il est grand l’amour dont le Père vous as comblés, il a voulu que vous soyez appelés enfants de Dieu et vous l’êtes. Voilà pourquoi, le monde c’est-à-dire tout ce qui sur le terre, s’est refusé délibérément et définitivement à l’amour, n’a pas pu vous connaitre, n’a rien pu reconnaitre en vous, ni deviner Dieu ».

Des races, des signes de la sainteté que Dieu nous donne en cette vie, nous pouvons en voir, il est vrai qu’ils sont bien souvent cachés. Si Dieu nous donne sa sainteté en partage, cela ne peut pas, ne pas se traduire par un bonheur réel, une joie et une paix profondes.

De quoi tenir une vie entière même si celle-ci est agitée par des tempêtes et des ouragans.  Comme l’eau des profondeurs, il nous faut faire silence, arrêter de nous agiter. « Heureux » nous dit Jésus, parce qu’il nous veut ainsi !

Parfois une sorte d’harmonie profonde et silencieuse, voire même mystérieuse, semble nous accorder, nous ajuster au Royaume des Cieux. En ces instants, nous savons que le Royaume est déjà là, et que nous sommes déjà dans le Royaume.

Il nous reste alors à fixer notre regard, vers les saints et les bienheureux, parce qu’ils ont nettement dépassé la moyenne et qu’ils ont été repérés par l’Eglise, comme des guides, comme des exemples, comme des signes d’espérance.

Même, si nous ne sommes pas dignes de dénouer les lacets de leurs sandales, nous sommes bien de la même race qu’eux, nous vibrons aux mêmes Béatitudes.

« Oui, Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux » !

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25e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 21 septembre 2014

Is 55,6-9 ; PS 144 ; Ph 1,20-24.27 ; Mt 20,1-16.

 « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins […]. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » (Cf. 1ère lecture) L’oracle du prophète Isaïe l’affirme de façon très claire, les plans de Dieu dépassent toujours, et souvent de loin, les plans des hommes. L’homme ne devrait-il pas se souvenir, que Dieu a ses projets, et que c’est à lui de les accueillir, et non pas l’inverse ?

Cette vérité est contenue dans l’évangile de ce dimanche, qui nous présente le Règne de Dieu comme le maître d’un domaine, qui va embaucher des ouvriers pour sa vigne : « Le Royaume de Dieu est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers à sa vigne. » Seuls les premiers sont embauchés sur un contrat précis ; aux autres il est uniquement certifié qu’ils recevront ce qui est juste. Aux derniers rien n’est précisé, sinon d’aller eux aussi à la vigne.

Vient le soir et le moment de rémunérer chacun. Le Maître ménage alors l’effet de surprise en commençant par payer les derniers ouvriers, à qui il donne une pièce d’argent, c’est-à-dire ce qui correspond au salaire d’une journée de travail, pour terminer par ceux qui ont commencé à l’aube, et qui reçoivent eux aussi le même salaire.

Le sens humain de la justice, laisse penser que les ouvriers qui ont supporté le poids de toute la journée devraient recevoir plus, que ceux qui ont travaillé seulement quelques heures. Mais en considérant les choses de plus prêt, nous voyons qu’il n’y a aucune injustice dans l’attitude du maître. Celui qui a travaillé toute la journée a reçu ce qui lui avait été promis : « une pièce d’argent ». Du coup, donner le même salaire, tant à celui qui a travaillé une heure, qu’à celui qui a travaillé onze heures, n’est pas injustice mais pure générosité.

La thématique des plans de Dieu, rejoint ainsi celle de la gratuité de son Amour, qui surpasse de loin les mérites humains. Cet amour parce qu’il est divin, est un, et ne peut se diviser. C’est la symbolique, qu’ont retirée les Pères de l’Eglise, de l’unique pièce d’argent distribuée à chacun.

En outre, cet amour a comme finalité, la vie de celui à qui il est destiné. En effet, une pièce d’argent était, à l’époque, le minimum qui permettait à une famille de vivre. En donnant cette somme à chacun, le maître manifeste qu’il se montre plus inquiet, de la vie de ses ouvriers, que de l’application d’une stricte justice distributive. La thématique des projets de Dieu, rejoint à ce point, la thématique du salut et de la vie éternelle, que Dieu veut offrir, à chacun, en plénitude.

Nous comprenons qu’en fait, le projet de Dieu, c’est fondamentalement celui de nous sauver. Et Dieu, nous le manifeste, à travers un Amour infini et inconditionnel. Dieu n’est pas un comptable qui, en fonction de nos mérites, nous donnerait plus ou moins part à sa vie éternelle. Quand il donne la vie, il donne tout parce qu’il se donne lui même. Il ne peut faire autrement, parce que c’est sa nature de se donner, et de ne rien retenir pour lui.

Et cela, il le fait sans condition parce qu’il est pure gratuité, pur don.
Cette bonté et cette générosité se révèlent aussi dans une patience infatigable qui prend le temps de nous inviter sans cesse à l’accueillir et ce jusqu’à la dernière seconde de notre vie.

Mais la délicatesse de Dieu ne s’arrête pas là. Il souhaite notre participation à la construction de son projet de salut. Il ne veut pas que nous soyons des spectateurs passifs sur la place, que nous demeurions sans rien faire. Il désire que nous soyons des collaborateurs actifs, ouvriers de sa vigne. Il désire que nous adoptions les mêmes mœurs, que nous ayons le même regard et les mêmes pensées que lui. Il désire que nous travaillions avec lui, à inviter tous les hommes à son Royaume éternel. Les derniers arrivés seront tout autant les bienvenus dans la maison du Père, que les premiers. Leur place demeure réservée à la Table du Royaume.

Mais dans la perspective de construire le Royaume, l’important n’est pas d’arriver à la première ou à la dernière heure. L’important est de prendre conscience que du moment où nous sommes appelés, notre vie reste définitivement orientée vers le Royaume de Dieu. Si nous sommes arrivés parmi les premiers, notre fatigue contribuera sans doute à faire fléchir les retardataires pour qu’ils s’engagent eux aussi à travailler à la vigne du maître, et puissent ainsi, avoir part au Royaume éternel.

Ne cherchons pas dans les événements qui nous arrivent, à connaître quels sont les plans de Dieu, ils nous dépasseront toujours. La meilleure manière d’y adhérer, et surtout, de ne pas y faire obstacle, c’est de vivre, comme nous invite Paul, en Christ, et de mener une vie digne de son Evangile.

Cette vie en Christ, greffée sur la générosité infinie de l’Amour et de la patience divine, amène Paul à préférer continuer à travailler à l’œuvre du Seigneur auprès des Philippiens, plutôt que de mourir, et de rejoindre définitivement le Seigneur.

Ce n’est pas pour autant qu’il perd le Christ. Au contraire, il le trouve peut-être même davantage en choisissant de ne pas vivre pour soi, mais de travailler au salut de ses frères.

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24e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 14 Septembre

Nb 21,4-9 ; Ps 77 ; Ph 2,6-11 ; Jn 3,13-17.

Cette fête de la Croix glorieuse, que la liturgie nous invite à célébrer aujourd’hui, nous place au cœur du paradoxe chrétien : comment ce signe de malédiction qu’est la croix, a-t-il pu devenir une source de bénédiction et de salut ? Comment la vie peut-elle jaillir de la mort ? Et la joie de la souffrance ? Ces questions nous minent tellement que nous préférons souvent faire comme si nous ne les entendions pas. Pourtant, elles sont tellement existentielles qu’on ne peut les occulter totalement.

L’Evangile nous ouvre un chemin lorsque nous entendons Jésus nous dire : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ». La Croix ne devient salutaire, que par le poids d’amour qui s’y révèle. L’amour vécu jusqu’au bout, a pouvoir de sauver, de réparer, de donner un sens à ce qui semble à vue humaine insensé, d’illuminer les ténèbres les plus épaisses.

En haut du mât de la Croix, ce n’est plus un serpent d’airain que nous contemplons, mais le Fils de Dieu qui s’est livré pour nous dans une passion, qui passa par la souffrance, mais qui fût une passion d’amour. Nous contemplons l’amour, dans le cœur transpercé de Jésus, qui est comme un livre ouvert où se lit le message d’amour d’un Dieu qui se révèle en se livrant sans réserve. Voilà le centre de notre foi : croire en Jésus, Fils de Dieu, qui m’a aimé, personnellement, et s’est livré par amour pour moi.

Telle est l’Alliance nouvelle et éternelle entre Dieu et les hommes : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » A cette initiative déconcertante du Père, nous ne pouvons répondre que par l’humble accueil, dans la foi, du salut qu’il nous offre en son Fils. Croire signifie ici tout miser sur « le Christ Jésus ; lui qui, bien qu’étant de condition divine, a néanmoins voulu subir la mort sur la Croix pour nous obtenir la vie éternelle ». Croire signifie contempler, avec Marie et Jean, le poids d’amour qui se révèle en celui qui « s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir et à mourir sur une croix » (1ère lecture). Croire signifie ici, se laisser illuminer par l’Esprit, jailli des lèvres du Crucifié. Croire signifie, discerner la gloire qui resplendit sur son visage défiguré ; recueillir dans ces vases d’argile que nous sommes l’eau et le sang jaillis de son côté ouvert.

Dans la blessure du cœur de Jésus nous trouvons bien plus que la simple guérison issue du serpent d’airain. Dans le désert de nos vies, lorsque nous regardons cette blessure d’amour du Crucifié, nous y puisons le salut, la transfiguration totale de nos existences, marquées par les souffrances et le péché : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. ».

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23e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 7 septembre 2014

Éz 33,7-9 ; Ps 95,1-2.6-9 ; Rm 13,8-10 ; Mt 18,15-20.

Nous venons d’entendre un extrait de l’instruction sur la vie communautaire,  tel que Jésus le prodigue au groupe de ses compagnons. Dans les versets précédents. Jésus y mettait longuement et sévèrement en garde contre toute forme de scandale qui ferait trébucher un de ceux qui ont mis, en lui, leur foi.

On se souvient de ses invectives très fortes : « Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule et qu’on le précipite dans l’abîme de la mer » (Mt 18, 6). Quelle est la raison de cette véhémence ? Jésus la révèle « Votre Père qui est aux cieux veut qu’aucun de ces petits ne se perde » (18, 14). Jésus veille comme un berger sur le troupeau de son Père, et exige que nous soyons particulièrement attentifs à n’être pour personne cause de chute.

Hélas, il est inévitable qu’il y en ait (18, 7), Jésus nous invite, à tout mettre en œuvre pour aider le frère malheureux à se relever. Ainsi la charité doit être non seulement prévenante, il faut qu’elle soit aussi guérissante. En tout ce qu’elle entreprend, elle doit viser non seulement à la construction de la communauté dans l’unité, mais aussi au maintien de sa paix, tout en la gardant dans la vérité de l’Evangile. Et ceci ne vaut pas que pour les communautés paroissiales : nous portons cette responsabilité au cœur de tous les groupes humains que nous fréquentons : familiaux, professionnels, associatifs.

« Votre Père veut qu’aucun de ces petits ne se perde » : la voilà la motivation. La raison de nos efforts n’est donc pas de faire du nombre, remplir nos Eglises, ni de faire du prosélytisme ; mais uniquement l’amour du Père, et dès lors, l’amour de ses petits, qui en lui, sont nos frères.

