PAROLE
Dans toute la Bible, Dieu parle aux hommes avec la langue des hommes (Dt 5,24) et leur donne de parler de lui (Is 50,4-5), alors que les idoles sont muettes et rendent muets ceux qui les vénèrent (Ps 115,5 ; Jr 2,5 ; Ba 6,7.49 ; cf. Jb 32,20-22).
Par visions et songes (Nb 12,6) ou par une inspiration intérieure (Jr 1,4), voire par contact direct comme avec Moïse (Nb 12,8), des individus reçoivent depuis Adam des révélations de Dieu pour les transmettre (He 1,1) ; ils en sont envahis (Jr 20,7-9 ; Am 7,15) et les attribuent à l’Esprit. Parfois, cette parole a la forme d’une sagesse qui guide la vie (Pr 8,1-21 ; Sg 7,1-14 ; 2 Tm 3,15-17) ; d’autres fois, elle révèle des secrets divins (Dn 5,11-12 ; cf. Gn 41,15-16 ; Ps 25,14).
La parole révèle et agit. L’Alliance au Sinaï est fondée sur la Loi. Celle-ci encadre les gestes de la vie ; elle a une force qui s’exprime par une mise en scène montrant Dieu parlant directement à tout Israël (Dt 4,12). En outre, l’autorité de la Loi n’est pas anonyme comme un code : Dieu qui la donne est celui qui a libéré les fils d’Israël d’Égypte (Ex 20,2). Il y a donc un dessein de Dieu, qui s’exprime progressivement par des promesses (Gn 15,13-16 ; Ex 3,7-10) et se prolonge dans les prophéties sur les derniers temps. La parole est efficace (Ps 105,31 ; Is 44,7-8 ; Jr 11,5). Le modèle en est la Création « Il dit et cela fut » (Gn 1 ; Ps 33,6-9 ; Sg 9,1 ; Si 42,15 ; Lm 3,37), qui se prolonge dans les lois de la nature (Jb 35 ; Ps 107,25 ; Is 40,26 ; 44,27) ; la parole demeure (Is 40,8 ; cf. Mt 5,18) et maintient en vie ceux qui croient en Dieu (Dt 8,2-3 ; Sg 16,26). En outre, elle réalise le jugement de Dieu, comme une épée (Is 11,4 ; 49,2 ; Os 6,5 ; Sg 18,15 ; Ap 19,11-16).
Les prophètes sont les porte-parole de Dieu, même contre leur gré, comme Jérémie ou Jonas (Jr 1,5-6 ; Jon 1,1-3 ; 3,1-3), qui interviennent face au péché du peuple, rencontrent la contradiction et les persécutions (1 R 19,2-5.14 ; Jr 15,16-18). Cependant, ils savent que c’est providentiel (Is 6,9-10 ; Rm 11,7-10). Ils se sont mis à l’écoute (Is 50,4 ; cf. Jn 3,11) et ont reçu une force (Jr 1,6-10), mais en retour ils sont responsables de leur mission (Ez 3,16-21) ; ils sont à l’occasion accrédités par des miracles, comme lors du sacrifice d’Élie (1 R 18,35-38) ou des signes que fait Élisée (2 R 4,1-6 ; 7,1-2). Comme le rappelle le Shema Israël (« écoute, Israël »), l’ATtitude requise du fidèle est l’écoute, de façon que la parole reçue devienne sa propre langue (Dt 6,4.7 ; Ps 1,2) ; c’est possible, car la parole est proche de l’homme (Dt 30,11-14). De cette manière, la mise en pratique n’est pas superficielle ou hypocrite (cf. Is 1,10-17) mais elle provient du cœur et résulte d’un discernement.
