FOI
La foi est une notion centrale dans le NT, mais elle se rattache à l’AT par deux thèmes fondamentaux : l’écoute de la parole de Dieu et l’obéissance. En hébreu, le même verbe signifie « écouter » et « obéir ». Au départ, c’est de la rencontre d’un Dieu vivant que naît la certitude de sa fidélité. La foi est « la garantie des biens espérés et la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (He 11,1) ; les grandes figures bibliques l’ATtestent, depuis Abel. La foi d’Abraham est un début absolu (He 11,8-9), et par la foi, tout homme devient fils d’Abraham (Rm 4,18-24 ; Ga 3,7 ; cf. Jn 8,39).
La vocation d’Abraham (Gn 12,1-3) s’exprime par la promesse d’une terre, d’un nom et d’une postérité. Cette bénédiction paraît constamment contredite par les événements, puisqu’il est comme un réfugié qui ne peut se fixer en Canaan (Gn 12,6-9) et que sa femme Sara est stérile. Il n’est nullement un héros, et il a des faiblesses (Gn 12,13 ; 16,6), mais la promesse est ensuite renouvelée, et « en bas crut en Yhwh, qui le lui compta comme justice » (Gn 15,6 ; Rm 4,3-22). « Espérant contre toute espérance », Abraham l’ami de Dieu (Is 41,8) a vu l’amorce de la réalisation de la promesse.
La dimension historique de la promesse et de sa réalisation est exprimée lors de la déclaration prononcée par l’Israélite apportant aux prêtres les prémices de ses récoltes, car c’est le fruit de la bénédiction de la Terre promise (Dt 26,1-11) : « Mon père était un araméen errant […] Yhwh nous a conduits ici. » C’est une confession de foi, où est reconnue l’intervention divine et dont le nœud est la sortie d’Égypte sous la conduite de Moïse, avec l’élection et l’Alliance (Ex 24,7-8). Il en résulte un peuple séparé (Ne 13,2 ; cf. Dt 23,4-6), en prolongement de la Création, laquelle est un acte d’organisation par séparation (Gn 1). Cela conduit à l’idéal lévitique de sainteté (Lv 19,2), qui est fondé sur la séparation entre sacré et profane, entre pur et impur. Le Décalogue (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22), qui est une sorte de concentré du code de l’alliance, commence par une déclaration : « Je suis Yhwh ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. » La reconnaissance de cet événement, qui est commémoré par la Pâque, est le fondement de la foi d’Israël, mais la mémoire des bienfaits de Dieu se heurte souvent aux difficultés du présent : « Si Yhwh est avec nous, d’où vient tout ce qui nous arrive ? Où sont tous ces prodiges que nous racontent nos pères ? » (Jg 6,13 ; Is 53,1).
Aussi la tentation de l’idolâtrie, source de toutes les immoralités, est-elle constante. Elle provient typiquement des femmes étrangères, qui introduisent leurs dieux et leurs coutumes (Nb 25 ; Dt 7,1-3). C’est à cause d’elles que Salomon, malgré toute sa sagesse, sombra dans l’idolâtrie (1 R 11,1-6), et ce fut le début d’un déclin inexorable (Ne 13,25-26). L’idolâtrie provient aussi de la fascination des puissances terrestres (1 M 1,11).
Puisque l’idole est sourde et muette (1 R 18,26-29), elle rend sourd et muet (Ps 115,5-8) ; le culte de soi brouille la parole (Gn 3,10-12 ; 11,1-9). Au contraire, l’Israélite est invité à écouter la parole du Dieu unique, à l’ingérer comme sa propre langue (Dt 6,4-7 ; Ps 1,2), à y trouver ses délices (Ps 119,16), à y puiser une force pour autrui (Is 50,4) ; sinon, les préceptes deviennent un formalisme, hypocrisie que dénoncent les prophètes (1 S 15,22 ; Is 1,11-16 ; Os 6,6 ; Am 5,21 ; Mi 6,5-8). Malgré ces avertissements, l’histoire israélite aboutit à l’exil ; elle est déchue humainement, mais la foi en la fidélité de Dieu, chantée par les Psaumes, maintient un horizon centré sur Jérusalem, qui intègre l’ensemble de l’humanité (Ps 117 ; Za 14,16-21).
