TÉMOIN, TÉMOIGNAGE
Nous vivons « entourés d’une nuée de témoins » de l’œuvre de Dieu (He 12,1). L’Écriture ne consigne de leurs expériences que les moments forts ou bien ce que la foi leur suggère (He 11,3). Pour les rendre capables d’être témoins de sa résurrection jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1,8), Jésus annonce aux apôtres l’envoi de son Esprit. Pour remplacer Judas, Pierre leur demande de choisir ensemble un témoin parmi ceux qui ont assisté à la vie, la mort et la résurrection de Jésus ; ce sera Matthias (Lc 1,21-26). Ainsi, le témoin n’est pas un spectateur passif, mais un envoyé gouverné par l’Esprit (cf. Jn 20,22-23 ; Ac 22,15), qui lui donne de l’assurance pour parler (Ac 2,14 ; 4,13 ; 9,27-28 ; 2 Co 3,12 ; cf. Mt 7,29 ; 10,19-20).
Ce témoignage a un contenu, qui est le kérygme : la résurrection de Jésus, établi comme Christ selon les Écritures, est la réalisation du salut (Ac 4,17-26 ; 1 Co 15,1-7). L’acceptation de cette annonce est la conversion, c’est-à-dire la réception du même Esprit, confirmée par le baptême (cf. 1 Jn 5,6-8). Il ne s’agit donc pas de faits simplement constatés dans ce monde (cf. Lc 1,1-2), mais d’un témoignage inspiré (cf. Jn 21,24), qui actualise la vie éternelle (Jn 5,20-24) dans une parole au présent (Rm 10,14-17) ; c’est un don gratuit, car l’homme, qui est pécheur (Ps 51,7), a tout pour être condamné (Jn 2,25 ; 3,17-18 ; Rm 11,32). C’est donc bien un témoignage, analogue à celui des prophètes, qui atteste une parole divine, et qui se heurte aux réalités mondaines (Ac 7,51-53), dont l’horizon est la mort (He 2,14). Si le témoignage ne s’appuie pas sur la vie du témoin lui-même, il n’est ni crédible ni recevable (Ez 24,15-27 ; 2 Co 4,7-18). En arrière-plan se trouve la récitation quotidienne du Shema Israël (Dt 6,4-6), qui est un témoignage de l’unicité de Dieu par opposition aux idoles.
Au sens ordinaire, le témoin intervient pour attester d’une réputation (Lc 4,22 ; Ac 6,3 ; 10,22 ; Ga 4,15) ou pour établir un fait d’importance légale, en particulier pour un contrat ou un procès (Nb 5,13 ; cf. Jn 2,25). Il faut au moins deux témoins (Nb 35,30 ; Dt 17,6 ; Mt 18,16 ; 2 Co 13,1 ; cf. Jn 8,16-17), qui seront d’ailleurs les premiers exécutants dans les causes capitales (Dt 17,7 ; Jn 8,3-7 ; Ac 7,58). Le faux témoignage (1 R 21,10-13 ; Dn 13,34-41 ; cf. Ps 27,12 ; 35,11) est une perversion du droit (Dt 5,20), punie par la loi du talion (Dt 19,18-19) : le faux témoin subit la peine qu’il voulait faire infliger (Est 7,10 ; cf. Dn 13,59-63). Le procès de Jésus, comme celui d’Étienne (Ac 6,11-13), est émaillé de faux témoignages (Mt 26,59-65), d’où sans doute l’inquiétude des autorités face au témoignage des apôtres (Ac 5,28).
Dans les serments et les imprécations, Dieu est pris à témoin (Gn 31,53-54 ; 1 S 12,5 ; Jr 42,5 ; Ml 2,14 ; cf. Jb 16,7-8). La Création témoigne contre la violation de l’Alliance (Dt 4,26 ; 30,19). Dieu témoigne de la justice des saints (Jb 1,8 ; 42,8 ; Ac 13,22 ; 15,8 ; He 11,2-5). Il jure par son propre nom (Ex 2,13 ; Is 45,21-24 ; Jr 22,5). Son témoignage est sa parole, c’est-à-dire la Loi (Ex 25,16 ; 2 R 17,13 ; Ps 19,8 ; 78,5) ; l’arche d’Alliance, qui renferme les Tables de la Loi, est appelée l’arche du Témoignage (Ex 25,22 ; cf. Nb 1,50-53). Les prophètes portent un témoignage divin (Is 53,10-11), car Dieu est en procès contre son peuple (Ps 50,7 ; Jr 29,23 ; Am 3,13 ; Ml 3,5). La Loi témoigne contre le peuple (Dt 31,26 ; cf. Ga 3,10). David est établi témoin (Ps 89,37-38 ; Is 55,4). Tout Israël est témoin de Dieu face aux nations (2 M 7 ; Is 43,10-12 ; 44,8) ; c’est une mission découlant de l’Alliance (Ex 19,6 ; Is 49,3).