Tel est l’amour vrai, celui qui procède de Dieu et conduit à Dieu ; l’amour « qui accomplit parfaitement la Loi » comme le soulignait Paul (Rm 13, 8-10), et qui l’accomplit en réalisant le souhait le plus cher de Jésus : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Telle est la charte de toute vie communautaire : « Gardez l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3). C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour protéger de la chute ceux dont nous avons la charge, et pour les aider à se relever s’ils sont tombés, afin qu’ils puissent reprendre la route sur le chemin de la vérité et de la vie.

L’opération « sauvetage » présente trois étapes, que Jésus prend soin de décrire en détail, ce qui souligne bien, l’importance qu’elle revêt à ses yeux. « Si ton frère a commis un péché » : le verset est apparemment contradictoire, car si le péché coupe le coupable du Père, il le coupe aussi des frères. Comment Jésus peut-il dès lors nous dire « Si ton frère a péché » ? L’expression suggère que du côté de Dieu, le pécheur reste son enfant malgré qu’il lui ait tourné le dos. Mais comme le Seigneur ne peut pas violer sa liberté et s’imposer à lui, il passe par la médiation de ses autres enfants, comme s’Il  nous disait en filigramme : « Cet homme qui ne reconnaît plus Dieu comme Père, demeure néanmoins son enfant ; aussi, est-il toujours ton frère ; je compte sur toi pour le ramener au bercail. Va lui parler seul à seul pour ne pas l’humilier en ébruitant l’affaire, et montre lui sa faute avec délicatesse. S’il t’écoute, tu auras “gagné ton frère” ; non pas pour toi, mais le gain sera pour lui d’abord, et pour la famille de Dieu, ton Père, qui te le revaudra. S’il ne t’écoute pas, tu prendras avec toi - conformément au droit juif mentionné au livre du Deutéronome - une ou deux personnes pour éviter l’arbitraire. Peut-être ne t’es-tu pas bien exprimé ou n’as-tu pas compris le sens de son action : c’est son droit de faire appel à d’autres personnes pour vérifier le bien-fondé de ton interpellation. De mon côté, je m’engage, à donner le discernement à « deux d’entre vous qui se mettent d’accord » pour le demander, car mon Fils se tient au milieu de ceux qui se réunissent en son nom, pour recevoir la lumière. Voilà pourquoi « tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel », non parce que le ciel se plierait à vos décisions, mais parce que je veillerai personnellement à la rectitude de vos jugements, lorsqu’ils s’exercent dans la miséricorde. Ce n’est que si ce frère refuse encore de vous écouter, que tu en parleras à la communauté, qui essayera à son tour de lui faire entendre raison. Et si là encore, il résiste, celle-ci devra lui signifier que par son obstination, il s’est mis lui-même en dehors de la communion ecclésiale. Ce qui ne signifie pas, pour autant, qu’il soit rejeté, bien au contraire : il sera pour vous l’objet d’un amour de prédilection, comme les païens et les publicains, envers qui j’ai toujours témoigné une sollicitude particulière. »

Nous pressentons à travers ces quelques versets, toute la délicatesse du Seigneur envers les brebis égarées, et combien, il compte sur chacun de nous pour les ramener dans le droit chemin : « Je fais de toi un guetteur », nous redit le Seigneur par le prophète Ezéchiel (1ère lect.). Nous devons veiller jalousement les uns sur les autres, afin qu’aucun de ces petits, que le Père aime, et pour lesquels Jésus a versé son Sang, ne se perde.

A la question de Caïn « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9), Jésus répond sans hésiter : « Bien sûr, puisque je te l’ai confié ; comment pourrais-tu prétendre m’aimer, sans porter le souci de ceux que j’aime ? » La première lecture nous enseigne même que le salut du prophète dépend de l’exercice de son ministère : il ne « sauvera sa vie » que s’il a « averti le méchant d’abandonner sa conduite ». Entendons bien : le Seigneur ne rejette pas le prophète qui aurait failli ; mais l’indifférence de celui-ci trahirait qu’il n’est pas - ou qu’il n’est plus - en communion avec Dieu, « qui fait lever son soleil lui, sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45).

« A ceci, tous, vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35), tout particulièrement pour ceux qui s’égarent. A l’heure où le relativisme moral et le syncrétisme doctrinal s’est infiltré jusqu’au cœur de nos communautés chrétiennes, une telle attitude n’est guère facile à mettre en pratique. Le risque est grand de nous faire accuser de moralisme, de fanatisme, d’intolérance et que sais-je encore ! Pourtant, la Parole de Dieu est claire : nos silences complices nous conduiraient à partager la responsabilité des égarés.

Que l’Esprit Saint nous éclaire : puissions-nous nous acquitter de « la dette de la charité fraternelle » (2nd lect.) avec douceur et compassion, afin que nos paroles édifient le Corps du Christ, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

22e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 31 Août 2014

Jr 20,7-9 ; Ps 63,2-6.8-9 ; Rm 12,1-2 ; Mt 16,21-27.

« Toute vie est une vocation » affirmait le pape Paul VI, dans son encyclique Populorum progressio, vocation parce qu’elle est un appel : un appel à la sainteté, c’est-à-dire, à vivre de la vie même de Dieu, en étant totalement transfiguré par son amour, un appel à collaborer à son œuvre divine de salut en chaque homme, en somme, un appel à vivre en Christ, en qui nous communions à la plénitude de la divinité.  

L’appel, la vocation, demande une réponse. Celle que le Seigneur attend de nous est une réponse de foi. Pierre, lui aussi, fut appelé par le Seigneur et sa réponse s’exprima dans cette confession admirable : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. »

Mais Pierre ne perçut sans doute pas la portée de ses paroles. Au moment où Jésus vient d’obtenir de ses disciples, et de Pierre en particulier, la première profession de foi en sa messianité, Jésus répond en faisant la première annonce de sa Passion. Matthieu nous dit en effet : « A partir de ce jour, Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et le troisième jour ressusciter ». Au rôle glorieux du Messie, Jésus vient ajouter le rôle douloureux du Serviteur Souffrant annoncé par Isaïe.

Jésus montre à ses disciples que s’engager à sa suite en réponse à son appel à partager sa vie implique le passage par la croix : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. »

Ces propos de Jésus furent tout autant incompréhensibles pour Pierre qu’ils peuvent l’être pour nous. Suivre le Christ pour accomplir sa vocation est crucifiant. Mais cela ne doit pas nous rebuter. En effet, nous devons voir les épreuves, les souffrances, les incompréhensions, que nous traversons comme autant d’occasions d’entrer davantage, dans la dynamique du don et de l’amour, qui en fin de compte, représente la dynamique propre à la vocation chrétienne. Dieu nous a créés pour l’amour, pour une communion d’amour avec lui. La vocation chrétienne ne consiste-t-elle pas précisément à passer de l’observance des commandements de la Loi divine, à un niveau plus élevé, de la donation de nous-mêmes, à l’exemple de Jésus-Christ ? La souffrance, les épreuves, contribuent à cela, en nous poussant à nous donner jusqu’au bout, sans rien attendre en retour, gratuitement, comme Dieu l’a fait pour nous, en son Fils.

Celui qui choisit délibérément de répondre à sa vocation, ne manquera pas de connaître la persécution, la souffrance, voire même de se sentir peut-être abandonné de Dieu. Il se trouvera inévitablement écartelé, entre le feu de l’appel de Dieu, et la sagesse humaine, qui ne manquera pas de lui montrer, comme absurde, la volonté de répondre à cet appel. C’est tout le débat intérieur que vit le prophète Jérémie, entre l'appel de Dieu qui le pousse à parler, et la sagesse humaine qui le pousse à se taire : "Je me disais : Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m'épuisais à le maîtriser, sans y réussir."

Il est consolant de voir, que le feu de l’appel de Dieu, demeure ici le plus fort. Mais il ne supprime pas pour autant l’épreuve qui purifie la vocation, en la ramenant à ce qui en est son essence : Dieu lui-même. Pour ne pas abandonner la partie, il est important d’entendre ici l’exhortation de Paul : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Cf. 2ème lecture).

Paul nous invite à nous transformer en renouvelant notre manière de penser, afin que nous soyons capables de reconnaître le projet de Dieu sur notre vie, et cela, au cœur même des épreuves. Juste avant d’ailleurs, il nous exhortait à offrir nos vies en sacrifice : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu ».

Qu’est-ce sinon une invitation à reconnaître que le projet de Dieu passe par la croix. C’est bien là, que nous ne devons pas modeler nos pensées selon l’esprit du monde. Nous tomberions alors dans le même piège que Pierre, dans l’évangile, et ferions obstacle à la volonté de Dieu, à notre vocation : « Passe derrière moi Satan, tu es un obstacle sur ma route, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes » (Cf. Evangile).

Fondamentalement, répondre à sa vocation, c’est perdre sa vie pour la trouver en Dieu : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ».

Pour accéder à la résurrection, il s’agit de passer avec Jésus à travers la mort : « Perdre sa vie pour la trouver ». Il n’y a pas d’autre chemin. Mais il ne s’agit pas de mourir pour mourir. Il s’agit de perdre sa vie, à cause de Jésus, autrement dit, il s’agit de risquer sa vie sur la personne même de Jésus-Christ, non pas dans un volontarisme orgueilleux, ou dans un acte de désespoir fataliste, mais dans une humilité profonde, qui consent à recevoir sa vie d’un Autre.

Alors seulement, cette vie humaine prendra les couleurs de la vie éternelle, d’une vie qui n’a pas de prix, parce qu’elle est divine. Alors seulement, notre vocation à communier à la vie divine, se trouvera réalisée.

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21e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 24 août 2014

Is 22,19-23 ; Ps 138,1-3.6-8 ; Rm 11,33-36 ; Mt 16,13-20.

Marc et Matthieu précisent la localisation géographique du dialogue que nous venons d’entendre entre Jésus et ses apôtres ; Il s’agit de « la région de Césarée-de-Philippe », ville construite par le tétrarque Hérode-Philippe près des sources du Jourdain, et ainsi dénommée en l’honneur de l’empereur Auguste. Jésus a voulu susciter la reconnaissance de son identité messianique sur l’horizon de cette cité élevée à la gloire des grands de ce monde, afin de suggérer l’antagonisme inconciliable entre le Royaume de son père et les Empires d’ici-bas ? Ou a-t-il choisi ce lieu paradisiaque où l’eau coule en abondance et où la végétation est luxuriante, pour signifier que l’accueil de la révélation donne accès à la nouvelle création ? Peut-être faut-il conjuguer les deux interprétations : Jésus pourrait en effet suggérer par ce choix géographique précis, que l’on n’accède au nouvel Eden qu’en renonçant aux fastes d’ici-bas .

« Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » La question semble relever d’un sondage d’opinion ; en terme médiatique nous dirions aujourd’hui : « où en est ma cotte de popularité ? » les disciples répondent en se référant à ce qu’ils ont pu entendre autour d’eux dans les murmures de la foule émerveillée par les miracles de Jésus : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes ». Le point commun entre toutes ces propositions, est, qu’elles se réfèrent toutes à des personnages du passé. Réflexe spontané des masses qui occultent la nouveauté du message et des interventions de Jésus, en tentant de les renvoyer à du déjà vu et déjà connu. Il est toujours rassurant de se dire que ce Rabbi n’apporte somme toute rien d’original, mais ne fait que répéter ce qui s’est déjà dit par le passé : cela permet d’éluder en définitive la question d’une véritable conversion.

