BAPTÊME
Au sens propre, le baptême est une immersion dans l’eau. Ses antécédents bibliques mettent en relief un rôle de recréation, par séparation entre le pur, qui représente la vie, le bien ou Dieu, et l’impur, lieu du mal, du désordre et de la mort. L’impur est contagieux, mais le sacré a aussi une force ; les deux sont incompatibles, mais le sacré est plus fort (Is 6,1-5). De même, la petite source qui sortira du futur Temple assainira tout, rendra fertile le désert et la mer Morte (Ez 47,1.8-9) ; Ap 22,2).
La Loi précise le détail des ablutions qui purifient et rendent apte au culte (Nb 19,2-10 ; Dt 23,10-11), ce qui peut aboutir au ritualisme (Mc 7,1-5), si le cœur est ailleurs (Is 29,13). Les prophètes dénoncent le culte purement extérieur (Is 1,10-17) et annoncent une effusion d’eau lavant le péché (Za 13,1), accompagnée du don de l’Esprit (Ez 36,24-28). C’est aussi ce qu’expriment l’eau et le sang qui s’écoulent du côté de Jésus transpercé (Jn 19,34-35), et qui sont intimement unis à l’Esprit (1 Jn 5,6-8).
Avant l’époque de Jésus, il existait en Judée et en Égypte des communautés d’esséniens. C’était un mouvement réformateur juif éloigné du Temple, décrit par Flavius Josèphe et les documents de Qumrân. Il se caractérisait par une initiation baptismale, avec des étapes manifestant les « fruits du repentir » (cf. Mt 3,8) et aboutissant à la réception de l’Esprit. Ces esséniens menaient une vie rigoureuse selon la Loi, et se considéraient comme la véritable Alliance, refondée par des volontaires à partir du désert avec la même référence scripturaire que Jean le Baptiste (Is 40,3). Ils attendaient la venue imminente d’un Messie victorieux du mal. Une fête majeure, la Pentecôte, tombant toujours un dimanche et commémorant le don de la Loi et la conclusion de l’Alliance (Ex 19,3-9), était aussi le jour de l’admission des néophytes ; ceux-ci recevaient l’Esprit (cf. Ac 2,41), qui leur donnait l’autorité requise pour interpréter l’Écriture sans s’abriter derrière des serments (cf. Mt 7,28-29).
Le baptême prêché par Jean est manifestement de même structure, puisqu’il annonce l’imminence du Royaume et invite hors du Temple à la conversion, pour échapper à la colère de Dieu (Lc 3,7-9). C’est un acte public dans lequel on voit une double dimension : d’une part, Jean rassemble tout un peuple au Jourdain (Mt 3,5-6), en insistant sur la pureté morale (Lc 3,10-14), ce qui indique une nouvelle entrée en Terre promise, comme autrefois avec Josué (Jos 4,19-24) et comme plus tard Theudas (cf. Ac 5,36). D’autre part, il forme un groupe limité de disciples qui ont un rite et une prière en commun (Lc 11,1-4 ; Jn 3,25-26) ; parmi eux, certains rejoignent Jésus (Jn 1,35-37). Le lieu où Jean opère est au-delà du Jourdain, ce qui suggère qu’ils sont proches du Royaume, mais qu’ils n’ont pas encore vécu à nouveau la Pâque de l’entrée en Terre promise, déjà réalisée par Josué (Jos 5,10-12 ; cf. Ex 12,25). Plus tard, les disciples de Jésus lui demandent(Mt 26,15) : « Où veux-tu que nous préparions pour que tu manges la Pâque ? » Ils paraissent se mettre à l’écart de la Pâque ultime de Jésus, mais celui-ci les invite fermement.
Le baptême de Jean, donné ou non par Jean lui-même (cf. Lc 3,21), eut une diffusion notable : Jésus le reçut et devint baptiste, ainsi que ses disciples, mais ils eurent plus de succès que Jean (Jn 4,1-2 ; Ac 1,22). Apollos, qui savait « tout sur Jésus », fut baptisé à Alexandrie (Ac 18,24-25), ainsi que douze disciples à Éphèse (Ac 19,1-3). Il s’agit de la mouvance de Jésus, et non de Jean le Baptiste. L’expression « baptême de Jean » désigne le baptême simple, par opposition au baptême au nom de Jésus-Christ ressuscité (Ac 2,38), lequel suppose la réception de l’Esprit par imposition des mains, comme le précise Paul aux disciples d’Éphèse (Ac 19,4-5 ; cf. Ac 13,25-31). Le cas de Philippe, baptisant en Samarie, est particulier : il est plus fort que le magicien Simon, qui ramène tout à lui-même, mais Pierre et Jean viennent confirmer son œuvre, montrant par là qu’elle provient d’un autre (Ac 8,9-25).
Lors de son baptême, Jésus est révélé comme « Agneau de Dieu » et comme Fils de Dieu, ce qui préfigure son baptême dans la mort et la résurrection (Mc 10,38 ; Lc 12,50 ; Jn 20,17). De cette manière, l’eau du baptême change de sens : ce n’est plus une simple purification qui restaure un désordre, mais le signe d’un passage par la mort pour une nouvelle naissance, comme l’explique Jésus à Nicodème (Jn 3,3-9). Il se manifeste alors un salut gratuit : ceux qui acceptent la lumière sont sauvés et deviennent fils de Dieu comme Jésus (Jn 1,9-13), ceux qui la refusent se condamnent eux-mêmes (Jn 3,17-18 ; Ep 5,8-14 ; He 6,4). C’est ainsi que Pierre voit une figure du baptême chrétien dans le Déluge (1 P 3,18-21). Paul interprète de même la traversée de la mer Rouge par les fils d’Israël (1 Co 10,1-2), où les eaux mortelles ont opéré un tri (Ex 14,30-31). Par analogie, le martyre est un baptême (cf. Ap 7,14 ; 12,11). Le cantique de Jonas, qui exprime la délivrance de l’angoisse de la mort (Jon 2,3-7), est utilisé dans la liturgie baptismale
Le baptême implique la foi (Ac 16,30-31), laquelle résulte d’une conversion (Ga 3,26-27). Il unit le baptisé à la mort, à l’ensevelissement et à la résurrection du Christ (Rm 6,3-6 ; 1 Co 1,13 ; Col 2,12). Il est une communion à la Pâque du Christ, dans laquelle est enseveli le « vieil homme » (Col 3,9 ; Ep 4,24) et d’où surgit une créature nouvelle à l’image de Dieu (Rm 6,8-11 ; Ga 6,15). Le baptême est aussi une révélation de la Trinité, ce qui s’exprime par une confession de foi (cf. Mt 28,19).