ROYAUME, ROI
Jean-Baptiste* annonce que le royaume de Dieu est proche (Mt 3,1). Il baptise en bordure de la Terre* promise, c’est-à-dire du royaume messianique de David*, mais par cette figuration spatiale il annonce une urgence temporelle : animé de la puissance d’Élie* (Lc 1,17), il proclame l’imminence du règne de Dieu, c’est-à-dire le jugement* ultime (Si 48,10 ; Ml 3,23-24).
Dieu règne sur la création (Ps 93,1-2 ; 95,3-10 ; Is 6,5), sur la terre comme au ciel (Ps 11,4 ; 47,3 ; cf. Ex 15,18). Il règne sur toutes les nations* (Jr 10,7-10), et châtiera les idolâtres (Ps 2,1-6 ; Is 14,3-21). Cependant, après la déchéance des origines, d’Adam* à la tour de Babel*, il inaugure une histoire du salut* en vue de rétablir un lien effectif de connaissance* avec l’ensemble de l’humanité (Gn 12,3 ; Is 24,23 ; Za 14,9). Telle est la vocation d’Abraham*, dont la postérité formera le peuple* d’Israël, « royaume de prêtres et nation consacrée » (Ex 19,6), c’est-à-dire médiateur grâce à la Loi* et capable de l’invoquer : c’est le rôle du Temple, lieu que Dieu choisit pour y faire résider son nom* (Dt 12,5 ; cf. Ps 134,3), au centre d’une Terre* promise (Ps 48,3 ; Jr 8,19).
D’Abraham* à Moïse*, la promesse* d’une terre n’est accompagnée d’aucune institution politique (Gn 12,1-3 ; Ex 3,14) ; il y a seulement des juges et des prêtres, interprètes de Dieu (Dt 1,16-18 ; 17,8-13). Le règne de Dieu est implicite dès la conquête de Canaan* (1 S 8,7) : le juge* Gédéon refuse de régner, annonçant le règne de Yahvé sur Israël, en marge de libérateurs occasionnels (Jg 8,23 ; Jn 6,14-15). Partenaire de l’Alliance*, Dieu est représenté comme pasteur* (Ez 34,11-16 ; cf. Jr 23,5-6 ; Jn 10,14) et le peuple* est guidé par une éthique issue de la Loi* : en sens inverse, le péché* a toujours comme source le refus de Dieu, c’est-à-dire l’idolâtrie*.
Alors que les guides du peuple étaient les juges* (Jg 2,18-19 ; He 11,32), sans gouvernement central (cf. Rt 1,1), Abimélek tenta d’établir une royauté à Sichem*, mais elle fut tournée en ridicule (Jg 9,8-20), et échoua ; pour certains, cependant, l’absence de roi aboutissait à l’anarchie (Jg 17,6 ; 18,1 ; 19,1-2 ; 21,25). Plus tard, Israël voulut un roi comme les nations voisines. Samuel*, le dernier des juges, s’y opposait, car le roi, source de tout droit et souvent divinisé, est irresponsable, mais Dieu voulut que le peuple en fasse l’expérience (1 S 8,4-18 ; cf. Mt 20,25-26 ; Mc 10,42-43). Le premier roi, Saül, fut oint comme Messie* (1 S 10,1), puis il fut écarté pour s’être compromis avec Amaleq, l’ennemi absolu (1 S 15,1-23 ; cf. Ex 17,8-16). David* lui succéda (Ac 13,21-22), et grâce à son repentir après son péché (cf. Ps 51,1-3), il devint fils adoptif de Dieu et ancêtre du Messie à venir (2 S 7,14 ; Ps 89,21). Son fils Salomon construisit le Temple* et y inaugura le culte* (1 R 8,14.62-63 ; cf. Ps 110,4), mais malgré sa sagesse* il tomba dans l’idolâtrie (1 R 11,1-8), en dépit des stipulations de la Loi* (Dt 17,14-20) ; il est omis dans l’une des généalogies* de Jésus (Lc 3,31). L’idéal de la royauté est fait de paix* à l’extérieur (Ps 20 ; 21) et de justice* à l’intérieur (Ps 45,4-8 ; Pr 16,12) ; mais malgré quelques exceptions (1 R 22,43 ; 2 R 18,3-7), les abus des rois sont critiqués par les prophètes (Os 3,4-5 ; 8,4). Ils n’hésitent pas à célébrer certains rois étrangers, comme agents providentiels (Is 41,1-4 ; 45,1-6 ; Jr 27). La chute de la monarchie en 587, suivie de l’exil*, fut une humiliation (Ps 89,39-52 ; Lm 4,20 ; ). Après l’exil, le culte* fut rétabli (Esd 3,1-7), mais non la royauté, malgré quelques espoirs (Za 3,8-10 ; 6,9-14) ; le judaïsme* naissant restait soumis à des autorités étrangères (Esd 6,10 ; 1 M 7,33). Toutefois, à la suite de la crise maccabéenne, le grand prêtre Simon parvint à établir un État juif (1 M 14). Au temps de César, les divisions internes suscitent cependant l’intervention puis la domination très ferme de Rome ; c’est alors qu’apparaissent des mouvements messianisants, qui œuvrent pour la délivrance d’Israël (cf. Lc 24,19-21 ; Ac 1,6). Les prophéties sur un futur roi d’Israël (Is 9,1-6) restent très actives ; animé de l’Esprit*, il rétablira un paradis* terrestre (Is 11,1-9 ; cf. 32,1-5) et sera un vrai pasteur* (Ez 45,7-8).
Jésus reçoit l’hommage des mages dès sa naissance (Mt 2,1-6) ; il se reconnaît roi (Jn 1,49 ; 18,37) ; il accepte de se faire acclamer (Mt 21,5 ; cf. Za 9,9), mais il sait que la foule est versatile ; il refuse d’être roi sur terre (Mt 4,8-10 ; Jn 6,15), malgré l’écriteau sur la croix (Jn 19,19-21), qui en fait un roi déchu (Mc 15,18 ; Lc 23,37). Il ne s’élève pas contres les autorités en place, juives ou romaines (Mc 12,13-17 ; Lc 13,31-33). Son royaume vient d’ailleurs (cf. Lc 22,29-30).
À la suite de Jean-Baptiste, Jésus annonce la Bonne Nouvelle* de l’imminence du Royaume des Cieux (Mt 4,23 ; Mc 1,14-15), et en donne des signes, comme l’expulsion des démons* (Mt 12,28), mais ce n’est pas un spectacle à contempler passivement (Mt 12,40) : le Royaume est « à l’intérieur de vous » (Lc 17,21 ; cf. Jn 1,26) ; le reconnaître suppose la conversion*, car il y aura un jugement* . Les disciples sont envoyés l’annoncer (Mt 10,7). Par sa résurrection*, Jésus est exalté à la droite du Père* (Ac 2,30-35 ; cf. Ap 3,21) ; il assume pleinement, tout en le transformant, son titre de Messie fils de David. Son royaume est projeté sur terre par l’Esprit* saint (Jn 16,12-15 ; Ac 1,8) de sorte que le Christ devient l’aîné d’une multitude de frères (Rm 8,29), qui par le baptême* reçoivent la rémission des péchés. Ainsi, le Royaume de Dieu ou la vie* éternelle se trouvent anticipés sur terre, mais la pleine manifestation du Royaume reste l’horizon espéré (Ac 19,8 ; 20,25), lorsque tous les ennemis* seront terrassés (1 Co 15,24-25 ; cf. Ps 110,1).