Mais une telle interprétation de la Personne du Christ se méprend totalement sur son identité et sa mission ; car Jésus n’est pas venu pour redire, mais pour accomplir ; il n’est pas venu pour prolonger une histoire ancienne, mais pour ouvrir des temps nouveaux. Il ne se contente pas de faire écho aux enseignements des Rabbis de la tradition ancestrale, mais il ouvre une brèche vers un au-delà que l’homme ne pouvait même pas pressentir - et encore moins atteindre - par lui-même. Plus encore qu’une doctrine, c’est un chemin que Jésus déploie devant nous ; un chemin sur lequel il passe en premier pour rejoindre le Père, entraînant à sa suite ceux qui ont pressenti la radicale nouveauté de son enseignement et qui lui font confiance.

Lorsque Simon proclame que Jésus est « le Messie, le Fils du Dieu vivant », son affirmation n’est vraie qu’à condition de donner à ces termes une signification radicalement nouvelle, qui correspond à Jésus seul, mais qui ne sera révélée qu’au matin de la Résurrection. Il est dès lors probable que lorsque Pierre attribue à Jésus le titre de « Christ », et de « Fils de Dieu », il est loin de mesurer la portée de ce qu’il affirme : ce n’est qu’au terme de la deuxième partie de son cheminement à la suite de Jésus, culminant dans le triduum pascal, qu’il le découvrira - non sans peine. C’est bien pourquoi pour le moment Jésus ordonne aux disciples « de ne dire à personne qu’il était le Messie ».

Pourtant, même s’il n’a pas encore tout compris, Simon a cependant fait un pas décisif dans la bonne direction, comme le confirme la réponse très solennelle de Jésus, dont on devine la joie intérieure. Son disciple vient en effet de manifester son ouverture à la grâce d’en haut : ce qu’il vient de proclamer n’est pas le vestige de son catéchisme d’enfance, ni le fruit d’un raisonnement humain. Mais il s’agit d’une véritable confession de foi, c'est-à-dire de l’adhésion, à travers des mots connus, à une réalité inconnue, radicalement nouvelle, que Simon a pressentie à la lumière de la grâce, en la Personne de son Maître.

Cet accueil de l’action de l’Esprit Saint, fait de Simon un homme nouveau : il est désormais bien plus que le fils de Jonas ; car un autre s’est joint à lui : le Père de Jésus, qui vient de parler par sa bouche. Par cette intervention divine, Simon est élevé au-dessus de la « chair et du sang » : il participe désormais à la filiation de Jésus dans l’Esprit.

Cette nouvelle généalogie est confirmée par le don d’un nom nouveau : Simon devient « Pierre ». Or ce nom n’est rien de moins qu’un titre messianique : la pierre, le rocher, est une des dénominations par lesquelles la Bible désignait le Christ à venir. Ainsi donc la foi naissante de Simon l’unit d’emblée à son Maître, au point de le rendre participant à son identité et à sa mission.

Le ministère des « clés du Royaume » qui lui est confié est également un pouvoir messianique : seul le Christ enseigne, condamne et absout avec l’autorité de Dieu son Père. Ce qui ne signifie pas que celui-ci se plie désormais aux caprices de Pierre et de ses successeurs, mais bien plutôt qu’il s’engage à leur accorder une grâce particulière de discernement, de manière à ce que leurs décisions correspondent à ses desseins.

Ce pouvoir inouï est conféré non seulement à Simon-Pierre et à ses successeurs - mais il le sera bientôt à tous ceux qui suivent le Christ (Mt 18, 18), c'est-à-dire à l’Eglise entière. Tous, si nous confessons que le Christ est « la pierre angulaire rejetée par les bâtisseurs mais choisie par Dieu » (Mt 21, 42), nous recevrons un « caillou blanc, portant gravé un nouveau nom » (Ap 2, 17). Tous nous sommes appelés à devenir des pierres vivantes de l’édifice de Dieu (1 P 2, 4-6) - à la condition toutefois que nous nous laissons travaillé par l’Esprit.

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20e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 17 août 2014

Is 56, 1.6-7; Ps 67,2b-3.5.7-8; Ro 11,13-15.29-32 ; Mt 15,21-28.

Jésus vient d’avoir une controverse musclée avec les pharisiens sur la notion de « pur et impur » telle qu’elle ressort de « la tradition des anciens ». Comme il a « scandalisé » ses interlocuteurs (15, 12), Jésus se retire prudemment dans la région de Tyr et de Sidon, terre « impure » par excellence ; ses détracteurs ne le suivront bien évidement pas. Sans doute veut-il faire le point avec ses disciples [- élevés à la synagogue, c'est-à-dire à l’école des pharisiens] - sur son enseignement quelque peu anticonformiste, pour ne pas dire révolutionnaire. La rencontre avec la femme syro-phénicienne prolonge la réflexion sur les conceptions légalistes concernant la pureté. En réalité Jésus se rend à un rendez-vous : l’heure est venue d’accomplir la pédagogie divine concernant les rapports entre Israël et les païens. Pour être sûr que les témoins puissent dégager le sens de l’événement, Jésus va se situer explicitement dans la lignée prophétique, dont il va porter à terme les enseignements sur ce sujet.

La Cananéenne appartient au peuple chassé de la Terre que Dieu avait donné à Israël. La prière qu’elle adresse à Jésus témoigne cependant d’une étonnante connaissance de la tradition juive ; le titre « Seigneur, fils de David » suggère même une ébauche de foi, comme le confirme sa demande, puisqu’elle attend de Jésus qu’il prenne autorité sur le démon qui tourmente sa fille, ce qui est un pouvoir proprement divin.

En feignant ignorer la prière de cette femme, puis en repoussant sa demande sous prétexte qu’il n’est « envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël », Jésus adopte dans un premier temps le comportement des prophètes anciens. Ceux-ci s’adressaient en effet exclusivement au peuple élu, qu’ils étaient chargés de ramener en priorité le dans la fidélité à l’Alliance.

Le silence de Jésus a sans aucun doute également une portée pédagogique ; Il veut obliger ses disciples à s’interroger : cette femme païenne, habitant en terre étrangère, mais témoignant par sa foi naissante qu’elle est visitée par Dieu, est-elle « impure » en raison de son appartenance raciale, ou au contraire, faut-il juger de sa « pureté », c’est-à-dire de la qualité de sa relation à Dieu à partir de « ce qui est sorti de sa bouche et qui provient de son cœur » (15, 8) ?

A vrai dire, les disciples ne semblent pas avoir perçu le problème : leur seul souci est que leur Maître donne au plus vite « satisfaction » à cette femme, pour couper court à une situation embarrassante. Pensez donc : un Rabbi juif poursuivi par les cris d’une païenne : quel scandale ! Si les chefs religieux apprenaient cela à Jérusalem, ils auraient beau jeu de le diffamer. Autrement dit, les disciples demeurent tout aussi enfermés dans leur a priori et leur formalisme religieux que les pharisiens qu’ils redoutent.

La parole dure de Jésus refusant d’intervenir en faveur d’une brebis qui n’est pas du troupeau d’Israël, ne décourage cependant pas la femme ; rassemblant son courage, « elle vint se prosterner devant lui » : geste d’humble adoration. Lui barrant la route, elle supplie celui en qui elle a mis toute son espérance : « Seigneur, viens à mon secours ! » Ce n’est pas pour elle, mais pour ses disciples que Jésus se fait insistant, disant à haute voix ce qu’ils pensent tout bas dans le secret de leur cœur. Tout comme la Samaritaine, cette femme cananéenne a perçu intuitivement le mystère de la personne du Christ. Elle sait bien que le pain de sa Parole est destiné aux enfants d’Israël, puisque « le salut vient des Juifs ». Mais elle a deviné que ces enfants font preuve de bien peu d’appétit pour la nourriture que Jésus leur offre en abondance : le Rabbi ne viendrait pas en terre païenne s’il ne fuyait pas ses coreligionnaires. Aussi ajoute-t-elle avec assurance : « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » - le terme « petits chiens » ne désigne pas les chiens errants, objet de mépris, mais les animaux domestiques qui jouissaient de la faveur de leur maître.

Jésus jubile : « Femme, ta foi est grande ». Par sa disponibilité à l’action de l’Esprit Saint, la femme syro-phénicienne accède au même héritage que les fils d’Abraham : « héritière de Dieu, héritière avec le Christ » (Rm 8, 17), elle dispose en son nom propre de la victoire de Jésus sur le démon. Elle préfigure ainsi la multitude des païens convoqués eux aussi à la Table du Royaume, conformément à la promesse que Dieu prononça par la bouche du prophète Isaïe : « Les étrangers qui se sont attachés au service du Seigneur pour l’amour de son nom et sont devenus ses serviteurs, je ferai bon accueil à leurs holocaustes et à leurs sacrifices » (1ère lect.).

Certes, « le salut vient des juifs », mais il ne leur est pas réservé : la « justice » de Dieu et son « salut » sont pour tous les hommes. Tous sont appelés au bonheur dans la maison de l’unique vrai Dieu, dont Jésus nous révèle le visage de Père. Désormais les portes du Royaume ne s’ouvrent plus par la circoncision, mais par la foi au « Seigneur, fils de David ».

La liturgie de ce jour nous interpelle non seulement sur nos divergences religieuses, mais également sur nos innombrables exclusions au nom de nos différences, que nous ne parvenons pas à intégrer. Depuis que le péché est entré dans le monde, ces différences sont perçues comme des menaces, qu’il faut à tout prix éliminer. Le geste de violence meurtrière de Caïn n’a cessé de se reproduire tout au long de l’histoire : que de sang versé par jalousie envers la bénédiction divine reposant sur le prochain. Regardons l’actualité de ces derniers jours, des chrétiens sont persécutés aujourd’hui à cause de leur foi, à cause du fait qu’ils ne veulent pas la renier, pour en adopter une autre.

Israël a reçu de Dieu une mission particulière en tant que fils aîné parmi les peuples ; mais cette élection - comme toute élection - implique aussi la responsabilité de partager le don confié. Jésus distribue ses grâces entre tous, afin que tous puissent participer au service du bien commun en partageant ce qu’ils ont reçu. Tout don se pervertit lorsqu’il est approprié d’une manière individualiste pour nourrir la vaine gloire ou le pouvoir de celui qui l’a reçu.

Le don pascal par excellence, celui que l’Eglise du Christ a pour mission de partager avec tous, est le pain de la miséricorde, grâce auquel nous pouvons réintégrer notre condition filiale. C’est par cette miséricorde que le « salut de Dieu sera connu parmi toutes les nations » ; c’est par elle que « le Seigneur nous bénit et que la terre entière pourra enfin l’adorer » en esprit et vérité.

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Fête de l'Assomption de Marie

Vendredi 15 Août 2014

Ap 11,19.12,1-6.10 ; Ps 45,11-16 ; 1 Co 15,20-26 ; Luc 1,39-56.

