III a. Homélies Dimanches & Fêtes 2014-15
Fête du Christ Roi de l'univers
Le 22 Novembre 2015
Dn7,13-14 ; Ps92 ; Ap1,5-8 ;Jn18,33b-37.
Voilà un texte d’Evangile bien surprenant pour la Fête du Christ-Roi ! Dans les évangiles on trouve très peu d’affirmations de la royauté du Christ ! Il faut aller dans le récit de la Passion de Jésus, pour trouver la claire affirmation par Jésus lui-même de sa royauté.
Pourquoi Jésus n’a pas dit plus tôt qu’il était roi ? Chaque fois qu’on a voulu le faire roi, il s’est dérobé. Chaque fois qu’on a voulu lui faire de la publicité, après des miracles particulièrement impressionnants, il donnait des consignes très strictes de silence. Même chose après la Transfiguration.
Maintenant, alors qu’il est enchaîné, pauvre, condamné, il se reconnaît roi ! Autrement dit, au moment précis où il n’en a vraiment pas les apparences… au moins à vues humaines.
Cela veut dire qu’il faut que nous révisions nos conceptions de la royauté : rappelons-nous ce que Jésus disait à ses disciples : « Ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n’en sera pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10, 42 – 45).
Ce que Jean veut nous dire, en nous rapportant l’interrogatoire de Jésus par Pilate, c’est que Jésus est le roi de l’humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n’a pas d’autre ambition que le service.
En fait d’interrogatoire, ce face à face entre le représentant de l’immense Empire Romain et un condamné à mort comme il y en avait des centaines d’autres, ce face à face devient un « dialogue ». C’est le monde à l’envers : tout au long de la Passion, Jean souligne le renversement de la situation ; ici, c’est le pouvoir romain qui va reconnaître que le véritable roi c’est Jésus-Christ : quand Pilate interroge Jésus « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C’est toi qui dis que je suis roi » autrement dit « tu l’as compris, puisque tu le dis toi-même ».
Seulement ce royaume n’a rien à voir avec les royaumes de la terre, défendus par des gardes : « Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ». Le royaume de Jésus, c’est celui de la vérité : pas d’autre défense que la vérité. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »
Dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, tirée de l’Apocalypse, nous avons entendu Jean dire que Jésus est le « témoin fidèle ». Il est le « Fils unique plein de grâce et de vérité » que nous annonçait Jean dès le Prologue de son évangile.
Pilate qui vit dans le monde gréco-romain ne peut que poser la question « Qu’est-ce que la vérité ? » Les Juifs, eux, savent depuis le début de leur Alliance avec Dieu, que la vérité c’est Dieu lui-même.
Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu ; en hébreu, il est de la même racine que le mot « AMEN » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai.
La Vérité est une Personne, c’est Dieu lui-même, personne ne peut prétendre détenir la vérité ! On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas, ne l’oublions jamais.
Ecoutons et laissons nous instruire par elle, « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » affirme Jésus à Pilate, tout comme il avait dit plus tôt aux Juifs : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne m’écoutez pas. » (Jn 8, 47).
Seul Dieu peut nous dire « Ecoute ». Chaque jour Jésus et ses disciples répétaient la profession de foi juive enseignée par la Torah : « Shema Israël » « écoute Israël ! »… ; ce mot dans la bouche de Jésus, c’est donc une autre manière de se révéler comme Dieu.
Pilate est resté avec sa question et, visiblement, il est passé à coté de sa chance pour découvrir Dieu : il raisonne sur la vérité au lieu de s’abandonner à elle et de croire tout simplement.
L’évangile de Jean décrit le dilemme qui se pose à tout homme « croire ou ne pas croire ». Marthe de Béthanie fait le choix de l’humilité et de la confiance : « Je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde ». Pourquoi Marthe, a-t-elle accès à cette vérité, elle ? Et pas Pilate ? Pourtant il n’en est pas loin : puisque Jésus lui fait remarquer qu’il y est presque : « Tu reconnais toi-même que je suis roi » (v.37). Que manque-t-il donc à Pilate ?
Peut-être d’accepter de ne pas chercher à détenir la vérité, mais d’être pris par elle, de lui appartenir.
Demandons au Seigneur, d’abandonner toutes nos vérités, mesquines et tristes, pour embrasser la vérité, l’unique, la sienne. Qu’Il règne dans nos cœurs, qu’Il vienne y fonder la paix que Lui seul peut donner. Nous voulons vivre selon la loi de son royaume. Que Dieu prenne toute la place en nos âmes. Lui « l’alpha et l’oméga, celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant ».
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33ème Dimanche Ordinaire
Le 15 Novembre 2015
Dn12,1-3 ; Ps15 ; Hb10,11-14.18 ; Mc13,24-32.
La plus grande pauvreté, la plus grande misère, c’est l’ignorance de Dieu, on l’oubli bien souvent. Cette ignorance nous prive du sens de notre vie, de notre existence, elle nous condamne à nous mobiliser jour après jour pour une vie appelée à sombrer toujours davantage dans le néant.
Les esprits forts ne manquent pas pour affirmer une autonomie absolue, c’est-à-dire sans Dieu ni loi, de quelque nature qu’elle soit : exit la loi morale, exit les commandements d’un Dieu qui n’existe pas, exit la culpabilité, les tabous.
Qui est aveugle aujourd’hui, au point de ne pas voir que la soi-disant libération des mœurs ne conduit qu’à l’aliénation aux passions débridées, que le relativisme éthique étouffe tout idéal, et que l’athéisme conduit au désespoir.
Seulement, l’homme contemporain est trop orgueilleux pour avouer son erreur, pour revenir de son errance, pour se convertir au Dieu de tendresse, ce Dieu qui lui tend les bras ouverts de sa miséricorde.
La liturgie de ce dernier dimanche ordinaire de l’année, nous rappelle qu’il n’y a pas une minute à perdre : les temps sont courts : le Seigneur est proche. Au temps de la patience et du pardon succèdera celui de la justice. Nos œuvres seront révélées au grand jour et seuls échapperont au jugement ceux qui humblement lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercés.
Certain, « accusent le Seigneur de retard » ; mais ne nous y trompons pas : « devant le Seigneur, un jour est comme mille, et mille ans sont comme un jour ; il ne retarde pas l'accomplissement de ce qu'il a promis, mais il use de patience envers nous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir » (2 P 3, 8-9). Au jour et à l’heure fixés, que « nul ne connait, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père », « on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire » ; « en ce temps-là viendra le salut pour tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu », mais ceux qui auront refusé le pardon offert en Jésus-Christ, « s’éveilleront pour la honte et la déchéance éternelles » (1ère lect.).
Certains pourront penser que je suis en train de réactiver un genre littéraire dépassé, largement utilisé par les prédicateurs d’un autre âge.
la Parole de Dieu n’a guère changé, même si les styles de prédication ont évolué. Nous ne prêchons pas un Dieu terrible ni une religion de la peur, mais il faut bien avertir nos contemporains des malheurs qu’ils sont eux-mêmes en train de déclencher par leur mépris de la loi naturelle.
De nos jours, les médias ne cessent de nous mettre en garde : si nous continuons à transgresser les lois de la biosphère, nous allons gravement hypothéquer l’avenir de la planète. Pourquoi donc ce qui est vrai dans le domaine des lois naturelles de l’écologie, ne se vérifierait-il pas dans le domaine de la loi morale naturelle ? Hélas, il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : combien de nos contemporains se bouchent les oreilles à la voix de leur conscience, croyant pouvoir impunément transgresser les lois élémentaires de la vie naturelle.
La liturgie de la Parole aujourd’hui nous lance un appel à la conversion, commençons par nous-mêmes ; car il n’est jamais trop tard. Nous le croyons : « Jésus-Christ, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté » (2nd lect.).
Les commandements de Dieu et de l’Eglise ne sont pas une ingérence dans notre vie privée personnelle, une menace pour notre autonomie, une aliénation de notre liberté ; mais au contraire les préceptes - qui interprètent la Parole de Dieu de manière à ce que nous puissions la mettre en pratique - sont des indications précieuses pour nous aider à découvrir le chemin d’une vie authentiquement humaine, d’une vie conforme au dessein de Dieu sur nous - dessein qui nous est révélé précisément par la loi naturelle inscrite dans notre humanité, confirmée et complétée par la révélation surnaturelle. Obéir à la loi naturelle, c’est obéir à notre propre humanité, c’est entrer plus avant dans notre propre vérité, et par le fait même, libérer notre libre-arbitre des aliénations que font peser sur elle les idéologies qui se succèdent et se contredisent de génération en génération : « le ciel et la terre passeront, seules les paroles de Jésus ne passeront pas ».
Que l’Esprit Saint nous accorde l’intelligence spirituelle de notre pèlerinage sur cette terre, de sorte que nous puissions discerner toutes choses sur l’horizon de notre destinée éternelle. Nous pourrons alors prier avec le psalmiste :
« Seigneur mon partage et ma
coupe, de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable.
Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance :
Tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption.
Mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. Tu m’apprends le chemin de la vie :
Devant ta face débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! » (Ps
15).
32ème Dimanche Ordinaire
Le 32ème Dimanche Ordinaire
1R17,10-16 ; Ps145 ; Hb9-26-28 ; Mc12,38-44.
L’auteur de la lettre aux Hébreux, s’adresse à des Chrétiens d’origine juive, certains ont la nostalgie du culte ancien ; désormais, dans la pratique chrétienne, il n’y a plus de temple, plus de sacrifices sanglants ; alors on s’interroge : est-ce bien cela ce que Dieu veut ? Notre auteur reprend une à une toutes les réalités, toutes les pratiques de la religion juive et il démontre que tout cela est bel et bien périmé.
Il s’agit surtout du Temple, le « sanctuaire » ; l’auteur précise qu’il faut distinguer le vrai sanctuaire dans lequel Dieu réside, autrement dit le ciel, et le temple construit par les hommes qui n’en est qu’une pâle copie.
L’évangile nous rappelle à quel point les Juifs étaient particulièrement fiers, du magnifique Temple de Jérusalem. Pour autant, ils n’oubliaient pas que toute construction humaine reste humaine, et par conséquent, faible, imparfaite, périssable. De plus, personne en Israël ne prétendait enfermer la présence de Dieu dans un temple, aussi beau, aussi grand soit-il.
Le premier bâtisseur du temple de
Jérusalem, le roi Salomon reconnaissait déjà : « Est-ce que
vraiment Dieu pourrait habiter sur la terre ? Les cieux eux-mêmes et les cieux des cieux ne peuvent te contenir ! Combien moins cette Maison que j’ai bâtie ! » (1 R 8, 27).
On a donc toujours su, dès l’Ancien Testament, que la Présence de Dieu n’était pas limitée à la Tente de la Rencontre pendant l’Exode, ni plus tard, au Temple de Jérusalem.
Mais on recevait ce lieu de prière comme un cadeau : dans sa miséricorde, Dieu avait accepté de donner à son peuple un signe visible de sa Présence.
Seulement, pour les Chrétiens, le vrai Temple, le lieu où l’on rencontre Dieu, ce n’est plus un bâtiment : désormais le lieu de rencontre entre Dieu et l’homme, c’est Jésus-Christ lui même, le Dieu fait homme.
Jean l’explique aux lecteurs de son évangile, dans l’épisode des vendeurs chassés du Temple : c’était peu de temps avant la fête juive de la Pâque, Jésus était monté à Jérusalem avec ses disciples, Il s’était permis de chasser de l’enceinte du Temple tous les changeurs de monnaie et les marchands de bestiaux pour les sacrifices.
Jean, avait bien compris : dans peu de temps tout cela sera périmé. Une querelle avait commencé entre les Juifs et Jésus : les Juifs lui demandaient : « Quel signe nous montreras-tu pour agir de la sorte ? » Et Jésus avait répondu : « Détruisez ce Temple et, en trois jours, je le relèverai. » Ce n’est qu’après la Résurrection que les disciples comprendront: « Le Temple dont il parlait, c’était son corps. » (Jn 2, 13-21).
La lettre aux Hébreux ne nous dit pas autre chose : restons greffés sur le Christ Jésus, nourrissons-nous de son corps, car c’est comme cela que nous sommes mis en présence de Dieu : Jésus lui, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire véritable et il se « tient devant la face de Dieu », ce sont les termes que l’on employait pour parler du sacerdoce. « Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. »
Quand y est-il entré ? Par sa mort. Comprenons bien la place centrale de la croix dans le mystère chrétien. Un peu plus tard, l’auteur de la lettre aux Hébreux précisera que cette mort du Christ n’est que le point d’orgue d’une vie tout entière offerte.
L’Alliance que Jésus-Christ a conclue avec le Père en notre nom est parfaite et définitive : sur le Visage du Christ en croix, les croyants découvrent le vrai Visage de Dieu qui aime les siens jusqu’au bout ; désormais ils ne se méprennent plus sur Dieu, ils savent que Dieu est leur Père, comme il est le Père de Jésus ; ils peuvent enfin vivre de tout leur cœur l’Alliance que Dieu leur propose ; c’est cela la nouveauté, la Nouvelle Alliance apportée par le Christ Jésus.
Toussaint
1er Novembre 2015 Toussaint
Ap7,2-4.9-14 ; Ps23 ; 1Jn3,1-3 ; Mt5,1-12a
Nous risquons fort d’être impressionnés, si une foule de 144.000 personnes nous accueille là-haut. Il s’agit en réalité, d’un chiffre symbolique - 12, le nombre de tribus d’Israël ; multiplié par 12, le nombre d’apôtres ; multiplié par 1000, le chiffre de l’infini - signifiant une multitude innombrable.
L’enseignement que Jésus donne sur la montagne devrait cependant nous rassurer : dans cette « foule immense, que nul ne peut dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » (1ère lect.), tous sans exception, sont pauvres de cœurs, doux, compatissant, affamés de justice, miséricordieux, purs, pacifiques ; tous ont été de l’une ou l’autre manière persécutés pour leur foi en leur Maître doux et humble, auquel ils se sont laissés totalement configurer. C’est pourquoi ils sont « enfants de Dieu » ; ils participent à la sainteté de « celui qui les a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 P 2, 9). Désormais ils lui sont devenus « semblables », maintenant « ils le voient tel qu'il est » (2nd lect.).
Comment cela peut-il se faire ? Dieu seul est « Saint » : ce terme exprime le cœur même de son mystère, qui demeure ineffable et inaccessible à l’homme. Comment des créatures marquées par le péché pourraient-elles entrer « en communion avec la nature divine » (2 P 1, 4) ? L’Ange de l’Apocalypse nous répond : les 144.000 « ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l'Agneau » (1ère lect.). Voilà pourquoi ils exultent, et se tenant « debout devant le Trône et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main, ils proclament d'une voix forte : "Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau !"».
Fort heureusement, bien des visages de ce comité d’accueil ne nous seront pas inconnus : nos proches, parents et amis, se feront une joie de nous accueillir au nom du Seigneur et de nous introduire dans cette célébration éternelle à laquelle nous sommes conviés depuis toute éternité. Car nous aussi, Dieu « nous a choisis dans le Christ, dès avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l’amour » (Ep 1, 4). Depuis toujours, le Père a résolu de rassembler tous ses enfants en un seul Corps, dont son Fils serait la Tête, afin que nous puissions participer à sa vie.
La grâce de sainteté est donc en quelque sorte « organique » : nous participons à la sainteté du Corps ecclésial du Christ ; ou encore : à la sainteté de son Epouse, qu’il a voulu « rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême et la Parole de vie ; il a voulu se la présenter à lui-même, cette Eglise, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et irréprochable » (Ep 5, 26-28). Comme l’écrit Pierre, le Christ a fait de nous « la race élue, la communauté sacerdotale du roi, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis, pour que nous proclamions les hauts faits de celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 P 2, 9). Tous ceux qui ont mis leur foi dans le Christ Jésus, forment déjà une unique famille avec ceux dont la mort inévitable nous a séparés pour peu de temps.
À l'origine de l'Église, la « communion des saints » désignait l'ensemble de ceux qui avaient part aux réalités saintes et sanctifiantes ; càd l'Eucharistie et les sacrements. Cependant, cette communion de vie dans l’Esprit du Dieu vivant ne nous unit pas seulement au Christ Jésus et entre nous, elle nous unit également à tous ceux qui nous ont précédés et qui partagent désormais la vie du Ressuscité. « Il a plu à Dieu, enseigne le concile Vatican II, que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel » (Lumen Gentium, 9).
Tout comme dans une grande famille unie par le lien de l’amour, les mérites de l’un rejaillissent sur tous les autres ; ou plutôt les mérites de tous sont mis en commun pour le plus grand bien de chacun. En premier bien sûr les mérites du Christ Jésus lui-même, auxquels s’unissent les mérites de la Vierge Marie et de tous les saints, petits ou grands, connus ou inconnus, canonisés ou ignorés. Tous ensemble - oui : nous aussi, dans la mesure où nous vivons dans l’obéissance de la foi - nous rassemblons cet héritage familial - dans lequel nous venons en réalité puiser bien davantage que nous n’y déposons !
A cette initiative divine doit bien sûr correspondre une réponse proportionnée : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mc 5, 48), nous ordonne Jésus. C’est donc que c’est possible ; précisément en puisant dans le trésor des mérites de sa Passion victorieuse auxquels se sont ajoutés les mérites de tous les saints et saintes de l’histoire, que nous fêtons aujourd’hui. Et c’est en nous appuyant sur leur aide, que nous pourrons produire des œuvres méritoires, qui s’ajouteront aux leurs, pour les générations présentes et à venir.
« Tout homme qui fonde son espérance sur le Christ et sur son Eglise, se rend pur comme lui-même est pur » nous dit la2nd lecture. En ce jour béni, encourageons-nous donc mutuellement sur le chemin de la sainteté, puisque le Père nous attend. Certes, « dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » ; aussi hâtons-nous : « purifions nos cœurs, gardons nos mains innocentes, ne livrons pas nos âmes aux idoles pour obtenir du Seigneur la bénédiction, de Dieu notre Sauveur la justice » (Ps 23[24]). « Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra », entouré « d’une foule immense, que nul ne pourra dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » (1ère lect.), « nous le verrons tel qu’il est » (2nd lect.).
« Recherchons donc sa face, gravissons la Sainte montagne » des Béatitudes où le Seigneur nous révèle son visage de sainteté sous les traits du pauvre de cœur, de l’affamé et assoiffé de justice, du cœur doux et pur, de l’artisan de paix et du persécuté pour la justice. Contemplons le visage de notre Dieu ; car c’est en le contemplant longuement tel qu’il se donne à voir dans les Ecritures, « que nous lui deviendrons semblables » (cf. 2nd lect.) et que nous participerons à sa sainteté.
30ème Dimanche Ordinaire
25 octobre 2015
Jér31,7-9 ; Ps 125 ; Hé 5,1-6 ; Mc 10,46b-52.
On pourrait écrire la lettre aux Hébreux en deux colonnes : dans la 1ere colonne, on y mettrait les données de l’Ancien Testament, dans la 2de, celle du Nouveau Testament ; ou pour le dire autrement, ce qui était avant Jésus-Christ et ce qui est depuis.
Pour l’auteur, comme pour tout le Nouveau Testament, depuis Jésus-Christ, tout est changé. L’auteur passe son temps à comparer les deux points de vue pour dire : Faites le pas ; acceptez sans hésiter la nouveauté apportée par Jésus ; cette nouveauté du Christ n’est pas une infidélité à la religion de vos pères ; elle en est l’accomplissement.
Comme Jésus lui-même l’avait dit : « je ne suis pas venu abolir la loi et les prophètes, je suis venu accomplir. » (Mt 5, 17).
En Jésus-Christ, tout est nouveau et pourtant, tout est dans la droite ligne de l’Ancien Testament. Aujourd’hui, l’auteur évoque trois points précis : premier point, le grand prêtre, est un homme comme les autres ; deuxième point, il fait le pont entre Dieu et les hommes, en ce sens il est « pontife » ; ces deux points nous les avons vus dans les passages que nous avons entendus les dimanches précédents ; troisième point, la mission de grand prêtre, découle d’un appel de Dieu.
Souvenez vous, dans l’Ancien Testament, les prêtres devaient être des hommes séparés : le mot « consacré » dans l’Ancien Testament signifie « séparé ». Ainsi donc, parmi les douze tribus d’Israël, on avait choisi, mis à part une tribu particulière, celle de Lévi. Les descendants de Lévi, les lévites, ne possédaient pas un territoire particulier, ils étaient répartis sur l’ensemble du territoire, et ils étaient consacrés au service du Temple. Leurs revenus provenaient pour une part des offrandes faites au Temple.
L’institution du sacerdoce s’est précisée au cours des siècles et on distinguait plusieurs classes de prêtres selon les diverses fonctions à remplir dans le Temple. Il faut bien imaginer ce que pouvait être le service d’un lieu de culte où se déroulaient des sacrifices quotidiens, des pèlerinages gigantesques avec de multiples chorales ; quand on pense qu’en certaines occasions, on a sacrifié en une seule cérémonie plusieurs milliers d’animaux, imaginez le personnel nécessaire ; le deuxième livre des Rois raconte que Salomon a sacrifié lors de la dédicace du Temple qu’il venait de construire, 22 000 têtes de gros bétail et 120 000 têtes de petit bétail !
Moïse et son frère Aaron étaient tous les deux descendants de Lévi ; plus tard, c’est aux descendants d’Aaron qu’on a réservé le privilège d’être grand prêtre ; il ne suffisait donc plus d’être lévite, il fallait faire partie de la famille d’Aaron. Ce grand prêtre nommé pour un an avait seul le droit d’entrer dans le Saint des Saints -la partie la plus sacrée du Temple de Jérusalem- le jour du Yom Kippour, c’est-à-dire du grand pardon. Voilà pour l’Ancien Testament.
Arrivé là, notre auteur a évidemment un problème pour remplir la colonne concernant Jésus-Christ ! Car une chose est sûre : Jésus ne descend pas de Lévi ni d’Aaron : il descend de David par son père, et même si on ne connaît pas l’origine de Marie, c’est l’origine paternelle qui compte. Donc dans la logique de l’Ancien Testament, Jésus ne peut pas recevoir le titre de grand prêtre.
A moins que… A moins que Dieu soit quand même libre d’appeler qui il veut ! Notre auteur nous le dit « On ne s’attribue pas à soi-même cet honneur d’être grand prêtre, on le reçoit par appel de Dieu ». L’appel de Dieu pour certains consiste dans leur naissance, les lévites par exemple ; mais pour Jésus, Dieu en a décidé autrement : si son Fils s’est fait homme, c’est précisément pour être le médiateur, le « pont » entre Dieu et les hommes ; et, une fois de plus, la liberté de Dieu déborde tous nos schémas : un psaume l’affirme : « Le SEIGNEUR l’a juré, il ne s’en repentira pas : tu es prêtre pour toujours, à la manière de Melkisédek. » (Ps 109/110, 4).
Qui donc était Melkisédek ? Nous sommes au temps d’Abraham, c’est-à-dire bien avant l’institution des lévites : Loth ayant été victime d’une razzia et fait prisonnier, Abraham a volé à son secours pour le délivrer. Ce faisant, dans la région, il s’est taillé une réputation d’homme fort. Et c’est là qu’il rencontre Melchisédech.
La Bible présente ce personnage qui était jusque-là un inconnu comme roi de Salem -on pense qu’il s’agit peut-être de la future Jérusalem- ; et alors qu’on ne sait rien de ses ascendances, le texte précise « Il était prêtre du Dieu Très-Haut ». Ce qui montre bien qu’il peut exister un sacerdoce légitime en dehors de la descendance d’Aaron : puisque, Melkisédek était contemporain d’Abraham, et donc ne descendait pas de Lévi qui a vécu plusieurs générations plus tard.
Ce psaume a probablement été écrit par quelqu’un qui était très critique à l’égard du sacerdoce de Jérusalem, et il imaginait un sacerdoce dégagé des contraintes d’appartenance à la famille de Lévi.
Par la suite, parmi les premiers Chrétiens, ceux qui attendaient un Messie-prêtre et étaient bien obligés d’admettre que Jésus ne descendait pas de Lévi, se sont référés à ce psaume qui reconnaissait le titre de grand prêtre à Melkisédek ; ils y ont lu l’annonce que le Messie déborderait toutes les catégories et les institutions de l’Ancien Testament, même celles du sacerdoce.
Pour faire alliance avec Abraham, Melkisédek, ce prêtre étonnant, lui propose un sacrifice à base de pain et de vin. Bien évidemment, l’auteur de la lettre aux Hébreux fait le rapprochement ! Pour lui, cela ne fait aucun doute : Jésus est le nouveau Melkisédek, il est bien dans la droite ligne de l’Ancien Testament.
« Il en est bien ainsi pour le Christ : il ne s’est pas donné à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi aujourd’hui, je t’ai engendré, car il lui dit aussi dans un autre psaume : Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité ».
29ème Dimanche Ordinaire
18 octobre 2015
Is 53,10-11 ; Ps 32 ; Héb 4,14-16 ; Mc10,35-45.
Dans la seconde lecture que nous avons entendu, nous assistions à une discussion sur le thème de la religion : deux théories, ou plutôt deux groupes, sont en présence : d’une part des Juifs, fervents, très attachés au culte du Temple et à l’institution du sacerdoce à Jérusalem ; et, en face, des Chrétiens tout nouvellement baptisés, qui ont trouvé en Jésus-Christ, mort et ressuscité, le salut que l’humanité attend. Le dialogue entre ces deux groupes est difficile parce qu’ils emploient exactement le même vocabulaire, mais en donnant aux mots, des sens différents, voire même opposés.
Pour les Juifs, le rôle des prêtres en général, et du grand prêtre en particulier, c’est de faire le pont entre le Dieu inaccessible et le peuple. Quand on parle du « Dieu Saint », on pense Dieu séparé, inaccessible ; les hommes, eux, appartiennent au monde profane, celui là même que l’Ancien Testament appelle impur. Seulement, pour transmettre à ce Dieu nos prières, ou nos actions de grâce, il faut un médiateur, un intermédiaire, quelqu’un qui fasse le pont.
Ce quelqu’un ne peut pas être un homme ordinaire, qui appartient au monde profane ; d’où tout le rituel de la consécration du grand prêtre ; le mot « consécration » signifiant justement séparation, mise à part. Pourtant, l’Ancien Testament avait découvert, le Dieu tout proche ; mais le chemin était à sens unique : Dieu traversait l’abîme qui nous sépare de lui, mais pour l’homme, le chemin inverse était impossible. D’où la nécessité du prêtre, sépare, mis à part, justement pour accomplir cette mission reliant l’un à l’autre.
Dans cette logique, il est évident que Jésus ne remplit aucune des conditions du sacerdoce : premièrement, il n’est pas de la tribu des prêtres : la tribu de Lévi, puisqu’il descend de David, qui est de la tribu de Juda ; ses disciples se réclament assez, de cette filiation davidique. Pour être grand prêtre, il fallait, à l’intérieur de la tribu de Lévi, descendre de la famille d’Aaron, ce n’est pas non plus le cas de Jésus. Il n’a donc pas reçu la consécration de grand prêtre, et pour cause. De plus, il est mort comme un maudit : la mort de Jésus n’est pas un acte du culte : c’est l’exécution d’un condamné ; pour ceux qui l’ont condamné, il n’était qu’un imposteur, un faux Messie ; la preuve, c’est que Dieu ne lui épargne pas cette mort infâme ; il a donc menti en se prétendant fils de Dieu.
Par conséquent, en le tuant, qu’on a accompli un acte religieux, en supprimant un blasphémateur qui ne pouvait que dévoyer le peuple.
Pour les Chrétiens, au contraire, tout repose sur le mystère de l’Incarnation. Dieu s’est fait homme ; en Jésus-Christ, homme et Dieu ne font qu’un. Et voilà, en Jésus, celui qui fait réellement, le pont entre Dieu et les hommes. En lui, en Jésus, Dieu est venu vers l’humanité, Dieu a traversé l’abîme qui nous sépare de lui. Notre texte dit « Il a traversé les cieux ».
En lui aussi, par la Résurrection, un homme a traversé les cieux : pour rester sur cette image, on peut dire que le chemin a été fait dans les deux sens. En lui, l’humanité tient une fois pour toutes la main de Dieu. Et nous, puisque nous sommes son corps, nous avons accès à Dieu, par Jésus. C’est lui notre médiateur une fois pour toutes. « Tenons ferme dans l’affirmation de notre foi » nous dit l’auteur, c’est-à-dire ne nous laissons pas intimider par une autre théorie. Désormais, tout est changé. Ne regardons plus vers le passé ; il n’était qu’une étape dans le projet de Dieu. Désormais, « En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence. »
Au moment où cette lettre, aux Hébreux, a été écrite, la communauté chrétienne donnait déjà à Jésus le titre de Fils de Dieu. Mais, ces Chrétiens avaient la même difficulté que nous. Ce Fils de Dieu pouvait-il en même temps être un homme comme les autres hommes ?
Nous sommes là, devant le mystère de l’Incarnation, et il reste pour nous un mystère : les desseins de Dieu sont trop impénétrables pour nous.
Chez nous tous, même si nous disons
fidèlement dans le credo que Jésus est « vrai homme et vrai Dieu
», l’idée que Dieu est irrémédiablement lointain demeure
tenace.
C’est probablement pour répondre à ce genre de difficulté que l’auteur ajoute tout de suite après : « Le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme
nous, et il n’a pas péché. »
Cette épreuve du Christ, recouvre les multiples tentations qui ont jalonné sa vie : celles que nous rapportent les évangiles dans les tentations au désert ; celle du pouvoir, du succès, du prestige ; celle de se faire servir au lieu de se faire serviteur, -nous en avons un écho dans l’évangile d’aujourd’hui- ; la tentation que lui a occasionnée Pierre en le poussant à éviter la persécution et la mort qui l’attendaient à Jérusalem ; la tentation de Gethsémani…
La tentation, aussi, de se croire abandonner, au pire moment, sur la croix. Toutes ces tentations sont les nôtres, mais lui, Jésus n’a jamais succombé ; pas une fois il ne s’est éloigné de la volonté de son père : « Que ta volonté soit faite et non la mienne » partage Jésus dans sa prière.
Il est donc à la fois notre frère,
celui qui partage notre condition, nos épreuves, nos tentations, et Fils de Dieu, parfaitement ajusté en tout, à la volonté de son Père.
Il ne nous reste plus qu’à marcher à sa suite, comme le dit Paul dans la lettre aux Corinthiens : « Avançons-nous donc avec pleine assurance… »
Désormais, l’institution israélite du sacerdoce n’a plus de raison d’être. Mais alors, pourquoi y a-t-il encore des prêtres aujourd’hui ?
Le prêtre chrétien ne prétend pas « faire le pont » entre Dieu et les fidèles. Mais, par sa présence, il rappelle constamment, que Jésus-Christ, est le seul grand prêtre, le seul pontife, qui est au milieu d’eux.
28ème Dimanche Ordinaire
27ème Dimanche Ordinaire
Gen2,18-24, Ps 127 ; Heb 2,9-11 ; Mc 10,2-16.