Dans le NT, la parole est aussi une puissance, qui s’exerce même le sabbat (Jn 5,16-17). Marie croit à la parole qui lui est transmise (Lc 1,37-38). Puis Jésus, ayant reçu l’Esprit au baptême de Jean, a l’autorité prophétique (Mt 7,29 ; Mc 1,22) : il actualise la Loi et les Prophètes (Mt 5,17 ; Lc 4,16-22). Il accomplit des guérisons physiques, signes de guérisons spirituelles (Lc 17,16). Il remet les péchés, dont l’expression physique est la paralysie (Mt 9,2-6) ; il loue la foi du centurion, qui à son niveau croit au pouvoir de la parole (Mt 8,5-13) ; il dénonce l’aveuglement (Jn 9,41) et les attitudes hypocrites ou superficielles (Mt 22,20-21 ; Jn 7,24). En fait, Jésus « dit les paroles de Dieu » (Jn 3,34), que le Père lui a enseignées (Jn 8,28 ; 12,50) ; elles sont esprit et vie (Jn 6,63). Il annonce l’imminence du Royaume (Mc 1,14), qui passe par sa propre mort et sa résurrection, ce que les disciples ne comprennent pas (Mt 16,21-23 ; cf. Mc 9,9-10) ; plus généralement, il annonce à Nicodème que l’accès au Royaume nécessite une nouvelle naissance dans l’Esprit, ce qui suppose une certaine forme de mort (Jn 3,5-8).
La parole de Jésus est un événement qui oblige à une décision : l’accepter ou le refuser. Plusieurs paraboles le montrent, quand il insiste sur la nécessité d’écouter en vue d’un discernement (Mt 13,3-9). Comme il s’agit de la vie éternelle, cette parole met en scène un jugement (Mc 8,38 ; Jn 12,48 ; Ap 19,11-13), et en particulier « la chute et le relèvement d’un grand nombre » (Lc 2,34-35). En effet, beaucoup de disciples sont scandalisés (Jn 6,60-62) et même veulent le tuer (Jn 8,31.40). De même plus tard, les apôtres rencontrent de fortes oppositions dans les synagogues (Ac 13,46 ; 18,6-7 ; Ap 1,9-10) ; il y a donc un enjeu grave, lié à l’Écriture. Au contraire, Paul ne rencontre que la dérision lorsqu’il annonce à Athènes la résurrection du Christ hors de tout contexte biblique (Ac 17,32).
Dans l’Église primitive, Pierre, qui a reçu l’Esprit annoncé (Ac 1,7), s’est relevé du scandale de la croix (cf. Lc 22,31-32) et parle avec assurance (Ac 2,14). Il proclame non pas les paroles de Jésus, mais le kérygme, qui est l’annonce de la mort et de la résurrection comme accomplissement des Écritures (Ac 13,26-28 ; cf. 1 Co 15,1-8). Il accomplit des miracles au nom de Jésus (Ac 3,6), ce qui l’accrédite (Ac 4,14 ; cf. Mc 16,20) ; par son autorité, il foudroie Ananie et Saphire, qui voulaient ruser pour de l’argent (Ac 5,1-11). À l’occasion des persécutions, la parole se développe hors de Jérusalem (Ac 8,1 ; 9,31), jusqu’à Antioche (Ac 11,19). Église est le résultat visible de la parole des apôtres (Ac 6,7 ; 19,20), car venant de Dieu elle est vivante et efficace (He 4,12). Jésus-Christ y est présent (Mt 28,20 ; cf. Lc 10,38-42). Cette présence s’exprime aussi dans l’eucharistie (1 Co 11,26-27).
Prononcée avec autorité, la parole produit donc un effet chez l’homme, c’est-à-dire dans son corps : elle s’incarne. À travers l’annonce de l’ange à Marie, Jésus représente le cas extrême de la parole de Dieu qui s’incarne ; le Verbe qui a tout créé se fait chair (Jn 1,1-3.14 ; He 1,1-2). Ensuite, par la proclamation du kérygme, le Fils unique est reconnu comme l’aîné d’une multitude de frères (Jn 20,17 ; Rm 8,29), que le baptême entraîne dans sa résurrection.