« C’est lui en effet, le Christ, qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ces ennemis et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tous mis sous ses pieds » : ces paroles de Paul, dans la 2nde lecture, nous aident à comprendre le mystère que nous célébrons aujourd’hui.

L’Eglise nous invite à porter notre regard vers la Vierge Marie élevée au ciel, en elle s’accomplit le dessein d’amour du Père sur toute humanité. En elle, le mystère de la Rédemption porte pleinement son fruit : préservée de tout péché par une grâce découlant de la Croix de son Fils, c’est encore de lui, qu’elle reçoit la vie divine lui permettant de traverser la mort sans connaître la corruption.

Exaltée à sa droite, intronisée Reine de la création visible et invisible, Marie vit désormais de la vie même de son Fils ressuscité.

Si depuis le péché originel, le péché de désobéissance à Dieu par Adam et Eve, la mort est le lot commun de tous les hommes, nous croyons, en contemplant la Résurrection et l’ascension de Jésus et l’assomption de Marie, que la mort n’a pas le dernier mot. Nous croyons que la mort est vaincue.

« C’est en Adam que meurent tous les hommes », nous dit Paul. Si tous nous mourrons en Adam à cette vie naturelle, « c’est dans le Christ que tous revivront » à la vie divine sur laquelle la mort n’a plus aucun pouvoir.

Prêchant lors de la fête de l’assomption, le pape Jean Paul II disait dans une homélie, que la mort est désormais « le passage vers la vie à la rencontre de l’Amour. Elle est le passage vers la béatitude céleste réservée à ceux qui œuvrent pour la vérité et la justice et s’efforcent de suivre le Christ » (Jean-Paul II, 15.VIII.2001).

Marie nous est présentée au cœur de l’été, comme un signe réconfortant qui nourrit notre espérance. Exaltée en son Fils à la droite du Père, elle « a pour manteau le soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles » nous révèle Jean dans la 1ère lect.

Autrement dit : elle participe pleinement à la glorification de son Fils ressuscité - drapée du soleil -souligne Jean, - piétinant la lune-, signe de sa victoire définitive sur tout mal. En Marie s’accomplit pleinement « le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ » (Ibid.).

En Marie nous contemplons notre propre destinée, et nous relançons notre marche à travers les vicissitudes du temps présent, vers la Cité céleste, la Jérusalem d’en haut où Dieu nous attend pour « essuyer toute larme de nos yeux » (Ap 21, 4). Sur ce chemin, nous savons que le secours de Dieu ne nous fera pas défaut.

De même que, avertie par l’Ange, « Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée » pour se mettre au service de sa cousine Élisabeth, ainsi Notre-Dame continue à venir vers nous, ses enfants, afin de nous « conduire au désert où Dieu nous a préparé une place », à l’abri des attaques du Dragon, l’antique serpent, nous dit Jean. Ce lieu n’est rien d’autre que son Cœur immaculé, où nous pouvons nous tenir en présence du Dieu vivant pour l’adorer.
 

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Le mystère que nous célébrons en ce jour nous vient de l’Orient : au VIe s. la fête de la « Dormition » y était déjà célébrée, et il revint à l’empereur Maurice (582-602) de la fixer définitivement à la date du 15 août.

Le terme « dormition » veut souligner la douceur du passage accompli par Marie de cette vie terrestre à la vie divine en Christ. Le pape Théodore (642-649) introduira cette solennité quelques années plus tard en Occident, où elle prendra le nom d’« Assomption ». Ce vocable veut signifier que Marie ne s’élève pas au ciel par ses propres forces, mais qu’elle y est élevée. En elle, s’accomplit la prophétie du Magnificat : « Dieu élève les humbles ».

C’est parce que Marie fut la première et la plus fidèle parmi les disciples, qu’elle a pleinement communié à la douceur et à l’humilité de l’Agneau, elle a pu trouver en lui le repos que Dieu réserve à ceux qui acceptent de « renaître d’eau et d’Esprit » (Jn 3, 5).

19e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 10 Août 2014

1 R 19,9a.11-13a ; Ps 85, 9-14 ; Ro 9,1-5 ; Mt 14,22-33.

Les trois lectures nous parlent d’hommes en prise avec le doute, la peur, et la tristesse, ces trois hommes vont être amenés par le Seigneur à surmonter ces états d’âme à travers une purification de leur foi.

La première lecture, en effet, nous situe à un moment clef de la vie d’Elie. Le coup d’éclat du Mont Carmel a plutôt un goût amer. Après que le roi Achab a relaté à Jézabel comment Elie, a passé au fil de l’épée, tous les prophètes de Baal, celle-ci se promet de les venger. Elie a peur, et entame un exode, qui à travers le désert,  va le conduire jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. Elie en vient même à douter de l’efficacité de sa mission de prophète : « C’en est assez maintenant, Seigneur ; prends ma vie car je ne suis pas meilleur que mes pères… » (1 R 19, 4). Arrivé finalement à l’Horeb, il se réfugie dans la caverne de ses peurs face à l’ouragan, au tremblement de terre et au feu qui successivement se manifestent devant lui.

Au départ, Elie était parti « pour sauver sa vie ». Sa vie sera sauvé mais par Dieu qui se révèlera à lui dans « le murmure d’une brise légère », littéralement « la voix d’un fin silence ». Il est dit que « dès qu’il l’entendit, Elie se voila le visage avec son manteau » comme autrefois Moïse au même mont Horeb.

Contrairement à ce qui se passa au mont Carmel, Dieu n’est pas dans le feu. Ce n’est pas une manifestation toute-puissante du Seigneur, que l’on pourrait presque croire obtenue par le prophète lui-même, qui est à la base de l’adhésion de foi. Non, il s’agit d’une manifestation simple et discrète d’un Dieu qui vient rejoindre un homme démuni, pauvre et fragile, bien loin de celui qui paraissait aussi sûr de lui sur le Mont Carmel. Elie découvre que la puissance de Dieu n’est pas celle qu’il croyait. Parce qu’il a reconnu sa fragilité, parce qu’il a fait l’expérience de son besoin d’être sauvé, il est maintenant fort dans la foi, et peut reprendre sa mission au service du Seigneur.

La deuxième lecture, quant à elle, propose à notre méditation ce passage de la lettre aux Romains où Paul s’interroge douloureusement sur la destinée de ses frères juifs qui contrairement à lui, ne se sont pas convertis.

Sur la route de Damas, Paul a compris que croire au Christ n’était pas un reniement de sa foi juive, bien au contraire, puisque Jésus accomplissait en sa personne toutes les promesses contenues dans les Ecritures. Mais il est bien obligé de constater que la majorité de ses frères juifs ne l’ont pas suivi sur ce chemin, et que beaucoup même sont devenus ses pires persécuteurs.

Comment Dieu pourrait-il laisser ses enfants dans un tel égarement ? Aurait-il oublié son Alliance avec eux ? Aurait-il oublié cette merveilleuse promesse qu’il adressait à son peuple par la bouche du prophète Isaïe : « Une femme oublierait-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15) ?

Paul s’interroge, et doute peut-être. Lui aussi d’une certaine manière éprouve la fragilité de sa foi. Lui non plus, il ne trouvera pas son assurance dans ses propres sécurités, mais dans la fidélité même de Dieu à son Alliance. Ses doutes ne se verront levés que par un acte de foi reposant uniquement sur la promesse de salut total faite par Dieu à tout Israël. C’est ce qu’il exprime un peu plus loin dans sa lettre : « Car je ne veux pas, frères, vous laisser ignorer ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse : une partie d’Israël s’est endurcie jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens, et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il est écrit : ‘De Sion viendra le libérateur, il ôtera les impiétés du milieu de Jacob. Et voici quelle sera mon alliance avec eux lorsque j’enlèverai leurs péchés’ » (Rm 11, 25-27).

L’évangile, enfin, nous présente les apôtres, et tout particulièrement, Pierre paralysés par leurs peurs devant la tempête qui les a surpris au cœur de la nuit et devant ce qu’il croit être un fantôme qui s’avance vers eux. Mais résonne ces paroles de Jésus : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! ». Invitation à la foi qui se fonde sur la sécurité des propres paroles du Seigneur : « C’est moi », paroles par lesquelles Jésus ne déclare pas seulement son identité pour se faire reconnaître mais renvoie au mystère divin de sa personne en faisant directement référence aux paroles à travers lesquelles Dieu s’était révélé à Moïse dans le buisson ardent (Cf. Ex 3, 14).

Mais pour que cette foi le conduise à une rencontre authentique avec le Seigneur, Pierre devra faire l’expérience que Jésus le sauve : « Seigneur sauve-moi ». Alors seulement sa foi se voit purifiée de toute prétention à rejoindre Dieu par ses propres moyens.

Ces trois personnages d’Elie, Paul, Pierre, nous enseignent à travers ces lectures, que pour être forte et nous libérer de tous les doutes qui parfois peuvent nous assaillir, notre foi doit reposer sur Dieu seul en naissant de ce cri du cœur : « Seigneur sauve-moi ». Notre foi ne peut nous conduire à une rencontre en vérité avec le Seigneur que lorsque nous avons fait l’expérience de notre propre fragilité à vouloir faire sa volonté, que lorsque nous nous sommes purifiés de toutes prétentions à pouvoir nous avancer vers lui en comptant sur nous-mêmes.

Les tempêtes susceptibles de mettre en péril notre foi et donc notre relation au Seigneur ne manquent pas dans une vie. La victoire que nous accorde le Seigneur n’est pas dans le fait de marcher sur les eaux des tentations qui nous assaillent, mais dans le fait de regarder vers lui, d’aller vers lui. Pierre demande à Jésus non pas de marcher sur la mer mais de venir à lui. Ce qu’il désire plus que tout c’est Jésus. Et précisément, il commence à couler, lorsqu’il se met à prêter plus d’attention au vent qu’à la personne de Jésus.

Notre vie est un véritable chemin de foi qui s’approfondit au fur et à mesure que nous dépouillons de nous-mêmes, un exode où comme pour Elie, le Seigneur nous fait quitter nos fausses sécurités pour nous attacher à lui seul. Etre fragile n’est pas un obstacle sur cet itinéraire de conversion, mais refuser de se reconnaître fragile et ne pas demander l’aide de Dieu, pourrait bien en être un.

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18e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 3 août 2014

Is 55,1-3 ; Ps 145,8-9.15-18 ; Ro 8,35.37-39 ; Mt 14,13-21.

Jésus vient d’apprendre l’exécution de Jean le Baptiste. Cette mort dramatique le bouleverse : Jean était son cousin ; il lui était attaché par de profonds liens d’affection. De plus, Jésus pressent que cette mort annonce la sienne. Aussi cherche-t-il la solitude, le silence. Il est le Fils unique de Dieu, soit, mais il est aussi pleinement homme, partageant nos interrogations devant le grand mystère de la mort - surtout lorsque celle-ci apparaît comme le triomphe insolent du mal.

Les foules ont deviné l’intention du Rabbi, et le précèdent sur le lieu qu’il a choisi pour s’y retirer « à l’écart ». S’oubliant lui-même, Jésus ne voit plus que la détresse de ces hommes et de ces femmes qui affluent de toute part vers lui : « saisi de pitié envers eux, il guérit les infirmes ».