Nous avons la chance d’entendre une très belle méditation sur le mystère du Christ dans la 2nd lecture, issue de l’épître aux Hébreux, arrêtons nous un instant sur ce texte, qui un petit résumé du Credo chrétien : il dit trois choses :
premièrement, Jésus est à la fois homme et Dieu ;
deuxièmement, il est le sauveur, le Messie que nous attendions ;
troisièmement, c’est par sa mort sur la croix qu’il apporte le salut à l’humanité.
Je commence par le premier point : Jésus
est à la fois homme et Dieu. Nous,
nous le disons facilement, en oubliant peut-être que cette idée était proprement impensable, voire scandaleuse pour les hommes de son temps. Il faudra tout un travail de réflexion pour l’admettre et
beaucoup de lumière de l’Esprit Saint pour le comprendre !
C’est pourtant le sens de la dernière phrase que nous
venons de lire : « Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont
sanctifiés, sont de la même race ». Dire
« Jésus sanctifie » revient à dire qu’il est Dieu. Car, pour un homme de l’Ancien Testament, Dieu seul est Saint, lui seul peut sanctifier ; les hommes,
eux, sont sanctifiés par Dieu, ils ne peuvent évidemment pas se sanctifier eux-mêmes ni sanctifier les autres. Pour l’homme biblique, c’est une évidence qu’un abîme le sépare de Dieu. Nous touchons
là peut-être là, la différence insurmontable entre les Juifs et les Chrétiens.
C’est tout le mystère de l’Incarnation : Dieu est tellement proche de l’homme qu’il s’est fait homme lui-même en Jésus. « Jésus qui sanctifie et les hommes qui sont sanctifiés sont de la même race ». Jésus est à la fois Dieu qui sanctifie, et homme, de la même race que nous : la même sève coule dans
nos veines. L’abîme entre Dieu et l’humanité est définitivement comblé ; c’est ce que l’on appelle le salut.
Désormais, un enfant des hommes est entré dans la gloire de Dieu ; à lui s’applique le fameux psaume 8 qui dit la grandeur de l’homme tel que Dieu l’a conçu :
cet être que Dieu a placé « un peu au-dessous des anges
», mais qui sera un jour « couronné de gloire et d’honneur » parce qu’il est fait pour régner sur toute la création, quand « toutes choses seront mises sous ses pieds », pour reprendre des expressions du psaume 8. Réécoutons quelques versets du psaume 8 : « Ô SEIGNEUR, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par tout l’univers !… Quand je vois tes cieux, ouvrage
de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme pour que tu en prennes souci ? Tu l’as abaissé un peu au-dessous des
anges (traduction de la Septante) :
tu le couronnes de gloire et d’honneur ; tu le fais régner sur les œuvres de tes mains ;
tu as mis sous ses pieds toutes choses. »
Le croyant qui a composé ce psaume n’aurait pas su nommer
Jésus de Nazareth, évidemment ; il relisait tout simplement le livre de la Genèse et s’émerveillait de la vocation de l’homme, appelé par Dieu à régner sur l’ensemble de la création. Vocation pas
encore réalisée, loin s’en faut, et c’est pourquoi l’humanité attend son salut.
A l’époque du Christ, puisque l’humanité semblait définitivement incapable de réaliser cette vocation, on avait pris l’habitude d’appliquer le psaume 8 au Messie ; c’est ce que fait l’auteur de la
lettre aux Hébreux.
Deuxième point : pour les Chrétiens, Jésus est bien le Messie, le sauveur que nous attendions. Car il est celui qui fait entrer l’humanité dans cette gloire et cet honneur qui sont
sa vocation.
Reste le troisième point : comment est-il ce Messie ? Ce sauveur attendu ? c’est par sa mort sur la croix que Jésus apporte le salut à l’humanité. Là encore, nous devinons à travers ces lignes les difficultés des premiers Chrétiens : comment comprendre le mystère de Jésus ? C’est pourtant l’une des très fortes insistances du Nouveau Testament dans son ensemble : non seulement, la croix du Christ est inséparable de sa gloire, mais plus encore le chemin de la gloire passe par la croix.
Une fois de plus, nous sommes de plein pied, dans le mystère du dessein de Dieu ; cette question résonne très souvent dans le Nouveau Testament : pourquoi fallait-il ? Pourquoi la croix ? Pourquoi la souffrance et la mort ? La réponse, les textes du Nouveau Testament la donnent chacun à leur manière, mais on peut l’exprimer de la manière suivante : l’humanité sera sauvée quand elle connaîtra pleinement son Dieu et pourra entrer en dialogue avec lui. Pour que l’humanité connaisse pleinement son Dieu, il faut qu’elle sache qu’il est amour. Et la plus grande preuve d’amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Alors oui, la révélation de Dieu passait par la croix.
Il restait encore une question à résoudre pour l’auteur de la lettre aux Hébreux : il s’adressait à d’anciens Juifs devenus Chrétiens ; pour eux, une question restait sans réponse : vous dites que Jésus de Nazareth est le Messie, mais comment peut-il être le Messie, lui qui n’était pas prêtre ? Au temps du Christ, puisqu’il n’y avait plus de roi, certains attendaient un Messie qui serait prêtre. Or, une chose est sûre, Jésus était un laïc. Dans ce contexte, l’auteur de la lettre aux Hébreux a un objectif bien précis : démontrer que Jésus est prêtre à sa manière, et qu’il l’est même de la seule manière valable !
Jésus peut-il être considéré comme grand prêtre ? Il n’a jamais été ordonné prêtre, il n’a jamais été « mené à sa perfection », comme on disait à l’époque. L’expression nous surprend : « mener à la perfection » c’est un terme technique de la consécration du grand prêtre, il veut dire « introniser comme grand prêtre ».
Vous dites que Jésus n’a pas été ordonné prêtre ? Si,
répond l’auteur de la lettre aux Hébreux, c’est sa mort sur la croix qui a été son intronisation comme prêtre.
La « perfection » du Christ, c’est-à-dire son intronisation comme grand prêtre, ce n’est pas la souffrance de la passion
et de la croix pour elle-même, c’est son amour universel qui lui fait partager la condition de tout homme jusqu’à la souffrance et la mort. La croix ne sépare pas le Christ des autres hommes, au
contraire, elle traduit sa parfaite solidarité avec eux.
Nous pouvons bien rendre grâce, nous dit l’auteur : « Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, pour le salut de tous ».
26ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 27 Septembre 2015
Nb 11,25-29 ;Ps 18b ; Ja 5,1-6 ; Mc9,38-43.45.47-48.
Ils sont là, tous, les douze, et Marc précise bien que c’est à eux que ce discours s’adresse. La question posée par Jean, le « fils du tonnerre » comme Jésus les avait surnommés, lui et son frère, s’explique si on se rappelle du récit du choix des disciples : « Jésus monte dans la montagne et il appelle ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. »
Jésus établit les douze : Pierre – c’est le surnom qu’il a donné à Simon –, Jacques, le fils de Zébédée, et Jean, le frère de Jacques – et il leur donna le surnom de Boanerguès, c’est-à-dire fils du tonnerre -, André, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée et Simon le Zélote, et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra. » (Mc 3, 13-19).
Ce groupe est donc bien délimité, et il a conscience d’avoir reçu le pouvoir de chasser les démons en raison d’un lien très fort et particulier avec Jésus. Pas étonnant qu’ils réagissent aux prétentions de ceux qui, sans faire partie de ce petit groupe, osent chasser les démons en son nom.
Jean a la même réaction que Josué dans la première lecture, une réaction d’exclusion.
Josué, lui, était au service de Moïse depuis sa plus tendre enfance ; et quand Moïse s’était choisi un groupe de soixante-dix collaborateurs, deux d’entre eux, Eldad et Medad, avaient manqué à l’appel. Josué ne pouvait pas admettre que ces hommes choisis par Moïse, -mais qui n’avaient pas répondu à sa convocation- puissent agir eux aussi, sous l’impulsion de l’esprit. Moïse au contraire s’était réjoui et avait reproché à Josué cette forme de jalousie.
De la même manière, Jésus interdit aux Douze cet esprit d’exclusive ; quand Jean lui dit « Nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom sans faire partie de notre groupe, nous avons cherché à l’en empêcher », Jésus intervient très fermement : « Ne l’empêchez pas… »
On a là, très certainement, une preuve de l’extraordinaire paix intérieure qui habite Jésus : il ne prétend pas tout maîtriser ; il constate le bien qui est fait ; et il admet que quelqu’un puisse faire un miracle en son nom, bien que n’appartenant pas au groupe qu’il a lui-même choisi.
En quelque sorte, sa mission lui échappe, il la partage avec des gens qu’il ne connaît même pas. Et il invite du coup ses disciples à ouvrir la porte : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».
Manière de leur dire « il y a des gens qui sont des nôtres même s’ils ne sont pas sur vos listes ».
On a peut-être là, l’illustration d’une autre phrase de Jésus « On reconnaît l’arbre à ses fruits » (Mt 7, 20)… « Supposez qu’un arbre soit bon, son fruit sera bon ; supposez-le malade, son fruit sera malade : c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre. » (Mt 12, 33). Et il en tire les conséquences : « Tout arbre qui ne produit pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. » (Mt 7, 19).
Cette comparaison ne se trouve pas dans l’évangile de Marc, mais notre texte d’aujourd’hui dit exactement la même chose. Il y a de bons fruits à l’extérieur de la communauté ; c’est donc qu’il y a de bons arbres même à l’extérieur de la communauté ; « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ ne restera pas sans récompense. » A l’inverse, il y a de mauvais fruits à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté ; cela veut dire qu’il y a de mauvais arbres à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté ; et Jésus en tire la conclusion : tout comme il faut se résoudre à couper l’arbre malade, il faut résolument supprimer tout ce qui peut se révéler cause de danger pour la vie de la communauté.
« Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer manchot, estropié, borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté tout entier dans la géhenne… »
La Géhenne est le ravin qui entoure Jérusalem au Sud et à l’Ouest ; lieu où l’on brûlait les détritus, il devait sa sinistre réputation au fait qu’il avait été également le lieu où l’on sacrifiait des enfants, au temps des rois Achaz et Manassé ; cette pratique était totalement désapprouvée par les prophètes, si bien que la Géhenne était devenue le symbole de l’horreur absolue. Les prophètes localisaient dans la Géhenne le châtiment des impies au Jour du Jugement de Dieu.
Il est bien évident que Jésus ne conseille à personne de se mutiler : mais par ces phrases si violentes, il veut nous faire découvrir la gravité de ce qui est en jeu ici, à savoir la cohésion de la communauté. Du coup, Jésus entraîne ses disciples bien loin de ce qui, au début de ce même discours à Capharnaüm, était leur préoccupation majeure : à savoir lequel était le plus grand ! (9, 34).
25ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 20 Septembre 2015
Sag2,12.17-20 ; Ps 54 ; Jac 3,16-18. 4,1-3 ; Mc 9,30-37.
La Bible, nous présente souvent le thème des « deux voies » : nous retrouvons ce thème aujourd’hui sous la plume de Saint Jacques. « La jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes, partage t-il, Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. »
D’un côté, jalousie, rivalités, conflits et guerres ; de l’autre, paix, bienveillance, justice, miséricorde ; ce sont deux modes de vie qui s’opposent, deux « sagesses » deux « savoir-vivre ».
Un peu avant, Jacques a parlé d’une « sagesse terrestre, animale, démoniaque » (3, 15) ; ici, il parle de l’autre sagesse, celle qui vient de Dieu ; la première est l’image de la vie à la manière d’Adam, l’autre, celle vers laquelle nous devons tendre, celle de Jésus, le doux et humble de cœur.
Voilà pourquoi le texte que nous avons entendu multiplie les oppositions : elles se ramènent toutes à une seule, l’opposition entre les deux sagesses, l’opposition entre les deux comportements.
Par exemple, « la jalousie et les rivalités » (v. 16) sont à comprendre par contraste avec ce qui est dit au verset suivant : « paix, tolérance, compréhension » ; les « actions malfaisantes », par contraste avec les « bienfaits » du verset suivant.
Qui est visé au juste ici ? Jacques ne nous le dit pas, mais il n’avait probablement pas besoin de le préciser davantage pour être compris par sa communauté.
Parmi les thèmes qu’il aborde dans le reste de la lettre, on peut émettre quelques hypothèses : les jalousies et rivalités pouvaient être d’ordre matériel ou spirituel ; pour les conflits d’ordre matériel, il suffit de se rappeler tout le développement précédent sur les discriminations sociales entre riches et pauvres, nous avons entendu ce texte il y a peu dans la liturgie, (2, 1-5; cf 23ème dimanche) ; sans parler de la mise en garde adressée un peu plus loin aux riches (5, 1-6 ; cf 26ème dimanche) , nous l’ entendrons la semaine prochaine.
Pour les conflits d’ordre spirituel, notons au passage que le mot traduit ici par « jalousie » peut évoquer le fanatisme des idées.
Relisons les versets qui précèdent notre lecture d’aujourd’hui : « Mes frères, ne soyez pas nombreux à devenir des maîtres : comme vous le savez, nous qui enseignons, nous serons jugés plus sévèrement. Tous, en effet, nous commettons des écarts, et souvent. Si quelqu’un ne commet pas d’écart quand il parle, c’est un homme parfait, capable de maîtriser son corps tout entier. En mettant un frein dans la bouche des chevaux pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons leur corps tout entier.(…) De même, notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez encore : un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres ; c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle enflamme le cours de notre existence, étant elle-même enflammée par la géhenne. (…) Mais la langue, personne ne peut la dompter : elle est un fléau, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel. Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, qui sont créés à l’image de Dieu ».
Au début de ce chapitre 3, Jacques met en garde les fidèles contre ce qu’on pourrait appeler les « méfaits de la langue » : « Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. » nous dit l’apôtre. Un peu plus loin, il est encore plus clair : « Si vous avez le cœur plein d’aigre jalousie et d’esprit de rivalité, ne faites pas les avantageux et ne nuisez pas à la vérité par vos mensonges. » (3, 14).
Le risque ne devait pas être seulement hypothétique puisqu’il l’a évoqué dès le premier chapitre : « Si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride… vaine est sa religion. » (1, 26).
Pour Jacques, tous ces comportements de jalousie et de rivalité relèvent du paganisme ; la vraie religion, qu’elle soit juive ou chrétienne, nous introduit à une tout autre manière de vivre. Les mêmes réalités, qu’elles soient d’ordre matériel ou spirituel, peuvent être vécues d’une manière ou de l’autre.
Il n’y a pas un bonheur païen et un bonheur chrétien, il y a deux manières de vivre le bonheur, la manière païenne et la manière chrétienne.
Jusqu’ici, nous étions sous le règne de la convoitise, c’est-à-dire de l’égoïsme ; la religion juive et, à plus forte raison, le Christianisme, nous introduisent dans le royaume de l’amour fraternel. C’est tout le sens du commandement « Tu ne convoiteras pas » : non pas « tu ne désireras plus rien », mais, tu n’accapareras pas pour toi seul, et deuxièmement, tu ne te laisseras pas accaparer.
Si tu deviens esclave de ce que tu possèdes, tu perds ta liberté, puisque tu es obsédé par ton désir, et tu perds la charité parce que tu deviens envieux de ce que l’autre possède.
Pourtant, la Bible n’enseigne nulle part le mépris des biens de ce monde : depuis la première parole de Dieu à Abraham, le peuple élu sait que Dieu ne veut que notre bonheur, dont le bien-être matériel fait partie.
Et le désir du bonheur, matériel ou spirituel, est bon, puisqu’il fait partie de la création. Il nous faut seulement apprendre à nous remettre sans cesse dans la main de Dieu : un peu plus loin, Jacques dit ce que doit être notre état d’esprit : « Si le Seigneur le veut bien, nous vivrons et ferons ceci ou cela. » (4, 15).
« Si le Seigneur le veut bien », c’est la formule de Jacques, toute proche de celle de Jésus : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Mais, pour nous, le passage d’une sagesse à l’autre n’est jamais totalement achevé : nous sommes des êtres partagés ; Jacques dit qu’un véritable combat se déroule en nous-mêmes et que nos querelles n’en sont que le reflet : « D’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? »
Le secret est dans la prière, car Dieu seul peut donner la sagesse : c’est l’une des grandes insistances de toute la méditation biblique ; dès le début de sa lettre, Jacques conseillait à ses lecteurs de prier pour l’obtenir : « Si la sagesse fait défaut à l’un de vous, qu’il la demande au Dieu qui donne à tous avec simplicité et sans faire de reproche ; elle lui sera donnée. » (1, 5).
24ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 13 Septembre 2015
Is 50,5-9a ; Ps116 ; Ja 2,14-18 ; Mc8,27-35.
En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Jésus emmène ses disciples aux sources du Jourdain, il les incite à revenir « aux sources », pour cela il leur pose une question essentielle : « Au dire des gens, qui suis-je ? »
La démarche est d’abord une démarche géographique, comme pour faire comprendre aux disciples qu’il est temps désormais, de revenir à la source même de la foi. Césarée de Philippe, se trouve aux pieds de l’Hermon, c’est là que le Jourdain prend sa source.
Pour accompagner Jésus dans sa montée vers Jérusalem, il faut reprendre les choses au début et se redire qui il est. Il ne s’agit pas ici de se fier à l’opinion des autres, ceux qui affirment qu’il est « « Jean le Baptiste ; Elie ; ou un des prophètes. », Jésus n’apparait pas, comme un rabbin obscur, il invite à ce que chacun puisse proclamer une foi personnelle.
Pierre reconnait que Jésus est le Messie, non pas un messie, de ces nombreux messie qui ont traversé l’histoire, mais LE messie, l’unique, celui qui était annoncé et attendu, depuis des siècles. « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : déclarera Jésus, ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ».
Jésus « commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite ». Les disciples ont entendu la proclamation de la messianité de Jésus, il est désormais nécessaire qu’ils apprennent ce que signifie sa mission, et ce que doit être sa vie.
Jésus annonce que le Fils de l’homme, c'est-à-dire, le Messie, c'est-à-dire lui, doit souffrir. Il doit, parce que là est sa mission, c’est la voie choisie pour nous sauver. Jésus aurait pu, échapper à la souffrance et à la mort, mais c’est justement dans la souffrance et dans la mort, que nous avions besoin d’être visités par Dieu, c’est pourquoi il doit souffrir. L’auteur de l’épitre aux Hébreux écrira plus tard « nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. » Dans un autre passage le même auteur dira « parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve ».
Pierre, quand à lui, est scandalisé par les propos de Jésus
« Pierre, le prenant à
part,
se mit à lui faire de vifs reproches. » Sa réaction est normale devant une telle annonce.
On imagine aisément un Messie Sauveur, puissant, glorieux, et le voilà qu’il annonce la passion, la souffrance, la mort.
Paul confessera « nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes ».
La réaction de Pierre, normale, nous révèle somme toute l’ignorance de l’apôtre, sur la mission de Jésus, et son infinie compassion pour l’humanité, cette ignorance est suscitée par le démon, comme une tentation, pour se dérober à la souffrance rédemptrice qui nous guérira de tout mal. St Léon le grand commentera dans une homélie « Ce n’est pas parce que tout en lui était plein de grâce, plein de miracles, qu’il a dû pour autant pleurer de fausses larmes, simuler la faim en prenant la nourriture ou feindre le sommeil en paraissant dormir. C’est dans notre humiliation qu’il a été méprisé, dans notre affliction qu’il a été attristé, dans notre douleur qu’il a été crucifié. Car sa miséricorde a subi les souffrances de notre état mortel afin de les guérir, sa force les a acceptés afin de les vaincre ».
Les souffrances de Jésus, annoncées par trois fois, par l’évangéliste, révèlent que le Messie montre la route à ceux qui veulent le suivre, la route de la pauvreté, la route de l’obéissance, la route de la chasteté, le route de l’amour de Dieu, qui reprend ce que dit le livre du Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »
Dans cette 1ere annonce de la Passion par Jésus, Jésus insiste sur le fait qu’il sera rejeté par sa propre famille spirituelle, c’est-à-dire qu’il vivra à l’extrême la chasteté. Quand il nous demande d’aimer Dieu de tout notre cœur, de mettre par-dessus tout, l’amour pour Dieu, de renoncer aux affections humaines trop envahissantes pour laisser la place à Dieu, lui-même accepte d’être rejeté : « il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes ».
Malgré cela Jésus invite « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » Tous les renoncements auxquels Jésus invite ses disciples, ne sont pas des poids supplémentaires qu’il impose, au contraire, c’est une aide qu’il propose pour porter le fardeau de la vie « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Se renier soi même, c’est une manière de résumer les renoncements auxquels Jésus nous invite. Ce n’est bien évidement pas en opposition avec l’amour que l’on doit avoir pour soi même, un amour qui est à la mesure de celui que l’on doit avoir pour les autres, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lv19, 18). Il s’agit de renoncer à tout, ce qui, en nous, n‘est pas offert à Dieu.
Quand à la croix, elle représente les souffrances de la vie, une vie sans souffrance, ça n’existe pas ! On accuse parfois les chrétiens de rechercher la souffrance pour la souffrance, en réalité la souffrance est d’autant plus insupportable et révoltante qu’elle semble totalement vaine et inutile. Se laisser visiter par le Seigneur au cœur de la souffrance, offrir librement cette souffrance, donne de la vivre d’une manière tout autre, une manière qui peut transfigurer la vie, et permet de sauver sa vie.
Dans le décret Gaudium et spes du concile Vatican II , on lit « Jésus en acceptant de mourir pour nous tous, pêcheurs, nous apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix que la chair et le monde mettent sur les épaules de ceux qui recherchent la justice et la paix »
Porter sa croix, c’est accepter d’entrer avec foi dans le combat contres les forces du mal. Aux yeux du monde c’est perdre sa vie, car c’est la soustraire à celui qui est appelé par ailleurs le « prince de ce monde ».
Gagner sa vie, c’est œuvrer pour ce qui dure, ce qui est du coté de Dieu, c’est témoigner de la Vérité sur Lui , au sein de cette génération adultère et pécheresses qui est la notre depuis Adam jusqu'à aujourd’hui.
23ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 6 Septembre 2015
Is 35,4-7a ; Ps 146 ; Ja 2,1-5 ; Mc 7,31-37.
Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler et supplient Jésus de poser la main sur lui.
Jésus est en plein territoire païen, au milieu d’une foule, un malade lui est présenté. Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, comme au moment de la création, l’homme est « mis à part ». Rappelez vous que pour façonné Adam, le Seigneur avait isolé un bloc de glaise, selon ce que rapport le livre des commencements « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol » (Gn2,7). Jésus isole ici le sourd bègue afin de lui refaçonner les oreilles et la langue : « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue ».
Les doigts créateur de Jésus vont donner une nouvelle manière d’écouter la Parole, quant à la salive, un psaume en parlait déjà : « Tu es beau, comme aucun des enfants de l'homme, la grâce est répandue sur tes lèvres » (ps 45,3). Désormais la grâce de Dieu va permettre à l’homme de parler correctement.
Une maladie dont souffre le monde, notre monde, c’est la fermeture du cœur, c’est-à-dire l’incapacité à recevoir la Parole et dans la bouche et dans les oreilles. Que faisons-nous de notre fonction, ou mission de prophète reçu au baptême ? L’auteur du livre du Deutéronome affirme que la parole est d’abord destinée à entrer dans la bouche : « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique » (Dt 30,14).
Nous comprenons alors, l’importance de re-façonner nos bouches et nos lèvres, pour accomplir ce qui est dit par le prophète Sophonie : « je rendrai pures les lèvres des peuples pour que tous invoquent le nom du Seigneur et, d’un même geste, le servent. » (So 3,9).
Nous comprenons mieux aussi pourquoi « Jésus les yeux levés au ciel, soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »»
Au sourd bègue de la Décapole, Jésus redit avec force ce qu’il attend de chacun d’entre nous, l’ouverture du cœur, des yeux, des oreilles, de la bouche, pour l’accueillir. C’était déjà la supplication de l’époux dans le Cantique des Cantiques « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma toute pure, ». Et en ce qui concerne le sourd bègue Marc constate simplement : « Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. »
La formule « Ouvre-toi » peut-être utilisée dans le rituel des baptêmes, pour signifier que l’on ne peut recevoir la grâce du baptême, qu’en acceptant d’ouvrir son cœur, qu’on ne peut être instruit des mystères du Royaume, que si l’on accepte d’ouvrir la bouche et les oreilles. Selon St Ambroise de Milan qui écrit dans un commentaire : « ouvre-toi, ouvrez donc vos oreilles et humez le bienfaisant parfum de la vie éternelle qui vous est insufflé avec le don des sacrements, lors de la cérémonie de l’ouverture : effata, c’est-à-dire ouvre-toi, pour que chacun de vous, sur le point d’accéder à la grâce, sache sur quel sujet il sera interrogé et se souviennent alors de ce qu’il devra répondre » (St Ambroise de Milan le catéchuménat des premiers chrétiens »
Devant la guérison du sourd-bègue, la foule s’émerveille : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. » Ils reconnaissent dans les gestes de Jésus l’accomplissement de la Parole du prophète Isaïe « Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie » (Is 35,5-6).
N’est-ce pas là déjà les signes du Royaume qui vient ?
22ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 30 Août 2015
Dt 4,1-2. 6-8 ; Ps 14 ; Jc 1,17-18.21b-22.27 ; Mc 7,1-8. 14-15. 21-23.
« En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées ».
C’est un reproche des pharisiens, aux disciples de Jésus, de prendre leur repas avec des mains impures, non lavées ».Et l’Evangéliste, nous informe quand au rites en cours « en ce temps là » : Les pharisiens, en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ;ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau ».
Les pharisiens se définissent avant tout comme un mouvement de stricte observance religieuse. Flavius Josephe, un historien romain ayant vécu au 1er siècle, écrira des pharisiens qu’ils cherchent « à l’emporter sur les autres juifs par la piété et, par une interprétation plus exacte de la Loi ». Ainsi ils font une surenchère par rapport à la pratique commune. Leur objet c’est, selon la formule d’un docteur de la Loi, « faire une haie de la Torah ».
La « haie » pour garder la Loi est tellement fournie qu’elle peut aller jusqu’à étouffer ce qu’elle prétend protéger. Le rituel du lavage des mains va alors l’emporter sur l’importance de la pureté du cœur.
La réponse de Jésus s’appuie sur une citation du prophète Isaïe : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. »
Jésus ne leur dit pas que leur cœur est loin de la Loi, mais que leur « cœur est loin de moi », c’est une autre manière de dire la même chose, puisque Jésus est la Torah tout entière accomplie dans le mystère de l’incarnation. La Torah, c’est la parole de Dieu, c’est ce qu’il nous demande de vivre pour être dans une relation vraie avec Lui, pour le connaitre et l’aimer comme il le désire. En Jésus, nous avons tout cela en plénitude.
Dans tout l’enseignement qui suit, Jésus rappelle ce qu’est la véritable impureté. Rien n’est impur en soi, seul le cœur de l’homme qui n’est pas tourné vers Dieu rend les choses impures : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
St Jacques nous parlera de la même manière, dans son épître, quand il nous parlera de la langue « notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez encore : un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres ; c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle enflamme le cours de notre existence, étant elle‑même enflammée par la géhenne. La langue, personne ne peut la dompter : elle est un fléau, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel. Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, qui sont créés à l’image de Dieu. De la même bouche sortent bénédiction et malédiction. » Et Jacques conclue : « Mes frères, il ne faut pas qu’il en soit ainsi ».
« Se purifier les mains au retour du marché » à l’exemple des pharisiens, doit être un signe de grand désir d’accomplir la volonté de Dieu ; si le désir disparait, les signes sont parfaitement inutiles. Ce qui compte, c’est d’être fidèle à la Parole de Dieu, et à la nouveauté de l’Evangile, c’est de reconnaître en Jésus un renouvellement de la création, et de notre relation à elle, comme Paul l’écrit à Timothée : « tout ce que Dieu a créé est bon, et aucun aliment n’est à rejeter si on le prend dans l’action de grâce, cela est sanctifié par la parole de Dieu et la prière. »
Prenons conscience que Dieu seul peut nous purifier réellement, tout geste de purification qui ne s’accompagne pas d’une ouverture du cœur à l’action purificatrice de Dieu, tout geste est vain, il ne sert à rien. Les prophètes dénonçaient déjà cela dans l’Ecriture : « Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien : recherchez le droit, mettez au pas l’oppresseur, rendez justice à l’orphelin, défendez la cause de la veuve. » Ce n’est par pour rien que liturgie nous fait réentendre ce texte d’Isaïe au moment du carême.
Le reproche fait aux pharisiens c’est qu’ils invoquent la Loi, mais ne viennent pas au secours de leurs parents. « Vous, vous dites : Supposons qu’un homme déclare à son père ou à sa mère : “Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont korbane, c’est-à-dire don réservé à Dieu”, alors vous ne l’autorisez plus à faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère ; vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre. »
« korbane » est un mot hébreux signifie « offrande consacrée ». Si une offrande est consacrée, je ne puis plus l’utiliser pour quiconque, et les biens qu’elles représentent sont pour le temple.
Se laver les mains et refuser d’aider ses parents, ce n’est pas ce que dit la Loi. ! La loi nous dit tout au contraire « Honore ton père et ta mère, comme te l’a ordonné le Seigneur ton Dieu, afin d’avoir longue vie et bonheur sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. »
Selon Jérémie, la vraie seule pureté est donnée par Dieu : « Invoque-moi, et je te répondrai, je te révélerai des choses grandes et inaccessibles que tu ne connais pas. Je vais cicatriser sa plaie et la guérir, je les guérirai. Je leur ferai voir à profusion la paix et la stabilité. Je les purifierai de toute la faute qu’ils ont commise envers moi ; je pardonnerai toutes les fautes qu’ils ont commises envers moi. »
21ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 26 Août 2015
Jos24,1-2a. 15-17. 18b ; Ps33 ; Ep5,21-32 ; Jn6,60-69.
« soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur mari, »nous dit Paul dans la seconde lecture que nous venons d’entendre. Remarquez, que les femmes soient soumises à leur mari, en bon célibataire qui se respecte, je ne commenterai pas…, mais, sachant que cette parole de Paul est bien souvent mal comprise, il me semble bon de profiter de l’occasion qui nous est donné par la liturgie de la Parole pour nous arrêter un instant sur cette parole.
Le livre des Proverbes, dans l’Ancien Testament, présente l’union conjugale parmi les quatre merveilles qu’on ne peut comprendre : « Voici trois choses qui me dépassent et quatre que je ne comprends pas : le chemin de l’aigle dans le ciel, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin du navire en haute mer et le chemin de l’homme vers la jeune femme. » (Pr 30, 18-19) écrit l’auteur.
Quatre réalités belles à voir, quatre exploits. Comment l’aigle si lourd peut-il s’élancer ? Comment le serpent non muni de pattes peut-il marcher ? Comment le navire peut-il se maintenir sans couler ? Mais surtout, comment le couple humain né du désir d’un instant peut-il s’inscrire dans la durée ? Tous les poèmes du monde ont médité ces mystères et chanté la beauté de l’amour humain.
Mais la Bible apporte sa note particulière : l’amour humain y est présenté avec une profondeur inégalée, car il est l’image de l’amour de Dieu ; « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa. » (Gn 1, 27), peut-on lire dés les 1eres pages.
