ESPRIT
En hébreu, ruah est d’abord le souffle, d’où le vent sous toutes ses formes (Ex 14,21 ; 1 R 18,45 ; 19,12 ; Is 30,27-33 ; Ez 13,13). C’est aussi l’Esprit de Dieu, qui plane au-dessus du chaos primordial, avant que la Parole de Dieu ne crée un cosmos organisé (Gn 1,2-3).
Le terme « esprit » tend toujours à désigner dans un être animé un élément insaisissable qui le fait vivre (Gn 6,17), qui fonde son identité, mais sur lequel il n’a pas directement prise. Pour l’homme, le souffle est la vie, qui vient de Dieu (Gn 2,7 ; Jb 33,4 ; Ps 104,30) et lui retourne à la mort (Gn 6,3 ; Jb 34,14-15 ; Ps 31,6 ; Qo 12,7 ; Sg 15,9-13 ; Lc 23,46). Le souffle fait de l’homme une âme vivante, et peut exprimer ses émotions (Lc 1,47 ; Jn 11,33 ; 13,21 ; 2 Co 2,13) : la peur (Rm 8,15-16), la servitude (Ex 6,9), la colère (Jg 8,3), la joie (Gn 45,27), la jalousie (Nb 5,14). L’esprit peut être en conflit avec la chair (Mt 26,41 ; Ga 5,17).
Parfois, il s’agit de la domination de l’homme par un esprit pervers, mais il est réputé d’origine divine (1 S 16,14), car il contribue au dessein de Dieu (1 S 19,9 ; 1 R 22,23) : il peut susciter la jalousie (Nb 5,14-30), la haine (Jg 9,23), la prostitution (Os 4,12), l’impureté (Za 13,2). Mais l’homme peut aussi être saisi par un esprit bon, qui vient aussi de Dieu (Is 11,2 ; Ez 36,26-28) : justice (Is 28,6), supplication (Za 12,10). David par son chant dissipait l’esprit mauvais qui troublait le roi Saül (1 S 16,23) ; ce pouvoir d’exorcisme fut ensuite attribué à la cithare et aux psaumes (cf. Ex 15,20 ; 2 R 3,15). Jésus expulse les esprits mauvais (Mt 12,28 ; Mc 1,23-27 ; Lc 4,41), et de même les disciples à sa suite (Mc 6,7 ; 16,17), mais la situation ainsi créée est instable (Mt 12,43-45). Paul parle du discernement des esprits, charisme apparenté à la prophétie (1 Co 2,10-11 ; 12,31).
L’Esprit suscite des juges en cas de crise (Jg 3,10 ; 6,34 ; 11,29 ; 14,6 ; 1 S 11,6). Il se joint à l’onction royale (1 S 10,1 ; 16,13), et animera entièrement le futur fils de David (Is 11,2-9). Il s’exprime typiquement par les prophètes (Ex 15,20 ; Nb 11,24-29 ; 1 S 10,6-10) ; ceux-ci sont sous la « main de Dieu » (Is 8,11 ; Jr 1,9 ; Ez 3,14). Saisi par l’Esprit, le prophète prend le risque de parler, mais c’est grâce à une connaissance de Dieu (Is 11,3), car il sait que ce qu’il annonce n’est pas né en lui (Jr 20,7-9 ; Am 3,8 ; 2 P 1,20-21). De même Jésus, après avoir reçu l’Esprit (Mt 3,16), est entraîné dans un combat (Mt 4,1) dont il sort vainqueur par la Parole de Dieu, puis aussitôt il proclame le Sermon sur la montagne avec autorité (Mt 7,29). L’Esprit donne une assurance pour parler au peuple (Ez 2,1 ; 11,5 ; Ac 2,14) et rendre témoignage à Dieu (Ne 9,30). Ainsi, le « Serviteur de Yhwh » annoncera la justice aux nations (Is 42,1). L’effusion de l’Esprit est comme une Création nouvelle (Ez 37,11-14 ; Jl 3,1-2), l’avènement du droit et de la justice (Is 32,16 ; 59,21), de la fidélité à l’Alliance (Ez 36,27 ; Za 12,10), de la louange (Ps 51,17 ; Ez 39,29). Mais le peuple résiste toujours à l’Esprit, car il croit Dieu éloigné (Is 63,10-19 ; Ac 7,51).