Dans les évangiles, la foi est la reconnaissance du pouvoir de Jésus, qui donne le salut (cf. Jn 15,3). Jésus est accrédité par des signes et des prodiges (Ac 2,22), qui toujours mettent en œuvre la parole (cf. Mt 8,3 ; 9,22 ; 15,28 ; Mc 5,36 ; 10,52) : « Va, ta foi t’a sauvé. » Il admire la foi du centurion, qui a expérimenté à son niveau le pouvoir de la parole (Mt 8,8-10) ; il observe la foi de ceux qui par des acrobaties ont porté jusqu’à lui un paralytique (Lc 5,17-26). Il y a cependant des résistances (Mt 13,58p), et Jésus annonce qu’il ne sera donné que le signe de Jonas, ce prophète bougon qui convertit la grande ville païenne (Mt 12,38-41) ; de même, les disciples sont lents à croire (Mt 8,26p ; 17,20), et Pierre ignore ses propres limites (Mt 26,33p).
Mais Jésus annonce qu’il doit partir pour que les disciples reçoivent l’Esprit Saint et croient (Jn 16,7). Il y a donc une coupure : de son vivant, Jésus déclarait n’être venu que pour Israël (Mt 10,6 ; 15,24), et les disciples n’écoutaient pas vraiment l’annonce de la Passion (Mt 16,21-23p ; 17,22-23p ; 20,17-19p) ; plus tard, le ressuscité envoie évangéliser les nations au nom du Père, du Fils et de l’Esprit (Mt 28,19 ; Mc 16,15-16 ; Lc 24,47). Même si certains doutent (Mt 28,17), après la réception de l’Esprit à la Pentecôte les disciples annoncent avec assurance la résurrection du Christ comme accomplissement des Écritures (Ac 2,14).
La foi se transmet (Rm 1,17), car elle naît de l’écoute de la parole d’un autre (Rm 10,17 ; cf. Is 53,1). Cela conduit à l’obéissance (2 Co 10,3-6), laquelle suppose l’humilité (Mt 5,3) et la prière. La Bonne Nouvelle est le kérygme (1 Co 15,3-4) : « Le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures, il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, et il est apparu. » C’est le scandale ou la folie de la croix, celle du Christ (1 Co 1,21-25) comme celle de toute souffrance (Mt 16,24p ; Rm 6,8-11). Et sans l’Écriture, tout cela n’a aucun sens (1 Co 15,1-4 ; He 1,1-2) et prête à la dérision (Ac 17,32) ; la mort a régné depuis Adam, puis la Loi a été donnée pour manifester le péché (Rm 5,14), mais la mort et la résurrection du Christ offrent une réconciliation gratuite. C’est une nouvelle naissance par-delà le jugement ultime (Jn 3,3-18), ou une nouvelle création (2 Co 5,17), qui n’est plus fondée sur une séparation (Ac 10,11-16), mais sur la communion (Ac 2,7-8 ; 10,44-48). Le Christ ressuscité est le premier-né d’une multitude de frères qui reconnaissent un même Père (Jn 20,17 ; Rm 8,15) ; la conséquence visible en est la charité (Jc 2,14 ; cf. 1 Co 13,2 ; 1 Th 1,3).
La communauté des croyants forme l’Église, délimitée par le baptême (Ac 2,38 ; 10,47) et unie par le partage et la fraction du pain (Ac 2,46) ; l’Esprit y suscite différents charismes (1 Co 12,7-9). L’Église est le corps du Christ (Ep 1,18-23 ; Col 1,18) qui proclame sa foi et que persécutait Saul-Paul (Ac 9,4-6). Le croyant est uni au Christ (Jn 3,16-18), mais il est mêlé au monde, d’où des persécutions (Mt 5,11 ; cf. Jr 20,7) et des combats (Ph 1,27). Paul recommande (1 Co 16,13) : « Veillez ! Demeurez fermes dans la foi… soyez forts » (cf. 1 Th 5,8 ; 1 P 5,8-9).