Quand le Cantique des Cantiques, dit l’élan du fiancé pour la fiancée « Que tu es belle, ma compagne, que tu es belle » (Ct 4, 1)… « Tu es toute belle, ma compagne ! De défaut, tu n’en as pas ! » (Ct 4, 7), le peuple juif sait que ces Paroles, ce sont les paroles adressées par Dieu pour Israël et pour l’humanité.
La preuve, c’est que le Cantique est lu au cours de la semaine de célébration de la Pâque juive : la fête qui rassemble toute la mémoire et toute l’espérance d’Israël. On y célèbre la nuit de la libération d’Egypte, soit, mais on évoque aussi la grande nuit, celle qu’on attend depuis des siècles : celle où l’humanité tout entière sera unie à son Dieu pour des noces éternelles.
La vocation du couple humain, c’est donc de donner à voir un avant-goût de ce que sera à la fin des temps, l’union de Dieu avec l’humanité.
Il y a comme une sorte de va et vient dans le langage biblique sur le couple humain : dans un premier temps, c’est l’amour humain qui a donné des mots pour parler de l’Alliance proposée par Dieu à son peuple Israël, et à travers lui, à l’humanité tout entière ; l’amour des époux est considéré comme l’image humaine la plus fidèle possible de l’Alliance de Dieu.
En retour, l’expérience juive de la fidélité inébranlable de Dieu à son Alliance a inspiré aux communautés croyantes de grandes exigences pour les couples.
Paul pouvait-il aller beaucoup plus loin ? Oui ! Et, cette lettre aux Ephésiens, apporte une nouveauté : le mystère de l’union entre Dieu et l’humanité se réalise, désormais, en Jésus-Christ ; et l’union entre le Christ et l’Eglise en est non seulement l’image, mais le germe.
La nouveauté tient en deux points : premièrement, vos amours humaines si belles mais si difficiles, ne peuvent se réaliser que dans l’union à Jésus-Christ ; deuxièmement, voilà une vocation grandiose pour le couple humain : refléter l’amour du Christ pour son Eglise, qui s’inscrit dans l’amour de Dieu pour l’ensemble de l’humanité. « Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Eglise. » (v.32).
« Par respect pour le Christ,
soyez soumis les uns aux autres, les femmes à leur mari… ».
Dans la lettre aux Colossiens, Paul est plus clair encore :
« Femmes soyez soumises à vos maris » (Col 3, 18).
Combien de fois cette formule de Paul, n’est-elle pas tournée en scandale ou en dérision ? La dérision vient de tel ou tel mari, parfois trop content d’affirmer une obligation -supposée- d’obéissance ; quant au scandale, il est le fait de certaines épouses qui se croient ainsi mises en état d’infériorité.
Mais c’est un mauvais procès. D’une part, c’est ne rien comprendre à ce texte dans lequel Paul s’écrie : « Ce mystère est grand ! » Introduire des relations de domination dans le mystère d’unité que représente le couple, image de Dieu, c’est une manière de le profaner. Dans le vocabulaire et la pensée de Paul, être soumis veut dire « faire confiance » tout simplement.
Dans le contexte social et juridique
de l’époque ; l’homme était légalement le chef de la famille, c’est un fait. Dans ce contexte, le but de Paul n’était pas de prêcher la révolution, il était de dire les exigences de l’amour humain à
la lumière du dessein de Dieu accompli en Jésus-Christ. Et après avoir
dit ce que tout le monde attendait
Paul ajoute une exigence nouvelle pour les maris : « Vous, les
hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ. »
On retrouve dans ces quelques lignes, un des thèmes majeurs de la lettre de Paul : l’union entre le Christ et l’Eglise, prélude et germe de l’union entre Dieu et toute l’humanité, se réalise dans le don de sa vie par le Christ : « Il a aimé l’Eglise, il s’est livré pour elle. »
La nouveauté instaurée par le Nouveau Testament, et que le Christ est le centre et le réalisateur du projet de Dieu ; tout advient par lui, avec lui et en lui, comme le proclame si bien notre liturgie.
20ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 16 Août 2015
Pr9,1-6 ; Ps33 ; Ep5,15-20 ; Jn6,51-58.
« Nous traversons des jours mauvais » : depuis que le péché est entré dans le monde, cette parole de Paul est d’actualité à toutes les époques ; l’homme au cœur dévoyé ne peut enfanter que la haine et la guerre.
Alors que spontanément nous devrions nous élancer vers Dieu dans un élan filial de reconnaissance, nous nous détournons du Seigneur pour nous jeter sur les créatures et nous y asservir passionnément.
« Ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages » nous exhorte Paul : le fou ou l’insensé est celui qui a perdu le sens, c’est-à-dire qui ne sait ni d’où il vient, ni où il va ; et qui ne s’en soucie guère, tant il est fasciné par le miroir aux alouettes de ce monde.
Le sage est celui qui se tourne vers Dieu et cherche humblement sa volonté. Impossible cependant de se mettre en route sur le chemin de sainteté, sans avoir auparavant pris conscience que ce qui nous procure de la joie en ce monde n’est le plus souvent qu’un piège décevant qui nous détourne de notre vrai bonheur.
Paul poursuit : « Tirez parti du temps présent ». Les malheurs des temps devraient au moins nous conduire à la réflexion, de la réflexion à la conversion, de la conversion à la repentance. Mais comment d’irréfléchi peut-on devenir sage ? Comment peut-on « quitter sa folie et suivre le chemin de l’intelligence » (1ère lect.) ? Où trouver la sagesse qui conduit à la vie ?
Le livre des Proverbes nous apprend qu’elle demeure dans un palais à sept colonnes - symbole de la perfection et de la plénitude, sanctuaire de l’ère messianique où le peuple à nouveau rassemblé pourra offrir à Dieu une offrande qui lui soit agréable. C’est là, que, comme une maîtresse de maison - ou plutôt comme une Souveraine - la Sagesse divine invite l’homme sans intelligence - mais disposé à quitter sa folie -, à s’attabler avec elle pour partager le pain et le vin qu’elle a apprêtés.
Non pas « le vin ancien qui enivre et porte à la débauche » (2nd lect.), mais le vin nouveau de l’Esprit, qui réjouit les cœurs d’une sainte joie, et pousse le fou devenu sage à « chanter le Seigneur et à le célébrer de tout son cœur ».
Quant au pain que nous offre la Sagesse, « il n’est pas comme celui que nos pères ont mangé. Eux ils sont morts » ; celui qui mange le pain apprêté par la Sagesse « vivra éternellement ». Car ce pain possède en lui la vie même de Dieu. C’est le Pain des Anges descendu du ciel pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.
Nous objecterons sans doute : comment du pain peut-il être vivant et vivifiant ? Pour le sage de ce monde, tout cela n’est que déraison, folie ; mais celui qui entend l’appel de la Sagesse proclamant la Bonne Nouvelle « sur les hauteurs de la cité » céleste, celui-là comprend que « la folie de Dieu est plus sage que l’homme » (1 Co 1, 25). « L’Ecriture dit en effet : la Sagesse des sages, je la mènerai à sa perte, et je rejetterai l’intelligence des intelligents. Que reste-t-il donc des raisonneurs d’ici-bas ? La sagesse du monde, Dieu ne l’a-t-il pas rendu folle ? Puisque le monde avec toute sa sagesse n’a pas su reconnaître Dieu à travers les œuvres de la Sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Evangile » (1 Co 1, 21).
L’Eucharistie est la source et la fin de la proclamation évangélique, car elle est l’actualisation au milieu de nous, jour après jour, de la folie de la Croix qui est plus sage que l’homme ; de la faiblesse de Dieu qui est plus forte que l’homme.
L’Eucharistie est la proclamation en acte de la « sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire » (1 Co 2, 7), et qui nous a été révélée dans la Pâque de notre Seigneur Jésus-Christ, livré pour nos péchés, ressuscité pour notre salut.
« Manger la Chair du Fils de l’Homme et boire son Sang », c’est nous approprier le don de Dieu conformément à son désir ; c’est consentir à nous asseoir à la table où la Sagesse éternelle nous nourrit de sa propre vie afin que « nous vivions et suivions le chemin de l’intelligence » (1ère lect.).
Car de même que c’est en prenant chair de notre chair dans le sein de la Vierge Marie que le Verbe s’est uni à notre humanité, c’est en mangeant son Corps et buvant son Sang que nous sommes unis à sa divinité et que comme lui, avec lui et en lui, nous vivons par le Père.
Le « discours du Pain de vie », que nous entendons depuis plusieurs dimanche, a suscité de résistances dès les origines et jusqu’à nos jours.
Pourtant le christianisme s’est construit sur la pierre angulaire du Mystère eucharistique, présence continuée de la Pâque de Jésus au cœur de l’Eglise, sacrifice offert pour le salut du monde, jusqu’à ce qu’il revienne dans sa gloire.
Le pape Jean-Paul II soulignait que l’institution ecclésiale n’avait pas d’autre but que de préserver et transmettre l’institution eucharistique.
Il est donc juste et bon, de vérifier si nos vies sont suffisamment fondées sur ce Mystère ; car nous ne porterons du fruit pour le Royaume que dans la mesure où nous demeurons en Jésus, et où il demeure en nous, comme il demeure dans le Père et que le Père demeure en lui.
Fête de l'Assomption
15 août 2015
Ap11,19a ; 12,1-6a ; 10ab ; Ps44 ; 1Co15,20-27a ; Lc1,39-56.
« Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. »
La première lecture, est déconcertante. La vision de la femme gémissant dans les douleurs de l'enfantement, confrontée au dragon qui attend pour dévorer son enfant dès sa naissance, cette vision ne cadre pas vraiment avec l'image que nous nous faisons spontanément de la Vierge Marie.
Ne perdons pas de vue que le « signe » de la Femme, désigne avant tout l’Eglise ; quant au Dragon, il représente le pouvoir oppresseur et persécuteur qui sévissait au moment de la rédaction du livre de l’Apocalypse, par l’Evangéliste Jean.
La vision nous révèle la victoire finale de l'Agneau, « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
Depuis le matin de Pâque, l'Agneau triomphe non seulement des persécutions qui s’abattent sur la première Eglise, mais de toutes celles que les disciples du Christ ont eu, et auront, à subir tout au long de l'histoire, car le chrétien digne de ce nom sera toujours un signe de contradiction pour le monde.
Présente au cœur de l’Eglise, tout en étant élevée dans la gloire, à la droite de son Fils, Marie accompagne ses enfants dans leur périlleux pèlerinage vers la Parousie, c’est-à-dire le retour de Jésus.
La Femme « mit au monde un fils, un enfant mâle », Luc précise : « le Premier-né » (Lc 2, 7), c'est-à-dire le Premier-né du Père et le Premier-né d'une multitude de frères (Rm 8,29). Or Marie est la première de cette multitude à être entrée à la suite de son Fils, dans la plénitude de la gloire que le Père réserve à ses enfants.
Il fallait en effet, écrivait Jean-Paul II, que « celle qui était la Mère du Ressuscité, fût la première parmi les hommes à participer à la plénitude puissante de sa Résurrection. Il fallait que celle, en qui le Fils de Dieu, auteur de la victoire sur le péché et sur la mort, est venu habiter, fût aussi la première à habiter en Dieu, libre du péché et de la corruption du tombeau : du péché par l’Immaculée Conception ; de la corruption du tombeau, par l’Assomption ».
En contemplant Marie élevée au-dessus des anges, l'histoire humaine tout entière, avec ses lumières et ses ombres, s'ouvre à la perspective de la béatitude éternelle, la béatitude sans fin.
Si la dure expérience quotidienne nous oblige à prendre conscience que le pèlerinage terrestre est placé sous le signe de l'incertitude et de la lutte, la Vierge élevée dans la gloire du Paradis nous assure que le secours divin ne nous fera jamais défaut.
La même bataille entre les forces de la Lumière et les forces des Ténèbres faire rage encore aujourd’hui : l’Eglise a compté plus de martyrs au cours du XXe s. que tout au long de son histoire.
Aujourd’hui, des chrétiens sont tuées par haine de leur foi, tant d’autres payent de leur vie leur solidarité avec les petits, dont ils défendent les intérêts contre toutes formes de puissances oppressives.
Les deux règnes dont parle l'Apocalypse continuent à s’affronter : d'une part se tiennent les humbles, les affamés, tous ceux qui, spirituellement sont de la race d'Abraham ; et d’autre part ce sont rassemblés les superbes, les puissants, les riches, les oppresseurs.
De ce combat sans merci, l'humble Vierge de Nazareth proclame prophétiquement l’issue dans son Magnificat : « Déployant la force de son bras, le Très-Haut disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ».
Cette victoire définitive de la Lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal, de la vie sur la mort, est anticipée au cœur de l’été par cette solennité de l’Assomption de la Vierge Marie. Oui nous le croyons : bientôt, très bientôt, « tout sera achevé ; le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds » (2nd lect.).
Appelons ce jour de nos voeux.
19ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 8 Aout 2015
1R19,4-8 ; Ps33 ; Ep4,30-5,2 ;Jn6,41-51.
« Souviens-toi, Seigneur, de ton alliance ; n’oublie pas plus longtemps les pauvres de ton peuple : lève-toi, Seigneur défends ta cause ; n’oublie pas le cri de ceux qui te cherchent ». Ces paroles forment l’antienne d’ouverture de la messe d’aujourd’hui, elles sont une instante supplication adressée au Dieu de l’Alliance, qui est invité à se souvenir de son peuple, à ne pas l’oublier. Dieu aurait-il donc la mémoire courte ? Souffrirait-il d’amnésie ?
Les lectures suggèrent plutôt que c’est l’homme qui oublie Dieu. Plus exactement : qui refuse d’adopter le comportement correspondant à son statut de peuple et se soustrait par le fait même à l’action bienveillante de son Dieu.
Si le prophète Elie est obligé de fuir l’hostilité de la reine Jézabel, comme nous le rapporte la 1ère lecture, c’est parce qu’il a égorgé, sans compassion, les quatre cent cinquante prêtres de Baal (1 R 18, 40).
Le Seigneur ne lui avait pas ordonné ce massacre. Le prophète doit entreprendre un pèlerinage pénitentiel de quarante jours et quarante nuits, jusqu’à l’Horeb, afin de se convertir au Dieu qui ne se révèle pas dans la violence de l’ouragan mais qui s’annonce dans « le murmure d’une brise légère » (1 R 19, 12).
Non, Dieu ne nous oublie pas, mais nous, nous nous égarons loin de lui, emportés par le vent de nos passions. Il est indispensable, si nous voulons le trouver, de « faire disparaître de notre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes ainsi que toute espèce de méchanceté », nous dit Paul (2ème lecture).
C’est en « imitant Dieu » tel qu’il se révèle en son Christ que nous nous rapprochons de lui. Or ce que Jésus nous enseigne, c’est de nous laisser conduire par l’Esprit, afin de vivre dans la générosité, la tendresse et la miséricorde.
Voilà le sacrifice qui plaît à Dieu et nous assure sa proximité bienveillante. De telles dispositions « prouvent » que nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous. Celui qui vit ainsi peut « se glorifier dans le Seigneur : il le délivre de toutes ses frayeurs et le sauve de toutes ses angoisses » (Ps 33).
Seulement voilà : pour imiter le Christ, pour tout miser sur lui, il faut d’abord croire en lui, croire qu’il nous révèle le vrai visage de l’homme selon le dessein de Dieu.
Or, nous, nous aimerions avoir des « preuves » avant de croire – ce qui revient à faire l’économie de la démarche de foi. « Ne récriminez pas entre vous » nous dit Jésus : ce n’est pas à force de discussions que nous parviendrons à évaluer le bien-fondé de la foi, mais en nous mettant en marche sur le chemin qu’elle ouvre devant nous. Et ce chemin n’est autre que Jésus lui-même.
Il précise que nous serions bien incapables de faire ce choix si le Père ne nous venait en aide. Il semble que son action soit double. Le Père « enseigne » ses enfants nous dit Jésus, et ces enseignements convergent vers la manifestation de son Christ, le Verbe fait chair.
L’allusion est d’abord aux écrits des prophètes qui ont annoncé la venue de Jésus. Mais les non-juifs ne sont pas pour autant exclus de cette préparation : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même » souligne Jésus.
Le Père enseigne donc toutes les cultures à travers les semences de vérité que contiennent les diverses traditions religieuses de l’humanité qui préparent l’avènement du Sauveur.
Le Père non seulement enseigne, mais il « attire » également les hommes vers son Fils : cette attirance est le fruit de l’action de l’Esprit d’amour, qui nous oriente avec une douce persuasion vers Jésus.
Seulement, le péché nous a rendus insensibles aux motions de l’Esprit et sourds aux appels de la grâce.
Notre relation à Dieu est plus religieuse que croyante ; nous ne vivons pas vraiment dans son Alliance : qui d’entre nous peut dire qu’il « aime » Dieu au sens fort que devrait recouvrir ce terme, lorsqu’il nous parle de notre relation au Seigneur ?
Pourtant si la foi est une vertu théologale, c'est-à-dire un don de Dieu dans l’Esprit, son premier mouvement, son dynamisme essentiel, ne peut être que l’amour. La confiance qu’implique la foi découle de l’amour dont elle est inséparable ; elle ne le précède pas.
Pour les esprits incarnés que nous sommes, l’amour procède nécessairement d’une rencontre enracinée dans l’expérience sensible. C’est bien pourquoi le Verbe s’est fait chair : « Personne n’a jamais vu le Père, confirme Jésus, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père » et peut en parler. Bien plus : « qui a vu Jésus a vu le Père » (Jn 14, 9).
C’est en nous attachant à Jésus par les liens d’un amour qui fait confiance, que nous témoignons de notre foi au Père : celui qui croit au Fils unique, qui s’attache à lui par les liens d’une sincère affection, « a la vie éternelle », car il partage sa vie.
C’est ce lien vital que Jésus exprime par la comparaison très
parlante du « pain de vie » : avant de désigner l’Eucharistie, c’est d’abord à sa Personne que
Jésus fait allusion lorsqu’il dit : « Ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange - entendons : celui qui s’unit à lui par les liens d’un amour
durable- ne mourra pas ».
L’Eucharistie est sa présence continuée au milieu de nous : « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». Ce qui
implique que sans cette chair, nous n’avons pas la vie en nous. Le début de la sagesse est peut-être de réaliser que coupés du Dieu d’amour, nous sommes coupés de la source de la vie et voués à la
mort. Cette douloureuse prise de conscience est nécessaire pour que nous prenions au sérieux le temps présent, temps de la miséricorde, et que nous discernions à nos côtés l’Ange du Seigneur
qui nous propose « le Pain de la vie qui descend du ciel », l’Eucharistie qui nous sauve.
18ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 2 Août 2015
Ex 16,2-4. 12-15 ; Ps77 ; Ep4,17.20-24 ; Jn6,24-35.
« Vous reconnaîtrez alors que
moi, le Seigneur, je suis votre Dieu ». Ce verset de la première lecture pourrait servir de fil
rouge à la liturgie de la Parole d’aujourd’hui.
« Les gens » se mettent « à la recherche de Jésus » : seulement ils ne connaissent pas celui
qu’ils cherchent. L’évangéliste suggère qu’à travers leur démarche et leur questionnement maladroit, c’est l’identité de cet étrange rabbi qu’ils cherchent à découvrir.
« Quand es-tu arrivé ici ? » La question surprend : quel intérêt ce renseignement peut-il avoir ? A moins qu’elle ne trahisse l’état d’esprit de la foule. Tout à la joie de se rassasier du pain que Jésus venait de multiplier, elle ne s’est pas rendu compte de son départ discret. Ce qui montre bien, qu’elle en est restée à la matérialité du pain sans reconnaître le signe qui lui était donné à travers cet aliment.
Les bénéficiaires du miracle se sont rendu compte de l’absence du rabbi, que, lorsqu’après le repas, ils ont pris conscience de l’intérêt qu’il pouvait représenter : un pourvoyeur de nourriture à peu de frais. Ils se mettent en quête de le retrouver afin de « s’emparer de lui et d’en faire leur roi » (Jn 6, 15), ils éprouvent un réel soulagement de le découvrir à Capharnaüm.
Avec délicatesse, Jésus tente de leur faire accéder au sens du miracle de la multiplication des pains : le but n’était pas d’abord d’offrir une « nourriture qui se perd », mais de signifier que celui qui peut miraculeusement rassasier de pain terrestre, est celui que le Père a envoyé pour offrir « la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle ». La multiplication des pains est un des sept « signes » de la pédagogie divine visant à faire découvrir l’identité du « Fils de l’homme, lui que Dieu a marqué de son empreinte ».
« Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Les interlocuteurs semblent prêts à reconnaître que la multiplication des pains résulte d’une intervention divine ; mais ils n’accèdent pas encore à la gratuité du don.
Le pain est le salaire de l’ouvrier travaillant au service d’un maître ; comment faut-il se faire embaucher par Dieu pour être assuré d’un salaire aussi abondant ? La réponse de Jésus renverse les rôles : ce n’est pas l’homme qui travaille dans la vigne de Dieu, mais le Seigneur qui est à l’œuvre dans nos vies pour nous orienter vers lui : « Nul ne vient à moi si le Père ne l’attire » (Jn 6, 44). « Vous ne me chercheriez pas si l’Esprit Saint ne vous orientait pas vers moi. Et c’est encore l’Esprit qui vous presse de croire en moi, l’Envoyé du Père ».
La tradition rabbinique rapportait que dans les temps messianiques, le miracle de la manne se reproduirait chaque jour. Aussi les Juifs sollicitent-ils de Jésus le « signe » du renouvellement quotidien du prodige qu’il vient d’accomplir, pour accréditer qu’il est plus grand que Moïse.
La revendication de la foule reste au niveau d’un pain terrestre. Or le pain que les pères ont mangé au désert, tout comme le pain que Jésus vient de multiplier de l’autre côté du lac, sont l’annonce d’un autre pain, « le vrai pain venu du ciel », auquel Jésus s’identifie explicitement : « Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde ».
Ce pain divin est d’abord la parole, - « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4) - ; il est le Verbe de Dieu qui nous nourrit de la vraie sagesse.
Jésus se donnera bien plus radicalement encore en nourriture dans l’Eucharistie, le pain sur lequel il prononce sa Parole : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, livré pour vous ». C’est de toute sa Personne que Jésus nous nourrit : « Moi je suis le pain de vie », c’est-à-dire le Pain qui donne part à la vie divine et fait de nous des fils. C’est précisément en mangeant ce pain dans la foi en sa réalité profonde, que nous connaissons le Père, source de tout bien ; « nul en effet ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler » (Lc 10, 22).
« Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif » : croire c’est venir à Jésus et se rassasier des eaux vives de l’Esprit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : “Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur”. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus » (Jn 7, 37-38).
Jésus définit clairement la vie du disciple comme une vie dans l’Esprit ; il convient dès lors que ce soit une vie « selon la vérité de Jésus lui-même » (2nd lect.), puisque la mission de « l’Esprit de vérité » est de nous « guider vers la vérité toute entière » (Jn 16, 13), en reprenant ce qui vient de Jésus pour nous le faire connaître (cf. Jn 16, 13).
Voilà pourquoi le chrétien doit s’efforcer jour après jour, dans la force de l’Esprit qui repose sur lui, de « se défaire de sa conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en lui, et de se laisser guider intérieurement par un esprit renouvelé, afin d’adopter le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu » (2nd lect.).
Telle est notre manière de « travailler » pour faire fructifier en nous « l’œuvre de Dieu ».
17ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 26 Juillet 2015
2R4,42-44 ; Ps144 ; Ep4,1-6 ; Jn6,1-15.
Peut-être avez-vous fait le parallèle entre la première lecture et l’évangile d’aujourd’hui. Au-delà de la multiplication des pains, que ce soit le serviteur d’Elisée ou l’apôtre André, les deux posent au bout du compte une même question à leur maître : « Que représente cette quantité infime de pain qui est en notre possession devant la nécessité de nourrir tous ces hommes qui n’ont rien à manger ? » Derrière cette interrogation, s’en trouve une autre, d’une portée plus large : « Que peut représenter la misérable contribution humaine face aux innombrables nécessités spirituelles et matérielles des hommes ? » C’est peut-être là, la question devant laquelle nous mettent les lectures de ce 17ème dimanche.
Vingt pains d’orge et quelques grains frais d’un côté, cinq pains et deux poissons de l’autre, les deux contributions paraissent bien minces, voire même dérisoire. Dieu ne regarde pourtant pas la quantité que nous pouvons apporter. Pour lui, l’essentiel est que nous fournissions quelque chose.
Dieu ne veut pas faire sans nous, sans la contribution humaine, surtout lorsqu’il est question du salut. C’est bien de cela dont il s’agit dans la multiplication des pains telle que nous la présente Jean annonçant le sacrement de notre salut.
Sans donner d’emblée une interprétation eucharistique à ce geste, il n’en demeure pas moins que l’on peut établir un rapprochement du verset de Jean avec celui du récit de l’institution de l’Eucharistie chez Luc : « Ayant pris le pain, ayant rendu grâces, il le rompit et le donna » ; ajoutons que la mission conférée par Jésus aux disciples de « ramasser les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu » bien davantage qu’un souci de ne pas gaspiller la nourriture, semble donner une perspective sacramentelle à l’événement de la multiplication des pains.
Nous voyons combien Dieu veut que nous participions activement à la rédemption de l’humanité qui commence par le partage bien concret de nos biens avec ceux qui en ont besoin.
La route de la rédemption est celle du don et de l’abandon confiant entre les mains du Père. C’est précisément ce que nous lisons dans la passion du Christ. Comme Jésus, le chrétien est appelé à se lancer sans peur sur le chemin du don parce que le soutien divin ne lui fera jamais défaut. A celui qui cherche avec générosité et sincérité à actualiser le Royaume de Dieu et qui garde les yeux fixés sur le Seigneur, l’aide de Dieu arrivera toujours à temps : « Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit » nous dit le psalmiste.
Pour avancer sur le chemin de la rédemption, il faut être pauvre, c’est-à-dire faire l’épreuve que ce ne sont pas nos talents ou nos propres richesses humaines qui seront pour nous les meilleurs alliés, mais bien plus, une confiance indéfectible en celui qui est notre unique richesse. Tout ce que nous possédons humainement sera toujours insuffisant.
S’en remettre à la Providence ne consiste pas à s’abandonner aveuglément aux courants de la vie en espérant que Dieu interviendra en se manifestant spectaculairement au moment opportun. Se fier à la Providence c’est chercher de toutes ses forces à actualiser le règne de Dieu et sa justice en croyant que rien de nous manquera si nous demeurons dans la docilité à la volonté du Seigneur.
Nous voici devant un chemin de conversion ! Partir de ce que nous avons mais en même temps reconnaître que sans Dieu nous ne pourront rien faire. Avouons qu’il est bien plus facile, soit de tout prendre en main -et le danger est grand de faire notre volonté et non pas celle de Dieu-, soit de tout renvoyer à Dieu dans une pseudo-docilité -qui risque fort de n’être qu’une déresponsabilisation-.
Le Seigneur, nous appelles à participer à la rédemption de notre monde. Pour ce faire, nous avons bénéficié de sa miséricorde, Il nous invite à être ses mains et sa voix auprès de tous les exclus de notre temps, de tous ceux qui souffrent la maladie physique, morale ou spirituelle.
Afin d’être ainsi les canaux de son Amour rédempteur auprès des hommes de notre temps, puissions-nous être attaché à Lui par une foi vivante à l’image du sarment qui est lié au cep de la vigne.
16ème Dimanche Ordinaire
15ème Dimanche Ordinaire
14ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 5 Juillet 2015
Ez2,2-5 ; Ps 122 ; 2Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6.
Jésus juif pratiquant se rend, dans son lieu d’origine, à la synagogue pour célébrer le shabbat. Il lui est souvent demander d’assurer la prédication, Marc le souligne aujourd’hui : il se mit à enseigner dans la synagogue.
Luc nous le rapporte lui aussi « Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. (…) Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. » (Lc 4,16-21).
La question est celle du « 1er regard » le regard purement humain et rationnel que l’on peut porter sur une réalité ou sur une personne. Ce regard là rend prisonnier d’une analyse juste, soit, mais parfaitement incomplète. C’était le regard d’Abraham sur sa situation, avant que Dieu ne lui montre un chemin de foi, c’est le regard, aujourd’hui, des habitants de Nazareth sur Jésus. Ils se posent pourtant de bonne question : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? », seulement, ils sont incapables d’aller jusqu’à la réponse : il y a en Jésus infiniment plus que tout ce que l’on peut voir de nos yeux ou entendre de nos oreilles, comme l’écrit Luc « Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas ».
Les gens ne voyant pas ce ‘bien plus que Jonas’, s’interrogent : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? ». L’évangéliste fait mention des frères de Jésus. Attention, d’après le terme grec utilisé : adelphos, veut dire ami, collègue, parent, cousins, à la manière peut-être des africains qui donnent facilement le nom de frère à un ami proche. La tradition affirme que Marie, la mère de Jésus est toujours demeurée vierge.
Le manque de foi des Nazaréens va précéder le départ en mission des 12, qui, en vivant dans l’intimité de Jésus ont laissé grandir leur foi, ils se sont laissées enseigner et peuvent désormais répandre à leur tour la Bonne Nouvelle du salut en Jésus Christ, car, comme le rappelle le catéchisme de l’Eglise Universelle « c’est de la connaissance amoureuse du Christ que jaillit le désir de L’annoncer, d’Evangéliser et de conduire d’autres au « oui » de la foi en Jésus Christ. »
Les disciples aiment Jésus et bien que le connaissant d’une connaissance encore imparfaite, vont partir l’annoncer. L’annonce est le fruit de la foi et de l’amour.
Annonçons-nous Jésus ? Vraiment ? d’une manière qui montre qu’on l’aime ?
13ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 28 Juin 2015
Sg 1,13-15 ;2,23-24 ; Ps 33 ; 2Co 8,7,9,13-15 ; Mc 5,21-43.
« Elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. »
Cette femme hémorroïsse, après avoir touché Jésus, est délivrée de sa maladie et de sa peur : au début de cette épisode Marc nous dit que « cette femme, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement ». Mais quand, à la surprise des disciples, Jésus interroge : « Qui a touché mes vêtements ? » ;
« la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, commente Marc, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité »
Le geste de cette femme n’a rien de magique, ni de superstitieux. De stérile qu’elle était depuis 12 ans, elle redevint féconde par cette guérison, de plus, elle passe de la peur à la foi, et retrouve ainsi sa place de femme, une femme qui quitte le monde de l’impureté, son monde depuis 12 ans.
« Talitha koum », déclare Jésus à la petite fille de Jaïre, elle aussi elle a 12 ans. Au moment de franchir l’étape qui la conduira de l’enfance à l’âge adulte, voilà qu’elle meurt. Comme le gérasénien dont nous parle Jésus dans l’Evangile de Marc, un peu avant l’épisode d’aujourd’hui, comme la femme hémorroïsse, cette petite fille va retrouver le monde des hommes, par la puissance salvatrice de Jésus.