Comme le jour baisse, les disciples réagissent avec bon sens et exhortent leur Maître à renvoyer la foule. Mais Jésus ne l’entend pas ainsi. Renonçant encore à son désir si légitime de solitude, Jésus, dans un geste anticipant l’institution de l’Eucharistie, offre le pain du ciel à cette foule nombreuse qui erre au désert, prémisse du nouveau peuple de Dieu marchant à la suite du nouveau Moïse. Le Verbe se donne en nourriture dans la Parole et dans le Pain : « Ecoutez-moi donc : mangez de bonnes choses ! Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Ecoutez, et vous vivrez » (1ère lect.).

Etonnant contraste entre le banquet célébré dans le palais luxueux d’Hérode, qui coûtât la vie au Baptiste, et la simplicité de ce repas pris au désert, un soir de printemps peu avant la Pâque. La réponse que Jésus cherchait aux questions qui se bousculaient en lui suite au décès de son cousin, lui est donnée dans l’obéissance aux événements : c’est en allant toujours plus loin sur le chemin du don désintéressé de soi, qu’il sera vainqueur de la mort, car l’amour ne peut mourir ; en lui, la vie triomphe toujours.

Jésus aura le courage d’aller jusqu’au bout de cette voie apparemment sans issue et de livrer sa vie par amour pour nous, afin que toutes les générations puissent partager la certitude de Saint Paul : « ni la mort, ni la vie (…) rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur » (2nd lect.). Telle est notre confiance et notre espérance : la Croix est l’Arbre de vie divine dont la sève est le Pur Amour, et dont le fruit eucharistique nous donne part à la vie filiale de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Dès lors, si « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28), nous devons nous aussi faire comme lui. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » : Jésus invite ses disciples à le suivre sur le chemin déconcertant de l’amour. La charité s’oublie ; elle ne se décharge pas sur les autres pour servir : elle se met en peine, même lorsque la tâche semble impossible, dans la certitude que Dieu fera sa part. Le seul pouvoir que Jésus transmet à son Eglise, est celui de se livrer à sa suite pour la vie du monde. « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 12-13).

Nous n’avons rien de plus à proposer que « cinq pains et deux poissons » : le don dérisoire de nos pauvres humanités marquées par le péché ; mais si dans la foi nous les « apportons à Jésus » pour qu’il en dispose selon son bon plaisir, il en fera un pain rompu pour la vie du monde.

C’est en suivant notre Maître sur ce chemin du don total de soi, que nous le rejoindrons là où il nous précède : dans le Royaume de Dieu son Père ; mais en passant par le même porche : celui de la Croix. « Nous les vivants, écrit Paul, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre existence mortelle » (2 Co 4, 10). Tel est le mystérieux échange auquel il nous faut consentir dans la foi, car l’amour vrai ne se purifie des scories de l’égoïsme qu’au creuset de la souffrance librement consentie.

Pourquoi donc venons-nous nous rassasier à la Table du Corps et du Sang de Notre-Seigneur, sinon pour pouvoir vivre à notre tour notre Pâques d’amour au cœur de notre existence quotidienne ? Si nous croyons qu’en toutes choses « nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés » (2éme lect.), alors ne renvoyons plus notre prochain qui nous sollicite, mais prenons autorité au nom de Jésus-Christ sur nos égoïsmes et sur nos peurs, et mettons-nous généreusement au service de ceux qui ont faim : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger » recommande Jésus aux disciples.

17e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 27 juillet 2014

1 R 3,5.7-12 ; Ps 119,57.72.76-77.127-130 ; Ro 8,28-30 ; Mt 13,44-52.

« Un trésor » : voilà bien une parole qui retient spontanément notre attention !

Jésus se contente de nous donner la trame du scénario : au cours de son travail, un ouvrier agricole découvre un « trésor caché ». On imagine sans peine sa joie et son excitation ; mais notre homme n’en perd pas pour autant le nord. Légalement il a droit à la moitié du butin, l’autre moitié revenant au propriétaire du champ. Pour éviter de devoir partager sa découverte, notre héros préfère vendre tous ses biens et acquérir le champ, afin de récupérer la totalité du trésor.

Spontanément nous nous imaginons un coffre rempli de pierres précieuses, dont la vente nous permettrait de couler des jours heureux, libres de tous soucis matériels. Mais le récit garde-t-il vraiment pour nous cette même saveur lorsque nous identifions ce fameux trésor avec le « Royaume des cieux » ? Jésus ne nous demande-t-il pas dans un autre passage, de choisir entre Dieu et l’argent ?

Peut-être découvrons-nous, en écoutant nos réactions intérieures face à cette parabole, que nous portons en nous l’image d’un Dieu jaloux de notre bien-être. Certes nous lui obéissons, mais le cœur n’y est pas, et nous « louchons » vers le trésor…

Il est bon de prendre conscience de ces ambiguïtés, afin de laisser l’Esprit nous purifier de nos conceptions idolâtriques et nous relancer dans notre quête du vrai Dieu. Le « Royaume des cieux » est bel et bien un « trésor », et même un trésor infiniment plus précieux que toutes « les perles de grande valeur » du monde, puisqu’il nous donne accès au mystère de Dieu lui-même, la source de tout bien. Mais pour acquérir ce trésor ineffable, nous devons consentir à renoncer à ce que nous croyons savoir sur le mystère divin. Seul celui qui « vend tout ce qu’il a », c'est-à-dire qui se débarrasse de toutes ses précompréhensions sur Dieu, peut se disposer à accueillir l’héritage promis à ceux qui, par la foi en la Parole du Fils, s’ouvrent à la Révélation du Père.

Remarquons bien que notre héros n’achète pas le trésor, et pour cause : il est, par définition, hors de prix. Mais il acquiert le champ dans lequel il est enfoui. Ne serions-nous pas cet agriculteur qui travaille la glaise de sa vie comme un ouvrier, tant qu’il n’a pas découvert qu’il ne tient qu’à lui de devenir fils ? Pour opérer cette prise de conscience, il suffit que nous renoncions à vouloir obtenir le salut par nos propres efforts, pour nous mettre à l’écoute de la Parole que le Père nous adresse en son Fils unique.

 Nous découvrirons alors que le don de Dieu nous précède, car « il nous a choisis dans le Christ dès avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1, 4). Et « ceux qu’il connaissait par avance, il les a aussi destinés à être l’image de son Fils, pour faire de ce Fils l’aîné d’une multitude de frères » (2nd lect.), afin de leur donner part à sa gloire (Ibid.).

 

Le choix n’est donc pas entre les richesses et la misère d’une religiosité sans âme ; mais entre les biens éphémères de ce monde qui passe, et la participation à la gloire de Dieu, dans le Royaume qui, lui, ne passera pas. Celui qui a découvert le véritable enjeu de cette vie, s’en va tout joyeux vendre tout ce qu’il possède pour acquérir ce champ précieux et en extraire son trésor spirituel. Se joignant au Psalmiste il peut alors chanter : « Mon partage, Seigneur, c’est d’observer tes paroles. Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche, plus qu’un monceau d’or ou d’argent ! » (Ps 118).

Telle est la véritable sagesse, celle qui ne s’arrête pas aux choses qui nous entourent, mais discerne la présence cachée de celui qui nous fait signe à travers elles. Nous découvrons ainsi que la liberté ne consiste pas à user - voire abuser - de ce monde, selon notre bon plaisir, mais à pouvoir nous servir des dons de Dieu pour devenir ses collaborateurs, et gouverner avec lui, la création qu’il nous a confiée. C’est ce que l’Esprit avait fait comprendre au jeune Salomon, lui inspirant de demander « non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de ses ennemis, mais le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner » (1ère lect.) sa vie selon le dessein de Dieu.

« Avez-vous compris tout cela ? » demande Jésus tout à ceux qui l’entourent. Devant leur réponse affirmative le Seigneur conclut par une parole quelque peu énigmatique. Quel est donc ce scribe devenu disciple du Royaume, sinon celui qui a « compris » l’enseignement des paraboles, et a tout vendu pour suivre Jésus, afin d’entrer avec lui dans le Royaume ?

De serviteur d’un patrimoine terrestre qui ne lui appartenait pas, il est devenu comme « un maître de maison » qui dispose du trésor qu’elle contient. Car les quelques biens, de ce monde, que nous avons mis tant de mal à rassembler, nous serons en tout cas retirés au moment du grand passage, qui mettra en lumière la vanité de notre soif de posséder ; alors que dès à présent, nous est offert l’accès à un Royaume si vaste, que nous n’aurons pas assez de l’éternité pour en faire le tour !

Que pourrions-nous imaginer de plus précieux que la foi qui fait de nous les héritiers du Dieu vivant ?

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16e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 20 juillet 2014

Sg 12,13.16-19 ; Ps 86,5-6.9-10.15-16 ; Ro 8,26-27 ; Mt 13,24-43.

Après la parabole du semeur que nous avons entendue la semaine dernière, la liturgie nous permet aujourd’hui de continuer notre progression dans le discours de Jésus. Ce sont trois nouvelles paraboles qui nous sont présentées : le bon grain et l’ivraie, le grain de sénevé, le levain dans la pâte.

Nous savons que le but des paraboles est de nous faire entrer dans la connaissance des mystères du Royaume, connaissance qui désigne une plus grande perception intérieure de sa présence active dans le monde.

Que nous apportent les paraboles de ce dimanche ? Que nous révèlent-elles sur l’action du Royaume dans chacune de nos vies ?

« Il en est du Royaume des Cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, son ennemi est venu, il a semé à son tour l’ivraie, au beau milieu du blé et il s’en est allé ».

Là où le Royaume est l’œuvre, le démon pointe son nez et entre en action. Il y a deux manières de faire l’œuvre du démon : trop en parler si bien qu’on ne pense plus qu’à lui en oubliant que Dieu est le centre de notre vie, mais aussi croire qu’il n’existe pas, qu’il n’agit pas si bien qu’on lui laisse les mains libres pour semer l’ivraie dans notre champ : « pendant que les gens dormaient ».

La parabole nous montre qu’il entre alors en action à deux niveaux. Tout d’abord, directement. Il sème de l’ivraie au milieu du bon grain et crée la confusion entre ce qui est bon et ce qui est mauvais. Face à cette situation de confusion, les directives de Jésus sont claires : « Laissez-les pousser ensemble, de peur qu’en enlevant l’ivraie vous n’arrachiez le bon grain ». Le bon grain et l’ivraie en herbe se ressemblent tellement que nous risquerions de nous méprendre : ce qui apparaît comme de l’ivraie dans les premiers signes de sa manifestation, pourrait bien porter du bon fruit au terme de sa croissance.

En tout cas, l’ivraie est tellement imbriquée dans le bon grain, qu’en voulant enlever l’un, on arracherait l’autre. Jésus nous met ainsi en garde contre la deuxième manière dont le démon peut nous tenter après avoir jeté la confusion entre le bon grain et l’ivraie. Induire dans notre cœur l’illusion de croire que nous pouvons nous-mêmes, à la lumière de notre propre intelligence, discerner de façon définitive ce qui est bon de ce qui est mauvais, c’est-à-dire que nous pouvons être juge de nos frères et de nous-mêmes, que nous pouvons être juges de la moisson c’est-à-dire de l’œuvre de Dieu dans les cœurs, autrement dit, que nous pouvons juger Dieu puisque entre Dieu et son œuvre c’est tout un.