Jean le Baptiste est venu comme témoin de Jésus (Jn 1,7-8 ; Ac 13,25 ; 19,5) ; de même, l’Écriture lui rend témoignage (Ac 10,43 ; He 7,8 ; 1 P 1,11). Celui-ci témoigne du Père (Jn 3,32-33 ; 20,17 ; cf. 1 Jn 5,9-11), en particulier par ses œuvres (Jn 10,25). À son procès, il témoigne de la vérité (Jn 18,37 ; 1 Tm 6,13 ; Ap 3,14). Il atteste que les œuvres du monde sont mauvaises (Jn 7,7). Cependant, seul l’Esprit permet de croire au témoignage de Jésus (Jn 15,26). Le croyant reçoit alors la filiation adoptive de Dieu (Rm 8,16). Il devient à son tour témoin du mystère de l’incarnation du Verbe de vie (1 Jn 1,2 ; Ap 12,17 ; 19,10).
Toutefois, la résistance du monde à l’Évangile implique beaucoup de souffrances, qui correspondent à l’enfantement d’un monde nouveau (Is 13,8 ; Jr 20,7-9 ; Mi 4,9-10 ; Mt 24,8). Les tribulations des témoins ne sont pas des incidents latéraux, mais une participation essentielle et active à la souffrance rédemptrice du Christ, dépouillée de toute prétention messianisante (Lc 9,23-24) ; Ph 2,6-7 ; cf. 2 Co 12,7-10) : les disciples sont invités à suivre le chemin du Christ (Mt 10,24-25 ; Jn 15,20), qui vit en eux (2 Co 1,5 ; Ga 2,20 ; cf. Col 1,24), ce qui doit se manifester dans leur corps (2 Co 4,10). Ainsi, Paul surabonde de joie dans les épreuves (2 Co 7,4).
En grec, « témoin » se dit « martyr », terme qui a pris le sens spécifique de « témoignage du sang » appuyant le témoignage de la foi. Ce sens est attesté dans le NT (Ac 22,15-20 ; Ap 2,13 ; 16,6). Jésus, qui n’a pas résisté au mal (Mt 5,39), est le premier martyr, et l’Église est fondée sur son sang (Jn 12,32). Il reprend délibérément (Lc 9,51) la figure du Serviteur de Yhwh, qui expie pour le péché du peuple (Is 53,5-12 ; Mt 20,28), car le salut est une nouvelle naissance (Jn 3,5-8), par-delà la souffrance et la mort (Mt 26,21 ; Lc 24,26.44), comme en témoignaient déjà les prophètes (Mt 5,12). Sans effusion de sang, il ne peut y avoir d’expiation ni de rédemption (He 9,22).
Jésus manifeste les traits caractéristiques du martyr : réconfort reçu à l’heure de l’angoisse (Lc 22,43), silence et patience devant les accusations et les insultes (Lc 23,9), alors que l’innocence est manifeste (Lc 23,14.22), et enfin le pardon accordé à tous (Lc 23,34 ; cf. Ac 7,60). À la suite de Jésus, le martyre chrétien est une participation à l’œuvre de salut, qui glorifie Dieu (Jn 15,20 ; 21,18-20). Les persécutions qui entourèrent le martyre d’Étienne furent l’occasion d’une croissance de la Parole, c’est-à-dire de l’Église (Ac 11,19). L’Apocalypse est le livre des martyrs, qui ont suivi le Témoin fidèle (Ap 3,14 ; 7,14-17) ; leurs œuvres les accompagnent (Ap 14,13).