Jésus « saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » nous rapporte Marc. La Parole de Jésus produit son effet immédiat : « Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. »
Koum en araméen, koumi en hébreu, c’est le verbe pour dire la résurrection, toutes les résurrections. Celle de l’épouse du Cantique des Cantiques, à qui le Bien aimé dit « Koumi lakh » c'est-à-dire « passe de la mort à la vie, de l’hiver au printemps, des ténèbres à la lumière », la résurrection de Jérusalem à qui le prophète Isaïe déclare « lève toi resplendis car voici ta lumière » (Is 60,1), ou celle encore annoncée par le prophète Osée « Après deux jours, il nous rendra la vie ; il nous relèvera le troisième jour » (Os6,2).
Une fois encore Jésus redonne la vie en rendant à chacun la place qui lui revient, la petite fille se remet à marcher, et comme un enfant à encore besoin de grandir « il leur dit de la faire manger ».
Cette recommandation nous montre aussi que la fillette est bel et bien ressuscitée. St Jérôme commentera plus tard « Il dit de lui donner à manger, afin que l’on ne considère pas la résurrection comme un fantasme, c’est pour cette même raison qu’il mangea lui-même du poisson et un gâteau au miel après sa résurrection » (Lc 24,24).
St Jérôme poursuit son commentaire par une prière qui nous rappelle que tous les malades, tous les morts de l’Evangile, sont le reflet de nos maladies et de nos morts spirituelles : «Il dit de lui donner à manger. De grâce Seigneur, touche nous la main, à nous qui sommes couchés, relève nous du lit de nos péchés, fais nous marcher. Lorsque nous aurons marché, ordonne qu’on nous donne à manger : gisants, nous ne pouvons recevoir le corps du Christ, à qui appartient la gloire, avec le Père et le Saint Esprit, pour les siècles des siècles, Amen ! »
La guérison du gérasénien qui précède notre récit d’aujourd’hui, mais aussi la guérison de la femme hémorroïsse, et celle de la petite fille de Jaïre, sont toutes trois accompagnées d’une démarche de foi, pour demander l’intervention du Seigneur.
Jésus veut susciter une adhésion libre à la Bonne Nouvelle de Salut, qu’il vient annoncer. Sans la foi, les miracles sont des gestes magiques, et ne peuvent conduire à la conversion. Par la foi, c’est toute l’humanité qui est invitée à entrer dans le grand mouvement de Salut en Jésus Christ : l’homme qui habite les tombeaux, la femme stérile ou encore l’enfant mort.
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12ème Dimanche Ordinaire
Dimanche 21 Juin 2015
Jb 38,1.8-11 ; Ps 107, 21-31 ; 2 Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41
Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Marc mentionne ici la 1ere traversée du Lac par Jésus, il en présentera 3, dans son évangile, et à chaque fois se sera l’occasion d’un enseignement de Jésus.
Ici nous sommes « Le soir » comme le souligne Marc. Jésus part de nuit affronter la tempête. « Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque », ils le prennent comme ils prennent un ami, ou un maître, ni plus, ni moins. Paul écrira plus tard « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect. » Ph 2,6-7
« Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. » Au plus fort de la tempête Jésus dort. Logiquement, le maître devrait être présent au gouvernail, lui dort. Etrangement, Il gouverne en dormant.
« Lui dormait sur le coussin à l’arrière. » que fait un coussin dans une barque de pêcheurs ? D’après le terme grec, ce coussin est u n petit oreiller pour la tête sur lequel Jésus est étendu, comme on étendrait un bébé pour le faire dormir.
Quel enseignement tirer de cette page d’Evangile et de ces petits détails ?
Au cœur de la tempête, quand tout parait perdu, quand il semble qu’il n’y a plus rien à faire, il faut s’abandonner à Dieu en toute confiance, comme un enfant qui dort, et qui fait entièrement confiance à ses parents qui veillent non loin de Lui. « Seigneur, je n'ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. » nous dit le psalmiste (Ps 130,2).
Jésus nous dit « ne vous inquiétez pas, même au cœur de la tempête Dieu veille sur vous, il est le Père des cieux qui veille sur chacun de ses enfants ». « Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Qu'il empêche ton pied de glisser, qu'il ne dorme pas, ton gardien. Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, le gardien d'Israël. Nous dit le psalmiste, et il continue Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi. Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit. Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie. Le Seigneur te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais. » Ps 120
« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? », Interroge Jésus. L’abandon, la foi, la confiance sont liées entre elles, la peur, elle, elle vient du manque de foi. Jésus invite ses disciples à passer sur l’autre rive, comprenons : passer de la peur à la crainte, car la crainte c’est le respect de Dieu, c’est reconnaitre sa toute puissance. Elle est un fruit de la foi.
Croire c’est affirmer que Dieu peut accomplir plus de choses que nous ne pouvons l’imaginer nous-mêmes, ses œuvres dépassent de beaucoup nos prévisions.
Quelle que soient les circonstances on peut toujours s’appuyer sur Dieu : « À Celui qui peut réaliser, par la puissance qu’il met à l’œuvre en nous, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même concevoir, gloire à lui dans l’Église et dans le Christ Jésus pour toutes les générations dans les siècles des siècles. Amen. » Eph 3,20.
Le sage Ben Sirac, écrit dans l’ancien Testament que le regard de Dieu, « porte du début à la fin des temps ; il n’est rien qui puisse l’étonner. » C’est pourquoi Jésus apaise les flots, pour que les disciples, le reconnaissent comme Maître des éléments, qu’ils confessent la toute puissance de Dieu, qui agit par Jésus, qui accomplit ce qui a été annoncer par le psalmiste « C'est toi qui maîtrises l'orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, c'est toi qui les apaises. » Ps 88,10
Il fait de même dans nos propres vies, à condition que nous sachions crier vers Lui avec foi ! Mais n’oublions pas : quand Jésus parait dormir, quand il parait en sommeil, même dans nos vies, cela ne signifie pas qu’il est absent et qu’il se désintéresse de nous ! IL veille !
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11ème Dimanche Ordinaire
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Dimanche 14 Juin 2015
Ez 17,22-24 ; Ps 91 ; 2Co 5,6-10 ; Mc 4,26-34.
Pour une fois, je ne vais pas commenter l’Evangile mais la 2de lecture que nous avons entendue. Une lecture qui nous fait réfléchir à la perspective de la mort. Bien souvent nous y réfléchissons quand nous y sommes confrontés pour nos proches, mais là, la liturgie de la Parole nous enseigne aujourd’hui sur le sujet. Et en même temps elle nous interpelle quand au temps présent « il nous faudra tous apparaître à découvert, devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal », au cas où nous en doutions encore, nous voici donc prévenu.
Paul nous présente la mort comme une naissance. Le bébé qui va naître est-il conscient de ce qui va lui arriver ? Il paraît qu’une fois né, la lumière du jour l’aveugle. Jusqu’alors il était dans l’obscurité durant sa vie intra-utérine, il entendait quelques voix, comme un brouhaha lointain, dés la naissance, il voit face à face ceux qui l’ont aimé, ceux qui lui ont parlé, ceux qui lui ont donné son nom avant même qu’il le sache.
Eh bien, pour Paul, nous sommes comme l’enfant qui va naître ; nous aussi, nous sommes actuellement dans l’obscurité. Mais quand nous naîtrons à la vraie vie, nous serons en pleine lumière. Paul écrit même : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. » (1 Co 13,12)
Tout comme le temps de la gestation n’a de sens qu’en fonction de la naissance à venir, notre vie terrestre n’a de sens qu’en fonction de la vie définitive auprès du Seigneur.
En attendant, et heureusement, dans cette obscurité dans laquelle nous nous trouvons, il y a un rayon de lumière, c’est la foi. C’est elle qui nous aide à cheminer, qui nous aide à préparer la naissance qui approche : « Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision » souligne encore l’apôtre. La foi nous révèle le sens de notre vie actuelle, et le sens de notre mort. C’est dans la foi, par la foi au Christ mort et ressuscité, que nous savons que notre mort est une naissance.
Paul compare la mort à un passage de frontière entre l’exil et la mère-patrie. Pour l’instant, nous dit-il, nous sommes « en exil loin du Seigneur ». Car notre vraie patrie, c’est Lui, le Seigneur.
Aussi, c’est dans la foi, que nous savons que notre vie a un sens. Un sens c’est-à-dire une direction et une signification. La direction, on la connaît : pour le bébé, c’est le jour de l’accouchement, de la naissance… pour nous, c’est le jour de notre mort biologique.
Par contre, on peut oublier la
signification ; alors Paul insiste ; car sur ce point, notre situation est très différente de celle du bébé qui va naître : lui ne peut rien faire pour activer les choses ; tout se déroule en-dehors
de lui ; tandis que nous, nous avons un rôle capital à jouer : notre vie terrestre est vraiment le temps d’une gestation ; tout ce que nous faisons aujourd’hui prépare demain.
Paul s’explique dans la lettre aux Philippiens : « Pour moi, vivre,
c’est Christ, et mourir m’est un gain. Mais si vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que choisir. Je suis pris dans ce dilemme : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec
Christ, et c’est de beaucoup préférable, mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. » (Ph 1, 21-23). Paul désire la mort, il ne la craint pas, pour lui elle est une rencontre avec le Seigneur.
Dans la mort, notre vie terrestre n’est pas ignorée, ou méprisée, mais elle est orientée ; elle n’est pas dépréciée, car c’est son but, qui lui donne tout son prix. Un peu comme quand on est en voyage, il est essentiel de ne jamais perdre de vue le but du voyage ; et c’est le but qu’on s’est fixé qui justifie tout le reste, l’itinéraire choisi, les étapes, les difficultés du chemin…
Quel est le but du voyage du Chrétien ? Demeurer auprès du Seigneur, de façon totale et définitive et faire entrer dans cette demeure, dans cette mère-patrie tous les exilés que nous avons rencontrés sur notre route.
L’efficacité de nos efforts n’est pas toujours évidente ! Sur ce point nous sommes dans l’obscurité… Peut-être faut-il essayer de comprendre les sentiments d’un apôtre qui consacre toutes ses forces à sa mission et qui n’en voit guère les fruits. Combien ont eu l’impression de travailler en pure perte, de prêcher dans le désert, comme on dit ? Paul insiste sur la confiance : « Nous avons pleine confiance… Oui, nous avons confiance… ».
Nous ne verrons les fruits de la récolte, que plus tard, pour l’heure il ne faut pas se lasser de semer. Semer oui, mais quel genre de graines ? Paul déclare : « Mon ambition, c’est de plaire au Seigneur » ; ceux qui connaissent un peu l’Ancien Testament savent ce qui plaît au Seigneur.
« On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR attend de toi : rien d’autre que de pratiquer le droit, d’aimer la justice et de marcher humblement avec ton Dieu ». écrit le prophète Michée (Mi 6, 8).
Le prophète Jérémie dit la même chose, il dit, ce qui plaît au Seigneur, c’est le droit, la solidarité, la justice ; « Ainsi parle le SEIGNEUR : que le sage ne se vante pas de sa sagesse ! Que l’homme fort ne se vante pas de sa force ! Que le riche ne se vante pas de sa richesse ! Si quelqu’un veut se vanter, qu’il se vante de ceci : d’être assez malin pour me connaître, moi, le SEIGNEUR, qui met en œuvre la solidarité, le droit et la justice sur la terre. Oui, c’est cela qui me plaît – oracle du SEIGNEUR ». (Jr 9, 22-23).
Peut-être aurons-nous des surprises à la frontière ! Comme les hommes de la parabole de Matthieu ; à certains, le Seigneur dira : « Venez, les bénis de mon Père… Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire… Alors ils demanderont : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?… »
« Il en est du règne de Dieu, comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment », déclare Jésus dans l’Evangile que nous avons entendu, autrement dit : nul ne connait ni le jour ni l’heure, nul ne peut tirer sur herbe pour la faire pousser, il y a des choses qui n’appartiennent qu’à Dieu.
Il est bon de se le rappeler de temps en temps.
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Dimanche de la Solennité du Saint Sacrement
Dimanche 7 Juin 2015
Ex 24,3-8 ; Ps 115 ; He 9,11-15 ; Mc 14,12-16,22-26
Dans la scène de la première lecture, Moïse descend du Sinaï, et transmet au peuple les paroles du Seigneur et tous ses commandements. La réponse du peuple est immédiate et unanime : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique », ainsi la bonne façon d’écouter la Parole de Dieu est de la vivre. Ainsi dès l’origine, la Parole de l’Alliance est donnée pour prendre corps dans nos vies.
L’Alliance concerne essentiellement la vie de l’homme et la vie de Dieu. C’est le sang qui le dit. Dès qu’il les a eu reçues, « Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur » et entreprit d’offrir « un sacrifice de paix ». Et, après que le peuple ait parlé, le sang parle à son tour pour dire que la Parole est plus que la vie, la Parole est la source de la vie.
Mais encore faut-il que cette vie, donnée et reçue, soit transmise. Cela est exprimé par une des singularités du texte : ce ne sont pas des prêtres qui offrent le sacrifice prescrit par Moïse, mais de jeunes hommes qu’il a choisis.
En délégant ainsi de jeunes hommes choisis par Moïse ou des prêtres du temple, il a toujours fallu un intermédiaire aux hommes pour aborder Dieu. Parce que la distance entre Dieu et les hommes est telle qu’elle leur est infranchissable. Il leur convient donc d’ériger un temple, un lieu choisi et préparé pour la rencontre, de mettre à part un prêtre, séparé des siens pour tous les unir en Dieu. Or, pour cette alliance dont il a l’initiative, Dieu propose aussi le prêtre pour le sacrifice : « le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient » affirme saint Paul dans la deuxième lecture.
Marc l’atteste aussi dans l’évangile. Il rapporte en effet les paroles de Jésus : « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu ».
Le sang de l’Alliance dont parle Jésus est bien le sang dont Moïse aspergeât le peuple au pied du Sinaï. Mais il y a un double changement. D’abord le sang n’est plus aspergé mais consommé, ensuite le sang est celui de Jésus lui-même. Ainsi ce que le rite exprimait de la communion de vie entre Dieu et son peuple perd sa forme extérieure, et se réalise désormais de l’intérieur.
Le Christ réconcilie Dieu et les hommes en répandant son propre sang, autrement dit : sa vie. Jésus-Christ offre sa vie à boire à ses disciples, le Fils remet la coupe de sa vie au Père. Cette vie unique donnée à chacun les réunit à jamais.
Cette Alliance est nouvelle, parce que Dieu ne condamne pas le pécheur mais insuffle en lui un désir de conversion correspondant au désir immense qu’il éprouve de le pardonner.
La nouveauté de l’Alliance est là. Le cœur de la première alliance est dans la libération de l’esclavage ; dans la nouvelle Alliance le pardon de Dieu est fondamental.
Parce que le péché est inscrit dans le cœur de l’homme, Dieu écrit sa loi d’amour dans ce cœur de chair et le rend à nouveau capable d’aimer, de se comporter en fils, de revenir dans le dynamisme de vie que transmet l’Alliance.
Quand Jésus dit « Prenez, ceci est mon corps... Ceci est mon sang », il inaugure le nouveau rite pascal, il fait de l'Eucharistie le sacrement de l'Alliance nouvelle et éternelle et porte à son accomplissement la longue pédagogie commencée par Moïse.
Le « sacrifice de paix », comme l’appelle Moïse, se vit désormais dans un repas. Le pain et le vin sont partagés, ils sont le corps et le sang du Seigneur. Comment ne pas évoquer, lorsqu’on parle de repas d’alliance, le banquet des noces de Cana ? Comment ne pas voir dans ce peuple rassemblé au pied du Sinaï, la figure de l’Église à qui s’adresse le don de Dieu, dont Marie est l’image et le modèle ? Ainsi Marie, lorsqu’elle interpellait les serviteurs en disant : « faites tout ce qu’il vous dira », ne faisait que rappeler l’engagement de l’Église entière : « toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettront en pratique ».
La fête du Corps et du Sang du Christ, nous célébrons aujourd’hui, est le jour où l’Église manifeste son lien constitutif avec l’Eucharistie, le jour où elle professe, qu’elle « vit de l’eucharistie » et qu’elle en est heureuse !
Au moment où nous nous apprêtons à partager le pain des anges, à consommer le pain des pèlerins qui marchent vers le Ciel, demandons à l’Esprit-Saint de rentrer dans la prière eucharistique avec un sentiment d’adoration et de reconnaissance renouvelés.
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Dimanche Fête de la Trinité
Dimanche Fête de la Trinité le 31 Mai 2015
Dt 4,32-34 ,39-40 ; Ps 32 ; Rm 8,14-17 ; Mt 28,16-20.
Le mystère de la Trinité que nous fêtons aujourd’hui est le mystère central de notre foi. C’est « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », que nous avons été baptisés ! Croire en Dieu, d’autres religions le proposent ; mais croire en un Dieu unique, Père, Fils et Saint Esprit, c’est là le propre de la foi chrétienne.
En tant que mystère de Dieu, le mystère de la Sainte Trinité ne nous est connu que dans la mesure où il nous est révélé par Dieu lui-même. C’est ici qu’il faut nous plonger dans les textes de l’Ecriture et particulièrement ceux de ce dimanche. Le Deutéronome nous rappelle, en 1ere lecture : « Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu… ? […] Le Seigneur est Dieu, là-haut dans le ciel et ici-bas sur la terre, et il n’y en a pas d’autres ». Nous nous retrouvons ici devant une affirmation clef de l’Ancien Testament où Dieu se révèle comme l’Unique.
Dans le Psaume, pas un mot du mystère de la Trinité, du moins
apparemment.
Ce Mystère du Dieu Unique en Trois Personnes n’a certes été découvert par les croyants qu’après la Pentecôte, mais ce fut sur le matériau de l’Ecriture Sainte à commencer par l’Ancien Testament. Dans
le Psaume d’aujourd’hui, Dieu se révèle comme Parole, comme Verbe. D’abord, comme Parole créatrice : « Le Seigneur a fait les cieux par sa Parole, l’univers, par le
souffle de sa bouche. Il parla et ce qu’il dit exista. » ; Ensuite comme Parole de Providence : « Dieu veille sur ceux qui le craignent…
» ; Enfin, comme Parole de miséricorde : « Nous attendons notre vie du Seigneur… Que ton amour Seigneur soit sur nous comme notre espoir est en
toi. » A la lumière de la venue du Christ, nous comprenons que la Parole de Dieu dont ce psaume parle est une Personne. Nous réentendons, en écho, ces versets du Prologue de l’évangile de
Jean : « Au commencement était le Verbe... Tout fut par lui, et rien de ce qui fut ne fut sans lui ». Nous comprenons alors qu’en Dieu, le Père et le Fils
- qui est la Parole du Père- ne peuvent agir que de concert.
Dans la deuxième lecture, Paul s’arrête sur notre condition de fils de Dieu qui nous permet de reconnaître et de confesser Dieu comme Père. A travers les mots de l’Apôtre, nous est révélé que c’est l’Esprit Saint qui en Jésus, le Fils unique, fait de nous des fils et nous fait nous tourner vers le Père pour l’appeler « Abba ».
Dieu tout entier, Père, Fils et Esprit Saint, s’est donc engagé dans la Révélation et dans l’histoire du salut. Le Concile Vatican II résume cela admirablement : « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (Constitution dogmatique Dei Verbum 2).
Cette affirmation du Concile met en relief que si le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de notre foi, il est aussi celui de toute vie chrétienne. Notre espérance n’est-elle pas de pouvoir un jour partager la gloire de Dieu, c’est-à-dire d’avoir part en plénitude à la vie divine et à l’unité parfaite de la Trinité promise aux héritiers de Dieu que nous sommes (Cf. 2ème lecture) depuis le jour de notre baptême ?
Depuis ce jour, nous bénéficions des ares de cette vie éternelle en étant habités par la Sainte Trinité dans laquelle nous avons été plongés. Cette vérité de l’inhabitation de la Trinité dans notre âme doit nous soutenir et nous stimuler au quotidien dans notre marche vers la pleine participation à la gloire divine.
Ajoutons que si l’Esprit d’Amour a été répandu dans nos cœurs, c’est aussi pour que nous nous fassions les porteurs de cette espérance au cœur du monde. Remplis de l’Esprit Saint, nous n’avons pas peur de témoigner à temps et à contre temps de la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu pour tout homme.
C’est là tout le sens de la finale de l’évangile de Matthieu où Jésus envoie les apôtres : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Fêter la fête de la Sainte Trinité, c’est nous redire que notre foi n’est pas qu’une adhésion intellectuelle à la vérité de Dieu, Un et Trine. Cette vérité c’est la vérité sur l’infinie miséricorde du Père, vérité sur la vie filiale qui est notre héritage, vérité sur l’amour, qui est don en plénitude.
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Pentecôte
Dimanche de Pentecôte 24 Mai 2015
Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15,26-27.
Par trois fois, Paul insiste auprès des chrétiens de Galatie, dans la 2de lecture, afin qu’ils « se laissent conduire par l’Esprit ». Il ne s’agit pas de changer de Maître, ou de Seigneur : Celui que Jésus envoie d’auprès du Père ne fera que « reprendre ce qui vient du Fils pour nous le faire connaître ».
Et comme le Verbe prononce les paroles du Père, c’est finalement au Père que l’Esprit tout comme le Fils rendent témoignage.
Il semble pourtant qu’il y ait une contradiction dans les propos de Jésus, puisqu’il affirme d’abord qu’il aurait « encore beaucoup de choses à nous dire, mais que pour l’instant nous n’avons pas la force de les porter » ; puis il ajoute que l’Esprit se limitera à nous « redire tout ce qu’il aura entendu ».
Qui donc va compléter l’enseignement que Jésus n’a pas pu achever en raison de notre faiblesse ? Seul l’Esprit du Père et du Fils peut nous révéler la vérité de leur relation, et par là leur identité profonde.
L’Esprit de vérité nous guidera dans la vérité toute entière, c'est-à-dire qu’il nous introduira dans le mystère de la Personne du Père en nous donnant part à la vie filiale du Christ. L’Esprit « glorifie le fils » : il révèle sa gloire, la gloire qu’il tient du Père en tant que Fils unique, venu nous introduire dans « la grâce et la vérité » (Jn 1, 17).
La parole de Jésus ne suffit donc pas pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » : il faut davantage ; un autre don est nécessaire : celui de l’Esprit, qui glorifie le Fils, c'est-à-dire qui met en lumière le caractère divin de sa mission.
La parole s’écoute ; la gloire se contemple : la parole nous constitue en interlocuteurs de Dieu, la contemplation de sa gloire nous unit à lui dans l’amour, tout en nous unissant entre nous dans une même communion.
Nous avons donc besoin d’un double accompagnement : celui de la parole, et celui de l’Esprit. Nous pourrions dire que nous n’allons vers le Père qu’en donnant la main au Fils et à l’Esprit : « Si vous ne devenez pas comme les petits enfants – sous-entendu qui se laissent conduire par la main – vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 4).
Et où allons-nous ainsi ? La seconde lecture nous précise que notre marche nous conduit d’un état à un autre : de l’esclavage de la chair à la liberté de l’esprit ; de la mort à la vie.
Si Jésus nous dit avec autant d’insistance qu’il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), et s’il nous envoie « l’Esprit de vérité » dont la mission est de nous « guider dans la vérité toute entière », c’est donc que ce qui nous barre l’accès à la vie en plénitude, c’est le mensonge. Le diable est « Père du mensonge », et par le fait même, « homicide, et cela depuis les origines » (Jn 8, 44-45). D’où l’importance de proclamer à temps et à contretemps la parole de vérité, car c’est elle qui ouvre le chemin de la vie.
Nous laisser conduire par l’Esprit signifie nous soumettre en toutes choses à ses directives afin de ne plus « obéir aux tendances égoïstes de la chair » (2nd lect.), et de vivre selon la loi de charité. Tel est le chemin que sont invités à suivre ceux qui « sont au Christ » (Ibid.) et progressent vers la vie filiale.
L’Esprit nous donne d’abord de croire en Jésus, Seigneur et Sauveur ; puis il nous conduit vers un attachement toujours plus radical à sa Personne, afin de vivre de sa vie.
Sur ce chemin, il s’agit pour chacun de nous de faire la vérité sur nos comportements, afin d’extirper les agissements du vieil homme, qui sont incompatibles avec une vie en Christ. Il suffit de parcourir la liste des « actions auxquelles mène la chair » que nous énumère Paul, pour découvrir que nous n’avons pas encore « crucifié en nous la chair, avec ses passions et ses tendances égoïstes », pour laisser « vivre l’Esprit en nous ».
Telle est précisément la raison pour laquelle nous revivons chaque année la solennité de la Pentecôte : nous avons besoin de nous laisser purifier dans le Feu de l’Esprit afin de pouvoir « rendre témoignage en faveur de Jésus », et « proclamer par toute notre vie les merveilles de Dieu » (cf. 1ère lect.).
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7ème Dimanche de Pâques
Dimanche 17 Mai 2015
Ac 1,15-17 ,20a,20c-26 ; Ps 102 ; 1Jn 4,11-16 ; Jn 17,11b-19.
La liturgie de ce jour est encore marquée de la fête de l'Ascension : « Le Seigneur a son trône dans les cieux, sa royauté s'étend sur l'univers » (Ps 102 [103]).
Telle est la situation paradoxale de ce temps, entre l'Ascension de Jésus, son retour vers le Père, et son retour dans la gloire : l'Eglise tend de tout son être vers Celui qui lui est déjà intimement présent dans la fidélité d'un amour qui ne peut se reprendre.
L'Eglise-épouse vit de la promesse de son Seigneur : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous. Encore un peu et le monde ne me verra plus ; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi » (Jn 14, 18-19).
Telle est la « parole de vérité » qui nous arrache au « monde » - entendu ici comme la Babylone d'en bas qui refuse Dieu et son Messie – et nous propulse sur le chemin de la vie véritable, celle qui nous vient du Père et fait de nous ses fils.
Si « le monde nous a pris en haine », c'est justement parce que nous ne lui appartenons plus ; nous ne sommes plus sous l’influence du Prince des ténèbres, nous avons fait allégeance au Christ Jésus, le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneur.
Reconnaissons que la haine du monde nous fait peur : appartenir au Christ est certes consolant, mais n'est guère rassurant quand on voit ce que le Prince de ce monde lui a fait endurer !
Jusqu'à la fin des temps, l'histoire sera le lieu d'affrontement de deux personnages et deux discours-programmes, entre lesquels les hommes auront à choisir. D'un côté le Prince de ce monde que Jésus désigne comme « le Mauvais », et dont il demande au Père de préserver ses disciples. C'est le « Malin » dont à notre tour nous demandons à être délivré dans le Notre Père. Son discours mensonger tend à nous couper de Dieu, de sa paternité, en nous faisant douter de la filiation de Jésus et de sa mission rédemptrice.
En face, le Christ Jésus, l'intrus qui vient d'ailleurs et qui
tente de regrouper les hommes autour du nom du Père pour les soustraire aux filets du Mauvais.
L'affrontement sera sans pitié, chacun combattant avec les armes qui lui sont propres : le Démon au moyen de la haine meurtrière au service du mensonge, Jésus avec la seule force de sa patience au
service de son amour miséricordieux.
Nous connaissons la suite et le triomphe apparent du Malin le vendredi saint. Victoire éphémère, car en transperçant mortellement son adversaire, le Prince de ce monde a ouvert lui-même la Source de la vie, accomplissant sans le vouloir la Parole annoncée par Jésus : « Pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés par la vérité ».
La Résurrection est la parole d'arbitrage du Père, qui prononce la
victoire définitive de l'amour sur la haine, de la vie sur la mort. La Résurrection démontre que Dieu est du côté de l'amour ; bien plus, que « Dieu est amour : celui
qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu en lui ».
Telle est la vérité dans laquelle chacun de nous a été baptisé : enseveli par le baptême dans la mort du Christ, nous sommes ressuscités avec lui à la vie nouvelle de l'Esprit, afin d'aimer comme
Jésus le premier nous a aimés.
Le signe de reconnaissance de notre appartenance au Christ devrait être l'amour que nous avons les uns pour les autres.
Certes tout cela est déjà advenu en nous ; mais comme le Prince de ce monde ne désarme pas, et que son discours mensonger trouve toujours en nous des complicités, nous avons sans cesse à nous exposer à l'action purificatrice du glaive de la Parole et du Feu de l'Esprit. Dans ce combat pour la liberté, Jésus « veille sur nous » et nous pouvons compter sur sa prière : « Père Saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un comme nous-mêmes » .
Dans les jours qui nous acheminent vers la Pentecôte, tenons-nous avec la Vierge Marie au Cénacle. Scrutons avec elle les Écritures et ouvrons nos cœurs à la présence de l'Esprit.
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Fête de l'Ascension
Jeudi 14 Mai 2015
Fête de l’Ascension
Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; Ep 4,1-13 ; Mc 16,15-20 ;
Jésus ressuscité donne ses directives avec une autorité souveraine. C’est à la fois le Roi des rois et le juge eschatologique qui parle. L’enjeu de chacune de nos vies est dévoilé en quelques mots : « celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné ». Il s’agit de choisir son camp : au matin de Pâque s’est levée l’aube d’un jour nouveau, dont les premiers rayons commencent à briller au cœur de notre monde encore enfoui dans les ténèbres.
Ce n’est pas seulement aux hommes, mais « à toute la création » que les apôtres sont invités à annoncer la Bonne Nouvelle, car le règne du Prince de ce monde est achevé.
Le Seigneur a triomphé de l’antique ennemi qui nous gardait dans « les ténèbres et l’ombre de la mort », pour nous redonner autorité sur les animaux sauvages et les éléments hostiles : « ils prendront des serpents dans leurs mains et s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ».
Dès le premier chapitre de son Evangile, Marc avait annoncé cette dimension cosmique de l’action libératrice de Jésus ; l’évangéliste précise qu’après avoir repoussé les assauts du Satan, « Jésus vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient » (Mc 1, 12-13). Jésus réalise la prophétie d’Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. (…) Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer » (Is 11, 6-9).
Les « bêtes sauvages », ce sont d’abord nos passions dont le démon se sert pour nous enchaîner à ce monde qui passe et nous empêcher de nous tourner vers le Dieu de notre salut. Or nous le croyons : par sa Passion victorieuse, Jésus-Christ a vaincu l’antique ennemi et nous a rétablis dans notre orientation fondamentale vers le Père en nous donnant part à son Esprit.
Certes nous subissons encore les assauts de l’Adversaire, mais le cri de victoire de Saint Jean retentit, plein d’une joyeuse espérance : « Je vous le dis, mes petits enfants : “Vos péchés sont pardonnés à cause du nom de Jésus ; vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous, vous avez vaincu le Mauvais” » (1 Jn 2, 12-14).
Comme le rappelait Jésus lui-même à ses apôtres avant l’ascension : cette force est celle de l’Esprit Saint qui viendra sur eux ; l’Esprit « dans lequel ils seront baptisés d’ici quelques jours » (cf. 1ère lect.).
Etre baptisés dans l’Esprit signifie être immergés en lui afin de vivre de sa vie et accomplir tous ensemble les œuvres que le Père nous confie. « Tous en effet, nous avons été appelés à une seule espérance » dans l’unique Corps, au sein duquel chacun de nous a reçu le don de la grâce comme le Christ l’a partagée dans l’Esprit (Ibid.).
Car le Seigneur Jésus est toujours vivant au milieu de nous, même s’il fut « enlevé au ciel et est assis à la droite de Dieu » : c’est lui Le Seigneur qui travaille avec nous au sein de son Eglise, par l’onction de l’Esprit qui la guide et la conduit sur le chemin de la vérité toute entière et de la plénitude de la vie.