Le piège ici n’est pas de prétendre juger entre le bien et le mal : l’ivraie n’est pas du bon grain, et le bon grain ne saurait se confondre avec l’ivraie. Le bien et le mal s’imposent à tous dans les mêmes termes et avec la même exigence et ne sont relatifs en rien aux conditions subjectives de chacun.

En fait, le véritable piège est de prétendre juger du bien et du mal de notre point de vue, un point de vue purement humain, c’est-à-dire d’une façon définitive sans rémission aucune, enfermant l’autre ou soi-même dans sa faute sans possibilité aucune de changer. Autrement dit, en faisant l’impasse totale sur la miséricorde divine qui agit dans la durée et n’enferme jamais personne dans les actes qu’il a posés à un moment donné de sa vie.

La divine patience est sans conteste un des aspects les plus déconcertants de la miséricorde : « Ta force est l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te rend patient envers toute chose. […] Toi Seigneur, qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance » (Cf. 1ère lecture). Le Seigneur croit en nous, il espère en nous : « Par ton exemple, tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain, et tu as pénétré tes fils d’une belle espérance : à ceux qui ont péché, tu accordes la conversion » (Cf. 1ère lecture). Dieu nous aime non pas malgré notre malice et notre aveuglement, mais à cause d’eux, c'est-à-dire : en proportion de notre misère. Certes, l’ivraie n’entrera pas dans le Royaume, mais ce n’est qu’à la moisson, c’est-à-dire quand le bon grain sera définitivement à l’abri, qu’elle sera arrachée et brûlée. Car ce n’est qu’au terme d’une vie qu’on peut en faire le bilan et encore : pas à la lumière de nos critères humains. Dans l’explication de la parabole, Jésus précise bien que ce ne sont pas les serviteurs qui moissonnent mais les Anges de Dieu, mais à la lumière de ce que l’Esprit seul peut révéler, lui qui connaît le fond des cœurs (Cf. 2ème lecture).

Laissons donc le temps et la grâce faire leur œuvre. La graine du Royaume, minuscule aux yeux des hommes, à vrai dire à peine perceptible – qu’y a-t-il donc de changé depuis la venue du Christ ? – pousse dans le secret des cœurs. Mystérieusement, le levain du Royaume se diffuse dans la pâte humaine et la travaille au plus profond. Même si nous ne percevons pas de changement spectaculaire, il fait pourtant insensiblement lever la pâte.

Voilà le lieu de notre combat : la foi en l’action cachée du Royaume dans la durée. Ne laissons pas ici sommeiller notre foi. Pendant ce sommeil risquerait fort bien d’intervenir le Malin. Notre manière de contribuer à l’avènement du Royaume c’est précisément de rester vigilant dans cette foi.

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15e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 13 juillet 2014

Is 55,10-11 ; Ps 65(64),10-14; Rm 8,18-23 ; Mt 13,1-23.

La première lecture de ce dimanche souligne fortement l'efficacité de la Parole de Dieu en nous, et dans l'histoire des hommes : " La pluie et la neige qui descendent des cieux n'y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission."

Cependant, pour que la Parole divine porte un fruit qui dure, la terre qui l'accueille doit être bien préparée. C'est ici le message que nous laisse la parabole du Semeur que Jésus nous présente dans l'évangile. Certes, la Parole de Dieu est toute puissante mais elle ne s'impose pas, elle demande à être accueilli librement et pour que sa semence grandisse en nous, elle doit trouver un cœur bien disposé.

« Le semeur est sorti pour semer », nous dit la parabole. Jésus est « sorti de la maison » pour enseigner les foules et ses disciples. Nous pouvons lire dans ce mouvement de sortie, toute la dynamique du mystère de l’Incarnation. Tout comme la semence a jailli des mains du semeur pour être jetée en terre, le Verbe, Parole vivante, a lui aussi, de la même manière, été envoyé par le Père pour se faire chair et venir féconder la terre de notre humanité.

En lui, le Royaume de Dieu s'est fait proche de tout homme. la semence a été envoyée par le semeur sur tout type de terre, qu’elle soit rocailleuse, chargée d’épines ou bien labourée, de même le Père a envoyé son Fils frapper à la porte du cœur de tout homme que ce cœur soit épineux, dur comme la pierre ou prêt à s’ouvrir, ou peut-être un peu des trois à la fois. Le semeur de la parabole, que l’on ne peut soupçonner de maladresse, fait manifestement preuve d’une extrême largesse, comme s’il ne voulait oublier aucun coin de terre, si petit soit-il, où sa semence pourrait germer.

La semence a son origine dans l'espérance du semeur parce que personne n'ensemencerait s'il n'entretenait pas la confiance de récolter un jour du fruit. Mais, en même temps, la semence alimente l'espérance. Quand le semeur commence à ensemencer, il est rempli de joie et d'espérance en voyant réalisée dans le futur la promesse de son travail. Il fixe son regard pas tant sur le travail présent avec son lot de fatigue et de sueur, mais sur la promesse d'une belle récolte. Il ne veut oublier aucun coin de terre, si petit soit-il, où sa semence pourrait germer.

De même, notre Dieu, porte un regard d'espérance sur chacun, et sur l'œuvre en lui, de sa grâce. Nonobstant un terrain irrégulier, qui n'offre aucune garantie, il continue à semer jusqu’à ce qu’une de ses semences trouve un endroit bien disposé pour la recevoir et se laisser féconder. Et quelques mois plus tard, la semence commence à produire son fruit, là trente, là soixante, là cent pour un.

C'est là, la confirmation qu'il avait raison de semer avec générosité et grand sacrifice.
La générosité du semeur dans ses semailles n'enlève rien au fait qu'il s'agisse d'avoir un terrain bien disposé pour accueillir la semence et lui permettre de porter un fruit qui demeure. A partir du moment où la semence est jetée, à partir du moment où le Royaume s’est approché, et que Jésus est sorti pour annoncer l’avènement des temps messianique, chacun se trouve engagé et jugé par cette Parole. Autrement dit, il ne peut que se situer par rapport à elle. Il ne peut rester neutre. Les deux types de résultat de la semence posent bien ce problème : en révélant la dualité de l’auditoire de Jésus, c’est-à-dire la possibilité qu’il lui est laissée de refuser, ou d’accueillir la parole du Maître. « Celui qui a des oreilles qu’il entende ! ». La liberté de l’auditeur est interpellée !

La parabole du Semeur nous invite à examiner notre vie. Quel type de terrain suis-je ? Quel type de terrain est-ce que j'offre à la Semence de sa Parole ? Suis-je prêt à me décider à être une bonne terre en lâchant tout type de compromission, tout type de mensonge, tout type de passions désordonnées ? Est-ce que je pense à préparer le terrain de mon âme et à fortifier ma liberté dans sa capacité à choisir le Bien et à collaborer à l'œuvre de la grâce divine en moi, par l'usage des vertus théologales reçues au baptême (foi, espérance et charité) ainsi que par l'exercice des vertus cardinales que sont la prudence, la justice, la force et la tempérance ?

La question soulevée par les textes de ce dimanche est celle de notre libre collaboration à l'œuvre de la grâce divine en nous. Dans la deuxième lecture, Paul nous dit que celle-ci ne se fait pas sans douleur. La croissance des prémisses de notre résurrection, déposée en nous au baptême, passe nécessairement par un consentement douloureux dans la mesure où notre liberté reste marquée par les conséquences du péché des origines.

L'image de l'enfantement utilisée par Paul qui provoque dans le même temps joie et douleur exprime particulièrement bien notre situation ici-bas. Plutôt que de reprocher à Dieu de ne pas intervenir dans nos vies ou d'agir trop lentement, peut-être serait-il plus juste et plus fructueux de nous émerveiller devant sa patience et la générosité de sa grâce envers nous.

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14e Dimanche du temps ordinaire

Dimanche 6 juillet 2014

Za 9,9-10 ; Ps 144, 1-2,8-11,13-14 ; Rm 8,9.11-13 ; Mt 11,25-30.

« Personne ne connaît le Père, sinon le Fils ». Autrement dit, il est inutile de nous hisser sur la pointe des pieds : nous n’atteindrons jamais le ciel par nos propres forces. Dieu est l’infiniment autre, nous ne pouvons le connaître que dans la mesure où il se révèle à nous, et que nous nous mettons dans les dispositions d’accueillir cette révélation en son Fils unique.

 

C’est cette attitude de réceptivité à l’égard de l’initiative du Père, que Jésus, décrit par le terme de « tout-petits ». Seuls ceux qui, reconnaissant leur ignorance, renoncent à leur propre sagesse, et acceptent de s’ouvrir à Dieu, ils peuvent alors découvrir son visage de Père. Car Dieu, se révèle en se donnant, et c’est précisément en se recevant de lui, comme le Fils unique, se reçoit à chaque instant de son Père, que les « petits » découvrent sa paternité.

 

 « Personne ne connaît le Père » : comment pourrions-nous connaître Dieu ? Ne s’agit-il pas plutôt d’être connus de lui en nous laissant combler de sa Présence dans l’Esprit, en qui nous devenons ses enfants ? C’est cela la foi : connaître Dieu dans la lumière de sa présence au plus intime de nous-mêmes, là où il a voulu élire sa demeure. Cette connaissance est bien réelle, même si elle n’est pas ressentie, car Dieu, le Tout Autre se reflète réellement en nos cœurs pour y reconstituer son image, et nous unir à lui dans l’amour. Le plus humble acte de foi nous rend participants de la vie divine (cf. 2 P 1, 4) par l’action de l’Esprit Saint qui s’unit à notre esprit pour nous permettre de confesser Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur, unique chemin vers le Père.

 

Croire, c’est prendre sur soi le joug de Jésus, devenir son disciple. C’est renoncer à être, à nous-même, notre propre origine, et oser courir le risque de la confiance filiale, en acceptant de dépendre totalement d’un Autre, reconnu comme Père. Cette proposition est au cœur du christianisme, et dans la foi, nous en reconnaissons la pertinence ; mais qu’elle est difficile à mettre en pratique dans notre monde qui exalte tout au contraire la suffisance de l’individu. Celui qui en nous, revendique cette autonomie, n’est autre que le vieil homme, c'est-à-dire la part obscure de nous-même, agissant « sous l’emprise de la chair », que Paul dénonce dans la seconde lecture.

 

Le « fardeau » dont Jésus veut nous soulager, est précisément celui de nos fausses identités, accumulées au fil des années et des circonstances, celui de notre prétention à l’autosuffisance, voire celui de la rivalité avec un Dieu, que nous cherchons secrètement à manipuler. Le « joug » qu’il nous offre en échange, est la douceur et l’humilité, d’un cœur filial qui s’abandonne entre les mains du Très Haut comme un enfant dans les bras de sa mère.