L’esprit del’homme peut être habité par l’Esprit du Christ, qui le renouvelle (Ep 4,23), le rend fils de Dieu (Ga 4,5-6), l’unit à Dieu (1 Co 6,17). L’homme ne peut le saisir (Jn 3,8), et pourtant c’est par l’Esprit qu’il trouve sa pleine identité (Rm 12,3-11 ; 2 Co 6,6), avec une mentalité renouvelée (Ps 104,30 ; cf. Gn 41,38) ; il est alors en état d’ériger la demeure de Dieu (Ex 35,31). Dieu est Esprit, et celui qui « naît de Dieu est esprit » (Jn 3,6), de sorte qu’il peut l’adorer « en esprit et en vérité » (Jn 4,24).
Jean le Baptiste, qui attendait le sauveur ultime (Mt 11,2-3), annonce une manifestation de l’Esprit (Mt 3,11) plus grande que celle qu’ont connue les prophètes (Ac 19,1-2), car il va révéler le Messie promis (Lc 3,22 ; cf. Ps 2,7). Ce sera l’occasion d’une nouvelle naissance dans le feu et l’eau (Jn 3,4-5), qui sont les signes d’une épreuve (2 P 2,4-9). Jésus est le fruit de la promesse que Marie a accueillie dans l’Esprit (Mt 1,20 ; Lc 1,35). Le baptême de Jésus n’est pas à proprement parler une vocation, mais la manifestation de ce qu’il est ; sur lui repose et demeure l’Esprit (Jn 3,34 ; Is 61,1), qui le met en communion avec le Père (Jn 8,29 ; 16,14-17) et lui donne le pouvoir d’opérer signes et miracles (Ac 2,22).
Jésus annonce qu’il doit partir vers son Père pour que l’Esprit vienne sur les disciples (Jn 15,18-21 ; Ac 1,8), comme Paraclet ou défenseur (Jn 14,16), car le monde est hostile à leur témoignage (Mc 13,11 ; Jn 15,18-21 ; cf. Mt 5,11-12 ; Ac 5,41). La Pentecôte consacre la naissance de l’Église par irruption de l’Esprit (Ac 2,38) ; c’est à la fois une communion de tout un peuple (Ac 2,8.42 ; 4,32 ; 1 Co 3,16 ; 12,13 ; Ep 4,3-4), conformément aux prophétie (Is 32,15 ; Jl 3,1-2) et une mission universelle (Ac 2,17 ; 6,7), où les persécutions ne sont pas vaines (Ac 8,1-4).
Pour Paul, l’Esprit est la gloire du Seigneur ressuscité (Rm 1,4 ; 2 Co 3,18) ; le croyant en reçoit le don, qui le fait être « dans le Christ Jésus » (Rm 8,1-16 ; Ga 4,6 ; cf. 1 Co 1,7), et se manifeste par des charismes au service de l’Église (1 Co 12,4-31). La malédiction de la Loi, qui convainc l’homme de péché (cf. Tb 3,1-3), fait place à une miséricorde gratuite. C’est une bénédiction (Rm 7,6 ; Ga 3,13-15 ; 2 Co 3,6), qui fait de l’homme un être spirituel (1 Co 3,1). Par l’Esprit, la menace de la colère divine (Rm 2,9) devient paix et joie (1 Th 1,6 ; Ga 5,22), car le jugement ultime est accompli, signe d’une nouvelle création. Cependant, celle-ci reste inachevée dans le temps présent, et le combat contre la chair continue (2 Co 1,22 ; Ga 5,25 ; Ep 1,14 ; 4,30) jusqu’à l’avènement de l’Agneau (Ap 5,12-14).