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6ème Dimanche de Pâques
Dimanche 10 Mai 2015
Ac 10,25-26,34-35,44-48 ; Ps97 ; 1Jn 4,7-10 ; Jn 15, 9-17
Le verbe « aimer » et le substantif « amour » apparaissent neuf fois dans la seconde lecture et neuf fois également dans l’Evangile. Autant dire qu’ils constituent le fil rouge de la liturgie de ce dimanche. L’insistance est claire : seul le Christ peut nous initier à l’amour de charité ; car seul celui qui est libéré des conséquences du péché peut entrer dans la liberté du don de soi. C’est pour cela que Dieu nous a manifesté son amour en « donnant sa vie » pour nous. Jésus nous a aimés d’un amour plus puissant que tous nos refus, que toutes nos ruptures d’alliance. Aussi, le « seul moyen d’échapper à la justice de Dieu, écrit Saint Augustin, c’est de nous jeter dans les bras de sa miséricorde. Ne fuis pas loin de lui, mais réfugie-toi en lui ! » Nous conservons une dette de reconnaissance envers celui qui « nous a aimé et s’est livré pour nous » (Ga 2, 20). Jésus lui-même nous enseigne comment nous en acquitter : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
« Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il n’est pas la totalité de l’amour », déclare le pape Benoît XVI. L’amour véritable n’est pas une simple passion de l’âme, mais il est le fruit précieux d’un acte divin. Il jaillit de la Croix du Christ, où le don de soi porté au plus haut point nous guérit définitivement de nos replis narcissiques, de nos peurs et de nos impuissances à nous livrer. Tout amour véritable doit s’abreuver à cette Source, car seule l’Eau vive jaillissant du Cœur de Dieu peut nous purifier de la lèpre de la convoitise, et nous ouvrir à la gratuité du don sans mesure. La Croix dénonce le mensonge de la cité terrestre où règne « l’amour de soi au mépris de Dieu » (Saint Augustin), et nous oblige à nous situer face à la proposition de l’Evangile, qui nous invite à participer à la construction du Royaume, fondé sur « l’amour de Dieu (et de nos frères) au mépris de soi ».
Inutile de chercher un compromis : soit nous idolâtrons notre individualité et nous méprisons le Crucifié dont la vue nous est insupportable ; soit nous nous convertissons à l’amour, et nous implorons la grâce de mourir, à nous-mêmes, pour avancer sur le chemin de la vérité et de la vie.
La Croix dressée sur le monde demeure pour tous les hommes de tous les temps, le lieu de « crise » - càd, selon l’étymologie du mot grec- du discernement - où nous avons à décider du sens de notre vie. Pour celui qui ne ferme pas son cœur, la folie de la Croix est un appel à nous dépasser, à nous arracher, à notre individualisme, pour obéir au précepte de l’amour.
L’Amour crucifié est la Source à laquelle nous avons à nous abreuver, afin de pouvoir à notre tour en témoigner au cœur du monde, mettant nos pas dans ceux de toutes les générations de saints qui ont marqués l’histoire de leur empreinte.
Impossible de ridiculiser ou de récupérer un tel témoignage : il force le respect car il « prouve » la vérité du christianisme de la manière la plus éloquente. Certes les chrétiens n’ont pas le monopole de l’amour de charité : l’Esprit Saint se donne à tout homme de bonne volonté qui écoute l’appel de sa conscience.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir des fruits de sainteté qui découlent de la Croix, même dans d’autres religions, là où la seigneurie du Christ n’est pas explicitement confessée. Ces « semences de sainteté » répandues parmi les païens, comme le reconnait l’auteur du livres de Actes des Apôtres dans la 1ere lecture, devraient nous stimuler à hâter le pas sur le chemin de l’Evangile, en « donnant notre vie pour nos amis » avec une générosité accrue. « Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres » ; car « Dieu est amour : celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (2nd lect.).
La gloire de la Croix n’illumine pas seulement les manifestations de la charité : elle veut rayonner sur toute action, la plus humble soit-elle, car Dieu s’est fait homme, pour que toute notre réalité humaine puisse passer en Dieu, selon le dessein du Père.
Par le mystère de l’incarnation, la Lumière est venue dans le monde afin d’illuminer notre intelligence, de fortifier notre volonté, et de nous permettre de vivre dans l’amour, c'est-à-dire dans le vrai don de soi, à l’image du Christ qui nous appelle à participer à sa propre vie dans l’Esprit Saint.
Pour que la conversion soit aussi radicale, et que plus rien de notre vie n’échappe à la lumière de l’Amour divin, nous avons besoin de revenir sans cesse à la Source. C’est pourquoi, « Jésus a donné une présence durable à son acte d’offrande, dans l’institution de l’Eucharistie. Il anticipe sa mort et sa résurrection en se donnant lui-même à ses disciples dans le Pain et dans le Vin, son Corps et son Sang comme nouvelle manne (cf. Jn 6, 31-33). Dans l’Eucharistie le Fils se fait nourriture pour nous et nous attire dans son acte d’offrande. Nous ne recevons pas seulement le Verbe incarné, mais nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande.
Une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée. Réciproquement, le “commandement” de l’amour ne devient possible que parce qu’il n’est pas seulement une exigence : l’amour peut être “commandé” parce qu’il est d’abord donné. Ainsi, il n’est plus question d’un “commandement”, mais d’une expérience de l’amour, donnée de l’intérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé. L’amour grandit par l’amour.»
« Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres » ; car « Dieu est amour » nous dit Jésus, Il nous revient désormais de faire la démonstration concrète que nous voulons répondre à sa demande, « pour que sa joie soit en nous ».
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5ème Dimanche de Pâques
Dimanche 3 Mai 2015
Ac 9,26-31 ; Ps 21 ; 1 Jn 3,18-24 ; Jn 15,18.
« Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. » les textes d’aujourd’hui nous invitent à fortifier notre union avec Jésus mort et ressuscité pour nous, union dont la qualité et la profondeur apparaîtront au travers des fruits que nous porterons, que ce soit dans nos paroles ou dans nos actes.
Dans la première lecture Paul raconte aux apôtres le récit de sa conversion. L’expérience qu’il a faite du Seigneur sur le chemin de Damas l’a conduit à une lecture renouvelée de l’Ecriture, elle lui a fait découvrir le plan de salut de Dieu. Désormais, il n’a pas d’autre désir que de prêcher le Christ et ce, malgré les menaces de mort qui pèsent sur lui. Chez Paul, le fruit de son union avec le Christ depuis sa conversion, c’est l’annonce incessante de la Bonne Nouvelle du Salut, la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu proposé à chacun : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » !
Jean, quant à lui, dans sa lutte contre la gnose païenne, nous expose que l’amour ne se démontre pas par de belles paroles ou par des illuminations spéciales : « Nous devons aimer non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. En agissant ainsi, nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous aurons le cœur en paix ». C’est là le propre du christianisme : porter un fruit de charité.
Le chrétien, tout disciple de Jésus, dans sa vie, ne peut séparer foi et charité. Pour celui qui demeure uni au Christ, les deux vont de pair, s’entraînant et se nourrissant l’une l’autre. Jésus, lui-même, illustre cela pour nous dans l’évangile à travers la parabole de la vigne et des sarments. Seuls les sarments unis à la vigne véritable qu’est le Christ peuvent porter un fruit de charité : « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit. »
Le fait que les sarments soient décrits par Jésus comme étant en lui souligne qu’ils n’ont d’existence que dans la vigne. Ainsi le disciple ne vit que dans le Christ. Les verbes « retrancher » et « émonder » décrivent l’activité du Vigneron qui conditionne la fécondité de la plante.
Le Vigneron, le Père, source de toute Parole qui sort de la bouche du Fils, émonde au moyen de celle-ci. C’est ainsi que les disciples, en tant que sarments, ont été émondés par la Parole du Fils et que ce dernier peut leur dire : « déjà vous êtes purs grâce à la parole que je vous ai fait entendre ». Mais il dépend d’eux de rester attachés à lui. C’est à eux qu’il revient de « demeurer en » la vigne, c’est-à-dire d’adhérer fermement et fidèlement à la personne du Christ.
Si le disciple n’existe plus par lui-même, c’est parce qu’il puise sa sève dans la vigne, sa vie nouvelle n’en exige pas moins un consentement personnel. L’émondage a donc pour but de conduire à une union toujours plus grande entre la vigne et le sarment, à une communion toujours plus forte entre le Christ et le disciple. Et cette communion se révèle comme l’unique condition pour porter un vrai fruit, un fruit produit tout à la fois par la vigne et le sarment, par le Christ et le disciple.
Une tentation forte durant le parcours d’une vie est la fatigue de s’être adonné pendant un certains temps à faire le bien autour de soi, fatigue pouvant traduire une certaine désillusion face à un résultat peu conséquent à nos yeux en comparaison du combat mené. On se décourage et on finit peu à peu par se replier sur soi.
En réalité, seul Jésus peut nous donner la persévérance sur le chemin du don de nous-mêmes. Il nous faut ici apprendre à compter sur Celui qui est le roc de nos vies et à nous appuyer sur lui. Jésus, lui-même, nous met en garde, et il nous prévient : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Solidement attaché au Christ, comme le sarment à la vigne, ne faisant plus qu’un avec lui, nous serons alors pénétrés tout entier de sa vie, animés de ses pensées. Nous ne pourrons donc désirer que ce qu’il désire et nous nous verrons alors accorder tout ce que nous demandons !
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4ème Dimanche de Pâques
Dimanche 26 Avril 2015
Ac 4,8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3,1-2 ; Jn 10,11-18
Le quatrième dimanche de Pâques, la liturgie nous présente la parabole du Christ Bon Berger, ce dimanche est traditionnellement choisi comme Journée mondiale de prière pour les vocations.
Nous le savons hélas que trop bien : depuis quelques années le nombre des candidats au sacerdoce est en chute libre, et la tendance au redressement, n’est guère significative. Que se passe-t-il ? Le Seigneur cesserait-il d’appeler des jeunes à travailler dans sa vigne ?
Ne serait-ce pas plutôt nous qui sommes devenus sourds à ses appels ? Bien que l’appel soit bien sûr personnel ; mais pour que le dialogue entre Dieu et son élu puisse s’instaurer, un ensemble de conditions sont requises, qui impliquent la famille, la paroisse, l’école, en un mot : l’entourage chrétien du jeune que Dieu a choisi.
Il est évident que l’appel du Seigneur passe par des médiations ; même s’il résonne directement au cœur de l’intéressé, celui-ci a besoin du discernement, du soutien, de la confirmation de son entourage. Or si les proches ne croient plus à la grandeur de la vocation sacerdotale, s’ils ne sont plus convaincus de la grâce extraordinaire qu’elle représente, si leur attitude, ou leurs paroles, ne sont plus encourageantes, alors il y a fort à parier que l’appel n’aboutira pas et que la vocation sera avortée.
Chaque vocation sacerdotale est enfantée par l’Eglise toute entière ; en premier lieu par l’Eglise domestique, là où le candidat grandi, mais aussi l’Eglise locale, là où il reçoit les sacrements de l’initiation chrétienne. Or tout enfantement est source de souffrances : « Pour faire un prêtre, disait St Jean Bosco, il faut beaucoup de larmes, de sueur et de sang ! » Sommes-nous prêts à payer ce prix pour voir se rajeunir le corps sacerdotal si vieillissant de notre pays ? Sommes-nous prêts à prendre les devants et à assiéger le Cœur du Christ pour qu’il accède à notre demande ? Le Saint curé d’Ars disait que l’Eucharistie et le Sacerdoce sont des dons de l’amour du Cœur de Jésus : c’est donc à lui qu’il faut nous adresser pour obtenir les prêtres dont notre Eglise a un besoin plus qu’urgent.
Encore faut-il que nous soyons convaincus de la beauté de cet état de vie pour que nous puissions en témoigner. Dans une homélie pour la messe chrismale, le pape Benoît XVI résumait « la signification profonde de la condition du prêtre : devenir ami de Jésus-Christ. Le Seigneur fait de nous ses amis : il nous confie tout ; il nous confie sa personne, afin que nous puissions parler en son nom - in persona Christi capitis » (dans la personne du Christ tête).
Les longues années de ministère sacerdotal n’ont pas émoussé l’émerveillement du vieux Pape devant la confiance que nous fait le Très-Haut : « Il s’est véritablement remis entre nos mains ». Pour Benoît XVI, pas de doute : l’essentiel du mystère sacerdotal réside dans cette union intime et ineffable que le Seigneur veut instaurer avec ceux qu’il a choisis pour continuer à travers eux son ministère de Bon Berger. Cette union intime est décrite par Jésus lui-même par le terme « amitié », qui « signifie communion dans la pensée et la volonté, et donc également dans l’action ».
Une telle intimité suppose une connaissance personnelle, née de l’écoute de sa Parole, d’une proximité de vie, pour entretenir cette amitié, le prêtre doit avant tout être un homme de prière, car « son action extérieure resterait sans fruits et perdrait son efficacité si elle ne naissait pas de la communion intime avec le Christ ». Le seul Prêtre, c’est le Christ : les prêtres lui sont comme une humanité de surcroît, quand ils acceptent de lui livrer leur existence toute entière, à l’image de ce que Paul écrit : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Jésus veut avoir besoin de l’humanité de ses prêtres pour continuer à porter en eux « le mal et la douleur du monde », dont se nourrit son amour rédempteur.
De même que le « vrai Berger donne sa vie pour ses brebis », ainsi le prêtre conscient de son appel, ne s’appartient plus, mais est tout livré à ceux que l’Eglise lui confie.
Il n’est pas nécessaire d’être parfait pour répondre à l’appel de Dieu ; « les fragilités et les limites humaines ne représentent pas un obstacle, elles contribuent à nous rendre toujours plus conscients du fait que nous avons besoin de la grâce rédemptrice du Christ. Dans le mystère de l’Eglise, Corps mystique du Christ, le pouvoir divin de l’amour change le cœur de l’homme, en le rendant capable de communiquer l’amour de Dieu à nos frères ».
Ce qui est vrai du sacerdoce ministériel, l’est aussi bien sûr, du sacerdoce baptismal ; ce n’est que dans la mesure où nous nous approprions le mystère du sacerdoce commun des fidèles, que nous pourrons vraiment pressentir la grandeur du mystère du sacerdoce ministériel.
C’est pourquoi la recrudescence des vocations sacerdotale est étroitement liée à la conversion de l’Eglise toute entière. Les prêtres de demain seront le fruit de la conversion des chrétiens d’aujourd’hui, qui auront accepté d’entrer pleinement dans l’Alliance que le Seigneur renouvelle chaque jour dans l’Eucharistie.
Pour pouvoir progresser d’Eucharistie en Eucharistie jusqu’à la Pâque éternelle, nous avons précisément besoin du prêtre qui, en invoquant « le nom de Jésus le Nazaréen, crucifié par nous, ressuscité par Dieu » (1ère lect.) sur le pain et le vin, les transforme en son Corps et son Sang qui nous sauvent et nous vivifient. « C’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Tu es mon Dieu, je te rends grâce, mon Dieu, je t’exalte ! Rendez grâce au Seigneur : il est bon ! Eternel est son amour ! » (Ps 117).
3ème Dimanche de Pâques
Dimanche 19 avril 2015
Ac 3,13-15. 17-19 ; Ps 4 ; 1Jn 2,1-5a ; Lc 24, 35-48.
Vous souvenez-vous ce qui s’est passé après la rencontre du Christ ressuscité aux disciples d’Emmaüs ? Ils ont tout laissé sur place et ils se sont précipités, alors que la nuit tombait, pour rejoindre les apôtres restés à Jérusalem. Arrivés là-bas, ils n’ont pas témoignés de l’enthousiasme qui les faisait courir : « ils trouvèrent réunis les Onze qui leur dirent "C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon" » (Lc 24, 34).
Quelle surprise ! Ils rapportent un événement, unique, mais ils n’en ont pas l’exclusivité. Imaginons l’agitation du groupe… Personne n’avait prédit la Passion, personne non plus n’avait imaginé la résurrection. Et pourtant, aucun doute, Jésus est vivant ! Ils l’ont bien reconnu.
« Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux ». Ceux qui avait déjà rencontré le ressuscité le jour-même, étaient pourtant « frappés de stupeur et de crainte ». Il est des rencontres auxquelles on a du mal à croire. Le Seigneur, lui, ne se laisse pas dérouter : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? (…) Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os, et vous constatez que j'en ai ».
Il est évident que les disciples ont besoin de prendre lentement conscience de la réalité de la résurrection, personne n’oserait leur reprocher leur lenteur et leur étonnement. Ce n’est pas pour rien que Jésus a voulu qu’après la Pâque, ils disposent d’un long temps d’instruction et de préparation à la Pentecôte.
Pourquoi avons-nous à respecter un itinéraire de 40 jours après Pâques, pour arriver à la Pentecôte, alors que nous fêtons et méditons ce mystère chaque année ?
Parce que nous avons besoin de ces 40 jours, au moins autant que les apôtres. Jésus montre ses mains et ses pieds, il mange, pour convaincre les apôtres qu’il n’est pas un esprit.
Les années et les siècles s’écoulant, il ne faudrait pas que nous soyons tentés de réduire le Christ à ses discours, et le christianisme à un slogan, du genre « aimez-vous les uns les autres ».
Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, maintenant et pour toujours. La résurrection n’est pas une simple assurance de survie, elle est la vie elle-même. Si nous voulons découvrir le sens des paroles que Jésus nous a laissées, notamment au soir du Jeudi Saint, il nous faut considérer la figure de Jésus dans sa totalité vivante.
Jésus nous montre donc à la fois que son corps est vivant et réel, Il mange, il nous fait méditer sur sa vie et ses souffrances, en montrant ses mains et ses pieds transpercés.
Pierre le déclare ouvertement à ses auditeurs : « Lui, le Saint, le Juste, vous l’aviez rejeté » ; « Lui, le chef des vivants, vous l’avez tué ». Il lance un appel à la conversion. Cet appel, lancé devant tout
le peuple, n’est pas à destination seule des notables juifs qui questionnent Pierre. Jean nous interpelle lui aussi dans la 2de lecture : « Mes petits enfants,
je vous écris pour que vous évitiez le péché ».
Cet appel est vif, plein d’espérance, car, comme l’explique Jean, « nous avons un défenseur devant le Père : Jésus-Christ, le Juste ». Il est
« la victime offerte pour nos péchés, et non seulement les nôtres, mais ceux du monde entier ».
Le choix de se convertir, de s’engager librement et résolument, pour le Christ, est donc rendu possible par la victoire de Jésus sur le mal et la mort.
Pierre prend la parole devant tout le peuple. Lui aussi a eu sa conversion. A présent, il enseigne avec assurance. Son témoignage est important, car, explique-t-il, les anciens ont péché par ignorance.
C’est bien l’objet de la prière de Jésus avant sa mort : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Pierre les instruit donc du sens de l’histoire. Pas seulement de son contenu, mais aussi de sa direction.
Car dans ces événements sombres, « Dieu accomplissait sa Parole ». Personne n’avait imaginé ce qui se produirait, mais à la lumière de la résurrection, il est possible de relire et de comprendre.
Ainsi, l’Ancien Testament nous montre qu’il n’est pas une prédiction, que les prophètes ne disent pas l’avenir. Ils indiquent un chemin. Ils nous font tendre vers celui qui est le chemin, celui qui est le sens de l’histoire, le sommet vers lequel elle tend.
La résurrection met en lumière cet itinéraire et change notre idée de la conversion. Se convertir n’est pas seulement changer de vie pour la rendre conforme aux préceptes divins, c’est d’abord un acte volontaire d’adhésion au Christ, un choix délibéré de ne regarder que lui, le modèle de notre humanité.
Nous avons à le faire aujourd’hui encore, pour que la grâce de la résurrection prenne son ampleur en nous.
Il ne peut plus y avoir de regard centré sur-nous-mêmes, nous n’avons même plus à entretenir de désir de perfectionnement personnel. La seule chose qui compte désormais est de « garder fidèlement la Parole », de l’incarner, d’en vivre fidèlement, pour que « l’amour de Dieu atteigne vraiment sa perfection » en nous. Là est la seule perfection qui ait de l’importance.
Nous voici donc éclairés sur l’ensemble du dessein de Dieu sur notre histoire. Nous sommes dépositaire d’un trésor. Il nous faut en vivre pour qu’il prenne corps et ne reste pas une lettre morte.
2ème Dimanche de Pâques
Dimanche 12 Avril 2015
Fête de la Miséricorde Divine
En ce premier dimanche après Pâque, l'Église nous invite à tourner notre attention vers le mystère de la Divine Miséricorde, selon la demande de Jésus lui-même à sœur Sainte Faustine Kowalska : « Je désire qu'il y ait une fête de la Miséricorde. Je veux que cette image que tu peindras, soit solennellement bénie le premier dimanche après Pâques. Ce dimanche doit être la fête de la Miséricorde ».
Les textes de ce dimanche ne nous parlent pas directement de la Miséricorde. Comment faire le lien entre la figure de Thomas, qui doute de la résurrection du Seigneur, qui demandant des preuves bien concrètes de la résurrection, et la Miséricorde Divine ?
« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je n'y croirai pas » déclare Thomas. Ne peut-on pas penser qu’une telle requête est normale ? En effet, est-il bien raisonnable d’engager toute sa vie à la suite de ce Jésus dont on prétend qu'il est ressuscité sans un « minimum de garanties » ?
Jésus va consentir à cette demande de Thomas. Il invite son Apôtre à avancer la main et à la mettre dans son côté, comprenons, Jésus va bien lui donner une « preuve » tangible de sa résurrection. Mais en même temps, il lui demande de cesser d'être incrédule et de devenir croyant.
Cette demande n'aurait pas de sens s'il s'agissait seulement de « croire » en la résurrection, celle-ci deviens maintenant pour Thomas de l'évidence sensible.
En fait, Jésus invite Thomas à dépasser une incrédulité qui ne concerne pas le fait de la résurrection mais son interprétation. C'est au niveau du sens à donner à l'événement de la résurrection du Seigneur que Thomas doit passer de l’incrédulité à la foi.
Les disciples lui avaient annoncé pleins de joie : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Certes ils avaient bénéficié d'une apparition du Ressuscité ; chez saint Jean, le verbe « voir » ne désigne pas une vision sensible, mais la perception nouvelle qui s'ouvre au regard du croyant grâce à l’action de l'Esprit, comme le récit nous le suggère par le geste du Seigneur qui souffle sur eux en disant : « Recevez l'Esprit Saint ».
Ce que les Apôtres ont « vu » de part l’œuvre de l’Esprit en eux c’est le véritable sens de l’événement de la résurrection : à savoir le triomphe de la miséricorde divine. Nous le percevons à travers les paroles de Jésus qui leur donne le pouvoir de pardonner, pouvoir qui révèle le sens rédempteur de sa Passion glorieuse. Ils sont invités à partager la grâce dont ils sont les premiers bénéficiaires. C’est bien ici qu’ils doivent entrer dans la foi, cette grâce du pardon demeure invisible : rien dans l’ordre sensible ne permet de vérifier le pardon des péchés.
L’acte de foi que Thomas est invité à poser est celui de croire que la miséricorde du Seigneur a triomphé de son péché, ce péché qui a contribué à clouer Jésus sur la croix. Le Ressuscité l’appelle à sortir d’une culpabilité mortifère pour accueillir la vie nouvelle de son Esprit : « La paix soit avec vous ».
Comment ne pas réentendre ici ces paroles de Jésus à sainte Faustine : « L'humanité n'aura de paix que lorsqu'elle s'adressera avec confiance à la Divine Miséricorde » (Journal, p. 132).
Thomas n’était donc pas en quête d’une preuve de la résurrection. D’ailleurs, il n'est
pas dit qu’il met sa main dans les plaies glorieuses de son Maître. Thomas demandait un « signe » pour oser croire en la miséricorde. Et le Seigneur le lui donne en lui présentant ses
plaies, tout particulièrement son côté ouvert : « Cesse d'être incrédule, sois croyant ! »
Thomas peut alors accueillir la grâce et prononcer dans l'Esprit la plus belle confession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». L’Esprit Saint
lui a donné de reconnaître en Jésus, le Fils de Dieu, vainqueur du monde par l’effusion de sa miséricorde dans l’eau et le sang jaillis de son côté transpercé (Cf. 2ème lecture).
Thomas a « vu le Seigneur » et a confessé son Dieu. Il sait qu'il est réconcilié avec le Père et peut à son tour devenir héraut de ce pardon dont il est bénéficiaire.
En ce jour, où Jésus a promis à Sainte Faustine que ceux qui imploreraient sa Divine Miséricorde recevraient beaucoup de grâces, nous pouvons nous interroger : N’avons-nous pas besoin nous aussi du signe offert à Thomas à savoir le Cœur ouvert du Ressuscité ? En effet, quel sens donnons-nous à l'événement de la Pâque de notre Seigneur, à sa mort et à sa résurrection ? Osons-nous croire qu' « ensevelis dans la mort avec Jésus par le baptême, nous vivons nous aussi dans une vie nouvelle, celle du Christ ressuscité par la gloire du Père » (Rm 6,4) ?
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Dimanche de Pâques
Dimanche 5 Avril 2015
LE TOMBEAU VIDE
Ac 10,34a.37-43 ; Ps 118(117),1-2.16-17.22-23 ; Col 3,1-4 ; Jn 20,1-9.
« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres »Jean note qu’il faisait encore sombre : la lumière de la Résurrection a troué la nuit ; comment ne pas relire ici les Paroles du Prologue de Jean « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie ». Comprenons « saisir » au double sens du mot : « saisir », c’est-à-dire à la fois « comprendre » et « arrêter » ; les ténèbres n’ont pas compris la lumière, parce que, comme dit Jésus « le monde est incapable d’accueillir l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17) ; ou encore : « la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière » (Jn 3, 19) ; mais, malgré tout, les ténèbres ne pourront pas l’arrêter, au sens de l’empêcher de briller ; Jean nous rapporte la phrase qui dit la victoire du Christ : « Soyez pleins d’assurance, j’ai vaincu le monde ! » (Jn 16, 33).
« Alors qu’il fait encore sombre », Marie de Magdala voit que la pierre a été enlevée du tombeau ; elle court trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Evidemment, les deux disciples se précipitent ; Jean court plus vite que Pierre, il est plus jeune, mais il laisse Pierre entrer le premier dans le tombeau. Pierre représente ici l’Eglise, le premier des apôtres.
Il entre dans le tombeau, et c’est à ce moment-là qu’il aperçoit les linges et le suaire restés sur place. « Pierre entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » (6-7)
Leur découverte se résume à cela : le tombeau vide et les linges restés sur place ; mais quand Jean entre à son tour, le texte dit : « C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. » Pour Jean, ces linges sont des pièces à conviction : ils prouvent la Résurrection ; au moment même de l’exécution du Christ, et encore bien longtemps après, les adversaires des Chrétiens ont répandu le bruit que les disciples de Jésus avaient tout simplement subtilisé son corps. Jean leur répond : « Si on avait pris le corps, on aurait pris les linges aussi ! Et s’il était encore mort, s’il s’agissait d’un cadavre, on n’aurait évidemment pas enlevé les linges qui le recouvraient. »
Ces linges sont la preuve que Jésus est désormais libéré de la mort : ces deux linges qui l’enserraient symbolisaient la passivité de la mort. Devant ces deux linges abandonnés, désormais inutiles ; il a tout de suite compris : Jean vit et il crut. Quand Lazare avait été ramené à la vie par Jésus, quelques jours auparavant, il était sorti lié ; son corps était encore prisonnier des chaînes du monde ; Jésus, lui, sort délier : pleinement libéré ; son corps ressuscité ne connaît plus d’entrave.
Jean conclut par une phrase un peu étonnante : « Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Jean a déjà noté à plusieurs reprises dans son évangile qu’il a fallu attendre la Résurrection pour que les disciples comprennent le mystère du Christ, ses paroles et son comportement.
Au bord du tombeau vide, Pierre et Jean viennent de comprendre. Tout d’un coup, c’est l’ensemble du plan de Dieu qui leur apparait ; comme dit Luc à propos des disciples d’Emmaüs, leurs esprits se sont ouverts à « l’intelligence des Ecritures ».
« Il vit et il crut. Jusque là, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts… » C’est parce que Jean a cru que l’Ecriture s’est éclairée pour lui : jusqu’ici combien de choses de l’Ecriture lui étaient demeurées obscures ; mais parce que tout d’un coup il donne sa foi, sans hésiter, alors tout devient clair : il relit l’Ecriture autrement et elle lui devient lumineuse.
Comme disait Saint Anselme, il ne faut pas comprendre pour croire, il faut croire pour comprendre.
A notre tour, nous n’aurons jamais d’autre preuve de la Résurrection du Christ que celle de ce tombeau vide…
Fête des Rameaux
Dimanche 29 mars 2015
Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Phi 2,6-11 ; Mc 16,1-15,47.
Il est d’usage, lors du dimanche des Rameaux, de rentrer en procession dans l’église pour commémorer l’entrée de Jésus à Jérusalem. Dans l’Evangile proclamé juste au début de la procession, Jésus est désigné comme « Celui qui vient au nom du Seigneur ».
Jésus est bien le Messie attendu par Israël, ce roi humble, juste et victorieux, qui restaurera la cité sainte de Jérusalem.
L’atmosphère qui ressort du récit évangélique est joyeuse et festive, et derrière les chants d’acclamations qui accompagnent l’entrée du Christ dans la ville sainte s’annonce déjà son triomphe définitif sur la mort et le péché. L’espérance d’être sauvés et de ressusciter avec lui se trouve ainsi mise devant nos yeux.
Mais le climat change avec les lectures de la messe qui mettent en relief les conditions nécessaires pour que ce triomphe puisse s’opérer. Comme le dit Saint Bernard : « Si la gloire céleste se trouve présentée dans la procession, dans la messe se trouve manifestée quelle route nous devrons emprunter pour la posséder. »
Cette route que nous devrons emprunter, nous pouvons la contempler dans la personne même du Christ, c’est celle de l’abaissement et de l’humilité, celle de l’obéissance filiale, de l’abandon entre les mains du Père, celle du don total par amour jusqu’à mourir sur la Croix.
L’hymne de l’épître aux Philippiens (Cf. 2ème lecture) est peut-être le passage qui nous décrit cela le mieux : « Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. »
Oui, Jésus est le Messie - Serviteur souffrant, annoncé par le prophète Isaïe, Il ne s’est pas révolté, Il ne s’est pas dérobé ; Il a présenté son dos à ceux qui le frappaient, et ses joues à ceux qui lui arrachaient la barbe ; Il n’a pas protégé son visage des outrages et des crachats (Cf. 1ère lecture). C’est par ses souffrances que nous sommes sauvés.
C’est bien là que se joue notre salut. En communiant humainement à
la volonté divine du Père, Jésus rétablit notre nature humaine dans une relation filiale avec son Père et notre Père, cette filiation avait précisément été refusée dans l’acte même du péché
originel.