 

Le « joug » dans le langage biblique, représente la Loi. Cette Loi qui nous accuse et nous enferme dans la peur, des représailles d’un Législateur intransigeant. C’est de cette idole et de nos culpabilités morbides, que Jésus veut nous sauver, en nous manifestant le vrai visage de Dieu ; visage d’un Père qui se révèle « dans sa bonté » ; visage d’une Mère « pleine de tendresse et de pitié » (Ps 144), qui nous réengendre dans sa miséricorde afin de nous « procurer le repos ».

 

Et si nous prenions comme résolution de demeurer attentifs, tout au long de cette semaine qui s’ouvre devant nous, aux invitations concrètes que Jésus nous adresse à venir à lui, lorsque nous peinons sous le poids du fardeau de l’épreuve, de la contradiction, de l’incompréhension, d’un travail que nous ne parvenons pas à assumer, voire d’un péché dont nous ne réussissons pas à nous débarrasser ?

 

Plutôt que de nous raidir dans une attitude volontariste, ou de nous refermer sur nous-même, sur notre impuissance, ou encore de nous laisser glisser dans le victimisme ou le découragement, faisons plutôt mémoire de la Parole que nous venons d’entendre : un ami nous attend, qui est capable de nous arracher à notre trouble, à notre lassitude, à notre culpabilité, à notre impuissance ; un ami qui peut nous procurer le repos, au moment où nous en sommes le plus éloignés.

 

C’est ainsi que nous découvrirons peu à peu que nous ne sommes jamais seuls ; une lumière reste allumée au cœur des situations les plus obscures.

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St Pierre et St Paul

Dimanche 29 Juin 2014

Ac 12,1-11 ; Ps 34(33),2-9 ; 2 Tm 4,6-8.17-18 ; Mt 16,13-19.

Nous célébrons, les Apôtres Pierre et Paul, ensemble, ils sont les deux colonnes de l’Eglise, nous faisons mémoire le même jour, de leur martyre. Ensemble, ils ont scellé avec leur propre sang le témoignage qu’ils ont rendu au Christ par la prédication et le ministère ecclésial.
« Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi »
(Ac 12, 8). C'est ainsi que l'ange s'adresse à Pierre, qui est détenu dans la prison de Jérusalem. Et Pierre, selon le récit du texte, « sortit, et il le suivait » (Ac 12, 9). La première lecture nous relate ainsi l’évasion miraculeuse de Pierre de la prison de Jérusalem. Par l’intervention extraordinaire de son ange, Dieu vient en aide à son apôtre, pour qu'il puisse poursuivre sa mission. Une mission difficile, qui comporte un itinéraire complexe et exigeant. Une mission qui atteindra sa plus haute expression dans le martyre à Rome.
Dans la deuxième lecture, Paul réassumant quasiment tout son itinéraire apostolique et missionnaire, lui le persécuteur devenu l’apôtre des nations, affirme : « J’ai échappé à la gueule du lion ; le Seigneur me fera encore échapper à tout ce que l’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume »
(2 Tm 4, 17).

 

Pierre et Paul, tous deux, furent envoyés par le Christ annoncer l’Evangile dans un contexte hostile à l’œuvre du salut. Chacun de leur parcours témoigne que le Seigneur n’abandonne jamais dans sa mission celui qu’il a choisi et envoyé.

 

A Jérusalem, Pierre expérimenta cette résistance en étant emprisonné par le roi Hérode avec l’intention de « le faire comparaître devant le peuple » juif dont il voulait s’attirer les faveurs. Mais, le Seigneur veillait sur celui qu’il avait choisi pour porter sa Bonne Nouvelle et il le libéra miraculeusement.
 

Le Converti de la route de Damas, lui aussi, envoyé par le Ressuscité, devait rencontrer l’adversité dans l’annonce de l’Evangile du salut. Ses lettres sont un véritable témoignage des luttes et combats qu’il dut mener dans les différentes cités de l’Empire romain où l’Esprit Saint le conduisit, comme il le rapporte lui-même dans la deuxième lecture, le Seigneur l’a toujours assisté, lui donnant d’échapper mainte fois à la gueule de lion, le remplissant de force pour pouvoir annoncer jusqu’au bout l’Evangile et le faire entendre aux nations païennes.

 

Pour Pierre et Paul, ce parcours apostolique et missionnaire allait s’achever à Rome, scellé dans le témoignage le plus éloquent qui soit. A quelques années de distance, ils subirent le martyre, consacrant ainsi cette ville une fois pour toutes au Christ, leur sang devenant avec celui de toutes celles et ceux qui subirent la persécution de Néron « semence de chrétiens. »

 

L’itinéraire de foi et d’amour qui conduisit Pierre et Paul de leur terre natale à Jérusalem pour arriver à travers le bassin méditerranéen jusqu’à Rome est en quelque sorte le modèle du parcours, que chaque chrétien, est appelé à accomplir pour témoigner du Christ ressuscité.
 

Pierre et Paul nous présentent l’exemple du chemin spirituel de tout chrétien : un itinéraire de conversion, de foi et d’amour à l’égard du Christ qui commence par une expérience personnelle de rencontre avec lui (Cf. Evangile). A partir de cette rencontre, où nous sommes saisis par le Christ, où nous le reconnaissons comme notre Seigneur et notre Sauveur, où nous l'accueillons comme tel dans chacune de nos vies, nous pouvons alors devenir en chaque circonstance de notre existence un signe éloquent de sa puissance victorieuse.

 

« Heureux es Tu, Simon Fils de Jonas » ! La béatitude de Simon est la même que celle de la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle Elisabeth dit : « Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45). Cette béatitude nous est également destinée à nous qui faisons partie de la communauté des croyants de ce début de troisième millénaire. En ce jour, Jésus s’adresse à nous pour nous dire : « Bienheureux êtes-vous, vous qui conservez l'Evangile dans toute sa pureté et qui continuez à le proposer avec un enthousiasme renouvelé aux hommes de votre temps ! »

 

Dans la foi, fruit de la rencontre mystérieuse entre la grâce divine et l'humilité humaine, se trouve le secret de la paix intérieure et de la joie du cœur, qui anticipent et annonce d'une certaine manière la béatitude du Ciel.

 

Au sujet de la foi, Paul, grand missionnaire, nous enseigne qu’elle se « conserve » dans la mesure où on la partage si bien qu’au moment où il fait le bilan de sa vie il peut s’écrier : « J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi » (2 Tm 4, 7). Cette mission évangélisatrice initiée par les disciples à la Pentecôte se poursuit dans le temps et c'est la manière normale avec laquelle l'Eglise, à travers les membres que nous sommes, administre le trésor de la foi.
 

Cependant, cette foi ne conduit au salut que dans la mesure où elle est habitée par l’amour, et la charité. C’est ici que le martyre de Pierre et Paul au terme de toute leur action évangélisatrice vient révéler ce qui en faisait toute l’essence, ce qui en constituait tout le dynamisme : l’amour de Dieu et l’amour des hommes, la gloire de Dieu et le salut des âmes.

 

Que le témoignage des saint Pierre et Paul nous stimule en intensifiant en nous le désir d'apporter la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu à chaque être humain. Qu’avec eux, nous puissions proclamer haut et fort et lui répéter à chaque instant : ‘Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, notre unique Rédempteur, l’unique Rédempteur du monde !

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Fête-Dieu (St-Sacrement)

Dimanche 22 juin 2014

Dt 8,2-3.14-16 ; Ps 147,12-15,19-20 ; 1 Co 10,16-17 ; Jn 6,51-58.

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Ces paroles de l’évangile de Jean, nous introduisent au mystère de la présence eucharistique du Seigneur que nous célébrons en cette solennité du St Sacrement, Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Les textes de la liturgie attirent notre attention sur trois points en rapport avec l’objet de la fête de ce jour : l’expérience du désert pour le peuple d’Israël, la nourriture donnée par Dieu en chemin et la vie à laquelle la mort ne saurait mettre fin.

La première lecture, du livre du Deutéronome, invite le peuple d’Israël à faire mémoire de sa traversée du désert et de l’assistance que le Seigneur lui procura. Il ne s’agit pas ici pour le peuple de se souvenir d’événements du passé mais bien de faire mémoire. Il s’agit de confesser que tout ce Dieu a fait pour son peuple au désert, il continue à l’opérer pour lui aujourd’hui. Dieu continue à être présent aux côtés de son peuple, au travers des épreuves et des souffrances du quotidien, Il le soutient en venant à l’encontre de ses nécessités et en lui donnant des aliments spirituels -comme autrefois la manne-, pour le fortifier et l’aider à continuer sa marche.

Le point crucial de ce mémorial est de permettre aux fils d’Israël de ne jamais oublier que seule la présence du Seigneur peut les soutenir, c’est donc elle qu’ils devront chercher en priorité, et non pas, les soutiens matériels : « Il t’a donné à manger la manne pour te faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur ».

Depuis la venue de Jésus, le Verbe, la Parole de Dieu, en notre chair, cette promesse de Dieu dans la Première Alliance s’est accomplie de la manière la plus haute. Dieu ne se contente plus de faire résonner la voix de sa Parole. Cette Parole, il la donne en nourriture, et à travers elle, lui-même se donne pour soutenir ses enfants sur la route de leur existence. Il leur donne accès à la fontaine de la vie éternelle que le Fils a descellée pour eux par sa mort et sa résurrection. C’est le miracle de l’Eucharistie : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».

En se laissant assimiler par nous, le Christ nous assimile en lui. Il fait de nous son Corps : l’Eglise (cf. 2ème lecture), qu’il unifie par sa vie, qu’il continue à livrer par amour pour nous à chaque Eucharistie.

Les jours, les années, les siècles passent, mais le geste dans lequel Jésus a condensé tout son Evangile d'amour ne passe pas. Il ne cesse pas de s'offrir lui-même, Agneau immolé et ressuscité, pour le salut du monde. Avec le mémorial de chaque Eucharistie, l'Eglise répond au commandement de la Parole de Dieu dans la première lecture: « Souviens-toi !... n'oublie pas ! » (Dt 8, 2.14).

L'Eucharistie est notre Mémoire vivante ! comme le rappelle le Concile Vatican II, dans son document sur la vie et le ministère des prêtres : L'Eucharistie « contient tout le trésor spirituel de l'Eglise, c'est-à-dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création » (Presbyterorum ordinis, n. 5).

Pour accueillir la vie divine et le mystère de notre salut, qui nous sont offerts à chaque Eucharistie, il s’agit -tout comme les apôtres dans l’évangile- de croire à ces paroles que Jésus prononça un jour à Capharnaüm : « Je suis le pain vivant, descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jn 6, 51).

« Le Père qui est Vivant », a envoyé son Fils pour épouser notre condition humaine jusque dans sa mortalité, afin que ceux qui acceptent de venir à lui dans la foi, se relèvent en lui au jour de la résurrection. En nous unissant au Fils par la foi lorsque nous communions à l’Eucharistie, nous accueillons au sein de notre mortalité, sa propre Vie divine, immortelle, en vertu de laquelle nous vivons dès à présent en lui, et ressusciterons au dernier jour : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui », « et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».

Les exégètes soulignent qu’il est difficile de savoir si les paroles de Jésus sur le Pain de vie annonçaient directement l'Eucharistie. Cependant, une chose demeure sûre c’est que l’Eucharistie n’est Pain de vie que pour les croyants. Seul celui qui mange ce Pain dans les sentiments de la foi et de la charité, possède la vie éternelle de l’âme, et le principe de la résurrection de son corps.

