MAGIE
Le désir de maîtriser les forces qui le menacent est constant chez l’homme ; il veut croire que c’est une face cachée et rationnelle de la nature. Tel est l’objet de la magie – distincte des mages venus visiter Jésus, qui sont des sages orientaux experts dans la science des astres (Mt 2,1-12).
Dans la Bible, l’art magique (Sg 17,7) est divers : on trouve la divination (Ez 21,26), la sorcellerie (Mi 5,11 ; Na 3,4), la pharmakia (Dt 18,9-12 ; Ap 18,23), les charmes (Qo 10,11 ; Jr 8,17), l’usage de nœuds et de liens (Ez 13,17-23), le « mauvais œil » qui fascine (Sg 4,12). Les fils d’Israël ont été au contact de magiciens et de sorciers égyptiens ou chaldéens (Gn 41,8 ; Ex 7,11 ; Is 47,12-13). La visite angoissée du roi Saül – qui a interdit toute pratique magique – chez la pythonisse d’En-Dor est racontée en détail : il l’oblige à évoquer Samuel, mais celui-ci lui annonce sa mort (1 S 28,3-25).
Le roi Josias a combattu les pratiques magiques entretenues par ses prédécesseurs (2 R 16,3 ; 21,6 ; 23,24). Le thème central est de montrer la supériorité de Yhwh et de sa parole sur les forces que ces rites cherchent à mettre en œuvre. De fait, la Loi interdit toute magie, car ce sont les pratiques des nations de Canaan (Lv 19,26-27) ; les sacrifices d’enfants sont une malédiction (Jos 6,26-27 ; 1 R 16,34) ; les rites d’initiation sont une abomination (Sg 12,3-6).
Tout cela est de l’idolâtrie (Ga 5,20 ; Ap 21,8), et les magiciens sont confondus par la puissance de Yhwh : Joseph en Égypte triomphe des devins (Gn 40,5-8 ; 41,8-13), puis Moïse des magiciens (Ex 7,10-13 ; 9,12-18). Il neutralise la révolte des notables autour de Coré (Nb 16,1-11), comprise comme la séduction d’une fausse vérité (2 Tm 3,8). La malédiction de Balaam est changée par Dieu en bénédiction (Nb 22,31-35 ; cf. 2 P 2,15-16). Daniel confond les sages chaldéens (Dn 2,26-28). De même dans le NT : Simon le magicien est confondu par Pierre (Ac 8,18-24), puis Paul réduit au silence Élymas à Chypre, une pythonisse à Philippes, des exorcistes juifs à Éphèse (Ac 13,6-11 ; 16,16-18 ; 19,13-20).
Car les prophéties et les miracles accompagnés d’une parole remettent Dieu au centre (Dt 18,9-22), au lieu de se borner à expulser dans l’ombre des entités nocives (Dt 12,2-6 ; Is 19,1-3 ; 47,12-13 ; Ez 21,34). La résistance de Jésus aux tentations peut se comprendre aussi comme un refus de la magie, même appuyée sur l’Écriture (Mt 4,6).
Cependant, des éléments d’origine magique ont toujours été utilisés pour trouver ou retrouver une relation vraie à Dieu. Alors que l’usage profane du sang est interdit depuis Noé, car il est la vie (Gn 9,1-7), Moïse fait mettre le sang de l’agneau pascal sur les linteaux en signe de protection (Ex 12,21-23), puis conclut l’Alliance avec du sang (Ex 24,8) ; le prêtre fait pour l’expiation des rites de sang (Lv 17,11), qui couvrent la voix des péchés (Jr 17,1-2). Parfois, un objet devenu magique est détruit, comme le serpent d’airain de Moïse (Nb 21,4-9 ; 2 R 18,5).
Il est prescrit (Dt 6,8-9) de porter sur le front et au bras des « phylactères », proprement « talismans, amulettes » ; un tel geste est magique, mais la nouveauté fondamentale est que ces objets n’ont qu’une fonction de rappel. En effet, ils renferment les paroles de Dieu, qui doivent aussi être inscrites dans le cœur et devenir comme une seconde langue, et qui ne sont nullement des formules obscures (cf. Dt 30,11-14). De même Yhwh, le nom de Dieu, a un pouvoir, mais il est réservé aux prêtres pour la bénédiction (Nb 6,27), et son usage inconsidéré est un blasphème. Sous la forme « Yahou », il finit d’ailleurs par être utilisé en magie, même hors d’Israël. Pour les apôtres, le nom de Jésus paraît doté d’un pouvoir magique (Ac 3,6) qui effraie (Ac 5,12-13), mais ils l’accompagnent de paroles centrées sur l’accomplissement des Écritures par Jésus (Ac 3,12-14). Jésus lui-même avait des pouvoirs de guérisseur, dont il reste des traces par des mots araméens d’aspect mystérieux, mais ceux-ci sont expliqués comme très simples (Mc 5,41 ; 7,34), ce qui recentre l’ATtention sur son autorité, issue de l’Esprit.