En choisissant d’entrer dans sa Passion et de la vivre jusqu’au bout, Jésus exprime son abandon total entre les mains de son Père. Par le « oui » qu’il donne humainement à un moment où la
délibération de tout homme serait infléchie au maximum vers le refus, Jésus nous sauve.
La foule en liesse s’est amassée pour saluer Jésus entrant à Jérusalem. Mais la même foule qui criait « Hosanna » et « Béni soit celui qui vient » criera bientôt « Crucifie-le » !
Il y a dans la vie des moments où il est facile de se laisser entraîner à suivre et à acclamer Jésus. Le Dimanche des Rameaux où nous nous réunissons pour prendre un rameau et écouter la Passion fait partie de ces moments.
Mais saurons-nous reconnaître le visage du Christ dans notre quotidien ? Le suivrons-nous lorsque ce choix impliquera de porter la Croix ? Les textes d’aujourd’hui nous invitent à nous interroger sur notre attachement au Christ. Nous le reconnaissons et l’acclamons comme notre Roi, notre Sauveur, notre Rédempteur.
Notre attitude devant la Croix, quand elle se proposera à nous, sera pourtant révélatrice de ce que représentent réellement pour nous ces titres que nous lui attribuons. Suivre le Roi d’humilité implique d’avancer sur le chemin de l’amour et du don total de soi.
Sans prétendre y arriver tout de suite, nous ne devons pas perdre de vue cette finalité et prendre les moyens pour la rejoindre. Les textes de ce jour nous apprennent que le plus fondamental est peut-être d’entrer toujours davantage dans la même intimité, la même communion de volonté avec Jésus que celle qu’il entretenait avec son Père.
C’est une invitation à prier toujours plus et toujours plus intensément. C’est, en effet, dans la prière seule, comme Jésus à Gethsémani, que nous trouverons la force de choisir et non pas de subir nos croix dans le don total de nous-mêmes.
5ème dimanche de carême
Dimanche 22 mars 2015
Jr 31,31-34 ; Ps 51(50),3-4.12-15 ; Hé 5,7-9 ; Jn 12,20-33.
Le chapitre 12 de Jean conclut la première partie de l’Evangile, partie appelée « le livre des signes ». Six événements y ont été rapportés, six signes, en attente de leur accomplissement dans un septième signe : celui du passage de la mort à la vie que Jésus s’apprête à accomplir. L’Evangile d’aujourd’hui nous conduit à « l’heure » de cet ultime signe « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié », déclare Jésus.
Nous sommes à Jérusalem dans les derniers jours avant la fête de la Pâque ; Jésus vient de faire une entrée triomphale dans la ville, aux cris de « Hosanna » proférés par la foule - comme le demandait la liturgie dans les cérémonies préfigurant la venue du Messie. C’est la raison pour laquelle, les autorités religieuses sont inquiètes devant le succès populaire grandissant du Rabbi de Nazareth : « Vous le voyez, se disent-ils entre eux, vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. »
Comme pour confirmer cette remarque, des Grecs cherchent à entrer en relation avec Jésus. Ces païens devenus demi-juifs par leur pratique religieuse, sont « montés à Jérusalem » en pèlerins, pour « adorer Dieu durant la Pâque ». A cette occasion ils souhaitent approcher Jésus ; ils sollicitent une entrevue par l'intermédiaire d’André et Philippe, les disciples les plus grecs, originaires de la contrée fortement hellénisée de Bethsaïde.
Au moment où s’achève la mission de Jésus auprès des Juifs, la présence de ces païens annonce la mission universelle à venir.
Jésus interprète sans hésitation la venue de ces étrangers comme le signe annonciateur de l’avènement de son « heure ». Une lecture attentive nous fait découvrir la séquence suivante : 1Jésus révèle d'abord le sens de sa mort prochaine par l’image du « grain de blé tombé en terre », qui doit accepter de mourir pour « donner beaucoup de fruit ». 2 Puis il prononce une courte prière qui trahit son angoisse devant sa Passion prochaine.
3 Au consentement de Jésus qui parvient à dominer sa frayeur et choisit librement d’accomplir sa mission, quoi qu’il lui en coûte, 4 répond la voix du Père –« « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
5 Fort de cette confirmation Jésus se tourne vers la foule pour prophétiser solennellement la défaite des forces du mal qui vont se déchaîner contre lui, et annoncer son triomphe à travers le rassemblement des croyants.
Jean ne raconte ni l’agonie ni la transfiguration du Christ, mais il s’inspire de ces deux épisodes dans le récit que nous venons d’entendre.
L’heure de Jésus est l’heure du grain qui meurt, cet abaissement est aussi l’heure de son élévation - élévation sur la Croix d’où il attirera à lui tous les hommes, prélude de son élévation au plus haut des cieux, à la droite du Père.
Jésus nous a ouvert ce passage au prix d’amères souffrances, dont nous pressentons l’horreur dans les termes très réalistes de la lettre aux Hébreux : (2nd lect.)
« Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et des larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ». La raison de ces épreuves nous est sobrement explicitée : « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ; et ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel ». Le Fils éternel est bien sûr parfaitement obéissant au Père dont il est l’expression parfaite, et auquel il est parfaitement uni dans une même volonté de salut.
« Le Verbe s’est fait chair », il a assumé pleinement notre humanité meurtrie par le péché, afin que désormais l’Alliance ne soit plus un pacte écrit sur des tables de pierre, mais qu’elle soit inscrite « dans nos cœurs, au plus profond de nous-mêmes » (1ère lect.). Si nous entrons dans cette Alliance nouvelle et éternelle – autrement dit si nous consentions comme le Christ à obéir au dessein du Père - alors « il nous pardonnera nos fautes ; il sera notre Dieu, et nous serons son peuple » (Ibid.) ; « il nous donnera un cœur nouveau, mettra en nous en esprit nouveau » (Ps 50).
Telle est la condition pour « voir » Jésus, conformément au souhait exprimé par les Grecs. La réponse de Jésus à ces hommes, exprime précisément cette difficulté à le « voir » ; car la manifestation ou glorification du Fils n’est visible que dans la foi, et celle-ci implique une traversée de la mort.
La vision ne s’ouvre qu’au-delà de la mort à l’orgueil de la chair. Cette exigence demeure vraie pour tous les temps de l’Eglise jusqu’à la Parousie, c'est-à-dire jusqu’à la pleine manifestation du Fils de l’Homme dans sa gloire divine.
Jusqu’à cet ultime accomplissement du dessein de Dieu, tous ceux qui veulent « voir » le Christ, sont renvoyés au signe de son Corps, c'est-à-dire à son Eglise ; mais il leur faut regarder plus loin que la faiblesse de ce paraître, encore marqué par le péché, pour découvrir l’Epouse bien-aimée, qui ne sera pleinement manifestée qu’au-delà de sa propre Pâques.
Cette Pâques, c’est à chacun de nous de la réaliser jour après jour dans notre propre vie, en consentant comme le grain de blé tombé en terre, à mourir à nous-mêmes, pour vivre de la vie de celui en qui nous avons mis notre foi.
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4ème dimanche de carême
Dimanche 15 Mars 2015
2 Chr 36,14-16.19-23 ; Ps 137(136),1-6 ; Ép 2,4-10 ; Jn 3,14-21.
Dans l’évangile de Jean, Le récit de la rencontre de Jésus avec Nicodème suit le récit de l'expulsion des vendeurs du Temple, que nous avons entendu dimanche dernier.
Dans cette action, Jésus s’était opposé ouvertement au parti des grands prêtres et autres notables appartenant au parti des Sadducéens. Ceux-ci gouvernaient le Temple de Jérusalem et la vie religieuse du peuple, mais la légitimité de leur pouvoir était contestée par les Pharisiens.
Pour les pharisiens, ce ne sont pas les sacrifices du Temple, mais l’observance de la Loi qui conduit au salut. Nicodème doit découvrir que Jésus n’est pas un commentateur particulièrement inspiré de la Loi ancienne, mais qu’il vient instaurer la Loi nouvelle de l’Esprit.
Contrairement aux pharisiens, Jésus ne promet pas le salut au prix d’une observance scrupuleuse des préceptes ; mais il invite tous ceux qui croient en lui, à accueillir gratuitement la vie nouvelle qu’il leur offre de la part du Père, comme le partage Paul dans la 2nde lecture : « c’est par grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (2nd lect.). Car « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a envoyé son Fils unique dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » explique Jean (Ibid.).
La Loi nous condamne en dénonçant notre péché ; la foi nous sauve en nous incorporant à celui qui non seulement accomplit parfaitement la Loi d’amour dans tous ses faits et gestes, mais qui offre également dans le Temple de son corps et en notre nom, le sacrifice parfait qui nous rétablit dans l’Alliance.
En Jésus, Dieu a ouvert devant nous une voie nous permettant d’« échapper au jugement » ; à condition bien sûr que nous fixions nos yeux avec amour et reconnaissance sur celui qui accepta d’être « élevé » sur la croix « afin que tout homme qui croit, obtienne par lui la vie éternelle ». Voilà pourquoi l’Eglise nous invite à nous réjouir au cœur même de ce Carême, en ce dimanche dit du « laetare »
La justice de la foi ne nous est cependant pas simplement imputée : la justification est une nouvelle création en Jésus-Christ ; elle est participation à la vie divine dans l’Esprit, et devrait se manifester en des œuvres qui sont reconnaissables comme « des œuvres de Dieu ».
Croire ne saurait se limiter à une attitude passive : il s’agit de choisir concrètement le camp de la Lumière - ce qui implique de nous arracher à « nos œuvres mauvaises » pour adhérer au Christ. C’est donc à un exode que nous sommes conviés : en son Fils, « le Seigneur, le Dieu du ciel » (1ère lect.) est intervenu avec puissance dans le cours de l’histoire ; nous tous qui faisons partie de son peuple, il nous convoque à Jérusalem (cf. 1ère lect.) pour y rebâtir la ville sainte sur la Pierre angulaire : le Christ Jésus.
Si par le passé nous avons « multiplié les infidélités en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes » (Ibid.), aujourd’hui il ne doit plus en être ainsi : « Nous qui étions morts par suite de nos fautes, Dieu dans sa miséricorde nous a fait revivre avec le Christ ; il nous a recréés en lui, pour que nos actes soient conformes à la voie qu’il a tracée pour nous et que nous devons suivre » (2nd lect.), « afin que nos œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu ».
Il nous faut donc apprendre à vivre dans la mémoire continuelle de Dieu, de ce qu’il a fait pour nous en son Christ. Dieu est Maître de l’histoire : il peut tout faire concourir au bien de ceux qui l’aiment et se confient à lui.
Tout comme il s’est servi du roi païen Cyrus pour ramener son peuple sur sa terre afin qu’il lui bâtisse un Temple, ainsi pourra-t-il tirer profit de tous les événements de notre vie, y compris de notre péché, pour nous attirer jusqu’à lui.
A travers l’image du Serpent de bronze, l’Evangile d’aujourd’hui nous apprend en effet que loin d’être un obstacle à l’action de Dieu, le péché est tout au contraire l'endroit décisif où le don de Dieu se communique dans toute sa plénitude.
A condition que nous acceptions d’exposer notre péché au grand jour de la miséricorde, au lieu de le cacher dans les retranchements de notre conscience enténébrée. C’est en levant les yeux vers le Christ élevé en croix, que nous pouvons voir notre péché dans la lumière de la miséricorde divine et que nous pouvons comprendre le sens du verset de l’Exultet que nous chanterons dans la nuit pascale : « Bienheureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur ! » - comprenons : heureuse faute qui nous valut la révélation de l’infinie miséricorde de Dieu à notre égard.
Comment alors ne pas nous émerveiller devant un tel Amour, qui dans un seul et même élan, pardonne, recrée et donne part à sa propre vie : « à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ ; avec lui il nous a ressuscités ; avec lui il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus » (2nd lect.).
Telle est « la richesse infinie de sa grâce » par laquelle le Père a voulu que nous, pécheurs, devenions réellement ses enfants, rassemblés par son Fils unique pour partager dans l’Esprit, un même amour et une même vie.
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3ème dimanche de carême
Dimanche 8 mars 2015
Ex 20,1-17 ; Ps 19,8-11 ; 1 Co 1,22-25 ; Jn 2,13-25.
L’évangile nous présente Jésus chassant les marchands du Temple de Jérusalem. Jésus ne joue aucun rôle dans la hiérarchie religieuse du Temple et la demande des juifs est naturelle : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? »
La réponse de Jésus va donner la clef de lecture de l’épisode tout entier : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Jean explique « mais lui parlait du sanctuaire de son corps ». Désormais le Temple, c’est Jésus lui-même, Jésus qui sera crucifié et qui ressuscitera le troisième jour.
Voilà la grande nouveauté : le Temple, le lieu où Dieu se rend présent et où l’homme peut rencontrer Dieu c’est Jésus le crucifié, ressuscité d’entre les morts, vivant à jamais.
Jésus est un Temple totalement pur, où il n’y a de place pour aucun marchandage, mai où tout est gratuit, pure grâce. Jésus, que ce soit avec son Père ou avec ses frères, vit la logique du don, de la gratuité, et de la liberté de l’amour authentique. Et Jésus aime jusqu’au point le plus extrême, jusqu’à donner sa vie pour ses amis, Il « les aima jusqu’au bout », écrit à plusieurs reprises Jean.
Après la résurrection, les disciples, illuminés par l’Esprit Saint, ont compris que la passion de Jésus pour la maison de Dieu s’est exprimée dans sa passion à lui : en souffrant, en mourant, et en ressuscitant, il a construit le Temple nouveau et indestructible.
Dès lors, tout homme aura accès au Père « en Christ », en étant en lui comme dans un temple. Nous avons ici ce qui constitue l’ossature de toute vie chrétienne que nous trouvons exprimée dans la liturgie eucharistique à travers ces paroles prononcées par le prêtre au moment de l’élévation : « Par Lui (le Christ), avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint Esprit… »
Celui qui veut entrer dans le Temple doit entrer en Jésus. Il doit entrer non pas animé par un esprit mercantile, mais par l’esprit de Jésus, l’Esprit de l’Amour gratuit pour le Père et pour ses frères en humanité.
Nous aussi nous avons sans doute à chasser les vendeurs du temple : refuser toutes les formes de religiosité qui sont, plus ou moins ouvertement, des relations de donnant-donnant avec Dieu.
Cela est typique des religiosités naturelles où l’on doit sacrifier quelque chose à Dieu pour obtenir en retour ses faveurs. Ce n’est pas alors notre Père du ciel, que nous adorons mais une idole, adoration qui peut cacher une idolâtrie que nous nous portons à nous-mêmes. Dieu est alors instrumentalisé, réduit à un moyen pour atteindre nos fins. Réentendons ces paroles de la première lecture : « Tu ne te feras aucune idole, car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux”.
Comment tromper le Seigneur qui connaît mieux que nous-mêmes ce qui habite le fond de notre cœur ? La liturgie nous invite à lui demander de débarrasser nos cœurs de toute intention de marchandage dans notre relation à son Père et notre Père. Nous devons bien reconnaître combien il nous est difficile de faire le bien gratuitement sans penser avoir des droits sur Dieu et exiger en retour quelques faveurs.
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2ème dimanche de carême
Dimanche 1er mars 2015
Gn 22,1-2.9a.10-13.15-18 ; Ps 116,10.15-19 ; Ro 8,31b-34 ; Mc 9,2-10.
Apres avoir annoncé sa Passion pour la 1ere fois, après avoir appelé ses disciples à le suivre dans le renoncement, Jésus se présente « transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille » souligne Marc. Il nous donne une autre information, cela se passe « Six jours après », mais après quoi ?
Dans le calendrier juif, Six jours après la fête de Kippour, le grand pardon, on entre dans la fête des tentes, ou la fête des cabanes. La fête de Kippour est la plus importante de l’année, on l’appelle le shabbat des shabbat, nous lisons au livre du lévitique « C’est pour vous un décret perpétuel : le septième mois, le dix du mois, vous ferez pénitence, et ne ferez aucun travail, ni l’israélite de souche ni l’immigré qui réside parmi vous. C’est en effet en ce jour que l’on accomplira pour vous le rite d’expiation afin de vous purifier de toutes vos fautes, et devant le Seigneur vous serez purs. Ce sera pour vous un sabbat, un sabbat solennel, durant lequel vous ferez pénitence. C’est un décret perpétuel. » (lev 16, 29-31). Cette fête, est une référence, « six jours après », peut donc signifier : six jours après kippour, nous sommes donc au début de la fête des tentes.
Kippour célèbre le jour de la repentance, de la conversion, de renoncement à soi même dans le jeune et la prière, la fête des tentes, elle, fait mémoire au jour béni où le peuple, au désert, habitait sous des tentes et recevait tout de Dieu.
Le séjour dans une frêle cabane rappelle au juif, le souvenir de la sortie d’Egypte, ainsi que le rappelle le Seigneur au prophète Jérémie « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée, lorsque tu me suivais au désert, dans une terre inculte » (Jr 2,2). Un auteur juif écrit « à l’heure ou nous entrons dans la cabane, nous réalisons que le seul espoir pour Israël, c’est de s’en remettre, à la protection de son Dieu et Roi, de celui qui a crée le monde ».
Jésus conduit ses disciples sur la montagne pour vivre avec eux la plus exceptionnelle fête des Tentes. Il choisit Pierre, Jacques et Jean, ils seront aussi les témoins privilégiés de son agonie à Gethsémani. Trois, c’est le chiffre qui renvoi à la divinité, c’est le chiffre des patriarches : Abraham, Isaac, Jacob. Ils sont par leur histoire, comme autant de révélations de Dieu. Jésus choisit Pierre, celui à qui il confiera son Eglise, « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16,18). Jacques, Jacob en hébreux, représente le peuple d’Israël, et Jean témoin de la grâce de Dieu, Jean : Johanan en hébreux Dieu fait grâce.
En ce jour, Jésus dévoile aux apôtres la gloire de sa divinité. Pour la 1ere fois, des yeux de chair, contemplent la Gloire de Dieu, qui resplendit sur le visage du Christ. Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, apparait comme l’annonce le psalmiste « Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! »(ps 104, 1-2).
La blancheur lumineuse des vêtements rappelle le 1er vêtement d’Adam, avant le péché des origines, il était alors revêtu de la gloire de Dieu.
Par sa transfiguration, Jésus veut nous montrer ce à quoi nous sommes destinées : retrouver notre vêtement de Gloire, en un mot être divinisés. C’est pour cela que le Verbe s’est fait chair, Dieu est venu habiter parmi nous. Paul nous dit que nous marchons vers notre transfiguration « Et nous tous qui n’avons pas de voile sur le visage, nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. » (2Co 3,18)
Par cet événement de la Transfiguration, le Seigneur veut aussi rassurer les apôtres et conforter leur foi, après la 1ere annonce de la Passion. Le pape St Léon le Grand commente « Par cette transfiguration, il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleverse leur foi »
Lors de la fête des Tentes, après avoir construit des cabanes en mémoire des tentes du peuple au désert, on invite les grands serviteurs de Dieu à entrer. Ici, sur la montagne les invités sont là, alors que les cabanes ne sont pas encore construites. Moïse et Elie, -la Loi et les prophètes- ils représentent tout l’Ancien Testament, ils sont évoqués ensemble à la fin de la Bible juive par le prophète Malachie « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, à qui j’ai prescrit, sur l’Horeb, décrets et ordonnances pour tout Israël. Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. » (Ml 3,22-23).
Ainsi, aux yeux des trois apôtres, L’Ancien Testament s’entretient avec le Nouveau, Jésus parle avec Moïse et Elie, l’Ecriture est une, une est notre foi, appuyée sur la Parole de Dieu, entendue par les prophètes, et contemplée en Jésus par les apôtres.
Pierre conscient de la «bonté » de cette situation, s’écrie « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Ce qui se passe alors est bon, c’est la confirmation de la fidélité de Dieu, de la vérité de sa Parole, St Léon, Le Grand commente « Qu’y a-t-il de mieux établi, de plus solide que cette Parole ? La trompette de l’Ancien Testament et celle du Nouveau s’accordent à la proclamer, et tout ce qui en a témoigné jadis s’accorde avec l’enseignement de l’Eglise »
Voilà pourquoi Pierre estime juste de célébrer la fête des Tentes et dit « Dressons donc trois tentes ». Mais en réalité, Pierre Jacques et Jean, sont projetés pour un court instant dans l’éternité : ce n’est pas le temps de célébrer une liturgie terrestre mais bien de s’unir à la liturgie céleste, dont Dieu lui même prend l’initiative «de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Lorsqu’ « Ils descendirent de la montagne, Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu ». C’est un retour à la normale, Jésus les invite à garder cet événement secret, autrement dit à ne pas oublier, mais le garder dans la foi, jusqu’au moment ou tout s’éclairera dans la gloire de la résurrection.
Pierre, impressionné, gardera cette vision au plus profond de lui même et il nous la livrera dans sa 2dne épître « En effet, ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte ».
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1er dimanche de carême
Dimanche 22 février 2015
Gn 9,8-15 ; Ps 25,4-9 ; 1 P 3,18-22 ; Mc 1,12-15.
Affronté les bêtes sauvages et en avoir été vainqueur, c’est une manière pour marc de nous révéler Jésus comme la lumière au milieu des ténèbres.
Jésus, ayant pris la condition humaine, est venu récapituler toute l’histoire du peuple choisi, il est venu revivre toute les épreuves de l’humanité. Il était nécessaire qu’il en fasse l’expérience, c’est pourquoi, comme l’écrit Marc l’Esprit pousse Jésus au désert.
Apres son passage dans l’eau du Jourdain, Jésus se trouve au désert, pendant 40 jours, de même que le peuple d’Israël, après son passage à travers les eaux de la mer rouge est reste 40 ans au désert, selon ce qu’il est écrit : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert » (Dt 8,2).
Marc, ne nous dit pas quelles tentations, au désert, Jésus a affronté tenté par Satan. L’ange déchu, cherche à faire tomber l’homme, mais il n’a pas de pouvoir sur Jésus, le nouvel Adam, qui, dans sa liberté, refuse tout ce qui n’est pas conforme à la volonté de son Père.
Jésus, vainqueur du péché vivait parmi les bêtes sauvages, autrement dit, il goutait à l’harmonie 1ere voulue par Dieu. Quand le Seigneur mit chaque chose à sa place, Il déclara à propos de l’homme et de la femme qu’Il avait crée à son image et à sa ressemblance « Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. »
Les bêtes sauvages dans l’univers biblique, représentent, souvent les tentations et les obstacles entre Dieu et l’homme. Dans le Nouveau Testament, Pierre, nous parle du diable « votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. », et il poursuit : «Résistez-lui avec la force de la foi, ».
Jésus vivant en paix avec les bêtes sauvages nous apprend à vivre de ce don du St Esprit, que l’on appelle la maitrise de soi « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. En ces domaines, la Loi n’intervient pas. Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. »
L’enseignement que Jésus donna à ses disciples, et à travers eux à nous, est d’apprendre à vivre avec les bêtes sauvages sans se laisser dévorer par elles, comme le psalmiste nous le dit : « tu marcheras sur la vipère et le scorpion, tu écraseras le lion et le Dragon. » Ps 90,13. Isaïe fait la même annonce : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. » Is 11,6
La vraie paix est la paix intérieure, qui donne de pouvoir maîtriser, en soi, toutes les bêtes sauvages, et de vivre dans l’union à Dieu, sans craindre le mal.
L’épisode que nous avons entendu, dans l’Evangile, se situe au moment de la mort de Jean Baptiste. Le précurseur a annoncé la mission de Jésus, y compris dans sa mort. C’est pourquoi il fallait qu’il soit emprisonné et condamné avant Jésus, il a « marché devant le Seigneur pour préparer ses voies » (Lc1, 76)
La convoitise d’Hérode, son amour propre, sa soif de pouvoir, l’emportent sur ce qu’il connait de Jean Baptiste : « Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.» Mais voilà la conséquence d’un mauvais repas : l’exécution de Jean Baptiste. Ce festin d’Hérode est le reflet des compromis avec le monde qui empêchent la Parole de porter du fruit « Il y a ceux qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, la séduction de la richesse et toutes les autres convoitises les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit » (Mc 4,18-19)
La promesse imprudente faite à la fille d’Hérodiade étouffe la Parole, et Jean meurt comme précurseur de Celui qui dira « Je suis la Vérité » : « ligote et jeté en prison, il tint ferme néanmoins dans la Vérité et mourut avec bonheur pour la vérité » dira st Bernard dans un sermon.
Jean Baptiste est reconnu par l’Eglise comme martyr, alors qu’il meure avant Jésus. St Augustin imagine qu’on pose la question, il répond « Comment ? Il est mort pour le Christ ? Mais on ne l’a pas interrogé sur le Christ, on ne l’a pas forcé à nier le Christ ! Ecoute le Christ déclarer lui-même « Je suis le chemin, la vérité et la vie » Si le Christ est la Vérité, c’est pour le Christ que souffre tout homme condamné pour la vérité, est c’est en toute justice qu’il reçoit la couronne du martyr »
Il meurt en ami de l’époux. Le reproche adressé à Hérode « Il ne t’est pas permis d’épouser la femme de ton frère », reproche qu’Hérodiade n’a pu supporter, est l’écho de l’expérience de Jean, qui a découvert en Jésus l’époux de l’humanité, il se nomme lui-même l’ami de l’époux, selon qu’il est dit « qui a l’épouse est l’époux, mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie, elle est complète. IL faut qui lui grandisse et que moi je diminue »
Jean Baptiste a contemplé avec Jésus Epoux, l’amour de Dieu pour chaque homme. Cette icône de l’amour, ne peut être détruite.
Là est la Bonne Nouvelle : pour tous ceux qui désirent l’accueillir, en se convertissant, c’est-à-dire en se tournant résolument vers lui : le Règne de Dieu arrive. Le règne de Dieu signifie : le lieu où Dieu règne, où il est reconnu comme roi parce qu’on a décidé de le choisir comme roi de sa vie, comme l’écrit Origène dans un commentaire « Ainsi, comme dans un paradis spirituel, le Seigneur se promènera en nous régnant seul sur nous avec son Christ ». En Jésus, nous est donné la possibilité de recevoir pleinement la présence de Dieu en nous, de le laisser régner sur nous. Le règne de Dieu est présent partout où on laisse Dieu régner : il dépend de la liberté de chacun de faire avancer ce règne.
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6ème dimanche du temps ordinaire
Dimanche 15 février 2015
Lv 13,1-2.44-46 ; Ps 32,1-2.5.11 ; 1 Co 10,31-33.11,1 ; Mc 1,40-45.
La lèpre, elle a une valeur symbolique très forte dans l’Ancien Testament, on ne lui connaissait aucun remède. Afin d’éviter sa propagation au milieu de ceux qui n’étaient pas malade, le lépreux était condamné à une existence de solitude, il était totalement exclu de la société. Un véritable enfer pour le malade ! La 1ere lecture dresse le portrait du lépreux: « Le lépreux atteint de cette plaie portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’ Tant qu’il gardera cette plaie, il sera impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp » (Cf. 1ère lecture).
Bien plus qu’un mal horrifiant qui défigure l’homme, la lèpre était considérée comme un mal religieux, qui ronge l’homme à un niveau plus existentiel. La lèpre La lèpre était le symbole du péché, certains lui donnaient même le caractère de châtiment divin. C’est pour cette raison que le lépreux était banni, rejeté, comme un mort ambulant, un mort vivant, source d’impureté, c’est-à-dire de non-communion avec Dieu, non-communion avec les hommes.
Il est évident, que sa guérison ne pouvait être attribuée qu’à Dieu seul. Le geste de Jésus, qui vient toucher le lépreux, dans l’évangile, et lui adresse une parole de vie, est donc hautement significatif sur sa messianité, sur son identité divine.
Par cette guérison, Jésus manifeste qu’il est le Fils de Dieu venu prendre sur lui le mal physique et moral de tout homme, son isolement, sa mise à l’écart de la société, mais aussi le mal de son propre péché.
Marc nous dit que Jésus est « pris de pitié devant cet homme », littéralement « ému jusqu’aux entrailles » on retrouve cette même expression dans l’épisode du père qui accueille le retour du fils prodigue dans l’évangile de Luc (Cf. Lc 15).
En Jésus, c’est le cœur du Père qui se penche vers tout homme pour franchir la distance, que par son péché il avait établie entre lui et Dieu : « Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : ‘Je le veux sois purifié’ » : En Jésus, la main du Père s’est avancée jusqu’à toucher l’impureté de notre humanité, marquée par le péché pour la purifier et la recréer.
Comment Jésus recrée ? Il prend sur lui le mal qui affecte l’homme. Marc nous dit que Jésus, après que le lépreux ait transgressé son avertissement de ne rien révéler, se voit dans l’obligation d’éviter les lieux habités : « il restait à l’écart dans les lieux désert ».
C’est une manière de dire que Jésus retrouve les lépreux qui étaient exclus des villes et autres lieux d’habitation.
Comprenons Jésus devient lépreux à notre place, il devient lui-même l’exclu qui sera crucifié hors de la ville, le serviteur souffrant qui prend sur lui la lèpre de son peuple (Is 53, 4 ; traduction de la Vulgate).
Jésus nous sauve en prenant sur lui le mal qui nous séparait de notre Père du ciel, pour nous communiquer en échange sa vie, nous réconcilier avec Lui et nous réintroduire ainsi dans le monde des vivants : « Je le veux, sois purifié » (Cf. Evangile).
Reste pour nous, tous, une question : que faisons nous de la lèpre de notre péché qui nous isole de Dieu et de nos frères ? Osons-nous l’exposer à Jésus en lui criant notre désir d’être guéri, comme le lépreux : « Seigneur si tu le veux, tu peux me purifier » ?
Alors que par nous-mêmes nous ne voyons pas comment être libérés de notre lèpre, croyons-nous que Jésus peut nous guérir ? Croyons-nous en Jésus-Christ ? Ce Jésus Christ, là ?
Dieu n’est pas venu nous juger ou nous condamner, il est venu pardonner, libérer et sauver ! Avons-nous cette audace de crier vers lui comme le psalmiste, sûr que Dieu ne reste pas indifférent à nos appels : « des hauteurs de son sanctuaire, il se penche et regarde la terre, pour entendre la plainte des captifs et libérer ceux qui étaient condamnés à la mort » (Cf. Psaume) ?
Jésus continue aujourd’hui à étendre la main et à guérir ses enfants, tout d’abord et en premier lieu à travers les sacrements. Une foi illuminée, devrait nous conduire à expérimenter chaque sacrement comme un contact vital avec Jésus, vivant, guérissant et sanctifiant, à l’image du contact avec le lépreux de l’évangile.
Ayons conscience de cela, lorsque nous nous approchons de la communion eucharistique, ayons conscience de cela, lorsque nous nous approchons du sacrement de la Réconciliation, ils nous permettent de recueillir beaucoup plus de fruit spirituel.
Jésus veut prolonger son geste de miséricorde et de récréation, à travers chacun de nous. A nous, qui bénéficions de sa miséricorde, Dieu nous invite à être ses mains et sa voix, auprès de tous les exclus de notre temps, de tous ceux qui souffrent de la maladie physique, morale ou spirituelle.