Voilà pourquoi il est tout particulièrement bon en ce dimanche de rester devant le Sacrement de l'autel et de renouveler notre profession de foi dans la présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur donné pour la vie du monde.

 

Trinité

Dimanche 15 juin 2014

Ex 34,4b-6.8-9 ; Dn 3,52-56 ; 2 Co 13,11-13 ; Jn 3,16-18.

Le mystère de la Trinité est un des trois principaux mystères de la foi chrétienne

avec le mystère de l’incarnation et celui de la rédemption. C’est le mystère qui nous

révèle l’origine et la fin de toutes choses. Tout ce que nous affirmons de Dieu, nous

l’apprenons de son Fils Jésus Christ.

Dieu lui-même est sorti de son silence et est venu au-devant de nos efforts pour

Nous révéler son identité. Dans un premier temps, par le ministère des acteurs de la

Première alliance, il affirme à la fois sa transcendance et son caractère personnel. Dieu

ne confond pas avec la nature ; la puissance et la sagesse que l’on contemple dans ce

monde témoignent de la toute-puissance et de la suprême sagesse du Créateur, qui

donne à chaque instant « la vie, le mouvement et l’être » à tout ce qui existe. En outre, le

Dieu transcendant n’est pas une Energie impersonnelle : il a créé l’homme, à son image

et à sa ressemblance, afin d’engager un dialogue avec lui ; en vue de l’alliance d’amour

qu’il voulait sceller avec lui, il l’avait doté d’intelligence, de volonté et de libre disposition

de soi. Lorsque Dieu révèle aux hommes son Nom, ce n’est pas sa puissance qu’il met en

avant, ni même sa justice, mais sa tendresse et sa miséricorde : « Le Seigneur, Dieu

tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ».

Mais que signifient ces concepts lorsqu’ils sont attribués à Dieu ? Certes nous pressentons ce qu’est la tendresse humaine, mais comment pouvons-nous imaginer ce qu’est la tendresse divine ? Dieu n’est pas tendre comme l’homme, mais comme Dieu seul peut l’être. Il est la source ineffable de toute tendresse, miséricorde, de tout amour. A nouveau nous buttons sur les limites du langage humain qui, lorsqu’il parle de Dieu, ne peut être qu’analogique. C’est pourquoi « à la plénitude des temps » (Ga 4, 4), Dieu s’est adressé aux hommes non plus par la médiation des prophètes, mais immédiatement, face à face. Il n’a plus mis sa Parole dans le cœur et sur les lèvres des acteurs qu’Il avait choisi, mais « sa Parole s’est faite chair, elle a habité parmi nous » (cf. Jn 1, 14). Il est venu « marcher au milieu de nous », comme le lui demandait Moïse son serviteur, afin « de pardonner nos fautes et nos péchés, et faire de nous un peuple qui lui appartienne ».

Ainsi après avoir affirmé son absolue transcendance, Dieu nous révélait en son Fils son ineffable proximité. En Jésus, vrai Dieu et vrai homme, nous voyons pleinement réalisé le dessein d’amour de Dieu sur sa créature de prédilection. Dès les origines Dieu nous a créés pour que nous « devenions participants de sa nature divine » (2 P 1, 4), pour que nous vivions de sa propre vie et participions à sa béatitude. Comme le disaient les Pères de l’Eglise : Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir dieu par participation à la divinité de son Fils unique.

Tout cela est cependant tellement grand, que nous aurions du mal à entrer dans ce mystère si Dieu ne venait pas à notre secours : « Nul ne peut dire : “Jésus est Seigneur” sans l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3). Jésus lui-même nous a envoyé d’auprès du Père, l’Esprit Saint, chargé de nous introduire dans la vérité tout entière. Lui seul peut nous faire découvrir dans la croix « la folie d’amour de Dieu qui est plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu qui est plus forte que l’homme » (1 Co 1, 25). C’est à sa lumière que tout s’éclaire et que nous découvrons, émerveillés, que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle ». L’Esprit Saint est notre pédagogue divin qui nous achemine patiemment vers la découverte de « la largeur, la longueur, la profondeur de l’amour du Christ, qui surpasse tout ce qu’on peut connaître », c’est en lui que « nous serons comblés jusqu’à entrer dans la plénitude de Dieu » (Ep 3, 18-19). C’est encore en lui que nous pouvons donner notre réponse fidèle, unissant notre prière à celle de Jésus pour « crier vers le Père en l’appelant : “Abba !” (Rm 8, 15).

Seule la révélation de notre destinée de gloire peut donner sens à notre vie. Non nous ne sommes pas le fruit des caprices du hasard et de la nécessité ; nous sommes créés par un Dieu d’amour qui veut nous « combler de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ » (Ep 1, 5) en qui « nous avons accès auprès du Père dans un seul Esprit ; en lui nous sommes devenus citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu » (Ep 2, 18-19). Telle est notre espérance et la source de notre joie. C’est pour nous encourager à persévérer sur le chemin du Christ qui nous conduit au Père que nous nous rassemblons chaque dimanche. « Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, nous donne un esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment. Qu’il ouvre nos cœurs à sa lumière, pour nous faire comprendre l’espérance que donne son appel, la gloire sans prix de l’héritage que nous partageons avec les fidèles » (Ep 1, 17-18).

Pentecôte

Dimanche 8 juin 2014

Ac 2,1-11 ; Ps 104(103),1.24.29.31.34 ; 1 Co 12,3b-7.12-13 ; Jn 20,19-23.

Le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint descendit avec puissance sur les Apôtres, c’est ainsi que la mission de l'Eglise dans le monde commença. Jésus avait lui-même préparé les apôtres à cette mission en leur apparaissant plusieurs fois après sa résurrection (cf. Ac 1, 3). Avant son ascension à la droite du Père, il leur donna l'ordre de « ne pas quitter Jérusalem, mais d'y attendre ce que le Père avait promis » (cf. Ac 1, 4-5). Il leur demanda de demeurer ensemble pour se préparer à recevoir le don de l'Esprit Saint. C’est alors qu’ils se réunirent en prière avec Marie au Cénacle, dans l'attente de l'événement promis (cf. Ac 1, 14).

Demeurer ensemble dans la prière, être dans la concorde, sont les conditions posées par Jésus pour accueillir le don de l'Esprit Saint, qui pousserait les apôtres à partir en mission. Une formidable leçon pour toute communauté chrétienne, exprimé par ces mots, du pape émérite Benoit XVI : « Pour comprendre la mission de l’Église, nous devons revenir au Cénacle où les disciples restèrent ensemble (cf. Lc 24, 49), priant avec Marie, la “Mère”, dans l’attente de l’Esprit promis. C’est de cette icône de l’Église naissante, que toute communauté chrétienne doit en permanence s’inspirer. La fécondité apostolique et missionnaire n’est pas d’abord le résultat de méthodes et de programmes pastoraux savamment élaborés et “efficaces”, mais le fruit de l’incessante prière communautaire (cf. Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi, n. 75). En outre, l’efficacité de la mission présuppose que les communautés soient unies, à savoir qu’elles aient «un seul cœur et une seule âme» (Ac 4, 32), et qu’elles soient disposées à témoigner de l’amour et de la joie que l’Esprit Saint répand dans le cœur des fidèles (cf. Ac 2, 42). » (cf. Lettre aux jeunes pour les JMJ 2008).

Les images utilisées par Luc pour indiquer l'irruption de l'Esprit Saint - le vent et le feu – nous rappellent le Sinaï, où Dieu s'était révélé au peuple d'Israël et lui avait accordé son Alliance (cf. Ex 19, 3sq). La fête du Sinaï, qu'Israël célébrait cinquante jours après Pâques, était la fête du Pacte.

En parlant de langues de feu (cf. Ac 2, 3), Luc veut représenter la Pentecôte comme un nouveau Sinaï, comme la fête du nouveau Pacte, dans lequel l'Alliance avec Israël est étendue désormais, à tous les peuples de la Terre.

L'Eglise est catholique, et missionnaire, et cela depuis sa naissance. L'universalité du salut est démontrée de manière significative par la liste des nombreuses ethnies auxquelles appartiennent ceux qui écoutent la première annonce des Apôtres (cf. Ac 2, 9-11).

Le Peuple de Dieu, configuré pour la première fois, au Sinaï, est aujourd'hui élargi au point de ne plus connaître aucune frontière de race, de culture, d'espace ou de temps.

Contrairement à ce qui s'était produit avec la tour de Babel (cf. Gn 11, 1-9), lorsque les hommes, désireux de construire de leurs mains un chemin vers le ciel, avaient fini par détruire leur capacité même de se comprendre les uns les autres, à la Pentecôte, l'Esprit, à travers le don des langues, montre que sa présence unit et transforme la confusion en communion.

L’accueil de l’Esprit Saint conduit à œuvrer au service de la communion entre les hommes. Dans la deuxième lecture, nous voyons Paul rappeler aux chrétiens de Corinthe que les dons de l’Esprit Saint sont toujours conférés en vue du Bien de tous et doivent ainsi contribuer à constituer l’unité de la communauté. Les dons de l’Esprit ne sont pas une fin en eux-mêmes, ils sont toujours au service de l’édification du corps. L’ultime finalité de toute mission chrétienne est de construire l’unité.

L’humanité, le monde, mais aussi malheureusement – et c’est un fait- l’Eglise, nos communautés paroissiales- sont blessés par la division. Celle-ci nous affecte intérieurement, probablement bien plus que nous ne l’imaginons, cette blessure là, touche aussi notre relation au monde, aux autres et à Dieu. L’œuvre recréatrice de l’Esprit Saint est précisément de rétablir la communion, là où la division a fait son œuvre destructrice. Sommes-nous prêts, vraiment prêts, à recevoir le don de l’Esprit, pour travailler à la véritable réconciliation ? Le désirons-nous seulement ?

Le péché originel ne porte pas seulement avec lui la division. La confusion est une autre de ses conséquences, plus perverse car elle se déguise souvent sous la forme d’une pseudo-communion. Nous le voyons avec l’épisode de la tour de Babel. Or l’Esprit Saint veut l’unité et la multiplicité. En lui, les deux vont de pair. L’Esprit dans ses dons, prend de multiples formes. Il souffle où il veut, de manière inattendue, dans des lieux inattendus et sous des formes qu’on ne peut jamais imaginer à l’avance. Cependant, il opère tout cela non pas de façon arbitraire mais en vue de l’unité.

Les fruits de la vie de l’Esprit, en nous, sont la paix et la charité, qui pour servir la communion se manifeste sous le mode de la miséricorde. C’est L’évangile de ce jour qui nous rappelle cela. Le soir du premier jour de la semaine après la mort de Jésus, alors que les disciples se sont enfermés par peur des Juifs, Jésus vient au milieu d’eux, souffle sur eux son Esprit de paix et les envoie comme apôtres de sa miséricorde : « Jésus leur dit de nouveau : ‘La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie.’ Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : ‘Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus’. »

Que le Seigneur souffle sur nous, de la même manière qu’hier, il a soufflé sur les apôtres, qu’il nous envoie son Esprit, ici et maintenant, qu’il renouvelle nos cœurs en toute vérité, en toute sincérité, en toute fraternité.