PROVIDENCE
La notion grecque de providence suppose un cosmos ordonné par un principe impersonnel, le destin ou logos, que l’autorité politique est censée préserver (Ac 24,2). Pour le stoïcisme populaire, la liberté consiste à accepter cet ordre rationnel, qui est peu différent d’une froide prédestination, et à devenir aussi insensible que possible aux aléas de la vie (cf. Qo 1,2-11). Il n’en est pas ainsi dans le monde biblique, car l’homme est associé à la création (Gn 1,27-28), ce que célèbre le sabbat (Dt 5,12-15). De même, Dieu suit pas à pas l’histoire de l’humanité : après les fautes des origines, il est proche de l’histoire de la promesse puis de l’Alliance faites à Abraham (Gn 15,1-18) et renouvelée au peuple élu (Ex 24,1-11). Ainsi, Dieu veille sur ses créatures (Jb 10,12 ; Ps 104,27-28 ; 145,15-16), sur l’ordre du monde (Gn 8,22 ; Ac 14,16-17) ; le soleil et la pluie sont pour tous (Mt 5,45), de sorte que tous peuvent le chercher et le découvrir (Sg 13,6-9 ; Ac 17,24-28 ; cf. Rm 1,20).
Dieu veille sur Abraham (Gn 20,6-7), sur Jacob (Gn 28,15) ; même la vente de Joseph par ses frères est providentielle (Gn 45,8 ; 50,20). La mémoire de ces bienfaits conduit à la confiance et à l’espérance : les fils d’Israël seront nourris au désert (Ex 16,15-18). Cependant, après chaque événement de salut ils recommencent à murmurer (Ex 14,11 ; 16,2-3 ; Nb 14,2-4). Plus tard, sous les Juges, les fils d’Israël tombent régulièrement dans l’idolâtrie, mais Dieu suscite alors une oppression puis un sauveur providentiel (Jg 2,11-19). Depuis Adam les épreuves aboutissent soit à un oubli de Dieu, soit à un sursaut de conversion, lorsque le peuple demande un secours (Nb 21,4-9). L’impiété ne conduit qu’à la mort (Dt 30,15-20 ; Ps 1,6) ; sans Dieu, vaines sont les entreprises humaines (Gn 11,1-9 ; Ps 127,1). Au contraire, la fidélité à Dieu et le refus de le tenter (cf. Ps 95,8-9) donnent l’imagination et le courage utiles pour collaborer au salut (Jdt 8,12-16). Car Dieu reste caché (Is 45,15), et les prophètes n’ont cessé d’affirmer que l’idolâtrie des fils d’Israël, toujours centrée sur des dieux sensibles, ne conduisait qu’à la catastrophe.
Dieu a la maîtrise de la prophétie (Is 44,7) ; il dispose de tout, du bonheur et du malheur (Is 45,7 ; Am 3,6) ; il donne le pouvoir à qui il veut (Jr 27,5-6 ; Jn 19,11 ; Rm 13,1). L’homme propose et Dieu dispose (Pr 16,1 ; 19,21 ; Si 11,14 ; 39,31 ; Rm 9,14-18). Cependant, la perception de la providence n’est pas spontanée (Is 55,8-9) : elle n’est nullement passive, car elle suppose conversion et prière (Ps 65,7-14 ; Mt 6,25-34), pour reconnaître que Dieu est un bon pasteur (Ps 23,1-6 ; Jn 10,11), proche des détails de la vie quotidienne : « Même vos cheveux sont tous comptés » (Mt 10,10). De manière semblable, Paul reconnaît que les difficultés de sa mission en Asie sont providentielles, et le conduisent en Europe (Ac 16,6-10).
Les épreuves de la vie, dont le modèle est la traversée du désert, sont des humiliations pour que l’homme reconnaisse sa dépendance (Dt 8,2-5 ; 2 Co 12,7-9), mais s’il se fie à la providence il ne sera pas tenté au-delà de ses forces (1 Co 10,13). Davantage : certains personnages reçoivent une mission adverse, qui apparaît ensuite comme providentielle : ainsi, c’est Dieu qui endurcit le cœur du Pharaon lors de la sortie d’Égypte (Ex 7,3-5) ; ou encore, c’est Judas qui en livrant Jésus contribue sans le savoir à l’accomplissement des Écritures (Ac 1,16). Paul affirme que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8,28-39). C’est une œuvre de l’Esprit et de la résurrection du Christ. En effet, les disciples de Jésus, qui refusaient l’annonce de la Passion (Mt 16,21-23), ont d’abord été scandalisés par la croix du Christ (Mt 26,31 ; cf. Lc 24,17-21) ; mais c’est ainsi qu’il a manifesté l’amour providentiel du Père (Lc 23,46 ; Jn 20,17).