C’est ce qu’a compris l’Apôtre Paul, il nous lance une invitation dans la deuxième lecture : « Faîtes comme moi : en toutes circonstances je tâche de m’adapter à tout le monde ; je ne cherche pas mon propre intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi c’est le Christ. »
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6ème dimanche du temps ordinaire
Dimanche 15 février 2015
Lv 13,1-2.44-46 ; Ps 32,1-2.5.11 ; 1 Co 10,31-33.11,1 ; Mc 1,40-45.
La lèpre, elle a une valeur symbolique très forte dans l’Ancien Testament, on ne lui connaissait aucun remède. Afin d’éviter sa propagation au milieu de ceux qui n’étaient pas malade, le lépreux était condamné à une existence de solitude, il était totalement exclu de la société. Un véritable enfer pour le malade ! La 1ere lecture dresse le portrait du lépreux: « Le lépreux atteint de cette plaie portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’ Tant qu’il gardera cette plaie, il sera impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp » (Cf. 1ère lecture).
Bien plus qu’un mal horrifiant qui défigure l’homme, la lèpre était considérée comme un mal religieux, qui ronge l’homme à un niveau plus existentiel. La lèpre La lèpre était le symbole du péché, certains lui donnaient même le caractère de châtiment divin. C’est pour cette raison que le lépreux était banni, rejeté, comme un mort ambulant, un mort vivant, source d’impureté, c’est-à-dire de non-communion avec Dieu, non-communion avec les hommes.
Il est évident, que sa guérison ne pouvait être attribuée qu’à Dieu seul. Le geste de Jésus, qui vient toucher le lépreux, dans l’évangile, et lui adresse une parole de vie, est donc hautement significatif sur sa messianité, sur son identité divine.
Par cette guérison, Jésus manifeste qu’il est le Fils de Dieu venu prendre sur lui le mal physique et moral de tout homme, son isolement, sa mise à l’écart de la société, mais aussi le mal de son propre péché.
Marc nous dit que Jésus est « pris de pitié devant cet homme », littéralement « ému jusqu’aux entrailles » on retrouve cette même expression dans l’épisode du père qui accueille le retour du fils prodigue dans l’évangile de Luc (Cf. Lc 15).
En Jésus, c’est le cœur du Père qui se penche vers tout homme pour franchir la distance, que par son péché il avait établie entre lui et Dieu : « Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : ‘Je le veux sois purifié’ » : En Jésus, la main du Père s’est avancée jusqu’à toucher l’impureté de notre humanité, marquée par le péché pour la purifier et la recréer.
Comment Jésus recrée ? Il prend sur lui le mal qui affecte l’homme. Marc nous dit que Jésus, après que le lépreux ait transgressé son avertissement de ne rien révéler, se voit dans l’obligation d’éviter les lieux habités : « il restait à l’écart dans les lieux désert ».
C’est une manière de dire que Jésus retrouve les lépreux qui étaient exclus des villes et autres lieux d’habitation.
Comprenons Jésus devient lépreux à notre place, il devient lui-même l’exclu qui sera crucifié hors de la ville, le serviteur souffrant qui prend sur lui la lèpre de son peuple (Is 53, 4 ; traduction de la Vulgate).
Jésus nous sauve en prenant sur lui le mal qui nous séparait de notre Père du ciel, pour nous communiquer en échange sa vie, nous réconcilier avec Lui et nous réintroduire ainsi dans le monde des vivants : « Je le veux, sois purifié » (Cf. Evangile).
Reste pour nous, tous, une question : que faisons nous de la lèpre de notre péché qui nous isole de Dieu et de nos frères ? Osons-nous l’exposer à Jésus en lui criant notre désir d’être guéri, comme le lépreux : « Seigneur si tu le veux, tu peux me purifier » ?
Alors que par nous-mêmes nous ne voyons pas comment être libérés de notre lèpre, croyons-nous que Jésus peut nous guérir ? Croyons-nous en Jésus-Christ ? Ce Jésus Christ, là ?
Dieu n’est pas venu nous juger ou nous condamner, il est venu pardonner, libérer et sauver ! Avons-nous cette audace de crier vers lui comme le psalmiste, sûr que Dieu ne reste pas indifférent à nos appels : « des hauteurs de son sanctuaire, il se penche et regarde la terre, pour entendre la plainte des captifs et libérer ceux qui étaient condamnés à la mort » (Cf. Psaume) ?
Jésus continue aujourd’hui à étendre la main et à guérir ses enfants, tout d’abord et en premier lieu à travers les sacrements. Une foi illuminée, devrait nous conduire à expérimenter chaque sacrement comme un contact vital avec Jésus, vivant, guérissant et sanctifiant, à l’image du contact avec le lépreux de l’évangile.
Ayons conscience de cela, lorsque nous nous approchons de la communion eucharistique, ayons conscience de cela, lorsque nous nous approchons du sacrement de la Réconciliation, ils nous permettent de recueillir beaucoup plus de fruit spirituel.
Jésus veut prolonger son geste de miséricorde et de récréation, à travers chacun de nous. A nous, qui bénéficions de sa miséricorde, Dieu nous invite à être ses mains et sa voix, auprès de tous les exclus de notre temps, de tous ceux qui souffrent de la maladie physique, morale ou spirituelle.
C’est ce qu’a compris l’Apôtre Paul, il nous lance une invitation dans la deuxième lecture : « Faîtes comme moi : en toutes circonstances je tâche de m’adapter à tout le monde ; je ne cherche pas mon propre intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi c’est le Christ. »
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5éme dimanche du temps ordinaire
Dimanche 8 février 2015
Jb 7,1-4.6-7 ; Ps 147,1-7 ; 1 Co 9,16-19.22-23 ; Mc 1,29-39.
« La vie de l’homme est une corvée ! », Affirmation dérangeante !!! n’est-ce pas ? oui, Parce qu’elle sonne vrai. Parce qu’elle est nôtre. Parce qu’elle est dans la Bible. Parce que la liturgie prétend qu’elle peut nourrir notre prière aujourd’hui.
Job a le sens de l’image qui touche. Il compare l’homme à un esclave qui ne subsiste que par un travail forcé, qui peine sous la charge sans qu’elle ne lui apporte de sécurité pour l’avenir ni de satisfaction pour le présent. Il travaille pour un autre et sait que dans sa vie, il n’y a plus de place pour le bonheur. Il n’espère même plus la guérison qui le soulagerait de ses maux ni le repos qui apaiserait son sommeil : il sait que la mort emporte bientôt tout cela, tout répit est vain.
Pourtant, au milieu de cette nuit de l’absurde, une lumière jaillit : « Souviens-toi ! », « Souviens-toi, Seigneur » ! Ce sont les premiers mots de la prière d’Israël… « Souviens-toi Israël, le Seigneur est Un ». Au cœur de sa détresse, Job tutoie donc Dieu et lui demande de se souvenir de son amour, de son Alliance. « Souviens-toi, ma vie n’est qu’un souffle », autrement dit « Seigneur, vois ma faiblesse, aujourd’hui souviens-toi car demain il sera trop tard ».
Job nous rappelle à quel point le Seigneur est proche, que Dieu est présent au fond de nos abîmes. Il est bon de se le rappeler. Notre souffrance peut être telle que tout soit entièrement occupé par elle, au point que notre regard sur Dieu est marqué par cette souffrance. Il nous est méconnaissable. Notre souffrance défigure Dieu.
Dans une telle impasse, Job nous révèle qu’il existe toujours une issue, il existe un chemin vers Dieu, dont la porte d’entrée est notre sens inné de l’absurdité de la souffrance. Notre être s’insurge contre la souffrance. Le cœur en révolte contre le mal subi est celui qui a un passé en commun avec le Bon-Dieu et qui peut lui dire dans l’intimité : « Souviens-toi de ton amour ».
Il n’est pas possible que le Seigneur, nous laisse sombrer dans le non-sens du mal. Le Créateur a ordonné le monde où nous vivons. Il déborde de sens. Il indique sa source et son terme. Le psalmiste le reconnaît quand il écrit : « Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ». C’est en-soi une vraie bonne nouvelle. L’univers a été par Dieu, et ça change tout. vive le Dieu qui libère son peuple, vive le Dieu qui « guérit les cœurs brisés et soigne les blessures » ! C’est un cri de victoire et de reconnaissance qui fait taire la plainte de la souffrance. Dieu a toujours le dernier le mot.
Dans l’évangile, Jésus se penche vers les malades, et les guérit, tous. En les libérant, il montre que qu’il ne veut pas la maladie et la souffrance qui accablent l’homme. Elles ne sont jamais bonnes en elles-mêmes, mais il est possible d’en faire un chemin de croissance spirituelle.
Le seul état que Dieu désire pour nous est celui de ressuscité. C’est ce qu’atteste la guérison de la belle-mère de Simon. Jésus la prend par la main et la fait se lever, montrant ainsi qu’il veut pour l’humanité malade, malade du péché et de ses conséquences, la gloire de la résurrection.
Il nous montre aussi combien Job visait juste. Jésus qui guérit est un Dieu proche. Dans cette scène d’Evangile, pas de grand discours, pas de considérations sur l’origine de la maladie, sur la façon dont elle a pu être contractée. Il n’y a pas, ici, de public qui se presse à la porte, il n’y a pas de question qui oppose les témoins, aucun étonnement.
Tout est simple et naturel. Dans l’intimité d’une maison, dans le calme d’un foyer, Dieu donne sa réponse aux cris de Job, elle se dit dans le silence de la main tendue de Jésus, qui relève et rend la vie.
Mais les nouvelles vont vite. Entre amis, entre voisins, on ne se cache pas ces choses-là, au contraire. Aussi, le soir venu, c'est-à-dire quand la prescription sabbatique de compter ses pas arrive à son terme, tous accourent, et demandent la guérison, la fin de leur souffrance, à Jésus.
Et, avec la même simplicité, Jésus guérit, Jésus chasse les démons. Et Jésus impose le silence aux démons qu’il chasse. Il les fait taire parce qu’ils disent que Jésus est le Messie.
En divulguant une information qui pourrait être mal comprise, Jésus pourrait être pris pour un autre. Il ne suffit pas de dire que Jésus est le Messie pour découvrir le Père qu’il révèle, il faut accueillir de lui quel Messie il dit être. Là, est la raison profonde de son ordre de silence. Jésus à autre chose à nous dire qui doit être entendu.
« Malheur à moi, si je n’annonce pas l’évangile », déclare Paul dans la 2nde lecture, « C’est pour cela que je suis sorti » dit Jésus. Les deux expressions sont équivalentes. Jésus n’est pas venu pour attirer les foules autour d’un thaumaturge mais pour les enseigner, les rassembler et les conduire à la maison du Père.
S’il fait taire les démons, s’il ne répond pas à l’appel pressant de la foule au petit matin, c’est pour que son propre enseignement soit entendu. Et en se mettant en marche, il nous enseigne que lui, le Dieu qui se fait proche, il est ailleurs. Il est au-delà de nos attentes, car elles sont trop petites pour le contenir.
Jésus nous ouvre un chemin où nous sommes tous invités à le suivre. Là est sans doute le plus grand enseignement à mettre en œuvre pour notre semaine à venir. Tout ce que Jésus a fait est destiné à être imité par ses disciples. Les demandes que nous lui adressons sont sans doute légitimes, notre attente d’être relevés comme la belle-mère de Simon est grande, mais nous ne vivrons de la joie de la résurrection que lorsque nous saurons modeler l’emploi du temps de nos journées sur cette journée ordinaire de Jésus que Marc vient de nous raconter.
On ne peut pas vivre de lui sans vivre comme lui. Nous n’aurons sans doute pas à marcher à travers le pays, mais nous reconnaîtrons la présence du ressuscité quand à tout instant de nos journées nous serons tout tournés vers Dieu et vers nos frères, Dieu rencontré dans la prière, nos frères aidés à se mettre debout, et à retrouver la dignité des fils de Dieu, la joie de servir notre maître. Car ce dont nous avons le plus besoin, ce n’est pas d’être soulagés de nos souffrances, mais d’être sauvés.
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4ème dimanche du temps ordinaire
Dimanche 1er février 2015
Dt 18,15-20 ; Ps 95,1-2.6-9 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc 1,21-28.
L’homme est un être de parole : c’est même là sa spécificité. Mais il n’est pas, pour autant, la source du verbe : l’enfant n’accède à la parole que dans la mesure où un adulte - son père - l’invite à prendre sa place dans le dialogue qu’il instaure avec lui. Autrement dit, la prise de parole est toujours réponse, qui fait suite à l’écoute d’une parole venant d’un autre.
Hélas depuis que la ruse du Serpent a perverti notre intelligence, la parole du « Père du mensonge » (Jn 8, 44) interfère avec celle de Dieu. Désormais notre cœur est double : nous avons le souci non seulement « des affaires du Seigneur », mais aussi - et souvent en priorité - « des affaires de cette vie » (2nd Lect.).
Pour retrouver l’unité et la paix intérieures, il n’est pas d’autre chemin que de nous recentrer sur la Parole de Dieu, afin « de lui être attachés sans partage » (Ibid.). C’est pourquoi le Seigneur nous a envoyé ses serviteurs, porteurs de sa Parole ; il a promis à Moïse de faire lever au milieu de ses frères un prophète comme lui, qui transmettrait tout ce que le Seigneur lui prescrirait (cf. 1ère lect.).
Nous le croyons : c’est en Jésus, le Verbe incarné, que Dieu accomplit cette promesse. L’Evangile de ce jour décrit l’action toute-puissante et irrésistible de sa Parole : « Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ». Non seulement Jésus est la Parole de Dieu qui nous offre la possibilité d’entrer à nouveau en dialogue avec le Père, mais par sa simple présence, il dévoile le Menteur et lui impose le silence.
Aujourd’hui comme hier, l’ennemi est toujours à l’œuvre ; il a en effet acquis des droits sur nous en raison de nos complicités avec le péché, et il ne se reconnaît pas vaincu sans opposer auparavant une résistance farouche.
Il était hors de question d’admettre un démoniaque dans une synagogue ; il clair que cet homme ignorait le triste état de son âme, et l’esprit malin ne s’est trahi que parce que Jésus l’y a contraint par sa présence.
La contestation rencontrée par Jésus de son temps, perdurera de générations en générations ; car si par sa Passion victorieuse Jésus a effectivement triomphé du Mauvais et nous a rendu participants de sa victoire, il n’a pas pour autant interdit au Satan de nous tenter.
Notre participation à la rédemption consiste précisément à « choisir la vie » (Dt 30, 19) en adhérant à la Parole de Dieu et en repoussant le discours du Diable, dont nous pouvons reconnaître les sophismes et les mensonges à la lumière de l’Esprit. Car de même que nous avons librement failli, c’est par un nouvel acte de liberté, soutenu par la grâce divine, que nous sommes appelés à exprimer notre adhésion au Christ Sauveur.
Plus précisément : c’est en obéissant à sa Parole de vérité que nous avons à nouveau accès à la vie, cette vie divine que nous avions perdue par notre adhésion au discours de celui qui est « homicide dès les origines » (Jn 8, 44).
Qui d’entre nous n’a pas éprouvé de résistance devant les exigences de l’Evangile ? Ce ne sont pas que les possédés qui réagissent violemment en présence de Jésus : lorsque paraît le Verbe-lumière, nous sommes tous débusqués dans nos complicités secrètes avec les ténèbres.
C’est alors qu’elles révèlent leur visage hideux et que nous découvrons - souvent à notre plus grande confusion - nos oppositions parfois acharnées à la seigneurie du Christ dans nos vies.
Le mal hérité du péché originel est en effet très profondément enfoncé et diffusé en nous, et ne s’éveille qu’au moment où nous nous engageons sur le chemin de la conversion : « Aussi longtemps qu’un homme est retenu dans les choses visibles de ce monde, explique Saint Macaire, il ne sait même pas qu’il y a un autre combat, une autre lutte, une autre guerre au-dedans de lui-même. C’est en effet quand un homme se lève pour combattre et se libérer des liens visibles de ce monde, et qu’il commence à se tenir avec persévérance devant le Seigneur, qu’il fait l’expérience du combat intérieur contre les passions et contre les pensées mauvaises. Aussi longtemps que quelqu’un ne renonce pas au monde, ne se détache pas de tout son cœur des convoitises terrestres, ne veut pas s’unir entièrement et sans réserve au Seigneur, il ne connaît ni les ruses secrètes des esprits de malice, ni les passions mauvaises cachées en lui. Mais il est étranger à lui-même, ne sachant pas qu’il porte en lui les plaies des passions secrètes ».
Saint Maxime le Confesseur souligne lui, que nos passions sont en général voilées sous nos préoccupations quotidiennes et demeurent dans un état de sommeil apparent, de sorte que notre âme s’établit dans un état de paix qui en vérité est illusoire. Dès que nous nous engageons sérieusement sur le chemin de la vie spirituelle, des passions dont nous ignorions jusqu’à l’existence, ou qui nous paraissaient peu développées en nous, se réveillent et se manifestent dans toute leur intensité. « Les bêtes féroces étaient déjà là, cachées, écrit Saint Jean Climaque, mais elles ne se montraient pas. »
Que cela ne nous trouble pas, mais nous incite tout au contraire à nous exposer avec plus d’ardeur encore à la Parole qui nous délivre et nous sauve : « Aujourd’hui si nous entendons sa voix, ne fermons pas notre cœur » (Ps 94), mais accueillons la Parole du Seigneur. C’est elle qui tout à la fois nous restaure dans notre orientation originelle vers le Père, qui nous délivre des tromperies de l’Ennemi, et nous donne de pouvoir lui répondre dans la liberté filiale retrouvée.
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3ème dimanche du temps ordinaire
Dimanche 25 janvier 2015
Jon 3,1-5.10 ; Ps 25(24),4bc-5ab.6-7bc.8-9 ; 1 Co 7,29-31 ; Mc 1,14-20.
Jonas proclame que Ninive sera détruite si elle ne se convertit pas dans les plus brefs délais. Paul rappelle aux chrétiens de Corinthe que « le temps est limité, car ce monde tel que nous le voyons est en train de passer » ; en d’autres termes : demeurons libres de toute attache afin d’être prêts à partir à chaque instant. Le Psalmiste demande à Dieu de lui « enseigner ses voies, de lui faire connaître sa route, de lui montrer son chemin ». Le crescendo au fil des lectures culmine dans l’Evangile.
Marc nous transmet le témoignage de l’apôtre Pierre, qui ne nous livre pas de grandes considérations théologiques, mais nous partage le choc existentiel de son cheminement avec celui qui allait devenir son Maître, en attendant qu’il le reconnaisse comme le Christ, puis comme son Sauveur, et son Dieu.
C’est à ce même chemin que nous sommes invités en tant que lecteurs ou auditeurs de l’Evangile de Marc ; restons-nous proches de la parole de l’Evangile, demandant la grâce de pouvoir faire nous aussi cette rencontre bouleversante qui change notre vie ?
Le Baptiste est arrêté ; il n’est pas prudent de rester en Judée : Jésus rentre dans sa Galilée natale. Il va centrer son activité sur les bords du lac de Génésareth. C’est là, dans ce cadre paradisiaque, que commence l’histoire de notre salut.
La Galilée des nations est le lieu privilégié de l’activité de Jésus ; il ne la quittera que pour vivre sa Passion à Jérusalem. Au matin de Pâques, c’est à nouveau dans cette région, ouverte sur le monde, que le Ressuscité donnera rendez-vous à ses disciples (Mc 16, 7).
L’évangéliste précise que la proclamation faite par Jésus est une « Bonne Nouvelle » venant de la part « de Dieu ». Le résumé de sa prédication se résume en deux sentences. La première éveille l’attention : « Les temps sont accomplis », c'est-à-dire le temps de l’attente est terminé, le bon moment, l’heureux événement que vous attendiez, est enfin arrivé. « Le Règne de Dieu est tout proche » : voilà le message que Jésus est venu apporter aux hommes. L’accès au Royaume dont l’homme se trouvait exclu par le péché, lui est à nouveau offert.
La seconde sentence tire les conséquences de cet événement, Marc utilise deux verbes actifs, qui représentent le programme à réaliser pour accéder à cette réalité : « Convertissez-vous » ; ou encore : « tournez-vous vers la réalité nouvelle qui s’annonce, fût-ce au prix de ruptures avec le monde ancien, voué à disparaître ». Et : « croyez à la Bonne Nouvelle » ; s’il s’agit de « croire », la venue du Règne, ne s’impose pas avec l’évidence d’une réalité sensible. Il faudra discerner son avènement aux signes que Jésus en donne, et adhérer à la nouveauté radicale qui s’annonce dans le secret. Ce qui suppose de se tenir à proximité du Maître, de l’écouter, de l’observer, d’épier ses moindres faits et gestes, afin de ne pas gâcher l’occasion unique de réintégrer le dessein de Dieu au-delà de la fracture du péché, qui nous avait aliénés de notre condition filiale. Vu l’importance de l’enjeu, il n’y a pas de temps à perdre, car « il est limité » (2nd lect.).
Marc nous invite à emboîter le pas au Rabbi qui commence sa vie itinérante. Sa première initiative consiste à former le groupe de ses disciples. Surprise : contrairement à la tradition, c’est le Maître qui appelle ses disciples. Il ne les choisit pas dans le cercle des scribes ou autres spécialistes de la Loi qui résident à Jérusalem, mais parmi les pécheurs du lac de Galilée : un homme passe sur la grève, appelle deux pêcheurs « en train de jeter leurs filets » ; il les invite à le suivre, « aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent », et nous ne savons rien d’autre.
Là, commence la conversion, elle consiste en la promptitude de la réponse, à suivre celui qui chemin faisant, va nous révéler le visage du Père.
Dés le verset suivant, Jésus passe, voit deux frères préparant leurs filets pour la pêche, les appelle « aussitôt », et ceux-ci, « partent derrière lui, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers ».
Qui sont ces hommes ? Nous le découvrirons plus tard, chemin faisant. Pour le moment, nous connaissons uniquement leur nom : Simon et son frère André ; Jacques fils de Zébédée et Jean son frère.
Avons-nous encore une telle disponibilité ? La seconde lecture veut nous aider à répondre à cette question, en nous proposant un examen de conscience sur la manière dont nous réagissons aux événements qui nous affectent, sur notre attachement aux biens de ce monde, voire même sur nos relations avec nos proches : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ » (1 Co 3, 22-23).
L’appel des premiers disciples constitue l’action inaugurale du ministère public de Jésus, Il est venu nous appeler à sa suite pour nous arracher à « ce monde qui est en train de passer » (2nd lect.) et conduire nos pas au chemin d’éternité.
Le chrétien se définit avant tout comme un disciple du Christ, qui met toute sa vie dans le rayonnement de sa lumière, se nourrissant de son Pain eucharistique.
2ème dimanche du temps ordinaire
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Fête du Baptême du Seigneur
Dimanche 11 janvier 2015
Is 55,1-11 ; Is 12,2.4-6 ; 1 Jn 5,1-9.
En célébrant le Baptême de Jésus, nous célébrons la première manifestation publique de Jésus ; autrement dit, son entrée dans la vie publique. Certes c’est un adulte qui descend dans le Jourdain : trente ans se sont écoulés depuis les événements de Bethléem. Avant de clore ce temps liturgique, temps de Noel, pour entrer dés demain dans le temps ordinaire, l’Eglise veut compléter la révélation de l’identité de celui que les bergers et l’étoile désignaient comme le Messie.
Ce qui s’annonçait par la visite des mages, commence à se réaliser concrètement : le Christ est solidaire de tous les hommes ; il est venu « rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52).
L’évangéliste est discret sur le baptême en lui-même. Toute l’attention se porte plutôt sur ce qui se passe au moment où Jésus « sort de l’eau ». Il « voit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe ». Marc suggère que Jésus est le seul à avoir vu l’Esprit, vision dont il a dû témoigner par la suite auprès des Apôtres.
Par contre tous les assistants ont pu entendre la voix qui du ciel se fit entendre, et qui en s’adressant à Jésus, révèle son identité : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour ». Le baptême de Jésus se situe bien dans le prolongement de l’épiphanie que nous avons célébrée la semaine dernière : comme à la crèche ou avec les mages, quelque chose de décisif nous est manifesté de l’identité de Jésus, cette fois par l’action de l’Esprit et par la voix du Père lui-même. Certes c’est à son Fils que le Père s’adresse, mais le caractère public de ce dialogue d’amour trahit son intention : manifester aux yeux de tous celui dont Dieu « a fait un témoin pour les nations, un guide et un chef pour les peuples » (1ère lect.).
Jean pour sa part annonce trois témoins : « l’Esprit, l’eau et le sang, qui tous trois se rejoignent en un seul témoignage » (2nd lect.). Au baptême, ils ne sont encore que deux à témoigner : l’eau et l’Esprit ; ou plutôt l’Esprit reposant sur les eaux, « couvant » la création nouvelle (cf. Gn 1, 1) qui surgit du Jourdain en la personne du Christ.
Au Golgotha Jésus témoignera lui-même, en versant son « sang » (troisième témoin) pour nous, c'est-à-dire en descendant dans notre mort afin que nous puissions vivre de sa vie. Nous retrouvons les trois témoins au pied de la Croix : Jésus « remet l’Esprit » (Jn 19, 30), un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; « et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 34). Ce triple témoignage, c’est celui que « Dieu lui-même rend à son Fils » (2nd lect.), afin que nous croyions « que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu », et qu’ainsi nous soyons « vainqueur du monde », en étant « vraiment né de Dieu » (Ibid.).
Pourquoi l’Esprit devait-il descendre sur Jésus au Jourdain ? N’était-il pas le Fils bien-aimé depuis toute éternité ? Certes, Saint Cyrille d’Alexandrie, écrit : Jésus « est le Fils de Dieu le Père, engendré de sa substance, et cela avant l’incarnation et avant tous les siècles ».
Le baptême n’ajoute rien à la filiation divine du Verbe incarné, mais il est la confirmation de cette filiation pour la conscience humaine de Jésus. Comme le précise encore saint Cyrille : « Si l’on dit que le Christ a reçu l’Esprit Saint, c’est en tant qu’il s’est fait homme et en tant qu’il convenait à l’homme de le recevoir ».
Saint Irénée le dit autrement : « En Jésus, l’Esprit Saint s’habituait à demeurer en l’homme et à se reposer parmi les hommes ».
C’est donc pour nous que Jésus s’immerge aujourd’hui dans les eaux du Jourdain et dans les grandes eaux de la mort, afin de nous ressusciter avec lui dans la puissance de l’Esprit, que le Père envoie, sur tous ceux qui, par la foi, entrent dans « l’Alliance nouvelle et éternelle » (1ère lect.) qu’il a scellée avec nous dans le sang de l’Agneau, et qu’il renouvelle pour nous à chaque Eucharistie.
Fête de l'épiphanie
Dimanche 4 janvier 2015
Is 60,1-6 ; Ps 72(71),1-2.7-8.10-13 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12.
L’adoration des rois mages, anticipe la fin des temps, décrite dans les derniers chapitres du prophète Isaïe dont nous avons entendu un extrait en première lecture. Les mages ne s’y sont pas trompés : le petit enfant qu’ils adorent est bien le Roi de gloire, le mystérieux personnage triomphant attendu à la fin des temps, Il viendra établir pour toujours le règne de Dieu parmi les hommes. Ce jour-là, « la gloire du Seigneur brillera » sur toutes les nations, qui sortiront de « l’obscurité qui recouvre la terre » et s’avanceront vers « la clarté de son aurore » (1ère lect.).
« Les nations marcheront à la lumière de la Cité sainte, et les rois de la terre viendront lui porter leurs trésors. La cité n’a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l’illumine, et sa source de lumière, c’est l’Agneau » (Ap 21, 24.23).
L’étoile que ces princes « venus d’Orient ont vu se lever » est l’étoile radieuse du matin, le Christ ressuscité, qui illumine tout homme venant en ce monde, afin de le conduire aux sources vives du salut. Il est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs ; à lui seul revient l’or, symbole de la royauté suprême ; il est le grand prêtre, symbolisé par l’encens ; lui seul est digne d’offrir le sacrifice qui nous réconcilie avec Dieu son Père - le sacrifice de sa propre vie offerte par amour, symbolisé par la myrrhe, baume de grand prix réservé à la sépulture des rois.
Le « mystère du Christ » dont parle Paul dans la seconde lecture, est le mystère de l’amour triomphant, triomphant de toutes nos divisions, de tous nos antagonismes ; de l’amour vainqueur de la haine faisant tomber tous nos murs de séparation ; mystère de l’amour qui rassemble tous les enfants de Dieu dispersés : « Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile » (Ibid.).
L’épiphanie est la fête de l’espérance, elle annonce le grand rassemblement de tous les enfants de Dieu sous la bannière de son Christ. Le jour viendra où le combat de la lumière et des ténèbres, de la vérité et du mensonge, de la vie et de la mort cessera. Ce jour-là « la gloire du Seigneur brillera » sur toutes les nations qui sortiront de « l’obscurité qui recouvre la terre » et s’avanceront vers « la clarté de son aurore » (1ère lect.).
Encore faut-il que la flamme de l’espérance ne vacille pas au vent de la culture de mort qui étend de plus en plus ses tentacules, cherchant à étouffer les aspirations à la vie, à la paix qui animent les hommes de bonne volonté.
A nous chrétiens, incombe la responsabilité de ranimer cette flamme en nos cœurs, afin qu’elle devienne communicative et relance la quête de ceux qui cherchent Dieu. Le parcours des mages trace en effet celui de tout pèlerin de l’Absolu.
Au départ de toute conversion, il y a toujours un événement, joyeux ou douloureux, qui nous arrache à notre torpeur spirituelle et réveille en nous la nostalgie d’un monde réconcilié ; d’une humanité vivant en harmonie et en paix sous le regard d’un Dieu bienveillant qui désire le bonheur de ses enfants.
« En entrant dans la maison, les mages virent l’Enfant avec Marie sa mère ». Cette « maison » représente l’Église. C’est vers elle que nous pousse l’Esprit, car c’est là que nous attend celui que nous cherchons ; c’est là que nous pouvons enfin rencontrer, dans sa Parole et dans ses sacrements, celui qui est la source et le terme de notre espérance.
« Et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui » : « tel est le sommet de tout l’itinéraire : la rencontre se fait adoration, s’épanouit en un acte de foi et d’amour qui reconnaît en Jésus, né de Marie, le Fils de Dieu fait homme » (Benoît XVI, Cologne 2005).
La démarche n’a pas dû être facile pour les mages - comme pour chacun de nous d’ailleurs. Car ce n’est pas devant un roi glorieux selon notre conception mondaine qu’ils sont invités à se prosterner, mais devant un petit enfant de condition modeste.
Ici commence pour eux comme pour nous, un cheminement intérieur qui est sans cesse à reprendre : il nous faut découvrir au fil de l’Évangile que la puissance de ce Roi n’est pas de ce monde ; qu’elle ne se manifeste pas dans un déploiement de force, mais dans la vulnérabilité de sa vie livrée par amour.
Sa gloire se révèlera dans l’humiliation d’une mort honteuse, librement consentie ; son pouvoir, dans sa miséricorde qui nous réconcilie avec le Père et nous donne part à sa propre vie dans l’Esprit.
L’Évangile opère une véritable révolution de notre manière spontanée de nous représenter Dieu. Avant de nous prosterner devant l’Enfant divin, il nous faut consentir à une profonde conversion.
Ce n’est qu’au prix d’un changement radical de notre regard sur les situations, les événements, les personnes, que nous pourrons reconnaître en cet Enfant le don de Dieu qui surpasse toutes nos espérances, l’Agneau doux et humble de cœur qui nous ouvre le chemin de la vraie vie.
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Fête de la Sainte Famille
Dimanche 28 décembre 2014
Gn 15,1-6.21,1-3 ; Ps 105(104),1-6.8-9 ; He 11,8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40.
Beaucoup de personnes se demandent : pourquoi la famille est-elle aussi importante ? Pourquoi l'Église insiste-t-elle tant sur le thème du mariage et de la famille ? La raison est simple, même si tous ne parviennent pas à le comprendre : de la famille dépend le destin de l'homme, son bonheur, la capacité de donner un sens à son existence. Le destin de l'homme dépend de celui de la famille et c'est pour cette raison que je ne me lasse jamais d'affirmer que l'avenir de l'humanité est étroitement lié à celui de la famille », déclarait le saint pape Jean-Paul II.
Depuis ses origines, l'histoire de l'homme est une histoire d'amour ; car « Dieu a créé l’homme à son image » (Gn 1, 27), et malgré les défigurations que le péché lui a fait subir, cette image demeure toujours vivante au fond de chacun de nous. Or la famille est le premier lieu où se vit l’amour, où il manifeste sa mystérieuse fécondité, où il se transmet et s’apprend.
Le Fils de Dieu lui-même a voulu initier sa venue au sein d’une famille. La Providence aurait pu choisir d’autres circonstances pour accomplir le mystère de la Rédemption ; mais elle a voulu honorer en tout premier lieu la famille domestique de sa visite, pour signifier le fondement de la « famille de Dieu » (Ep 2, 19) et de toute société humaine.
Au cœur des lectures de ce jour où nous fêtons la Sainte Famille, modèle des familles chrétiennes, se situe l’enfant, don de Dieu, signe d’Alliance. Vu les circonstances extraordinaires de la conception de leur enfant, les prescriptions de la Loi ne concernent pas vraiment Marie et Joseph. S’ils se rendent au Temple pour y accomplir ce que prescrit la Loi, c’est avant tout pour rendre grâce à Dieu de sa confiance et du don qu’il leur a fait.
La joie devait illuminer le visage de cette jeune fille et de ce jeune homme, venus présenter leur nouveau-né au Seigneur : le don de la vie n’est-il pas le bien le plus précieux ?
Le vieillard Siméon exulte de joie en accueillant dans ses bras cet enfant, ce fils d’homme qui porte en lui la semence de Vie divine. Grâce à lui désormais, la mort ne sera plus qu’un passage, une naissance à une autre Vie, d’où sera bannie toute souffrance, car « Dieu lui-même essuiera toute larme de nos yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu » (Ap 21, 4).
Chaque enfant reprend le flambeau des générations qui passent et s’éteignent, assurant ainsi la continuité de la vie triomphante. Mais chaque enfant apporte aussi son lot de difficultés, de souffrances, que les parents auront à assumer, en plus du poids - souvent très lourd - des autres fardeaux qu’ils ont à porter. La Sainte Famille n’en fut pas épargnée, loin de là : la fuite en Egypte, l’incompréhension des habitants de Nazareth, l’hostilité croissante des chefs religieux, jusqu’au drame de la Passion, que la Vierge a vécu comme un martyr : « Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée ».
Pourtant, jamais il n’y eut sur les lèvres de Marie ou de Joseph, le moindre murmure : leur foi en la bienveillance de Dieu est demeurée inébranlable, lui qui fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28).
Cette confiance leur permettait de rendre grâce en toutes circonstances, anticipant le précepte de l’Apôtre : « Priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit » (1 Th 5, 17-18).
Certes, l’héroïcité des vertus est un don de la grâce, qui ne s’acquiert qu’au terme d’un long et patient cheminement, fait de chutes et de relèvements. Mais Dieu est fidèle, et sa miséricorde demeure toujours disponible ; comme le Bon Berger, il accompagne son troupeau sur le chemin de l’Evangile, ramène les brebis égarée, et prend soin de celles qui sont blessées (Ez 34, 15).
N’est-il pas étonnant que la famille, qui toujours et partout a été célébrée comme le sanctuaire de la vie, soit devenue de nos jours un lieu où rôde la mort ? N’est ce pas un signe éloquent de la crise de l’espérance que traverse notre société marquée par la « culture de la mort » ?
La menace qui pèse sur la vie de l’enfant, fruit et incarnation de l’amour, n’est-elle pas la preuve irréfutable que notre société a perdu le sens du mystère de la personne humaine ? Lorsqu’un groupe humain revendique conjointement le « droit » à l’enfant et le « droit » de l’éliminer, il reconnaît ouvertement qu’il ne considère plus cet enfant comme une fin en soi, mais simplement comme un moyen au service de la satisfaction des désirs des parents.
Il est urgent que nos contemporains reprennent conscience de la grandeur de la vocation de l’homme et de la femme, appelés à devenir les proches collaborateurs de Dieu dans l’acte de procréation de leurs enfants. Par sa seule présence, l’enfant est signe de la fécondité de l’Alliance ; de l’alliance matrimoniale entre l’homme et la femme, mais aussi de l’Alliance nuptiale entre Dieu et l’humanité : « A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise » (Ep 5, 32).
Le mariage est pour les époux chrétiens, leur façon spécifique d'être disciples de Jésus, de contribuer à l'édification du Royaume de Dieu, de marcher vers la sainteté à laquelle tout baptisé est appelé. C’est pourquoi les époux chrétiens ont aujourd’hui une mission spécifique urgente : au cœur du monde, ils ont à être une “bonne nouvelle pour le troisième millénaire” en étant des témoins convaincus et cohérents de la vérité sur la famille » (Jean-Paul II).
Puissent les époux chrétiens découvrir à l’école de Nazareth « ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable » (Paul VI), et puissent-ils vivre cette vocation et cette mission qui leur est propre, dans la paix, la joie et la fécondité de l’Esprit.
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Fête de Noël
Jeudi 25 décembre 2014
Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-14.
Le ciel et la terre se sont donnés rendez-vous. Les cieux se déchirent et la gloire du Seigneur illumine la nuit de Palestine.
L’empereur Octave Auguste est bien trop occupé par son recensement de la planète. Pourquoi s’intéresserait-il au ciel puisqu’il s’est auto-proclamé « divin empereur ».
Peut-être les messagers de Dieu viennent-ils délivrer quelque message aux Grands Prêtres ?
Mais ces messieurs n’aiment pas
beaucoup être bousculés dans leurs habitudes. A vrai dire, depuis qu’un des leurs a cru avoir bénéficié d’une vision durant son service dans le sanctuaire, ils sont plutôt méfiants. De l’avis des
chefs religieux, le ciel prend un peu trop de libertés ces temps-ci : les interventions divines échauffent les esprits, et réveillent les exaltés. Rien de tel pour agacer les Romains qui sont déjà
assez énervés comme ça avec le recensement.
Mais alors pour qui les Anges se sont-ils déplacés ? pour porter un message à « des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux
». Quand on pense à la réputation de ces hommes frustres et peu versés dans les Ecritures, on croit rêver.
Si encore les Envoyés du Très Haut venaient les reprendre sur leur manque de piété ou de fidélité à la Loi ; mais il n’en est rien : les bergers sont choisis pour accueillir de la part de Dieu une « bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur ».
Nous ne mesurons sans doute pas ce que cette situation a de choquant : non seulement le ciel ne respecte ni la hiérarchie ni le protocole, mais il s’adresse à des gens de croyance et de mœurs douteuses pour annoncer l’avènement du Messie !
Comment les responsables religieux pourraient-ils donner quelque crédit à de telles sornettes ? Et dire qu’ils n’en sont qu’au début de leurs surprises ! Car l’aventure qui commence cette nuit est la plus déconcertante de toute l’histoire de l’humanité.
Ainsi donc le Messie de Dieu serait annoncé à des bergers quelque part au fin fond de la Palestine. Et où est-il donc ce Messie ? Va-t-il descendre des cieux porté sur les nuées et entouré d’une multitude d’Etres célestes ?
Pas du tout ! « Voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » ! Le « Messie », le « Seigneur », le « Sauveur », « couché dans une mangeoire », « car il n’y avait pas de place dans la salle commune pour sa mère qui devait enfanter ».
Dieu a clairement choisi son camp. Entre les grands de ce monde qui déploient insolemment leur luxe et exercent orgueilleusement leur pouvoir, et les petits qui sont privés de l’hospitalité élémentaire et sont obligés de chercher un abri au milieu des animaux, il n’hésite pas. Dans sa liberté souveraine, le Sauveur du monde a voulu naître d’une jeune fille de modeste condition, donnée en mariage à un artisan d’une bourgade inconnue de Galilée appelée Nazareth. C’est dans ce foyer apparemment quelconque, que « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes ».
Nous sommes avertis : si le Seigneur est venu pour « nous apprendre à rejeter le péché et les passions d’ici-bas » (2nd lect.), il faut s’attendre à ce qu’il bouscule nos habitudes et nos façons trop humaines de penser.
A vrai dire, c’est à une nouvelle naissance qu’il nous invite, afin de « vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux » (Ibid.). L’aventure qui commence cette nuit risque donc de nous entraîner très loin, si du moins nous persévérons à la suite de cet « enfant qui nous est né, de ce fils qui nous est donné ». Car « pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien », le « Prince de la paix » n’hésitera pas à « se livrer pour nous, afin de nous purifier et de nous racheter de toutes nos fautes ». « Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers » (1ère lect.) pour ceux qui accueillent la Révélation déconcertante de sa gloire dans un petit enfant.
Cette nuit, le Seigneur vient ; « sur ceux qui habitent le pays de l’ombre, sur l’humanité qui marche dans les ténèbres, une lumière resplendit » (Ibid.). Saurons-nous la discerner et l’accueillir ?
Avec les bergers mettons-nous en route : l’Enfant-Dieu nous attend au fond de l’étable de nos vies. Puissions-nous nous y unir à l’adoration de Marie et Joseph, et chanter avec les Anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».
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4ème Dimanche de l'Avent
Dimanche 21 décembre 2014
2 S 7,1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 89(88),2-5.27.29 ; Ro 16,25-27; Lc 1,26-38.
Après Jean-Baptiste, la liturgie de ce jour introduit la seconde figure clé de ce temps de l’Avent : la Vierge Marie. Plus encore que le Précurseur, elle est le modèle pour l’Eglise durant le « grand Avent » préparant le retour glorieux du Seigneur, mais aussi pour l’accueil du même Epoux dans ses venues quotidiennes, sous les différentes formes que revêtent sa présence réelle au milieu de nous.
Jour après jour, l’Eglise doit être cette terre vierge qui se laisse féconder par la « pluie bienfaisante » qui descend des nuées, afin de « donner naissance au Sauveur » (Or. ouv.) dans les âmes des fidèles. Dieu veut habiter parmi nous, Il désire faire en nous sa demeure éternelle : tel est « le mystère qui est maintenant révélé : il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd’hui il est manifesté » (2nd lect.). Et ce mystère, c’est que tout être humain est prédestiné à accueillir « la germe impérissable, la Parole vivante de Dieu » (1 P 1, 23), afin de collaborer à la naissance du Christ en lui.
La Vierge enceinte nous révèle la capacité de la nature humaine à recevoir Dieu en sa chair. Il est bon de se souvenir que la finalité de toute vie humaine est de participer à un mystère d’enfantement : « afin que le Christ soit formé en vous » (Ga 4, 19).
L’annonciation dépasse l’événement de l’incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge : il est l’annonce de la maternité de l’Eglise tout entière, c'est-à-dire de chacun des croyants, qui tous sont appelés à participer à l’enfantement du Corps du Christ, né de la Vierge Marie.
Nous imaginons sans peine que pour accueillir un tel hôte, il y aura besoin de quelques transformations intérieures. Heureusement, le Seigneur nous fait dire « qu’il nous fera lui-même une maison » dans laquelle nous pourrons vivre avec lui « des jours tranquilles, délivrés de tous nos ennemis » (1ère lect.).
Ce que Dieu a accompli en Marie par une grâce prévenante, il veut l’accomplir également en nous par une grâce purifiante qui nous rende digne de devenir son Temple. En fait cette œuvre est déjà commencée : depuis le jour de notre baptême, nous sommes « le Temple de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en nous » (1 Co 3, 16). Nous aussi, « la puissance du Très-Haut nous a pris sous son ombre » afin d’enfanter en nous le « Fils de Dieu ».
Comment « à cette parole », ne pas être « tout bouleversés » : est-il possible que les pauvres pécheurs que nous sommes, soient appelés à une telle destinée de gloire ? Devant notre désarroi, l’Ange nous rassure tout comme Marie : « “Sois sans crainte, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu” : le mystère de ta « participation à la vie divine » (2 P 1, 4) n’est ni ton œuvre, ni la récompense de tes mérites, mais le don gratuit du Dieu de miséricorde ». Notre sanctification est le fruit de l’action de l’Esprit, qui opère la naissance miraculeuse de Jésus au fond de notre âme. Aussi est-ce à chacun de nous que le Père promet : « Je serai pour toi un père, et tu seras pour moi un fils » (1ère lect.) ; « Tu me diras : “Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut”. Et moi, sans fin, je te garderai mon amour ; mon alliance avec toi sera fidèle » (Ps 88).
Forts de telles promesses, n’hésitons pas à renouveler notre engagement baptismal en disant avec la Vierge de l’Annonciation : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Nous le savons bien : ces quelques mots ne sont pas pour Marie un point d’aboutissement, mais le départ d’une grande aventure, dont Dieu seul connaît le chemin.
En disant son « fiat », elle a mis ses pas dans ceux du patriarche Abraham, qui « eut foi en Dieu, et de ce fait, Dieu estima qu’il était juste » (Rm 4, 3). Comme lui, elle a couru le risque de la vraie liberté en obéissant à la Parole de vérité, et elle s’est mise en route dans la confiance au Dieu fidèle. « Espérant contre toute espérance, elle a cru, et ainsi elle est devenu la mère d’un grand nombre de peuples, selon la parole du Seigneur : “Vois quelle descendance tu auras !” » (cf. Rm 4, 18-19). Jamais elle n’a faibli dans la foi : au pied de la Croix, au moment de l’enfantement dans la douleur de l’Humanité nouvelle, elle a redit son « oui », et à la demande de son Fils devenu son Maître, la parfaite disciple, nous a tous reçu, pour ses enfants.
C’est à la lumière de cette maternité de Marie, qu’à notre tour nous sommes invités à prolonger dans nos vies son ministère, en enfantant le Corps du Christ qui est l’Eglise.
Le Seigneur attend de chacun de nous, qu’à notre tour, nous prononcions notre « fiat », que nous donnions sens à notre pèlerinage en l’orientant résolument vers sa finalité surnaturelle. Ce qui suppose de nous mettre chaque jour à nouveau en route à la suite du Christ, sur un chemin que nous ne connaissons pas, même si nous savons que c’est celui de l’Evangile.
Car nous non plus nous ne savons pas ce que la vie nous réserve de joies, mais aussi de difficultés, d’épreuves, de morts à traverser. Mais en contemplant la vie de Marie, nous pouvons acquérir cette certitude qu’aucune souffrance n’est jamais vaine : toutes contribuent à l’enfantement du Christ dans nos vies, dans l’Eglise et dans le monde. Oui en vérité, aucune larme n’est jamais versée en vain : les Anges du ciel viennent délicatement les recueillir pour les déposer, comme des diamants précieux, sur l’autel de Dieu.
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3ème Dimanche de l'Avent
Dimanche 14 décembre 2014
Is 61,1-2a.10-11 ; Lc 1,46b-50.53-54 ; 1 Th 5,16-24; Jn 1,6-8.19-28.
« Soyez dans la joie du Seigneur, soyez toujours dans la joie, le Seigneur est proche ». Cette invitation pressante à la joie, a donné le nom à ce troisième dimanche de l’Avent : « dimanche Gaudete », c'est-à-dire réjouissez-vous.
Quelle est la cause de cette joie ? « Le Seigneur est proche ». Nous n’attendons pas un Dieu lointain, dont la venue serait encore hypothétique, un Messie annoncé pour un temps reculé : non, notre joie est toute entière, dans la paisible certitude, de la présence au milieu de nous, de celui qui est venu dans l’humilité de la crèche, qui viendra dans la gloire au dernier Jour, et qui dans l’entre-deux, continue de venir visiter les siens pour les secourir de sa grâce, les instruire de sa Parole, les fortifier de son Eucharistie.
Cette joie est donc celle de sa
présence, cachée certes, mais bien réelle : « le Seigneur est proche ». Ne nous a-t-il pas déjà « enveloppé du
manteau de l’innocence et revêtu des vêtements du salut » (1ère lect.) ? Il est donc juste de « tressaillir de joie » dans l’Esprit qui repose sur
nous, « parce que le Seigneur nous a consacrés par l’onction ». C’est pourquoi Paul nous exhorte à « être
toujours dans la joie, à prier sans relâche, à rendre grâce en toute circonstance » (2nd
lect.), dans la fidélité au don reçu : « n’éteignez pas l’Esprit
».
Pourtant la liturgie de ce jour fait aussi apparaître une tension, qui caractérise la condition du chrétien en ce monde. D’un côté il est invité à laisser
libre cours à sa joie pour le don du salut, que nul ne pourra lui ravir, joie pour la présence au milieu de nous de l’Epoux, qui ne cesse de venir réconforter son Epouse tout au long de sa
route vers la rencontre définitive ; et en même temps il doit demeurer dans une vigilance de chaque instant, pour ne pas perdre ce don, car il est
encore objet d’espérance. En effet, aussi longtemps que nous marchons dans la nuit de ce monde, nous ne percevons pas pleinement la présence du Seigneur à nos côtés, et le risque demeure de nous
égarer loin de lui.
D’autant plus que notre désir est loin d’être unifié : l’ivraie qui menace en nous la croissance du bon grain, n’est-elle pas d’abord cette dispersions dans les distractions éphémères que nous offre les multiples miroirs aux alouettes de notre culture hédoniste ? Heureusement, pour mener notre barque entre les récifs, le Seigneur nous a laissé une boussole et une carte : l’Esprit Saint et sa Parole ; d’où le précepte de l’Apôtre : « N’éteignez pas l’Esprit, ne repoussez pas les prophètes : mais discernez la valeur de toute chose, gardant ce qui est bien et vous éloignant de tout ce qui porte la trace du mal » (2nd lect.).
Nous ne pourrons pleinement adhérer à la nouveauté du Royaume, qu’en nous détachant de la vétusté de ce monde qui passe.
Cet exode implique un passage au désert, à la suite de Jean-Baptiste. A la question que pose la délégation de prêtres et de lévites : « Qui es-tu ? », nous aurions spontanément répondu en termes de nos origines charnelles : notre nom, il nous situe à l’intérieur d’une généalogie, il nous donne une appartenance ici-bas, la sécurité d’une famille, d’un clan, d’une race, d’une nation. Or nous ne trouvons rien de tel dans la réponse du Précurseur : il nie toute référence au passé ; il ne se reconnaît dans aucun des personnages cités et connus.
Mais il se définit totalement en fonction de l’à-venir ; plus précisément : en fonction d’un mystérieux personnage dont il est chargé d’annoncer la venue.
Certes il le connaît puisqu’il doit le désigner ; et pourtant il ne le connaît pas encore puisqu’il attend un signe d’en-haut qui le fera reconnaître. C’est précisément pour se préparer à ce ministère qu’il s’est retiré au désert, lieu par excellence de la purification du désir. Seul celui qui accepte de quitter ses fausses sécurités et de sortir dans la nuit, peut discerner la « Lumière » et lui « rendre témoignage, afin que tous croient par lui ».
Certes Jean appartient encore à la première Alliance : il est le dernier et le plus grand des prophètes puisqu’il doit rendre témoignage au Messie ; mais en même temps, le Précurseur pressent qu’avec la venue de l’Envoyé, un temps se ferme, un autre s’ouvre : le temps de l’attente est clos, celui de l’accomplissement peut commencer.
Entre les deux il y a bien sûr continuité : Jésus vient accomplir « les promesses faites à nos pères » ; mais en même temps, cet accomplissement est une telle nouveauté par rapport à l’attente, qu’une rupture s’instaure, et qu’un choix s’impose.
Bien que nous soyons entrés dans le temps de l’accomplissement des promesses, bien que l’Epoux soit déjà là, nous avons cependant encore à nous préparer à sa venue, à nous disposer à accueillir cette nouveauté qui nous arrache au monde ancien et fait de nous des fils et des filles du Royaume : « Ne le savez-vous pas : vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Tendez donc vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. Et quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3, 2-4).
Le Seigneur est là, et il ne dépend que de nous de l’accueillir pleinement dans nos vies : à nous d’« aplanir son chemin », de dégager les obstacles à sa venue en « discernant la valeur de toute chose » et en « gardant parfaits et sans reproche notre esprit, notre âme et notre corps » (2nd lect.).
Certes nous nous sentons bien démunis devant une telle exigence ; c’est pourquoi l’Apôtre nous rassure : « Il est fidèle le Dieu qui nous appelle : tout cela, il l’accomplira » (Ibid.).
Comment dès lors ne pas être dans la joie ?
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2ème Dimanche de l'Avent
Dimanche 7 décembre
Is 40,1-5.9-11 ; Ps 85(84),9-14 ; 2 P 3,8-14 ; Mc 1,1-8.
L’évangile d’aujourd’hui est le commencement de l’évangile de Marc: « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu ».
Qui dit commencement, dit nouveauté. Et quand nous disons nouveauté, nous pensons rupture. Puisque ce verset peut facilement être rapproché du premier verset de la Genèse, il nous est facile d’entendre que Jésus est venu inaugurer une nouvelle histoire sainte, une nouvelle création.
Mais nous ne pouvons occulter que le deuxième verset commence par « il est écrit dans Isaïe, le prophète». La nouveauté de Jésus se fonde donc sur une continuité avec le passé, que Marc justifie en nous renvoyant à une citation attribuée à Isaïe.
La réalité n’est pas si simple. Il y a en fait dans ce verset trois citations de l’Ancien Testament, qui, selon une habitude l’exégèse juive, sont assemblées dans le but de montrer l’unité du projet de Dieu à travers l’Ecriture. La première citation vient d’Exode 23, où Dieu dit qu’il envoie son messager, son ange, préparer et protéger les chemins de son peuple. C’est une parole adressée à Moïse, qui traverse le désert du Sinaï avec son peuple, en direction de la terre promise.
Cette parole de la Torah a été portée et méditée, pendant des siècles. Elle été lue et relue. Ce long itinéraire dans le cœur des croyants et dans la bouche des prophètes a conduit à lui découvrir un autre sens, que l’on trouve chez Malachie et Isaïe : « Voici, j’envoie les messagers préparer les chemins devant moi ». En traversant les siècles, à travers la douloureuse expérience de l’exil à Babylone, les prophètes ont compris que ces versets annonçaient la venue au devant de son peuple de Dieu lui-même. Et le messager dont il se fera précéder, c’est Elie, qui représente l’aboutissement du prophétisme, l’annonciateur des derniers temps.
Nous voyons ainsi que le chemin emprunté par le peuple à travers le désert du livre de l’Exode devient, dans le livre d’Isaïe, le chemin que suit Dieu pour rejoindre le temple. La route que Jean doit préparer est donc à la fois la route des hommes et la route de Dieu.
Voilà la densité de l’héritage de l’Ecriture, qui nourrit ces commencements de l’évangile. Au temps où nous nous préparons à recevoir le Seigneur de l’Univers chez nous, en nos maisons, Marc nous redit que cet événement exige de nous un départ, un exode, qui nous fait quitter nos habitudes pour regarder notre quotidien avec les yeux de Dieu.
La Bonne Nouvelle que nous annonce Marc est donc celle d’un renversement. Il annonce celui qui doit venir, celui qui est derrière Jean, mais dont celui-ci n’est pas digne de défaire les sandales. Jean s’efface devant celui qui vient et qui est seul à pouvoir donner le Saint Esprit.
Tout rapproche ces deux hommes Jean et Jésus. Jésus, est présenté dans la continuité de Jean-Baptiste, comme le nouveau Moïse et comme le nouvel Elie. Mais tout les éloigne.
Celui qui est l’aboutissement du prophétisme (Jean) n’est que le précurseur. Jean vit seul au désert et se nourrit de plantes, alors que Jésus passera au milieu des foules et s’attablera chez les publicains.
Ainsi le Messie qui vient n’est pas le fruit des aspirations humaines, mais il est le don de Dieu par lequel il accomplit la promesse. Le nom de « Fils de Dieu » est en effet celui que lui donnera le centurion au soir de la Passion, quand Jésus sera crucifié et que la lance lui aura transpercé le coté droit.
L’onction messianique que Jésus va recevoir est celle de la résurrection. Dans cet événement qu’il sera consacré. Dès les commencements, toute sa vie et son ministère ne sont compréhensibles qu’à la lumière de sa mort et de sa résurrection.
Peut-être saisissons-nous mieux à présent la densité du premier verset de l’évangile de Marc. Il dit le commencement de l’heureuse proclamation de l’intronisation de Jésus comme Messie, Fils de Dieu.
C’est là le mystère que nous célébrons.
C’est là le mouvement intérieur du temps de l’Avent.
Il est temps de nous mettre en marche, c'est-à-dire de relire notre histoire sainte. Il nous faut la traverser comme on traverse le désert : en abandonnant tout superflu, tout ce que nous croyons savoir de nous-mêmes et des projets de Dieu sur nous, tout ce que nous pensons avoir reçu de sa main et de nos frères.
Alors nous découvrirons mieux le don de Dieu qui s’y cache. Soyons vigilants, c’est dans notre quotidien que Dieu va venir ! Il va surgir subitement pour accomplir la promesse qu’il nous a donnée à lire dans chaque événement de notre vie. Il va manifester sa proximité déconcertante et salutaire.
Alors convertissons-nous tant qu’il est encore temps. Vivons ce temps de l’Avent comme celui des commencements de notre alliance avec le Seigneur.
1er Dimanche de l'Avent
Dimanche 30 novembre 2014
Ise 63,16b-17.19b.64,2b-7; Ps 80(79),2-3.15-16.18-19; 1 Co 1,3-9; Mc 13,33-37.
Jésus vient de quitter le temple de Jérusalem, après avoir évoqué des catastrophes, des tribulations à venir, il invite de manière pressante à la vigilance. La vigilance est l’attitude spirituelle du temps de l’avent.
« Prenez garde, restez éveillés» on pourrait traduire cette expression par « Regardez », car la racine grec du verbe signifie le regard, la claire vision. « Prenez garde » veut dire alors quittez votre cécité actuelle, recevez du Seigneur une guérison du regard, comme ce fut le cas pour les aveugles qui ont été guéris par Jésus. Pensons aussi à une autre parole de Jésus dans l’évangile de Jean le même verbe grec est utilisé : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Il s’agit de reconnaître que l’on ne voit pas, pour implorer ensuite la guérison et être enfin renouvelé dans son regard sur Dieu et sur notre prochain.
L’expression « Prenez garde », ou plutôt regardez avec des yeux neufs est complétée par « veillez ». Quand on cherche le sens de ce verbe dans la bible écrite en Hébreu, on trouve un bel arbre qui fleurit, alors que toute la nature est encore plongée dans l’hiver, cet arbre c’est l’amandier, amandier en hébreu signifie veilleur.
On peut lire en effet dans le livre du prophète Jérémie « La parole du Seigneur me fut adressée : « Que vois-tu, Jérémie ? » Je dis : « C’est une branche d’amandier que je vois. » Le Seigneur me dit : « Tu as bien vu, car je veille sur ma parole pour l’accomplir. » (Jr 1,11-12)
Si le Seigneur veille sur sa parole il nous demande de faire de même. Veiller sur la Parole de Dieu dans nos vies, être comme des amandiers qui annoncent le printemps, quand le monde est dans l’obscurité de l’hiver qui présentent les signes du renouveau et en fleurissant, affirment que la lumière va l’emporter sur les ténèbres, la vie sur la mort. Seulement pour être certain de ne pas rater le printemps il faut l’attendre.
Quand on parle de veille, on parle d’hiver ou de nuit, cette nuit est celle d’un monde qui refuse Dieu et préfère choisir les ténèbres. Le veilleur sait que la nuit n’aura pas le dernier mot et il affirme que la lumière vient, comme le dit le psalmiste : « Mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore. Plus qu'un veilleur ne guette l'aurore, attends le Seigneur, Israël. » (Ps 129, 6-7).
L’aurore, la floraison de l’amandier, sont en même temps des images de la victoire du Seigneur sur le mal.
« Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. »
Jésus est le bien Aimé, il est celui qui vient, celui qui est chanté dans le Cantique des Cantiques : « La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient… Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, ». Nous devons désirer sa venue et cette attente nous fait vivre, c’est une attitude d’accueil qui nous est demandée, le Seigneur est celui qui vient, quelle espérance pour nous ! Il n’est pas besoin de faire des efforts surhumains, de se soumettre à une ascèse impossible pour tenter de le rejoindre : Il vient jusqu'à nous « c’est lui qui se tient derrière notre mur ».
Descendant jusqu'à nous il se laisse trouver par ceux qui veillent. Trois fois, le texte répète cette exhortation « Veillez ». Jésus sait que ses disciples en sont incapables : à Gethsémani, il leur fera la même demande : « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation » et il ajoute « ce que je vous dis à je le dis à tous ».
Tous ceux qui ont contemplé sa résurrection doivent proclamer avec force leur foi en Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, pour que nous soyons divinisés, selon les Pères de L’Eglise. Ainsi, la vigilance va de pair avec la foi : Il faut croire en la venue du Seigneur et le dire, car sa venue n’est pas une catastrophe, mais elle est une Bonne Nouvelle, et quand on attend une bonne nouvelle on ne s’endort pas, on veille !
Le maître est parti en voyage, Dieu a confié la Terre aux hommes, il L’a confiée aux hommes, soit, mais il demeure le Maître, il peut revenir à tout moment à l’improviste. En bon portier, nous avons à nous tenir prêts, pour ouvrir la porte de notre cœur quand il viendra, il nous prévient par ailleurs : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3,20)
Le jour et l’heure de sa venue ne nous sont pas connus « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. » (13,33). Le Seigneur désire nous établir dans l’abandon et la confiance pour nous permettre de vivre l’aujourd’hui de Dieu, en toute paix, sans inquiétude.
Sachant que Dieu nous donne sa grâce au jour le jour, Il ne nous demande pas de préparation exceptionnelle, mais Il demande une confiance qui se renouvelle chaque matin, une attente paisible du don de Dieu : « Le Seigneur est bon pour qui se tourne vers lui, pour celui qui le cherche. Il est bon d’espérer en silence le salut du Seigneur ». (Lm 3, 25-26)
Et pourtant, jusqu’au moment du départ de Jésus vers la maison du Père les disciples lui demandent « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Jésus leur répond : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous » (Ac 1,7-8).
Nous avons là, la réponse à toutes nos inquiétudes, c’est dans la force de l’Esprit Saint qu’il nous faut veiller.
Alors, veillons et prions !